Maitriser l'œuvre

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mémoire.

Maîtriser l’œuvre : La redéfinition du rôle social de l’architecte

Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre Directeur d’études : Michel Sandorov Tuteur de mise en situation professionnelle : Ludmila Pernot, architecte DPLG

Olivia Jazz Davis ENSAPLV 2017/2018 1


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2016

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expérience octobre 2017 - Aujourd’hui AVriL - juiLLet 2017 NoVembre - décembre 2016 décembre 2013 - FéVrier 2014 mArs - AVriL 2013 NoVembre 2012 - FéVrier 2017

Assistante de projet chez Andrieu-Pernot Architecture, Paris 11e Stagiaire chez Jean-Paul Viguier et Associés, Paris 13e Assistante architecte chez Atelier ARAGO, Paris 13e Stagiaire chez Arias Arquitectos, Santiago, Chili Stagiaire chez Fabrice Dusapin Architecte, Paris 13e Vendeuse pour l’Etudiant Magazine

2011 - 2012

Membre de l’association InterArchi IDF Regroupement des 7 écoles nationales supérieures d’architecture d’Île-de-France en partenariat avec l’Ordre des Architectes et la Maison de l’Architecture Île-de-France

2011 - 2012

Responsable Événementiel du Bureau des Étudiants de l’ENSA Paris Val de Seine

AVriL 2011

Stage ouvrier dans l’entreprise LVP (Saint-Ouen, 93)

2010 - 2011

Secrétaire Générale du Bureau des Étudiants de l’ENSA Paris Val de Seine

formation octobre 2017-Aujourd’hui

Formation pour l’Habilitation à la Maitrîse d’œuvre en son Nom Propre École Nationale Supérieure d’Architecture Paris la Villette, Paris 19e

septembre 2017

Master en Art et Architecture École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine, Paris 13e

juiN 2009

Baccalauréat Scientifique, spécialité Mathématiques, option Arts Plastiques Lycée Charles le Chauve à Roissy-en-Brie (77), Mention Bien

logiciels phOtOshOp

ArtlAntis

inDEsiGn

ArchicAD

illustrAtOr

rEVit

AutOcAD

GrAsshOppEr

skEtchup

MicrOsOft OfficE

compétences Bilingue Anglais-Français, Espagnol bon niveau (lu, parlé), Allemand (lu) Permis de conduire B français - Permis A2 en cours d’aquisition

activités Loisirs: Poterie, lecture, équitation, randonnée, snowboard, chant.

curriculum vitae Olivia Jazz Davis Née le 24 Juin 1991 à Boston, Massachusetts (USA) 47 rue Doudeauville, 75018 Paris +33 6 68 42 07 40 olivia.jazz@yahoo.fr

Voyages: Allemagne, Barbade, Belgique, Canada, Cap Vert, Chili, Danemark, Egypte, Espagne, France, Grèce, Guatemala, Honduras, Inde, Italie, Luxembourg, Maroc, Mexique, Pologne, Pays- Bas, Portugal, Royaume-Uni, Salvador, Suisse, Thaïlande, USA.

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remerciements. À Ludmila Pernot, qui a accepté de former la relève avec pédagogie, énergie et exigence ; À Michel Sandorov, pour le don immense de son temps, sa réactivité, son écoute, son professionalisme et sa rigueur à toute épreuve ; À Lina, Etienne, Sara, Nora, Geoffrey et Mathilde, avec qui partager et débattre ont été des moments riches et agréables pour comparer nos observations et prendre du recul par rapport à l’année que nous venons de vivre ; À Axel, Charlotte, Anne-Charlotte, Jade et Marielle pour leur soutien jusqu’au bout de cette aventure. Merci.

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sommaire. Lettre ouverte de François Rouanet

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Curriculum Vitae

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Remerciements

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Avant-propos

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Introduction 11 I. l’identité idéalisée 13 Identité : entrepreneur - artiste - sachant - origines - identité, Image: la cour - formation institutionnalisation - prestige, Illusion : confiance - déception - chute - concurrence, Révélation : défense - libéralisation - légitimité - impuissance - dépassement II. action ! réaction ! 23 Réseau : partage - partenariat - négociation - numérique, Déploiement : essaimage redéfinitition - lâcher-prise, évolution: collaboration - hybridation - mutation, Représentation : utilité sociale - communication - visibilité - stratégie Etude de cas : Réhabilitation de deux bâtiments pour des clients particuliers 32 Conclusion et projet professionnel 41 Annexe 1 : Les Cahiers de la profession n° 60, pages 5-7, 3e trimestre 2017 48 Annexe 2 : Les Cahiers de la profession n° 58, pages 4-5, 1er trimestre 2017 51 Annexe 3 : Les Cahiers de la profession n° 62, pages 4-9, 1er trimestre 2018 53 Annexe 4 : Architectes maîtres d’oeuvres, architectes maîtres d’ouvrage ou architectes tout court ?, 59 Olivier Herbemont et Bertrand Lemoine, lemoniteur.fr, 25 mars 2015 Annexe 5 : Retranscription d’entretien avec Claudine Khamkhing -Beruti, 1h30 61 Annexe 6 : Petit manuel de « savoir-survivre » à l’usage des architectes, Marie-Douce Albert 71 avec Nathalie Moutarde, lemoniteur.fr, 25 mars 2015 Bibliographie 74 Iconographie 77

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“Finalement, l’architecture est une profession dangereuse parce qu’elle constitue un mélange empoisonné d’impuissance et d’omnipotence, au sens où l’architecte s’abreuve presque toujours de rêves et de fantaisies mégalomaniaques qui dépendent à la fois d’autres intervenants et des circonstances, pour les imposer et les réaliser.” - Rem Koolhass, Vers une architecture extrême, 2016

“L’architecte devient un producteur d’images, un agent marketing ou de communication, qui ne travaille plus qu’en trois dimensions fictives.” - Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, 1996

“Publié il y a dix ans, Faut-il pendre les architectes ? ne semble pas avoir perdu de son actualité. (....) L’engluement dénoncé alors, la pesanteur des règlements, la faible considération envers les architectes, tout cela perdure.” - Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? , 2011

“Le temps du chantier est irréversible. (...) Croyez-vous que le cadre juridique, contractuel, financier, économique, les grues, la centaine d’ouvriers, les ingénieurs permettent à un architecte de dire : « J’ai des doutes, on va tout arrêter ! » Non ! On n’arrête rien ! A ce moment-là, l’architecte n’existe plus et devient comique.” - Rudy Riccioti, revue Le Monde, 6 mai 2016

“L’architecte en tant que metteur en forme d’un projet est aujourd’hui un personnage pathétique: un personnage d’une autre époque.” - Renzo Piano, La Désobéissance de l”Architecte, 2009

“(...) les instances professionnelles ont privilégié l’alliance avec le pouvoir plutôt qu’avec le monde professionnel: au fil du temps, les architectes ont abandonnée une partie de ce qui ressortait normalement de leur compétence aux entrepreneurs, aux ingénieurs, aux bureaux d’étude, jusquà ne plus être réduits - dans certains cas - qu’à fournir le seul dessin du permis de construire.” - Bernard Marrey, Architecte: du maître de l’œuvre au disagneur, 2013

“L’architecte devient le plus souvent un professionnel qui se détache de la glaise, de la boue des chantiers. Il observe de haut, il n’invente plus de techniques il juge. Au côté du client, il apparaît comme le garant d’une morale mais se mêle de moins en moins de construire par lui-même. La responsabilité des prix, la productivité, les techniques nouvelles sont laissées à des practiciens entrepreneurs, autrement dit mercenaires du bâtiment opposés aux artistes. De ce moment commence la froideur, la décadence de l’architecture.” 8 - Fernand Pouillon, Lettre à un jeune architecte, 1980


avant-propos. Voilà donc, qu’après tant d’années à nous enseigner que nous étions l’homme de la synthèse1 - le chef d’orchestre de la construction - l’architecte ne serait qu’un accessoire ? Pire, qu’il serait voué à disparaître, jugé inutile et maudit, dés qu’on aura réussi à le défaire du monopole du permis de construire. Mais, comment est-ce possible ? Ne surnomme pas t’on Dieu – « le grand architecte » après tout ? Pourtant c’est bien vrai. Fini le temps des grands mécènes confiants en leur architecte. Fini le temps des budgets flexibles et les maîtres d’ouvrage ambitieux avec les moyens de leurs envies. Fini le temps des honoraires qui faisait des architectes des nantis. Fini même le respect. Fini l’âge d’or. Ce métier, auquel je me déstine depuis mes 12 ans et que j’ai ensuite choisi pour sa dimension créative, sa polydisciplinarité, sa capacité d’action et son profond humanisme, ne tiendrait donc pas ses promesses ? Si l’école est bien le lieu de l’apprentissage de la discipline architecturale2, malgré les rares stages, c’est lors de l’année d’HMONP qu’a lieu le premier enseignement de la profession d’architecte. Dur réveil à la réalité que ce mémoire tentera de raconter.

1: L’Union nationale des syndicats français d’architectes avait défini l’architecte comme «l’homme de la sythèse» lors d’une contribution à débâts dans le cadre d’un projet de réforme de la profession d’architecte (Champy, 2011) 2 : D’après une étude que j’ai réalisée sur un échantillon représentatif de 991 architectes et étudiants en architecture: 56,4% était le premier architecte de leur famille, 37,8% était un des premiers architects de leur famile (moins de trois), 5,4% avaient des parents ou plusieurs membres de leur famille architectes, 0,3% de réponses non concluantes.

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introduction. Arrivée chez Andrieu-Pernot Architecture (APA) en octobre 2017, après la fin de mes études à l’ENSA Paris Val de Seine, l’histoire commence. L’agence est petite, une employée - deux maintenant -, une architecte en libéral qui collabore avec l’agence sur certains projets et la gérante, Ludmila. Après un stage de trois mois chez Jean-Paul Viguier et Associés (JPVA) ça change. APA est aux antipodes de l’agence d’urbanisme que je visais pour effectuer ma mise en situation professionnelle. J’y ai postulé car elle est spécialisée dans la construction bois, dans laquelle j’envisage de me spécialiser un jour et que son site régulièrement actualisé, montrait des bâtiments élégants et sensibles. J’ai été conquise après l’entretien, découvrant, en plus d’une femme charismatique, la possibilité de faire du chantier, auquel j’avais pris goût chez JPVA. Ludmila Pernot est technicienne et cultivée. Elle sait construire, elle sait dessiner et elle sait ce qu’elle veut. Elle a construit avec ses clients des rapports de confiance lui permettant d’être force de proposition. L’agence est spécialisée dans la réhabilitation et Ludmila a même imaginé reprendre ses études à l’école Chaillot pour affiner sa connaissance des techniques de toutes époques. Aujourd’hui très portée sur la construction avec des matériaux bio-sourcés, elle se forme et s’investie dans chaque rapport thermique, chaque étude structurelle afin d’en comprendre l’ensemble et arrive même à reprendre les ingénieurs en les poussant à améliorer encore les techniques qu’elle souhaite employer. Ses nombreuses réalisations d’architecture intérieure, et de mobilier aussi, lui donnent une maîtrise du détail regulièrement dessiné au 1:5, 1:2 et même au 1:1. La manière dont elle exerce le métier d’architecte présente un contraste saisissant avec ce que j’entends du reste de la profession ou ce que j’ai pu constater dans mes expériences professionnelles précédentes. À l’occasion des échanges avec le groupe de travail encadré par Michel Sandorov, mes compagnons racontent d’autres réalités d’agence. Puis les intervenants des cours de la première semaine - militants - cherchent à nous éveiller quand aux risques qu’encoure notre profession : douche froide. Lors de la deuxième session de cours thématiques, forte de la bibliographie que nous a suggéré M. Sandorov, des échanges avec mes camarades d’école, et de la lecture d’articles de presse, me voici définitivement consciente que l’architecte va devoir se relever les manches s’il souhaite rester réellement maître de l’œuvre et faire entendre sa voix parmi toutes celles qui ne considèrent pas la qualité architecturale comme une priorité. Après avoir analysé la construction de l’image de l’architecte, afin d’expliquer sa revendication de la maîtrise du projet et le situer dans son contexte actuel, la deuxième partie ouvrira sur des hypothèses d’évolution de la profession architecturale pour retrouver un rôle décisif dans l’élaboration du projet. Andrieu-Pernot Architecture est l’anti-thèse complet du développement. Car, il n’y a aucun doute : Mme Pernot maîtrise son savoir-faire - l’esthétique, la technique, la connaissance des prix, le calendrier, la dynamique de chantier, l’administratif, la communication sur ses projets - de la conception au dernier coup de peinture. Ainsi, l’étude de cas, mettra en valeur les moyens et les contraintes de l’architecte qui maîtrise l’œuvre. Les réflexions entreprises dans le cadre de ce mémoire m’ont aidées à éclaircir un avenir professionnel qui me parraissait obscure. Mon projet professionnel viendra donc conclure cet exercice, affirmant la manière dont je souhaite être architecte, et les conditions dans lesquelles je voudrais exercer.

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l’identité idéalisée L’homme bâtit pour s’abriter depuis la nuit des temps, pourtant la figure de l’architecte, n’apparaît que bien plus tardivement. Le premier architecte reconnu comme tel dans l’histoire était Imhoteph, qui éleva entre-autres le complexe funéraire de Saqqarah pour le pharaon Djéser. Il est pourtant étonnant de désigner Imhoteph, qui vécut au IIIe millénaire avant notre ère, comme architecte alors que l’une des premières occurences du terme architecton (αρχιτέκτων) date du Ve siècle av. J.-C3. On ne sait rien de la façon dont il exerçait son métier qui ne pouvait avoir qu’un lointain rapport avec le travail de l’architecte aujourd’hui. En licence, on nous a enseigné que Brunelleschi était le premier architecte au sens moderne du terme. S’il est le premier à utiliser le dessin en perspective4 pour étudier le projet dans un bureau et hors du chantier, sa manière d’exercer est elle aussi bien loin de celle d’un architecte en 2018. Comprendre l’histoire et l’évolution de ceux qui sont considérés architecte sera ici le premier pas pour appréhender l’identité et l’imaginaire professionnels de ces hommes et femmes, ainsi que les rapports de force autour de la construction d’un édifice, afin de tenter de comprendre le malaise par rapport aux évolutions actuelles de la profession. .........................................................................................................................................................

