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Au Maquis 56-58, Solaris Great Confusion

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SOLEIL NOIR

Par Valérie Bisson ~ Photo : Christophe Urbain

LA BISE EST FRAÎCHE SUR CETTE TERRASSE DE DÉBUT DE SEMAINE ET D’ÉTÉ, ELLE CHASSE LES QUELQUES NUAGES D’UNE SAISON RYTHMÉE PAR LES ACCORDS RALENTIS ET NUANCÉS DE L’ALBUM FOLK LO-FI, UNTRIED WAYS, DE SOLARIS GREAT CONFUSION. DISCRÈTEMENT ET MANIFESTEMENT, STEPHAN NIESER REVÊT LE COSTUME DE LEADER DU GROUPE ET DESSINE UN CHEMIN AU FUSAIN QUI LAISSE DÉJÀ ENTREVOIR LA SORTIE D’UN CLIP ET DE BELLES PROMESSES POUR LA FIN DE L’ANNÉE 2022.

Untried ways est sorti à l’automne 2020 chez

Médiapop ; il est le deuxième album de Solaris

Great Confusion, un groupe qui se compose peu à peu. Tu peux nous expliquer comment ?

Lors de la sortie du premier album, les choses étaient encore incertaines. J’avais tout conçu seul, à la maison. Les paroles, les mélodies et les arrangements formés sur les maquettes appelaient une aide ponctuelle, mais rien de très déterminant pour constituer un groupe. Lorsque le projet de la scène est arrivé, le groupe s’est réellement formé. Pour ce deuxième album, j’ai eu très vite de nouveaux morceaux et j’avais vraiment envie de retrouver les propositions de mes acolytes. Aujourd’hui, je continue à travailler en deux temps, je compose seul puis je mets au pot commun, je suis très collectif dans l’après, avant je ne sais pas trop faire ; les arrangements recomposent souvent l’idée de départ et cela me va très bien. Je suis peu directif, j’aime laisser aux autres musiciens la place pour leurs univers, je ne veux pas réduire les projets à ma simple expression, nos imaginaires se complètent, se superposent et donnent de la profondeur, une forme d’intelligence collective qui se vit sans maîtrise et en confiance.

Solaris Great Confusion, finalement, c’est quoi ? C’est qui ?

Je me nourris beaucoup de cinéma et le nom Solaris Great Confusion fait évidemment référence au film d’Andreï Tarkovski. Sur la planète Solaris, des chercheurs étudient un océan qui semble donner réalité à des souvenirs, à des personnes disparues, cela les fait sombrer dans des crises émotionnelles, la folie… Je l’ai vu comme une allégorie d’une mélancolie inspirante. Les rencontres ont compté pour beaucoup dans la composition du groupe. J’ai joué dans plusieurs formations et tout s’est composé au fur et à mesure. Aujourd’hui, il y a Aurel Troesch King, le guitariste, Jérôme Spieldenner, le batteur et Yves Béraud à l’accordéon, Elise Humbert au violoncelle, elle apporte douceur et profondeur, cherche toujours à être sur le fil, « sur la corde sensible », comme elle dit. Il y a Olivier Schneider, le bassiste et contrebassiste, et enfin Jacques Speyser qui fait les chœurs avec moi et me conseille parfois sur certains arrangements, on a les mêmes goûts, il est le premier à écouter mes maquettes. Avec eux, les choses s’emboitent de manière très naturelle, « mes » musiciens sont des alliés solides et très pertinents. On imagine et on teste toutes les formules en répétitions, parfois en live, directement avec le public. On est six, mais il est rare qu’on se retrouve tous, sauf au moment de l’enregistrement. Finalement, le confinement n’a pas changé grandchose à notre modus operandi, je recueille et superpose les pistes, je recherche les harmoniques qui m’intéressent puis tout ça part chez l’ingé-son Jean-Sébastien Mazzero, notre George Martin. Pour les visuels, je travaille avec Adrien Moerlen avec qui je jouais dans BBCC, Adrien prend des directions très opposées à l’imagerie folk, j’aime beaucoup ce côté décalé, clivant.

Plusieurs choses émergent ces temps-ci : un clip, I wish I was blind, et un EP en préparation… Est-ce que tu es dans une phase prolixe ?

C’est Anil Eraslan qui signe notre clip, une belle rencontre également. I Wish I Was Blind est un morceau phare de l’album. Zeynep Kaya, chanteuse d’Hermetic Delight et de Sousta Politiki avait accepté spontanément d’interpréter la chanson en duo et j’avais envie de poursuivre cette aventure. Je suis très heureux que le clip permette, un an et demi après la sortie de l’album, un nouvel éclairage sur le fruit de notre collaboration. Pour l’EP, il est en préparation pour la fin de l’année, nous sommes

© Gérard Stoehr

à mi-chemin du processus. Ce qui est certain, c’est que je me suis dégagé plus de temps pour ce projet de Solaris Great Confusion, j’ai arrêté de jouer avec BBCC, j’avais besoin de me ressourcer, mais je les retrouverai comme figurant pour leur clip en juillet avec Adrien Moerlen, et j’en suis ravi !

Ta musique est teintée de mélancolie, elle est

aussi très apaisante, très calme ; d’où viennent

tes inspirations ?

Tout part d’une sensation, des émotions. Mon travail est très intuitif, c’est un processus assez lent, je ne veux pas sentir ni lire le travail. Il m’est difficile de détricoter le fil, tout se fait par touche. Je ne suis pas un raconteur d’histoires comme dans la ligne pure du folk, je crée des images ; on me parle souvent d’écriture cinématographique, il est vrai que je me nourris de ça, de films, de musique, de littérature, de tous ces fragments. Je laisse les choses se faire et la musicalité donne la direction. En ce moment, je lis les classiques américains, Jack London, Walt Whitman, j’ai un rapport chronologiquement ordonné à la littérature. Je suis aussi un grand fan de Robert Wyatt, son côté érudit et sophistiqué avec un process très artisanal, il enregistre de façon très sommaire alors que ses textes sont très construits et conceptuels. J’accumule des notes dans des carnets mais elles me servent plus de moteur pour assembler des éléments de construction épars qui parlent à autre chose qu’à l’intelligence. Je n’ai pas envie de me défaire de ce mode de fonctionnement, juste de l’affiner joyeusement avec les autres membres du groupe. À un moment, on sait sur quelle mécanique on est construit et on devient aussi expert de cela. Il en ressort une atmosphère très sensible, construite par le temps et les expériences, cela a beaucoup à voir avec le geste de l’artisan, ce qu’on choisit de polir ou de laisser brut pour atteindre un équilibre. Les contraintes de l’agir laissent ensuite l’imagination galoper, l’intellect a moins sa place que l’émotion. Je mets en œuvre assez vite, pour que le geste ne soit pas trop corrompu par la réflexion ou les concepts, ça reste un geste de l’émotion.

— UNTRIED WAYS,

Solaris Great Confusion, Médiapop Records www.mediapop-records.fr

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