LM magazine 180 - octobre 2022

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A RT & C ULTUR E Hauts-de-France / Belgique N°180 / OCTOBRE 2022 / GRATUIT
Les Fabriques du cœur et leur usage 23.10.22 > 19.03.23 © SABAM Belgium 2022 Site du Grand-Hornu, 82 rue Sainte-Louise, B-7301 Hornu Musée des Arts Contemporains au Grand-Hornu EXPOSITION ANNIVERSAIRE
SOMMAIRE LM magazine 180 - octobre 2022 Wendy © Samy Halim Find Your Clitoris II, 2017, Paris © Charlotte Abramow Blue Rave © Robin Wen magazine NEWS - 08 Taillé pour briller, Fauteuil-cercueil, Arts dans la ville, Le Prato à St-So, La Nuit des musées de Mons DOSSIER FREE-PARTY - 12 Julie Hascoët Les Murs du son Robin Wen L’essence de la fête PORTFOLIO - 24 Samy Halim Figures de style RENCONTRE Emma Peters - 34 À fleur de peau Michka Assayas - 58 Sur écoute Charlotte Abramow - 74 Drôle de dame LE MOT DE LA FIN - 130 Alper Yesiltas La fureur de revivre

MUSIQUE - 34

Emma Peters, Mr Giscard, Mansfield.TYA, Tourcoing Jazz Festival, Wet Leg, Fishbach, Lewis OfMan, The Libertines, Sampa the Great, The Limiñanas, Bicep, Kendrick Lamar, Les Négresses vertes, Sofiane Pamart, Agenda

DISQUES - 56

The Libertines, Clark, Lomepal, Bill Callahan, Aloïse Sauvage

LIVRES - 58

Michka Assayas, Simon Reynolds, Pacôme Thiellement, Idir Hocini, Marie-Noëlle Hébert, Sally Rooney

ÉCRANS - 66

L’Innocent, Hallelujah, les mots de Leonard Cohen, 140 km à l’ouest du paradis, Sans filtre, Les Papillons noirs, Fanzinat. Passion et histoires des fanzines en France

EXPOSITION - 74 Charlotte Abramow, Champollion, la voix des hiéroglyphes, Sempé. Infiniment vôtre, Au charbon !, À la table des géants, Les Mots voyageurs, Joan Miró, Picasso & abstraction, Lisette Model, Égypte, éternelle passion, Agenda

THÉÂTRE & DANSE - 106

Théâtre du Nord, Sémélé, Le Songe d’une nuit d’été, Les Antipodes, Sonoma, Maman, L’Après-midi d’un foehn, MEMM, Mes Parents, Blanche-Neige versus Cendrillon, Éric Antoine, Haroun, Guillermo Guiz, Alex Lutz, Agenda

Tourcoing jazz, Melody Gardot © Laurence Laborie Sonoma
SOMMAIRE LM magazine 180 - octobre 2022selection
© Albert Pons
03/22© C  V, D. RMN © C F 24 . 2022 - 26 . 2023 DE VERSAILLES À AMIENS Chefs-d’œuvre de la chambre du Roi-Soleil Musée de Picardie / 03 22 97 14 00 / museedepicardie@amiens-metropole.com / GRATUIT LE 1er DIMANCHE DU MOIS / www.museedepicardie.fr LE CONSEIL DÉ Direction régionale des affaires culturelles Cette exposition est organisée par les musées d’Amiens et le château de Versailles amiens.fr/musee

Direction de la publication

Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction

Julien Damien redaction@lm-magazine.com Camille Baton info@lm-magazine.com Publicité pub@lm-magazine.com

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Couverture

Colin Samy Halim samyhalim.myportfolio.com c @samyhalimart

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat

Impression Tanghe Printing (Comines)

Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Samy Halim, Dominique Julien, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, Françoise Objois et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L’astrolab* - info@lastrolab.com L’astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours

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LE PRATO À ST-SO

Le Prato investit la Gare Saint-Sauveur avec une myriade d'artistes épa tants, à commencer par Tite, tout à la fois clown, transformiste et funam bule. Dans Mirabon et dentelle, elle part à la rencontre de sa féminité, pour le meilleur et le rire. Tandis que deux acrobates interrogent le sens de la vie dans une roue de la mort, Abaque nous plonge dans une ambiance de brocante. Sous ce chapiteau, une jongleuse, une contorsionniste, un hommeorchestre et un équilibriste y refont le monde à leur sauce.

Lille, 06 > 09.10, Gare Saint-Sauveur, un spectacle : 15€ > gratuit, leprato.fr

Arts dans la ville Ah, Tournai. Sa cathédrale, ses cinq clochers, ses géants... et sa vie culturelle, foisonnante. Depuis pile 30 ans, cette manifestation fait rayonner l'art dans la ville, entre balades contées, performances, visites d'ateliers d'artistes ou d'expositions (43 !). Après un passage par la place des marionnettes, on se rendra par exemple au Musée de folklore et des imaginaires, pour observer le nœud sous toutes ses coutures – sans se prendre la tête... Tournai, jusqu'au 30.10, divers lieux en ville gratuit, artville.tournai.be

NUIT DES MUSÉES

Depuis 2015, la cité du Doudou propose sa "nuit des musées", soit une découverte du patrimoine culturelle et des expositions de la ville, dans une ambiance festive. Au BAM, on s'initie au light painting avant de découvrir les œuvres de Joan Miró avec les mains et les oreilles. Et puis on participe aux Anciens Abattoirs au premier concours d’épluchage de pommes de terre du monde –his toire de garder la patate.

Mons, 21.10, divers lieux en ville, 19h > 1h 6/4€ (gratuit -12 ans), visitmons.be

Coll. Etiram © Musee de Tournai © Ville de Mons / Oswald Tlr.
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78 Tours © C. Raynaud de Lage
JULIE HASCOËT Les murs du son interview

Depuis bientôt dix ans, la Finistérienne Julie Hascoët bat la campagne et le littoral breton. Née à Douarnenez voici 33 ans, cette photographe s’est immiscée dans les free-parties qui surgissent entre les bunkers. La jeune femme immortalise, à l’argentique, ces fêtes spontanées et les restes du mur de l’Atlantique, ces blockhaus qui jonchent toujours plages et falaises. Réunies dans un ouvrage, ses images instaurent dès lors un dialogue entre ces rassemblements par essence éphémères et le patrimoine mili taire, interrogeant en creux la construction d’une identité collective derrière ces enceintes. Rencontre.

Quelle fut la genèse de ce projet ? C’est une recherche déambulatoire autour du territoire breton. J’ai voulu créer un lien visuel entre deux architectures : celle des free-parties, festive, éphémère et démontable, et celle des bunkers et fortifications

du mur de l’Atlantique, lourde, indes tructible et durable. Murs de son d’un côté, murs de béton de l’autre.

Le mur serait donc le lien entre ces deux sujets ? Ériger un mur, c’est diviser l’espace,

« Un reflet de l’état de notre société : violente et excessive »

Qu'est-ce qui vous séduit dans cette culture de la free-party ? Je suis curieuse de tous les styles, mais j’aime particulièrement les musiques extrêmes. C’est physique. Le plaisir de ressentir les basses très lourdes, les grosses nappes de synthés, le bruit blanc. Parado xalement, ces sons m’apaisent. Je suis aussi attirée par l’aspect politique du mouvement free, son histoire étant une suite de réac tions à des textes de loi, mais aussi par son mode opératoire (l’implan tation de micro-villages ici et là, le temps d’un week-end), la radicalité des sonorités et le nomadisme.

Free-party organisée par le collectif Nonconform à la pointe de Trefeuntec dans le Finistère, le 23 aout 2014.
15 se placer en opposition à quelque chose. Cela crée également un sentiment de communauté : qui est ce nous réuni derrière cette barrière ? Contre qui la dresse-ton ? Dans les deux cas, il est ques tion d’occupation illégale d'un ter ritoire. L'architecture militaire qui constelle la côte est un patrimoine de guerre. Les fêtes techno, quant à elles, peuvent être vues comme des opérations de guérilla.
••• socié t é

Cette musique et ces fêtes sont un reflet de l’état de notre société : violente et excessive.

Quelles sont les spécificités des free-parties bretonnes ?

Dans votre texte, vous établissez également un lien avec la tradition du fest-noz… Je ne suis pas très portée sur le folklore et m’intéresse peu à la musique bretonne. Mais ce pro jet s’inscrivant dans ce territoire précis, il m’a semblé intéressant de me pencher sur cette particu larité de notre histoire locale. Il y a en effet des connexions, des usages qui se perpétuent. Dans

Mon expérience hors de Bretagne est trop limitée pour proposer une étude comparative. Cependant, cette région compte un nombre incroyable de sound systems actifs. Cela tient peut-être au carac tère marginal du territoire : nous sommes isolés du reste du monde, à la pointe. Du haut de nos falaises, on se tient à l’écart. La rudesse du climat et des éléments fait écho à la gravité de la musique. Mais là, c’est mon attrait pour la peinture romantique et l’esthétique de la ruine qui parle !

Un fêtard danse devant le mur de son lors d’une free-party organisée à Briec dans le Finistère, le 9 août 2015.

le milieu de la teuf, on entend sou vent parler de "tasseurs de sol ", ou bien on "tape du pied ". En Bretagne, on avait autrefois des danses qui visaient justement à aplanir collec tivement des terrains (la Danse de l’aire neuve, notamment), une sorte de rite festif ou tradition agricole. Qu’on le veuille ou non, on actualise en quelque sorte une pratique ancestrale.

Vous avez surtout photographié les moments diurnes, du petit matin… On a souvent une image noc turne de la fête, mais la free-party s’étend jusqu'à l'aube, se poursuit le matin, l’après-midi, parfois du rant plusieurs jours. Il y a certes le mur de son et le dancefloor, mais le parking est un espace tout aussi important. Je saisis donc des moments de partage, la clope du matin, le démontage, des regards absents… Ce ne sont pas des temps hors de la fête : c’est un tout. C'est aussi une manière de

sortir des clichés véhiculés par la presse quotidienne régionale, que je considère comme un organerelais des préfectures, à l'origine des stéréotypes véhiculés dans le "grand public".

Avez-vous observé une évolu tion, dans le son, les pratiques, durant ces six années ?

J’ai remarqué une importante démocratisation de la free-party. Ce phénomène se développe pour plusieurs raisons : la facilité d’accès aux informations avec les méthodes actuelles de communi cation, le fait que la techno soit acceptée comme un genre à part en tière, elle est moins marginalisée aujourd'hui. Comme je le disais, la rudesse de cette musique convient globalement à notre époque, mar quée par un abrutissement de l’Homme dans un monde de machines, de rendement, de profit, assorti à la violence de la société. On cherche à fuir ce milieu en faisant la fête. C’est un exutoire à la hauteur de ce que l'on vit.

Propos recueillis par Thibaut Allemand Photos © Julie Hascoët À lire / Murs de l’Atlantique (Éditions Autonomes) de Julie Hascoët 120 p., 30€ editionsautonomes.com

La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

17 « C’est un exutoire à la hauteur de ce que l'on vit »

ROBIN WEN L'essence de la fête

Nées à la fin des années 1980 en Angleterre, en réaction à une loi de Margaret Thatcher obligeant les clubs à fermer à deux heures du matin, les rave puis free-parties n'ont jamais eu bonne presse. On les présente régulièrement comme des rassemblements de dégénérés, des fêtes clandestines où la drogue pullulerait... Adepte de cette contre-culture, Robin Wen la restitue sous un jour autrement plus rayonnant. Exposées à Bruxelles, ses œuvres témoignent d'un mode de vie guidé par la quête de liberté et l'amour de la musique.

R S Blue rave Stylo à bille sur papier
19 socié t é
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La free-party comme vous ne l'avez jamais vue. Aux clichés véhiculés par les chaînes d'info et ses reportages embrumés de gaz lacry mogènes, Robin Wen oppose des scènes plus intimistes et joyeuses. Corps enlacés, jeunesse sublimée dans des poses hédonistes... « Je voulais apporter un regard plus sensible et positif sur ce milieu, qui souffre encore de préjugés », explique cet artiste installé à Bruxelles. Le jeune homme connaît plutôt bien son sujet. Originaire de Gap, il a fréquenté les free-parties « dès la fin du collège » avant de monter son propre sound system au pied des montagnes alpines, pour y faire résonner des rythmes transe et tribe – une techno typique de ce mouvement. De ces fêtes gratuites et secrètes, il loue le sen timent de liberté, ce plaisir de vibrer

ensemble devant un mur de son ou simplement la créativité, dont luimême ne manque pas, comme en témoignent ses œuvres.

Lumières dans la nuit On retrouve dans ses compositions les éléments symboliques de la free-party : tenues militaires, crânes rasés, capuches, tentes, voitures garées au milieu de nulle part... Une démarche documentaire ? Pas exactement. Passé par La Cambre, Robin Wen privilégie un style oscillant entre l'hyperréa lisme et le fantastique, l'abstraction et la figuration. À l'instar de ce tableau qui immortalise un fais ceau de lumière déchirant l'obscu rité, traduisant toute l'étrangeté de ces agapes électroniques : « c'est presque un moment sacré ».

Entremêler, Stylo bille sur papier
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Portrait Huile sur toile

Le fond dénote, tout autant que la forme, car le Français use d'une technique très singulière.

Bille en tête

Ses dessins s'appuient sur des photographies, prises lors de soirées ou dénichées sur le web. Plus surprenant, ils sont réalisés au stylo à bille, bleu ou quatre couleurs, offrant de délicieuses teintes acides à ces images. « J'adore cet outil. On le trouve un peu partout mais il n'a pas d'héri tage historique, comme la peinture à l'huile. Je souhaitais en faire un objet plus noble, confie-t-il. J'aime aussi travailler avec ce flux continu d'encre. Le geste devient médita tif, comme une transe ». À la Tour à Plomb de Bruxelles, où l'artiste inaugure sa première exposition

solo, on découvre également ses peintures, notamment une série de portraits de teufeurs dignes de tableaux de la Renaissance.

Sauf qu'ici, les modèles nous tournent le dos, participants ano nymes mais hautement symbo liques de rassemblements cultivant la clandestinité. Jusqu'à quand ? Citant Bourdieu, Robin Wen en est persuadé : « toute contre-culture fi nit par devenir une culture... en tout cas, je m'y emploie ». Plutôt bien, n'est-ce pas ? Julien Damien

Free Party Bruxelles, 30.09 > 05.11, Tour à Plomb lun > sam : 10h - 21h, gratuit, touraplomb.be À visiter / robinwen.be ; c @ robin.wen.be

Feu de camp Bois et système audio

« Porter un regard plus sensible et positif sur ce milieu »
30.09–31.12.2022 Exposition Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains L’autre côté « L’autre côté, c’est celui auquel l’art donne accès, notre monde mais un autre à la fois ; soudain habité, mystérieux, enchanté, révélé… » Marie Lavandier, commissaire EXPO-BRUNCH— Dimanche 16 octobre, 10 h 12 h 30 EXPO-KIDS— Dimanche 27 novembre, 14 h 30 – 18 h TOUS LES DIMANCHES, GRATUIT— Entrée— 14 h – 19 h Visites-flash— 14 h 15, 15 h 15 & 17 h 15 | Visite guidée— 16 h PROGRAMME VACANCES— Atelier 8/12 ans— 27 octobre, 14 h 30 – 16 h 30 | Atelier 6/10 ans— 28 octobre, 14 h 30 – 16 h 30 Visite guidée 6/10 ans— 26 octobre, 3 novembre, 21 et 28 décembre
Victoria

SAMY HALIM

Figures de style

L'exil, la galère puis le succès. Ainsi pourrait-on résumer le parcours de Samy Halim. Né en Algérie, celui-ci a d'abord étudié aux Beaux-arts d'Alger avant de quitter son pays « en catastrophe ». Nous sommes au début des années 1990, en pleine guerre civile. C'est la décennie noire. Sa famille trouve refuge en région parisienne. Après avoir vécu de petits boulots, il décroche une place de graphiste junior dans un studio de la capitale. « C'était difficile, mais je n'abandonne jamais mes rêves », confie l'artiste. À partir de là, il enchaînera les postes jusqu'à devenir directeur artistique. En 2011, il se met à son compte et cultive son propre style. Et quel style ! Ses œuvres accordent l'élégance du dessin et la rigueur de la géométrie. Elles se distinguent aussi par une subtile patine rétro, manifeste dans le grain des textures de peau.

« J'ai créé mon outil numérique pour imiter le tracé du crayon, cet aspect fait-main ». Le plus souvent présentés de face, ces portraits jouent avec les courbes, les lignes, la symétrie, les plans. Sublimés dans une palette soufflant le chaud et le froid (« inspirée de couchers de soleil californiens »), ils célèbrent la diversité du genre humain et témoignent, aussi, d'une passion immodérée pour la culture pop. Dans ce portfolio voisinent ainsi le regard pétillant de Pharrell Williams ou la bobine, un brin plus patibulaire, de Kanye West. « C'est vrai, j'exagère parfois les expressions du visage », sourit l'intéressé, qui cherche d'abord à établir une connexion avec le spectateur. À l'instar de cette Victoria à l'attitude rageuse, véritable allégorie de l'émancipation féminine, et dont le regard caché derrière des lunettes de soleil nous en met plein la vue. Julien Damien À visiter / samyhalim.myportfolio.com c @samyhalimart À lire / L'interview de Samy Halim sur lm-magazine.com

« J'ai créé mon outil numérique pour imiter l'aspect fait-main »
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portf o l i o
Keli
Simon
Pharrell Williams
Kanye West
Kenza
Lizzy

EMMA PETERS

À fleur de peau

Emma Peters a connu un succès fulgurant sur le web grâce à des reprises acoustiques de titres de variété française mais surtout de rap. Plus que Doudou d’Aya Nakamura et Angela de Hatik, c’est son interprétation de Clandestina, de Lartiste, qui la propulse sur le devant de la scène. Aujourd'hui, la Lilloise ne se cache plus derrière les paroles des autres. Elle défend un premier album (Dimanche) balayant un large spectre d’émotions. Soit quatorze chansons où la douceur de la pop et de la bossa se frotte à des textes intimes et directs. Rencontre. Propos recueillis par Camille Baton Lille, 06.10, Le Splendid, 20h, 27€, le-splendid.com Bruxelles, 02.12, Botanique, 19h30, 24,50>20,50€, botanique.be

© Elisa Parron
34 m u sique

Quel est votre parcours ?

