N°172 / JANVIER 2022 / GRATUIT
ART & CULTURE
Hauts-de-France / Belgique
SOMMAIRE
LM magazine 172 - janvier 2022
Œuvre issue de la série des Wall Drawings de Sol LeWitt, Musée Juif de Bruxelles, vue d’exposition. Photo : Hugard & Vanoverschelde
SPORT
Livres : Emily Ratajkowski, Loïc Artiaga, Laure Flandrin, Frédéric Bories, Éric Henninot
Olympicorama - 14 Détours de piste
Écrans : Belle, Residue, Tromperie, Twist à Bamako, J’étais à la maison, mais...
Fédération française de la lose - 08 Défaite nationale
SPORTFOLIO - 18
Cécile Gariépy & Simon Drouin Les jeux sont défaits
RENCONTRE Vitalic - 28 Rave éveillée
Fabrice Epstein - 50 Le rock à la barre
MUSIQUE – 28
Vitalic, Villagers, Nation of Language, Brussels Jazz Festival, La Femme, We Loft Music, We Will Folk You, Little Simz, Orelsan, Jungle, Sega Bodega, Caribou
CHRONIQUES - 48 Disques : Bonobo, Nell Smith & The Flaming Lips, Stealing Sheep & The Radiophonic Workshop, The Dream Syndicate, Cat Power
EXPOSITION - 66
Sol LeWitt, Lines & Tracks, Cosmos, Expérience Goya, David Hockney, Fernando Botero, Les Louvre de Pablo Picasso, Blake & Mortimer, La Vie matérielle, Brussels Touch, Agenda…
THÉÂTRE & DANSE - 84 Nora Hamzawi, Zaï Zaï, Week-end poil à gratter, Histoires en série, Festival Dire, Gloucester time / Matériau Shakespeare - Richard III, Les Quelqu’uns, La Dame blanche, Le Ciel de Nantes, Snow thérapie, Le Passé, Agenda... LE MOT DE LA FIN – 106 Chris Erickson Pic de chaleur
MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09
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Direction de la publication Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Zoé Van Reckem info@lm-magazine.com Publicité pub@lm-magazine.com
Direction artistique Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com
Couverture Le Ballet à ski © Cécile Gariépy Drôles de sports - curiosités olympiques de Simon Drouin et Cécile Gariépy, éd. La Pastèque cecile-gariepy.com c @cecile.gariepy
Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Tanghe Printing (Comines) Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom on Arts (Bruxelles / Hainaut)
Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Simon Drouin & Cécile Gariépy, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM magazine est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
Championnat d'Europe espoirs de cross 2018 (Pays-Bas), Jimmy Gressier tente un dérapage sur les genoux, mais s'enfonce dans la boue. Le Français prend sa victoire en pleine face.
© Presse sports
interview
Propos recueillis par Julien Damien Photos © DR / fflose.com / Marabout
FÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA LOSE Le sens de la défaite
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit un jour Corneille. Pas mal, mais on préfèrera la devise de la Fédération française de la lose : « À perdre sans panache, on échoue dans l’anonymat ». Depuis 2015, ce site internet recense avec humour les plus belles gamelles du sport hexagonal. Séville 1982 et l'attentat de Schumacher sur Battiston, Knysna 2010 et le bus de la honte, mais aussi les décennies de désillusions à Roland-Garros ou sur le Tour de France... on en passe ! De gaffes monumentales en coups du sort, de dérouillées stratosphériques en regrets éternels, on refait le match avec Antoine Declercq, président et co-fondateur de la FFL, laquelle publie une poilante Bible de la lose du sport français. 8
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Qu’est-ce que la Fédération française de la lose ? Comment est-elle née ? Tout est parti d’un délire entre potes, fans de sport, mais aussi d’un constat : en France on aime bien ressasser nos grandes défaites, plus que nos victoires. On a donc créé cette fédération fictive sur le net en 2015, comme une blague, après avoir vécu de grosses déconvenues en tant que spectateurs. Le but était de digérer avec humour ces échecs qui passent mal. À l’arrivée, on a fait rire un peu plus que nos amis. On a donc épluché tous nos contenus pour réaliser un objet plus noble, d’où ce livre.
Vous dites que la France a toujours eu un rapport spécial à la défaite. En quoi ? Il y a là un côté très romantique. Cyrano de Bergerac reste la pièce la plus populaire en France, soit l’histoire d’un homme qui a à peu près tout raté, notamment séduire Roxane.
« Digérer avec humour les grands échecs. » Mais c’est malgré tout un héros, parce qu’il a du bagout et agit avec panache. De la même manière, les Français adorent les grandes tragédies sportives et les perdants magnifiques. •••
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Quels en seraient les meilleurs ambassadeurs ? Citons bien sûr Raymond Poulidor, l’éternel second. D’ailleurs, il le confiait lui-même : il n’aurait jamais été aussi célébré s’il avait porté le maillot jaune. Mais pour moi, le meilleur exemple reste Laurent Fignon. On l’associe inévitablement à cette défaite pour huit secondes face à Greg LeMond, lors du Tour de France 1989… en occultant le fait qu’il l’a remporté deux fois ! Les Français ne perdent pas plus que les autres, mais ils perdent mieux, selon vous… Oui, j’en suis convaincu. Quand il s’agit de rater une marche, on la loupe vraiment. On ne trébuche pas, on se vautre ! Tenez, cet été
lors de l’Euro, la France n’a pas perdu 1-0 contre la Suisse, non, elle a décidé de mener 3-1, d’avoir le match en poche avant de perdre aux tirs aux buts.
« Les Français adorent les perdants magnifiques. » Elle est parvenue à se saborder de manière élégante et spectaculaire. Il y a une vraie dramaturgie ici. Selon vous, quelles défaites auraient le plus de panache ? Notre parcours en coupe du monde 2010, horrible de A à Z. Bien sûr, beaucoup de sélections ont raté cette compétition avant 10
nous, mais personne ne l’a foirée d’aussi belle manière. Il y a d’abord eu la polémique née de la main de Thierry Henry, qui nous offre la qualification face à l’Irlande. Puis l’insulte d’Anelka, évidemment la grève dans le bus et enfin Raymond Domenech qui refuse de serrer la main du sélectionneur sud-africain à la fin de l’ultime match de poule, sans oublier les excuses improvisées de Ribéry en claquetteschaussettes en direct sur Téléfoot… Bref, c’est un grand classique !
comme le tennis ou le golf. Dans Dragon Ball, les combattants se transforment en "Super Saiyans" lorsqu’ils sont très énervés, et deviennent alors surpuissants avec leurs cheveux jaunes. Ici, c’est exactement l’inverse : la peur de gagner anéantit l'athlète. On se souvient de Paul-Henri Mathieu lors de la coupe Davis 2002. Durant deux sets il marche sur son adversaire, Youzhny, et au moment de conclure il s’effondre pour perdre 6-3, 6-2, 3-6, 5-7, 4-6.
Répertoriez-vous plusieurs types de défaites ? Oui, comme toute forme d’art, elle ne peut se résumer à un seul courant. Il y a d’abord le craquage mental, typique des sports individuels
Vous évoquez aussi la bévue "salvatrice"… Oui, c’est lorsque tout est parfait dans le meilleur des mondes. Trop parfait. Il ou elle décide alors de faire absolument n’importe quoi ••• 11
pour tout gâcher. Le meilleur exemple est bien sûr le coup de boule de Zidane en finale de la coupe du monde 2006, ce coup de folie qui transforme une potentielle victoire en tragédie. Quelles seraient vos défaites de légende ? J’ai beaucoup d’affection pour le France- Bulgarie de 1993, qui nous prive du Mondial aux États-Unis. À vrai dire tout commence dès le match précédent, car les Tricolores avaient besoin d’un petit nul en deux matchs pour se qualifier. Ils commencent par perdre à domicile contre Israël, une équipe qui n’avait pas gagné depuis un an et demi. Avant le match, L’Amérique de Joe Dassin résonnait dans le
Parc des Princes… Cette arrogance rend l’échec encore plus beau. Et puis c’est la catastrophe face à la Bulgarie, un mois plus tard. Emil Kostadinov inscrit deux buts, dont un à la dernière seconde du match… alors qu’il ne devait même pas jouer ! Oui, il n’avait pas son visa et est entré en France en passant par Mulhouse, sachant que la frontière n’était pas bien gardée... Les "loses" de légende sont toujours riches de ce genre d’anecdotes, qui font la grande histoire. C’est comme Poulidor, qui perd le Tour de France en 1964… parce qu’il a oublié d’effectuer un tour supplémentaire sur le vélodrome de Monaco !
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Il y a les équipes, les sportifs, mais aussi les événements. À l’heure où la France prépare les JO de 2024 vous exhumez une drôle d’histoire : celle des JO de Paris de 1900, pas forcément un modèle… Oui, la France a largement dominé la compétition, remportant le plus grand nombre de médailles, mais en creusant un peu on se rend compte que c’était vraiment du grand n’importe quoi !
« On aimerait beaucoup rigoler avec les sportifs. » Déjà, il y avait beaucoup trop de disciplines représentées, 477, et pas forcément toutes indispensables comme le concours de pêche à la ligne ou le tir au canon. L’organisation laissait aussi à désirer. Par exemple lors de la course automobile, tous les pilotes ont été alignés pour excès de vitesse, car personne n’avait cru bon de prévenir la police ! D’ailleurs à l’époque, le public est passé à côté… Oui, car l’Exposition universelle avait lieu en même temps. Il était donc hors de question de lui faire de l’ombre. Énormément de personnes ne seront ainsi pas au courant de la tenue de ces JO, considérés comme un sous-événement. Plus fort, certains participants
Antoine Declercq qui porte la poisse à Tony Estanguet.
l’ignoraient eux-mêmes. Beaucoup de gens sont devenus champions olympiques à Paris sans le savoir. Ce sont principalement des étrangers, qui sont rentrés chez eux après avoir simplement gagné un "tournoi à Paris". Je souhaite donc un peu plus de professionnalisme à l’édition de 2024. Quels sont les souhaits de la FFL ? On aimerait beaucoup rigoler avec les sportifs eux-mêmes, solliciter leur sens de l’autodérision. Un peu à la façon du Marcel d’or, diffusé il y a quelques années sur Canal + et récompensant les plus mauvais footballeurs. Aujourd’hui, c’est plus compliqué à cause de la communication bétonnée des clubs. Il est même devenu plus facile d’interviewer Emmanuel Macron que Kylian Mbappé ! À lire / La Bible de la lose du sport français, par la FFL (préface de Thibaut Pinot), Marabout, 240 p., 29,90€, www.marabout.com > La version longue de cette interview sur lm-magazine.com À visiter / fflose.com 13
Le saut © Heloise Philippe
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OLYMPICORAMA Détours de piste
Les JO comme vous ne les avez jamais vus ! Dans sa nouvelle création, Frédéric Ferrer décortique l'olympisme à sa façon : instructive et décalée. Cet agrégé de géographie devenu auteur, acteur et metteur en scène aborde quelques disciplines phares de la compétition antédiluvienne à travers un cycle de conférences-spectacles dont il a le secret. Si avec tout ça on n’est pas prêts pour 2024… Depuis plus de 15 ans, Frédéric Ferrer brouille la frontière entre spectacle et conférence, propulsant le savoir et la science aux confins de l’absurde. On l’a par exemple suivi dans sa Recherche des canards perdus, où il s'emparait d'une expérience menée par la Nasa, qui lâcha 90 palmipèdes en plastique dans un glacier pour mesurer la vitesse du réchauffement de la planète. On l’a aussi vu tourner en dérision les climato-sceptiques dans Les Vikings et les satellites ou « Une dramaturgie scruter d’autres traces de vie dans le cosmos – Wow !. Aujourd’hui, il du PowerPoint. » s’attaque aux Jeux olympiques. D’ailleurs, « les Grecs les appelaient "olympiakoi agones", que l'on devrait traduire par "agonie olympique", commence-t-il. Personne ne le fait évidemment, parce que ce n'est pas très positif comme discours… ». Le ton est donné : oui, on va apprendre des choses, et surtout s’amuser. Dérapages incontrôlés Comme à son habitude, Frédéric Ferrer se glisse dans la peau du professeur zélé, débordé par ses propres explications. Sur scène, une petite table et un écran où défilent tout un tas de textes, de photos et de schémas alambiqués. Notre pataphysicien expose de très sérieuses recherches lors de cours magistraux glissant magistralement vers la loufoquerie. ••• 15
« C’est une dramaturgie du PowerPoint, résume cet émule de Georges Perec. Mes spectacles prennent la forme de conférences ou de colloques qui se détraquent petit à petit ». Créé à la Villette (désignée site de célébration officielle pour les JO de Paris 2024), Olympicorama s’est étoffé « jusqu’à devenir un feuilleton ». Il s’agit de célébrer l’olympisme en abordant son histoire, ses héros « Des conférences qui se et surtout sa pratique, à travers détraquent petit à petit. » l’étude très détaillée des épreuves iconiques de l’édition estivale – une quinzaine en tout. Lors de chaque spectacle, des athlètes de haut niveau nous font également l’honneur d’une démonstration sur le plateau ! À Maubeuge, le programme est ardu. Durant quatre soirs consécutifs, on s’intéresse au tennis de table (conviant entre deux lifts Mao Zedong et Richard Nixon) mais aussi au 100 mètres, au marathon ou au lancer du disque, découvrant les prémices de cette idée (saugrenue, il faut dire) dans L’Iliade, entre autres détours de piste… Julien Damien Maubeuge, 18 > 21.01, Théâtre le Manège, 20h, 1 spectacle : 9€ • 4 spect. : 20€, lemanege.com Prog / 18.01 : Le disque // 19.01 : Le tennis de table // 20.01 : Le 100 mètres // 21.01 : le marathon
Le disque © Sylvain Larosa
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© Alexandra Waespi
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CÉCILE GARIÉPY et SIMON DROUIN Va y avoir du sport Depuis leur entrée dans l’ère moderne en 1896, les Jeux olympiques ont drainé leur lot d’exploits ou de symboles. Si tout le monde a en mémoire les quatre victoires de Jesse Owens en 1936 à Berlin, comme un doigt d’honneur au nazisme, ou le saut en hauteur dos tourné de Dick Fosbury à Mexico en 1968, qui se souvient des deux médailles d’or du Suédois Oscar Swahn au tir au cerf courant ? Des 43,75 mètres parcourus en lévitation par l’Américain Ricky McCormick sur des skis nautiques ? Dans Drôles de sports, livre documentaire destiné au jeune public (mais pas seulement), l’illustratrice Cécile Gariépy et le journaliste Simon Drouin racontent une histoire parallèle des JO, exhumant des épreuves aussi loufoques que spectaculaires. Méconnues, ces disciplines ont toutes vécu leur petite heure de gloire à la faveur d’une catégorie spéciale, créée en 1912 par le Comité international olympique. Certes, elles n’étaient pour la plupart par inscrites dans les programmes officiels, mais ont ravi les foules avides de sensations fortes. « Ce sont principalement des sports de démonstration dont l’existence même peut surprendre ou prêter à sourire », explique Simon Drouin. Ce journaliste du quotidien montréalais La Presse a couvert dix éditions des JO, depuis ceux de Salt Lake City en 2002, et a toujours aimé les pas de côté. •••
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Pour nourrir ce livre documentaire, il s’est inspiré de quelques ouvrages de référence (comme The Complete Book of the Summer/Winter Olympics de David Wallechinsky) et a épluché les rapports des différentes éditions estivales ou hivernales. « Des chercheurs « Des sports dont m’ont également aidé à démêler le vrai du faux, l’existence même précise-t-il. Je me suis alors rendu compte que l’imagination des humains pour la pratique peut surprendre. » sportive était sans limites, pour le meilleur et pour le pire ! ». En témoigne cette vingtaine de "curiosités olympiques", organisées dès le début du xxe siècle et pour certaines jusqu’en 1992, à Albertville. Dame épique Parmi ces étranges épreuves, citons la course de tandem (« attention de ne pas lever les bras en même temps sur la ligne d’arrivée ! »), la nage sous l’eau avec course d’obstacles qui s’est disputée dans les courants troubles de la Seine, à Paris en 1900 (« je suis curieux de savoir si Michael
Présenté en 1988 aux JO de Calgary puis en 1992 à Albertville, le ballet à ski consistait à effectuer des figures acrobatiques après un grand saut.
