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Nicolas Comment 108-116, Stéphanie-Lucie Mathern

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Francis Kauffmann

Francis Kauffmann

N’GOLO N’GOLO DANS LA CASE

Par Stéphanie-Lucie Mathern ~ Photos : Benoît Linder

JEAN-THIERRY GANGLOFF

Je me souviens de l’enthousiasme de Jean-Thierry au téléphone, tendu jusqu’à la phrase définitive, « j’ai commencé par le superflu alors que la plupart des gens font l’inverse ».

Du superflu, je me souviens de cette boîte de Quality Street oubliée dans le salon. Le reste s’est fait du coq à l’âne, entre histoires et références.

Jean-Thierry est resté ce grand enfant qui joue au chevalier. Cow-boy sans cheval, mais passionné par les châteaux forts, il aime particulièrement la période médiévale et la cruelle histoire des Templiers. Il est allé jusqu’à créer sa petite armée dans l’ancien appartement du gouverneur militaire. Les lions, symboles du pouvoir, sont les gardiens extérieurs de son « temple intérieur ». On y vit dans un bric-à-brac coloré et lumineux, où l’on peut même trier des aspirateurs.

La lumière a marqué la vie de Jean-Thierry, né le jour du solstice d’été. Il a connu le coma à 14 ans – conséquence d’une lourde indigestion aux huîtres –, a vu le fameux tunnel noir, l’effet d’apesanteur avec des sons électroniques, le flottement dans l’espace au milieu des corps célestes, l’enveloppement fœtal dans des couleurs irréelles et irisées.

Au départ était le souffle, et par extension la lumière. Quand les mystères sont très malins, ils se cachent dans la lumière, disait Giono.

Jean-Thierry revient de loin et décide de soigner les gens, entreprend des études de médecine et décide de devenir kinésithérapeute (aujourd’hui, il collectionne les mains).

Kiné à Courchevel, moniteur de ski au Champ du Feu, moniteur de tir à l’arc, chasseur sous-marin

— Quand les autos penseront, les Rolls-Royce seront plus angoissées que les taxis. —

Henri Michaux

dans les îles grecques – pour finir par la location de voitures de collection. Nous parlons Rolls et Flying Lady, Mathis – la marque strasbourgeoise des Années folles -, en buvant du muscat dans ce grand salon couleur Milka Suchard. Le mélange de l’activité humaine et technologique l’intéresse. L’activité est en sommeil pour le moment, le Covid a annulé tous les mariages.

Après les congés payés, la voiture avait vocation de faire découvrir la France à la famille ; autant faire l’école de bonne conduite chez Rolls Royce.

Jean-Thierry a 71 ans, parle de la légende de sa famille. Chez les Gangloff, on vivrait jusqu’à 85 ans.

« Je suis un conteur, ma mission est de faire rêver », dit-il dans son petit pull noir rayé.

Sur la table, une débauche de verre, comme des os. Jean-Thierry croit à l’importance du cœur, car la finalité sera le tas d’os. L’équilibre est toujours précaire. Puis, il chante une chanson de Nougaro « noir ou blanc... »

La vanité renvoie à l’amour. « Nous sommes des frères », dit-il comme bilan de ses rencontres et voyages. La vie et son respect ont pour lui une importance majeure. Il est croyant au-delà de toutes les religions, humaniste dans l’esprit d’Albert Schweitzer, qui était en parenté avec son père et sa mère.

Boute-en-train ayant lutté contre sa timidité au Club Méditerranée, il finit par danser sur l’Aigle noir de Barbara au Palais des fêtes.

Jean-Thierry pousse le vice - et la vertu - jusqu’à se marier en kilt à 40 ans, âge où l’on assume ses choix, ses expériences et sa culture. Mariage qu’il reproduira, « les protestants acceptent l’erreur », plaisante-t-il, dans la crypte de la cathédrale.

Aujourd’hui, il s’intéresse aux femmes comiques (qui savent justement remixer le N’golo n’golo dans la case des Inconnus) et pense que Marguerite de Valois aurait pu être une bonne reine de France.

Il a été barbu pour jouer Abraham Lincoln, d’ailleurs, il continue le théâtre pour faire revivre les fantômes de l’Europe, dénoncer les injustices et le dévoiement des pères fondateurs. Son crush va à Robert Schuman.

Il collectionne les casquettes et les képis, qu’il aura l’occasion de porter, car en astrologie chinoise, c’est un chat, et il a 7 vies.

Malgré sa prostate – qui le fait se lever toutes les 3 heures – il dit aimer tellement la vie qu’il n’a pas le temps de mourir.

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