Je suis née dans une famille de mélomanes. On écoutait beaucoup de musique avec mes parents et on chantait à la maison les dimanches. Naturellement, j’ai commencé la guitare à 13 ans, juste quelques ac cords pour m’accompagner. Puis, avec le temps, mon entourage m’a conseillé de poster mes productions sur les réseaux sociaux.

Était-ce une façon de vous lancer ?

Plutôt une manière de s'amuser. Vers 17 ou 18 ans, j’ai publié mes premières vidéos sur YouTube. Pe tit à petit, j'ai créé un rendez-vous avec mes abonnés. Mes reprises du dimanche soir étaient principalement des covers de rap fran çais, parce que j’adore ça ! Malgré un nombre croissant de vues, je ne pensais pas que cela mènerait quelque part.

tare classique que celle d'un grand mec tatoué !

Ensuite, comment avez-vous envisagé vos propres compositions ?

J’ai longtemps cru que je n’étais pas capable d’écrire des chansons.

Ce n’est pas rien d’assumer ses propres textes. Je me suis cachée derrière les mots des autres pendant très longtemps et ça m’arran geait bien. Ça a donc été un long processus.

Comment présenteriez-vous votre premier album, Dimanche, sorti en mars dernier ?

Il est traversé de tous les styles musicaux écoutés à la maison, dont beaucoup de variété française. C’est donc un album très chanté. Je suis aussi sensible aux mélodies. Mes années de guitare classique apportent une patte bossa nova et jazz. Et puis, mon amour du rap a façonné mon franc-parler et une certaine crudité.

Comment choisissiez-vous ces reprises ?

En écoutant un morceau, je savais instantanément si je pouvais y apporter quelque chose. Et puis, je retenais des textes de rap for midables pour répondre aux critiques faciles sur cette musique. Certains accueillent mieux la voix d’une petite blonde avec une gui

Quel est votre rapport à la scène ?

Comme j'ai surgi sur les réseaux sociaux en plein confinement, c’est la dernière facette du métier que j’ai découverte. J’étais terrifiée à l’idée de monter sur scène. J’étais déjà angoissée pendant mes expo sés à l’école... Mais aujourd’hui ça va mieux et j’ai la chance d'avoir un public bienveillant.

« Mon amour du rap a façonné mon franc-parler »
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MRGISCARD Coolsuprême

Trois ans après un titre du producteur Dombrance dédié au président qui aimait les diam’s, voici que Giscard ressurgit dans l’actualité musicale. Assisteraiton à une réhabilitation sous l’auspice du cool, comme en avait bénéficié on ne sait trop comment Jacques Chirac ? Dans le cas de Mr Giscard, l’Élysée est cependant bien loin : ce jeune homme tire son nom de scène de son prénom Valéry, voilà tout. Enfin, bien loin, c’est vite dit : ce Réunionnais d’origine est installé en Seine-Saint-Denis, d’où le désabusement qui parcourt les mésaventures chantées de ce slacker 2.0 – « faut qu’on s’casse de là, c’est trop triste de passer sa vie dans le 9.3 », clame-t-il sur JVP. Dans le panthéon des je-men-fou tistes assumés, Mr Giscard se situe quelque part entre Chaton (pour la poésie douce-amère) et Mathieu Boogaerts (pour la candeur de son phrasé bouche mi-close). Il traduit avec nonchalance la lassitude de la génération Covid sur des rythmes funk, un Jack’s au miel toujours près des lèvres, dont il saisit à la fois l’amertume et le sucre. Mathieu Dauchy Bruxelles, 07.10, Le Botanique, 19h30, 21,50 > 15,50€, botanique.be DR

©

MANSFIELD.TYA

Dernier tour de piste

C’est un vieux truc du music-hall : la tournée d’adieux qui n’en finit pas. Si Michel Sardou, un gars loyal, honnête et droit, a tenu parole, on se gausse en songeant aux ultimes mais fréquents tours de chant de Charles Aznavour – a priori, là, c’est fini. De Mansfield.TYA, en revanche, on ne s’attendait pas à ça. Mais elles, c’est différent.

C’est plutôt courageux, et classe, de mettre ainsi un point final à 20 ans d’une carrière qui n’en fut pas réellement une. Un chemin, plutôt, jalonné de cinq grands albums, dont le dernier en date, Monument ordinaire, vaut vraiment l’écoute. Fondé du côté de Nantes en 2002 par Carla Pallone et Julia Lanoë, Mansfield.TYA demeure inclassable. On pourrait citer, en vrac, Cowboy Junkies et Dominique A (pour la mélancolie acoustique et minimale), Godspeed You ! Black Emperor et Yann Tiersen, notamment pour l’usage pas vraiment orthodoxe du violon, et un certain goût pour les déflagrations sonores. On décelait, au hasard de quelques paroles, une ironie acerbe, des sentiments planqués derrière un sourire. « Dans le monde du silence, je m'emmerde » glisse par exemple Julia dans Le Monde du silence, sur l’album Corpo Inferno (2015). C’est peut-être moins l’ennui que des activités annexes qui ont eu raison de Mansfield.TYA. Carla est occupée avec Vacarme (où l’on retrouve Gaspar Claus) et Julia, sous l’alias Rebeka Warrior, anime Sexy Sushi et Kompromat. Alors, la lassitude ou la suractivité ? Peut-être, tout simplement, l’envie de laisser un bon souvenir. Pour un groupe, 20 ans, c’est quand même pas mal. Thibaut Allemand Oignies, 07.10, Le Métaphone, 20h30, 18/15€, 9-9bis.com Mons, 13.10, Théâtre le Manège, 20h, 25 > 18€, surmars.be Bruxelles, 14.10, Théâtre national, 20h30, 28/23€, theatrenational.be (+ Fishbach)

© Philippe Jarrigeon
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L’AÉRONEF OCT. 22LILLE 01.10 Electric Callboy + Annisokay 11.10 Einstürzende Neubauten + guest 11.10 Tourcoing Jazz Festival : Guillaume Perret 07.10 Tsugi Birthday Tour : Paula Temple + Kas:st + APM001 + La Mverte 20.10 Selah Sue + guest 23.10 Jok’Air + Konga 25.10 Herman Dune + Joni Île 28.10 Jeanne Added + guest 31.10 Casual Gabberz + Mad Dog + Yoshiko + Shtelameï 08.10 Echt! + MadMadMad + Mainline Magic Orchestra 06.10 Perturbator + Scalping + Author & Punisher 19.10 Mush + Mystic Peach 21.10 Wet Leg + guest 12.10 Cult of Luna + Caspian + Birds in Row 13.10 Findlay + Princess Chelsea 15.10 Surprise Party ! avec Johnny & Wallace + Karaokay Live 15.10 The Fleshtones + Romano Nervoso 16.10 Marillion AERONEF.FR licences : n°1-1064625 2-1064626 / 3-1064627 Design : les produits de l’épicerie 05.10 Parcels + guest HORS LES MURS HORSLESMURS 27.10 Lucky Chops + Kosmo Pilot 28.10 Juicy + Doria D HORS LES MURS Oignies Le Métaphone Rue Alain Bashung • OIGNIES Accès A1 sortie 17.1 ‘’Site minier 9-9bis’’ À 30 min de Lens - Arras - Lille 9-9bis.com19.1 LA CANTATRICE CHÔME MADAM + GRANDMA’S ASHES + TOYBLOÏD + JOHNNIE CARWASH + WE HATE YOU PLEASE DIE Dans le cadre du festival Haute Fréquence, organisé par la région Hauts-de-France Journée thématique autour des femmes dans les musiques punk rock garage PROJECTION-DÉBAT CONCERTS + Restitution du workshop “Girls in a band” mené par SaSo SAMEDI 26 NOVEMBRE SHE ROCKS

Liberté de tons

D’après Quincy Jones, qui s’y connaît un peu, semble-t-il, « le jazz est la musique qui se nourrit de toutes les autres ». On ne lui donnera pas tort, surtout au vu de l’affiche (tou jours impeccable) du Tourcoing Jazz Festival. Celle-ci a le chic pour convier légendes d’hier, de demain et surtout d’aujourd’hui. Et, comme le souligne cette sélection, des artistes qui font du jazz "mais pas que". Une musique qui se nourrit de toutes les autres, quoi. Thibaut Allemand

MELODY GARDOT

Assister à un concert de Melody Gardot, c’est renouer avec une certaine idée de ce jazz vocal et sensuel venu des temps anciens – les légendaires Savoy, Village Vanguard et autres Café Society new-yorkais. Nul pas séisme ici : on n’a pas affaire à un Puy du Fou jazz, non, mais on admire un savoir-faire, un feeling croisé jadis chez Billie Holiday ou Bessie Smith. Piochant dans la soul, le blues, la bossa, cette francophile et francophone aux éternels verres fumés chante également dans la langue d’André Manoukian, comme en témoigne son dernier LP, Entre eux deux (2022). parenthèse laisse le temps

Une
intimiste, qui
en suspension. Tourcoing, 08.10, Théâtre municipal Raymond Devos, 20h, complet ! © Laurence Laborie Tourcoing, 08 >15.10, maison Folie Hospice d’Havré, Théâtre municipal R. Devos, Magic Mirrors, Le Grand Mix (+ Roubaix , Le Colisée • Mouscron, CC Marius Staquet), tourcoing-jazz-festival.com Sélection / 08.10 : Melody Gardot... // 09.10 : Marcus Miller // 10.10 : Renaud Garcia Fons & Dorantes, Jamie Cullum... // 11.10 : Omar Sosa & Seckou Keita, Guillaume Perret... // 12.10 : Anne Paceo, Cécile McLorin Salvant, Thomas de Pourquery & Supersonic... // 13.10 : Electro Deluxe... 14.10 : Leo Courbot, Daida, GoGo Penguin // 15.10 : Lou Tavano Trio, The Brooks, Acoustic Love Sessions feat. Imany & Faada Freddy, Bachar Mar-Khalifé... TOURCOING JAZZ FESTIVAL

OMAR

SOSA & SECKOU KEITA

En 25 ans et autant d’albums le Cubain Omar Sosa, pianiste au toucher sobre et aérien, a sillonné le monde et collaboré avec des musiciens aux horizons divers. Même démarche pour le joueur de kora sénégalais Seckou Keita, plus jeune mais tout aussi curieux – on vous conseille ses deux albums avec la harpiste galloise Catrin Finch. La rencontre Sosa-Keita a donné lieu, comme attendu, à des merveilles de jazz joyeusement impur, syncrétisme de kora mandingue et d’envolées afrocubaines. Un duo au sommet !

Tourcoing, 11.10, Théâtre municipal R. Devos 19h, 29 > 21€

GOGO PENGUIN

Ces trois-là se sont rencontrés sur les bancs de la Royal Northern College of Music de Manchester… et se sont souvent retrouvés, ail leurs et hagards, sur la piste de pas mal de clubs interlopes. D’où l’omniprésence du groove dans leur son. Ainsi piano, contrebasse et batterie organisent des agapes électroniques et, pour tout dire, assez remuantes. On y entend, pêle-mêle, Philip Glass et Aphex Twin, Steve Reich et Squarepusher, Erik Satie, Brian Eno ou Massive Attack. Une autre idée du jazz.

Tourcoing, 14.10, Le Grand Mix, 20h, 25/21€

THOMAS DE POURQUERY & SUPERSONIC

En 2011, le saxophoniste et chanteur Thomas de Pourquery fondait Supersonic, projet hommage au free jazz spatial de Sun Ra. Après quelques années de pause, ce « groupe de rock déguisé en jazz », comme le qualifie l’intéressé, s’est donné une nouvelle mission : viser la Lune. L’équipage, composé entre autres d’Arnaud Roulin et Laurent Bardainne (Tigre d’Eau Douce, Poni Hoax) embarque cuivres, clavier, piano, Moog ou synthétiseurs, et pourrait bien alunir avant l’autre Thomas…

Tourcoing, 12.10, Magic Mirrors, 21h, 18 > 15€

©Andr é Spino © Emily Dennison © Alexandre Lacombe
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WET LEG

Les reines d'Angleterre

On se dit parfois que la pop tourne en rond. Qu’on n’invente plus rien. Que tout a été dit. Et puis, il suffit de quelques accords et d’une mélodie bien troussée pour que l’on replonge. Ainsi de Chaise Longue, single de Wet Leg qui devint la bande-son de notre été 2021 – et des saisons suivantes. Restait donc à les voir en concert.

Ah, la scène… Non pas que ce soit un passage obligé mais, lorsqu’on a dans les mains des titres tels que Wet Dream (et son clin d’œil à Vincent Gallo), on se dit que cette tension ne peut prendre tout son sens que là – et sans filet. Si le succès est tombé (très) rapidement sur les deux Britanniques, elles ont su prendre les choses à merveille. C’est à dire à la légère. Pourquoi s’en faire ? Cette approche détendue de la chose leur a permis de livrer l’un des meilleurs concerts de la dernière Route du Rock, à Saint-Malo. Oh, certes, elles étaient presque à domicile – l’île de Wight n’est pas si loin de la cité corsaire. N’empêche, Rhian Teasdale et Hester Chambers, soutenues par une section rythmique discrète, ont fait ce qu’elles savaient faire de mieux : entonner des petits hymnes de pop punk mutine et altière, aux forts relents 90’s – Pavement et Breeders dans le rétroviseur, et tous les possibles en ligne de mire. Alors, parviendront-elles à se renouveler ? Voire, tout simplement, à réitérer l’exploit ? À vrai dire, on s’en fiche. Wet Leg n’est peut-être qu’une parenthèse enchantée, pour elles comme pour nous. Mais c’est également l’aspect éphémère de cette pop qui la rend si précieuse. Thibaut Allemand Lille, 21.10, L'Aéronef, 20h, 22 > 14€, aeronef.fr Anvers, 04.11, Trix, 19h30, complet !, trixonline.be

© Hollie Fernando
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SEPTDEC 2022 RÉSERVATION SUR CAVEAUXPOETES.COM LA CAVE AUX POÈTES, 16 RUE DU GRAND CHEMIN - 03 20 27 70 10 INFO@CAVEAUXPOETES.COM - WWW.CAVEAUXPOETES.COM 06 octobre YELLOWSTRAPS + TUERIE 12 octobre KEMMLER + GUEST 21 octobre THAHOMEY + WANG DVS 26 octobre KIDS TEMPO CLUB CRISTAUX LA CONDITION PUBLIQUE- ROUBAIX 30 novembre LADANIVA + HEY DJAN 2 décembre MINUIT MACHINE + DEAR DEER 16 décembre MARTINE AU BRUIT 15 novembre JAWHAR + SOREN LAKE 18 novembre GRATUIT ABONNÉ TONN3RR3 + YMNK #rap #hip-hop #rap #chanson #danse #folk #musique-du-monde + DMC + COTON BLANC + DOUBLE T #rap #hip-hop #chanson #théâtre #electro #psyché #techno #dark-punk #electro 8 novembre KIDS TEMPO CLUB BABY POP SALLE WATREMEZ - ROUBAIX C M J CM MJ CJ CMJ N

FISHBACH

Le premier essai de Fishbach, encensé par des oreilles qu’on tient en haute estime, nous renvoyait quand même à Rose Laurens ou Desireless. On n’avait donc pas insisté. En 2022, l’Ardennaise a sorti Avec les yeux et cette fois nos esgourdes ont compris. Qu’elle ne jouait pas, et s’inscrivait dans cette lignée de misfits de la pop française, moqués (Mylène Farmer) ou vénérés (Christophe), pour des raisons qui parfois nous échappent. Les guitares hard-FM, les envolées lyriques et les poses compassées de Fishbach sont clivantes. Mais finalement, c’est la moindre des choses que l’on peut attendre d’une artiste, non ? T.A. Bruxelles, 14.10, Théâtre National, 20h30, 28/23€, theatrenational.be (+ Mansfield. TYA, au Festival des libertés) // Tourcoing, 15.10, Le Grand Mix, 20h, 21 > 6€, legrandmix.com

LEWIS OFMAN

Ce jeune Français a déjà filé un coup de main à Lana Del Rey, Vendredi-sur-Mer, Carly Rae Jepsen, Fakear ou encore Rejjie Snow. Quant à son premier LP, il l’a réalisé en compagnie du britannique Tim Goldsworthy (Unkle, le label Mo’Wax, LCD Sound system…). Hédoniste et faussement légère, sa pop dance parle à tous, même si les grincheux évo queront une musique “commerciale”. L’intéressé répond tranquillement avec Un amour au Super U. Imparable, non ? T.A. Wasquehal, 20.10, The Black Lab, 20h, 22,80€, theblacklab.fr

© Luka Booth
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© É coute Chérie
- ÉDITION AUTOMNE 202210 OCT. > 3 DÉC. 03 28 04 77 68 jazzenord.com
© Roger Sargent

THE LIBERTINES

Les revenants

Profondément émouvant ou absolument pathétique ? Il y a forcément un peu des deux, dans des proportions qui restent à définir, lorsqu'on considère un groupe reformé après plusieurs années. D’autant que, dans le cas des Libertines, on avait affaire depuis le début à des feux follets encapsulés dans une lampe-tempête. Autant dire qu’on n’aurait pas pensé les revoir sur scène en 2022.

Le début du siècle fut marqué de leur empreinte, qu’ils doivent aussi aux Clash, aux Smiths ou aux Only Ones. La paire de songwriters, la vingtaine à peine entamée, brûlait tout sur son passage. Entre 2002 et 2004, elle livra une poignée de chansons inusables sur un premier LP ramassé et un second, dispersé. Et puis plus rien, ou presque. Un troisième album dispensable en 2015, précédé de frasques en veux-tu en voilà, que l’on n’énumérera pas ici – faute de temps, faute de place. Et d’intérêt surtout.