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Phelps s’y serait illustré… ») ou la course de traîneau à chiens. « Présenté une seule fois à Lake Placid, en 1932, ce sport a donné lieu à des moments épiques et révélé des personnages plus grands que nature, humains comme canins ! ». À l'instar d'Eva Seeley, qui transporta durant l’épreuve une infirmière « Les athlètes y ont participé avec le plus sur son attelage pour secourir une femme sur le point d’accoucher, dans les mongrand sérieux. » tagnes du New Hampshire… Les musclés À bien y regarder, certaines disciplines semblent tout droit sorties d’une fête de village, comme le jeu de quilles ou le grimper de corde qui vit, en 1904 à Saint-Louis, la victoire de l’Allemand George Eyser. Celle-ci n’a rien d’anodine : l’homme était unijambiste. « Même si certains sports sont assez farfelus, les athlètes y ont participé avec le plus grand sérieux », remarque l’illustratrice Cécile Gariépy. Connue pour son trait ludique et ses compositions emplis de personnages hauts en couleur, •••
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La pelote basque. La balle, très dure, peut voyager à une vitesse supérieure à 300 km/h. Lunettes de protection et casques vivement conseillés !
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Disparue des programmes des JO, la course de tandem est devenue un grand classique des Jeux paralympiques – où l'un des athlètes est voyant, et l'autre pas.
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la Montréalaise s’en est donné à cœur joie pour mettre en images ces performances parfois burlesques. « J’aime illustrer des corps en mouvement, confie-t-elle. J’ai par exemple adoré dessiner le ballet à ski. Cette discipline étant relativement récente, il y a beaucoup de vidéos disponibles sur internet, toutes plus extravagantes les unes que les autres. Ce furent des heures de plaisir à regarder ces chorégraphies ! ». Pigeon olympique Entre détails techniques et anecdotes, Drôles de sports rend ainsi hommage à celles et ceux qui écrivirent dans l’ombre une autre légende olympique. « La colombophilie m’a réellement fascinée. La compétition se déroulait sur une très longue période et il n’y avait pas vraiment moyen de savoir quand ça allait se terminer, s’amuse Cécile Gariépy. Je trouve incroyable que certains puissent mettre autant d’espoir dans leur pigeon ! ». 24
Alors que le surf ou le breakdance figurent au programme des prochains JO de Paris, en 2024, on peut regretter la disparation de certaines compétitions pas si décalées, comme la pelote basque, qui vécut ses dernières joutes à Barcelone en 1992. Simon Drouin, lui, verrait bien la renaissance du pentathlon d’hiver « alliant ski de fond, ski alpin, patinage de vitesse, course à pied et raquette ! ». Et pourquoi pas un peu de pétanque, tant qu’on y est ? Julien Damien
À lire / Drôles de sports. Curiosités olympiques, de Cécile Gariépy et Simon Drouin (La Pastèque), 64 p., 22€, www.lapasteque.com > L’interview de Cécile Gariépy et Simon Drouin sur lm-magazine.com À visiter / www.cecile-gariepy.com, c @ cecile.gariepy
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© Alexandra Waespi
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interview Propos recueillis par Julien Damien Photos © David Hugonot-Petit
VITALIC
Rave éveillée Révélé en 2001 avec l'inusable Poney EP, Pascal Arbez-Nicolas aka Vitalic n'a depuis cessé de surprendre. Du tapageur Rave Age au plus solaire Voyager (son chef-d’œuvre), le Dijonnais distille une techno mutante, mélodieuse et terriblement efficace, au carrefour de l'electroclash et de l'hédonisme disco. Une science du crescendo imparable servant des morceaux qui frappent pile entre la tête et les jambes. Figure de proue de la scène électronique française, le patron du label Citizen Records célèbre ses 20 ans de carrière et la sortie de Dissidænce, cinquième album scindé en deux parties. Entretien avec un producteur inspiré, où il sera question de BPM, de plages de synthé, de Daft Punk mais aussi de colère... Rêvais-tu d’un tel parcours lorsque tu as débuté ? Non, c'était surtout un hobby au départ, à côté des études. Une carrière dans la musique me semblait très peu probable, surtout depuis ma campagne bourguignonne. Mais j'ai toujours voulu composer.
« Pas question de mentir pour suivre une mode. » Gamin, j'écoutais beaucoup de disco, d'italo disco, Giorgio Moroder par exemple. Des trucs plus
atmosphériques aussi comme Jean-Michel Jarre. À l'adolescence, j'ai commencé à sortir et à m'intéresser à la techno mais au milieu des années 1990 je n'y ai plus trouvé mon compte. Tous les disques se ressemblaient, c'était de l'acid à tous les étages... Et puis un jour j'assiste à un concert de Daft Punk à l'An-fer, un club de Dijon. J'ai reçu ce mélange de rock, de pop et de techno comme une claque, un "flash". Dans la foulée, j'ai acheté un peu de matos et tenté ma chance... ••• 29
Comment définir ton style ? C'est un mélange entre la techno, le disco et le rock, en particulier son énergie punk. Je tourne toujours autour de ces trois esthétiques mais en variant les dosages. Selon les époques, certaines ressortent plus que d'autres. Sur OK Cowboy, mon premier album, le rock et l'electropunk prenaient le dessus.
« Mes disques ne se limitent pas au dancefloor. » Le deuxième disque, Flashmob, était clairement disco, le troisième carrément rave (Rave Age) et Voyager de nouveau disco, mais d'une autre façon. Aujourd'hui, je suis revenu à un son assez froid, une techno plus industrielle. Peux-tu nous parler de ton dernier album, Dissidænce ? Il est assez hybride, synthétisant mes 20 ans de carrière. Je voulais montrer tout ce dont j'étais capable mais en évitant l'écueil de l'auto-hommage. Et puis, je me suis rendu compte que le disque reflétait aussi notre époque : il exprime beaucoup de frustration, voire de colère comme dans Rave Against The System, composé avec Kiddy Smile. Les morceaux ne sont pas intitulés Pandémie, Confinement ou Virus mais évoquent l'isolement, une période durant laquelle
les relations amoureuses sont devenues impossibles et le simple fait de danser illégal... À quel point l'actualité imprègne-t-elle ta musique ? Depuis quelques temps l'époque est tout de même très tendue socialement, très polarisée, avec ses théories du complot ou ses fake news... On dit parfois que les années 1990 étaient sombres, mais notre période l'est beaucoup plus. En 2017 j'ai publié Voyager, un album assez solaire. Je venais d'avoir 40 ans et menais alors une vie douce à Paris. Quatre ans après, mon regard à totalement changé... Il y a un monde entre ces deux albums ! L'épisode 2, prévu fin février, sera encore plus noir. Ça sera peut-être une douche froide pour certains mais je ne compose pas pour faire plaisir aux gens. Audelà du succès, je souhaite d'abord communiquer ce que je ressens. Pas question de mentir pour suivre une mode musicale. En cela, je me rapproche plus d'un écrivain que d'un producteur. À quoi peut-on s'attendre avec cet épisode 2 ? C'est un jumeau maléfique de l'épisode 1. Il manifeste le même énervement mais avec un angle d'approche différent. Les morceaux sont plus longs, plus expérimentaux et moins pop. 30
Sombres aussi... L’un d’eux rappelle par exemple que la lumière est au bout du tunnel… mais c’est celle d'un train ! (rires). Bon, cette noirceur est peut-être influencée par mon enfermement toute la semaine, de 7 h du matin jusqu'à minuit, dans un studio situé sous mon appartement, sans fenêtre... Au bout d'un moment, cela joue sans doute sur mon humeur ! Au-delà de ce constat, le clubbing est aussi affaire de sensations, non ? Pas seulement en ce qui me concerne. Mes disques ne se
limitent pas au dancefloor, ils affichent toujours des plages expérimentales et mélodiques. Je sais que c'est un peu anachronique, mais j'essaie encore de produire des albums, à l'ancienne. Lille, 22.01, Zénith, 20h, 45/39€ www.zenithdelille.com Bruxelles, 11.02, Ancienne Belgique, complet !, abconcerts.be À écouter / Dissidænce. Episode 1 (Citizen Records / Clivage Music) À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com
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VILLAGERS
© Rich Gilligan
À écouter / Villagers Fever Dreams (Domino)
Le seigneur des agneaux Après le sacro-saint "album de la maturité", voici le temps de "l’album du confinement", étape inévitable dans la carrière d’un musicien de ce début de siècle. Dans son appartement dublinois, Conor O’Brien a fabriqué bien mieux que du pain : il a confectionné de nouvelles chansons subtilement alvéolées. Le temps joue en faveur de Conor O’Brien, 37 ans dont 13 à la tête de Villagers, fantastique incarnation d’un folk irlandais revigoré et comme assagi. Becoming a Jackal, premier album sorti en 2010, froissait avec application et candeur la tradition celte et son cortège de fiddle, de bodhrán et de chocs entre chopes de bières. Ce premier essai au songwriting sophistiqué et aux harmonies vertigineuses lançait vers le continent le jeune Conor en émissaire "hobbitesque" des vertes prairies d’Irlande. Cette tournée initiatique inspira notre homme qui revint avec le bien nommé Awayland, deuxième disque frappé du goût de l’ailleurs. Après deux autres essais, élargissant encore son horizon, le frêle esquif Villagers a profité du ralentissement de la planète, début 2020, pour peaufiner longuement les dix titres de Fever Dreams, publié en août dernier. La fièvre du Covid et l’allongement des heures ont été de bon augure pour ce cinquième opus. O’Brien s’y permet des audaces psychédéliques, instrumentales et chorales, amplifiant les contours d’une musique arrivée à pleine maturation. Pas de doute : ce cru irlandais vieillit merveilleusement bien. Mathieu Dauchy 32
© Kevin Condon
NATION OF LANGUAGE Sans contrefaçon
Vous connaissez New Order ? Eux aussi. Mauvaise langue, on aurait pu s'arrêter là – et on n'aurait même pas été insultant, juste un peu fainéant. Ce que n'est pas Nation of Language. Oh, certes, ces Américains ont pompé sans vergogne le son créé par la bande de Peter Hook. Mais ils le firent avec une telle ingéniosité et une telle ferveur qu'on leur pardonne allègrement. Proche des Strokes (le chanteur Ian Devaney tient le micro de Machinegum, récréation pour le batteur Fabrizio Moretti, qui file parfois un coup de main à Nation of Language…vous suivez ?) le trio de Brooklyn jongle avec les références européennes 80's, piochant également chez OMD et Depeche Mode. Cependant, un deuxième essai paru en décembre dernier élargit la palette sonore du groupe, furetant chez les parrains Neu !, entre autres. Sur scène, armés d'une guitare, d'une basse, d'un Moog et de pas mal d'effets, les trois musiciens sautillent moins que Bernard Sumner, mais offrent du relief à des chansons solides. Répétons-le : oui, il y a beaucoup de New Order dans Nation of Language. Mais avez-vous écouté Be A Rebel, dernier single en date des À écouter / Nation of Language Mancuniens ? Alors nous sommes d'accord : parfois, on A Way Forward (PIAS) préfère une bonne copie à l'original. Thibaut Allemand 34
Jean-Paul Estievenart © Johan Jacobs
* sous réserve des conditions sanitaires
BRUSSELS JAZZ FESTIVAL
Les heures bleues Après une édition 2021 forcément chamboulée, le Brussels Jazz Festival espère un retour à la normale – enfin, si l'on peut utiliser l'expression lorsqu'il s'agit de jazz, haut lieu d'expérimentations et d'hybridations en tous genres ! Au milieu d'une affiche aussi pléthorique que prometteuse, la sélection est ardue. Voici tout de même notre quarté gagnant. Thibaut Allemand
© DR
KAMAAL WILLIAMS Pour Henry Wu, alias Kamaal Williams, le jazz n'a rien de feutré. Au contraire : depuis ses débuts, au sein du regretté tandem Yussef Kamaal (avec Yussef Dayes), puis en solo depuis quatre ans, le Britannique frotte ses notes jazz funk aux dérapages jungle, garage ou dubstep – jetez donc une oreille à son remarquable DJ-Kicks. Ce syncrétisme allie la sueur des clubs londoniens à la folie free, les rues de Brixton aux envolées hard bop. Bref, à travers ses prestations surréelles et son label (l'incontournable Black Focus Records), Kamaal Williams projette son savoir-faire jazz dans l'atmosphère enfumée et électrique de la capitale anglaise. 15.01, 21h, 23/21€ 36
© Joe Magowan
© Francesco Scarponi
AVISHAI COHEN & YONATHAN AVISHAI Non, on n'alignera pas les clichés évoquant une rencontre exceptionnelle et au sommet : ces deux là jouent ensemble depuis si longtemps… C'est simple : à entendre ce trompettiste et ce pianiste, on jurerait qu'ils ont grandi dans le même foyer – en témoigne l'album Playing The Room, chez l’insigne maison ECM. Alors, c'est peut-être pour cette entente insensée, pour cet accord parfait, pour cette harmonie de tous les diables que ce concert sera, une fois encore, une rencontre exceptionnelle et au sommet. 19.01, 21h, 23/21€