Identité le terme architecte, qui découle de la fusion de archi- (αρχι-) «chef de» et de tecton (τέκτων) «charpentier» garde la trace des origines de la profession dans le chantier. D’après Louis Callebat, les grecs anciens ont ensuite utilisé le terme archi-techton pour décrire une variété de métiers apparemment étrangère à la spécialisation d’ingénieur ou d’architecte, porteuses cependant d’une base sémantique commune associant savoir, capacité d’organisation et responsabilité active. Par exemple, archi-tecton est appliqué par Démosthène à un administrateur de théâtre et, le poète Euripide désignait par ce mot - hors de toute référence à un travail d’ingénieur ou d’architecte - celui qui élabore et met en œuvre un projet.5 L’identité de l’architecte actuelle s’est construite autour de plusieurs images. D’abord celle de l’homme de chantier, écho de ses origines en tant que maître de l’œuvre, position née de la complexité constructive d’édifices en pierre. Puis, de son ascension sociale et de sa relation de proximité avec des commanditaires puissants qui le missione pour la conception d’édifices publics. L’histoire de l’architecture mentionne d’ailleurs quasi-exclusivement les édifices publics tout en ignorant

3: La première mention connue du mot architecte - αρχιτεκτων - apparaît au ve siècle av. J.-C. dans le livre d’Hérodote, Histoires décrivant le tunnel de Samos : « l’architecte chargé de ce travail fut le Mégarien Eupalinos, fils de Naustrophos ». 4: Brunelleschi n’est pas l’inventeur de la perspective comme on nous l’a si souvent conté. En réalité, il découvre et popularise les principes de la perspective du mathématicien Antonio di Tucci Manetti. 5: Louis Callebat, « Architecte », histoire d’un mot, dans Histoire de l’architecte, Flammarion, Paris, 1988

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l’édifice privé, - le logement - jusqu’à très récemment.6 Enfin, il est caractérisé par son expertise à mi-chemin entre technique et art. Dés le Moyen-Âge, architecte devient une profession libérale, caractérisée par une indépendance considérable sans lien de subordination7, confirmée à ce jour par l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005. Filippo Brunelleschi, déjà mentionné en introduction et généralement considéré comme un des pères fondateurs de l’architecture, est finalement autant ingénieur qu’architecte. Les chemins des architectes et des ingénieurs se séparent lorsque l’architecte fait le choix des Beaux-Arts plutôt que des calculs, en 1819, par la fusion de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture avec celle de l’Académie royale d’Architecture. Le prestige de la condition d’architecte s’accroît dans un climat d’émulation permanente due à la multiplication des cours italiennes de la Renaissance. Pour la première fois de l’histoire, un architecte, Andrea Palladio, publie ses propres œuvres de son vivant - I quattro libri dell’architectura.8 Les architectes circulent d’une cour à l’autre, comme les artistes. Image L’enseignement « Beaux-Arts » est de type charismatique et vise à faire éclore le “don” en chaque étudiant.9 Il s’appuie sur la transmission du maître à l’élève et de l’ancien au nouveau, non seulement d’un savoir théorique et pratique, mais d’un ensemble de valeurs. L’atelier est la structure de base de cet enseignement et le folklore en est l’accompagnement. “En France, l’image de l’architecte démiurge, solitaire et géniale est à peu près la seule qui soit transmise et martelée. L’image de l’architecte bâtisseur avant tout.”10 Aujourd’hui encore l’architecture est un domaine où l’on enseigne l’exception plutôt que la règle. L’histoire de l’architecture est une succession de personnalités qui deviennent les seuls images de référence de l’étudiant. L’identité de la profession est marquée par cet enseignement tournée autour de l’individu créateur, du maître. C’est ainsi naturellement qu’aujourd’hui encore plus de la moitié des architectes travaillent seuls sans salariés.11 L’architecte en tant que “pratiquant de l’art qu’est l’architecture” produit des œuvres bâties. Bien que son œuvre impact l’ensemble des usagers d’une ville - à l’inverse d’une peinture ou d’une sculpture - , l’architecte, devient l’unique responsable de la conception et du contrôle d’exécution de l’ensemble des ouvrages à réaliser. Son prestige accumulé au fil du temps le place au sommet de la pyramide hierarchique qui entoure la construction.

6 : Rudofsky, Bernard (1987) [1964]. Architecture Without Architects: A Short Introduction to Non-Pedigreed Architecture. Albuquerque: University of New Mexico Press 7 : La subordination est ici entendue comme le rapport liant un employé à son patron, unique pourvoiyeur d’ordre. Le professionels libéral ayant plusieurs clients ne dépend pas d’un unique employeur et a ainsi la «liberté» de rompre le contrat qui le lirait à un client en cas de perte de la confiance de ce dernier, de la survenance d’une situation le plaçant en conflit d’intérêt ou portant atteinte à son indépendance ou de la violation par le client d’une ou de plusieurs clauses du contrat comme reconnu par l’article 38 du code des devoirs professionnels. Dans les faits, lorsqu’on a des salariés à payer et une agence à préserver, la réalité est évidemment un peu plus complexe. 8 : Habraken, N. John. Palladio’s Children, Seven essays on the everyday environment and the architect. Taylor and Francis, London, 2005. 9 : Raymonde MOULIN, Florent CHAMPY, « ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L’architecte », Encyclopædia Universalis 10 : Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? Editions du Seuil, 2001, p. 162 11 : Archigraphie, sous la direction de François ROUANET, 2016, p.48

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“Un homme sage en un jardin devant le Temple d’oraison, et ayant trois yeux. L’un pour admirer et adorer la sainte divinité de Dieu, et contempler les œuvres tant admirables, et aussi pour remarquer le temps passé. L’autre pour observer et mesurer le temps présent, et donner ordre à bien conduire et diriger ce qui se présente. Le troisième pour prévoir le futur et temps à venir, afin de se prémunir et armer contre tant d’assauts, injures, calamités, et grandes misères de ce misérable monde, auquel on est sujet à recevoir tant de calomnies, tant de peines et travaux, qu’il est impossible de les réciter. Je lui figure aussi quatre oreilles, montrant qu’il faut beaucoup plus ouïr que parler. (…) Donc l’architecte doit être prompt à ouïr les doctes et sages, et diligent à voir beaucoup de choses, soit en voyageant, ou lisant. (…) Mais pour revenir à notre Sage, représentant l’Architecte, je lui figure d’abondant quatre mains, pour montrer qu’il a à faire et manier beaucoup de choses en son temps, s’il veut parvenir aux sciences qui lui sont requises.” - Philibert de l’Orme, 1567, Allégorie du “Bon” Architecte, Le Premier tome de l’Architecture

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L’image d’Epinal qu’on inculque encore aujourd’hui aux architectes tout au long de leur formation, reste finalement assez proche de celle, sur la page précédente, que Philibert De l’Orme, grave dans son Premier Tome de l’Architecture. Un homme extraordinaire, une bête légendaire. Les ateliers qui entourent ceux que l’histoire a retenu sont oubliés derrière la personnalité de celui qui les dirige. Ainsi l’image perpétré est toujours celle d’un seul homme de la synthèse. Personne ne dispose de quatre mains, quatre oreilles et trois yeux, comme l’architecte représenté dans l’image de la page précédente, faisant presque l’aveu qu’aucun être humain normalement constitué n’est réellement capable de cumuler l’ensemble des capacités éxigé de l’architecte. En effet, la figure de l’architecte seul est en déclin. L’architecture s’exerce aujourd’hui en une diversité de statuts, de pratiques et de commandes. Il faudra actualiser notre vocabulaire en parlant de structures, de firmes, de salariés, de compétences et non plus de l’architecte au sens générique. Illusion Pendant que les architectes construisaient des cathédrales, des tribunaux et des palais, la majorité d’entre eux n’avaient pas à construire des maisons. À l’Ecole des Beaux-Arts, les cours théoriques étaient peu nombreux, souvent peu suivis et les enseignements techniques inadaptés aux exigences de la construction moderne.12 Pourtant face à l’urgence, durant les années de la reconstruction après-guerre, les architectes se sont retrouvés investis d’un pouvoir extrême. Le mouvement moderne - pronant standardisation et rapidité d’éxécution - a trouvé un terrain fertile pour rebâtir le paysage urbain français. Au début des années 70, on construisait 500 000 logements par an. En quatre décennies ce sont presque 13 millions et demi de logement neufs qui sont sortis de terre.13 Pour Paul Valéry certains bâtiments “chantent”.14 C’est bien là le travail de l’architecte – souvent comparé à un chef d’orchestre – de faire chanter les pierres qui, si elles étaient muettes, ne seraient qu’une vulgaire construction que les gens bâtissent bien sans architectes depuis toujours. C’est le message porté, ce fameux « concept » enseignée à l’école comme justification essentielle du projet. L’architecte produit une œuvre qu’il signe et qu’il a l’habitude de voir dénoter dans le paysage. C’est avec cette culture, la seule qu’ils connaissent alors, que les architectes abordent la fabrication de l’habitat. Mais si tous chantent, le quotidien ne devient-il pas assourdissant ? D’après les cours théoriques HMONP de Véronique Biau,15 l’architecte, à cause de l’insatisfaction publique, des nombreux dépassements budgétaires, des retards de chantier et des mal-façons, a cassé sa relation de confiance avec les maîtres d’ouvrage. Le décret du 28 février 1973, relative à l’ingénierie et l’architecture est l’echo de cette situation, rendant les architectes personnellement responsables en cas de dépassement de budget et exigeant des études en amont de la réalisation, ce qui renforce de fait la position des ingénieurs et des bureaux de

12 : Raymonde MOULIN, Florent CHAMPY, « ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L’architecte », Encyclopædia Universalis 13 : Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? op. cit. p. 162 14 : «n’as-tu pas observé, en te promenant dans cette ville, que d’entre les édifices dont elle est peuplée, les uns sont muets ; les autres parlent ; et d’autres enfin, qui sont les plus rares, chantent ?» Paul Valéry dans Eupalinos ou l’Architecte, 1921 15 : Véronique Biau est architecte-urbaniste en chef de l’État, docteur en sociologie, chercheuse à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Val de Seine, directrice du Centre de Recherche sur l’Habitat (CRH, LAVUE)

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En l’an 2000 est une série d’images illustrant les progrès scientifiques français de l’an 2000 imaginés en 1899, par des artistes dont Villemard et Jean-Marc Côté pour l’exposition universelle de Paris. Elles furent imprimées, d’abord sur le papier d’intérieur de boîte à cigares et plus tard comme des cartes postales, mais jamais distribuées. Ici l’architecte est imaginé seul, dernier rescapé des acteurs de la contruction.

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contrôle.16 L’architecte se voit aussi dépossédé de l’élaboration du programme du projet qui devient la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage. L’architecte perd aussi ses galons auprès de l’opinion publique, qui le met seul au pilori, en tant que “concepteur” de tours et de barres malgré un contexte économique et politique contraignant. C’est à partir de ce moment que l’architecte commence sa dégringolade du sommet de sa pyramide professionnelle. D’autres - les ingénieurs, les programmistes, les économistes, les paysagistes - lui font concurrence sur des missions qui étaient traditionnellement siennes. L’architecte peine à défendre sa légitimité, ayant perdu dans une formation quasi-fusionnelle avec les Beaux-Arts, la compétence technique traditionnellement attachée à un personnage chargé de coordonner les interventions de différents corps de métiers et professions, en aval de la définition formelle du projet. La crise dans laquelle plonge la profession est d’autant plus grande que le choc pétrolier de 1973 va induire la raréfaction de la commande. Les guerres du Golfe (1980-88 et 1990-91) marqueront un arrêt spectaculaire dans la construction, les capitaux ne circulant plus quand les conflits menacent les petrodollars. Révélations En réaction à l’assiègement de leur com, les architectes, toujours historiquement immiscés dans les cercles de pouvoir, s’organisent pour défendre leur position professionnelle par une loi. Après de longues négociations, le président du Conseil supérieur de l’Ordre, Jean Connehaye et celui de l’Union nationale des syndicats français d’architectes (UNSFA), Alain Gillot, rencontrent le président Valéry Giscard d’Estaing pour trouver un accord à l’Élysée le 15 juillet 1976.17 L’accord suivant fut conclu. En échange de la sauvegarde et du renforcement de l’Ordre des architectes (créé en 1940); de l’instauration d’un seuil au-delà duquel le recours à l’architecte devient obligatoire ; de la modernisation des conditions d’exercice autorisant la création de sociétés ; et de la reconnaissance hautement symbolique d’« expression de la culture » et d’« intérêt public » de l’architecture18 – que Pierre Glénat, alors président de l’Unsfa, avait négociée dès 1972 -, Connehaye et Gillot admirent la création du statut d’agréé en architecture, accordé sous conditions aux maîtres d’œuvre sans diplôme exerçant depuis cinq ans, et la création d’un Conseil d’Architecture et d’Urbanisme dans chaque département. En réaffirmant leur identité professionnelle enracinée dans la commande publique, et donc de l’intérêt général et en règlementant l’accès à leur profession, les architectes renforcent la légitimité et la spécificité de leurs compétences. Ils profitent aussi de la loi pour s’assurer une commande et se rendre indispensables à l’acte de bâtir, par le monopole du permis de construire. Le permis de construire est obligatoire, mais n’assure pas à l’architecte la direction des travaux, pourtant clef de voûte du passage du papier à la réalité. Est-ce que l’architecte maîtrise réellement le projet lorsqu’il n’a que la mission “permis de construire”? En effet, rares sont les entrepreneurs ou maîtres d’œuvre d’éxécution qui se privent de faire des

16 : Décret n°73-207 du 28 février 1973, relatif aux conditions de rémunération des missions d’ingénierie et d’architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé 17 : Andrieux Jean-Yves, Seitz Frédéric, Pratiques architecturales et enjeux politiques : France, 1945-1995, Rennes, PUR, 2000 18 : Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture

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adaptations pendant le chantier, malgré le droit de l’architecte de s’assurer que “les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions du projet architectural élaboré par ses soins”19. Ensuite, la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée20 (loi MOP) normalisent les relations entre architectes et commanditaires publics. Cette loi pourtant uniquement destinée à la maîtrise d’ouvrage publique aura un écho sur la maîtrise d’ouvrage privée qui alignera certaines de ses pratiques sur celles codifiés par la loi MOP. En 2016, la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (loi CAP), étend encore les pouvoirs de l’architecte : le seuil de recours obligatoire à l’architecte est abaissé ; des mesures incitatives sont mises en place pour les maisons en dessous du seuil en cas de recours à l’architecte ; le recours à l’architecte devient obligatoire pour les permis d’aménager des lotissements de plus de 2 500 m2 ; l’innovation et la recherche appliquée sont facilitées par le « permis de faire » pour les équipements publics, les logements sociaux et les opérations d’intérêt national ; et la présence du nom de l’architecte sur une façade extérieure devient même obligatoire21. Malgré les efforts considérables et quelques succès législatifs des différentes associations d’architectes pour sauvegarder la liberté d’exercer la profession et leur capacité à peser dans la balance du projet au nom de la qualité, force est de constater que les architectes continuent à perdre le contrôle. De la programmation au câblage des immeubles, en passant par les études de structure, de plus en plus de dimensions échappent au contrôle de l’architecte. Les bâtiments devenant de plus en plus complexes, la part du gros œuvre diminue au profit de systèmes techniques - l’éclairage, le chauffage, la ventilation, les réseaux d’information - que l’architecte ne maîtrise que très incomplètement. La prolifération des équipements techniques vient remettre en cause le rôle de chef d’orchestre de l’architecte. Elle vient renforcer, dans de nombreux cas, le pouvoir des bureaux d’étude et d’entreprises qui apparaissent plus à même de maîtriser ces multiples aspects, depuis la programmation initiale des espaces, jusqu’à la définition des tâches de maintenance. Même son domaine d’action propre - celui de la conception, de la création, de la signature et de tout ce qui fait œuvre - lui est disputé par la prolifération de nouveaux spécialistes créatifs - paysagiste, éclairagiste, cuisiniste, décorateur, designer, etc. - qui prétendent à la paternité du projet. La conception devra aussi être partagé avec les citoyens les démarches participatives étant de plus en plus souhaitées par des maîtres d’ouvrage soucieux d’éviter les recours et des politiques désireux d’être réélus. La généralisation de l’outil informatique, introduit de nouvelles logiques de conception du projet. Les programmes orientent la définition du projet sans que ceux qui les utilisent en aient toujours conscience. Et si elles ne sont pas encore généralisées les maquettes BIM niveau 3, accessible par tous les intervenants et durant toute la durée de vie d’un ouvrage, posent de nombreux problèmes de propriété intellectuelle, de responsabilité et de réglementation de l’accès/modification/enregistrement. Est-ce à dire que l’architecte devrait être en mesure de contrôler le contenu des algorithmes qu’il utilise afin de retrouver son rôle d’autrefois ?