Retour forcé ?

Vingt ans plus tard, donc, The Libertines rééditent leur premier fait d’armes (voir p. 56) dans à peu près toutes les versions. L’occasion pour eux de remonter sur les planches. Pas une première. Depuis 15 ans désor mais, à intervalles irréguliers, Pete, Carl et les deux autres se retrouvent sur scène. Une question de vie ou de mort ? De loyer, certainement. Peter Doherty, en marge de la promotion de l’impeccable The Fantasy Life of Poetry and Crime (avec Frédéric Lo) reconnaissait ouvertement que cette reformation était amicale, certes, mais également pécuniaire – il savait qu’il ne vendrait pas aussi bien ce disque intimiste que le mythe des Libs. Cynisme ? Franchise désarmante, plutôt. À l’image de ces deux lads qu’on aura vu vieillir – et pas si mal, finalement. Thibaut Allemand Bruxelles, 21.10, Cirque Royal, 20h, 39€, cirque-royal-bruxelles.be

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SAMPA THE GREAT

Black is beautiful

Le cœur en Zambie et la tête à Londres, l’incandescente Sampa Tembo, aka Sampa the Great, rebat tranquillement les cartes du rap. Cette poétesse et musicienne mêle culture africaine et hip-hop, chante aussi bien en bemba (sa langue maternelle) qu’en anglais. Entre tradition et modernité, elle s'annonce comme l’une des voix les plus épatantes de la scène contemporaine.

Il se passe encore beaucoup de choses excitantes sous la bannière Ninja Tune. Kae Tempest avait cassé le bitume, Young Fathers posé une nouvelle couche et Black Country, New Road coulé un asphalte neuf. Sampa the Great est la plus récente incarnation de ce que les Londoniens nomment leurs artistes ground-breaking, soit ceux qui "remodèlent les fondations". Coïncidence : The Return, le premier album de la rappeuse et productrice zambienne, sortait la même année que le Grey Area de Little Simz (2019).

Si l’on peut rapprocher les deux rappeuses par leur flow tranchant, la palette de Sampa paraît plus large, entre jazz, boom-bap, soul et afrobeat. Décidée à promouvoir le zamrock, genre né de la volonté de son pays d’origine de privilégier la production locale, celle qui vit désormais en Australie revendique dans son deuxième disque (As Above, So Below) son africanité. Spotify l’a d'ailleurs intégrée à sa playlist "Equal Africa", vantant les "Africaines qui cassent les codes" (traduction artisanale de "The fiercest African women making waves"). Ça ne veut pas dire grandchose, on le concède. Au-delà des étiquettes, le mieux est encore de la découvrir sur scène. Mathieu Dauchy

Tourcoing, 22.10, Le Grand Mix, 20h, 18 > 10€, legrandmix.com Anvers, 25.10, Trix, 19h30, 23 > 19,50 €, trixonline.be

© Travys Owen
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OUT OF HOME COMMUNICATION Urban Posting Display Racks Visitor Information Cultural Spots Hotels, Bars & Restaurants Universities Libraries Bicycle parkings Bus Stops Indoor Posting Banners on Street Lamps Amusement Parks

THE LIMIÑANAS

Comment ça, y a pas de justice en ce bas-monde ? Voyez plutôt l’impec cable trajectoire des Limiñanas. Issu de la scène garage perpignanaise (citons les fameux Beach Bitches), le couple n’a jamais perdu espoir. Fidèle à ses idéaux, il a cumulé durs boulots à l’usine et enregistrements dans la cuisine. Gorgés d’influences sixties, de guitares fuzz, textes pince-sans-rire et instrumentaux cinématographiques, les morceaux du (désormais) groupe séduisent des figures de toutes les scènes indé pendantes, d’Anton Newcombe à Étienne Daho, en passant par Peter Hook, Laurent Garnier ou Pascal Comelade. Quant aux planches, ils les crament sans coup férir. T.A. 22.10, Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20/17€, 9-9bis.com

BICEP

Voici 15 ans, comme beaucoup d’autres foui neurs de bacs, les Nord-Irlandais Matt McBriar et Andy Ferguson tenaient un blog, Feel my Bicep, compilant leurs découvertes. La play list homonyme se trouve d’ailleurs sur Spotify. Passé à la production, le tandem propose une tech-house volontiers hypnotique, chargée de sub-bass et de breakbeats. Pas un hasard si Coldcut, autre tête chercheuse, les a pris sous son aile via le label Ninja Tune. T.A. Anvers, 28.10, Lotto Arena, 18h30, 36,34 €, lotto-arena.be

© Olivier Metzger
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© Dan Medhurst

KENDRICK LAMAR

Un prophète

Dès 2013 on avait flairé tout le potentiel de ce jeune protégé de Dr. Dre, issu comme lui de Compton. En fait, tout le monde a rapidement compris que le good kid marquerait de son empreinte le rap. Kendrick Lamar a dépassé toutes les prévisions : il est en passe de devenir une icône.

Cette année, Mr. Morale & The Big Steppers, le cinquième disque de Kendrick Lamar, a nourri une mythologie déjà dense. En 19 morceaux foisonnants d’idées, le trentenaire élargit encore son spectre musical et s’affranchit des canons pop : aucun titre n’a le gabarit d’un tube. Pourtant, on tient bien là le plus grand album rap de l’année. Surtout, Lamar s’y livre comme peu de ses semblables avant lui, abordant des thèmes inexplorés comme la transidentité de membres de sa famille. Il faut dire que le Californien a connu plusieurs révolutions, dont celle de la paternité. Mr. Morale... est d’ailleurs orné d’une photographie le montrant avec ses enfants. Kendrick y est coiffé d’une couronne d’épines, un flingue à la ceinture – tout est dit. En moins de dix ans, le gamin de Compton a reçu 14 Grammy Awards, un prix Pulitzer, est devenu une figure du mouvement Black Lives Matter, qui a brandi son titre Alright comme un étendard. Le tout en s’imposant avec éclat dans l’entertainment mondial, signant la musique de Black Panther et s’affichant au casting du plus magistral des halftime shows du Superbowl aux côtés de Dr. Dre, Snoop Dogg et Eminem – qu'il est en train, doucement mais sûrement, de dépasser. Mathieu Dauchy

Anvers, 28.10, Sportpaleis, 18h30, 180 > 45€, sportpaleis.be

© Renell Medrano
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Infos, résas & agenda complet www.tumetonnesproductions.com N° DE LICENCE : R-2021-012664 / R-2021-012665C r é a tion g r a phique : l ’a s t r ol a b*in f o@la s r ol a b com tumetonnesproductions KALASH 28.10 • Splendid • Lille TAYC 29.10 • Zénith • Lille GASPARD ROYANT 07.10 • The Black Lab • Wasquehal DADJU SCH 05.10 • Zénith • Lille GRAND CORPS MALADE 04.11 • Zénith • Lille FEU! CHATTERTON 10.11 • Zénith • Lille OCTOBRE EMMA PETERS 06.10 • Splendid • Lille Guillermo Guiz 20.10 • Théâtre Sébastopol • Lille TANIA DUTEL TAÏRO FANNY RUWET 26.11 • Splendid • Lille DÉCEMBRE ELODIE POUX SUZANE 07.12 • L’Aéronef • Lille NOVEMBRE 09.11 • Théâtre Sébastopol • Lille 18.11 • Palais des Congrès • Le Touquet JULIETTE ARMANEt 18.11 • Zénith • Lille 19.11 • Splendid • Lille 23.11 • Zénith • Lille 25 & 26.11 • Zénith • Lille PAUL MIRABEL THE CURE 27.11 • Arena Stade Couvert • Liévin 01.12 • Splendid • Lille YANNICK NOAH 03.12 • Palais des Congrès • Le Touquet FRANGLISH 03.12 • Zéphyr • Hem DEPORTIVO 08.12 • Splendid • Lille 09.12 • Zénith • Lille ORELSAN DAMSO

et aussi…

SAM 01.10

CHLOE + UÈLE LAMORE…Mons-enBaroeul, Salle Allende, 20h, 10>7€

GASPARD ROYANT Béthune, Le Poche, 20h30, 12/10€

MUSE & PIANO : VARIATIONS

GOLDBERG PAR DAVID FRAY Lens, Louvre-Lens, 20h30, 14>5€

ADIEL, ADRIATIQUE, ELLEN ALLIEN, WHO MADE WHO, DAVID ASKO... Roubaix, La Condition Publique, 22h, 1 j : 39 > 24€ • 2 j : 64 > 39€

DIM 02.10

SOOLKING

Lille, Le Splendid, 19h, 30€

ÁSGEIR + HEBE Bruxelles, Botanique, 19h30, 27,50>21,50€

FEMI KUTI + CAMILLA GEORGE Louvain, Het Depot, 20h, 28>25€

LUN 03.10

HOT CHIP Bruxelles, AB, 20h, 34/33€

MER 05.10

LOUIS CHEDID & YVAN CASSAR

Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 61>36€

SCH Lille, Le Zénith, 20h, 55>40€

LES NÉGRESSES VERTES

Encensées par Madonna (eh oui!), remixées par Massive Attack, Fat Boy Slim ou William Orbit, les Négresses vertes sont l’une des formations françaises les plus célèbres à travers le monde. Et cela grâce à une musique qui a mêlé dès ses débuts, en 1987, guinguette, raï et flamenco, jazz et rhythm&blues… Bref, l’un des derniers monuments de la vague alternative (Bérurier Noir, La Mano Negra, Les Garçons bouchers) qui, si elle n’a pas changé la face du rock, a fait tomber pas mal de barrières. T.A.

Hem, 07.10, Le Zéphyr, 20h, 43 > 34€, zephyrhem.fr

JEU 06.10

ANDRÉ MANOUKIAN

Hem, Le Zéphyr, 20h, 35/31€

ASIAN DUB FOUNDATION… Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 20h, 15>12€

TÊTES RAIDES

Calais, CCGP, 20h30, 22>11€

VEN 07.10

GASPARD ROYANT

Wasquehal, The Black Lab, 20h, 22,90€

ILLUSIONS SONORES. JUSTIN TAYLOR

Lille, Opéra, 20h, 10>5€

AYO + GAËL RAKOTONDRABE

Arras, Théâtre, 20h30, 22>12€

BERNARD LAVILLIERS

Lille, Le Zénith, 20h30, 58>39€

PAULA TEMPLE + KAS:ST + APM001 + LA MVERTE

Lille, L'Aéronef, 22h, 28>20€

SAM 08.10

ECHT! + MADMADMAD…

Lille, L'Aéronef, 20h, 10>5€

KASABIAN

Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 39,24€

THE VERY BEST OF JOHN WILLIAMS

Lille, Nouveau Siècle, 20h, 90,50>39,90€

DIM 09.10

LA TEMPÊTE

Lille, Opéra de Lille, 16h, 23>5€

THIS IS AMERICA (VANESSA WAGNER & WILHEM LATCHOUMIA)

Arras, Théâtre, 15h & 16h, 22>12€

LUN 10.10

DJ KRUSH + MR CRITICAL

Bruxelles, Botanique, 19h30, 22,50>16,50€

JAMIE CULLUM

Roubaix, Le Colisée, 20h, 43/39€

MAR 11.10

BJØRN BERGE

Bruxelles, Botanique, 19h30, 18,50>15,50€

EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN

Lille, L'Aéronef, 20h, 33>25€

IMANY Bruxelles, Bozar, 20h, 74>25€

MER 12.10

KEMMLER

Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 23€

LE CONCERT D'ASTRÉE

Lille, Opéra de Lille, 20h, 10>5€

JEU 13.10

FINDLAY

Lille, L'Aéronef, 20h, 10>5€

MESSE EN UT DE MOZART

Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>6€

VALD Lille, Le Zénith, 20h, 41€

VEN 14.10

CINÉMA - JEANNE CHERHAL Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20h, 9€

© Manago
Luc

DEMAIN RAPIDES + BRUIT BLANC

Roubaix, La Condition Publique, 20h, gratuit

VALD

Bruxelles, Palais 12, 20h, 45>36€

JEAN-LOUIS MURAT

Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20/17€

SAM 15.10

BOB DYLAN

Bruxelles, Forest National, 20h, 129,50>118,50€

DAYMÉ AROCENA

Armentières, Le Vivat, 20h, 18>2€

GAUVAIN SERS

Valenciennes, Le Phénix, 20h, 29/25€

QUATUOR ÉBÈNE

Lille, Opéra de Lille, 20h, 23>5€

THE FLESHTONES + THE BOBBY LEES Lille, L'Aéronef, 20h, 10>5€

YANISS ODUA + ALMÄ MANGO Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 18>9€

ODEZENNE

Bruxelles, Th. National, 21h, 30/25€

DIM 16.10

ÁSGEIR

Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 19>11€

YOUSSOU N'DOUR Bruxelles, Théâtre national, 20h30, 35/30€

MAR 18.10

CASS MCCOMBS + KOLUMBO Bruxelles, Botanique, 19h30, 21,50>15,50€

SOFIANE PAMART

Durant les seventies, Saint-Preux ou Richard Clayderman tentèrent un syncrétisme entre la musique classique et la variété. Un demi-siècle plus tard, Sofiane Pamart rapproche la compo sition pianistique de la variété d’aujourd’hui : le rap. Cela tient davantage à son ethos (être le meilleur) qu’à ses compositions, gorgées de ré férences à Chopin, Debussy ou Ravel. Mais cela en dit long, aussi, sur une musique (le classique) bien plus accessible qu’il n’y paraît pour la jeune génération. Rassurant ! T.A.

La Louvière, 12.10, Le Théâtre, 20h, 30 > 8€, cestcentral.be

GAËTAN ROUSSEL

Lille, L'Aéronef, 20h, 29.80€

SEUN KUTI & EGYPT 80

Lille, Le Spendid, 20h, 26,80€

TINDERSTICKS

Anvers, De Roma, 20h, 39/37€

VILLAGERS

Brugge, Koninklijke Stadsschouwburg, 20h, 24>6€

MER 19.10

SUM 41 Bruxelles, Forest National, 18h30, 36,84€

JEU 20.10

THE SOFT MOON Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 14>6€

VEN 21.10

H.F THIÉFAINE

Hazebrouck, Espace Flandre, 20h, 45€

TIMBER TIMBRE Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16>8€

SAM 22.10

PETER KERNEL + TROBAR CLUS… Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 20h, 8/5€

SNIPER

Lille, Le Splendid, 20h, 29€

MALIK DJOUDI Arras, Théâtre, 20h30, 22>5€

FUN LOVIN' CRIMINALS Brugge, Koninklijke Stadsschouwburg, 20h, 24>6€

DIM 23.10

STING

Lille, Le Zénith, 20h, 150>73€

MAR 25.10

HERMAN DUNE

Lille, Auditorium du Conservatoire, 20h, 19 > 11€

MER 26.10

EDITORS

Bruxelles, Forest National, 20h, 57>51€

VEN 28.10

DEEP PURPLE

Lille, Le Zénith, 20h, 79,50>57,50€

JEANNE ADDED

Lille, L'Aéronef, 20h, 28>20€

THEO CROKER

Marcq-en-Barœul, ColiséeLumière, 20h30, 26 > 20€

SAM 29.10

SELAH SUE

Anvers, De Roma, 20h, 34>32€

REGARDE LES HOMMES TOMBER… Béthune, Le Poche, 20h30, 12>10€

DIM 30.10

YOUSSOUPHA

Lille, Le Splendid, 19h, 32€

LUN 31.10

EZRA FURMAN

+ THE GOLDEN DREGS

Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 21>14€

© Romain Garcin
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The Libertines

Up The Bracket - 20th Anniversary (Rough Trade Records)

Lorsque parut cet album voici vingt ans, certains le snobèrent. Quelques mois plus tôt, des gamins BCBG fantasmant le CBGB avaient tout renversé – le premier album des Strokes, ce n’était pas rien. Alors, The Libertines, l’inévitable "réponse anglaise", rien de plus ? Non. The Strokes devinrent par la suite des Phoenix américains (c’est un compliment) quand nos Britanniques se consumèrent. À l’instar d’autres tandems créatifs (Beatles, Stones, Kinks, Depeche Mode, Smiths, Oasis…), Carl Barât et Pete Doherty, rejetons vénères de l’Angle terre de Tony Blair, fonctionnaient à deux. En couple même, un amour pla tonique (?) les unissant. Ce premier disque, condensé d’énergie pure et de refrains imparables, de dérapages à peine contrôlés et de grâce incar née, se voit donc réédité en de multiples versions (dont un coffret que les intéressés, à l’époque, n’auraient sans doute pu s’offrir). Outre les singles et les live, son intérêt réside dans les démos : confirmation que tout était en place, la "production" de Mick Jones (The Clash) consistant à ne tou cher absolument à rien. La classe à l’état brut, tout simplement. Qui a créé pas mal de vocations. Et pourrait, par-delà la nostalgie des quadras, en susciter de nouvelles, qui sait ? Thibaut Allemand Clark Body Double (Warp)

Figure discrète mais importante de l’electronica britannique, Chris Clark a signé neuf albums chez Warp… avant de filer chez Deutsche Grammophon. Son troisième disque pour la maison de Sheffield n’en fut pas moins, en 2002, un classique inclassable (IDM ? Abstract hiphop ?) joliment réédité pour son vingtième anniversaire. Pour le dire vite, avec ses broken beats, ses textures retravaillées et son ambiance mélancolique, Body Riddle s’inscrivait dans la lignée des travaux d’Aphex Twin. On y entend des xylophones ou des pianos que le Cornouaillais n’aurait pas reniés. Vingt ans plus tard, cet album n’a pas pris une ride et se voit enrichit d’un LP supplémentaire, 05.10, comprenant remixes et pistes inédites. L’occasion de relire un chapitre méconnu du grand grimoire Warp. Thibaut Allemand