EMMA-JEAN THACKRAY Son deuxième LP, Yellow, paru l'été dernier, impressionna chacun et mit tout le monde d'accord : EmmaJean Thackray y marie dans un même mouvement jazz, funk, soul, hip-hop, psychédélisme et electro. L'Anglaise allie les hallucinations solaires de Brian Wilson, les embardées expérimentales de Sun Ra et la virtuosité d'un J. Dilla. La multiinstrumentiste avait enregistré ce disque seul, dans son appartement londonien. Sur scène, celle qui a débuté dans un brass-band s'entoure d'un trio afin de donner corps à ses visions soniques. Immanquable ! 15.01, 19h30, 16>12€
JEAN-PAUL ESTIÉVENART INTERNATIONAL QUINTET Figure du jazz belge (la liste de ses collaborations est longue comme un jour sans frites) Jean-Paul Estiévenart s'inscrit dans les pas de Roy Hargrove, Freddie Hubbard ou Woody Shaw (avec lequel il a travaillé, justement). Le trompettiste courtisé se voit ici offrir la chance de monter un groupe pour ce concert en résidence : Chris Potter (saxo), Clemens van der Feen et Jeff Ballard (basse), Bram de Looze (piano). Évidemment, le répertoire est inédit et (qui sait ?) seulement destiné à ce concert. Unique, dans tous les sens du terme. 21.01, 21h, 26 > 21€ * Bruxelles, 13 > 22.01, Flagey, 1 concert : 41€ > gratuit • pass 3 concerts : 30€, www.flagey.be Sélection / 13.01 : Bill Frisell Trio & Brussels Philharmonic... // 14.01 : GingerBlackGinger, Matthew Halsall... // 15.01 : Emma-Jean Thackray, Kamaal Williams, Chelsea Carmichael // 16.01 : Focus on Aspen Label, J.P. Estiévenart, Marcel Ponseele & Il Gardellino feat. Anthony Romaniuk // 18.01 : Grégoire Mare... // 19.01 : Avishai Cohen & Yonathan Avishai, Deus Ex Machina // 20.01 : Muriel Grossmann Quartet, Jakob Bro, Jorge Rossy & Arve Henriksen... // 21.01 : Tania Giannouli Trio, J.P. Estiévenart Int. Quintet, Don Kapot // 22.01 : Bokani Dyer + The Brother Moves On... 37
© Oriane Robaldo
LA FEMME Freak show
Entre pop pascalienne et western disco-spaghetti, mélodies yéyé et opéra-reggaeton, explosion de cuivres et banjo épileptique, La Femme agglomère un peu tout et n'importe quoi, mais jamais n'importe comment. Partant du principe que tous les grands styles ont déjà été créés, Sacha Got et Marlon Magnée s'amusent à les détricoter, les malaxer pour mieux les projeter dans un cabaret de curiosités tourneboulant. Bien plus qu'un joyeux bazar, le duo produit une musique monstrueuse, au sens le plus littéral : hybride, étrange. Donc excitante. Depuis Psycho Tropical Berlin (2013), les francs-tireurs basques composent des chansons où l'on rit, danse et pleure – parfois en même temps. Ainsi sortait au printemps dernier le bien-nommé Paradigmes, troisième disque impeccable qui n'a certes pas annoncé de jours meilleurs, mais les a nimbés d'une atmosphère baroque et mystérieuse. Celle-ci fut prolongée en octobre par une réédition bourrée d'inédits, un film délicieusement rétro regroupant les 16 clips de l'album, et désormais cette tournée. Car c'est bien sur scène que toute la magie de La Femme opère. De quoi remettre la fête dans le bon sens ? Sans aucun doute ! Julien Damien Lille, 26.01, L'Aéronef, 20h, 29,50€, aeronef.fr Bruxelles, 20.03, Ancienne Belgique, 20h, 29/28€, www.abconcerts.be 38
WE WILL FOLK YOU
Peter Von Poehl © Estelle Hanania
Dunkerque, 21.01 > 05.02, Les 4Ecluses, le Bateau Feu & Chapelle Notre-Dame-desDunes, 13€ > gratuit (abonnés), 4ecluses.com Sélection / 21.01 : Lonny + Bali Dou // 22.01 : Peter Von Poehl + Richard Allen // 26.01 : Katy J Pearson + Moma Elle // 27.01 : Francis Lung + Blumi // 29.01 : Piers Faccini // 02.02 : Chris Garneau // 05.02 : Anna B Savage + Joni Île
WE LOFT MUSIC La Cave aux Poètes pousse les portes de lieux emblématiques roubaisiens – sans aucun Stéphane Bern à l'horizon. Durant trois week-ends, la plus petite des grandes salles propose une visite dénuée de grandes tirades sur le glorieux passé industriel. Ici, on profite plutôt d’instants musicaux habilement disséminés dans une dizaine de lieux patrimoniaux ou insolites : l’ancienne Banque de France, un temple protestant, l'hôtel de ville... jusqu’aux lofts de particuliers ! Pour cette troisième édition, les guides ont été triés sur le volet : le divin pianiste Chassol reprend son majestueux Indiamore, Mademoiselle K fait trembler le Non-Lieu et Peter Von Poehl tutoie le sacré au temple protestant. M.D.
Chassol © Flavien Prioreau
Revenu en grâce à la fin du siècle dernier (la crainte, sans doute, du bug de l'an 2000 et de la panne géante d'électricité), le folk et ses succédanés font désormais partie du paysage. À l'inverse du renouveau des sixties, cette musique-là ne raconte pas tout le temps des histoires ancestrales, ne dénonce pas forcément les injustices et ne descend pas toujours des Appalaches. Mais s'avère réconfortante, et parfois étonnante. Ainsi, l'institution dunkerquoise convie quelques figures telles Chris Garneau (au piano et chez l'habitant) ou Peter Von Poehl (dans la chapelle NotreDame-des-Dunes). On attend aussi beaucoup de la pop acoustique de Francis Lung ou encore de la Lilloise Joni Île, aperçue sur le premier 45 tours de Pauvre Glenda – un nom à suivre. T.A.
Roubaix, 15 > 30.01, La Cave aux Poètes et divers lieux, 1 concert : 24> 6€ pass 1 jour : 21 > 15€, caveauxpoetes.com Sélection / 15.01 : Béesau, Terrier, Chassol 16.01 : Thibaud Defever, Tony Melvil // 21.01 : Peter Von Poehl // 22.01 : Ussar, Da Silva 23.01 : Accidente, Mademoiselle K // 27.01 : Oscar les vacances // 28.01 : Alban Claudin 29.01 : Oscar les vacances, Barcella 30.01 : Tempo Drama, Makoto San... 39
LITTLE SIMZ
© DR
À écouter / Little Simz, Sometimes I Might Be Introvert (AWAL)
Grime organisé
Little Simz reprend le flambeau du rap britannique là où Roots Manuva et The Streets l'ont déposé. Forte de son indépendance têtue et d'une inspiration sans faille, Simbiatu Abisola Abiola Ajikawo (pour l’état civil) pourrait bien le mener beaucoup plus loin que ses glorieux prédécesseurs. Élevée par une mère éducatrice spécialisée dans le quartier d'Islington (qui jadis hébergea Karl Marx, Lénine ou George Orwell), cette Anglaise a déjà signé quatre albums, tous édités via son propre label, Age 101 Music. La Londonienne a de l'expérience, puisqu'elle a commencé à rapper à l'âge canonique de… neuf ans. Près de 20 ans plus tard, son nom s'est imposé. Doucement. Tranquillement. À l'inverse de son flow donc, revêche et volontiers mitraillette. Son dernier LP, Sometimes I Might Be Introvert, laissait présager d'un disque plus intime, empli de mal-être et de doute. Oui, il y a de ça… Toutefois, il révèle aussi une puissance de feu impressionnante. Sa force ? Elle ne se cantonne pas au savoir-faire anglais (en gros, UK Bass et grime) mais s'empare de toutes les musiques noires. Produit par Inflo (un collègue de Michael Kiwanuka, Adele, Jungle ou… Belle and Sebastian), cet album possède parfois l'ampleur du Lemonade (2016) de Beyoncé. Alors certes, Jay-Z ne tarit pas d'éloges sur Little Simz, mais on peut toujours courir avant de la voir entamer des chorégraphies millimétrées. Bien que comédienne à ses heures (la série Top Boy), elle conserve du rap une approche réaliste et terre-à-terre – ce qui ne l'empêche pas d'atteindre les sommets. Thibaut Allemand 40
ORELSAN
Lille, 20.01, Le Zénith, 20h, 65 > 50€, complet !, www.zenithdelille.com Amiens, 21.01, Le Zénith, 20h, 65 > 50€, complet !, www.zenith-amiens.fr Bruxelles, 25.03, Palais 12, complet !, www.palais12.com
© DR
Remise à flow
pêle-mêle
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Né à Alençon, grandi à Caen, Aurélien Cotentin fut d'abord ce gamin un peu paumé, comme il en existe tant d'autres dans cette France dite "périphérique". Révélé en 2009 avec Perdu d'avance et son autodérision, le rappeur inscrivait dès lors le Calvados sur la carte mondiale du rap. Après La Fête est finie, écoulé à plus d’un million d’exemplaires, le presque quadragénaire publie son quatrième album, Civilisation, un disque plus politique (à l'image du titre L'Odeur de l'essence) accompagné d'une tournée qui s'annonce déjà dantesque. Simple, basique.
FLOWréPalOistPeUetLAdeIRs Etextes ancrés danslale"loquseo-"
nctifiant sé un style plus ent classe », sa t Orelsan a impo ne moyennem en évoque le néan oy Il m u. e ilie ss m cla tidien de la « rigueur dans le sées de ro de ar p tri ing go rk l'e pa nt de soirées à contre-coura ec les filles, les ses râteaux av astique... pl en lle ei ut social, l'ennui, bo e élangé dans un whisky-coca m
FAST-FOOD AND FURIOUS
Avant de remplir les Zénith de France et de Navarre, Orelsan a exercé moult petits boulots, fut éboueur, veilleur de nuit dans un hôtel... À en croire Gringe, il aurait aussi raté une belle carrière dans la restauration rapide. « Je crois que c’est le seul mec à avoir réussi à se faire virer de chez Quick pendant une période d’essai », raconte son vieux pote.
ÉCRAN LARGE
aussi un sacré acteur. Dès 2013, Derrière son allure nonchalante, Orelsan est Assal. Deux ans plus tard, il est El lf il figure au casting du film Les Gars d’Ado ent c'est loin, avant de squatComm de rète interp et ateur scénariste, réalis Kyan Khojandi. Dans Montre de és Bloqu ter les audiences de Canal + avec son frère Clément, le rappar é réalis e entair docum nne, perso à ça jamais son meilleur rôle : le sien. dans rs toujou n, l'écra fois peur crève une nouvelle
SACRÉS POTOS
Orelsan compte quelques collabora tions prestigieuses : avec Stromae par exemple, Ibeyi ou plus récemme nt... The Neptunes, le duo formé par Chad Hugo et Pharrell Williams, avec qui il signe le titre Dernier verre. Aujo urd'hui, il rêve d'un featuring avec Eminem.. .
ORELSAN ET LA CHOCOLATERIE
d'or à Willy Wonka, cachant Futé, le Normand a piqué le concept du ticket e donnant accès à ses sésam un album r dernie son de ns dans cinq éditio de commerce ne fut école en ge passa son concerts... à vie ! Comme quoi, . inutile fait à pas tout
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Priya Ragu Damnshestamil (Warner)
JUNGLE
© Anna Victoria Best
À écouter / Jungle Loving in Stereo (Caiola Records)
L'esprit collectif En 2022, on peut craindre que le Brexit et le coronavirus continueront à jouer les garde-frontières zélés, nous empêchant de profiter de ce que le Royaume-Uni a de meilleur. Sans aucun test PCR, l’album de Jungle a su se frayer un chemin jusqu’à nous. Espérons qu’il nous parvienne au plus vite dans sa version scénique. Nous le rappelions dans ces colonnes au moment de la parution de Loving in Stereo, Jungle est le projet des deux rusés producteurs Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland qui, dès le départ, ont choisi de s’effacer derrière la luxuriance du collectif. Soit une meute de musiciens et de danseurs habilement mis en scène dans des vidéos aux chorégraphies léchées. Cet amalgame de talents prend toute sa substance en concert. Point de praticable esseulé au milieu d’un large plateau sur lequel se tiendraient deux beatmakers en plein egotrip ici. Plutôt un équipage qui occupe toute la largeur de la scène. En mai, le cadre monumental de Forest National ne sera donc pas disproportionné pour les élans groovy des Britanniques. On peut s’attendre à une restitution in extenso d'un vaste panorama initié en 2014, soit une soul pleine d’allant, saupoudrée d’euphorie disco et d'accents hip-hop. Pour cette tournée un brin retardée, les Londoniens ont convié Priya Ragu. La Zurichoise s’est révélée avec une pop cosmopolite (entre percussions indiennes, rap et rythmes caribéens) et le titre magnétique Good Love 2.0 playlistée dans FIFA 21. En attendant des jours meilleurs, on se repassera en boucle son album, Damnshestamil, très bon remède contre la morosité. Mathieu Dauchy Bruxelles, 31.05, Forest National, 20h, 35€, forest-national.be (report du 29.01)
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S'il y a un type, au Royaume-Uni, qui se fiche totalement du Brexit, c'est bien Sega Bodega. Né à Galway (Irlande) de parents espagnols, Salvador Navarrete a fait ses armes musicales à Glasgow avant de devenir une valeur sûre de la scène londonienne – quelle scène, au juste ? Eh bien la sienne pardi ! Il faut dire qu'avec des titres empruntant autant à la K-Pop qu'à la UK Bass, au R&B qu'au hip-hop déstructuré façon Coucou Chloé (sa comparse sur le label NUXXE) Sega reste difficile à cataloguer. Alors, si vraiment filiation il faut établir, on pourrait citer la regrettée Sophie, totem du label PC Music – pas une petite référence, non. T.A.