19 : Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture 20 : Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée. 21 : voir annexe 2 - Les Cahiers de la Profession n° 58

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Le partenariat public-privé (PPP), créé par une ordonnance du 17 juin 200422, et la conception-réalisation, autorisée dans les marchés publics par un décret du 7 mars 200123, chamboulent les rapports traditionnels entre maîtrise d’ouvrage, maître d’œuvre et entreprises au détriment d’un rôle puissant de l’architecte. Les PPP introduisent des logiques privées dans la conception des services publiques24, l’architecte est éloignée du commanditaire de l’ouvrage et se retrouve dans la position délicate de répondre à des enjeux financiers avant de répondre à l’intérêt collectif. La conception-réalisation était pourtant porteuse de l’idée importante d’intégrer les entreprises dés la conception du projet, afin qu’ils participent de la qualité de l’ouvrage en apportant des solutions innovantes, ancrées dans un savoir-faire solide. Elle a été travestie par le rapport de force extrêmement déséquilibré entre, d’un côté, les majors du bâtiment - Vinci, Bouygues et Eiffage - des entreprises collossales qui, sur une production de bâtiment et de travaux publics pesant en France 160 milliards d’euros en 2017, représentent près de la moitié de ces dépenses (44,7 %)25 et, de l’autre, les architectes - où l’exercice libéral demeure prédominant et les très petites agences (de moins de 5 personnes) restent les plus nombreuses.26 L’entreprise étant mandataire du groupement dans la conception-réalisation, il est difficile d’imaginer, dans ce contexte, comment l’architecte peut effectivement préserver son indépendance vis à vis de l’entreprise, tout en étant complètement coupé de la maîtrise d’ouvrage. Coup de grâce, cette année, portée par une volonté du gouvernement de construire “plus, mieux et moins cher”, la loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) prolonge jusqu’en 2021 de l’autorisation pour les bailleurs sociaux d’utiliser librement la conception-réalisation. Après la loi CAP, qui était bénéfique pour les architectes, le retour de balancier de la loi ELAN annonce une déréglementation de la profession au détriment du cadre de vie. L’Ordre et l’UNSFA ont essayé de mobiliser les architectes contre cette loi, mais la petite centaine d’architectes réunis devant le ministère de la Culture le 17 mai 2018 - alors que l’ordre comptabilise environ 30 000 inscrits27, sans compter les architectes diplômés d’état (ADE) et les étudiants - est à l’image de la difficulté que les architectes ont à faire corps. Cette difficulté en annonce une autre, celle de faire front à tous ces corps de métier - les majors du bâtiment et les ingénieurs notamment - dont la cohésion découle de leur histoire, est inscrite dans leur ADN et donne plus de poids à leurs revendications. En 2010, Philippe Trétiack écrivait déjà que l’individualisme « artiste » vouait la profession à une disparition lente28 car “isolement, découragement, élitisme, paupérisme, faiblesses structurelles et tribalisme minent la profession des architectes”29

22 : Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat 23 : Décret no 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics 24 : François Ascher, Les nouveaux principes de l’urbanisme suivi du Lexique de la ville plurielle, Editions de l’Aube, 2010. 25 : Sibylle Vincendon, Les grands groupes du BTP crèvent les plafonds, Article de Libération publié le 19 mars 2018 26 : Raymonde MOULIN, Florent CHAMPY, « ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L’architecte », op. cit. 27 : https://www.architectes.org/ 28 : Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? op. cit, p. 53 29 : Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? op. cit. p. 125

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“Conséquence, les architectes paient très cher leur individualisme forcené. Attaqués de toutes parts - par les ingénieurs les bureaux d’études, les designers, les promoteurs, les entreprises « tous corps d’Etat » -, les architectes font rarement le poids face à tant de concurrents, de déracteurs et de pilleurs d’idées et d’honoraires.30” Comment l’architecte peut il revendiquer une maîtrise du projet alors même que la majorité de la profession meurt de faim ? En effet, les très petites structures se révèlent incapables d’assurer à leurs dirigeants et à leurs éventuels salariés des conditions décentes d’exercice, et les architectes sont les professionnels libéraux qui déclarent les bénéfices les plus faibles.31 Loin des promoteurs et des majors de travaux publics, les résultats des agences d’architecture sont également inférieurs à celui des bureaux d’études, qui sont souvent leurs cotraitants dans les équipes de maîtrise d’oeuvre.32 .........................................................................................................................................................

L’image construite de, par et pour l’architecte correspond à un passé brillant plutôt qu’à une réalité actuelle, ce qui explique certaines frustrations ressentis par les architectes dans l’exercice de leur métier ainsi, que le malaise devant le déclin de sa fonction symbolique. L’architecte-artiste en tant qu’auteur d’un bâtiment tend à disparaître. Ainsi, la question que chacun s’est vu poser plus d’une fois après avoir dit qu’il était architecte : “architecte d’intérieur ou d’extérieur ?” résume de manière candide le regard que la société porte sur la profession: quel côté décore-t-on ? L’architecte est-il pour autant condamné à devenir un façadiste abandonnant le bâtiment devenu machine monstrueuse de courants faibles et forts, isolation, climatisation, ventilation etc. que seuls des ingénieurs sauraient dompter comme le suggère Rem Koolhaas dans Junkspace33 ou Vers une architecture extrême34 ? Je suis veux croire que non. La situation est évidemment délicate. Le monde libéralisé dans lequel évolue l’architecture, semble laisser peu de place à l’expression de la qualité architecturale, la valeur financière semblant toujours l’emporter sur la valeur intrinsèque des choses. La position d’auteur de l’œuvre, est remise en question. Son impact sur le quotidien des humains s’impose à tous, à l’inverse d’une peinture ou d’une sculpture. Pourtant sans nier la dimension créative de l’architecture, à l’époque du participatif, de la collaboration, de la flexibilité et du “co-” l’architecture comme Gesamtkunstwerk35 a-t-il réellement lieu d’être ? L’architecte est donc en pleine redéfinition à la fois pour assurer sa pérennité mais aussi pour défendre la qualité architecturale et l’intérêt général, tant ces valeurs sont au centre de sa formation et de son identité professionnelle. La partie suivante portera un regard sur les actions isolées ou collectives entreprises par les architectes afin de remettre l’architecture au centre des priorités du bâtir.

30 : Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? op. cit. p. 54 31 : Raymonde MOULIN, Florent CHAMPY, « ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L’architecte », op. cit. 32 : Olivier Namis. Agences d’architecture : croître ou périr, Article de Les Echos publié le 14 mars 2013 33 : Rem Koolhaas. Junkspace : Repenser radicalement l’espace urbain, Payot, 2011 34 : Rem Koolhaas. Vers une architecture extrême : Entretiens, Parenthèses Editions, 2016 35 : Le Gesamtkunstwerk signifie «œuvre d’art totale» et est un concept esthétique issu du romantisme allemand et apparu au xixe siècle en Europe.

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secteurs primaire et secondaire :

secteur tertiaire :

logement :

ĂŠquipements publics :

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action! réaction ! La demande d’exception, bien que fortement médiatisée et transmise dans la formation, est marginale dans la commande et l’exercice du métier d’architecte. “La démocratie a fait de l’architecture non plus le fait du prince, mais un droit pour chaque citoyen. Pourquoi, à l’orée du XXIe siècle, ce droit est-il encore si inégalement réparti? D’un côté une architecture savante, une commande valorisée ou d’exception, de l’autre, le paysage affligeant offert par les entrées de villes industrielles et commerciales, les lotissements sans âmes, peuplés de maisons sans esprit, les banlieues en crise endémique depuis trente ans.”36 De tous temps la demande d’exception - expression d’un désir d’une société de transcender son moment historique37- a existé, de tous temps l’architecte y a répondu et continuera de le faire. L’architecte y a naturellement sa légitimité, car son histoire l’y lie. C’est dans la seconde catégorie mentionnée dans l’extrait du Livre Blanc des Architectes, ci-dessus, que l’architecte peine depuis quelques siècles déjà à trouver ses appuis, alors que la commande “savante” n’est réservée qu’à quelques élus. Sans parler d’œuvre publique, les architectes ont d’ailleurs de moins en moins affaire à un maître d’ouvrage public - jadis la règle, il est déjà presque l’exception. (voir graphiques ci-contre). Face au recul de la commande publique, l’architecte serait-il le seul porteur de bâtir un projet de société ? Le seul à opposer à l’objectivité implacable des données quantifiables, la subjectivité d’un lieu qualifiable ? Il s’agit en tous cas de l’unique professionnel de la construction à avoir inscrit dans sa déontologie les valeurs du commun38, là où l’on tend vers une privatisation galopante. C’est ce qui semble animer, au delà d’une satisfaction d’un égo d’auteur, la revendication des architectes à être l’acteur pivot du projet, même pour des opérations que Christophe Midler nomme bâtiments-service (par opposition à bâtiments-œuvre)39, que j’aborderai dans cette deuxième partie. .........................................................................................................................................................

Réseau Cette revendication très noble est-elle pour autant légitime? L’architecte peut-il réellement prétendre connaître, comprendre et prendre en compte l’intérêt général d’une société qui n’est plus si “générale” mais une multitude, au sens où l’emploient Toni Negri et Michael Hardt dans leur œuvre éponyme40?

36 : Le livre blanc des architectes, 2004, p. 13 37 : Rémy Butler, Réflexion sur la question architecturale. Société d’édition Les Belles Lettres, 2016, p. 24 38 : Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture 39 : Jean-Jacques Terrin. Conception collaborative pour innover en architecture : Processus, méthodes, outils. L’Harmattan, 2009, p.31 40 : Toni Negri et Michael Hardt. Multitude : Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire. Éditions La Découverte, 2004.

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Dans sa quête pour apporter les meilleures solutions à des usagers hétrogènes et des programmes sophistiqués en utilisant des techniques variées qui évoluent rapidement, l’architecte s’entoure de plus en plus de confrères et d’autres professionnels qui l’accompagnent dans le projet. L’architecte se retrouve ainsi dans une position paradoxale de collaboration avec des acteurs dont les points de vues et modes de réflexion peuvent être rivaux des siens mais sans qui il ne peut imaginer concevoir des bâtiments à la hauteur des enjeux actuels. Cet exercice peut être vécu comme un véritable “sport de combat”41, d‘autant plus que ces équipes interdisciplinaires, dont les acteurs sont régulièrement renouvelés42, sont souvent constitués pour des projets limités à la fois dans le temps et l’espace. À ce titre, plusieurs chercheurs en gestion de projet - Silhem Ben Mahmoud-Jouini, Christophe Midler43, Aalia Usmani44, Graham Winch et Martin Symes45 notamment - pronnent les démarches de “multi-project partnering” pour capitaliser l’expérience de chaque projet sur le long terme en bâtissant des réseaux durables entre acteurs variés. Le risque pour l’architecte d’abonder dans ce sens est de voir disparaître son statut de créateur dans ces équipes collaboratives et polymorphes. En observant les démarches open-source/open-data qui semblent être le paroxysme du concept collaboratif, la crainte est fondée, car on y observe l’abandon de la propriété intellectuelle, au profit d’une œuvre qui s’anime d’une vie propre. Pourtant, le risque n’estil pas plus grand pour l’architecte de se marginaliser de ces processus au détriment de la qualité de l’œuvre? De même s’exclure d’un rôle et d’un droit à la parole au sein de ces dynamiques et des projets d’envergure tout-court ? De priver le public de bâtiments conçus pour plus que leur porte-feuille ? Si l’architecte est aujourd’hui incontournable grâce au monopole du permis de construire, l’actualité nous rappelle, à travers l’adoption de la loi ELAN, qu’il n’est pas indéfiniment protégé. Ainsi, ces méthodes de projet ne sont pas encore la norme mais l’apparition d’une quantité croissante de collectifs interdisciplinaires46 - dopée par le progrès du partage numérique et plus particulièrement du Building Information Management/Modeling (BIM) - amèneront l’architecte à devoir trouver une position dans ces dynamiques nouvelles ou risquer de se voir dépasser. La conception-réalisation portait en elle l’idée de ce type de collaboration inter-professionnelle, permettant à l’entreprise d’apporter son savoir-faire à la conception pour des projets innovants. Comme décrit dans la première partie, cette idée a été travestie par les rapports de force très inégaux entre architectes et majors du bâtiment. Ainsi, avant de pouvoir constituer un réseau avec d’autres professionnels, les architectes doivent renforcer un réseau entre confrères. Je suis convaincue que c’est le seul moyen de réussir à porter les valeurs de l’architecture dans les instances législatives et de donner une voix aux architectes. Forts de cette conviction, avec un autre étudiant HMONP, nous avons cherché comment nous syndiquer à l’UNSFA ou participer aux réunions d’information dans cette optique. Il y a environ 1200 syndiqués à

41 : Rudy Ricciotti. L’architecture est un sport de combat. Editions Textuel, 2013. 42 : Le temps long du projet fait qu’il doit survivre aux changements politiques, aux faillites des entreprises et aux changements de personnel entre-autres. 43 : Silmen Ben Mahmoud-Jouini et Christophe Midler. Synthèse de travaux du Gremap. l’ingiénierie concourante dans le Bâtiment, Paris, Plan Construction Architecture, 1996. 44 : Aalia Usmani et Graham Winch, The Management of the Design Process : the Case of Architectural and urban projects, Euroconception, 1993 45 : Graham Winch et Martin Symes, Les Mutations dans l’industrie britannique, Cahiers Ramau n°3, 2004, p. 114-132. 46 : Yennef Vereycken, Ezra Dessers, Geert Van Hootegem. Tendances et innovations dans la construction. Étude pour le compte du CEFORA en collaboration avec Katholieke Universiteit Leuven. 2016.

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“Now, here, you see, it takes all the running you can do, to keep in the same place. If you want to get somewhere else, you must run at least twice as fast as that!” (Ici, il faut courir pour rester à la même place. Pour aller quelque part, il faut courir deux fois plus vite!) - Lewis Carroll, Through the Looking Glass, and What Alice Found There, 1871

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l’unsfA47 ce qui reprèsente seulement 4% des 29 900 architectes inscrits à l’Ordre. Notre ardeur a été rapidement stoppée en apprenant que l’UNSFA n’était accesible qu’aux porteurs du titre inscrits au tableau de l’Ordre. Comparé au 261 378 médecins48 de l’ordre des médecins ou même au 65 480 avocats du barreau49 notre ordre pourrait gagner à s’étoffer. D’autant plus que, depuis la disparition du titre DPLG et la création des titres HMONP et architectes diplômés d’état (ADE), l’Ordre est privée d’environ la moitié de ses potentiels futurs adhérents, alors même qu’environ deux tiers des ADE qui passent leur HMONP ne s’inscrivent pas à l’Ordre.50 Si les conditions d’inscription à l’Ordre étaient logiques quand l’écrasante majorité des diplomés en architecture exerçaient en libéral et que le titre de DPLG permettait à tous de s’inscrire, elles pourraient aujourd’hui être réinterrogées alors que le salariat gagne du terrain dans la pratique des architectes. L’inclusion des ADE salariés permettrait - en plus de grossir les rangs et donner plus de poids - de représenter de manière plus complète une diversité de pratiques et de statuts. L’exclusion de l’ordre des ADE prive aussi l’Ordre du dynamisme que pourrait apporter une jeune génération pleine d’espoir pour son futur professionnel. L’âge moyen des architectes au sein de l’Ordre était de 50,4 ans en 2015 et, si la tendance se poursuit, elle devrait être d’environ 52 ans en 2018. L’ordre a été effectivement créé pour réglementer l’accès à la profession et protéger la légitimité d’un titre. Au vu des évolutions prévues, viendra-t-on enfin à interroger la signification de ce titre? À voir comment l’architecte arrive à organiser son avenir - avec les autres et avec ses semblables - dans un futur qui ne fait que se rapprocher. Déploiement Parmis les ADE qui m’entourent, nombreux sont ceux qui expriment une frustration lors de leur premier emploi, par rapport au contraste entre le rôle qu’ils exercent effectivement, celui qu’ils voient leurs patrons remplir, et celui qu’on leur a enseigné et qu’ils pensaient promis. “L’architecture est une profession dangereuse parce qu’elle constitue un mélange empoisonné d’impuissance et d’omnipotence, au sens où l’architecte s’abreuve presque toujours de rêves et de fantaisies mégalomaniaques qui dépendent à la fois d’autres intervenants et des circonstances, pour les imposer et les réaliser.”51 Rem Koolhaas raconte, dans la citation ci-dessus, une situation où les architectes seraient freinés, leur liberté créative contrariée, par les autres acteurs du bâtir : les maîtres d’ouvrage, les bureaux d’études, les services de l’urbanisme, les architectes des bâtiments de France (ABF), les entrepreneurs... Cette “impuissance” imposée par “d’autres intervenants” raconte un architecte qui évolue dans un univers d’adversaires.