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disques

Lomepal

Mauvais ordre (Pinéale)

Après les succès de Flip et Jeannine, puis un burn-out et une longue période de questionnements, Lomepal est de retour avec un troisième album où il se réinvente comme jamais. Connu pour ses textes très personnels, Antoine Valentinelli (pour l’état civil) privilégie cette fois la fiction pour mettre en scène son chaos intérieur. Le skater se glisse dans la peau d’un personnage pour chanter des histoires d’amour (Prends ce que tu veux chez moi), assumer ses failles (À peu près), ses excès en tous genres (Tee) et son vague à l’âme (Le Miel et le vinaigre). Musicalement, ce grand fan des Beatles ouvre plus encore son jeu, entre rap, electropop, chanson française (Maladie moderne) et rock, sans aucun effet de réverbe ni auto tune. Authentique, quoi. Camille Baton

Ce bon vieux Bill serait-il passé de l’autre côté du miroir ? C’est en tout cas ce que le titre du huitième album de l’ex-Smog laisse présager. En fait, rien de tout cela. On retrouve, dès les premières notes égrenées, le timbre chaleureux et sépulcral du natif de Sil ver Spring (Maryland). Ces mots tristes réconfortent, ce sont des berceuses pour adultes. Et puis le tout s’ouvre peu à peu : douce transe ( Partition ), talk-over pour jazz squelettique (Naked Souls), folk ensoleillé soutenu par des chœurs féminins ( Natural Information ). Une heure en suspension. Dis crètement, mais sûrement, Callahan se pose aux côtés de Dylan (sans la pose) de Lou Reed (sans la cruauté) de Cohen (sans la messe). En réalité ? Une leçon de songwriting, tout simplement. Thibaut Allemand

Aloïse Sauvage fut révélée il y a deux ans avec Dévorantes en concassant rap, electro et chanson française. Elle opé rait alors une sorte de syncrétisme entre Diam's (le sens du refrain), PNL (la voix autotunée) et MHD (l'afro-trap). Pour son deuxième album, la musicienne, circassienne, danseuse et actrice pousse l'éclectisme encore plus loin. Au fil de ces 14 titres se bousculent sonorités zouk, egotrip musclé (Focus) ou ballades plus lyriques (Aime-moi demain et son accompagnement piano-violons). Si les textes parlent toujours d'amour lesbien (Joli danger, sommet de sensualité) ils sont aussi plus politiques. Crop Top évoque ainsi les féminicides, le consentement ou les tenues "inappropriées" pour s'imposer comme un hymne féministe et guerrier – sauvage, quoi. Julien Damien

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MICHKA ASSAYAS Sur écoute

Avec Very Good Trip sur France Inter, il nous guide chaque soir vers des contrées musicales inattendues. Ne dites cependant pas à Michka Assayas qu’il est un érudit : malgré ses connaissances encyclopédiques (le Dictionnaire du rock, c’est lui) le journaliste continue, à 63 ans, de nourrir un rapport quasi charnel à sa passion. Ce Diderot rock publie un livre d’entretiens menés par la journaliste Maud Berthomier dans lequel il raconte, avec moult anecdotes personnelles, comment la musique a jalonné, et même modelé, sa vie.

Quel a été le point de départ de ce livre ?

Il s’agit d’une commande de mon éditeur questionnant mon rapport à la musique. Comme je ne voulais pas proposer une énième "disco thèque idéale" et que mon émission de radio prend du temps, nous avons sollicité Maud Berthomier, qui avait publié un formidable recueil d’entretiens avec des légendes de la critique rock améri caine. L'entente a été instantanée, elle a su me pousser dans mes retranchements, jusqu'à revenir sur mon enfance, ma famille ! Dans un deuxième temps, nous avons retravaillé ces entretiens, un peu comme un groupe qui ajuste cer taines prises de son en studio.

Comment traduire concrètement votre passion sur le papier ?

L’idée était surtout de contextualiser. La musique que je décris a marqué différents épisodes de ma vie. Cette discussion souligne l’importance de ces découvertes pour moi. Mais je suis un prétexte, je représente n’importe quel lycéen modelé par le prog rock.

Ce qui frappe à la radio comme dans le livre, c’est votre enthousiasme intact, presque juvénile. La musique, ça n’était donc pas mieux avant ? Bien sûr que non ! Chaque période est enjolivée par le souvenir qu’on en garde.

58 interview
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l i t t érature

Dans les années 1960 je peux vous assurer qu’on écoutait davantage Burt Bacharach et Mireille Mathieu que les Beatles ou les Stones ! Je suis persuadé que des artistes d’aujourd’hui vont rester dans l’his toire. Ce qui a changé en fait, c’est le rôle social de la musique.

Dans l’introduction au premier chapitre, Maud Berthomier affirme que « la musique raconte des histoires qui nous sont communes » : est-ce toujours le cas aujourd’hui, avec la parcellisation des méthodes d’écoute ? Évidemment, la musique a perdu de son universalité. Il reste tout de même des micro-communautés extrêmement mobilisées autour d’un genre, comme dans le doom metal par exemple, dont les fans à travers le monde forment presque une secte…

Elle n’a plus la résonance qu’elle avait dans nos vies. Désormais elle est diluée dans un flux de diver tissement. On va voir un concert comme on va au restaurant… Cela me rend triste, mais ça n’est en rien une question de qualité !

Vous n’hésitez pas à défendre des artistes dits mainstream. Est-ce une démarche délibérée de vous méfier des chapelles ? Par le passé, j’ai été très snob ! J’étais animé par l’envie de traquer ce qui était nouveau, faisait bouger les lignes. De comprendre le monde dans lequel on vit, en quelque sorte. Et puis la presse rock, à une période, mettait tou jours en avant les mêmes artistes : les Doors, Pink Floyd… Déjà au temps du punk, je ne comprenais pas l’intolérance que certains pou vaient nourrir à l’égard des Beach Boys. Je m’évertuais à expliquer que leurs chansons étaient des merveilles ! À l’époque où j’écrivais dans Rock & Folk, je défendais déjà Abba. En lançant cette folle aventure qu’était le Dictionnaire du Rock ,

« Des artistes d’aujourd’hui vont rester dans l’histoire »

je me suis rendu compte que j’avais des préjugés sur de nombreux artistes. Alors, j'ai replongé dans des milliers de discographies, à la façon d’un chercheur.

d’enquêter me vient naturelle ment : la musique est une chose très énigmatique, et son effet peut être d’une grande violence.

Finalement cette attitude "bienveil lante" est l’aboutissement de tout un parcours.

À l'instar d'un enquêteur vous cherchez toujours à comprendre dans quel contexte un album ou un titre est né, n’est-ce pas ? J’ai toujours procédé ainsi, même sans m’en rendre compte. Par exemple, mon premier article sur Joy Division mentionnait déjà la désindustrialisation… Cette manie

Comment avez-vous procédé pour compiler les 300 titres de la playlist qui composent votre parcours intime ? Ces morceaux ont surgi au hasard de nos conversations avec Maud. Ils ont tous une importance parti culière, la faculté de me faire battre le cœur. Je pourrais leur consacrer à chacun un laïus entier pour expli quer en quoi ils sont importants.

Ils ont tous une résonance personnelle. Mais le pari de ce livre est de s’adresser à tous ceux qui entretiennent des souvenirs avec la musique, peu importe laquelle. Propos recueillis par Mathieu Dauchy

À lire / Very Good Trip. Une Histoire intime de la musique, de Michka Assayas et Maud Berthomier (GM Éditions), 216 p., 34€, gm-editions.com

La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

« La musique est une chose très énigmatique »
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Simon Reynolds Hardcore (Éditions Audimat)

Depuis une vingtaine d’années, Simon Reynolds s’est imposé comme un critique musical de premier plan. Qu’il disserte sur le post-punk, le glam, les destins croisés du rock et du hiphop (Bring the Noise, 2013) ou l’incapacité de la pop culture à se renouveler (Retromania, 2012), sa pertinence cultivée anime toujours les débats. On lui doit également quelques concepts entrés dans l’usage, tels post-rock, hantology et, donc, le Hardcore continuum. Le terme désigne un ensemble de musiques issues de la techno hardcore, jusqu’aux mille et une branches dubstep, en passant par la jungle, la drum'n'bass, le 2-Step, la bassline, le grime… Soit une esthétique profondément anglaise, née à Londres et dans quelques zones périphériques (les Midlands, Bristol…). Réunissant des articles parus entre 1992 et 2010 dans les mensuels The Wire, Fact ou sur ses nombreux blogs, cet ouvrage dévoile la cohérence et l’acuité d’une façon de penser la musique mêlant érudition entomologiste et enthousiasme primitif – voir ses pages sur Burial, Zomby ou Wiley, pour n’en citer que trois. De quoi mieux appréhender et (re)découvrir 30 ans de sons électroniques. 280 p., 20€. Thibaut Allemand

Pacôme Thiellement Paris des profondeurs (Seuil)

Une promenade dans un Paris chargé d'histoire en compa gnie d'un érudit intarissable ? Non, rassurez-vous, on ne fait pas de la retape pour Lorànt Deutsch. L’ouvrage en question est un peu l'anti-Métronome. Paris, donc, mais un Paris des profondeurs , celui des âmes oubliées, celui des anti-héros magnifiques, irrigué par un esprit gitan, par une âme de sorcière. C'est Pacôme Thiellement, essayiste pop, qui nous accompagne de Notre-Dame au Diable Vauvert comme dans un film de Rivette, en convoquant au passage les spiri tualités rebelles qu'il affectionne. Par le jeu des souvenirs et des révélations, il met au jour une ville qui ressemble à un long poème – tantôt sonnet mélan colique, tantôt cadavre exquis surréaliste. Un récit que nous réapprenons ici à lire. 240 p., 20€. Rémi Boiteux

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livres

Idir Hocini La Guerre des bouffons (Clique Éditions)

Plume phare du Bondy Blog, Idir Hocini dé roule ici une auto biographie de groupe. Il y parle de lui, évidemment, né voici 42 ans en Seine-Saint-Denis, mais aussi de la fratrie, des parents, des copains… De réparties bien senties en râteaux mémorables, son écriture alerte mêle souvenirs d'été en Algérie et scolarité ordinaire. Il évoque la banlieue sans misérabilisme, comme un formi dable terrain de jeux. Hocini dépeint, finalement, ces vies comme Pagnol avant lui. Dédié à « tous les idiots du village » et bardé de références popu laires (Louis Pergaud bien sûr, mais aussi Le Club Dorothée, Le Seigneur des anneaux, Xena la guerrière, les jeux de rôle…), ce premier roman vita liste et humaniste révèle un écrivain plus que prometteur. 400 p., 20€.

Thibaut Allemand

Marie-Noëlle Hébert

La Grosse laide (Éd. des Équateurs)

Durant longtemps, Marie-Noëlle Hébert s'est trouvée « grosse et pleine de vide ». À huit ans, la Montréalaise essuie de premières remarques désobligeantes sur sa silhouette, trop éloignée des canons de beauté imposés par la société. Ses cuisses sont grasses, son ventre pas assez plat... Tout ça serait de sa faute. Elle mangerait trop. Son père la traite un jour de « grosse truie ». Alors, lentement mais sûrement, elle s'est appliquée à dénigrer son corps, puis tout son être, avant de lutter contre sa propre honte et le regard des autres. D'apprendre à s'aimer. C'est ce com bat qu'elle raconte dans son premier roman graphique, entièrement dessiné au fusain. Armée de cet outil tendre et friable, elle livre un puissant (et sublime) récit sur l'acceptation de soi. 100 p., 20€. Julien Damien

Où es-tu, monde admirable (Éditions de l’Olivier) Érigée en porte-voix des millennials depuis le succès de Normal People, l’Irlandaise Sally Rooney était de loin l’autrice la plus attendue de cette rentrée étrangère. Ce nouvel opus confirme son talent pour ausculter les doutes d’une géné ration qui peine à croire en l’avenir. Alice, romancière star mais dépressive retirée dans un village en bord de mer, fait la rencontre de Félix. Eileen, sa meilleure amie, chroniqueuse littéraire restée à Dublin, renoue de son côté avec son amour de jeunesse… Si Rooney décrit magistralement les difficultés à se comprendre entre pairs, elle convainc moins avec les pages d’e-mails verbeux qu’échangent les deux vingtenaires sur la vie, la politique, la spiritualité ou la beauté perdue de notre monde, décidément peu admirable. 384 p., 23,50 €. Marine Durand

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© Emmanuelle Firman / Les Films des Tournelles

L'INNOCENT

Mon beau-père et moi

Pour son quatrième long-métrage en tant que réalisateur, Louis Garrel signe sans doute son meilleur film. Présentée hors-compétition lors du dernier Festival de Cannes, l'œuvre avait d'ailleurs fait sensation. Quelque part entre la comédie romantique et le polar, L'Innocent met en scène un homme en prise avec son caïd de beau-père...

Abel découvre que sa mère, la fantasque Sylvie, animatrice d’ateliers de théâtre en prison, s'est une nouvelle fois éprise d'un détenu. Pire : cette fois, elle va se remarier. Inquiet, notre héros enquête sur cet homme mys térieux, bien aidé par sa meilleure amie. Il le soupçonne de vouloir renouer avec sa vie de truand… Réalisateur de trois longs-métrages inégaux (Les Deux amis, L’Homme fidèle, La Croisade), Louis Garrel passe à la vitesse supérieure avec L’Innocent. Ce film procure d’abord le plaisir de revoir la grande Anouk Grinberg, trop longtemps absente des écrans de cinéma. Quelques semaines après le remarquable La Nuit du 12 de Dominik Moll, on la retrouve dans le rôle d’une femme de 60 ans, amoureuse comme une adolescente. Autour d’elle circule une galerie de personnages hauts en couleur.

À l'italienne Jamais là où on l’attend, remarquablement interprété (Roschdy Zem, dans le rôle du beau-père taulard, est épatant), L’Innocent passe ainsi d’un genre à un autre (romcom, polar, mélodrame social) avec une décon traction insolente. Les dialogues sont finement ciselés et le récit offre des moments de pur délire, rappelant les grandes heures de la comédie italienne (les scènes de filatures entreprises par Abel sont hilarantes). Il aura donc fallu quatre films pour que Louis Garrel devienne un brillant cinéaste, et l'attente en valait vraiment la peine. Grégory Marouzé De Louis Garrel, avec lui-même, Roschdy Zem, Anouk Grinberg, Noémie Merlant... Sortie le 12.10

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écran s

HALLELUJAH, LES MOTS DE LEONARD COHEN

Chant libre

Devenu un passage obligé des télécrochets, Hallelujah s'est imposée comme la chanson la plus célèbre de Leonard Cohen. Dans un documentaire plein d'admiration, Daniel Geller et Dayna Goldfine en retracent la genèse compliquée et le destin paradoxal, tout en brossant un portrait de son auteur.

Et vous, quelle version d' Hallelujah vous a fait fredonner en premier « It goes like this, the fourth, the fifth / The minor falls, the major lifts » ? Celle de Cohen, de Jeff Buckley ou de John Cale ? Ou alors est-ce à Shrek (n'ayons pas honte) que vous devez cette découverte ? Au gré d'entretiens et d'archives, Hallelujah, les mots de Leonard Cohen raconte la trajectoire étonnante de ce qui est devenu un hymne universel. L'histoire est plus ou moins connue : le Canadien au regard mélancolique noircit des dizaines de carnets avant de l'enregistrer pour un album, Various Positions… qui est mis au placard par Columbia. Interprétée en live par Bob Dylan, la chanson revient finalement sous une autre forme, plus sensuelle. C'est en même temps les grandes étapes de la vie de l’artiste que le film déplie, depuis ses débuts de poète tourmenté jusqu'à ses ultimes tournées, durant lesquelles il arpente la scène avec une joie et une vigueur saisissantes. Sans briller par son originalité formelle, ce documentaire témoigne d'une connaissance intime de l'œuvre, particulièrement sensible dans le mon tage très subtil des morceaux et des entretiens. Ainsi, les mots de Cohen résonnent avec une puissance renouvelée. Raphaël Nieuwjaer

Documentaire de Daniel Geller & Dayna Goldfine. Sortie le 19.10

© Graeme Mitchell/Redux
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DU PARADIS

S'échappant d'une torchère, une langue de feu domine les HautesTerres, région montagneuse de Papouasie-Nouvelle-Guinée investie par ExxonMobil. Le gaz qui l'alimente devrait être une bé nédiction pour les populations lo cales, mais la réalité se révèle bien différente. Émaillé de séquences stupéfiantes, ce documentaire montre le cynisme de la compagnie américaine et des repré sentants politiques qui lui servent de marchepied. Mais le film vaut aussi pour la relation intime que Céline Rouzet a nouée avec les ha bitants. Se situant dans une zone de frictions entre deux conceptions du monde, l'une ancrée dans l'animisme, l'autre fondée sur la transformation de la nature en ressources exploitables, il ne manque pas d'interroger le spectateur sur sa propre position. Raphaël Nieuwjaer

Documentaire de Céline Rouzet. En salle

SANS FILTRE

Si vous aimez le cynisme rigolard de Ruben Östlund, vous êtes au bon endroit. Dans ce film qui lui rapporte une deuxième Palme d’or après The Square, en 2017, le Sué dois pousse ses personnages à révéler leur véritable nature – son Snow Therapy , en 2014, utilisait le même procédé. Le cinéaste embarque cette fois influenceurs, marchands d’armes et autres per sonnages peu recommandables pour une croisière de luxe, qui va virer au cauchemar à la suite d'une tempête. Comme Marco Ferreri avec La Grande bouffe (autre scan dale cannois, en 1973), Östlund tend un miroir déformant à notre société, à l'image de cette scène de mal de mer collective et sa trombe de vomi et d’excréments, allégorie d'un capitalisme malade. C'est à la fois répugnant, cruel et hilarant. Une Palme gore. Grégory Marouzé De Ruben Ösltund, avec Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson... En salle

© Plattform Produktion / BAC films
69 140 KM À L'OUEST
© New Story

LES PAPILLONS NOIRS

Dans le nord de la France, de nos jours. Un écrivain en manque d’inspiration reçoit l’appel d’un retraité, qui souhaite publier ses mémoires. Il lui raconte une his toire d’amour des plus roman tiques, qui va rapidement basculer dans l'horreur. Un meurtre, un deu xième, puis des dizaines... Ce récit est en réalité celui d'un couple de tueurs en série. Quelle est la part de vérité dans les souvenirs du vieil homme ? Mystère… Dans les rôles phares, Nicolas Duvauchelle et Niels Arestrup servent à mer veille toute l’ambivalence d’une relation oscillant entre admiration et dégoût. Rythmée par des allersretours dans le temps et son lot de révélations fracassantes, cette série sanglante, parfois déran geante mais ô combien haletante se déguste comme un thriller à l’américaine.

