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Mayotte

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Guadeloupe

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Ci-dessus : Boina Said et Toihir Ali-Mari conviés au Congrès mondial de la nature de l’UICN (1er et 2ème en partant de la gauche), à l’occasion du passage de Martha Rojas Urrego, secrétaire générale de la Convention de Ramsar sur les zones humides.

RENCONTRE AVEC DEUX AMBASSADEURS DU LAGON DANS LES VILLAGES

Boina Said, directeur de l’association AME 2, et Toihir Ali-Mari, pêcheur, témoignent de leur rôle d’ « Ambassadeurs du lagon dans les villages » qui les a menés au Congrès mondial de la nature.

Pour protéger le milieu marin, le Parc naturel marin de Mayotte lance chaque année un appel à projets à des fins de mobilisation citoyenne. Le principe est de trouver et soutenir d’un point de vue technique et financier des « ambassadeurs » au sein des différents quartiers. L’objectif est triple : sensibiliser la population à l’environnement marin, lui permettre d’acquérir des connaissances et faire évoluer les comportements vers des pratiques plus durables et écologiques.

Ramassage de déchets par Boina Said à Tsimkoura.

© AME

BOINA SAID, DIRECTEUR DE L’AME (Association Mangrove Environnement)

« J’ai grandi entre Bouéni et Tsimkoura. Étant petit, je jouais ici dans la mangrove. Depuis 1998, cet écosystème entre terre et mer a commencé à disparaître, en raison des constructions, boues de chantiers, dépôts sauvages de déchets... J’ai créé l’association en 2015 pour faire connaître et aimer la mangrove. Puis, pour ne pas dépendre entièrement des subventions, j’ai monté une base kayak, qui forme des moniteurs et propose de découvrir la mangrove de l’intérieur. Nous avons ainsi pu recruter quatre personnes !

À l’AME, nous nettoyons la mangrove, sensibilisons les habitants, visiteurs, enfants des centres de loisirs... Nous nous sommes même lancés dans un projet d’apiculture en arrière-mangrove, pour former les agriculteurs à produire du miel de mangrove. C’est urgent que les abeilles repeuplent le milieu, car les essaims sont devenus rares. Je me bats aussi pour qu’il y ait une formation environnementale à Mayotte. Je me bats pour que nos dirigeants passent à l’acte. On a besoin de faire des choses concrètes. La mangrove est presque asphyxiée aujourd’hui.

Enfin, nous avons replanté 5000 palétuviers depuis 2017. Mais un problème me préoccupe. En première ligne côté lagon, la mangrove est bordée de palétuviers fleurs. C’est une espèce très menacée par l’érosion et qu’on ne sait pas reproduire. Si elle disparaît, les vagues seront en contact direct avec le palétuvier rouge, normalement en deuxième ligne. Or celui-ci abrite un immense nombre de juvéniles de poissons, raies... Toute une biodiversité qui serait clairement menacée par l’absence du palétuvier fleur. J’aimerais que des scientifiques nous apprennent à bouturer le palétuvier fleur, car nous n’avons pas ces connaissances. »

TOIHIR ALI-MARI, PÊCHEUR À MANGAJOU

« Je suis ambassadeur du lagon depuis quelques mois. J’agis bénévolement car la nature change et personne ne s’en rend compte... Pour moi, il est flagrant que l’environnement s’est dégradé entre mon départ en 1999 et mon retour ici 20 ans plus tard.

Il ne reste pas grand chose de la mangrove depuis qu’une rocade et un gymnase ont été construits juste derrière. Le paysage n’est plus le même. Il y a moins de poissons aussi. Avant, on les voyait même dans des mares en haut de la plage. Il faut regarder la nature. Si on avait cet œil, on aurait un peu plus de responsabilité dessus. Je voudrais transmettre ça aux jeunes pour qu’on soit tous responsables de ce qui se passe.

C’est certain que les jeunes ne sont pas sensibilisés. La plage et la mer : ils aiment, sans plus. Un changement d’état d’esprit est nécessaire. "

Publi-communiqué

Le souïmanga de Mayotte, un passereau endémique de l’île.

© Thomas Ferrari | GEPOMAY

PROTÉGER LES OISEAUX : L’AFFAIRE DE TOUS

Association environnementale, le GEPOMAY œuvre pour la protection des oiseaux à Mayotte. Des partenaires locaux aux institutions internationales, ses actions sont notamment soutenues par le Conseil départemental. En parallèle de son travail scientifique, l’équipe s’engage à sensibiliser la population locale en créant par exemple un réseau de bénévoles investis.

Dans le 101ème département français, le Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte (GEPOMAY) s’est donné trois missions : l’étude des oiseaux et de leurs comportements ; la protection des espèces et de leurs habitats ; la sensibilisation vers tous les publics. Il entretient des liens étroits avec différents partenaires techniques et financiers comme le Conseil départemental de Mayotte.

Le crabier blanc, un oiseau protégé et emblématique de Mayotte, en danger d'extinction.

© GEPOMAY

Ce dernier est notamment le gestionnaire du site du lac Karihani, seul lac naturel d’eau douce de Mayotte et principal lieu d’alimentation d’un héron en danger mondial d’extinction : le crabier blanc. Après la vasière des Badamiers en Petite-Terre, gérée elle aussi par le Département, le lac Karihani est le deuxième site où l’on retrouve la plus grande diversité d’oiseaux à Mayotte. Afin de préserver ce riche écosystème dont fait partie le crabier blanc, espèce emblématique de l’île, les deux structures travaillent ensemble à la restauration et à la protection du site.

Conférence donnée par Émilien Dautrey, directeur du GEPOMAY, au Congrès mondial de la nature de l’UICN.

© GEPOMAY

Lors de ce même événement, une animation du GEPOMAY et de la LPO France sur les espèces menacées des outre-mer (programme européen Life BIODIV’OM).

© GEPOMAY

Le GEPOMAY vit également grâce à ses bénévoles. En décembre se terminaient les relevés de la 2ème saison du Suivi temporel des oiseaux communs (STOC), un programme de sciences participatives adapté à l’île et en partie financé par le Conseil départemental. Dans ce cadre, 16 observateurs bénévoles ont été formés par l’association pour relever deux fois par an les oiseaux vus et entendus sur des itinéraires bien précis. Les données sont prêtes à être analysées par le GEPOMAY dès ce début d’année. Elles permettront sur le long terme d’établir des indicateurs de l’état de la biodiversité locale et d’alimenter des outils d’aide à la décision pour la gestion et l’aménagement du territoire.

Bacar Ousseni Boina, Président du GEPOMAY

© GEPOMAY

TÉMOIGNAGE

BACAR OUSSENI MDALLAH PRÉSIDENT DU GEPOMAY

Principale richesse de l’île, les espaces naturels, qui abritent parfois des espèces uniques au monde, sont soumis à de fortes pressions liées aux activités humaines. L’avenir reste incertain au vu de l’importante augmentation démographique, du besoin de développement économique, mais également de l’effet du changement climatique. L’association GEPOMAY, avec le soutien des partenaires, essaye à travers ses actions d’apporter sa contribution à la préservation de cette richesse.

Des observations bénévoles du STOC lors d’une matinée d’observation et de formation avec le GEPOMAY.

© GEPOMAY

Rédaction : Mariane Harmand

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