Paperjam Mars 2021

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3 Recherche

Le jumeau numérique : digita­ liser pour mieux anticiper

Les avancées techno­ logiques permettent actuellement de créer des jumeaux numériques, à différentes échelles, qui offrent la possibilité d’interagir avec des données numériques pour anticiper les conséquences dans le monde réel.

À l’heure actuelle, la technologie permet de créer des systèmes complexes, renseignés par une grande quantité d’informations qui peuvent être délivrées, y compris en temps réel. Le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) travaille à la réalisation de jumeaux numériques au Luxembourg, qui recouvrent différentes échelles, celle d’un bâtiment, celle d’un quartier ou même celle du pays. Un jumeau numérique, mais de quoi parlet-on ? Il s’agit d’une représentation virtuelle des systèmes (trafic, eau, air…) et biens (bâtiments, ressources…), qui permet de réaliser des simulations d’actions, de modifications, et d’en voir les impacts à différents niveaux. Cette simulation virtuelle permet d’obtenir les informations liées à une modification avant que celle-ci ne soit réalisée dans le monde réel. Cette recherche vise à améliorer la visibilité des processus et à soutenir la planification. Les jumeaux numériques existent déjà dans d’autres domaines, comme dans l’industrie, où des systèmes de production sont éprouvés à l’occasion de la construction d’une nouvelle usine, par exemple. Le jumeau agit comme une réplique virtuelle de l’environnement physique. Pour cela, il collecte un grand nombre de données et utilise les algorithmes et l’intelligence artificielle pour modéliser un système qui peut être modifié. À l’échelle du bâtiment Le jumeau numérique peut être utilisé à l’échelle du bâtiment. Et cela commence dès la phase de conception, avec, par exemple, le permis de construire numérique ou le cadastre vertical digitalisé. Afin de récolter des données numériques à l’échelle du bâtiment, il est aussi possible de s’appuyer sur les acteurs qui produisent de l’information pour les bâti­ ments, à savoir les architectes et les ingénieurs. 72

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À cela s’ajoute le frein de l’interopérabilité des différentes bases de données, qui ne sont pas encore compatibles entre elles. Une piste de réponse est en cours, avec l’élaboration de nouveaux standards. « Le List est impliqué dans le projet européen DigiPlace, qui s’intéresse à la standardisation des plateformes destinées à la conception-­construction, « Aujourd’hui, les maquettes numériques réa- avec des plateformes qui hébergent les informalisées en BIM ne sont pas encore destinées à tions sur les produits et des plateformes qui sont être partagées pour créer un jumeau numérique, utilisées pour évaluer les impacts environnemenmais elles visent plutôt un usage à des fins taux ou énergétiques d’une construction. Ce proarchitecturales et techniques, éventuellement jet vise à définir une architecture commune, une de chantier, ou un usage du client, explique base de référence, pour que ces outils de dévelopSylvain Kubicki, chercheur au List. Mais il pement s’appuient sur des principes communs. » est aussi possible d’augmenter ce modèle numérique avec des données fournies en temps réel Aussi pour la planification urbaine par des outils techniques, ou toute autre source Le digital twin peut aussi être utilisé à l’échelle de captation de données, et de les traiter avec du quartier. Ce modèle numérique, avec sa des approches d’intelligence artificielle. Grâce capacité de simulation et d’optimisation, peut à ce système, il est possible d’analyser et traiter se révéler très utile dans le travail de planifides phénomènes de natures très diverses, comme cation urbaine. Le jumeau numérique peut l’amélioration de la gestion du chantier, la être mis à profit, par exemple, dans le cadre sécurité sur ce dernier, la planification, tout ce d’une consultation citoyenne. « Grâce à ce ju­ qui concerne le tracking du matériel… » meau numérique, il est possible d’aller beaucoup D’autres applications peuvent aussi être plus loin avec les citoyens que la simple transdéveloppées dans la phase de gestion du bâti- mission d’informations ou la réception d’idées ment, comme l’amélioration de l’empreinte sur un formulaire, en travaillant avec ces derenvironnementale de ce dernier à travers sa niers sur des modèles structurés, avec des outils consommation énergétique. Dans ces smart qui permettent de s’exprimer et de mettre en buildings, une partie des informations du digi- œuvre virtuellement des propositions », explique tal twin proviennent aussi des systèmes tech- Sylvain Kubicki. Par ailleurs, les jumeaux numériques à niques installés dans le bâtiment. Mais encore faut-il que les équipements puissent échanger l’échelle d’un quartier sont aussi intéressants les informations entre eux pour être efficaces. pour la gestion énergétique. « Nous réalisons C’est pour cela que le List est impliqué dans actuellement un jumeau numérique de Belval, le projet « Smart readiness indicator for buil- car il s’agit d’un quartier relativement homodings », une initiative européenne qui déter- gène, avec des bâtiments construits selon le mine le niveau de capacité du bâtiment à même concept énergétique low tech. À partir s’autogérer et à interagir avec ses occupants de l’étude de la Maison de l’innovation, nous et la grille énergétique du quartier. « À terme, déployons un digital twin basé sur le BIM et cet indicateur va faire partie du pack gouver- agrémenté d’informations issues de capteurs. nemental sur la directive énergétique des bâti- On ajoute à cela des analyses de cycles de vie, ments, au même titre que l’Energiepass actuel », tant pour limiter les impacts environnementaux et énergétiques du bâtiment que pour informe Sylvain Kubicki. limiter ceux sur la santé des occupants. Dans l’immédiat, cela permet d’optimiser la phase Des obstacles à surmonter Toutefois, il existe encore des freins à lever, de monitoring et, à terme, de formuler des notamment en ce qui concerne la souverai- recommandations d’utilisation. Le projet a neté et le partage des données. « Il faut encore pour objectif d’extrapoler cette analyse à l’échelle définir quelles données peuvent être partagées, du quartier, en y intégrant d’autres paramètres et avec qui. Par rapport aux sources, les qui ne sont pas considérés à la simple échelle modèles BIM constituent un point de départ, du bâtiment », conclut Sylvain Kubicki. mais ils doivent être complétés par des données extérieures, comme celles issues de la gestion du bâtiment, ou des données qui concernent, par exemple, les produits mis en œuvre dans le cadre de la construction circulaire. » Auteur CÉLINE COUBRAY


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