Camille Baton Une série d'Olivier Abbou et Bruno Merle, avec Nicolas Duvauchelle, Niels Arestrup, Axel Granberger... Six épisodes disponibles sur Arte TV

FANZINAT.

Passion et histoires des fanzines en France

Cinéma de genre, tatouages, SF, football, musiques des marges… Autant de domaines auxquels sont dédiés pas mal de fanzines. Rappelons que cet objet artisanal, de tous volumes et formats, est édité par des passionnés, seuls ou en bande. Si le premier d’entre eux remonte aux années 1930, son explosion doit beaucoup à l’essor de la photocopieuse… et le Web ne l’a pas encore totalement rem placé. Ce documentaire revient sur l’histoire de ces canards souvent éphémères, mais parfois voués à la consécration (citons Starfix ou Les Inrockuptibles ). Parmi la trentaine d’interviewés, on croise le cher cheur Samuel Étienne (cofondateur des éditions Mélanie Seteun), le gra phiste Freak City, ou encore l’incon tournable Didier Bourgoin, qui fonda la Fanzinothèque de Poitiers en 1989. Stimulant ! Thibaut Allemand

Documentaire de G. Gwardeath, L. Bessi et J.-P. Putaud-Michalski. Sortie le 07.10 (10.11 : Bruxelles, Galerie Sterput, 11.11 : Lille, La Malterie), fanzinat.fr

Delphine Bucher © Nicolas Roucou
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© DR
LAISSEZ-VOUS SURPRENDRE ! RETROUVEZ LE PROGRAMME SUR ASUIVRE.LILLEMETROPOLE.FR ATELIERS - LECTURES - EXPOSITIONS - RENCONTRES D’AUTEURS - SPECTACLES - TROCS DE LIVRES, CD, DVD - JEUX - QUIZZ UNE ÉDITION GRANDEUR NATURE © Conception graphique Servane Rotsaert / Juillet 2021 DU 14 AU 16 OCT.
OCT. 22 FÉV. 23 MUSÉE D’HISTOIRE NATURELLE DE LILLE VERS LA MÉTA MOR PHOSE Musée d’Histoire Naturelle de Lille 23, rue Gosselet 59000 Lille 03 28 55 30 80 - contact-mhnl@mairie-lille.fr #mhnlille Plus d’info www.mhn.lille.fr
Design graphique : Studio Corpus EXPOSITION BIEN CONSERVÉS ! 200 ANS DE COLLECTIONS du 21 oct. 2022 au 3 juill. 2023 CABANE DE FERRAILLEUR PAR GUILLAUME LEPOIX du 21 oct. 2022 au 28 fév. 2023 LE MUSÉE FÊTE SES 200 ANS ! FÊTE D’ANNIVERSAIRE samedi 22 oct. de 15h à 22h DÉVOILEMENT DU PROJET DE RÉNOVATION DU MUSÉE…. ET AUSSI : NOCTURNES, RENCONTRES, ATELIERS CRÉATIFS ET SCIENTIFIQUES…
Charlotte Abramow devant Équilibre instable et jaune, 2014, Paris © Julien Damien

CHARLOTTE

Ceci n’est pas un cliché

Après New York ou Paris, Charlotte Abramow est enfin prophète en son pays. La photographe présente sa toute première exposition monographique en Belgique. Révélée auprès du grand public avec son travail pour Angèle (sur l’album Brol), l’artiste croule depuis sous les demandes ! Au centre d’art le Hangar, à Bruxelles, on dé couvre ses portraits (Juliette Armanet, Rokhaya Diallo, Philippe Katerine, entre autres), ses vidéos mais aussi une œuvre plus personnelle. Emplies de poésie et d’humour, ses images offrent un joyeux contrepied au mythe du corps féminin parfait.

Absurde censure, 2018, Paris © Charlotte Abramow
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ABRAMOW
exposi t i o n

L’exposition s’intitule Volle Petrol, comprenez "à toute vitesse". Ce flandricisme sied assez bien à Charlotte Abramow, dont le par cours est du genre fulgurant. De puis ses premières photographies prises à l’âge de sept ans avec un appareil jetable, jusqu’à ses portraits ou vidéos réalisées pour Angèle (La Loi de Murphy, Balance ton quoi), la Belge n’en finit plus de casser la baraque !

Drôles de dames Ses modèles essentiellement fé minins, souvent dénudés, parfois contraints dans des poses alam biquées, dézinguent bien des cli chés. Ces corps sont par exemple voluptueux, n’occultant aucune imperfection, aucun bourrelet, à l’ins tar de la série 40 Mins of Anaïs (ou comment « transformer ce que la société dénigre en quelque chose de beau »). Ils sont aussi… vieux, tout simplement. Ainsi de cette photo de Claudette, une dame de 74 ans, rayonnante en tenue d’Eve, dans une touchante ode à l’accep tation de soi. « Sa joie de vivre nous montre que la beauté est intempo relle. Je voulais montrer un corps

Toutefois, ce titre convient un peu moins à la visite. Plutôt que de se précipiter, il faut en effet prendre son temps pour savourer ses créations. Présentées au der nier étage du Hangar, sous une lumière naturelle zénithale, cellesci témoignent des préoccupations féministes de l’artiste.

« Transformer ce que la société dénigre en quelque chose de beau »
Vue d'exposition , Claudette, 2014, Paris © Julien Damien •••
Le Câlin, 2014, Paris © Charlotte Abramow

Rouge sur blanc, 2018, Paris © Charlotte Abramow

Retrouver la vulve Épurées, colorées, les compositions de Charlotte Abramow se teintent de surréalisme et de dérision, dans les pas d’un certain Magritte. « C’est vrai, il m'inspire beaucoup. En une image il parvient à dire tellement de choses à la fois, télescopant des éléments qui n'étaient pas censés se rencontrer ». Cette influence s’incarne bien sûr dans ces spaghettis renversés sur la tête d’Angèle, ou encore dans cette jeune femme remplissant des verres à pied… avec ses seins. « J’avais envie de tourner en dérision l'hypersexualisation du corps féminin », sourit la Bruxelloise. Pourtant, parfois, c’est bien elle qui devient la victime de l’absurdité de ce bas monde. En 2018, elle réalise à la demande d’Universal Music un clip illustrant Les Passantes, une chanson de Brassens un peu ou bliée, afin de lui offrir une seconde vie. Las, cette vidéo est censurée par YouTube, au prétexte qu’elle montre des vulves métaphoriques, c’est-à-dire en forme de pétales de rose, de chewing-gums ou d’éplu chures de carottes. La société évo lue, certes, mais pas si vite qu’on le croit… Julien Damien

Volle Petrol Bruxelles, jusqu’au 17.12, Hangar mar > sam : 12h-18h, 7/5€ (gratuit –13 ans) www.hangar.art À visiter / charlotteabramow.com À lire / l’interview de Charlotte Abramow sur lm-magazine.com

« Tourner en dérision l'hypersexualisation du corps féminin »
78 tel qu’il est, âgé, et qu’on n’a pas l’habitude de voir nu », commente la photographe, qui signe une œuvre engagée donc, mais pas dénuée d’humour. Loin de là…
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Vue d'exposition, Angèle, 2018, Paris Camille Baton
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PLANS RAPPROCHÉS

Les Enveloppes : Guimauve (2016)

Pour cette photo, j’avais envie de détacher la nudité de son aspect charnel, afin de présenter le modèle comme une statue vivante. Je voulais montrer un corps moins normé, en tout cas qu'on n'a pas l'habitude de voir, et le ramener à quelque chose de plus naturel. De le contraindre pour le regarder avec bienveillance et curiosité, loin de tout jugement ou du prisme du désir. Les imperfections prennent alors une autre dimension. Les bourrelets deviennent comme des nuages, une de mes obsessions ! La peau ressemble un peu à de la guimauve. En s’attardant sur cette image, on a aussi l'impression d’ob server un paysage vu du ciel.

This is not consent (2018)

Au départ, cette image a été réali sée dans le cadre du projet Find Your Clitoris, en 2017. Et puis je l’ai retravaillée suite à un évènement qui s’est déroulé en Irlande. En novembre 2018, un homme a été acquitté pour le viol d’une jeune fille de 17 ans. Lors du procès, son avocate avait brandi le string porté par la victime pour le présenter comme une preuve de son consentement. En réaction, des femmes du monde entier ont posté des photos de leurs sous-vêtements sous le hashtag "This is not consent". Oui, les femmes devraient être libres de s'habiller comme elles le souhaitent. Ça semble logique, mais il semble nécessaire de le rappeler…

Œuvres commentées par Charlotte Abramow Photos © Charlotte Abramow
WWW.MUSEEPHOTO.BE+32 (0)71 43 58 10 LISETTE MODEL © Lisette Model avec l’aimable autorisation de Baudoin Lebon et Avi Keitelman Avec la complicité de la galerie baudoin lebon et Avi Keitelman Avec le soutien de la Loterie Nationale et l’Ambassade des Etats-Unis @MUSEEPHOTOCHARLEROI MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE CHARLEROI > 22.1.2023

Statue de Jean-François Champollion

Auguste Bartholdi (1834- 1904), 1867

© Ville de GrenobleMusée de Grenoble / J.L. Lacroix

CHAMPOLLION

LA VOIE DES HIÉROGLYPHES

Dans le secret des pharaons

Rentrée en fanfare pour le Louvre-Lens, qui célèbre un double anni versaire : le sien tout d'abord, puisque le musée a désormais dix ans (comme Alain Souchon) et puis un second, des plus vertigineux. Il y a pile deux siècles, un certain Jean-François Champollion perçait le secret des hiéroglyphes, donnant du même coup naissance à l'égyptologie. Réunissant près de 350 pièces, cette exposition nous plonge en plein xixe siècle, sur les traces de cette découverte majeure.

Durant des siècles, « les Égyp tiens sont restés muets », observe Hélène Bouillon, commissaire as sociée de cette exposition. Pour cause, leurs écrits demeuraient mystérieux. Ce sont ainsi les Grecs, les Romains puis les textes bibliques qui ont raconté leur his toire à leur place, pour en livrer « une vision déformée ». C'est dire, donc, toute l'importance du déchiffrement des hiéroglyphes. On doit ce coup de génie à JeanFrançois Champollion. Né dans le Lot en 1790, « c'est un enfant des Lumières. Il appartient à cette gé

nération qui croit au progrès, à la science, à l'éducation pour tous ». C'est aussi un petit garçon sur doué, qui a appris à lire tout seul. Son grand frère Jacques-Joseph le prend sous son aile, et se rend vite compte de son appétence pour les langues anciennes.

Le son et la forme

Jean-François Champollion a vu le jour au bon moment, au bon endroit. Nous sommes en plein xix e siècle et l'Europe redécouvre l’Égypte antique, sans la comprendre vraiment.

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En immersion C'est cette fabuleuse découverte que raconte l'exposition lensoise. Le parcours se penche d'abord sur la vie de Jean-François Champollion, Biographie de Tchéti, Akhmîm, nécropole d’El-Hawawish ? Ancien Empire, VIe dynastie, règne de Mérenrê Ier © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Décamps

Son système d'écriture est com plexe. Les savants tâtonnent, se grattent la tête autour de la pierre de Rosette. « Les uns pensent que les hiéroglyphes sont des phono grammes, soit des signes tradui sant des sons, les autres sont persuadés qu'il s'agit d'idéogrammes, correspondant à des idées ». Champollion mettra tout le monde d'accord : en fait, c'est un mélange des deux – un peu comme le chinois, dont sa bonne connaissance a pu lui mettre la puce à l'oreille. Après 1 500 ans de silence, la voix des pha raons résonne à nouveau, et c'est toute une civilisation qui renaît sous nos yeux, avec ses croyances, sa politique, son art...

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Le Scribe accroupi Saqqara, IVe dynastie (2620-2500 avant J.-C.) © 2015 Musée du Louvre / Christian Décamps

avant d'expliquer de manière très pédagogue (comme lui) le décodage des hiéroglyphes. Au fil d'une scénographie immersive, nous plongeons littéralement dans l'at mosphère du xixe siècle, avec ses galeries de portraits, ses pièces en enfilade. Les chefs-d'œuvre se révèlent alors, du Scribe accroupi aux yeux de cristal qui vous trans percent jusqu'à ce sarcophage de pierre noire représentant la déesse du ciel Knout. Ces toiles, stèles, statues ou manuscrits mil lénaires restituent au fur et à mesure l'Égypte antique dans toute sa vérité, même si elle garde encore de nombreux secrets...

Julien Damien Lens, jusqu'au 16.01.2023, Louvre-Lens tous les jrs sauf mar : 10h - 18h, 11/ 6€ (gratuit -18 ans), louvrelens.fr

Estampage de la Pierre de Rosette, xixe siècle © Département de l'Isère / Musée Champollion Cercueil de Henen Assiout, tombe 7, puits IV, Fin 11e – début 12e dynastie © Musée du Louvre, Dist. RMN Grand Palais / Georges Poncet
1 Place des Fours Bouteilles, 7100 La Louvière, Belgique www.keramis.be Ancien site Boch K e r a m i s C e n t r e d e l a C é r a m i q u e d e l a F é d é r a t i o n W a l l o n i eB r u x e l l e s Fig Ernest D'Hossche, vers 1960

Dessin la couverture de The New Yorker

original pour
, juillet 1999 © J.J. Sempe

© J.J. Semp é

é

/ Goscinny-Semp

© Imav é ditions

Dessin de couverture Le Petit Nicolas. Le ballon et autres histoires in é dites

SEMPÉ. INFINIMENT VÔTRE

L'humour libre

Disparu en août dernier à l'âge de 89 ans, Jean-Jacques Sempé a écrit l'une des plus belles histoires d'humour de notre temps. Au fil de 40 albums, d'illustrations ou de dessins de presse parus un peu partout dans le monde, le Girondin a su croquer l'époque, mais aussi l'instant, comme peu d'autres : avec tendresse, simplicité, espiè glerie parfois. À La Hulpe, la Fondation Folon rend hommage au père du Petit Nicolas à travers une exposition inédite au pays d'Hergé.

De ses premiers dessins à ses couvertures pour le New Yorker, toute l’œuvre de Sempé est dévoilée dans cet événement posthume, prévu depuis plus d’un an. Centvingt créations originales sont ainsi révélées, sorties très exceptionnellement du fonds de la gale rie parisienne Martine Gossieaux.

« Son travail n’avait jamais fait l’objet d’une exposition de cette envergure en Belgique », se réjouit Pauline Loumaye, la commissaire. Une occasion unique de plonger dans l’univers malicieux de cet

artiste prolifique. Jean-Jacques Sempé a en effet publié ses pre miers dessins dès l'âge de 17 ans, dans Sud-Ouest, en 1951, puis dans l’hebdomadaire belge Moustique l’année suivante. Son talent ne pas sa pas longtemps inaperçu. « Ce dessinateur est très doué et je suis persuadé qu’il arrivera un jour à la hauteur de Franquin », témoigne une note interne de 1954, signée par Charles Dupuis, alors directeur du Journal de Spirou. C’est juste ment l’année des premiers croquis du Petit Nicolas, personnage créé

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avec Goscinny, dont les aventures totalisent à ce jour plus de 15 mil lions d’ouvrages vendus dans près de 45 pays.

Monsieur et madame Tout-le-monde

Le Girondin a aussi croqué l’actualité pour de nombreux titres, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ses dessins sont toujours accom pagnés de légendes subtiles, et

son style est reconnaissable entre mille. Il se distingue par des jeux d’échelles, des scènes regroupant de tout petits personnages dans des décors gigantesques. Il impres sionne aussi par le soin apporté au détail et son goût pour les gens, tout simplement. « Mes personnages sont comme vous et moi, ils cherchent seulement à se débrouil ler dans la vie », avait-il coutume de dire. Philosophe, Sempé aimait dénoncer l’absurdité du monde, pointer les petits travers de tout un chacun, avec humour et tendresse. C'est peu dire que cette rétrospective tombe à pic...

Dominique Julien La Hulpe 08.10 > 15.01.2023 Fondation Folon mar > ven : 9h-17h sam & dim : 10h-18h 15 > 5€ (gratuit -6 ans) fondationfolon.be

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Le Café de Flore, 2011 © J.J. Sempé

AU CHARBON !

Étonnamment, c'est la première fois que le Centre d'innovation et de design (un ancien charbon nage) consacre une exposition à l'or noir du plat-pays. Celui-ci reste aujourd'hui la seconde res source énergétique de l'huma nité, après le pétrole, et l'une des causes principales d'émissions de CO2... Le constat est accablant, mais les créations de ces designers, architectes et plasticiens nous donnent des raisons d'espérer, parfois de manière poétique, à l'image de ce photophore reprenant la forme de la lampe du mineur (Studio Khorram Ricatte). Lorsque la bougie est allumée, le noir disparaît pour laisser place au blanc et à la lumière… J.D.

