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Guyane
Très vulnérables, les savanes revêtent une grande importance en termes de biodiversité. Ici, la Savane des Pères. © Florent Bignon
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LES SAVANES LITTORALES AU CŒUR D’UN PROJET EUROPÉEN CONTRIBUANT À LEUR PROTECTION
Depuis 2018, le projet européen LIFE BIODIV'OM, coordonné en france par la LPO, vise à protéger les derniers reliquats de savanes en Guyane. Sur place, le GEPOG et les partenaires locaux s’attellent à sauvegarder cet habitat rare, fortement menacé par deux espèces exotiques envahissantes.
Le long de la plaine côtière, à Kourou, Sinnamary, Iracoubo par exemple, les savanes sèches s’apparentent à de simples petites clairières à l’échelle de l’immense massif forestier environnant. Malgré leur surface réduite, qui représente seulement 0,3 % du territoire guyanais, les savanes abritent 16 % de la diversité végétale de Guyane – soit environ 760 espèces – ainsi qu’une faune abondante : tamanoirs, hérons, tortues, caïmans... Des oiseaux d’une grande rareté y sont par ailleurs observés, tels que la bécassine géante, un limicole classé par l’UICN en danger critique d’extinction sur la Liste rouge des espèces menacées en France.
Dans ces formations herbacées parfois ponctuées de bosquets, d’arbres ou arbustes isolés, la faune et la flore ont dû s’adapter à des conditions spécifiques : les sols argilosableux des savanes subissent au fil des saisons des inondations, des épisodes de sécheresse, de fortes chaleurs mais aussi de fréquents passages de feux. La biodiversité que concentre pourtant ce milieu façonné depuis des siècles par l’homme et la nature en fait un écosystème remarquable nécessitant une protection. D’autant plus que les savanes de Guyane reculent, sous la pression du développement urbain du littoral, d’activités agricoles et surtout de la présence de deux arbres exotiques invasifs : l’Acacia mangium et le niaouli. La lutte pour contenir ces espèces est l’un des enjeux du projet de cinq ans LIFE BIODIV’OM initié en 2018. Piloté en Guyane par le GEPOG (Groupe d’étude et de protection des oiseaux en Guyane), ce projet européen s’inscrit dans la continuité des actions déjà conduites dans les savanes de 2010 à 2015 par le GEPOG, dans le cadre du programme LIFE + Cap DOM : étude des sols, recherches en botanique et ornithologie.
L’Acacia mangium et le niaouli sont deux arbres originaires d’Australie. L’acacia tout d’abord a été introduit en Guyane dans les années 1970 pour revégétaliser les sites miniers. Ce grand arbre pouvant atteindre 30 mètres de haut a alors été distribué aux agriculteurs et aux communes, qui ont involontairement participé à son implantation sur le littoral. L’acacia, de croissance rapide, est très résistante aux feux et tolère différents types de sols. Ses graines peuvent être disséminées par des oiseaux à longue distance, y compris dans les espaces ouverts et sans ombre des savanes, qui conviennent tout particulièrement à l’espèce.
Quant au niaouli, son expansion a été favorisée à la même période par le Plan Vert, projet de développement de la Guyane qui a encouragé dans la filière bois l’industrie papetière. Le niaouli, appelé « arbre à écorce de papier », est alors importé.
Comme l’Acacia mangium, le niaouli se propage rapidement au détriment des espèces végétales natives : un unique niaouli peut produire jusqu’à 20 millions de graines par an !
Une stratégie régionale de gestion propre à chacune de ces deux espèces envahissantes est en cours d’élaboration. Ce travail réunit « les acteurs du littoral autour des questions de prévention, de surveillance et de gestion de l’espèce pour la protection du patrimoine naturel et de nos savanes », peut-on lire dans les dépliants de LIFE BIODIV’OM. Dans la rubrique « Que faire? » de ces supports destinés au public, les habitants du littoral sont incités à parler autour d’eux des dangers que ces deux arbres introduits font peser sur la biodiversité. Ils sont également incités à signaler la présence des deux espèces au GEPOG pour que des abattages puissent être organisés.
L’Acacia mangium est couramment utilisé par la population locale en tant qu’élément d’ombrage, ressource fourragère, bois de construction, pour enrichir le sol en azote...
Le GEPOG a confié à la société d’ingénierie écologique Solicaz la réalisation de tests de stockage et de germination de 10 plantes locales qui pourraient se substituer à l’acacia lors des usages précités. Débuté il y a un an, en septembre 2020, ce travail permettra de connaître les techniques de production de plants les mieux adaptées. L’objectif est d’atteindre la livraison de 450 pieds par espèce d’ici 2022, ainsi que les itinéraires techniques de production. Parallèlement, des méthodes de gestion du niaouli sont testées pour essayer d’identifier les procédés optimaux de lutte sur les arbres adultes et sur les graines : l’efficacité de la lutte mécanique et des traitements chimiques est étudiée actuellement par le GEPOG.
Ce projet LIFE BIODIV’OM dans les savanes de Guyane nous rappelle que les invasions biologiques par les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales sources d’érosion de la biodiversité dans le monde, et que la prévention de l’introduction de ces espèces reste la priorité.
+ d’info ici : La vidéo du projet BIODIV’OM sur le site www.savanes.fr
Rédaction : Stéphanie Légeron