© DR
SEGA BODEGA
Bruxelles, 24.01, Botanique, 19h30, 20,50 > 14,50€, www.botanique.be Paris, 26.01, Le Petit Bain, complet !, petitbain.org * sous réserve des conditions sanitaires
© Thomas Neukum
CARIBOU Voici bientôt 20 ans que Dan Snaith promène sa dégaine de professeur d'histoire-géo sur les scènes du monde occidental, les éclaboussant d'une électro nimbée de mélodies douces et aquatiques. Quelques vieux grincheux demeurent nostalgiques d'Up In Flames, son chef-d’œuvre, paru en 2003 sous l'alias Manitoba. Mais ces mêmes râleurs finissent par se laisser bercer par cette pop synthétique, capable de retourner un club ou d'ambiancer un cocktail chic. T.A. Bruxelles, 31.01, Ancienne Belgique, 20h, complet ! Lille, 18.03, L'Aéronef, 20h, 28 > 20€, aeronef.fr 46
disques Bonobo Fragments (Ninja Tune) Figure de proue du style "downtempo", Simon Green aka Bonobo n’avait plus donné de nouvelles depuis Migration, paru il y a cinq ans. Privé de scène, le Britannique s’est remis derrière ses machines pour publier un septième album, sans doute le plus abouti. Il y a du Burial (Closer) et du Four Tet dans cette electro orchestrale bardée de chœurs et de cordes (la harpe de Lara Somogyi dans Tides). Le natif de Brighton exilé à Los Angeles synthétise dans un geste érudit et généreux tout ce que la perfide Albion a apporté de mieux au dancefloor ces 30 dernières années (la base jungle de Sapien ou les infiltrations rave dans Otomo) tout en appuyant quelques clins d’œil à la house de Chicago (Rosewood). Familier des collaborations, Bonobo ouvre également son jeu en conviant des pointures soul comme Kadhja Bonet, Jamila Woods ou le Néo-Zélandais Jordan Rakei (auteur avec What We Call Life d’un des plus beaux albums de l’année 2021, soit dit en passant). Si Fragments augure un potentiel hautement explosif sur scène, ces compositions introspectives et mélancoliques (Counterpart, l’un des sommets du disque) constituent aussi la BO d’un road-trip mental dont on ne reviendra pas de sitôt. Julien Damien
Nell Smith & The Flaming Lips Where the Viaduct Looms (Bella Union) On commence par se méfier. Les chansons de Nick Cave, taillées comme un costume noir pour son imposante stature, reprises par une jeune artiste de quatorze ans ? Derrière la chanteuse nommée Nell Smith, un groupe, The Flaming Lips, capables du meilleur régulièrement et parfois du très déroutant. Dès Girl in Amber, c’est la divine surprise : l’interprétation offre un regard frais sur la profonde beauté de ces morceaux, et les orchestrations scintillent avec élégance. Si les effets sont parfois appuyés, le choix ménage autant les grands classiques (The Ship Song, sublime) que les titres moins connus (l’épique et bouleversant O Children). Et témoigne autant de la grandeur du songbook "Caverneux" que du talent de Nell, qu’on se promet de suivre de très près. Rémi Boiteux 48
Stealing Sheep & The Radiophonic Workshop La Planète
Sauvage (Fire Records)
À l'origine, un dessin animé signé René Laloux en 1973. Une œuvre où les humains sont devenus animaux de compagnie d'extra-terrestres gigantesques. La musique d'Alain Goraguer (arrangeur pour le jeune Gainsbourg et, surtout, monument de la BO qualité France) conférait une redoutable étrangeté à ce film marquant. Ici, les trois Anglaises de Stealing Sheep (pourvoyeuses depuis une décennie de disques kraut-folk psychédéliques de très bon aloi) s'associent au Radiophonic Workshop (l'équivalent britannique de notre GRM, en plus pop) pour réinventer sa bande-son. Ambient lancinante, synth pop flippante et bribes de mélodies mutantes : cette bande vraiment originale se marie à merveille à la dystopie imaginée voici près d'un demi-siècle. Thibaut Allemand
The Dream Syndicate What can I say? no regrets... Out of the Grey + Live, Demos & Outtakes (Fire Records)
Où l'on reparle du Paisley Underground, mouvement informel né sur la côte Ouest des USA à l'orée des 80's – une rencontre rêvée entre Love, The Byrds, le Velvet et l'énergie punk, dirent certains. Une étiquette accolée à des formations aussi différentes que Green on Red, Opal, The Long Ryders, The Bangles (eh oui) ou, donc, The Dream Syndicate, dont le troisième LP se voit joliment réédité – trois CD, une avalanche de demos, live, etc. L'occasion de redécouvrir ce disque initialement paru en 1986, mal-aimé par les fans de la première heure (trop propre, trop poli) mais qui recèle pourtant quelques merveilles signées Steve Wynn. Passé ce demi-échec, le groupe se sépara trois ans après, pour se reformer plus tard. Sans rien perdre de son talent. Thibaut Allemand
Cat Power Covers (Domino) Cat Power, c’est d’abord une voix reconnaissable entre mille. A la fois tendre et masculine, tout en rage rentrée, abîmée par ce qu’il faut de whisky et de soirées rongées par le spleen. Après The Covers Record (2000) et Jukebox (2008), l’Américaine nous rappelle aussi sa science du réarrangement, signant un troisième album uniquement composé de reprises. Si certaines sont attendues, comme Endless Sea d’Iggy Pop ou I Had a Dream Joe de Nick Cave, d’autres s’avèrent plus surprenantes, à l’image de Bad Religion du rappeur Frank Ocean. Dans tous les cas, ces relectures aussi minimalistes que majestueuses (cette version de A Pair of Brown Eyes de The Pogues et surtout de I’ll Be Seeing You de Billie Holiday) confèrent à ces classiques une émotion folk inédite. Julien Damien 49
Le 20 septembre 1970, Jim Morrison est arrêté à Miami. Il est accusé d'exhibitionnisme et d'ivresse publique lors d'un concert © Archivio GBB / Alamy
interview Propos recueillis par Julien Damien
FABRICE EPSTEIN ©Jeffrey Sales
Le rock à la barre
Sexe, drogue, rock’n’roll... et justice ! Quitte à corriger la maxime de Ian Dury, la musique du Diable s'encanaille aussi avec les tribunaux. Plutôt bien d'ailleurs, à lire Rock’n’Roll Justice. Avocat, mais aussi grand fan de rock, Fabrice Epstein raconte dans cet ouvrage ultra-documenté des procès oubliés mais qui, pour certains, changèrent la face du monde. Entre plagiats éhontés et faits divers sanglants, blasphèmes et atteintes aux bonnes mœurs, le juriste et chroniqueur dresse une captivante histoire judiciaire du rock, des années 1950 à nos jours. Compte-rendu d'audience. 50
littéra ture
Quel est l'objectif de ce livre ? Éclairer la vie des rockeurs sous une autre lumière, celle de la justice. Parfois, on découvre des personnalités à l'opposé de leur image. George Harrison, par exemple, est souvent décrit comme le grand chantre de l'Inde non-violente, un hippie. En réalité il se battait avec le premier venu en permanence. Ça lui a même valu une convocation en correctionnelle à Nice, en 1968. Vous posez d'emblée la question de "l'original et de la copie". Il est parfois difficile de différencier le plagiat de l'influence, n'est-ce pas ? Oui, tout est très relatif. Prenons l'exemple de Stairway to Heaven de Led Zeppelin. Randy California, fondateur d'un groupe nommé Spirit, jure que Jimmy Page a volé le riff de guitare d'une de ses chansons, Taurus, sortie en 1968, soit
Lors de l'audience, il insiste pour que Jimmy Page écoute cette chanson, et celui-ci finit par reconnaître qu'il avait bien le disque chez lui... mais assure ne l'avoir pas écouté ! Quelle mauvaise foi... On peut le dire. Surtout, lors de ce procès la notion de copyright est jugée à l'aune d'une loi très ancienne stipulant que, pour copier, il faut que vous ayez des partitions identiques. Problème, les rockeurs en écrivent très peu. Au final, Page et sa bande sont blanchis, alors que ce sont des pompeurs de première ! Ils ont sacrément pillé le blues...
« Les rockeurs rendent les gouvernements paranoïaques. » trois ans plus tôt. Il n'a jamais eu l'idée d'aller en contentieux mais en 2014, le gérant de son héritage saisit la justice. Pour lui, l'arpège de Stairway to Heaven est le même que celui de Taurus.
26 mai 1958, Jerry Lee Lewis, le jour de son mariage avec sa cousine Myra Lee, âgée de 13 ans © Keystone Pictures USA / Zumapress / Alamy
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Vous dites que le rock, « par sa vision transgressive, n'aura eu de cesse de mettre à l'épreuve les fondamentaux de la société contemporaine ». En quoi ? Tous les rockeurs ont essayé de repousser les limites, avec les drogues bien sûr, mais aussi en bousculant les institutions, notamment par leur attitude. C'est le déhanchement d'Elvis Presley, ou encore Jim Morrison qui se dénude sur scène en 1969 lors d'un concert à Miami. Il est jugé pour indécence, mais on se doute bien que c'est uniquement un procès politique.
« Les affaires ne sont pas terminées. » Le procureur lui a même demandé un autographe ! En règle général, rappelons que les rockeurs ne sont pas des gens dangereux, mais ils rendent les gouvernements paranoïaques. Comme John Lennon... Oui, en 1966, lors d'une interview il déclare que les Beatles « sont plus populaires que Jésus-Christ », déclenchant une "fatwa catholique" à travers le monde. Aux États-Unis, à une époque où l’on ne pouvait rien dire, mais aussi au Mexique, aux Pays-Bas, en Angleterre... À Manille, les Beatles manquent même de se faire tuer ! Le Vatican rappellera que « certaines choses ne doivent pas être profanées »...
Les Sex Pistols ont fait évoluer le droit anglais, dites-vous. De quelle façon ? En 1977, ils sortent Never Mind The Bollocks, signifiant : "On s'en bat les couilles". L'album cartonne. Le fameux Richard Branson, à la tête de Virgin Records, en vend plus d'un million et la pochette se retrouve dans toutes les vitrines des disquaires de Londres, notamment une boutique à Queen Street, tenue par le dénommé Chris Seale. Les flics lui demandent de la retirer, la jugeant indécente. Seale refuse. La police dégaine alors l'"indecent advertisement act", une loi datant de 1899 et encadrant les bonnes mœurs en matière de publicité. Seale et Branson sont mis en examen. Comment s'en sortent-ils ? Richard Branson s'octroie les services d'une star du barreau américain, John Mortimer. Et il a un argument imparable : les plus grands journaux anglais ont parlé de ce disque, alors pourquoi ne sont-ils pas dans le box eux aussi ? Le tribunal n'a d'autres choix que d'acquitter les prévenus. C'est une victoire pour les Sex Pistols, laquelle a entraîné l'abrogation de ce texte sur l'indécence. Comparé aux frasques d’antan, le rock semble aujourd’hui assagi… La liberté de ton n'est en effet plus la même. Le rock participe à 52
Lors du "Beatles Burning", des adolescents posent devant la station WAYX-AM, où sont brûlés des disques en réaction aux propos de John Lennon, déclarant que les Beatles étaient plus populaires que Jésus-Christ © Bettmann / Getty Images
l’histoire du 20e siècle au même titre que la photographie ou l’art contemporain. Je considère qu'il a changé la face du monde. Mais à mon avis, les affaires ne sont pas terminées, il est possible que le rock'n'roll se réveille aussi avec un scandale #MeToo... À lire / Rock'n' Roll Justice. Une histoire judiciaire du rock, Fabrice Epstein (La Manufacture de livres), 320p., 25€ www.lamanufacturedelivres.com > La version longue de cette interview sur lm-magazine.com 53
livres Emily Ratajkowski My Body (Seuil) En 2013, la planète découvrait Emily Ratajkowski, ses déhanchés aguicheurs et sa plastique impeccable dans le clip Blurred Lines, de Robin Thicke. Catapultée star aux 28 millions de followers grâce à cette vidéo de quatre minutes (et à sa version censurée, où elle apparaît seulement vêtue d’un string chair) l’Américaine de 30 ans a surtout gardé de l’expérience le souvenir cuisant d’une agression sexuelle, par le chanteur lui-même et sans que personne sur le tournage ne réagisse. Ce corps, grâce auquel cette fille d’enseignants gagne sa vie depuis ses 14 ans, a toujours été un moyen d’émancipation autant qu’une chaîne à son pied, l’enfermant dans un désagréable statut de femme-objet, exploitée par les hommes même quand elle pensait y trouver son compte. C’est sur cette ligne de crête qu’évolue My Body, recueil d’une douzaine de textes autobiographiques. Peut-on décemment sourire sur des photos à moitié nue, « transformer en marchandise sa présence physique », et réclamer du reste du monde qu’il voit plus loin que les apparences ? Sans chercher d’excuses à son besoin d’attention ou son addiction aux likes, la top model cherche la réponse, questionnant ses ambivalences et le pouvoir des femmes dans la société. 272 p., 19€. Marine Durand
Loïc Artiaga – Rocky. La revanche rêvée des Blancs (Les Prairies ordinaires)