47 : Ce chiffre m’a été communiqué suite à un appel à l’UNSFA. 48 : https://www.conseil-national.medecin.fr/ 49 : http://www.avocatparis.org/ 50 : Observatoire de la profession: Archigraphie 2, CNOA, 2016, p. 60 51 : Rem Koolhass. Vers une architecture extreme, op. cit. quatrième de couverture.

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Il est indéniable que l’architecture - de part les sommes d’argent considérables qu’elle mobilise et son impact inévitable et perein dans le paysage - est un art, plus que tout autre, contraint par des paramètres qui échappent au contrôle de son ou ses concepteurs. Pour faire sortir un projet de terre, l’architecte doit sans cesse négocier avec des personnes à qui ils reprochent de ne pas partager le même langage. Alexandre Reynaud, architecte voyer de la ville de Paris, intervenu lors de nos cours HMONP, explique que c’est la volonté de généraliser ce langage architectural qui l’a poussé à chercher un rôle autre que celui de maître d’œuvre. Il était en effet frustré de ne pas interagir avec assez d’interlocuteurs capables - tout en contrôlant la conformité d’un projet avec la réalité - de flexibilité ou de vision en dehors des normes qui régissent l’architecture. Il défend l’idée qu’il est d’une importance capitale que les architectes, tels des chevaux de Troie, intègrent l’ensemble des corps agissant sur le bâtiment - de la mairie, à la maîtrise d’ouvrage, en passant par les entreprises - afin de ramener l’architecture au cœur des priorités. L’on pourrait se demandet: Est-il encore architecte ? Ainsi séparé de la culture du projet, de la fonction de maître d’œuvre ? Claudine Khamkhing-Beruti52, architecte de formation et maître d’ouvrage d’un des projets conçu par l’agence où j’effectue ma mise en situation professionnelle (MSP), affirme que oui. Pour elle, être architecte est un regard, un ensemble de valeurs, une culture commune et surtout la volonté de créer de la qualité architecturale. La polyvalence des compétences de l’architecte fait qu’il est amené à occuper une variété de positions, qu’elles soient directement liées à la conception de projets ou à d’autres activités en lien avec le monde du bâtiment. Elle est encouragée par les écoles elles-mêmes, en tant que source d’élargissement des débouchés - pour une profession qui a connu plusieurs graves pénuries d’emploi53 - soutenues en cela par le ministère de la Culture, tutelle des architectes.54 Ce processus de dispersion des architectes dans les autres professions des acteurs du projet est naissant et ses effets sont encore difficiles à analyser, mais il présage une opportunité pour les architectes maîtres-d’œuvre d’être entourés d’interlocuteurs sensibilisés aux enjeux de l’architecture. L’architecte se trouvant à tous les postes, c’est finalement l’architecture qui maîtrisera de nouveau le bâtiment. évolution Les architectes ont entendu la critique de leurs compétences, et ont œuvré pour inscrire dans le décret du 27 février 2017 la mise en place de formations continues.55 Ces formations ont pour objectif d’actualiser les compétences d’une profession qui “plus que tout autre créateur artistique, est solidaire du milieu où il vit, de la société dont il exprime le caractère, qu’il travaille en conformité avec elle ou en opposition avec son temps.”56 Les ENSA proposent aussi des formations qui complètent l’apprentissage de la discipline architecturale.

52 : voir interview retranscrit en annexe p. 61 53 : Isabelle Rey-Lefebvre. Faut-il former plus d’architectes ? M Blogs, 04 juillet 2012 54 : Olivier Herbemont et Bertrand Lemoine. «Architectes maîtres d’œuvre, architectes maîtres d’ouvrage ou architectes tout court?» Le Moniteur, 25 mars 2015 55 : voir annexe 2 - Les Cahiers de la Profession n° 58 56 : Roland Martin. « ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L’architecte », Encyclopædia Universalis

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Le bi-cursus architecte-ingénieur existe depuis les années 198057, avec une forte augmentation de l’offre de formation vers les années 2000. Ces cursus crééent des professionnels hybrides et opèrent symboliquement la réunion entre ingénieurs et architectes, les deux faces millénaires de la maîtrise d’œuvre.58 Les diplômes de spécialisation et d’approfondissement en architecture (DSA) et les diplômes propres aux écoles (DPEA) viennent apporter aux ADE des compétences en projet urbain, maîtrise d’ouvrage, risques majeurs, patrimoine, design, scénographie, construction parasismique, architecture navale, architecture et philosophie... Ces diplômes permettent aux futurs maîtres d’œuvre d’assumer des rôles fortifiés par leur caractère de spécialistes. Pourtant, la logique de la formation de l’individu, est limitée par ce que le cerveau humain est capable de retenir et de mobiliser comme savoirs. Comme développé précédemment, la complexité des édifices est toujours croissante, et l’architecte, s’il veut continuer à être acteur de la construction, doit abandonner l’image de l’architecte seul pour tendre vers une forme d’architecte polycéphal. Ces nouvelles structures d’agences, comme l’association et les collectifs d’architectes, gagnent du terrain59. Le regroupement d’architectes permet également de contourner la spécialisation, dans laquelle les appels d’offres avec références pourrait le contraindre, chacun apportant un corpus que le groupe partage. Cette mise en commun architecturale permet à l’ensemble de retrouver un rôle de généraliste, qui semble être la quintessence du statut d’architecte. Représentation Edward Bernays défendait dans son célèbre ouvrage, Propaganda,60 l’idée que pour augmenter les ventes d’une entreprise de pianos, il ne suffisait pas de vanter les qualités de son seul piano, mais de changer le regard et la valeur accordée par la société à l’ensemble des pianos. L’architecture n’est à l’évidence pas un produit de consommation comme le piano de l’exemple. L’analogie est pourtant utile pour expliquer en quoi l’individu architecte doit s’intéresser à sensibiliser le grand public à la valeur ajoutée de l’architecture et l’architecte en général pour assurer son avenir professionnel, et non pas compter sur la mise en valeur de son talent singulier. À ce titre, l’Ordre des architectes multiplie les actions de sensibilisation en allant au contact du grand public à travers des évènements comme “Les architectes ouvrent leurs portes“ depuis 2014 ou en dévelopant les “résidences d’architectes” qui ont pour vocation de contribuer à ouvrir le regard des habitants et des acteurs locaux sur les problématiques contemporaines liées à l’identité des villes et des territoires61.

57 : Depuis les années 1980, l’ENSA de Lyon permet des doubles parcours avec l’ENTPE. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ing%C3%A9nieur_architecte 58 : Jean-Jacques Terrin. Conception collaborative pour innover en architecture : Processus, méthodes, outils. op. cit. p.31 59 : Véronique Biau, lors des cours thématiques HMONP du 29 Février 2018 60 : Edward Bernays. Propaganda, Ig Publishing. 1928. 61 : Appel à candidature pour 10 projets de résidences d’architectes en France. 28 novembre 2017.

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“Le métier d’architecte naît à la Renaissance à l’occasion d’un pacte passé entre l’humanisme et l’architecture. Tant que l’architecture n’était pas porteuse des valeurs de l’humanisme, elle se passait aisément de profession. Aujourd’hui cet humanisme est déstabilisé par la caricature de ses valeurs et on pourrait parier que si l’architecture faisait à nouveau l’économie des architectes, c’est que ce pacte aurait été remis en question. Cette dynamique explique en partie la crise actuelle de la profession - pas en tant que profession catégorielle, mais en tant que pratique nécessaire à l’humanité par sa capacité à implanter symboliquement la société, étant par nature vectrice de sens, porteuse de signes.”62 Dans une société où la valeur financière l’emporte devant toutes les autres, il semble essentiel de réintroduire la valeur humaine, de la défendre et honorer ce pacte qu’évoque Rémy Butler dans la citation précédente. En faisant descendre l’architecte de sa tour d’ivoire aux yeux du public, l’Ordre œuvre pour une image d’architecte de proximité. En enlevant à l’architecture son “exceptionnalité” elle peut tendre vers l’universalité qu’elle recherche en tant que discipline humaniste. Dans un monde où la démocratie a fait disparaître les princes, et où n’importe quel citoyen à la possibilité par un recours de stopper l’acte architectural, cette posture se situe par ailleurs dans la continuité du rapport de séduction que l’architecture a toujours entretenu avec le pouvoir. Cela permet aussi à l’architecte de s’insérer sur des marchés que le permis de construire ne lui réserve pas - la maison individuelle par exemple, premier marché du bâtiment de France63, et programme où la relation architecte-client n’est pas remise en question, offrant une opportunité de retrouver la position traditionnelle de “maître de l’œuvre”- cas qui sera par ailleurs analysé dans l’étude cas. .........................................................................................................................................................

Les dynamiques actuelles de libéralisation, d’avancées technologiques et de personnalisation réinterrogent l’exercice architectural, en secouant les fondements même de notre société. Ainsi, l’architecte doit évoluer pour s’adapter à ce monde changeant de plus en plus rapidement. Cetaines évolutions, comme les plateformes de service architecturaux sur internet qui vendent des permis de construire pour 400€64, n’ont pas été abordées dans cette partie car, si elles deviennent la norme, elles annoncent une paupérisation de la profession à un tel niveau qu’elle sera incapable de tenir un réel rôle au service de l’architecture et d’assurer sa survie.65 Espérons que les enjeux de la profession enseignés lors de la formation HMONP, empêcheront les nouveaux architectes de s’engager sur ce terrain glissant. Le futur est évidemment incertain mais les stratégies suivantes, déjà à l’œuvre et commentées ici semblent porteuses d’un avenir encourageant pour l’architecture et les architectes : - établir un réseau durable et stimulant à la fois confraternel et pluridisciplinaire; - essaimage d’architectes dans l’ensemble des instances actrices de la construction ; - faire évoluer ses compétences et sa structure d’exercice; - se représenter au grand public et communiquer sur la valeur apportée des architectes.

61 : Rémy Butler, Réflexion sur la question architecturale. op. cit. p. 159-160 63 : Site: Le marché des maisons individuelles. 64 : Site: P.C.M. Construire simplement. 65 : Le CNOA a par ailleurs déjà pris les devants contre la généralisation de pratiques nocives en créant une charte de bonnes pratiques qu’elle propose aux plateformes Internet référençant les services d’architectes, tels archidvsor.com, seloger.com et rencontreunarchi.com.

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étude de cas. Réhabilitation de deux bâtiments en pays de Caux APA s’occupe depuis 2011 de la réhabilitation de cet ensemble de bâtiments, qui étaient auparavant une colonie de vacances du prieuré de Charenton. Les constructions jadis salles de jeux, douches coummunes, réfectoire, et dortoirs deviendront des ateliers artistiques et logements secondaires. Grâce à une relation de confiance nouée au fil du temps avec les maîtres d’ouvrage, les entrepreneurs locaux et le paysagiste, des solutions fortement ancrées dans la valorisation de l’artisanat et respectueuses de l’environnement ont pu être mises en œuvre pour que cet ensemble hétéroclite retrouve une unité d’écriture inspirée de l’architecture traditionnelle cauchoise. La réhabilitation de ces deux bâtiments est la troisième et dernière phase d’intervention d’APA sur ce site. Les bâtiments déjà transformés atteignent le niveau THPE (très haute performance énergétique) – le plus haut standard thermique accessible aux bâtiments réhabilités.

1883

1950

2005

2011

2014

2018

Construction des deux maisons du site

Construction de la salle de jeux, des douches et de la chapelle

Achat et rénovation de la maison Fleur des Champs par la mère architecte du client

Phase 1: Transformation de la première maison en atelier de peinture

Phase 2: Réhabilitation de la la salle de jeux, des douches, d’un abri et de la chapelle

Phase 3: Réhabilitation de l’ancien réfectoire et deuxième maison

Ce projet de réhabilitation, qui a été mon occupation principale à l’agence, se réalise dans un contexte particulièrement privilégié. Les clients sont d’une des familles les plus fortunées de France avec un budget considérable. Les entreprises sont toujours payées en temps et en heure, au juste prix, ce qui fait évaporer une très grand partie des tensions possibles autour du projet. Le couple, chacun descendants d’architectes de renom, ont un respect profond de l’architecture et de l’architecte. Tous deux baignent quotidiennement dans des univers créatifs - ils partagent les mêmes références et le même langage que l’agence. Ils ont une confiance absolu en Ludmila qui travaille pour plusieurs membres de leur famille depuis plus de 20 ans.

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Le chantier étant à proximité de Dieppe, un OPC se charge du suivi du chantier afin de nous éviter de trop nombreux aller-retours depuis Paris. Il assure une présence sur place, capable de faire des visites inopinées et de se rendre rapidement sur le site en cas d’urgence. Le projet Saline 3, - l’objet de cette étude de cas - est évidement particulier du fait d’une maîtrise d’ouvrage un peu spéciale, et peu représentatif sous certains aspects du cadre classique des projets de maison individuelle. Pourtant, grâce à ce projet, j’ai été confrontée à un éventail de situations révélateur de ce en quoi la petite échelle permet une véritable maîtrise du projet par l’architecte, qui sont à mon sens généralisables. L’occasion aussi de détailler ce que cette dizaine de mois à suivre la réhabilitation de ces deux bâtiments m’a appris des implications concrètes de réellement maîtriser l’œuvre. Maison individuelle, opportunité collective En France, la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture a instauré un monopole en faveur des architectes inscrits à l’Ordre, à travers le permis de construire, mais on estime cependant entre 60 et 70% la part de constructions réalisées sans recourir aux services de l’architecte.66 C’est donc en toute légalité que le marché de la maison individuelle de moins de 170m2 échappe à 95% des architectes. La tendance ne semble pas annoncer un revirement de situation en faveur de la profession. Pourtant, concevoir la maison individuelle présente plusieurs avantages substantiels pour les architectes. Généralement les projets commencent avec les clients, à la fois payeurs et futurs usagers - à la différence d’une maîtrise d’ouvrage professionnelle - et l’architecte assis autour d’une table. Michel Possompès conte d’ailleurs avec humour dans son ouvrage, Mes clients et moi, ces moments où l’architecte entre dans l’intimité et la confidence de ses clients, pour le meilleur et pour le pire. Nous pouvons premièrement noter une plus grande facilité dans la négociation des contrats et honoraires. Sans évidemment profiter de l’ignorance du client - le désintéressement faisant parti du code déontologique de l’architecte - il est plus aisé de valoriser son travail en faisant preuve de pédagogie auprès de clients particuliers qu’auprès d’une maîtrise d’ouvrage professionnelle ayant l’habitude de tirer les honoraires vers le minimum. Il est impossible de trouver des chiffres officiels a propos de la rémunération moyenne constatée des architectes en fonction du programme - l’Ordre des Architectes et la MICQP ayant été repris la Commission européenne, qui considère toute forme de barème contraire à la directive « services », et constituant une entrave à la liberté de circulation des professionnels.67 Au cours de la première session de cours thématiques HMONP plusieurs intervenants ont estimé une rémunération de l’architecte autour de 5% du montant des travaux HT dans les opérations de logement collectif. Frédéric Martinet, de l’agence FMAU, nous a exposé ses travaux de logements individuels lors de la deuxième session à l’ENSA La Villette. Pour ces maisons, il a obtenu une rémunération comprise entre 16% et 18% du montant des travaux HT. Pour la mission complète du projet Saline 3, l’agence perçoit 12,5% du montant des travaux (estimé à envrion 870 000€ HT). Ces honoraires sont uniquement

65 : Champy, Florent. Nouvelle théorie sociologique des professions, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige Manuels », 2011. 67 : Nicole Sitruk, experte juriste, chargée de la rédaction de la fiche «Réforme de la commande publique 2016» de la MIQCP, le 30 janvier 2018, lors de la première session de cours HMONP à l’ENSAPLV