Hornu, jusqu'au 08.01.2023 Centre d'innovation et de design mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans) cid-grand-hornu.be

À LA TABLE DES GÉANTS

Le Musée portuaire de Dunkerque a 30 ans. Pour l'occasion, il nous embarque pour New York, à la table des géants. À travers 400 pièces (affiches, maquettes...), cette ex position retrace un siècle de gas tronomie à bord des mythiques paquebots de la Compagnie géné rale transatlantique (la fameuse "Transat"), qui réalisaient la traver sée de l'océan pour rejoindre les États-Unis. Une immersion dans les plus luxueuses salles à manger de l'océan. J.D.

Dunkerque, jusqu'au 05.03.2023, Musée portuaire, lun > dim : 10h-12h30 & 13h30-18h, 6/4€ (gratuit -7 ans) museeportuaire.com

Studio Khorram Riccatte – Photophore Lueur –2019 – © Jean-Michel André
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© Collection French Lines & Compagnies / DR

LES VOYAGEURS

Lettres modernes

Que cela plaise ou non, c'est un fait : notre langue est métissée. Nourri depuis des lustres de mots issus des quatre coins du monde, le français n'en est que plus vivant. Et riche. Entre arts graphiques et étymologie, les œuvres exposées à la Condition Publique de Roubaix célèbrent ce grand brassage culturel.

La saviez-vous ? "Vacarme" trouve sa racine dans le néerlandais ancien "wacharme", qui signifiait "pauvre de moi". C'est aussi le titre de cette expo sition présentant bien d'autres mots ayant pas mal bourlingué avant d'enri chir notre vocabulaire. De "tulipe" issu du turc "tülbentt" ("turban") à notre fameuse "drache" provenant du verbe flamand "draschen" (pleuvoir à verse), « ils témoignent d'une langue métissée, résultat de nombreux croisements », selon Jean-Christophe Levassor, le directeur de la Condition Publique. Initié par le collectif Mots voyageurs, ce projet trouve toute sa place à Roubaix, « une ville bâtie par des vagues d'immigration successives, venues d'Italie, de Pologne, du Maghreb... ». Ici, chaque mot est associé à un graphisme unique, jouant avec son histoire, son sens ou son esthétique. Ces créations visuelles se déploient comme une forêt suspendue de kakemonos (des drapeaux) conçue collectivement avec des enfants et des adultes, et sous la forme de 18 fresques signées par des typographes, graphistes et graffeurs. Parmi eux, Roobey représente par exemple "pyjama" (du persan "pāy-"āma" pour "vêtement de jambe") à travers différentes trames de textile, tissant des ponts inattendus entre passé et présent. Julien Damien Exposition Vacarme + installation Tisser, métisser Roubaix, jusqu'au 17.12, La Condition Publique, mer & sam : 13h30- 19h • jeu & dim : 13h30 - 18h • ven : 13h30 - 20h30, gratuit (visite guidée : 5/2€), laconditionpublique.com

Vacarme © Julien PitinomeENCRAGE
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MOTS

PICASSO & ABSTRACTION

L'œuvre de Picasso est en cela géniale qu'on n'en fera jamais le tour. Cette exposition décrypte ainsi, pour la première fois, les relations entre l'Espagnol et l'art abstrait. S'il se défendait farouchement d'appartenir à ce mouve ment (ses peintures ou sculptures ne se sont jamais détachées de la réalité), beaucoup ont pourtant vu en lui un précurseur de son his toire. Auscultant quelque 140 de ses créations, ce parcours montre comment l'artiste a tourné autour de l'abstraction tout au long de sa carrière, de ses premières expérimentations cubistes (en marge des Demoiselles d'Avignon) jusqu'à son flirt avec l'action painting. J.D. Bruxelles, 14.10 > 12.02.2023, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, lun > ven : 10h-17h • sam & dim : 11h-18h, 17 > 5€ (gratuit -18 ans)

JOAN MIRÓ

Après Warhol, Lichtenstein ou Botero, le BAM poursuit son ex ploration des figures majeures de l'art contemporain. Place, donc, à Joan Miró, dont l'œuvre n'avait plus été exposée en Belgique depuis 1956. L'artiste « mirobolant », comme le qualifiait Robert Desnos, n'a eu de cesse d'inventer un langage nouveau, entre abstraction et figuration, guidé par ses rêves éveillés. Entre peintures, dessins, céramiques ou sculptures, ce parcours réunit plus d'une centaine de créations du surréaliste catalan, restituant sa fameuse « magie sous-jacente ». J.D. Mons, 08.10 > 08.01.2023, BAM mar > dim : 10h-18h, 16/12€ (gratuit - 12ans) bam.mons.be

Joan Miró, Figures devant la lune, 1942 Courtesy Galerie Lelong & Co © Successio Miró / SABAM Belgium 2022

Pablo Picasso, Nu au bouquet d'iris et au miroir, 1934 © Succession Picasso - Sabam Belgium 2022 / © RMN-Grand Palais (MnPParis) / photo Mathieu Rabeau
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exposition 14 OCT. ———29 JAN.20 22 20 23 VILLENEUVE D’ASCQ musee-lam.fr Le LaM est un Établissement Public de Coopération Culturelle dont les membres sont la Métropole Européenne de Lille, la Ville de Villeneuve d’Ascq et l’État. August Natterer, Meine Augen zur Zeit der Erscheinungen (Mes yeux au temps des apparitions) (détail), avant 1921. Collection Prinzhorn, Heidelberg. N° inv. 166. D. R. Photo © Sammlung Prinzhorn, HeidelbergDesign graphique Les produits de l’épicerie SURRÉALISME CHERCHER ART NATUREL ART BRUT ART MAGIQUE L'OR DU TEMPS

LISETTE MODEL

« Photographiez avec vos tripes ! », clamait Lisette Model auprès de ses élèves – dont une certaine Diane Arbus. Non, l'Américaine n'avait peur de rien. Surtout pas de s'approcher de ses modèles, qu'elle saisissait par surprise, en gros plan et recourant au flash si nécessaire, un peu à la manière d'un Weegee, la poésie en plus. En résulte de sublimes portraits de "freaks" (ces prostituées, travestis ou clochards) ou scènes satiriques (la bourgeoisie croquée sur la pro menade des Anglais à Nice). Une œuvre culte, ici retracée en 150 images. J.D.

Charleroi, jusqu'au 22.01.2023, Musée de la Photographie, mar > dim : 10h-18h 8 > 4€ (gratuit -12 ans), museephoto.be

ÉGYPTE, ÉTERNELLE PASSION

Le saviez-vous ? Le Musée royal de Mariemont possède la plus grande collection égyptienne de Wallonie – soit la seconde plus importante de Belgique. De Morlanwelz aux secrets des pharaons, il n'y a donc qu'un pas... et peut-être encore moins. Plus qu'un simple retour en arrière, cette exposition observe en effet comment l'Égypte antique irrigue notre quotidien. Des jouets pour enfants à notre architecture, en passant par la pop culture, ce parcours est conçu comme un véritable miroir de la société contem poraine. J.D.

Morlanwelz, jusqu'au 16.04.2023 Musée royal de Mariemont mar > dim : 10h-17h, 8 > 3€ (gratuit -18 ans) musee-mariemont.be

Lisette Model, Woman at Coney Island, NYC, circa 1939–41. Coll. Musée de la Photographie © Lisette Model avec l’aimable autorisation de Baudoin Lebon et Avi Keitelman
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Ramses hipster , marbre 2021 © L é o Caillard

De Versailles à Amiens

C’est un échange de bons procédés. Le Musée de Picardie prête à Versailles la série des "chasses exotiques" de Louis XV (pour l’exposition Louis XV, goûts et passions d’un Roi) et accueille en retour six chefs-d’œuvre de la chambre du Roi-Soleil. Il s’agit des quatre Évangélistes (Saint Matthieu, Saint Luc, Saint Jean et Saint Marc), du Denier de César peint par Valentin de Boulogne, mais aussi d'Agar et l’ange de Giovanni Lanfranco. Habituellement présentées à plus de dix mètres du sol, ces toiles sont ici dévoilées sous un angle inédit : à portée de regard.

Amiens, jusqu’au 26.02.2023, Musée de Picardie, mar > ven : 9h30-18h • sam & dim : 11h-18h, 7/4€ (gratuit -26 ans), amiens.fr

Kidorama

Plus écolo, plus inclusive, la mode enfantine a opéré sa mue ces der nières années, mais reste rarement exposée. D’ailleurs, cela fait 20 ans que le Musée Mode et Dentelle n’avait pas exploré le sujet. Avec Kidorama , l’institution bruxelloise passe en revue les questionnements qui agitent le monde de la fringue pour les 0-12 ans. Plus d’une centaine de modèles déconstruisent les stéréotypes (de genre par exemple) et décryptent les nouvelles tendances, le tout à hauteur de môme.

Bruxelles, jusqu’au 05.03.2023, Musée Mode et Dentelle, mar > dim : 10h-17h, 8 > 4€ (grat. -18 ans), museemodeetdentelle.brussels

Lecoanet Hemant : les orientalistes de la haute couture

Fondée en 1981, à Paris, par Didier Lecoanet et Hemant Sagar, la mai son Lecoanet Hemant s'est rendue célèbre en mariant haute couture à la française et esprit oriental. C'est ainsi la seule marque de mode internatio nale à concevoir ses modèles en Inde. Robes du soir somptueuses, manteaux opulents, tailleurs structurés ou pièces créées à partir de plumes jalonnent cette exposition. Où l'on partira, entre autres, sur la route de la soie, à la découverte de l'India Pop ou des mysté rieux jardins de Shalimar... Calais, jusqu’au 31.12, Cité de la dentelle et de la mode, tlj sauf mar : 10h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans), cite-dentelle.fr

Créatures, bestiaires fantastiques de la bande dessinée

Le Musée des beaux-arts de Calais ouvre toujours plus ses portes à la culture pop. Après le street art, place à la bande dessinée. Montée en partenariat avec l’association On a Marché sur La Bulle (qui organise les Rendez- Vous de la BD d'Amiens), cette exposition célèbre le neuvième art à travers un sujet bien particulier : les créatures fantastiques. Où l’on croisera toutes sortes d’elfes, de lutins, centaures, krakens, licornes, animaux-robots, d’orques… et bien sûr de dragons ! Calais, jusqu’au 06.11, Musée des beaux-arts, mar > dim : 13h-18h, 4/3€ (grat. -5 ans), mba.calais.fr

La chambre du Roi © Château de Versailles, Garnier
T.
Joan ©SuccessióMiró/ SabamBelgium2022 bam.mons.be GRATUIT AVEC GRATIS MET LE FONDS EUROPÉEN DE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL ET LA WALLONIE INVESTISSENT DANS VOTRE AVENIR L’essence des choses passées et présentes 08 oct 22 08 jan 23

Les 40 ans du Frac Grand Large

C’est une grande maison dédiée à l’art d'aujourd'hui, et ouverte aux quatre vents. Le Frac Grand Large-Hauts-de-France a 40 ans, et demeure des plus fringants. Derrière cet acronyme, et au sein d’un écrin de verre et de béton, on trouve l’une des plus belles collections de la région. Installations, peintures, vidéos, sculp tures… soit autant de trésors révélés lors de multiples expositions. Une bonne raison de mettre le cap sur Dunkerque ! Dunkerque, jusqu'au 23.04.2023, Frac Grand Large mer > ven : 14h-18h • sam & dim : 11h-19h, 4/2€ (gratuit tous les dimanches et -18 ans), fracgrandlarge-hdf.fr

40 ans de photographie au CRP

Seize expositions thématiques répar ties dans la région Hauts-de- France : pour souffler ses 40 bougies, le Centre régional de la photographie élargit la focale. Unique par son histoire, comme celle du territoire qu'elle n'a de cesse de scruter, l’institution de Douchy-lesMines dévoile ses trésors en misant sur des partenariats, de Lille à Arras, en passant par Cambrai ou Valen ciennes. Bien sûr, on s'arrête aussi au CRP, qui accueille, entre autres, des clichés de Josef Koudelka ou Raymond Depardon. Arles n’a qu’à bien se tenir ! Hauts-de-France, jusqu'au 31.12, divers lieux crp.photo

Les Fabriques du cœur et leur usage

Le MACS fête ses 20 ans. Pour mar quer cet anniversaire, le musée des arts contemporains de la fédération Wallonie-Bruxelles pose un regard éminemment poétique sur le monde. Conçue à la manière d'un conte, en une dizaine de chapitres, cette expo sition rassemble les œuvres d'artistes de divers horizons et époques (citons Luc Tuymans, James Ensor, Louise Bourgeois) qui chacun à leur manière ont redessiné les contours de notre quotidien (les maisons, les fleurs, les paysages...) pour mieux nous inviter à le redécouvrir.

Hornu, 23.10 > 19.03.2023, MACS, mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans), mac-s.be

20 mondes

Fondée en 1952, l'Académie internationale de la céramique (AIC) favorise l'amitié et la communication entre les céramistes du monde entier. Cette philosophie s'incarne notamment dans la Treasure Bowl Collection, lors de laquelle 10 créateurs internationaux sont invités à façonner un bol, objet s'il en est iconique de l'humanité. À la Louvière, Keramis réunit les œuvres des deux éditions de cet événement, donnant à voir 20 mondes uniques et autant de savoir-faire, entre tradition et modernité.

La Louvière, jusqu'au 08.01.2023, Keramis, mar : 9h-17h • mer > dim : 10h-18h 8 > 4€ (gratuit -18 ans), keramis.be

Vrac Multivrac de Delphine Reist, 2022, Frac Grand Large — Hauts-de-France, Dunkerque © Delphine Reist / Photo : Emmanuel Watteau
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Depuis 2000 ans, l'Égypte passionne ! Mais, pourquoi ? La nouvelle exposition du Domaine et Musée royal de Mariemont explore la fascination exercée par l'Égypte ancienne. Le visiteur n'y trouvera donc pas des antiquités égyptienne... Mais des objets qui reflètent les fantasmes générés par la terre des Pharaons au travers des temps !

L'exposition « Égypte. Éternelle passion » ouvre du 24 septembre 2022 au 16 avril 2024 !

Information et programmation sur www.musee-mariemont.be

WWW.MUSEE-MARIEMONT.BE

FESTIVAL D’ART ACTUEL FESTIVAL VAN ACTUELE KUNST

Le Musée du Touquet-Paris-Plage fête ses 90 ans et nous plonge pour l'occasion dans les années 1930. La première partie de cette exposition retrace la vie et l'œuvre d’Édouard Champion, créateur des lieux, qui encouragea les dons auprès des artistes – notamment ceux de la colonie d'Étaples, comme Henri Le Sidaner ou Sarah Bernhardt. La seconde partie du parcours nous renvoie à l'âge d'or de la station à travers des paysages et illustrations d'époque, initiant un voyage dans le temps inédit.

Le Touquet-Paris-Plage, jusqu'au 06.11, Musée du Touquet-Paris-Plage, tous les jours sauf mar : 14h-18h, 4/2,50€ (gratuit -26 ans), letouquet-musee.com

Bien conservés !

C’est l’une des plus anciennes insti tutions de la capitale des Flandres. Inauguré en 1822, le Musée d’histoire naturelle de Lille fête ses 200 ans... mais reste bien conservé. Pour mar quer le coup, une exposition immer sive nous plonge dans les coulisses du lieu, en plein cœur des réserves. On déambule ainsi au milieu d'objets et de spécimens jamais dévoilés. Cet anniversaire offre aussi l'occasion de découvrir le projet de transformation du bâtiment, préfigurant de grands changements d'ici 2025.

Lille, 21.10 > 03.07.2023, Musée d'histoire natu relle, lun, mer, jeu, ven : 9h30 > 17h • sam & dim : 10h-18h, 5/3,50€ (gratuit -12 ans), mhn.lille.fr

Panorama 24

Pour sa 24 e édition, l’exposition an nuelle des étudiants nous emmène... "de l'autre côté". Cette cinquantaine d'œuvres inédites (films et installations) aborde le thème du passage. Certaines brouillent la frontière entre l'imagination et la réalité (L'Éléphant s'évapore de Chuxun Ran), d'autres mettent en scène l'exil climatique ( Les Neiges électriques de Quentin L'Helgoualc'h) ou questionnent notre rapport avec notre propre image. Mais toutes renversent notre perception du monde – tant mieux !

Tourcoing, 30.09 > 31.12, Le Fresnoy mer > dim : 14h-19h, 4/3€ (gratuit -18 ans) lefresnoy.net

Chercher l'or du temps

L'art brut et le surréalisme ont rarement fait l'objet d'une lecture croisée. C'est justement tout le propos de cette exposition. À travers plus de 300 œuvres signées, entre autres, par Jean Dubuffet, Salvador Dalí, Joan Miró ou encore Magritte, ce parcours chronologique montre comment ces deux mouvements se rejoignent. En filigrane, Chercher l'or du temps témoigne aussi de l'émergence d'un nouveau rapport à la création artistique, ouvrant du même coup de réjouissantes perspectives.

Villeneuve d'Ascq, 14.10 > 29.01.2023, LaM mar > dim : 10h-18h, 10/7€ (gratuit -12 ans), musee-lam.fr

Max Ernst, Fleurs de coquillages, 1929 © Adagp, Paris, 2022, Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost / Dist. RMNGrand Palais
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Une exposition participative du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes En période de fermeture, les œuvres du Musée cherchent à prendre l’air… et le public est invité à les aider ! Le public est invité à voter en ligne pour les œuvres exposées ! La copie, une pâle imitation ? Faux, contrefaçons, plagiat – cet imaginaire est récent ! Entre préservation des œuvres disparues, hommage et invention, les copieurs sont mis à l’honneur. VOTES > 1er SEPTEMBRE – 31 OCTOBRE VOTEZ : expositioncopieurs.fr
Manifesto Transpofagico © Nereu Jr

THÉÂTRE DU NORD

Le monde sur un plateau

Un témoignage bouleversant sur la transsexualité, un voyage cos mique, un concours de Miss prétexte à une réflexion sur le féminisme... En octobre, les propositions de choix se bousculent au Théâtre du Nord. Iconoclastes, engagées et inventives, ces pièces racontent le monde tel qu'il va – ou devrait être.