Tout le monde connaît "l'étalon italien", ses entraînements dans des chambres froides et ses cris déchirants (« Adriaaaan »). Mais que montre-t-il des États-Unis une fois considéré comme un personnage historique ? Plutôt que de suivre une approche esthétique, Loïc Artiaga ressaisit la figure inventée par Sylvester Stallone dans ses différentes dimensions sociales ou historiques. C'est ainsi que la prééminence de "l'Enclume de Philadelphie" peut apparaître comme « la revanche rêvée des Blancs ». Triomphant contre un succédané de Mohamed Ali (Apollo Creed), il offre une compensation symbolique à un univers sportif dominé par les minorités. La réflexion autour de la virilité ou de la Guerre Froide s'avère également très stimulante. Un passionnant exercice d'histoire culturelle. 225 p., 18€. Raphaël Nieuwjaer 54
Frédéric Bories Georges Brassens – Textes anarchistes
Laure Flandrin Le rire. Enquête sur la plus socialisée de toutes nos émotions (La Découverte)
Dans cet ouvrage accessible et stimulant, la sociologue Laure Flandrin étudie le rire comme une construction sociale, liée à des pratiques, des cultures, des rapports sociaux. Non, on ne rit pas de la même chose selon que l'on est prolétaire ou bourgeois. Le comique ou l'humour sont affaire de jugements, de références, de représentations. Se plaçant dans les pas de Pierre Bourdieu, Laure Flandrin multiplie les entretiens avec des personnes issues de diverses classes sociales. Ces témoignages (dans lesquels on se reconnaît parfois) nous resteront en tête la prochaine fois que l'on regardera un film de Dubosc ou un spectacle de Ricky Gervais… Attention cependant : lorsque l'on plonge dans cette étude passionnante, on n'y est pour Bergson ! 400 p., 24€. T. Allemand
(Le Mot et le reste)
On l'oublie parfois, mais Georges Brassens fut un indécrottable anarchiste. La preuve : il noircit des pages et des pages dans Le Libertaire, organe de la Fédération anarchiste dont il fut secrétaire de rédaction. Bien plus qu'une bête compilation des écrits du Sétois, F. Bories s'emploie à commenter et resituer ses articles dans leur époque (1946-1948) – un âge d'or où se croisent, dans ces colonnes, Léo Ferré, André Breton, Armand Robin ou encore Albert Camus. Ainsi, à travers la plume de Brassens en fil rouge, c'est toute une histoire du mouvement anarchiste de l'immédiat après-guerre qui se dessine sous nos yeux – et l'influence de celui-ci sur la vie et l’œuvre de l'artiste. Un éclairage pertinent et stimulant, nom d'une pipe ! 204 p., 19€. Thibaut Allemand
Éric Henninot – La Horde du Contrevent. Tome 03 : La Flaque de Lapsane (Delcourt) Signé Alain Damasio, le roman original ne laisse pas indifférent : on vénère ou l’on reste profondément hermétique. Cependant, cette adaptation en BD n'est pas forcément destinée aux lecteurs de l'ouvrage. Encore une fois, le trait et le talent narratif d'E. Henninot font mouche. Dans cet épisode charnière, plus que jamais, la cohésion de la Horde semble menacée. Face à une traversée périlleuse et promise à tous les dangers, la troupe suivra-t-elle le têtu et frustre Golgoth, leader ambitieux, ou se reposera-t-elle sur le plus sage scribe Sov ? Parviendra-t-elle à joindre l'Extrême-Amont, source supposée de tous les vents qui balaient le monde ? La route est encore longue. Une légende moderne qui, comme toute bonne œuvre de SF ou fantasy, fait sacrément écho à notre ère. 80 p., 16,95 €. Thibaut Allemand 55
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BELLE
© Studio Chizu
Talent monstre
Avec Belle, Mamoru Hosoda transpose le fameux conte de JeanneMarie Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête, dans les mondes virtuels et autres réseaux sociaux. Auteur de classiques de l’animation comme Les Enfants loups, Ame et Yuki ou Le Garçon et la Bête, le Japonais signe un nouveau chef-d’œuvre. Il fallait un certain culot, et surtout beaucoup de talent, pour s’essayer à une nouvelle adaptation de La Belle et La Bête. Ça tombe bien, Mamoru Hosoda en a à revendre ! Inspiré par sa fille, dont il redoute les heurts de l’adolescence à venir, le plus grand réalisateur japonais de films d’animation (avec Isao Takahata, Hayao Miyazaki ou Katsuhiro Otomo) offre une relecture passionnante du célèbre conte. L’histoire ? Suzu est une jeune fille complexée, vivant seule avec son père dans une petite ville perchée dans les montagnes. Mais dans le monde virtuel de U, elle s’émancipe et devient Belle, une icône musicale suivie par des milliards 58
de followers. Une double vie difficile pour la timide ado, qui va prendre un tour inattendu lorsqu’elle rencontre la Bête, créature aussi fascinante qu’effrayante... Fable 2.0 Entre anticipation, comédie musicale et mélodrame, Mamoru Hosoda mélange les genres pour livrer une vision actuelle et personnelle de ce classique. D’une beauté plastique à couper le souffle, soutenu par un scénario au cordeau, son conte initiatique, jamais moralisateur, prévient des dangers des mondes virtuels et des réseaux sociaux. Si Belle ne manque pas de fantaisie, des thèmes forts y sont abordés : le diktat de l’apparence physique, la solitude, la violence commise sur les enfants… Le cinéma d’animation japonais confirme qu’il est bien l’un des meilleurs au monde, tenant avec Mamoru Hosoda un véritable génie ! Grégory Marouzé De Mamoru Hosoda. En salle 59
© Capricci Films
RESIDUE Une colère noire
Pour ce premier long-métrage conçu en totale indépendance, Merawi Gerima a puisé dans son expérience personnelle. Mais l'autoportrait est d'emblée une affaire collective. C'est la transformation de la ville de Washington que Residue montre avec une inventivité formelle et une lucidité politique rares. De retour dans son quartier, Jay découvre que celui-ci est en cours de gentrification. Cela se signale d'abord par la couleur de la peau. Jusquelà essentiellement noir, Eckington est de plus en plus habité par de jeunes blancs. Residue ne saisit pas une diversification joyeuse et spontanée, mais l'expulsion de la classe ouvrière par des promoteurs cherchant à attirer une population plus riche. Essayant d'écrire un scénario pour témoigner de ce processus, Jay doit aussi se confronter aux ambivalences de sa position d'exilé. Coupable d'être parti, il ressent de façon plus aiguë la disparition de ce qui faisait la singularité de son quartier : un bain de voix, de rythmes et de musiques, soit autant de manifestations d'une vie publique désormais bannie au prétexte qu'elle trouble le voisinage. Tandis que les souvenirs reviennent, l'éclatement d'une génération apparaît dans toute sa violence. Un ami purge une longue peine de prison pour un délit mineur, un autre a disparu sans laisser de traces. Sans céder à une vaine nostalgie, Residue montre la précarité des vies noires soumises au racisme systémique. La colère qui éclate finalement a tout d'un geste d'impuissance. Gerima livre une fable politique dont l’écho n'en finit plus de nous interroger. Raphaël Nieuwjaer De Merawi Gerima, avec Obinna Nwachukwu, Dennis Lindsey, Taline Stewart… Sortie le 05.01 60
© Shanna Besson - Why Not Productions
TROMPERIE Adaptation (in)fidèle
Doux et féroce, brillant et agaçant : le nouveau long-métrage signé Arnaud Desplechin joue avec nos émotions comme avec notre raison. Servi par un inoubliable duo Léa Seydoux / Denis Podalydès, le film s'appuie sur le roman homonyme de Philip Roth, tout en s'octroyant pas mal de libertés... Tant mieux ! Après Roubaix, une lumière, Arnaud Desplechin s'essaye à l'adaptation littéraire avec cette Tromperie. Comme le titre l'indique, sa fidélité est toutefois à double tranchant. Le cinéaste colle au texte de Philip Roth tout en modifiant la structure de ce puzzle se jouant de la frontière entre fiction et autobiographie. Nous retrouvons le romancier américain (génial Denis Podalydès) à plusieurs étapes d'une relation épisodique avec une jeune anglaise (Léa Seydoux, de plus en plus impressionnante). Mais là où le livre de Roth témoigne parfois d'une misogynie d'un autre âge, le film qu'orchestre Desplechin rend aux personnages féminins, leur voix et leur pouvoir. Les figures "secondaires" (comme l'épouse, bouleversante Anouk Grinberg) nous montrent que l’amante débarque dans une histoire à tiroirs. Grâce à la parole, les rapports de force s'inversent dans un jeu intellectuel et érotique. Si le cinéaste a tourné son long-métrage durant le confinement, son geste ne manque pas de mouvements ni d'invention. Chaque chapitre apporte de nouvelles idées de cinéma, la partition est exécutée avec une joie communicative. C'est en affirmant la toute-puissance du personnage de fiction que le Roubaisien confirme sa place parmi les plus grands. R. Boiteux D’Arnaud Desplechin, avec Denis Podalydès, Léa Seydoux, A. Grinberg, E. Devos... En salle 62
Grégory Marouzé
© AGAT Films
De Robert Guédiguian, avec Alice Da Luz Gomes, Stéphane Bak… Sortie le 05.01
© Shellac
TWIST À BAMAKO
— Loin de Marseille, Guédiguian nous emmène au Mali en 1962. Il retrace l’amour entre Samba, louant les vertus du socialisme aux quatre coins du pays, et Lara, jeune femme mariée de force. Tous deux ont conscience de la fragilité de leur relation mais espèrent que le ciel s'éclaircira… Rythmé par des tubes des sixties (Les Chats sauvages, The Beach Boys…), Twist à Bamako revient sur l’histoire du Mali peu après l'indépendance en accompagnant le rapprochement de deux cœurs purs. Guédiguian, toujours révolté, signe une fresque dont les thèmes font écho à notre époque. Sont évoqués le viol conjugal, la liberté de la femme, le poids et le rôle de la colonisation. Superbement interprété par Alice Da Luz Gomes et Stéphane Bak, ce film marie avec brio politique et romanesque.
J'ÉTAIS À LA MAISON, MAIS...
— J'étais à la maison, mais... ne se laisse pas facilement raconter. Plus qu’un récit, le long-métrage d'Angela Schanalec se compose de blocs et de lambeaux d'où sourd un profond sentiment de déconnexion. Le grave et le léger s'entrechoquent, alors qu'une femme et ses deux enfants sont confrontés à la mort du mari et père. Si la solitude domine les personnages, des répétitions de Hamlet dessinent pour le fils, Philip (Jakob Lassalle), une voie hors de la douleur étouffante de sa mère (Maren Eggert). Ce que prolongent, avec une douceur inattendue, les derniers plans lorsque l'adolescent remonte à tâtons le cours d'une rivière sa sœur accrochée au dos. Dans ce film, bien des scènes ressemblent à des chorégraphies suspendues. Il y a dans cette marche la puissance d'un retour à la vie. R. Nieuwjaer D'Angela Schanalec, avec Maren Eggert, Jakob Lassalle, Clara Moeller... Sortie le 05.01 63
Œuvre issue de la série Incomplete Open Cube, Photo : Hugard & Vanoverschelde
sition
expo
Wall Drawing #528G, 1987, india ink and color ink wash. Installation view at the Jewish Museum of Belgium © Private Collection, Belgium / Photo : Hugard & Vanoverschelde
SOL LEWITT Entre les lignes
Comment éclairer d’un jour nouveau l’œuvre d’un artiste mondialement célèbre ? Ce défi, familier de tout commissaire d’exposition, a été brillamment relevé par l’équipe du Musée Juif de Belgique qui consacre son nouvel accrochage à l’Américain Sol LeWitt. Les incontournables (Wall Drawings) s’y mêlent à l’inédit (son rapport à la spiritualité) pour faire jaillir les obsessions de ce pionnier du mouvement conceptuel. Des lignes, des figures isométriques, des aplats de couleurs vives. Solomon "Sol" LeWitt (19282007) a construit durant la deu-
xième moitié du xxe siècle une œuvre identifiable au premier coup d’œil, naviguant entre graphisme, dessin mural et sculpture. ••• 67
Jamais, pourtant, ce fils d’immigrants juifs venus de Russie n’avait mis l’accent sur sa judéité. Barbara Cuglietta tenait là un angle d’attaque. « Nous avons cherché dans les niches pour montrer des projets moins connus du grand public », détaille la directrice du Musée Juif de Belgique. Une œuvre a été le moteur de l’exposition, pensée avec sa co-commissaire, Stephanie Manasseh : entre 1996 et 2001, Sol LeWitt conçoit la nouvelle synagogue de sa communauté de Chester (Connecticut). Il s’agit du « seul bâtiment qu’il ait jamais construit », se reconnectant tardivement à la spiritualité.
« Montrer des projets moins connus du grand public. » La genèse de cette construction, retracée à l’aide de photos, témoignages et croquis, constitue un chapitre émouvant de Sol LeWitt : Wall Drawings, Works on Paper, Structures. Made in Belgium Quant au plus spectaculaire de cette exposition, pas de doute, ce sont bien les Wall Drawings, fresques monumentales (jusqu’à 25 mètres de côté) aux motifs
géométriques qui accueillent le visiteur au rez-de-chaussée.