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destinés à APA, les autres maîtres d’œuvre ayant des contrats propres avec la maîtrise d’ouvrage. Nous sommes donc bien loin des 3% d’honoraires que certaines agences acceptent pour du logement collectif avec des promoteurs immobiliers - tout en rémunérant eux-même leurs bureaux d’études ! Apporter une plus grande qualité architecturale au péri-urbain - véritable enjeu mondial de ce 21e siècle - tout en améliorant sa rémunération - semble un débouché pertinent pour ma génération d’architectes. Ensuite, dans les cas où les clients n’ont pas prévu qu’un ami entrepreneur, ou un oncle bricoleur s’occupe du chantier, la connivence développée depuis les premières discussions attablées permet d’apporter un véritable poids de conseil et de constituer “son équipe”, les entrepreneurs et différents partenaires de projet. “Any architectural project we do takes at least four or five years, so increasingly there is a discrepancy between the acceleration of culture and the continuing slowness of architecture.”68 Le temps du chantier est long, complexe et même si ceux pour une maison durent généralement bien moins longtemps que les quatre ou cinq ans évoqués par Koolhaas dans la citation ci-dessus, il vaut mieux s’entourer, autant que se peut, de personnes de qualité et de confiance. Pour Saline 3, tous les intervenants sur le chantier sont ceux qui ont été conseillés par l’agence. L’ensemble des factures et contrats des entrepreneurs - ce qui est normal lors de la mission d’assistance pour la passation des contrats de travaux - mais aussi ceux des autres maîtres d’œuvre comme l’OPC et le SPS, sont d’abord validés par l’agence avant d’être visés par le maître d’ouvrage. Rien n’est effectué sans autorisation écrite de la part de l’agence et ce malgré les meilleurs efforts de l’OPC, qui se lasse du retard que prend le chantier entre aller-retours de détails entre les entreprises et l’agence pour peaufiner un dessin qui ne sera approuvé qu’une fois qu’il correspondera précisément au souhait de Ludmila ou aux changements d’avis et attentes de la maîtrise d’ouvrage. Il convient de signaler que dans ce cas précis et non-habituel, les clients ne sont pas du tout pressés d’emménager dans les lieux, ce qui élimine tout stress qui pourrait les pousser à devenir désagréables. Là encore le récit de Michel Possompès recèle de nombreuses histoires ou les particuliers, non-aguérris aux divers aléas de chantiers possibles deviennent plutôt des adversaires que des partenaires de projet. Si maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre sont dans une même entente la maison individuelle est une opportunité de faire de beaux projets. On retrouve la possibilité de suggérer un programme à partir des envies énoncées par les usagers et de construire, ensemble, un projet Les budgets sont moins élevés que pour d’autres programmes, mais l’affect a énormément de poids dans les décisions que prendra un client particulier. Le fait de répondre à des logiques autres que celles de la rentabilité - comme c’est si souvent le cas dans les opérations de promotion immobilière - fait que parfois le client sera prêt à investir un peu plus dans une qualité supérieure ou un coup de cœur. Si l’architecte effectue son travail dans le cadre de son budget, il arrive rarement qu’un particulier demande de “déshabiller le projet”. La balle est donc dans le camp de l’architecte.

67: “Tout projet architectural que nous faisons prend au moins quatre ou cinq ans, il y a donc une divergence croissante entre l’accélération de la culture et la lenteur persistante de l’architecture.” Rem Koolhaas interviewé dans Iconey , Icon 013, Juin 2004

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Les outils de la maîtrise APA a rédigé l’ensemble des pièces contractuelles du dossier de consultation des entreprises (DCE). Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) sont des pièces maîtresses qui lient l’agence aux enrepreneurs. Les pièces écrites donnent le moyen à l’architecte de “tenir” le projet. Elles sont aussi des outils puissants en cas de litiges et terminent, si elles sont précises, de nombreux débats sur des préstations dûes, évitant souvent les travaux supplémentaires. Le CCTP - parfois rédigé par un économiste ou largement copié/collé dans d’autres cas - est un document essentiel - Ludmila l’appelle notre bible de projet - pour définir le niveau de prestation attendu et le processus de validation par la maîtrise d’œuvre - fiches techniques, échantillons, essais ou plans d’éxécution à fournir. Sa rédaction demande une connaissance pointue de la construction, et permet, par la rédaction, de s’assurer d’avoir réfléchi aux temporalités du chantier et à la mise en œuvre, là où le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire (CDPGF) exprime seulement des quantités. Dans un autre projet conçu par l’agence le CCTP a été rédigé par un économiste. Aujourd’hui alors que le chantier doit démarrer dans quelques mois, les termes utilisés ou des segments visiblement issus d’un copier/coller d’un autre chantier, donnent une marge d’interpréatation telle du document qu’il remplira difficilement son rôle en cas de litige avec l’entreprise, et ce malgré le haut niveau de détail des plans effectués par l’agence, l’écrit l’emportant contractuellement sur le dessiné.69 Le CCAP, permet de définir les règles du jeu dans la collaboration avec les entreprises. Lors de l’absence répétée d’une entreprise aux réunions de chantier, la menace d’appliquer les pénalités prévues dans le CCAP a suffit pour qu’ils fassent de leur présence une priorité. La présence de l’ensemble des entreprises au réunions est essentielle pour conserver une communication régulière, garante de la compréhension du projet par les entreprises. Être régulièrement sur le chantier est aussi le moyen de s’assurer de la bonne exécution du projet, malgré les aléas - rencontrées d’autant plus fréquemment qu’il s’agit ici d’un projet de réhabilitation. De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités Les contrats d’assurance des architectes sont parmis les assurances professionnelles les plus chères qui peuvent être contractées par les professionnels.70 Ce tarif reflète le forte responsabilité assumée par l’architecte dans les opérations de construction. En effet l’architecte s’engage auprès de son maître d’ouvrage sur le montant, le délai, et la qualité du projet qu’il conçoit. Il peut déléguer ses responsabilités aux entreprises, aux bureaux d’études, à des économistes en fonction de sa maîtrise ou non de certaines informations. Si la hauteur des responsabilités sont l’écho du pouvoir décisionnel dont peut disposer l’architecte, le tout est de ne pas engager sa responsabilité sans le savoir, au risque d’essuyer de mauvaises surprises en cas de litige.

68 : Jodelle Zetlaoui-Leger, urbaniste et professeure à ENSAPLV, le 2 février 2018, lors de la première session de cours HMONP à l’ENSAPLV 70 : Ségolène Guénon, juriste de la MAF avec Olivier Marchaud, architecte expert auprès de la MAF, le 2 juillet 2018, lors de la deuxième session de cours HMONP à l’ENSAPLV

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Afin de faciliter la tâche aux entrepreneurs et obtenir des devis plus rapidement, nous avons joint au DCE pour Saline 3 un CDPGF dont nous avions rempli les quantités. Chaque page était introduite par la mention “L’entrepreneur, avant de chiffrer, doit impérativement se reporter à la description des ouvrages et aux plans correspondants et vérifier les quantités, données à titre purement indicatif.” En recevant les devis, certaines quantités nous paraissaient insuffisantes ou excessives. En reprenant le CDPGF diffusé nous avons remarqué quelques erreur dans les quantités écrites. N’étant pas en marchés publics nous avons pu faire rectifier ces quantités sans encombre. Ludmila me rassure en m’expliquant qu’il était précisé que c’était le rôle des entrepreneurs de vérifier les quantités, et donc, si nous étions arrivés jusqu’au chantier et qu’une quantité inadaptée de fournitures avait été prévue, c’était à eux d’en assumer les conséquences en terme de frais et de délais. Quelques semaines plus tard, en lisant Marchés publics et privés, Pratique du droit de la construction, de Patricia Grelier Wickoff: “Le maître d’œuvre et l’économiste sont responsables des erreurs faites sur les quantitatifs, peu importe la rédaction des CCAP ou CCTP et ce, même s’ils sont rédigés de la façon suivante : « L’entrepreneur est réputé, avant la remise de l’offre, avoir apprécié toutes les conditions d’exécution des ouvrages et s’être parfaitement et totalement rendu compte de leur nature, de leur importance et de leur particularité, avoir contrôlé toutes les indications du dossier de consultation, notamment des plans, des dessins d’exécution et du devis descriptif. » Une telle rédaction du CCAP ne décharge pas pour autant la responsabilité du rédacteur du quantitatif, même dans un marché au forfait.” Après un long débat avec Ludmila et Blanche, c’est la jurisprudence détaillée plus loin dans le livre et décrivant la condamnation de l’architecte sommé de payer la totalité des travaux supplémentaires, qui confirme que l’agence utilise une clause caduque dans ses documents qui ne la protège pas en cas de litiges. La decision a été prise de détailler les quantités dans les CDPGF seulement si un économiste en prenait la responsabilité ou si les entreprises avaient tellement de travail - comme c’est le cas pour une reconstruction d’une maison dont s’occupe l’agence, après le dernier cyclone à Saint-Barthélémy qu’elles ne se fatigueraient pas à répondre autrement. 24h Chrono Le client, lorsque Ludmila m’a introduite comme celle qui l’accompagnerait sur ce projet, toute fraîche sortie de l’école, a eu ces mots : “En gros, “I’m not rich enough to build cheap”, comme on dit. La seule chose qu’il faut que tu comprennes c’est qu’ici l’esprit c’est : prendre son temps pour trouver la meilleure option, celle qui va durer, et ne pas se précipiter pour faire quelque chose qui devra être refait dans 5 ans. Prends le temps qu’il faut et tout devrait bien se passer !” Et le temps nous en prenons énormément : à négocier avec les entreprises, à reprendre des détails de visas pour la même fenêtre plus de quatre fois et jusqu’à satisfaction de l’agence, à visiter les fournisseurs de briques, à trouver le carreau ciment parfait, à reprendre les calculs thermiques ou interroger les plans

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de charpente du menuisier, avec des rendez-vous téléphoniques réguliers pour comprendre la mise en œuvre du béton de chanvre et parfaire la synthèse architecturale avec le plâtrier. Tellement de temps que, malgré environ 120 000 € d’honoraires HT pour deux bâtiments d’environ 300 m2 cumulés, l’agence est finalement assez peu rentable sur ces projets lorqu’on les rapporte au temps passé - à mon salaire et celui de Ludmila, aux frais de fonctionnement de l’agence, aux frais de déplacement entre Paris et la Normandie, etc. Dans les faits, nous résistons difficilement à l’envie de la perfection, nous sommes formés à ça et nous prenons plaisir à l’élaboration de tous ces détails qui feront la qualité générale du projet. L’architecture est une discipline si passionnante que pour beaucoup d’architectes la part des choses est difficile à faire entre entrepreunariat et architecture. Le projet maîtrisé à ce niveau, créé finalement une situation paradoxale où c’est le projet qui nous maîtrise. Un problème de taille Aujourd’hui, Andrieu-Pernot Architecture est composée d’une gérante, Ludmila, et deux employés, Cécile et moi. Parfois un stagiaire vient augmenter les effectifs pour quelques semaines ou un mois, sur quelques opérations Blanche, une architecte libérale, effectue de la sous-traitance, et occasionnellement l’agence embauche quelqu’un en CDD court si la charge de travail devient vraiment difficile. L’effectif global reste donc dans les environs de trois personnes. En 2011, Ludmila employait 7 personnes pour travailler sur une quinzaine de projets. Si aujourd’hui l’ambiance à l’agence est détendue et conviviale, Cécile, qui travaille chez APA depuis 9 ans se souvient encore de cette époque : Ludmila, essayant de dessiner chaque trait de chaque projet, épuisée, irritable et des employés excédés... Car tout maîtriser - vérifier chaque calcul des bureaux d’études, chaque plan d’éxecution envoyé par les entreprises, chaque fiche technique, chaque ligne de facturation - est impressionnant quand une seule personne arrive à le faire pour deux ou trois projets, mais impossible pour une quinzaine. Aujourd’hui, Ludmila ne souhaite plus s’éparpiller sur de trop nombreux projets, gérer trop de personnes et perdre la capacité à s’investir jusque dans les moindres détails dans chaque œuvre qu’elle entreprend. C’est sa manière d’être architecte, celle qui répond à sa personnalité et l’échelle de projet qui l’intéresse et dans laquelle elle a réussi à se constituer une clientèle fidèle. Une manière d’être architecte parmi tant d’autres comme développé à travers l’ensemble de ce mémoire.

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“C’est un langage universel, une affaire de géométrie mais aussi de spiritualité. Selon les circonstances, on peut choisir un carré ou un triangle, mais, au fond, le résultat de tout cela doit être un lieu qui parle au coeur des humains.” - Tadao Ando, interview dans l’Express, 2014

“L’architecture n’est en effet pas seulement un simple savoir faire répondant de façon neutre à une demande de service. C’est une pratique qui doit répondre à une commande sociale souvent simplement exprimée en termes quantitatifs, en la transformant en un objet cohérent, porteur de sens aussi bien du point de vue du site que de celui des usages. Ce travail peut parfois atteindre la qualité d’une œuvre d’art. On est alors loin ici de la simple notion de service. L’architecture est donc une production sociale mais aussi culturelle.” - Rémy Butler,Réflexion sur la question architecturale, 2016

“Il faut dire, pour commencer, combien le métier d’architecte est complexe. L’architecte en tant que metteur en forme d’un projet est aujourd’hui un personnage pathétique : un personnage d’une autre époque. C’est dans ce sens que j’ai dit craindre le crépuscule de cette profession. Il s’agissait d’une provocation, naturellement, parce que l’architecture existera toujours. Ce que je crains surtout, c’est l’incompétence, la présomption, le manque d’amour pour ce métier. Ce métier est un métier de service, parce que l’architecture est d’abord un service. C’est un métier complexe parce que le moment expressif formel est – comment dire ? – un moment de synthèse fécondé par tout un contexte : l’histoire, la société, le monde réel des personnes, leurs émotions, leurs espoirs, leurs attentes ; la géographie et l’anthropologie, le climat, la culture de chaque pays où tu travailles ; et puis la science, l’art. Parce que l’architecture est un métier d’art, en tant que métier scientifique. C’est même là sa spécificité.” - Renzo Piano, La Désobéissance de l”Architecte, 2009

“L’architecture ne peut pas être autrement qu’humaniste. L’homme à un moment donné, pour se protéger, a commencé à construire. Puis il a découvert que construire pour se protéger du vent, des bêtes sauvages, n’était peut-être pas suffisant, qu’il fallait avoir du plaisir à habiter ces abris, avoir du plaisir à montrer à l’autre ce qu’il savait faire, peut-être l’aider. Je pense que dans l’histoire de l’humanité, l’architecture c’est le lien social. On ne construit pas pour soi seul, c’est le début de la civilité, donc l’architecture est obligatoirement humaniste.” - Patrick Bouchain lors de la biennale du Design à Saint-Etienne 2006

“Ma passion et mon grand enthousiasme pour l’architecture, et la raison pour laquelle, plus je prends de l’âge, plus je l’apprécie, c’est parce que je crois que nous - les architectes - pouvons agir sur la qualité de la vie des gens.” - Richard Rogers

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conclusion. Les questions posées à travers ce mémoire étaient pour moi essentielles pour envisager mon avenir en tant qu’architecte. Le questionnement de la maîtrise du projet par l’architecte renvoyait aussi à des questions que je me posais professionnellement: Qui suis-je ? Pourquoi ? Où vais-je ? Comment? La première partie de ce mémoire a été assez dure à écrire moralement. Elle dépeint un tableau noir des architectes : étouffés par leur égo, mal formés, individualistes, snobs, incapables de s’organiser et voués à disparaître, écrasés par un modèle économique qui ne fait pas de quartier. C’est le propos de Philippe Trétiack, de Bernard Marrey, de Jean-Jacques Terrin, de Rem Koolhass, de Ricciotti, de Champy et de tant d’autres qui ont nourri ma position et obligé à faire le deuil de mon image d’épinal de l’architecte tout-puissant. L’œuvre aurait dépassé son maître. Je souhaite pour conclure ma réflexion, réinterroger la notion d’œuvre que les architectes semblent tant vouloir maîtriser.71 Aurait-on confondu l’œuvre d’auteur “imposé dans le paysage, dans la ville (...) de manière incontournable et pérenne”72 et l’œuvre-travail, tâche, action, l’œuvre commune, le projet de société? L’identité de l’architecte pourrait donc se redéfinir comme le porteur d’une action plutôt que le défenser d’une forme. Cette définition me plaît, et correspond à la manière dont j’imagine ma pratique. Maîtriser l’œuvre signifierait alors se rendre actifs en tant qu’architectes, non seulement dans la conception, mais également dans toutes les instances qui pourraient contribuer à remettre l’homme au cœur du bâtir. Maîtriser l’œuvre signifierait alors connaître ses outils et acquérir les compétences et les capacités de communication nécessaires pour comprendre et guider une équipe vers la concrétisation d’un projet. Maîtriser l’œuvre signifierait alors réunir la force nécessaire pour devenir un véritable contrepoids à ceux qui voudraient affaiblir le pacte entre humanisme et architecture.73 Maitriser l’œuvre signifierait alors cultiver sa généralité et communiquer les valeurs de l’architecture au grand public afin de répondre ensemble aux défis que l’avenir nous réserve. Cela ne signifie surtout pas renier l’art et la sensibilité de notre métier, mais de réaligner nos priorités professionnelles avec les engagements pris auprès de la société rappelés dans la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture : être une expression de la culture et de l’intérêt public. Paradoxalement nous revenons à l’architecte décrit par Philibert de l’Orme avec quatre oreilles pour “beaucoup plus ouïr que parler” et quatre mains car “il a à faire et manier beaucoup de choses en son temps, s’il veut parvenir aux sciences qui lui sont requises”.