Après avoir partagé le mafé de la réconciliation avec Eva Doumbia, nous voici donc face à un "manifeste transpophagique". Le Théâtre du Nord ouvre le mois d'octobre avec le spectacle choc de Renata Carvalho. Sur scène, l'artiste brésilienne se met à nue, au sens propre comme au figuré. La co médienne parle de sa vie de « travestie », évoque son enfance, sa transfor mation physique et surtout le regard posé sur son corps, tantôt fantasmé ou ostracisé. D'où l'idée de le dévorer (avec les yeux) pour mieux le digérer.

Vers l'infini et au-delà

Dans un autre genre, mais tout aussi engagé, Dark Was the Night nous pro pulse dans les tréfonds de la galaxie. Signée Emmanuel Meirieu, la pièce revient sur l'envol de Voyager 2. Lancée en 1977 depuis Cap Canaveral, la sonde spatiale contenait (entre autres) 27 chansons, dont Dark Was the Night, Cold Was the Ground de Blind Willie Johnson. Le spectacle mêle ainsi la grande histoire avec la petite, dans un décor reproduisant la colline où le corps du bluesman a été enfoui. L'homme est en effet mort en 1945 d'une pneumonie, et dans le dénuement le plus total. L’hôpital avait refusé de le soigner parce qu’il était noir... Enfin, Suzanne de Baecque raconte son expérience de candidate à l'élection de Miss Poitou-Charentes, en 2020. Quelque part entre le théâtre documentaire et la comédie sociale, elle interroge l'émancipation féminine tout en nuances : avec bienveillance, loin des clichés et des clivages... Julien Damien

Lille, Théâtre du Nord, 4 Place du Général de Gaulle, theatredunord.fr Tourcoing, L’Idéal, 19 rue des Champs

Sélection / 05 > 08.10 : Renata Carvalho - Manifesto Transpofágico (Lille) // 12 > 15.10 : Emmanuel Meirieu - Dark Was the Night (Tourcoing) // 19 > 22.10 : Suzanne de Baecque - Tenir debout (Lille)

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théât re & d a n s e

SÉMÉLÉ

Retour de flamme

Sémélé doit épouser Athamas, mais elle est follement amoureuse de Jupiter. Junon, l’épouse du dieu des dieux, coureur de jupons, voit cette his toire d’un très mauvais œil. Elle fera payer cher à la pauvre mortelle l'audace d’avoir vu Jupiter sous son vrai visage... « Les scènes exposant l’amour entre Sémélé et Jupiter sont les piliers de l’œuvre », observe Barrie Kosky, le met teur en scène de cet opéra célébré par la critique. Ce huis clos mythologique contemporain se joue dans un appartement calciné portant les stigmates du drame qui s’y est déroulé. Nous ne connaissons pas l'origine des traces de ce feu et assistons pendant tout l’opéra à une mise en abyme du passé et du présent. Nous sommes suspendus au déroulement de cette tragédie qui finira forcément mal… Tiré des Métamorphoses d’Ovide, le Sémélé de Haendel emporte tout sur son passage. Créée en 1744 à Londres, l’œuvre fit encore un triomphe en Allemagne en 2018. Cette production du Komische Oper de Berlin, dont la mise en scène est reprise par David Merz pour la version lilloise, est ici dirigée par Emmanuelle Haïm, à la tête de son Concert d’Astrée. Inutile de préciser que c’est un événement ! Françoise Objois

Lille, 06 > 16.10, Opéra, jeu & mar : 19h30 • sam : 18h • dim : 16h, 72 > 5€, opera-lille.fr

© Monika Rittershaus
108 Du sang, de la violence et des larmes… mais l’amour d’abord et avant tout. Sémélé, c'est la quintessence de l’opéra baroque, magnifiée par la musique de Haendel, un des compositeurs de prédilection d’Emmanuelle Haïm, et qui sut comme personne mettre à nu toute la violence de nos passions.
lillemetropole.fr Des spectacles à deux pas de chez vous et au tarif très accessible. Retrouvez toute la programmation sur lillemetropole.fr/les-belles-sorties ������������������������������������ ����u��tur�� n’���� j����m����is été ����ussi pro����h�� d�� ��ous ! Les Belles Sorties

LE SONGE D'UNE NUIT D'ÉTÉ

Le classique de Shakespeare a beau dater de plus de quatre siècles, il est toujours aussi inspirant. Jouée par la compagnie belge Point Zéro, cette adaptation s'apparente à une comédie fantastique, et met en scène une quinzaine de marionnettes, portées par huit interprètes. La pièce reste fidèle à la trame originale, narrant un chassé-croisé amoureux dans une forêt peuplée de créatures merveilleuses. Mais ici, fées et farfadets sont résolument "queer", évoluant au sein d'un bois aux allures de rave-party... Flamboyant, le spectacle interroge ainsi joyeusement les notions de genre et d'identité - le grand William aurait sans doute apprécié. J.D. Tournai, 04.10, Maison de la Culture, 20h, 14 > 8€, www.maisonculturetournai.com (Festival découvertes, images et marionnettes) // Mons, 06 & 07.10, Théâtre le Manège jeu : 20h • ven : 10h & 20h, 15 > 9€, surmars.be

LES ANTIPODES

Quelle histoire va-t-on raconter ? Celle qui changera la face du monde ? Voici la grande question que se posent neuf scénaristes. Lors de ce brains torming déjanté, ils vont éplucher les grands récits de l'humanité, puiser dans leur vécu ou sonder les tréfonds de leur imagination... À l'heure des fake news et du storytelling, les compagnies Tg STAN et Canine collectif bousculent notre perception de la réalité. Une pièce jubilatoire – et d'intérêt public. J.D.

Bruxelles, 03 > 09.10, Théâtre les Tanneurs, 20h30 (sauf mer : 19h15 & dim : 15h), 16/10€, lestanneurs.be La Louvière, 14 & 15.10, Le Palace, 20h, 15 > 8€, cestcentral.be

© DR
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© Wang Qingsong
opera-lille.fr FESTIVAL D’OUV ERTURE DU 6 AU 16 OCT. 2022 opéra, concerts et autres surprises Sémélé ou la traversée des songes
© Albert Pons

SONOMA

Coup de ballet

Figure majeure de la scène contemporaine, Marcos Morau dynamite le plateau avec un spectacle mené tambour battant. Le chorégraphe espagnol emmène les neufs danseuses de sa troupe, La Veronal, dans une ronde entremêlant religion, folklore et modernité. Acclamé à Avignon l'an passé, Sonoma s'impose comme un hymne surréaliste à l'émancipation.

Sur scène, neuf femmes dansent à un rythme effréné. Coiffées de chignons serrés, vêtues de longues robes dissimulant leurs pieds, elles semblent d'abord flotter sur scène, telles des poupées russes mécanisées. Leurs costumes noir et blanc renvoient à l'austérité de la religion catholique. C'est de ce carcan, symbole du patriarcat, qu'elles tentent de se libérer, en enta mant un ballet millimétré, survolté et ponctué d'éclats de voix. La bande os cille entre Debussy et Wagner, entre chants anciens et sons électroniques, télescopant dans un même geste tradition et modernité.

Viva la revolution !

Le mot Sonoma n’existe pas en espagnol. C’est un néologisme formé du grec soma signifiant "corps" et du latin sonum, pour "son", soit deux dimensions essentielles de ce spectacle, les armes de l'émancipation. Pas un hasard non plus si les interprètes, tout à la fois nonnes et sor cières, scandent les Béatitudes en français : n'est-ce pas la langue de la révolution ? Pour créer cette pièce, Marcos Morau s’est immergé dans les fêtes se déroulant pendant la semaine sainte, à Calanda en Aragon. Le Valencien s'est inspiré des danses, musiques traditionnelles et autres roulements de tambours rythmant la ville de Buñuel – dont le cinéma sur réaliste demeure une influence majeure. Il en tire une œuvre se déployant comme un tableau vivant, et une véritable catharsis. Julien Damien

Roubaix, 19 & 20.10, La Condition Publique, 20h, 21 > 8€, larose.fr Bruges, 22.10, Concertgebouw, 19h15, 38 > 12 €, concertgebouw.be Charleroi, 30.11, PBA, 20h, 16 > 11€, pba.be

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MAMAN

Au nom de la mère

Jeanne attend un taxi après sa journée de travail, emmitouflée dans un manteau de fourrure. C’est la nuit, il fait froid. Un jeune homme passe, re passe. Il finit par l’accoster, pensant qu’elle se prostitue. Lui demande son prix. La quinquagénaire ne s’offusque pas. Au contraire, elle est touchée par sa naïveté et se prend d’affection pour ce type esseulé. Il a environ l’âge du fils qu’elle a perdu il y a 25 ans. Elle saisit cette chance d’enfin devenir la mère qu’elle aurait aimé être, et décide de le prendre sous son aile, instaurant un drôle de ménage avec son mari (Éric Elmosnino)… Dans le rôle de Jeanne, Vanessa Paradis se révèle surprenante, incarnant son personnage avec un timbre de voix plus grave que celui qu’on lui connaît. Et Félix Moati lui donne la réplique avec autant de brio. À travers cette pièce écrite sur-mesure pour sa compagne, Samuel Benchetrit, écrivain, réalisateur et scénariste (J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Asphalte) livre une réflexion sensible et drôle sur la féminité et la maternité. Micomédie mi-tragédie, Maman est un petit bijou qui suscite rires et larmes, empathie et tendresse. À ne pas manquer. Dominique Julien

Le Touquet, 29.10, Palais des Congrès, 20h, 65 > 55€, letouquet.com Arras, 30.10, Casino, 20h, 65 > 55€, arras.fr Calais, 06.11, Grand Théâtre, 18h, 26 > 13€, spectacle-gtgp.calais.fr

© JB Mondino
114 Une rencontre étonnante, un couple en crise et une proposition stupéfiante. Tels sont les ingrédients de Maman. Écrite par Samuel Benchetrit, la pièce oscille entre comédie et tragédie, livrant une réflexion poétique sur la maternité. Vanessa Paradis et Félix Moati se révèlent brillants pour leurs premiers pas au théâtre.
Du 19 octobre au 13 novembre 2022 Théâtre Royal des Galeries Directeur : David Michels Avec Fabio Zenoni, Elsa Tarlton, Marvin Schlick, Juliette Manneback, Arnaud Van Parys et Cécile Florin. En coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge Mise en scène : Thibaut Nève Décor : Vincent Bresmal et Matthieu Delcourt Costumes : Béatrice Guilleaume Lumières : Félicien Van Kriekinge de Sacha Guitry  www.trg.be 02 512 04 07

L'APRÈS-MIDI D'UN FOEHN

La légèreté

Capter le mouvement de l’air, l’apprivoiser et le faire danser le temps d’un spectacle poétique : telle est la performance offerte depuis 2008 par Phia Ménard. Après avoir (entre autres) jonglé avec la glace, la fondatrice de la compagnie Non Nova a choisi le vent chaud et sec des Alpes suisses et autrichiennes (le foehn) pour mettre en scène l'imperceptible – mais l'essentiel. En résulte un ballet virevoltant et féérique, monté avec une simpli cité de moyens qui laisse muet d’admiration. Quelques sacs en plastique, une paire de ciseaux, du scotch, un ventilateur, et voilà que prennent vie ses marionnettes aériennes valsant sur la musique de Claude Debussy.

« J’ai choisi le vent comme matière de transformation. Il change, est ins table, impalpable, invisible », déclare l'intéressée. Car cet Après-midi d’un foehn est aussi une jolie métaphore de la vie, des choses que l’on maîtrise et de celles qui nous échappent. Dominique Julien

Charleroi, 29.10 > 05.11, Les Écuries, divers horaires, 9/6€, charleroi-danse.be (avec le PBA : festival bisARTS, du 26.10 au 05.11)

Valenciennes, 08 > 10.12, Le Phénix, jeu & ven : 19h • sam : 14h, 16h & 18h, 15 > 5 €, lephenix.fr

© Jean-Luc Beaujault
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SAI CALAIS SON Retrouvez l’ensemble de la programmation : www.spectacle-GTGP.calais.fr www.billetterie.calais.fr Retrouvez le programme ici 4 Octobre VICTOR OU LES ENFANTS AU POUVOIR Grand Théâtre ‐ 20h30 ‐ Théâtre 6 Octobre TÊTES RAIDES Gérard-Philipe ‐ 20h30 ‐ Rock 13 Octobre MACBETH EXISTER EN DÉPIT DE L’UNIVERS Grand Théâtre ‐ 20h30 ‐ Théâtre 15 Octobre YANISS ODUA + ALMÄ MANGO Gérard-Philipe ‐ 20h30 ‐ Reggae 6 Novembre MAMAN AVEC VANESSA PARADIS Grand Théâtre ‐ 18h00 ‐ Comédie

MEMM

Comment évoquer les attentats de 2015 sans en parler ? C’est tout l’enjeu, et l'exploit, de MEMM (pour "Au Mauvais Endroit au Mauvais Moment"). En ce sinistre 13 novembre, Alice Barraud reçoit une balle dans le bras, alors qu’elle se trouve en terrasse, à Paris. Le drame aurait pu signer la fin de sa carrière d'acrobate, mais elle en a décidé autrement, préférant dénicher la beauté dans l'horreur. Mobilisant théâtre, danse et musique, elle décrit ainsi sa reconstruction, des moments de folie dans sa chambre d’hôpital à la détresse de dire adieu à son rêve, jusqu'à l’acceptation de son handicap. Une sublime allégorie de la résilience. C.B.

Vieux Condé, 15.10, Le Boulon, 20h30, 9/6€, leboulon.fr

MES PARENTS

Mohamed El Khatib puise volontiers dans le réel la matière de ces spectacles intimes –donc universels. Née durant le premier confi nement, sa nouvelle pièce met en scène le regard que portent les jeunes d'aujourd'hui sur leurs parents. Composé avec ses élèves de l’école du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, ce récit drôle, tendre et parfois cruel interroge la notion de filiation et n'élude aucun sujet, même les plus personnels. J.D. Arras, 18 & 19.10, Théâtre, mar : 19h30 • mer : 20h30, 22 > 5€ www.tandem-arrasdouai.eu

© Fabien Debrabandere Yohanne Lamoulère
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BLANCHE-NEIGE

Contes à rebours

C'est l'heure des contes au Phénix. La scène nationale de Valenciennes accueille Blanche-Neige et Cendrillon. Enfin, dans des versions un poil différentes de celles que vous connaissez : la première est catapultée dans une HLM et la seconde se nomme désormais Sandra, grâce au coup de baguette magique d'un certain Joël Pommerat... J.D.

Blanche-Neige ou la chute du mur de Berlin Formée par Métilde Weyergans et Samuel Hercule, la compagnie La Cordonnerie ne rafistole pas des chaussures, non, elle crée des ciné-spectacles, un genre hybride entre cinéma, concert et théâtre. Après Don Quichotte ou Hansel et Gretel, la troupe lyonnaise revisite Blanche-Neige. La voici dans la peau de Blanche, une ado gothique qui vit dans une cité HLM (à l'orée d'un bois) avec sa belle-mère, une hôtesse de l'air un peu larguée. Leur relation n'est pas vraiment au beau fixe, et la plus méchante n'est pas celle qu'on croit. L'histoire se dé roule avant la chute du mur de Berlin et reprend peu ou prou les éléments du récit originel, avec ses nains (de jardin) ou ses pommes (d'amour).

Valenciennes, 05 & 06.10, Le Phénix mer : 19h • jeu : 20h, 25 > 15€, lephenix.fr

Cendrillon Après Pinocchio et Le Petit chaperon rouge, Joël Pommerat dépoussière un autre classique. Présentée en 2011, cette relecture s'éloigne de la mièvrerie de Disney pour se rapprocher de l'apprêté du récit original, tout en le modernisant. Ici, l'héroïne se nomme Sandra. Ce n'est pas une princesse mais une petite fille – un peu garçon man qué. Pas de pantoufles de verre, mais une minerve et un corset pour se tenir droite tandis que sa marraine la bonne fée fume comme un pompier et ses demi-sœurs fainéantes sont accros à leur por table. Surtout, notre héroïne est en proie à des thèmes éminemment plus adultes, comme le deuil... En somme, un conte joliment défait.

Valenciennes, 20 > 22.10, Le Phénix jeu & ven : 20h • jeu : 18h, 30 > 20€, lephenix.fr (+ Dunkerque, 24 > 26.05.2023, Le Bateau Feu)

© S é bastien Dumas Cici Olsson
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CENDRILLON
VS
Deluxe Ι Éric Antoine Ι La Famille et le potager Ι Orange Blossom et les machines de François Delarozière Ι Faada Freddy Ι Les Tontons farceurs Florent Marchet + Malik Djoudi Ι Harlem Gospel Choir Ι Jeanne Added Un Couple magique Ι Ben Ι Julien Clerc Ι Laura Felpin RB Dance Company Ι Alex Vizorek Ι Times Square Ι Dominique A Stephan Eicher Ι Manu Payet Ι ciné-concert Nosferatu, une symphonie de l’horreur Ι Alexis Hazard Ι Car/Men THÉÂTRE MUNICIPAL DE BÉTHUNE Boulevard Victor Hugo F - 62400 Béthune Renseignements et réservations 03 21 54 97 40 - theatre-bethune.fr billetterie : application B-Tick Artwork © L’astrolab*, LIC 1-001911 / 2-001912 / 3-001913

OUVREZ LES VANNES !

Ils sont corrosifs, loufoques, burlesques ou poétiques… mais pareil lement hilarants. Ces valeurs sûres (ou en devenir) de la gaudriole débarquent près de chez nous pour le meilleur et le rire – et ce n’est pas de la blague. J.D.