« On privilégie la diversité des formes et matériaux » Conformément aux désirs de l’artiste, une poignée d’étudiants de diverses écoles d’art belges, supervisés par deux experts de la fondation LeWitt, ont observé le "protocole" du maître pour réaliser ces dessins éphémères à même les murs. « Nous en avons choisi quatre parmi un catalogue de 1 200, en visant la diversité au niveau des formes et matériaux », détaille Barbara Cuglietta. Au fil des autres formats (gouaches sur papier) et thématiques, boucles, lignes, ou "structures", des sculptures fondées sur des éléments de géométrie basique, le trajet de LeWitt du minimalisme vers le conceptuel se précise. Jamais explorés dans un musée, les rapports de l’Américain avec la Belgique s’incarnent dans sa collaboration avec l’architecte Charles Vandenhove pour aménager le CHU de Liège, richement documentée. À découvrir à Bruxelles, et nulle part ailleurs. Marine Durand Bruxelles, jusqu’au 01.05, Musée Juif de Belgique, mar > ven : 10h-17h • sam > dim : 10h-18h, 12/7€ (gratuit -12 ans), mjb-jmb.org
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© lastrolab
Wall Drawing #780, 1995, india ink and color ink wash. Installation view at the Jewish Museum of Belgium © LeWitt Collection / Photo : Hugard & Vanoverschelde
Vue d'exposition d'une œuvre issue de la série Wall Drawings, Photo : Hugard & Vanoverschelde
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LINES & TRACKS Le train en marche
2021 fut désignée par le Parlement européen "année du rail", mais c’est bien le Centre de la gravure et de l'image imprimée qui nous fait préférer le train ! Programmée dans le cadre du festival Europalia, à la Louvière, cette exposition retrace l’histoire du réseau ferroviaire belge. 140 affiches, issues pour la plupart de la SNCB, témoignent de l’évolution d’un moyen de transport dans le vent à l’heure du dérèglement climatique, tout en dévoilant une belle palette de styles. Allez, on embarque. Petit rappel historique : la première ligne ferroviaire du Royaume fut inaugurée le 5 mai 1835, entre Bruxelles et Malines. La Belgique est ainsi le deuxième pays où circule un train, après l'Angleterre, mais le premier du continent européen – eh oui ! « Le réseau relie les grands centres indus70
1. Armand Massonet, Brussel Charleroi, 1949, Collection SNCB - Train World Heritage 2. André Pasture, Bruxelles-Salzbourg 1000 km in een nacht, 1961, Éditeur : SNCB © Collection SNCB – Train World Heritage 3. B. M. Wirtz, Confort sur le rail, Wagons-lits, 1961, Éditeur : SNCB © Collection SNCB – Train World Heritage 4. François Putman, Belgique Bruxelles capitale de l'Europe, 1969, Collection SNCB - Train World Heritage
triels, puis le transport de marchandises s’ouvre peu à peu à celui des personnes les plus aisées, avant de se démocratiser », résume Daphné Gozlan, responsable des collections au Centre de la gravure et de l'image imprimée. Les publicités apparaissent un an plus tard. « Elles sont d’abord purement typographiques et revêtent un caractère informatif ». L’illustration surgit dans les années 1860. Le tourisme se développe, il faut allécher le chaland avec des affiches peintes ou dessinées. Correspondances graphiques Le progrès est en marche. Les locomotives roulent à la vapeur, au diesel puis à l'électricité, ce dont témoignent les toiles tout en lumière et mouvement du Bruxellois Armand Massonet, l’un des rares artistes à assumer cette activité « alors jugée peu valorisante, donc rarement signée ». ••• 71
1. Paul Funken, Vakantie zomer 1970, 1970, Éditeur : SNCB, Rail Tour © Collection SNCB – Train World Heritage 2. André Pasture, 500 km per avond-trein, 1965, Éditeur : SNCB © Collection SNCB – Train World Heritage
Les affiches sont elles typographiées, lithographiées avant d’être produites en masse grâce à l’impression offset. L’exposition retrace cette double évolution tout en offrant un voyage à travers l’histoire de l’art. On côtoie l’Art nouveau, le cubisme, « Au fil du temps l’affiche l’expressionnisme, voire l’abstraction – est simplifiée, plus Pierre Alechinsky s’est d’ailleurs prêté à l’exercice. « Au fil du temps l’affiche est géométrique. » simplifiée, plus géométrique, tandis que la photographie apparaît ». Les mœurs aussi évoluent. Nous sommes à l’heure du choc pétrolier de 1974. La SNCB vante le chemin de fer comme un moyen de transport économique et… écologique. Julian Key s’évertue par exemple à faire préférer le train aux automobilistes par le biais de gigantesques publicités placardées sur l’autoroute, représentant un cygne voguant sur les rails comme sur de l’eau. Les dernières images du parcours, datant de nos jours, nous enjoignent désormais de porter le masque. Les temps changent… Le train, lui, n’a pas fini de s’afficher. Julien Damien La Louvière, jusqu’au 27.02, Centre de la gravure et de l'image imprimée mar > dim : 10h-18h, 8 > 3€ (grat. -12 ans), centredelagravure.be 72
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Vue d'exposition, Sea of tranquility, Unfold © lastrolab
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COSMOS
Voyage très spatial Besoin de s’aérer l’esprit ? Alors direction Hornu. Le Centre d’innovation et de design rassemble des pièces signées d’une cinquantaine de créateurs internationaux, et toutes inspirées par le cosmos. Trous noirs, nébuleuses, exoplanètes ou supernovas s’incarnent dans des objets du quotidien, offrant un vertigineux jeu d’échelles. L’exposition marie science art et poésie, et pose aussi des questions quant à l’avenir de l’humanité. Depuis ses premiers jours, l'humanité n'a cessé de scruter la nuit étoilée en quête de réponses. D'où venons-nous ? Sommes-nous seuls dans cette immensité noire ? Source infinie d'interrogations et d'émerveillement, le cosmos inspire les artistes mais aussi les designers. C’est tout l’objet de cette exposition dont la scénographie, conçue par les architectes libanais Ghaith et Jad, est particulièrement soignée. Ici, tous les socles sont recouverts d’un fin tissu qui se déforme sous le poids des pièces exposées. « L’effet illustre les courbures spatio-temporelles de la théorie de la relativité générale d’Einstein », éclaire notre guide, Filip Depuydt. De lumière justement, il est beaucoup question dans la
première partie de ce parcours présentant une série de lampes, comme celle de l’Italien Vico Magistretti. Baptisée Eclisse, elle est composée de trois coquilles mobiles et, en jouant avec ces éléments, « l’utilisateur produit une éclipse solaire chez lui ». Tout aussi dépaysante, l’installation olfactive Sea of Tranquility nous projette sur la Lune pour en sentir les effluves ! En fond sonore nous parviennent les échos de la conversation des astronautes de la mission Apollo 12, décrivant ces odeurs célestes qui évoquent l’argent, la poussière ou le miel… Objectif Lune – Une section de l’exposition pose également la question de l’utilisation ••• 75
des richesses astrales. Eh oui, devant la raréfaction de certaines ressources terrestres, l’appétit de l’humanité pour ces terres lointaines s’aiguise. Si le Traité de l’espace signé en 1967 interdit aux nations de s’approprier une planète, rien n’est dit quant à leur exploitation. La Française Margaux Hendriksen met les pieds dans le plat en imaginant une entreprise fictive pillant les trésors lunaires pour ensuite les revendre comme des produits de luxe. Dans les anciens magasins aux foins, le film
de Ray et Charles Eames nous permet de prendre de la hauteur sur notre pauvre condition. Réalisé en 1977, Powers of Ten nous plonge dans l’infiniment petit, focalisant sur la cellule d’un pique-niqueur endormi, avant de dézoomer vers l’immensité galactique. Un voyage en apesanteur dont on ne sort pas indemne... Julien Damien Hornu, jusqu'au 27.02 Centre d'innovation et de design mar > dim : 10 h-18 h 10 > 2€ (gratuit -6 ans) www.cidgrand-hornu.be
Tapis Black Hole Rug, Daniel Malik© lastrolab
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Les quatre fantastiques
Goya, Hockney, Botero et Picasso
Francisco de Goya y Lucientes, Le Temps dit Les Vieilles vers 1800-1812, Lille, palais des Beaux-Arts © photo Rmn - Grand Palais / Stéphane Maréchalle
Francisco de Goya y Lucientes, La Lettre dit Les Jeunes, vers 1813-1820, Lille, palais des Beaux-Arts © photo Rmn - Grand Palais / Stéphane Maréchalle
Les Hauts-de-France et la Belgique ne sont pas avares d'expositions. De Bruxelles à Lille, en passant par Lens et Mons, voici une sélection d'événements immanquables. Où l'on découvrira Francisco de Goya sous un angle inédit, l'histoire d'amour entre le Louvre et Pablo Picasso, une rétrospective sur le trop méconnu Fernando Botero et les dernières créations de David Hockney. Dépêchez-vous, ces accrochages se terminent tous avant la fin de l'hiver ! Julien Damien
EXPÉRIENCE GOYA
Comment se renouveler en abordant un géant tel que Goya ? En proposant plus qu'une exposition, une "expérience". Au Palais des beaux-arts de Lille, dans l'Atrium, le visiteur est d'emblée invité au sein d'une rotonde de 170 m2. À l'intérieur, un film à 360 degrés raconte la vie et l'œuvre du peintre espagnol. Le parcours présente ensuite 80 toiles, accompagnées de dispositifs numériques pour enrichir le propos. L'une des salles reconstitue également la Maison du Sourd, où vécut l'artiste, à l'aide de vidéos synchronisées. En point d'orgue sont présentés ses deux chefsd'œuvre, Les Vieilles et Les Jeunes, ici éclairés sous un nouveau jour. Lille, jusqu'au 14.02, Palais des beaux-arts, lun : 14h-18h • mer > dim : 10h-18h 10/8€ (gratuit -12 ans); pba.lille.fr 78
© lastrolab
© Philippe De Gobert
DAVID HOCKNEY
C’est sans doute l’un des plus grands peintres encore en activité, et l’un des artistes les plus populaires de la planète. Si tout le monde connaît ses fameuses représentations de piscines, David Hockney n’a pas fini de nous surprendre. En témoigne cette double exposition bruxelloise. On y découvre une rétrospective de son travail et sa toute dernière série de tableaux magnifiant l’arrivée du printemps, que ce féru de technologies a peints avec un iPad. Une célébration de la nature qui, comme l'octogénaire, n’en finit pas de se renouveler.
Fillette au cerceau, 1919 © Succession Picasso 2021 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / P. Migeat
Bruxelles, jusqu’au 23.01, Bozar mar > dim : 10h-18h, un ticket pour 2 expos : 20 > 10€ (gratuit -6 ans), bozar.be
FERNANDO BOTERO
Ne cherchez pas ici les angles ou les lignes effilées. Depuis près de 70 ans, Fernando Botero représente le monde de façon voluptueuse, que ce soient les hommes, les femmes, les animaux, les paysages ou les natures mortes. A l'occasion de cette rétrospective (la première organisée en Belgique), le BAM réunit 130 pièces, dont certaines jamais vues en Europe, signées du peintre et sculpteur colombien. De l’iconographie populaire à la Renaissance italienne, l'exposition révèle les sources d'inspiration du maître et la genèse d'un style unique. En somme, le fond ET la forme. Mons, jusqu’au 30.01, BAM , mar > dim : 10h-18h 9/6€ (gratuit -6 ans), bam.mons.be
LES LOUVRE DE PABLO PICASSO
C’est un portrait croisé entre deux monuments de la culture. Cette exposition lensoise organise la confrontation entre Pablo Picasso et le Louvre – ou plutôt "les" Louvre, tant la relation entre les deux fut tumultueuse. Ce parcours rassemble plus de 450 créations, dont 170 de l’Espagnol. Entre les chefs-d'œuvre du musée et ceux du peintre et sculpteur, les échos sont nombreux, mais pas forcément faciles à établir. Ils sont ici scrutés, comparés, pour appréhender les inspirations du maître au sein d'un parcours en forme d'enquête. Lens, jusqu’au 31.01, Louvre-Lens, tous les jours sauf mardi : 10h-18h, 12 > 5€ (gratuit -18 ans), www.louvrelens.fr 79
'Ariadnes' yarn © Lieve Van Stappen
© Daniel Fouss, Musée de la BD Julien Dossena pour Paco Rabanne © Catwalk pictures
BLAKE ET MORTIMER
LA VIE MATÉRIELLE
Le capitaine Francis Blake et le professeur Philip Mortimer ont 75 ans. Nos deux héros, nés de l’imagination du Belge Edgar P. Jacobs, firent leur apparition le 6 septembre 1946. Les lecteurs du Journal Tintin découvrirent la première de leurs 28 aventures dans Le Secret de l’Espadon. Ce parcours raconte dans le détail sa conception, entre planches originales, croquis préparatoires ou la maquette de l’avion de combat que Jacobs avait commandée au Bruxellois Gérard Liger-Belair.
Si La Vie matérielle tire son nom d’un recueil de Marguerite Duras, c’est en Émilie-Romagne qu’est née cette exposition offrant un nouveau regard sur l’art au féminin. Avec Majesté, Serena Fineschi rend par exemple hommage à la peinture de la Renaissance en compilant des papiers de Ferrero Rocher en guise de feuilles d'or. En face s’élance l’une des grandes pièces textiles de la Bruxelloise Arlette Vermeiren, en tissu d’emballage et papier de bonbon, dans une critique sensible de notre société du tout jetable.
Bruxelles, jusqu’au 16.04, CBBD, mar > dim : 10h-18h, 12 > 5€ (gratuit -6 ans) www.cbbd.be
Bruxelles, jusqu'au 13.03, La Centrale mer > dim : 10h30-18h, 8 > 2,50€ (gratuit -18 ans) www.centrale.brussels
BRUSSELS TOUCH Depuis près de 40 ans, Anvers tient son rang de "capitale de la mode". Et si Bruxelles avait aussi joué un rôle déterminant dans le rayonnement de la création belge ? Sur ce postulat, plus audacieux qu’il n’y paraît, ce parcours met au jour un "esprit bruxellois" encore jamais théorisé. Signée Ester Manas, Olivier Theyskens, Anthony Vaccarello ou Éric Beauduin (on en passe), cette centaine de pièces dessine les contours d’un style dégagé de tout diktat. Bruxelles, jusqu’au 15.05, Musée Mode & Dentelle, mar > dim : 10h-17h, 8 > 4€ (gratuit -18 ans), fashionandlacemuseum.brussels 80
© Léon Wuidar
Léon Wuidar Représentant discret de l’abstraction géométrique belge, le Liégeois Léon Wuidar est honoré d’une première rétrospective sur ses terres. Ses tableaux, collages ou dessins se distinguent de la froideur parfois attribuée au genre, par un jeu poétique entre les lignes et les couleurs, mais aussi les lettres, les mots ou parfois des éléments figuratifs (comme le nez rouge d’un clown). Au MACS, on découvre une œuvre ludique et teintée de surréalisme, à l’image de son clin d’œil à la fameuse pipe de Magritte. Hornu, jusqu’au 30.01, MACS mar > dim : 10h-18h 10 > 2€ (gratuit -6 ans), www.mac-s.be
Lumière d'Opale
Trésors insolites
À la fin du xixe siècle, nombre d’artistes sont contraints de quitter Paris par manque de moyens et gagnent les régions. Parmi ces points de chute il y a la Bretagne, qui formera la célèbre école de Pont-Aven, mais aussi la Côte d’Opale. Ce qu’on appellera "la colonie d’Étaples" regroupe des peintres français ou anglosaxons. Tous trouvent l’inspiration au fil des longues plages du nord et de leurs dunes, dans la verdure de l’arrière-pays... Cette exposition rassemble quelque 70 œuvres de cette période trop méconnue, mais dorée.
Parmi les 15 000 objets conservés par le Centre historique minier de Lewarde se cachent quelques trésors. Ce parcours dévoile ainsi 80 appareils scientifiques en tout genre. Ces voltmètres, ampèremètres, ohmmètres ou tachygraphes furent en effet indispensables dans l’exploitation houillère. Ces pièces au design insolite, rarement sorties de leur carton, s’apparentent à de véritables bijoux technologiques et attestent d’une ingéniosité oubliée.