70 : L’objet de la première partie du développement «l’identité idéalisée» 72 : Rémy Butler, Réflexion sur la question architecturale. op. cit. p. 147-146 73 : Rémy Butler, Réflexion sur la question architecturale. op. cit. p. 159-160

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et projet professionnel. Avant d’imaginer ouvrir mon agence d’architecture, il a fallu se poser plusieurs questions sur l’objectif à atteindre - le type d’échelle de projet et de structure, le lieu d’exercice - mais aussi intégrer des problématiques de niveau de vie, de désirs par rapport à mon temps personnel. Ma pratique professionnelle répondrait aux caractéristiques suivantes: > une agence moyenne (4-6 personnes) : Cette taille d’agence permet d’avoir une multitude de compétences au sein de l’agence et de créer un environnement de travail poly-disciplinaire. J’exercerai seule en EURL afin de trouver mon langage et de me constituer une clientèle et pouvoir apporter quelque chose à un groupement d’associés qui j’espère naîtra lors de collaborations agréables ; > des projets à échelles et programmes variés : Je pense qu’il est dans notre intérêt intellectuel en tant qu’architectes de varier les échelles de projet et de nourir notre travail de la grande échelle à la petite échelle et inversement. Il en va de la conservation de notre flexibilité d’esprit et du refus de tomber involontairement dans des automatismes que d’essayer d’éviter la pratique mono-programmatique vers lequel les systèmes de références nous pousse. C’est aussi un moyen pour moi d’assouvir ma curiosité. > une implication dans l’amélioration environnemental et social ; Il est pour moi essentiel au vu des défis de notre siècle d’avoir une pratique engagée. Il ne s’agira pas uniquement de traiter ses problématiques, ni de chercher une spécialisation dans les matériaux bio-sourcés ou de courir après les labels. À mon sens l’attention au social et la qualité environnementale sont à intégrer comme une donnée de départ tout simplement normale à l’élaboration d’un projet. > une ouverture à l’international : Possédant une double nationalité française et américaine et ayant eu la chance d’énormément voyager, le brassage des cultures est pour moi une richesse incroyable à tous niveaux. Il me semble donc évident d’intégrer cette ouverture au monde dans l’ADN de ma future entreprise. > faire de l’enseignement : L’enseignement, m’attire depuis que je suis entrée en architecture. J’aime que ça oblige sans cesse à se remettre en question et de rendre ses idés claires pour savoir ce que l’on souhaite transmettre. ça permet de garder un contact entre générations, de réinterroger ses certitudes, de développer ses compétences pédagogiques. Le meilleur moyen d’atteindre cet objectif est de faire une thèse et je dois prendre rendez-vous avec Elise Macaire, qui a proposé de m’expliquer le fonctionnement LET-LAVUE. Le sujet de la vieillesse m’intéresse énormément depuis mon PFE et semble également une spécialisation intéressante au regard du vieillissement de la population. Je prévois de rester encore au moins 3 ans en agence: à la fois pour acquérir l’expérience nécessaire pour me lancer seule, mais aussi pour économiser, et démarrer mon activité sereinement. Mon contrat a été prolongé jusqu’en mars prochain et malgré le plaisir que je prends à travailler chez APA, si je souhaite créer une agence pluridisciplinaire, il faut que je découvre d’autres programmes et d’autres manières de fonctionner. Cette première expérience me permet de savoir suivre des projets à l’échelle de ceux que l’on traite au démarrage d’une activité : les maisons et les appartements.

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Je souhaite exercer à Paris afin de rester dans mes sphères amicale et familiale. Une installation dans un des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV) permettra à la fois ne pas être redevable de la taxe foncière pendant cinq ans et de pouvoir prétendre au Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise (Nacre) qui est une aide au montage du projet de création ou de reprise, à la structuration financière et au démarrage de l’activité.74 Actuellement j’ai trois opportunités pour démarrer une activité seule, qui peuvent se faire en parrallèle d’un emploi à plein temps : > ma mère souhaite acheter un terrain et se faire construire une maison de vacances ; > un ami m’a proposé de m’occuper de la rénovation d’un appartement ; > un autre ami m’a contacté pour développer un concept de salle de sport - social dans Paris. Mon cousin est également viticulteur en Champagne et souhaite rénover son site de production ainsi que plusieurs maisons qu’il a acquis pour les vendangeurs et qu’il voudrait pouvoir transformer en chambres d’hôtes à d’autres périodes de l’année. En faisant les vendanges chez lui depuis cinq ans j’ai rencontré un de ses amis, un œnologue réputé, qui a fait l’acquisition d’une très grande propriété - un bâtiment en U d’environ 2 000 m2 sur 2500 m2 de caves, entouré d’un demi hectare de vignes sous forme de clos. Il y fait aujourd’hui son champagne et envisage de le transformer un pôle œnologique avec des salles de conférences, des espaces de dégustation, un restaurant, des chambres d’hôtes, une cuisine pédagogie. Ces deux projets nécessiteraient un investissement considérable et beaucoup de déplacements, que je ne pourrais pas fournir en travaillant même à mi-temps dans une autre agence et pourrait m’apporter suffisamment de revenus pour lancer mon activité seule. Ces premières références sont assez diversifiés pour que j’essaie de rester généraliste, car j’y tiens. Nous verrons où les projets m’emmèneront à partir de là. J’aimerais exercer 2 ans dans une EURL seule ou avec une assistante administrative à mi-temps la deuxième année si le résultats sont bons. Je souhaite démarrer seule pour acquérir une position propre de maître d’œuvre et affirmer une méthodologie personnelle avant de me m’associer. Je ne sais pas encore avec qui je souhaiterais engager cette association, car je n’ai jamais encore eu de vrais rapports professionnels avec des amis et je préfère ne pas mélanger les deux. La raison pour laquelle je souhaite évoluer vers une forme d’association est que ce mémoire ma permis de comprendre que l’union fait la force. Ainsi, si je souhaite changer d’échelle de programme ou conserver une activité diversifiée, la tendance me fait croire que je devrais m’associer. Cela permet également de continuer à me former au contact d’architectes ou d’autre maîtres d’œuvre qui n’ont pas le même bagage que moi. Enfin, je me syndiquerai pour participer activement au débat autour de l’avenir de la profession que je souhaite exercer.

74 : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F20016

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projet professionnel. CDD chez Andrieu-Pernot Architecture :

> acquisition d’expérience sur la réalisation de maisons individuelles > gérer l’échelle de projets qui me permettront de démarrer ma propre structure

Production de thèse sur le sujet du vieillisement de la population et l’architecture : > possibilité d’enseigner > créer un réseau et se positionner comme spécialiste dans un domaine économique en pleine expansion > expérimenter, s’informer et être dans l’actualité

Stage chez Fabrice Dusapin Architecte :

CDD au 4/5e dans une agence qui fait des EHPAD :

> première approche du travail en agence d’architecture

> sujet de travail qui alimente le sujet de thèse

Stage chez Arquitectos :

Arias

Construction de la maison secondaire de ma mère :

> apprentissage des techniques de construction en terre > apprentissage de l’espagnol > premier réseau à

> construire une première référence dans un cadre familiale

Définition concept et construction salle de sport “social”:

l’international

> construire des références qui s’éloignent progressivement du logement individuel

Master en Architecture à l’EnsA paris Val de Seine

CDI au 4/5e dans une agence internationale qui fait du logement collectif, des équipements, de l’urbanisme et des marchés publics :

Assistante architecte chez Atelier ARAGO:

> compréhension de la gestion de projets de plus grande échelle > être au contact d’une maîtrise d’ouvrage professionnelle > commencer une activité avec une stabilité financière

> participation à la phase concours > présentation soignée des documents graphiques

Création d’une EURL dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPPV) :

Stage chez Jean-Paul Viguier et Associés :

> réhabilitation des maisons de vendangeurs > rénovation des espaces de production champenois > réhabilitation lourde de la bâtisse “le Clos”

02/13 04/13 06/13 08/13 10/13 12/13 02/14 04/14 06/14 08/14 10/14 12/14 02/15 04/15 06/15 08/15 10/15 12/15 02/16 04/16 06/16 08/16 10/16 12/16 02/17 04/17 06/17 08/17

> découverte du fonctionnement d’une agence de plus de 100 personnes > première approche du logement collectif

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10/17 12/17 02/18 04/18 06/18 08/18 10/18 12/18 02/19 04/19 06/19 08/19 10/19 12/19 02/20 04/20 06/20 08/20 10/20 12/20 02/21 04/21 06/21 08/21 10/21 12/21 02/22 04/22 06/22 08/22 10/22 12/22 02/23 04/23 06/23 08/23 10/23 12/23 04/24 06/24 08/24 10/24 12/24 02/25 04/25 06/25 08/25 10/25 12/25 02/26 04/26 06/26 08/26 10/26 12/26 02/27 04/27 06/27 08/27 10/27

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annexes. Annexe 1 : Les Cahiers de la profession n° 60, pages 5-7, 3e trimestre 2017

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Annexe 2 : Les Cahiers de la profession n° 58, pages 4-5, 1er trimestre 2017

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Annexe 3 : Les Cahiers de la profession n° 62, pages 4-9, 1er trimestre 2018

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Annexe 4 : Architectes maîtres d’oeuvres, architectes maîtres d’ouvrage ou architectes tout court ?, Olivier Herbemont et Bertrand Lemoine, lemoniteur.fr, 25 mars 2015

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Annexe 5 : Retranscription d’entretien avec Claudine Khamkhing -Beruti, 1h30

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Annexe 6 : Petit manuel de « savoir-survivre » à l’usage des architectes, Marie-Douce Albert avec Nathalie Moutarde, lemoniteur.fr, 25 mars 2015

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Annexe 1 :

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Annexe 2 :

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Annexe 3 :

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Annexe 4 :

Architectes maîtres d’œuvre, architectes maîtres d’ouvrage ou architectes tout court? Olivier Herbemont et Bertrand Lemoine lemoniteur.fr La récente menace de radiation du tableau de l’Ordre de dix-huit architectes-maîtres d’ouvrage révèle un dysfonctionnement dans le contrôle de la qualification et de l’exercice de la profession d’architecte dans le cadre d’une mission d’intérêt public telle que définie par la loi du 3 janvier 1977. Pour le Conseil d’administration de l’association “Architecture et Maîtres d’ouvrage” (AMO), Olivier Herbemont, son président; et Bertrand Lemoine, membre du CA, réagissent par une tribune à cette situation... Le port du titre d’architecte et l’exercice de cette profession sont régis par des textes qui, tout à la fois, protègent le titre et encadrent les activités professionnelles liées à l’architecture. La loi impose, comme ailleurs en Europe, une inscription à un tableau géré par un ordre professionnel qui s’assure des compétences des architectes inscrits. Personne ne trouve à redire à ces dispositions prises dans l’intérêt général, afin de garantir la qualité des productions architecturales, bien que la nécessité de disposer d’une “Habilitation à exercer la maîtrise d’œuvre en son nom propre” (HMONP) soit récemment venue affaiblir la valeur du diplôme d’architecte diplômé par le gouvernement (DPLG). Mais, une évolution récente des modalités d’inscription à l’Ordre met en lumière une ambiguïté sur la définition des métiers liés à l’architecture et à la qualification d’architecte. En effet, différents modes d’exercice de la profession d’architecte sont prévus par la loi. Le plus classique est celui d’un exercice en mode individuel sous forme libérale, et son corollaire, celui de salarié d’une agence ou d’une société d’architecture. D’autres statuts sont également définis, tels que ceux d’architecte fonctionnaire ou au service de l’État ou de collectivités locales. Diversification des métiers Or les architectes diplômés se retrouvent aujourd’hui dans bien d’autres situations, qu’elles soient directement liées à la conception de projets ou à d’autres activités en lien avec le monde du bâtiment. Cette diversification des métiers ne correspond pas seulement à une réalité professionnelle pour nombre de diplômés. Elle est encouragée par les écoles elles-mêmes, en tant que source d’élargissement des débouchés, constamment soutenues en cela par le ministère de la Culture, tutelle des architectes. Cela s’est aussi traduit par la mise sur pied de coopérations avec d’autres établissements d’enseignement supérieur, par l’intégration des écoles dans des Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) universitaires, par des équipes et laboratoires de recherche aux champs d’investigation diversifiés, voire à la création de filières de double formation, comme celle de l’Ensa de Paris-La-Villette avec l’Ecole spéciale des Travaux publics (ESTP) et l’Ecole des ingénieurs de la Vile de Paris (EIVP) qui forme chaque année une centaine d’étudiants en vue d’un double diplôme d’architecte et d’ingénieur, et dont tous ne travailleront pas dans la maîtrise d’œuvre architecturale.