ÉRIC ANTOINE

Ce n'est pas le plus doué des magiciens, mais assurément le plus drôle. Quelque part entre la prestidigitation et le stand-up, Éric Antoine en chaîne depuis 2005 les numéros poétiques avec une ironie décapante. La quarantaine passée, ce géant de 2,07 mètres se penche sur l'enfant qu'il était, se demandant s'il serait fier de l'adulte qu'il est devenu – vous suivez ? Dans Grandis un peu !, il use comme à son habitude d'usten siles pas toujours conventionnels, comme une machine à laver et... d'authentiques mômes piochés dans la salle, à qui il apprend le métier – « tu vas faire 1 400 tours en une minute ! ». Encore un spectacle mené tambour battant.

Béthune, 06.10, Théâtre municipal, 20h, 44 > 22€, theatre-bethune.fr Lille, 23 & 24.03.2023, Théâtre Sébastopol, 20h, 65 > 42€, theatre-sebastopol.fr Roubaix, 04.04.2023, Le Colisée, 20h, 49 > 15€, coliseeroubaix.com

© Laurent Seroussi
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HAROUN

Enfin un peu de brutalité dans ce monde trop bienveillant. Dans son nouveau spectacle, Haroun met en lumière la part d'ombre qui som meille en nous. Entre deux vannes sur la politique ou les chiens (des « collabos » qui balancent les re nards aux chasseurs) il s'en prend à Michael Jackson et son parc d'attractions en se glissant dans la peau d'un pédophile jaloux : « ça va pour lui c'est facile, nous on est là avec nos bonbons au miel et notre fourgonnette ». Et d'imiter Marc Dutroux s'essayant au moonwalk... C'est vrai, il balance des horreurs, mais on adore ça !

Uccle, 06.10, Centre culturel, 20h30 35 / 30€, ccu.be Lille, 08.10, Théâtre Sébastopol, 18h & 20h 39€, theatre-sebastopol.fr

GUILLERMO GUIZ

« Est-ce que je vous ai parlé de l’en terrement de mon père ? », inter pelle d’entrée Guillermo Guiz dans son deuxième spectacle, cette fois centré sur la paternité et la trans mission, la virilité et la masculi nité… mais toujours aussi absurde et trash. Après avoir tenté de nous prouver qu’il avait un bon fond, le natif d’Anderlecht rend hommage à son paternel, partageant au pas sage un tas de conseils, du genre : « épouse ta meilleure amie » ou « ne pisse pas pendant un orage, tu vas t’électrocuter ». Pas bête.

Mons, 08.10, Théâtre Royal, 20h 39 > 25€,theatreroyalmons.be Lille, 20.10 Th. Sébastopol, 20h, 33 > 26,40€ Cambrai, 09.11, Théâtre de Cambrai, 20h30 23,50 > 7,50€, scenes-mitoyennes.fr Bruxelles, 20.01.2023, Cirque Royal, 20h 35 > 25€, cirque-royal-bruxelles.be

ALEX LUTZ

Non, ce n'est pas tous les jours qu'on verra un cheval sur scène lors d'un one-man-show. Car c'est bien avec Nilo, élégant lusitanien à la robe crème, qu'Alex Lutz ouvre son spectacle. Tout à la fois cavalier, mime, imitateur génial et même chanteur, il se livre ici comme jamais. L'Alsacien raconte son premier flirt, ses idéaux d'ado ou pourquoi il est devenu "drôle". Revenant aux ori gines préhistoriques de l’humour, il démontre com ment le rire a en réalité été inventé pour cacher nos peurs... Une vraie bête de scène.

La Louvière, 22.10, Le Théâtre, 20h, 30 > 10€, cestcentral.be

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© Julien Weber © Sekza © H é l è ne-Marie Pambrun

Cuisine et dépendances

(Agnès Jaoui & Jean-P. Bacri / Patrice Mincke)

Après Un Air de famille, c’est l’autre pièce culte du duo Jaoui-Bacri. Vingt ans plus tard, ce cocktail de rires et de cynisme, ici servi par Patrice Mincke, est toujours aussi efficace. Le pitch ? Un couple de bour geois invite à dîner deux amis perdus de vue : une vedette de la télé et sa femme. Parmi les convives, on trouve aussi un ami parasite, un beau-frère envahissant… L’action se passe dans la cuisine, lieu de toutes les confidences – et médisances. Évidemment, la soi rée va virer au règlement de comptes. Bruxelles, jusqu'au 09.10, Théâtre royal des galeries, 20h15 (matinée : 15h), 26 > 10€, trg.be

Fluisterbehang / Visite Guidée (Coll. Tristero)

Les murs ont des oreilles, dit-on, mais peuvent-ils aussi parler ? Oui, selon Tristero. Pour cette pièce sous forme de visite guidée, le collectif de théâtre bruxellois investit une maison située à Schaerbeek. Lors de cette déambulation au sein de ce manoir datant de 1888, le public entend la vieille demeure raconter ses secrets... Que s'est-il passé sur cette étrange mezzanine ? Qui a dormi dans la mansarde durant la Seconde Guerre mondiale ? Au fond, qu'est-ce qu'une maison ? Un foyer ?

Bruxelles, 04 > 23.10, De Kriekelaar (Schaer beek), divers horaires, 19 > 7€, kaaitheater.be

Les Vieilles carettes (Jacques Bonnaffé / Cie Faisan)

C'est l'histoire d'un vagabond. Autre fois il était forain, mais il a tout perdu. Sauf le Nord. L'homme n'a certes plus grand-chose, mais a encore beau coup d'histoires à raconter. Il tire un vieux chariot (ou une "vieille carette", comme on dit par ici) dont il partage le contenu, comme ses souvenirs. Il est question de baraques à frites, de cirque, d'amour aussi... Faut-il en rire ou en pleurer ? Les deux en même temps. Ce clochard est un véritable poète ch'ti, un cabaret à lui tout seul ! Armentières 08.10, Le Vivat, 20h, 18 > 2€, levivat.net (festival les Flandroyantes)

Un Cœur simple (Gustave Flaubert / Xavier Lemaire)

Issu du recueil Trois contes, de Gustave Flaubert, Un Cœur simple retrace la vie modeste de Félicité, une pauvre fille de campagne devenue servante durant le xixe siècle, en Normandie. Dévouée, elle s'occupe des autres avec bonheur et supporte sa condition sans se plaindre. Elle a aimé un homme, les enfants de sa maîtresse, puis un perroquet... Simplement accompagnée par la musique de Schubert, Isabelle Andréani incarne un personnage bridé par son destin, dans une pièce emplie d'humanité.

Douai, 10.10, Théâtre municipal, 20h30, 42>8€ // Saint-Quentin, 06.12, Théâtre Jean Vilar, 20h, 20€

© Fabrice Gardin
© Jérôme Vila L’ABSOLU Boris Gibé Du 11 au 21 octobre → Arras Grand’Place Cirque | 09 71 00 5678 | tandem-arrasdouai.eu

Attention, ceci n’est pas un spectacle comme les autres. Plutôt une expérience poétique. D’abord, pour y assister, on pénètre dans un "silo", soit un immense chapiteau métallique dressé sur quatre étages. Au sein de ce cylindre, le public prend place sur les marches de deux escaliers vertigineux. Au centre, Boris Gibé jongle avec les éléments (l’eau, le feu, l’air) comme autant de parte naires de jeu. Il est en quête… d’absolu. Une performance métaphysique, burlesque parfois, et surtout inoubliable.

Arras, 11 > 21.10, Grand'Place, mar : 19h • mer, jeu & ven : 20h30 sam : 18h, 22>5€, tandem-arrasdouai.eu // Calais, 11 > 27.11

Le Channel (sous chapiteau), 17h (ven : 19h), 7€, lechannel.fr

Misericordia (Emma Dante)

Anna, Nuzza et Bettina tricotent le jour et vendent leur corps la nuit. Elles s'occupent aussi d’Arturo, le fils d'une amie défunte, qui est handicapé men tal. Une vie difficile, où il s'agit de se battre pour survivre, ponctuée de larmes mais aussi d'éclats de rire... Après Le Sorelle Macaluso et Bestie di Scena, l'Italienne Emma Dante se penche sur le thème de la maternité dans une pièce aussi épurée (un pla teau nu, quelques objets) que poi gnante. Et rend un vibrant hommage à la gent féminine.

Charleroi, 13 > 16.10, PBA, jeu, ven & sam : 20h dim : 16h, 16/13€, www.pba.be // Bruxelles, 17 > 21.12, Les Tanneurs, sam, lun & mar : 20h30 dim : 15h • mer : 19h15, 16/10€, lestanneurs.be

Autophagies (Eva Doumbia / Cie La Part du pauvre)

La nourriture est-elle politique ? Que dit-elle de nos racines ? Telles sont les questions soulevées par cette pièce Eva Doumbia, metteuse en scène d’origine malienne et ivoi rienne, déroule dans ce spectacle hybride l’histoire coloniale méconnue des aliments du bout du monde. Une épopée drôle et tendre qu’elle tresse avec les récits intimes de ses interprètes. Après lui avoir mis l’eau à la bouche, elle invite le public à partager le mafé de la réconciliation, préparé en direct sur scène.

Bruxelles, 14 & 15.10, Le 140, 19h 25 > 8€, le140.be

Fiq ! (Réveille-toi !) (Groupe acrobatique de Tanger / M. Diaz Verbèke)

Pyramides humaines vertigineuses, sauts dans le vide, tours sur la tête épous touflants… Depuis une quinzaine d’années, le Groupe acrobatique de Tan ger perpétue un héritage séculaire : l’art de la voltige. Après avoir parcouru le monde, la troupe s’ouvre à d’autres disciplines comme le breakdance, le taekwendo, le rap ou même… le foot freestyle ! Sous le regard de Maroussia Diaz Verbèke (Circus Remix), entre DJ sets et sketches en babouches, ces acrobates défient les lois de la gravité avec légèreté..

Bruges, 12.10, Théâtre municipal, 20h, 28 > 11€, ccbrugge.be Charleroi, 26 & 27.11, PBA, sam : 20h dim : 16h, 16 > 8€, pba.be Amiens, 01 & 02.12, Maison de la Culture, jeu : 19h30 • ven : 20h30, 25 > 10€

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© J é r ô me Vila
Visuel © Elza LacotteL’Atelier du Zef / Licences Catégorie 1 n° PLATESV-R-2021-004205, Catégorie 2 n° PLATESV-R-2021-004206, Catégorie 3 n° PLATESV-R-2021-004207 : validité 08 mai 2026 rencontres-laboratoires de culture commune une réflexion collective pour les projets artistiques et culturels de demain jeunesse médiationcoopérationet territoire participation citoyenne participez à nos ateliers en janvier 2023 Avec Association l’Envol, Communauté d’Agglomération de Lens‑Liévin, Département du Pas de Calais, Droit de Cité, EuraLens, Ligue de l’Enseignement 62, Louvre Lens, Mission Bassin Miner, Porte Mine, Université d’Artois, Ville de Grenay. saison-CC-6-20x20.indd 1 saison 22/23 Renseignements sur www.culturecommune.fr ou auprès d’Elisa Desbrosses à e.desbrosses@culturecommune.fr

Antoine et Cléopâtre (Tiago Rodrigues)

Inspirée par Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, cette version du mythe des amants maudits est signée par le Portugais Tiago Rodrigues. La pièce s'apparente à un poème chorégraphique. Sur un plateau nu, deux interprètes habillés en jean et tee-shirt livrent une performance "parlée-dan sée". Excluant l'adresse à la première personne, il et elle se racontent l'un et l'autre : (« Antoine dit… », « Cléopâtre pense… »), évoquant la guerre, la vie, la mort et surtout l'amour. Un pas de deux envoûtant.

Lens, 15.10, La Scène du Louvre-Lens, 19h, 14 > 5€, louvrelens.fr

Tragédie (new edit) (O. Dubois)

Présentée pour la première fois en 2012, Tragédie est une pierre de touche du répertoire d'Olivier Dubois. Dans cette chorégraphie radicale, l'ancien directeur du Ballet du Nord met en scène neuf femmes et neuf hommes nus. Les interprètes marchent d'abord, puis sautent, courent ou tremblent, comme habi tés par une transe collective, figurant l'humanité dans toute sa vérité : fragile et sublime à la fois. Dix ans plus tard, cette recréation trouve tout son sens, dans un monde tou jours plus chaotique...

Bruxelles, 19 & 20.10, Les Halles de Schaer beek, 20h, 16 > 6,50€, halles.be // Calais, 12.11, Le Channel, 19h30, 7€, lechannel.fr

Quadrille (Sacha Guitry / Thibaut Nève)

On connaissait le triangle amoureux, un peu moins la "quadrille". Dans cette pièce écrite par Sacha Guitry en 1937 (!), deux hommes et deux femmes se fuient et se cherchent, s'aiment et se détestent lors d'un jeu de séduction ressemblant à une corrida. Il y a là un acteur américain épris d'une comédienne française, elle-même maîtresse du rédacteur en chef de Paris-Soir… qui n'a d'yeux que pour une de ses journalistes. Un vau deville finement écrit, et faussement léger – Guitry, quoi.

Bruxelles, 19.10 > 13.11 Théâtre royal des galeries, 20h15 (matinée : 15h), 26 > 10€, trg.be

En finir avec Eddy Bellegueule (É. Louis / Gazon Nève & coll. La Bécane)

Dans En finir avec Eddy Bellegueule, récit qui l’a révélé en 2014, Édouard Louis raconte sa jeunesse, celle d’un ado harcelé car homosexuel – « une tapette ». Elevé dans une famille modeste de Picardie, il raconte les fins de mois difficiles, le chômage, l’alcool. Comment il faut devenir « un dur » dans un milieu brutal. Sur scène, quatre interprètes incarnent le père tyrannique, le frère brutal, la mère désabusée. Un acteur-narrateur joue lui le rôle d’Eddy, restituant le texte original… mots pour maux.

Uccle, 20.10, Centre culturel, 20h30, 25 > 11€, ccu.be

© Magda Bizarro
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L'Œil du tigre (Thomas Ngijol)

« Je vous préviens ça va être free-style, j'ai 43 ans, je m'en bats les couilles », annonce-t-il d'emblée. Pourtant, comme dans Rocky III , Thomas Ngijol a pas mal de choses à se prouver. À l'image de l'étalon italien, notre stand-upper avoue s'être embour geoisé, et veut démontrer qu'il peut encore monter sur scène. Retrouver l'œil du tigre. Pour ça, il n'hésite pas à s'attaquer aux sujets les plus lourds, de la pauvreté au sexisme... mais vise toujours juste, pour nous plier en deux.

Bruxelles, 20.10, Cirque Royal, 20h, 42 > 31,50€, cirque-royalbruxelles.be // Amiens, 21.12, Mégacité, 20h, 40/35€, megacite.fr Lille, 12.01.2023, Sébastopol, 20h, 40 > 28€, theatre-sebastopol.fr

On ne dit pas j'ai crevé (Enora Boëlle / Le joli collectif)

Comment parler de la mort à des en fants ? Sans pathos, avec joie et sur tout... en ne cachant rien ! Tel est le défi relevé par Enora Boëlle. Dans ce seule-en-scène, assise sur une table en inox, la comédienne se glisse dans la peau d'une petite fille récemment décédée. Avec des mots simples, délicats, elle nous raconte alors tout depuis la fin : de l’annonce par le médecin à la cérémonie funéraire, en passant par la thanatopraxie, le funé rarium... Un spectacle mortel.

Lille, 20 > 22.10, Le Grand Bleu jeu : 10h & 14h30 • ven : 10h & 20h • sam : 19h 13 > 5€, legrandbleu.com

Let's Dance

(Bérénice Legrand / Cie La Ruse)

Quelque part entre la performance et la soirée dansante, ce bal nous invite à un lâcher-prise total, orches tré par deux ambianceuses à l'éner gie contagieuse. Sur une bande son rock, rythmée par les Stones ou les Rita Mitsouko, La Femme ou David Bowie, Bérénice Legrand et sa com plice Sandrine Becquet nous guident pas à pas sur la piste, délivrant au passage quelques conseils ludiques pour mieux se déhancher. Un spec tacle interactif... et explosif.

Dunkerque, 22 & 23.10, Le Bateau Feu sam : 19h • dim : 17h, 9€, lebateaufeu.com + "Les petits bals à domicile" : 13.10 : Leffrinc koucke / 17.10 : Dunkerque / 20.10 : Bray-Dunes

Der Lauf (Le Cirque du bout du monde / Vélocimanes associés)

La tête sous un seau, un homme jongle avec des assiettes, avant de se laisser entraîner dans un enchaînement d’événements incontrôlés... Alors, advienne que pourra ! Inspiré de Der Lauf der Dinge (soit "le cours des choses") film expé rimental tourné en 1987, ce spectacle de cirque fait la part belle à l'imprévisibi lité propre à notre humaine condition. En somme, c'est l'histoire de la vie, avec ses accidents plus ou moins heureux, mais en plus drôle.

Lille, 26 > 28.10, Le Grand Bleu, mer : 15h & 19h • jeu : 19h • ven : 15h & 20h, 13 > 5€, legrandbleu.com La Louvière, 01.11, Le Théâtre, 16h & 20h, 15 > 8 € // Douai, 13 & 14.12, Hippodrome, 19h, 12 > 5€ DR

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10 lieux Une programmation surprenante et décalée VENDREDI OCTOBRE 19H > 1H 21 #NDMMONS INFOS : WWW.POLEMUSEAL.MONS.BE | RÉSERVATIONS : WWW.VISITMONS.BE
N° de licence spectacle PLAT ESV-R-2019-001135/001137/001138 Réservez vos billets sur casinolille.fr ou à l’accueil de votre casino. DIMANCHE 9 OCTOBRE / 18H00 DIMANCHE 11 DÉCEMBRE / 18H00DIMANCHE 15 JANVIER / 18H00 DIMANCHE 20 NOVEMBRE / 18H00 HUMOUR MENTALISME HUMOUR HUMOURà partir de 33€ à partir de 33€ à partir de 30€ à partir de 34€ Stéphane GuillonJamel Comedy Club Fabien Olicard Liane Foly EN SCANNANT CE QR CODE — Retrouvez l’ensemble de notre programmation

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