Le Touquet, jusqu’au 22.05, Musée du Touquet-Paris-Plage, mer > lun : 14h-18h 3,50/2€ (grat. -18 ans), letouquet-musee.com
Lewarde, jusqu’au 30.04 Centre historique minier lun > sam : 13h-19h • dim : 10h-19h 6,70€ (gratuit -5 ans) www.chm-lewarde.com
Format à l’italienne XII À Rome, Lille dispose d’une résidence exclusivement dédiée à ses artistes. Il s’agit de l’atelier Wicar. Durant trois mois, de jeunes créateurs de la région peuvent y travailler en toute quiétude. Ces œuvres sont aujourd'hui exposées dans ce Format à l'italienne. À l'Espace le Carré, on découvre ainsi le travail de Vir Andres Hera sur la vierge de Montevergine, patronne des transexuel(le)s, ou les réflexions de Lise Lerichomme sur les représentations populaires des corps collectifs féminins. Lille, 13.01 > 06.03, Espace le Carré, mer > sam : 14h-19h • dim : 10h-13h & 15h-18h, gratuit, elc.lille.fr 82
© Julien Damien
Yves Saint Laurent, une garde-robe intemporelle Ancienne école réhabilitée en jardin d’hiver, salon de thé et salle d’exposition, l’Espace Minorelle propose son premier grand rendez-vous. Et quel rendez-vous ! Il accueille rien de moins que 15 modèles iconiques signés Yves Saint Laurent. Parmi ces créations, on trouve notamment le smoking, la petite robe noire ou la blouse saharienne. Accompagnée d’estampes et de gravures de mode, cette garde-robe dessine en filigrane la femme vue par YSL : puissante, sans jamais sacrifier l’élégance. Marcq-en-Barœul, jusqu’au 23.01, Esp. Minorelle, mar > ven : 11h30-18h • sam & dim : 10h-18h, gratuit, marcq-en-baroeul.org
Le mystère Mithra Connaissiez-vous Mithra ? Entre le 1er et le 4e siècle de notre ère, ce dieu originaire de Perse fit l'objet d'un important culte au sein de l'Empire romain, rivalisant même avec le christianisme. Des milliers d'adeptes le célébraient dans des temples souterrains... Le Musée royal de Mariemont part sur les traces de cette religion méconnue. Nourrie d'œuvres antédiluviennes et de pièces archéologiques récemment découvertes, cette exposition immersive nous guide au sein d'un sanctuaire reconstitué grandeur nature. Morlanwelz, jusqu'au 17.04, Musée royal de Mariemont, mar> dim : 10h-17h 5 > 2€ (gratuit -12 ans), musee-mariemont.be
De la gaillette à la reconquête Le 20 décembre 1990, l’ultime gaillette était extraite de la fosse du 9-9 bis, marquant la fermeture du dernier puits de mine à Oignies. L’événement clôturait 270 ans d’extraction du charbon dans le bassin minier du Nord-Pas de Calais... mais ouvrait une nouvelle page. Ce site exceptionnel est ensuite devenu un lieu culturel, accueillant spectacles, concerts et expositions. Celle-ci revient justement sur ces 30 ans de transformation, rassemblant témoignages, vidéos, coupures de presse ou photographies. Oignies, jusqu’au 24.04, 9-9 bis mer > dim : 14h-18h, gratuit, 9-9bis.com
Paul Klee, entre-mondes Né en Suisse en 1879, d’origine allemande, Paul Klee demeure un artiste majeur du xxe siècle, mais également une énigme. Figure de l’abstraction, sans jamais s’en revendiquer, adulé par les surréalistes, enseignant au Bauhaus, violoniste émérite à ses heures perdues… le peintre est aussi célèbre qu’insaisissable. À Villeneuve d’Ascq, le LaM lui consacre une première exposition sous forme d’enquête, auscultant sa recherche de l’origine de l’art… Villeneuve d’Ascq, jusqu’au 27.02, LaM mar > dim : 10h-18h, 10/7€ (gratuit -12 ans) musee-lam.fr 83
© Sylvain Norget
théâtre & danse
NORA HAMZAWI La vie en névroses
Elle parle très, très vite et n’a aucune pitié pour elle-même. La reine de l’autodérision revient avec son franc-parler pour un deuxième onewoman show nommé aux Molières 2020. Toujours aussi survoltée, cette éternelle névrosée dézingue les travers de notre époque pour mieux les surmonter. Grâce à Nora Hamzawi, on se sent moins seul(e)s. Avec la verve qu’on lui connaît, l’ancienne chroniqueuse de France Inter ou de Quotidien règle d’emblée ses comptes avec la psychologie positive et le développement personnel. Sur scène elle incarne une trentenaire angoissée (pléonasme), jeune maman souffrant d’un complexe d’infériorité. Tout le contraire de ses « copines chiantes » accros au footing. Telle une enfant sans aucun filtre, mi-désabusée mi-peste, elle aborde volontiers des sujets intimes – quitte à gêner quelques parents venus avec leur ado. Usure du couple, maternité, soirées foireuses, sexualité qui s’étiole, réseaux sociaux… Tout y passe – et l’énerve ! Haut débit Révélée dans l’émission On ne demande qu’à en rire, elle s’était fait tacler par le visionnaire Jean Benguigui, lequel assurait qu’elle n’était bonne qu’à signer des chroniques... Aujourd’hui, c’est bel et bien sur scène qu’elle le contredit, plus volubile que jamais. Nora ne se contente d’ailleurs pas des planches de théâtre puisqu’elle a également sorti un deuxième livre : 35 ans (dont 15 avant Internet). Un ouvrage dans lequel elle évoque sa nostalgie des nineties, notre rapport au temps, bouleversé par l’arrivée des smartphones et cette fâcheuse tendance à tout photographier. Bref, elle voit la vie en névroses, et c’est aussi juste que tordant. Zoé Van Reckem Lille, 07.01, Théâtre Sébastopol, 20h, 39>30€, www.theatre-sebastopol.fr Bruxelles, 11.02, Cirque Royal, 20h, 35€, www.cirque-royal-bruxelles.be Petite Fôret, 22.03, Espace culturel Barbara, 20h30, 20>10€, www.espaceculturelbarbara.fr (Festival Nord de Rire)
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© Véronique Sylvain Norget Vercheval
ZAÏ ZAÏ
C’est un beau roman… En une quinzaine d'années, le collectif Mensuel a inventé le magazine théâtral (L’Hebdo du lundi), s’est essayé à l’adaptation de romans (2043), a conçu un mashup tentaculaire de 160 films hollywoodiens (Blockbuster)… et en a encore sous la pédale. Les Belges s’attaquent cette fois au roman photo avec Zaï Zaï, tiré d’une bande dessinée de Fabcaro. Prêts pour la soirée diapos ? Entre la troupe liégeoise et le dessinateur montpelliérain, l’histoire a failli démarrer en 2015. « Notre complice, l’auteur Nicolas Ancion, avait lu Zaï Zaï Zaï Zaï peu avant sa sortie. L’humour, le propos assez politique et cette façon de croquer une société devenue folle, tout correspondait à notre ligne », raconte Sandrine Bergot, l’une des fondatrices du collectif. Finalement, il aura fallu six ans pour que le projet se matérialise. Et quel projet ! Pour passer des bulles au plateau, les trois comédiens optent pour le « roman-photo géant », projetant en fond de scène une ribambelle de clichés réalisés avec une centaine de figurants. Quant au son, la fine équipe a choisi de bruiter et doubler en direct ce road-movie à l’absurde assumé. « Notre hit, c’est la bouillotte frottée sur une planche de bois, pour simuler le crissement des pneus », confie Sandrine. Le coup du poireau L’intrigue est fidèle au succès de librairie (180 000 ventes) : un auteur, au moment de régler son poireau au supermarché, réalise qu’il a oublié sa carte de fidélité et prend la fuite, devenant l’ennemi public numéro un. Mais le collectif y ajoute sa patte, faisant surgir des présidents fictifs dans cette chasse à l’homme sous l’œil avide des caméras. Le final de la BD sur une bande-son variété, trop gentillet, est ici plus… explosif. Du Mensuel dans le texte. Marine Durand * Bruxelles, 04 > 22.01, Théâtre de Poche, mar, jeu > sam : 20h30 • mer : 19h30, 20 > 12€, poche.be * Liège, 25 > 29.01, La Boverie, 20h15, 12,50 > 9,50€, www.laboverie.com * sous réserve des conditions sanitaires 87
Greg Houben © DR
WEEK-END POIL À GRATTER La Belgitude des choses
Pour lutter contre la morosité ambiante, une destination s'impose : Hazebrouck. À l'occasion de la 12e édition du Week-end poil à gratter, le Centre André Malraux se met à l'heure de la belgitude, soit un sens inégalé de l'autodérision. Entre théâtre et musique, cette programmation convie les meilleurs ambassadeurs du pays – qui n'a vraiment rien de plat. J.D
© Gregory Navarra
ANDROPAUSE Après avoir été "loverbooké", Bruno Coppens se penche sur l'andropause. Quèsaco ? Eh bien c'est la ménopause des hommes, un phénomène biologique encore méconnu mais dont souffrirait peut-être le volubile Tournaisien. Sautes d'humeur, perte d'énergie, de masse musculaire... mais pas du sens de l'humour ! La soixantaine bien sonnée, ce magicien du verbe se pose des questions hautement existentielles, du genre : « quelle sera la playlist à mon enterrement ? ». Le Belge aurait-il pris un gros coup de vieux ? « C'est vrai que j'ai pas le public de Kev Adams, s'amuset-il. Là, on est plus proche de la famille Addams ». Plus vrai que mature, on vous dit ! 23.01, Espace Flandre, 17h 88
© Marie-Françoise Plissart
© Karl Autrique.
RAGE DEDANS
FRANKENSTEIN
En décembre 2018, Jean-Luc Piraux fut victime d'un gros coup de mou. Crise conjugale, épuisement professionnel... Plutôt que de se lamenter, le clown belge a choisi de raconter sa dépression. De ce jour "F" (pour « ma fin du monde à moi ») lors duquel il a tenté de se jeter du balcon jusqu'à sa rémission, en passant par son internement, le soliste multiplie les points de vue sur son burnout (des commères, sa psy d'origine anglaise...) avec pudeur. Dans toute comédie, la chute est primordiale. Piraux en fait lui un art, au sens propre comme au figuré.
Voilà plus de 10 ans que la compagnie Karyatides revisite les grands classiques de la littérature sur un petit plateau. Après avoir joué Madame Bovary ou Les Misérables avec des figurines ou de vieilles boîtes de biscuits, Marie Delhaye et Karine Birgé s’attaquent à Victor Frankenstein. Cet opéra miniature met en scène un savant fou hanté par ses souvenirs. Manipulant moult objets dans la solitude de son laboratoire, il se remémore les moments heureux passés auprès de sa créature, accompagné par une bande-son hétéroclite, de Verdi à Céline Dion !
21.01, Espace Flandre, 19h
21.01, Espace Flandre, 20h30
GREG HOUBEN Le Week-end poil à gratter, c'est du théâtre, mais aussi de la musique. En cela, la présence de Greg Houben pour célébrer la "Belgitude" relevait de l'évidence. Quelque part entre Bourvil et Mathieu Boogaerts, le jazz et la bossa nova, le Liégeois aborde les sujets les plus graves avec légèreté, soit une bonne dose de fantaisie et poésie. Après nous avoir emmenés à Rio, le trompettiste, comédien et chanteur présente La quarantaine, évoquant son âge comme la crise sanitaire – histoire de mettre de bons mots sur les maux. 22.01, Espace Flandre, 20h30 Hazebrouck, 20 > 23.01, Friche Coppin & Espace Flandre, 1 spectacle : 15 > 5€ centreandremalraux.com Programme / 20.01 : Concert d'Antoine Hénaut // 21.01 : Jean-Luc Piraux : Rage Dedans, Compagnie Karyatides : Frankenstein // 22.01 : Trou de ver : Jimmy n’est plus là, Cie Belle de nuit : L'Entrée du Christ à Bruxelles, Greg Houben // 23.01 : Bruno Coppens : Andropause 89
Sylvain Prudhomme © DR
HISTOIRES EN SÉRIE Par mots et par voix
Après un faux démarrage en 2021 (pas besoin de vous expliquer pourquoi, si ?), Histoires en série se remet en route. Et quelle route ! Pilotée par l’écrivain baroudeur Sylvain Prudhomme, la quatrième édition de ce festival conjuguant théâtre et littérature nous conduit en Amérique. On vous emmène ? Après Arnaud Cathrine et Brigitte Giraud, c’est donc Sylvain Prudhomme qui prend les commandes de ce rendez-vous initié par le Bateau Feu. Reporter, romancier, et surtout globe-trotteur, le lauréat du prix Femina 2019 (pour Par les routes, justement) a écrit pour Histoires en série des Carnets de la frontière. Ces cinq textes inédits nous glissent dans la peau d’un auto-stoppeur en vadrouille entre les États-Unis et le Mexique, l’Arizona et Ciudad Juarez, le Texas et Tijuana. Où l’on embarquera avec un dealer, un vieux Mexicain amoureux de la gent féminine… et bien d’autres personnages hauts en couleur. Sept comédiens s’emparent de ces récits à suivre par épisode dans toute l’agglomération dunkerquoise et en Flandres. Données dans l’intimité d’une médiathèque, d’une librairie ou d’une maison de quartier, ces lectures théâtralisées dessinent en filigrane l’Amérique d’aujourd’hui. Surtout, il faut y voir une ode la rencontre de l’autre « qui est un continent à lui tout seul » comme dirait le clown Gilles Defacque. Pour ne rien gâcher, des films (citons Sicario de Denis Villeneuve) et des concerts (les ballades folk de Piers Faccini) sont également programmés, histoire de prolonger ce voyage tout aussi géographique que mental. Julien Damien Agglomération dunkerquoise & Flandres, 07 > 29.01, Bateau Feu, Les 4Ecluses & divers lieux 1 spectacle : 9€ > gratuit (toutes les lectures), www.lebateaufeu.com 90
Molly Bloom © Stephan Vanfleteren
FESTIVAL DIRE
La parole en action Troisième édition pour ce festival né de la rencontre entre la Rose des Vents et l’association Littérature, etc. ou, pour le dire plus simplement, entre la scène et les mots. Lectures, performances ou concerts, ces spectacles libèrent la parole et rendent la langue plus vivante que jamais. Fermée pour cause de travaux jusque fin 2023, la Rose des Vents peut compter sur les structures de la métropole pour continuer à rayonner. En l’occurrence, c’est la maison Folie Wazemmes qui accueille ce rendezvous, et ce n’est pas pour déplaire à Audrey Ardiet, la secrétaire générale : « ce lieu foisonne de petits espaces, renforçant d’autant plus le côté festival de la manifestation ». Ici, il s’agit essentiellement de textes contemporains, mis en scène dans de petites formes et servis par d’immenses noms. Pour preuve ce Molly Bloom monté par Jan Lauwers et interprété par Viviane De Muynck. La Flamande donne corps et voix au dernier chapitre de l’Ulysse de Joyce, soit le sulfureux monologue de l’épouse du héros, livrant sans entrave sa vie sexuelle. De liberté et d’émancipation, il est aussi beaucoup question dans Carte Noire nommé désir. Performeuse hors-norme, Rébecca Chaillon se met littéralement à nu, jouant avec la nourriture, le maquillage et le blanchiment de sa peau pour interroger la place de la femme noire dans la société. Trio electropunk mené par Corinne Masiero, les Vaginites règlent de leur côté son compte au patriarcat lors d’un concert tenant autant de l’opéra povera que du cabaret. Qu’on se le dise : ici, les mots cognent et marquent durablement. Julien Damien Lille, 11 > 16.01, maison Folie Wazemmes, 1 spectacle : 21 > 5 € (ateliers d’écriture : gratuit), larose.fr Sélection / 11.01 : Viviane De Muynck & Jan Lauwers : Molly Bloom // 12.01 : Hubert Colas : L'Été des charognes // 13.01 : A. et S. Chamot, Dominique Manet & Corinne Masiero : Le Parrain IV / Opér'Art Brut // 14.01 : Jeanne Lazar & Benjamin Abitan : Roses inutiles, Oona Doherty : Hope Hunt & The Ascension into Lazarus // 16.01 : Rébecca Chaillon : Carte Noire nommée désir... 92
En 1995, Matthias Langhoff créait l'événement à Avignon en présentant un Richard III télescopant l'histoire du roi shakespearien avec des images de la guerre du Golfe. Révélé dans le rôle du tyran, Marcial Di Fonzo Bo reprend aujourd'hui cette mise en scène. Comme le FrancoAllemand avant lui, l'Argentin ne propose pas une énième lecture du classique. Il s'appuie plutôt sur son "materiau" pour dépeindre le mal absolu, nourri par la violence et la décadence. Sur un plateau incliné (figurant un monde détraqué) et un décor constitué de bois et de métal se mêlent une fois encore les époques. On y perçoit les échos sanglants d'aujourd'hui. J.D.