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Dénominations restrictives Cette propension des architectes à déborder du cadre libéral a conduit depuis 1977 à un essaimage fécond dans quantités de situations où ils peuvent apporter un regard et une expertise précieux, orientés vers les exigences de la conception et de l’objet architectural, urbain ou paysager, de la synthèse interdisciplinaire, de l’attention au contexte, du dialogue entre les acteurs de l’acte de construire, etc. Retrouver des architectes dans l’administration, les CAUE, les collectivités territoriales, la maîtrise d’ouvrage publique et privée, les bureaux d’études, les métiers connexes à la maîtrise d’œuvre, le design de meubles ou d’objets, les entreprises et les industries de la construction, les métiers du transport et de la ville, les organismes d’enseignement et de recherche, la presse et la communication etc. ne peut être que systématiquement encouragé. Or si un architecte dûment diplômé peut s’inscrire à l’Ordre sous la rubrique “Exercice d’une autre activité liée à l’architecture à titre individuel ou associé” ou encore “Exercice d’une autre activité liée à l’architecture en tant que salarié(e) non associé(e)” et qu’à ce titre ces statuts “interdisent l’établissement de projets architecturaux faisant l’objet de demandes de permis de construire et l’exercice de missions de maîtrise d’œuvre”, il apparait que ces dénominations sont pour le moins restrictives. En effet dans le premier cas, les impétrants sont invités à préciser dans le formulaire d’inscription les activités qu’ils exercent “à titre exclusif” : “conseil, programmation, formation, assistance à la maîtrise d’ouvrage, SPS, diagnostics immobiliers, expertise ou autre à préciser”. Bien entendu, il faut dans ce cas “n’exercer aucune mission relevant du recours obligatoire à l’architecte et n’exercer aucune mission de maîtrise d’œuvre”, sinon il serait nécessaire d’être inscrit à titre libéral ou salarié d’un architecte… Jusque-là pas de problème. Ambiguïtés et contradictions Les choses deviennent en revanche beaucoup plus ambiguës lorsqu’il est précisé qu’il ne faut pas “exercer de fonction commerciale”. Par ailleurs dans le cas des salariés, l’employeur ne doit pas avoir “pour activité le financement, la construction, la restauration, la vente ou la location d’immeubles ou l’achat ou la vente de terrains, ou de matériaux et éléments de construction”. Ces restrictions très fortes sont en contradiction avec la diversité et la nature des fonctions aujourd’hui exercées par quantité d’architectes, par exemple dans la maîtrise d’ouvrage, dans des entreprises de construction, dans l’industrie ou dans la promotion immobilière. On ne voit pas pourquoi, à partir du moment où l’on n’exerce pas de mission de maîtrise d’œuvre, qui doit rester encadrée par la loi, on ne pourrait pas avoir de fonction commerciale. Les activités citées plus haut (conseil, programmation, etc.) possèdent d’ailleurs toutes une dimension commerciale. Dans l’intérêt de l’architecture Plutôt que d’exclure les architectes dont l’activité ne correspond pas stricto sensu à ces critères étroits, bien que définis par la loi, l’Ordre devrait plutôt songer à aménager les différents statuts pour précisément permettre à des architectes d’investir tous les métiers de la construction. Dans l’intérêt même de l’architecture et de sa promotion, il est grand temps de porter un regard nouveau sur le titre d’architecte. Il nous faut sortir de la vision restrictive qui oppose le droit d’exercice et le port du titre d’architecte à toute action commerciale. Il faut permettre d’afficher fièrement le diplôme d’architecte comme garant d’une formation spécifique et spécialisée, plutôt que s’en cacher. Il serait contraire à une stratégie de promotion de l’architecture et de dissémination des architectes dans tous les métiers de la construction et de l’immobilier de récuser les architectes diplômés qui peuvent être des partenaires dans l’acte de construire, et donc support de l’architecture, et donc des architectes!

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Annexe 5 :

Claudine Khamkhing-Beruti repésentante de la SCI Auger pour le projet Petit H entretien 1h30

J’ai préparé plusieurs questions, et puis après le format est très libre, nous verrons où va la discussion. La première est : Depuis quand travaillez vous chez Hermès, pouvez-vous raconter un peu votre parcours ? Comment êtes-vous arrivée à la maîtrise d’ouvrage ? Je suis sortie de l’école en 1995 et ce que je voulais faire c’était du chantier. Ça faisait depuis 1990 que je travaillais en agence d’archi, pendant mes études à l’époque où on pouvait. Et vos études ont duré combien de temps ? Je suis rentrée en 1987 et j’ai terminé en 1995. Et en réalité le diplôme je l’ai eu en 1997, parce qu’il fallait un stage sur chantier pour valider un UV et le chantier ne s’est pas fait avant 1995. J’ai voulu garder ce chantier parce que c’était des maisons à ossature bois sur lesquelles j’avais travaillé en agence jusqu’au au dossier de consultation et au moment où le chantier devait commencer il n’y avait plus de fonds le maître d’ouvrage a annulé - a suspendu – donc j’avais le choix de chercher un autre chantier et d’en faire juste le chaniter, mais ça ne m’intéressait pas je voulais voir l’aboutissement de mon travail. Et pour moi j’avais travaillé depuis l’APD dessus et je voulais vraiment continuer et réaliser ce que j’avais dessiné, j’étais déjà dans cet esprit là où j’avais aussi la solution de travailler dans un chantier de 4 mois et juste valider l’UV. Mais à ce moment-là j’avais besoin de sens pour avancer, donc j’ai dit non tant pis, de toute façon {l’absence de diplôme} ne m’empêchait pas de travailler, et je n’avais pas envie de monter tout de suite mon agence donc ça ne me gênait pas d’attendre. J’ai fait les deux premières années à l’école « normal » et à partir de la troisième année je travaillais à mi-temps, où j’ai fais une année scolaire en deux ans. Donc j’ai pris mon temps, j’ai pris mon temps pour voir ce que c’était que ce métier, ne venant pas de ce milieu d’archis. En fait je suis rentrée en archi pour faire de l’urbanisme ce qui était très bizarre comme raisonnement, et très vite j’ai compris que l’urbanisme c’était pas pour moi. Pourquoi ? Pas assez concret, une échelle de temps importante : le moyen terme en urbanisme c’est 10 ans et encore faut viser entre deux élections, en gros. Donc c’est très politique, il y a pas mal de juridique. Alors ce qui m’intéressait au départ c’était la variété d’interlocuteurs et de disciplines mais après j’ai vu que ça limitait dans la réalisation des choses. C’est pour ça que j’ai travaillé en agence d’urbanisme pendant le premier été après la deuxième année. C’était chez qui ? C’était chez Ville Ouverte. C’est des architectes-urbanistes qui sont à Chartres. Ils avaient gagné le concours de développement du centre-bourg de la commune où j’habitais. Donc j’ai travaillé sur ce projet et aussi sur ceux de banlieue 89 qui étaient assez intéressants sur la banlieue parisienne, sur Epernay, La Courneuve et plusieurs communes du 93 et j’ai bossé pendant un an chez eux et de temps en temps je faisais des charrettes. Mais je voyais bien que c’était pas satisfaisant en terme de chantier.

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Vous voulez dire que l’idée était hyper intéressante mais la réalité du métier était trop différente de ce que vous imaginiez ? Oui l’idée est super intéressante, mais le métier est pas assez concret pour moi, très politique et je voyais pas la finalité. Quand on voit le développement des villes nouvelles, qui était décidé fin 60 et dans les années 70 et maintenant on voit ce que ça donne. C’était trop de paramètres qu’on ne maitrisait pas nous architectes, urbanistes dans ces opérations. C’était ça qui ne m’allait pas donc je suis partie dans les agences d’archi. Dnc j’ai fait trois agences d’archi pendant mes étues, de la petite échelle surtout, parce que les grandes il fallait quand même que je paie mes études donc je ne pouvais pas aller en stage dans de grandes agences. À l’époque j’avais contacté Archi Studio pour un stage et ils m’avaient répondu « oui, oui y a pas de soucis pour un stage mais on ne vous paie pas. À d’accord ok, et bien non merci. (rires) Ça n’a pas vraiment changé. Donc je ne pouvais pas. C’est donc dans des petites agences que j’ai appris notre métier. Et je voulais faire du chantier. Et 1995 il n’y avait pas de chantiers parce que c’était la crise. Donc en deux ans j’ai travaillé 12 mois et là je me suis dite que c’était pas possible. C’était soit je changeais de métier soit autre chose. Donc je suis partie au Laos ! Et c’est là que j’ai travaillé dans deux agences d’architecture : un français et un laotien où j’ai pu voir une autre pratique du métier, des agences d’archi laotiennes sont archis et ingénieurs c’est, en gros, le même tronc commun dans la formation et après au deuxième cycle ils se diversifient, soit archis soit ingénieurs. Donc ils ont tous une base scientifique et technique commune ? C’est ça ? Et une culture architecturale commune aussi du coup ? Aussi, mais c’est assez basique. Archi, mais très mêlé Beaux-Arts aussi. C’était autre chose mais c’était très intéressant, sauf que moi je voulais faire du chantier, toujours ce fil rouge, et une femme, jeune femme en plus laotienne ne peut pas faire de chantier, c’est pas possible, c’est juste inenvisageable. Donc pendant deux ans je suis restée au Laos. J’ai travillé 5 mois chez les uns et 5 mois chez les autres et je me suis dite que c’était pas pour moi là-bas. Et j’ai travaillé dans une ONG, dans l’administartion d’une ONG locale et donc j’ai vu qu’il y avait une autre vie en dehors de l’architecture aussi. Parce que là vous n’aviez pas du tout une fonction en rapport avec l’architecture ? Non j’étais administratrice du bureau, j’avais dans mon équipe des laotiens, et on était le support logistique de la partie gestion des projets, il y en avait 5. Et ça j’ai bien aimé, mais je n’ai pas pu rester parce que c’était un poste local, pas pour des étrangers et moi je n’avais qu’un passeport français, malgré mes origines laotiennes. On ne peut pas avoir la double nationalité chez les laotiens. Donc j’ai fini par revenir en France en 1999. Et là je me suis dite, mais qu’est-ce que je vais faire en France ? J’ai rappelé mes anciens patrons et les gens avec qui j’avais travaillé avant. Il se trouve qu’un responsable de la RATP, un maître d’ouvrage pour lequel j’avais travaillé, un petit chantier d’installation de vestiaires pour les chauffeurs de métro de la ligne 6, m’a rappelé. Entre temps il était devenu directeur de l’immobilier et des services généraux à Canal + et m’a dit « Est-ce que tu veux faire de la maîtrise d’ouvrage ? » « Je ne sais pas ce que c’est ! Je veux travailler mais je ne sais pas ce que c’est. » Il me dit « Y a du chantier, etc. et tu représentes le client. » « Bon, bah ok, essayons ! » Il avait besoin de quelqu’un très vite donc c’était fin juin et j’ai commencé début juillet 1999 jusqu’à avril 2003. J’étais chef d’opérations, ils appelaient ça chef de projet bâtiment, et on avait la conduite d’un chantier en site occupé, l’ancien siège de Canal +, le bâtiment de Richard Meier, des études de faisabilité jusqu‘à la réception et les interfaces avec les services techniques télé et les services généraux, donc j’étais complètement autonome

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et ça a été énorme apprentissage. Sur le tas ou vous avez fait une formation ? Ah non sur le tas ! Moi on m’a dit : « voilà il y a une régie à faire pour cet été, on est en juillet faut le livrer mi-août parce qu’il y a la Champion’s League (ils avaient gagné les droits en juin et il fallait diffuser en octobre) Donc la première se fera peut-être avec une régie déportée mais après à la rentrée faut que ça marche. » Donc vous aviez de grosses responsabilités pour quelqu’un qui n’avait jamais fait de la maîtrise d’ouvrage ! Oui, mais il y a des gens qui ont cru en moi et il y avait tout un support technique. Et c’était une opération par exemple, comme si on transformait cette cafétéria en régie, donc il faut tout démonter en deux mois, un mois et demi de chantier. Une bonne connaissance du chantier et de notre métier c’était ma base, et du reste je ne savais rien, donc j’ai tout appris. J’y ai passé beaucoup de temps - je passais tous les jours, tous les matins sur le chantier, parce que les entreprises étaient là et elles avancaient donc il n’y avait pas intérêt à ce qu’on leur fasse démonter quelque chose dans la journée, donc il fallait être très très présente et c’est là que j’ai appris le chantier et la coordination. Je faisais du pilotage en réalité pour ces opérations là. C’est ce que j’allais dire ! Ça ressemble plus à un travail d’OPC que… C’est de l’OPC, mais ça c’était le premier chantier qui durait 3 mois et ensuite j’en ai eu des plus longs où je faisait autre chose. Canal + était une maîtrise d’ouvrage particulière parce qu’il y avait des règles et des process et des contrats à mettre en place etc, avec tout une équipe de juristes – il y avait quand même une grosse artillerie derrière ! Il fallait faire les choses donc c’était très opérationnel et c’est comme ça que j’ai appris toute la partie électrique, courants faibles… toutes ces choses qu’on n’apprend pas en archi et qui font un bâtiment maintenant, puisque maintenant c’est pas que la charpente, le gros-œuvre et le second œuvre, il y a tout le reste qui a un gros impact ! Donc toute la partie clim, chauffage, ventilation je l’ai appris à Canal +. Je voudrais juste revenir sur un truc : quand vous disiez que vous étiez rentrés dans la maîtrise d’ouvrage, vous êtes rentrés comme OPC ? Non, je suis rentrée comme chef de projet bâtiments ! Mais vous aviez ce double rôle ? Oui je passais les commandes, j’étais pas que pilote. Il y a plusieurs formes de maîtrise d’ouvrage en fait. Il n’y a pas que les promoteurs immobiliers qui font de la maîtrise d’ouvrage. À l’époque, c’était avant les années 2000, en maîtrise d’ouvrage à proprement parler dans le public il y avait la caisse des dépôts, qui faisait beaucoup et les institutionnels et en maîtrise d’ouvrage privée, les sociétés comme la SNCF, la RATP et ADP – et encore c’était bien mélangé maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre chez eux – et les régies HLM. Pour les autres grandes sociétés, à l’époque c’était pas structuré comme ça. Il y avait un service bâtiments et un service régie en gros. Chez Canal + c’était comme ça, chez Hermès à l’époque c’était aussi comme ça, c’était les services généraux. La maîtrise d’ouvrage étant le client. Aujourd’hui on a tendance à dire que l’OPC est dans le groupement de maîtrise d’œuvre, Ça dépend il peut être indépendant ! Oui il est indépendant et missionné par la maîtrise d’ouvrage comme nous tous, mais quand on fait des organigrammes et qu’on essaie d’expliquer le rôle de chacun, vu que l’OPC c’est une mission que peut aussi prendre l’architecte, on a tendance à

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mettre le rôle dans celui de la maîtrise d’œuvre donc pour le moment je trouve ça un peu ambiguë que la maîtrise d’ouvrage ait aussi, Non parce que c’est du pilotage de chantier et c’est une fonction. Ça peut être pris dans la maîtrise d’œuvre et dans ce cas là le maître d’œuvre est mandaté et dans ce cas là c’est un groupement comme pour les bureaux d’études mais nous dans nos opérations par exemple chez Hermès, on aime bien que l’OPC soit indépendant de la maîtrise d’œuvre. Parce que ça permet aussi de challenger la maîtrise d’œuvre. Chez Canal, c’était des projets en site occupé, qui ne supportait ni la poussière ni le bruit, on ne pouvait pas prendre un pilote externe qui n’aurait pas fait l’affaire. Donc j’avais deux casquettes : j’étais pilote et j’avais des équipes, quand il y avait un programme de nouvelle régie ou d’aménagement d’un bureau, je faisais les pré-zoning avec eux et ensuite soit on faisait appel à un archi d’intérieur qui faisait le chantier et il fallait cadrer au niveau contrat avec eux. À l’époque on avait un budget no limites, mais en 2003 il y a eu un plan social et je suis partie, pour un bureau d’études de géotechniciens pour les lignes TGV et les autoroutes. J’étais pilote et toute la partie technique m’intéressait beaucoup. En 2006 je m’ennuyais et je ne voyais pas d’évolution possible, donc j’ai commencé à chercher autre chose. Un cabinet de recrutement qui avait mon CV depuis mon départ de Canal + m’ont appelé et je suis arrivée chez Hermès. La définition du poste était le même qu’à Canal +, une maîtrise d’ouvrage privée pour des utilisateurs et à l’issu de l’entretien que le recruteur m’a dit que c’était pour Hermès, je ne connaissais pas du tout ! J’ai été sur internet à l’époque il y avait 4 articles ! J’ai commencé en janvier 2007, donc ça va faire onze ans et demi que je travaille sur les sites de production et le tertiaire. Depuis 200è je m’occupe de la construction, la restructuration ou l’extension des sites de production pour tous les métiers donc ça peut être les maroquineries, comme le parfum, comme la cristallerie Saint-Louis ou Hermès Maison aussi. Quand c’est pas du neuf c’est des sites existants qu’il faut restructurer en site occupé. Je ne fais plus de pilotage, puisqu’on a des OPC, on a des maîtres d’œuvre, faut pas non plus éxagérer, mais on ne reste pas dans nos bureaux avec les papiers et l’administratif. Vous allez sur le chantier ? Ah oui ! Je vais en réunion de chantier parce que sinon on n’a pas de contact avec le chantier. Si on est trop déconnectés au niveau suivi ça ne va pas, parce qu’on perd la réalité de la situation et on perd la compétence. Est-ce que vous pensez que c’est votre bagage d’architecte qui vous permet cette position là ou vous avez d’autres personnes avec qui vous travaillez qui font pareil ? Non j’ai ma collègue qui est ingénieure des arts et métiers qui a la même philosophie. JE pense qu’on ne m’aurait pas prise si je faisais autrement. Il y a une cohérence dans la manière de travailler. Après on nous demande de ne pas être trop opérationnels parce que ce n’est pas vraiment notre fonction. Sur les chantiers qui sont en province, où il y a très peu de coactivité, c’est assez tranquille, mais quand c’est à Paris ou Pantin j’y vais une fois par mois, et pour le projet qu’on fait avec APA j’irais une fois tous les 15 jours. C’est trop important et il y a beaucoup d’impacts sur le voisinage, qui est nous {l’espace Jean-Louis Dumas} en plus ! L’information en direct est essentielle. Donc c’est un peu particulier en maîtrise d’ouvrage. Il y a plusieurs métiers. La maîtrise d’ouvrage je ne l’ai connu que sous cet aspect. Il y a d’autres directions immobilières qui ne sont pas du tout comme ça. Ils font de la promotion immobilière ou ils ont un actif qu’ils développent, comme des bureaux qui sont loués par d’autres organismes. Il y a la maîtrise d’ouvrage qui est aussi promotion comme Nexcity ou Gecina, qui eux construisent ses bâtiments et les commercialisent. Et ça ça ne m’intéresse pas. Parce que là il y a des usagers définis, des problématiques à prendre en compte…

