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Disques

LYKKE LI EYEYE / Crush Music

Il serait dommageable de s’arrêter à ce qu’on croit connaître d’une artiste. C’est le cas avec Lykke Li. Après des albums plus (I Never Learn) ou moins (So Sad So Sexy) pertinents, la Suédoise revient avec un album épuré qui met en lumière l’étendue des capacités d’interprétation de la jeune femme. Un disque qui accorde la place d’honneur à la voix, ce lyrisme que l’on connaît bien chez les artistes scandinaves. EYEYE est l’aveu des sentiments les plus douloureux qui résultent d’un chagrin d’amour. Si le thème manque d’originalité, on reconnaît à Lykke Li le tour de force d’avoir produit un album qui s’écoute comme un seul et même morceau et qui aurait été tout aussi éblouissant s’il avait été interprété a cappella. (C.J.)

PORRIDGE RADIO Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky / Secretly Canadian

C’est désormais incontestable, Porridge Radio est LE groupe à suivre sur la scène indie-rock. Every Bad était prometteur, Water Slide, Diving Board, Ladder to the Sky enfonce le clou. Porté par la charismatique Dana Margolin, le groupe de Brighton nous offre un album aussi intense que lumineux. Dana, qui n’a pas l’habitude de filtrer ses émotions, parle de ses peines, ses culpabilités, cette difficulté à trouver sa place, tout en restant d’une luminosité sans pareille. Les compositions inspirées, entre autres, par PJ Harvey, Beach House ou Pavement font de ce dernier album un exemple parfait de toutes les couleurs que doit revêtir le rock aujourd’hui pour être crédible. (C.J.)

WARPAINT Radiate Like This / Rough trade

Baignée d’une certaine légèreté qui porte dans ses inflexions mélodiques le soleil et le sable californiens, on retrouve enfin la musique de Warpaint patiemment élaborée et repoussant les noirceurs mélancoliques de la néo newwave et la puissance du rock shoegaze. Avec ce quatrième album, les filles viennent un peu plus déstabiliser l’auditoire et semer le trouble au pays évident de l’indie-rock contemporain ; soutenue par la voix vaporeuse d’Emily Kokal, la basse sensuelle de Jenny Lee Lindberg, la guitare ciselée de Theresa Wayman et la batterie impérieuse de Stella Mozgawa, une joyeuse fragilité se laisse entendre. Le son de Warpaint module des harmonies d’une apparente évidence dissimulant les contrastes éblouis du soleil de l’été. (V.B.)

JEANNEMARIE Ma peau / Machette Production

Malgré les contraintes du réel, la vitalité l’emporte chez JeanneMarie. Le désir aussi, vibrant. Le corps, mis en sommeil, à nouveau s’éveille et reprend vie : il appelle à une nouvelle danse, la peau frémit. Jeanne Barbieri et Marie Schoenbock nous le susurrent avec une vraie gourmandise pour la poésie de mots enlacés, leurs voix soulignées par une guitare envoûtante ou une boucle électronique veloutée. Dans le dialogue qui naît de leurs écritures respectives naît une cohérence singulière ; celle-ci renoue avec l’essence même de la chanson : s’ancrer dans la puissance de l’instant. (E.A.)

ÉPILOGUE

Par Philippe Schweyer

Quatre hommes et une Alice, État de Washington © Theo Hakola

Pour finir en beauté, picorons dans le livre de souvenirs de Theo Hakola en commençant par sa bio pour donner une petite idée du personnage : chanteur, musicien, écrivain, acteur, photographe et homme de théâtre et de radio, Theo Hakola est né à Spokane dans l’État de Washington. Il est installé en France depuis la fin des années 1970 où il a publié une quinzaine de disques avec Orchestre Rouge, Passion Fodder et en solo. Il a aussi écrit six romans et produit le premier disque de Noir Désir. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, la vie de Theo Hakola est un vrai roman. Au début du livre, donc de sa vie, il est attiré par des filles qui s’appellent Alice : « Lors de mon troisième (vrai) voyage en Californie, nous avons eu des rapports Alice et moi, à l’arrière du minibus en sortant de l’Oregon. Je pense – j’espère ? – qu’on était suffisamment discrets dans cette nuit à l’ombre du mont Shasta aux alentours de la petite ville de Weed. » Bien plus loin, Theo confie qu’il a désormais un peu peur de répondre au téléphone quand il voit que ça vient d’un vieil ami dont il n’a plus eu de nouvelles depuis longtemps. Les décès de Fred Chichin, Rachid Taha, Philippe Pascal, Dominique Sonic ou Jean-François Bizot sont passés par là… Mais le livre n’est pas triste, Theo qui a souvent la dent dure (Les Français respirent de la pop cucul la praline et pensent saigner rock ?) nous apprend qu’en passant un 33-tours de Léo Ferré en 45, on obtient la voix d’Édith Piaf. On se promet de vérifier. Une petite dernière pour la route. S’il ne prend plus rien depuis plus de vingt ans, c’est pour des raisons politiques : « J’adore la cocaïne, en fait, mais en consommer, même si on ne l’a pas payée (ce qui a toujours été mon cas), c’est soutenir le comble du capitalisme et assassin. » Un mec bien. Un artiste engagé. Une vie partagée avec générosité.

Non romanesque de Theo Hakola, Les Fondeurs de Briques. Le livre (320 pages) est illustré par des dessins de Ricardo Mosner et une centaine de photographies de l’auteur avec en bonus un CD de 14 titres.

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