© Christophe Raynaud de Lage
Gloucester time / Matériau Shakespeare - RICHARD III
Béthune, 12 > 14.01, Comédie de Béthune (Le Palace), 20h, 20 > 6€, comediedebethune.org
Time to Tell © Christophe Raynaud de Lage
LES QUELQU'UNS Ce festival dévoile ces petites histoires qui font la grande. C'est par exemple Martin Palisse qui raconte sa maladie, la mucoviscidose, et sa façon d'échapper à la fatalité en jonglant (Time to Tell). Ou encore les frères Baraka qui retracent dans Oued Kiss la vie de leur père en Algérie, qui fut tout à la fois berger, émigré, résistant, prisonnier, moudjahidin, imam ou fan de Benny Hill ! Pas de doute : Les Quelqu'uns, c'est quelque chose. J.D. Lille, 13.01 > 02.02, Le Prato, 1 spectacle : 15€ > gratuit, leprato.fr Sélection / 13 & 14.01 : Martin Palisse & David Gauchard : Time to Tell // 18.01 : Cie Scratch : Mousse // 25.01 : Marco Cuvelier & Gilles Defacque : Carte blanche // 27.01 : Les Frères Baraka : Oued Kiss 01.02 : Cyril Viallon : Sebastien B. Maniac Opus 3... 94
© Rémi Blasquez
LA DAME BLANCHE L'autre fantôme de l'opéra
Rossini y vit « un tour de force » et Wagner « la marque du génie français ». Composée en 1825 par François-Adrien Boieldieu, La Dame blanche fit un triomphe. Ce fut même, avec Carmen, l’opéracomique le plus joué en France. La co[opéra]tive redonne vie à l'autre fantôme le plus célèbre de l'opéra, entre rires et frissons. Révolutionnaire en son temps, l’œuvre associe l’esprit de l’opéra-comique du xviiie siècle au romantisme naissant, influençant moult compositeurs – dont Bizet. « C’est la naissance d’un nouveau style. Il y a beaucoup de solistes, un chœur et des airs imposants, indique Enrique Thérain, le délégué général de l’Atelier Lyrique de Tourcoing. La dramaturgie est aussi très poussée, avec une vraie introspection des personnages ». Une création avant-gardiste mais aussi populaire, dispensant son lot de « tubes » comme Pauvre dame Marguerite. L’histoire, elle, est du genre folklorique. Abandonné après la mystérieuse disparition du dernier descendant, le château des Avenel suscite les convoitises. Le vil intendant Gaveston veut se l’approprier, mais il se murmure que les lieux seraient hantés par une dame blanche... La metteuse en scène, Louise Vignaud, « joue ici la carte fantastique », transposant le récit dans un monde animalier. Les Avenel deviennent des oiseaux et Gaveston un scarabée. Côté musique, l’adaptation est des plus fidèles, car servie par l’orchestre Les Siècles avec des instruments d’époque. Ces hautbois et bassons restituent alors toutes les nuances originales d’une fable décidément atemporelle. Julien Damien Tourcoing, 14 & 16.01, Théâtre municipal Raymond Devos, ven : 20h • dim : 15h30, 25 > 10€ Dunkerque, 18 & 19.01, Le Bateau Feu, mar : 20h • mer : 19h, 15€, lebateaufeu.com 96
© Jean-Louis Fernandez
LE CIEL DE NANTES Famille, je vous aime
Il y a 20 ans déjà, Christophe Honoré s’était lancé dans l’écriture d’un long-métrage sur sa famille, et s’y était cassé les dents. Trop de douleur dans cette branche maternelle issue de la classe moyenne ? Avec tous ces oncles, tantes et grands-parents un peu loufoques qu’il a follement aimés disparus un à un... Sans doute les planches étaient-elles mieux adaptées pour retracer cette épopée courant des bombardements de 1943 au début des années 2000, avec la ville de Nantes pour toile de fond. Il y a Odette la matriarche, mère de dix enfants, Jacques, le dernier garçon (le préféré) et Christophe, qui à 15 ans se passionne déjà pour le ciné-club du lycée. Soit sept personnages surgis d’entre les morts qui s'emparent de la scène pour livrer leur vérité, dans le décor d’un cinéma décati. L’écrivain (L’Infamille), cinéaste (Les Chansons d’amour) et metteur en scène (Les Idoles) a naturellement confié ces rôles à sa seconde famille, ces comédiens qui le suivent dans ses différents projets (Marlène Saldana, Stéphane Roger, ou Julien Honoré, son propre frère, dans le rôle de leur mère) tandis que Chiara Mastroianni ajoute grâce et glamour au casting. Sur des airs de Barbara ou de Haydn, la fiction et le passé s’entremêlent, pour résonner avec l’histoire de chacun. Marine Durand Douai, 19 & 20.01, Hippodrome, mer : 20h • jeu : 19h, 22/12€, tandem-arrasdouai.eu 98
© Giovanni Cittadini Cesi
SNOW THÉRAPIE Eva et Thomas passent leurs vacances dans une station de ski. Lors d'un déjeuner en terrasse, une avalanche fonce droit sur eux... puis s'arrête à quelques mètres. Plus de peur que de mal ? Pas sûr. Car pour Eva, Thomas aurait fui en abandonnant sa femme et ses enfants... mais en sauvant son téléphone. Lui dément catégoriquement. Qui dit vrai ? Adaptée du film du Suédois Ruben Östlund (Palme d’or à Cannes en 2017 pour The Square), cette comédie grinçante signée Salomé Lelouch autopsie un couple au bord du précipice et la notion même de vérité. Alex Lutz et Julie Depardieu excellent dans la mauvaise foi et les fauxsemblants, avec un humour glaçant. J.D. Béthune, 26.01, Théâtre municipal, 20h30, 42 > 26€ // Lens, 27.01, Le Colisée, 20h, 35 > 17,50€ La Louvière, 28.01, Le Théâtre, 20h, 35 > 15€ // Uccle, 29.01, Centre culturel, 20h, 55 > 17€ * sous réserve des conditions sanitaires
© Simon Gosselin
LE PASSÉ Passé maître dans l'adaptation de chefsd'œuvre de la littérature (Houellebecq, Don DeLillo, Roberto Bolaño), Julien Gosselin nous plonge cette fois dans l'œuvre de Léonid Andreev. Que garde-t-on des mondes disparus ? Tel est le genre de question que pose l'écrivain russe. Cette pièce de 4 h 30 entremêle vidéo, musique live mais aussi costumes d'époque pour mieux interroger notre propre avenir et la pratique même du théâtre. Un spectacle total. J.D. Valenciennes, 28 & 29.01, Le Phénix, 19h, 30 > 10€ Amiens, 23 & 24.02, Maison de la Culture, 19h30, 29 > 11€ 100
© IsabelleDeBeir et Kim Leleux
La Revue des Galeries (Alexis Goslain) C’est LE rendez-vous incontournable des fêtes de fin d’année à Bruxelles, et sans doute le plus efficace des vaccins contre la morosité. Entre caricatures, chansons et sketchs politiques, une joyeuse troupe emmenée par Bernard Lefrancq, Angélique Leleux et consorts passe en revue 2021. Nos trublions tirent à boulets rouges sur ce qui fait la "une" des gazettes, sur fond de strass et de paillettes ! En somme, une ode à la liberté d’expression tout en dérapages (plus ou moins) contrôlés. * Bruxelles, jusqu'au 23.01, Théâtre Royal des Galeries mar > sam : 20h15 • dim : 15h, 30 > 10€, trg.be * sous réserve des conditions sanitaires
Queen Blood (Ousmane Sy)
Une Histoire pop
(Cie L’Ouvrier du drame)
Décédé en décembre 2020, le chorégraphe Ousmane Sy signait avec Queen Blood sa dernière création. Celle-ci met en scène sept danseuses de Paradox-Sal, crew 100% féminin. Chacune d'entre elles illustre dans son style, du dancehall au popping en passant par le krump, la notion de féminité. Scindé en deux tableaux, l’un rythmé par des musiques acoustiques et l’autre par des sonorités électroniques, ce spectacle mêle solos, duos et mouvements d’ensemble, à la croisée de l’intime et du collectif.
Quatre scénaristes rêvent d’écrire une série inspirée du livre de Howard Zinn, Une Histoire populaire des États-Unis. Depuis leur bureau, Linda, Rachel, Gino et Lauren composent leur film idéal. Mais des différences de points de vue sur l’Histoire font surface, révélant les idéologies de chacun. Ils vont alors devenir les héros de leur série... Cette épopée hors norme offre une plongée au cœur de l’Amérique, de 1492 à aujourd’hui, en quatre épisodes.
Douai, 06 & 07.01, Hippodrome, jeu : 19h ven : 20h, 22/12€ // Roubaix, 18.06, Le Colisée, 20h, 35 > 10€, coliseeroubaix.com
Armentières, 15.01, Le Vivat, 20h, 18>2€ levivat.net // Valenciennes, 19.01, Le Phénix 19h, 15>6€, www.lephenix.fr
Antigone à Molenbeek & Tirésias
(Guy Cassiers / Stefan Hertmans et Kate Tempest) Metteur en scène inspiré et engagé, Guy Cassiers s'empare de deux figures mythologiques : Antigone, qui se bat pour accorder une sépulture à son frère, et Tirésias, devin aveugle révélant aux hommes ce qu'ils préfèrent ignorer. Sous la plume de Stefan Hertmans, Antigone devient Nouria, une jeune femme musulmane cherchant à enterrer son frère, un terroriste mort dans un attentat suicide. Kate Tempest fait elle de Tirésias un ado de 15 ans qui change de sexe... Interprétés par deux femmes, ces solos fustigent les préjugés et le rejet de la différence. Valenciennes, 12 & 13.01, Le Phénix, 20h, 30 > 10€, www.lephenix.fr // Amiens, 17 & 18.01 Maison de la Culture, lun : 20h30 • mar : 19h30, 29 > 11€, www.maisondelaculture-amiens.com 102
© E. Blondet, ABACA
Rimbaud en feu (Jean-Michel Djian) Et si Rimbaud n’était pas mort à Marseille, en 1891 ? En 1924, l’année même où André Breton publie son Manifeste du Surréalisme dans les colonnes du Figaro, voilà qu’on retrouve le poète dans une chambre d’hôpital, à Charleville-Mézières ! Tel est le point de départ de cette pièce un brin uchronique. Incarné par un Jean-Pierre Darroussin au sommet de son art, "l’homme aux semelles de vent" n’a rien perdu de ses visions hallucinées (et hallucinantes) qu’il délivre lors d’un monologue… flamboyant. * La Louvière, 16.01, Le Théâtre, 17h, 30/25€, www.cestcentral.be
Like Flesh (S. Eldar / C. Lynn /
À deux mains
S. Costa / Ensemble Le Balcon)
(N. Ouelhadj / Cie Racines Carrées)
Prisonnière d’un mariage malheureux, une femme se lamente dans la forêt dévastée. À la faveur d’une explosion, elle est transformée en arbre. Un forestier et une étudiante se disputent son corps de bois et de feuilles, l’un pour l’argent, l’autre pour l’amour... Lauréat du prix Fedora, récompensant les productions lyriques les plus innovantes, Like Flesh se distingue par un important travail de spatialisation. Ici, la musique est amplifiée par 64 hautparleurs répartis dans la salle, invitant le public à vivre pleinement cette métamorphose. Bluffant.
"À demain" disent les parents à leurs enfants au moment de les coucher. Mais on peut aussi comprendre "à deux mains"... Dans cette pièce jeune public, Nabil Ouelhadj s'amuse de ce jeu de mots, créant une chorégraphie pour deux danseurs qui se montrent des plus créatifs avec leurs avantbras. En l'occurrence ils excellent dans le "finger tutting", discipline qui consiste à construire des figures avec les doigts. Minimaliste, la pièce embarque dès lors les plus petits dans de grandes aventures.
Lille, 21 > 28.01, Opéra, mar, jeu & ven : 20h dim : 16h, 36>5€, www.opera-lille.fr
Roubaix, 26.01, Ballet du Nord, 10h, 10>5€ www.balletdunord.fr
Mawda, ça veut dire tendresse
(Marie-Aurore D’Awans & Pauline Beugnies) Mawda Shamdin Ali avait deux ans lorsqu'elle a été tuée par un policier belge, en mai 2018. La fillette se trouvait alors dans une camionnette qui la passait clandestinement en Angleterre avec ses parents et une vingtaine d’autres personnes, lorsqu'elle a été prise en chasse par les forces de l'ordre sur une autoroute. L'enfant est décédée en recevant une balle perdue... La comédienne et metteuse en scène Marie-Aurore d’Awans et la journaliste Pauline Beugnies ont collecté de nombreux témoignages pour rendre compte de ce drame dans une pièce coup-de-poing. * Mons, 18 & 19.01, Théâtre le Manège, 20h, 15 > 9€, surmars.be // * Bruxelles, 21 > 29.01, Le Rideau mar, mer, ven & sam : 20h30 • jeu : 19h30 • dim : 15h, 5€, lerideau.brussels * sous réserve des conditions sanitaires
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© Chris Erickson
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Chris Erickson
@chrisericksonart
Tandis que la COP 26 a accouché d'une souris, la température continue de grimper sur le globe. C'est notamment le cas à Aspen, ville du Colorado qui s'est réchauffée de trois degrés en 75 ans. Un drame silencieux dont témoigne l'Américain Chris Erickson, auteur de cette sculpture. Trônant au sommet d'une station de ski, cette télécabine fondue rappelle le travail de l’Autrichien Erwin Wurm, et surtout l'urgence de la situation... www.ericksonchris.com 106