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E N E N T R E T I E N AV E C
Jan De Saedeleer (SPF Intérieur) :
« Nous voulons surtout éviter une multiplication des règles » Les véhicules électriques sont toujours plus nombreux sur la voie publique et cette tendance n’est pas prête de s’inverser. Le besoin d’infrastructures de recharge, en rue comme dans les parkings (sousterrain), augmente lui aussi. Et cela soulève énormément de questions de sécurité incendie chez nos membres. Nous avons récolté les principales interrogations et les avons soumises à Jan De Saedeleer, Conseiller à la Direction générale de la Sécurité civile du SPF Intérieur. Les administrateurs de Nelectra Filip Verscheure et Dirk Coene lui ont fait part de nos préoccupations les plus pressantes.
(*) Qu’est-ce qu’un thermal runaway ? Un thermal runaway, c’est « l’emballement thermique » de la batterie. Exposées à de hautes températures, les batteries Lithium-Ion réagissent : les isolants entre deux pôles peuvent se décomposer et provoquer un court-circuit. S’ensuit alors un dégagement de chaleur supplémentaire, la décomposition avancée des isolants et encore plus de courts-circuits. Les températures de plus en plus élevées entraînent le réchauffement de la cellule voisine, et un effet domino avec un développement de chaleur exponentiel. Ce phénomène a pour conséquences de très hautes températures et souvent l’émission de gaz dangereux.
Dirk Coene (DC) : Les véhicules électriques, leurs batteries et leur recharge reposent sur des technologies relativement récentes qui font encore l’objet de nombreuses discussions en matière de risque d’incendie. Comment en évaluez-vous le risque d’incendie par rapport aux véhicules à combustion ? Ce n’est pas une question facile, surtout si vous attendez une réponse univoque et scientifiquement correcte. Il n’est pas évident de comparer les véhicules électriques aux voitures classiques en raison de l’âge des véhicules : les voitures électriques sont toutes très récentes, leurs batteries sont neuves, tandis que ce n’est pas le cas de tous les moteurs essence ou diesel. En principe, il faudrait donc comparer des véhicules d’âges similaires. Si j’essaie de me baser sur les recherches scientifiques disponibles – en particulier pour la fréquence du nombre d’incendies – il est vraiment difficile d’obtenir des chiffres fiables. Et nous ignorons tout de la situation d’ici 10 ans, quand les véhicules électriques auront eux aussi pris de l’âge. En ce qui concerne le comportement au feu, les études menées semblent avoir plus ou moins établi un consensus : un véhicule électrique brûle à peu près de la même manière qu’un autre, pour le dégagement de chaleur, du moins. Toutefois, en cas de thermal runaway (*) de la batterie, la situation est tout autre, et l’incendie ne peut être éteint en une fois. Le feu se rallume à plusieurs reprises – exposant les pompiers à un risque bien différent. Je constate aussi que les émanations de substances toxiques posent question. Et s’il est vrai que, lorsqu’un véhicule électrique prend feu, ses composants libèrent des substances toxiques, ce n’est pas propre à ces véhicules. En soi, toutes les fumées, de tout type d’incendie, sont toxiques et doivent être évitées. Filip Verscheure (FV) : Comment pouvons-nous évaluer le rayonnement
thermique (kW/m²) d’un incendie de parking sous-terrain en présence de véhicules électriques ? C’est aussi difficile : chaque véhicule électrique est différent. Il y a parfois plus de différences entre deux véhicules d’une même catégorie qu’entre les classiques et les électriques. Il y a 20 ans, les véhicules ne dépassaient pas les 4 Mégawatts. De nos jours, certains modèles atteignent facilement les 6 à 8 Mégawatts. La charge combustible des véhicules – tous types confondus, même à carburant fossile – a donc énormément changé ces dernières années.
Les fabricants de batteries mettent tout en œuvre pour essayer de limiter le risque de thermal runaway. Partons donc du principe qu’il y a plus de différences entre les grandes et les petites voitures qu’entre les modèles électriques et diesel. DC : En règle générale, les bornes de recharge sont installées près de l’entrée des garages. Y a-t-il une raison à cela ? Oui. Il est plus rapide et facile de lutter contre un incendie s’il se situe près de l’entrée. Quand un véhicule en flammes se trouve tout au fond d’un parking, les pompiers ont beaucoup de mal à y accéder. De même, s’il faut déplacer le véhicule, il est plus intéressant qu’il soit à l’entrée qu’au fond, ou trois étages plus bas. Enfin, à l’entrée, la fumée s’évacue plus facilement. FV : Disposez-vous de données suffisantes pour prendre des mesures fondées en matière de risque d’incendie dans les parkings équipés d’une infrastructure de recharge ? J’en doute, parce qu’il s’agit d’une toute nouvelle technologie et qu’il serait très