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Oui. Dans les autres cas pas besoin d’être architecte ou ingénieur pour faire le métier. D’ailleurs il y a beaucoup de personnes qui sont juristes, gestionnaires ou sorties d’écoles de management ou des commerciaux, etc. qui ont ce genre de poste. Ce sont les responsables immobiliers dans les grosses boites. Vous venez de dire qu’il n’y avait pas besoin d’être architecte pour faire de la maîtrise d’ouvrage de promoteur. Du coup vous pensez qu’être architecte c’est essentiel our exercer votre métier aujourd’hui ? Vous considérez vous architecte ? Oui ! Je suis architecte, j’ai eu mon diplôme d’archi ! Il y a des personnes qui ne sont pas architectes qui ont une sensibilité esthétique, un regard, une attention et le sens du détail. Après être architecte et être de l’autre côté de la barrière, ça permet aussi de faciliter les contacts et les explications. Ça me permet de « liaisonner ». Au départ je ne disais pas que j’étais archi, pour préserver la distance qu’il faut entre le client et l’architecte. Mais après en discutant etc… Je sais que je suis presque adoptée par les archis quand je dis que je suis architecte. (rires) Vous dans mon équipe ! (rires) C’est ça ! Moi, ma conception de l’opération, c’est un travail d’équipe. Je ne peux pas travailler avec des personnes qui se protègent toutes les cinq minutes, que ce soit des archis, des ingénieurs ou des entreprises. Où on commence à peine le chantier qu’on nous a déjà écrit dix lettres. Ça c’est pas possible. Je préfère qu’on se dise les choses franchement, mais ça c’est mon caractère et ça se ressent dans mon travail aussi. Après la question « est-ce que vous vous sentez architecte ? » est intéressante parce qu’il y a aussi quand j’ai commencé fin 90 j’avais des copains archis, des copains d’école, qui considéraient qu’en tant qu’en maître d’ouvrage dans la privé, dans le public c’était différent, mais dans le privé je faisais de l’entretien pour eux. Je leur répondais « si tu veux ! ». C’était péjoratif à l’époque ! Ça l’est encore ! « Mais qu’est-ce que je m’éclate ! Mais oui oui je fais de l’entretien ! Viens voir l’etretien que je fais !» Donc c’est plus le regard des autres confrères qui interogaient votre identité d’architecte. Oui parce qu’ils ne connaissaient pas le métier. J’ai une amie qui a fait le cycle d’urbanisme à Sciences Po et qui aujourd’hui travaille chez Vinci Immobilier, tout le monde s’est moqué d’elle. Moi non parce que c’est un parcours que je voulais faire. Je me disais « regardez on est archis, on a envie de construire mais il y a plein de rôles à tenir » mais la réaction était en rigolant « oh la traitresse ! regardez elle est partie de l’autre côté de la barrière! » Alors que justement il faut les faire tomber ces barrières ! Regardez dans notre métier, il y a très peu d’archis maîtres d’ouvrage. Il y a pas mal d’ingénieurs maîtres d’ouvrages, mais moi je suis là et il ne faut pas laisser la place qu’aux ingénieurs c’est pas possible ! (rires) Sinon, même s’il y a des ingénieurs qui ont le sens du « beau » faut pas leur laisser sinon c’est mort. C’est justement un atout d’avoir un architecte de l’autre côté. Parce que c’est lui qui peut porter le projet. C’est pas parce que je travaille pour Hermès que c’est budget open bar. Donc quand mes architectes dépassent le budget on va travailler ensemble pour trouver des économies. Pour moi l’économie c’est pas « qu’est-ce qu’on enlève ? » C’est pas ça. C’est qu’est-ce qu’on fait pour garder la même image et le même espace, sans

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dégrader la qualité des choses, mais en changeant certaines choses. Par exemple sur un site de production, l’architecte s’est fait plaisir et je ne l’avais pas vu et je m’en veux encore, mais c’est comme ça. On faisait l’isolation par l’extérieur d’une façade puisque le bâtiment n’était ni étanche à l’air ni à l’eau, il avait trente ans. Il fallait le faire en site occupé sur le seul site de parfums qu’on avait. Il y avait un édicule au dessus de ce bâtiment qui était la chaufferie. C’était de la brique avec des poteaux métalliques, il y avait une dilation entre les poteaux et la brique donc l’eau rentrait. Et cet édicule, l’architecte l’a enveloppé d’un bardage en cuivre. Un bardage en cuivre ! Je ne l’ai pas vu sur un bâtiment qui faisait plus de 10 000 m2 et j’avais quatre autres chantiers en même temps, et j’ai pas vu ce détail là. Et au moment du chantier, je vois au niveau des études d’exécution… C’était signé donc voilà… Et quand j’ai vu la patine du cuivre quand ils l’ont installé c’était super beau, mais 6 mois après c’était marron. L’architecte est de nouveau intervenu sur le même site et à voulu traiter les petits édicules des autres bâtiments de la même manière et là j’ai dit non, vous ne m’aurez pas deux fois ! On a mis un bardage en cassettes de la même couleur, et ça restera, et c’était très beau et c’était des cassettes de qualité. On ne dégradera jamais un projet, parce qu’on est chez Hermès et qu’on se doit d’apporter de la qualité dans les espaces. Aujourd’hui qui sait que cet édicule est en cuivre ? Moi, l’architecte, l’entreprise et mon patron et c’est tout ! C’est rendre les dépenses pertinentes c’est tout. Je préfère mettre l’argent ailleurs. Si j’avais su on aurait fait une étanchéité plus importante, ce genre de choses. Où est l’essentiel et vers quoi on se concentre ? Et ça je peux avoir cet discussion avec les architectes parce que je suis aussi architecte. Enfin ils me laissent plus la parole. Je pense qu’avec un ingénieur ils se seraient plus braqués. Ils n’ont pas le même langage. En effet, je pense que c’est intéressant côté maîtrise d’œuvre, quand on a des archis qui travaillent dans les mairies ou les bureaux d’études aussi. Ce qui est drôle c’est que comme il y a une culture commune, une envie commune qui nous anime, on sent libre de parler parce qu’on peut être compris. Bien sûr. C’est qu’on a un niveau de langage équivalent, mais je ne le dis pas tout de suite pour ne pas qu’il y ait d’a priori aussi. C’est aussi pour cela que je voulais vous interviewer, parce qu’il y a cette histoire, comme vous êtes aujourd’hui dans la maitrise d’ouvrage, comment on se situe en tant qu’architecte quand on est en effet, de l’autre coté de la barrère symboliquement. Là, en effet, il y a 15 ans, j’aurai dit je ne suis pas bien -- il fallait toujours se justifier, à Canal + clairement c’était ça, vis-à-vis de mes copains, ou d’autres confrères, et surtout je m’interdisais de dessiner, c’est-à-dire, je ne suis pas là pour prendre votre place. Il y a aussi cela, c’est-à-dire cette peur, la crainte des archi, et d’aileurs je ne me l’autorise pas. Autant j’ai des collègues qui ne sont pas du tout archi qui dessinent, et qui disent : « ah oui, mais le plan… » ; moi, je dis ce que je veux et l’architecte dessinera. C’est un beau respect du métier ! Eh oui ! car je sais ce que cela prend comme temps et comme energie. Je suis plutôt à me demander pourquoi un tel a fait les choses comme cela ou à dire, au niveau des flux industriels ce sera mieux, alors je l’explique, je ne le dessine pas. Après on me dit que je ne dessine plus, que je ne sais plus dessiner. Oui c’est vrai, mais est ce que c’est un problème pour les projets que je mène? Je ne pense pas. En même temps, quand on est en agence, le nombre de grands architectes qui gèrent et ne desssinent plus et regardent ce qu’amène le chef de projet, c’est juste autre chose, mais le sens et l’intérêt sont les même. Du coup, quand vous êtes avec d’autres maîtres d’ouvrages, soit que vous connaissez, pas forcément chez Hermes, parce que là, il y a une philosophie du travail particulière qui semble somme toute proche de celle de l’architecte d’une manière générale, mais quand vous rencontrez d’autres maîtres d’ouvrages, est-ce que ceux qui ne sont pas architectes sont vraiment très différents de vous, est-

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ce que c’est quelque chose qu’on apprend dans la maitrise d’ouvrage ? c’est-à-dire, est ce que le fait de construire, est-ce qu’on a naturellement envie de faire de la qualité, ou est que c’est votre bagage en tant qu’architecte qui vous donne cette envie là ? Non, ce n’est pas mon bagage d’archi. Je fais partie d’une association qui s’appelle « le Club des Femmes du Batiment », où il y a des maîtres d’œuvres, des maîtres d’ouvrage, des entreprises, des responsables de sociétés qui font de la maintenance. Et dans les maîtres d’ouvrage, en fait, il y a plusieurs maîtres d’ouvrage ; il y a du Next City et des Cogedim en gros, souvent, ce genre de maître d’ouvrage, ce sont des ingénieurs en fait, par exemple il y a une consoeur qui est à la banque de France. Là, on est assez proches au niveau des moyens et de la qualité des ouvrages. Elle a beau etre ingénieur fluide, elle travaille sur des batiments patrimoniaux, donc il y a aussi un respect de la qualité. En fait, on aime le batiment, ça c’est le point commun, sinon, on ne reste pas trop longtemps dans ce métier. Enfin je pense, ou bien, on prend une autre casquette, c’est de la maitrise d’ouvrage aussi, des collègues par exemple qui étaient avec nous et qui sont partis, hommes, il y a en un maintenant qui travaille chez Cogedim et il fait de grandes surfaces commerciales, et ça c’est son truc. Après pour autant, ce n’est pas de la qualité, des chantiers commerciaux type Millenium ; oui, ce sont des chantiers qui intègrent le dévelopement durable, mais c’est un autre aspect…. Mais moi j’aime bien les petits détails. En fait, l’échelle me convient ici. Et ça, la maitrise des détails - je pose un peu une fausse question – ce n’est possible que si il ya des moyens ? Oui. Bon après nous, on construit pour notre personnel, et donc la philosophie chez nous, est qu’ on ne peut pas fabriquer des belles choses dans un environement qui n’est pas bien, pas joli, confortable ou lumineux, ce genre de chose. Sur les magasins, on ne peut pas vendre des beaux produits si l’écrin est moche. Ca fait partie des standards philosophiques, c’est aussi tourné autour du collaborateur, du vendeur, de l’empoyé, de l’artisan. Ca c’est la philosophie d’ici. Chez Canal + il y avait les moyens pour faire la télé, dans le bureaux c’était autre chose. Donc c’est vraiment ce couple : moyens plus philosophie qui permet de faire de la qualité ? Ah oui, oui, oui. Après, ça dépend où on met la qualité. Chez Canal +, à un moment, on a mis la qualité sur la télé. Maintenant, j’y suis retournée, car j’ai encore des amis là-bas ; quand je vois leur dernier studio, même le back-office, il y a le plateau où on fait le tournage, les émissions, et l’accueil du public, même ça, c’est dégradé, et à l’intérieur des locaux techniques, les régies et autres, c’est hyper dégradé. Je ne sais pas où ils mettent l’argent maintenant. Ils en perdent beaucoup certes. Il y a aussi le fait que j’ai connu Canal + au haut de la vague. A un moment au très haut de la vague où là où ils ne maitrisaient pas trop, il y avait un gaspillage terrible. Moi, quand je suis arrivée on resserait les boulons d’un peu partout pour rester en haut. Et puis par la suite, il y a eu des coupures nettes. Oui, avec l’arrivée d’internet, beaucoup de choses ont changé pour Canal +. Et donc, ils ont changés de paradigme. L’environnement a changé et et ils n’ont plus les meme moyens. Les collègues avec qui je parle essaient de faire de la qualité avec les moyens qu’ils ont, mais n’y arrivent pas. Et c’est difficile. Vous connaissez encore des personnes à la maitrise d’ouvrage ? Non, il n’y a plus personne à la maitrise d’ouvrage, ça n’existe plus. La direction immobilière n’existe plus, c’est les services généraux maintenant. C’est-à-dire que dans mon service à l’époque, on était quatre chefs de projets, un directeur et 3 assistantes, maintenant, il n’y a plus personne. Tout a été externalisé. Quand ils ont besoin de faire des travaux, ce sont les moyens généraux qui démarchent des entreprises, des architectes. Donc plus d’opérations de grande envergure.

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Et dans la meme veine, chez Hermes, vous êtes combien ? On est 3 plus le directeur qui fait aussi de l’opérationel. Donc 4 sur la partie site de production qui sont en opposition avec les sites de distributions, qui sont les magasins. Et sur les sites de distribution, vous savez combien ils sont? Ils sont 4. -Pour la France ou aussi pour l’international? En fait, c’est au niveau de la holding, ils ont une manière de travailler qui est différente de la notre. Nous on fait de la conduite directe, avec quelquefois de la maitrise d’ouvrage déléguée, mais on pilote directement ; alors que eux ont des relais dans les pays avec des responsables immobiliers, en Europe, aux Etats-Unis, ainsi qu’en Asie du Nord, Asie du Sud, et au Japon avec des relais dans ces endroits là. Et pas en Amérique du Sud ? Non, pourquoi avez-vous des origines là-bas ? Non, mais j’ai passé du temps au Chili, j’ai beaucoup aimé ce pays, du coup je n’ai pas entendu l’amérique du sud et trouvais cela bizarre. Non, il n’y a personne. Ben justement, c’est eux qui pilotent directement car dans certaines zones, il n’y a pas assez de magasins pour avoir un relais local. Vous venez d’où ? Je suis Américaine, d’Amérique du Nord, et c’est bon vous en avez parlé. (rires) Et combien de projets gérez vous ? Car 4 personnes ne me parait pas beaucoup. À la direction des projets immobiliers qui dépendent de Philippe Lallemand, en début d’année, on avait une trentaine de projets. Et on était que 3 car une des collaboratrices venait d’arriver. Donc moi, j’avais 10 projets. En fait, c’est des projets qui s’étalent dans le temps. Par exemple, sur un site de production de maroquinerie, on met 3 ans après le top départ. Concours d’archi compris jusqu’à la livraison. Mais il y a aussi des opérations qui sont comme la Halle, où il y a 6-7 millions de travaux en gros, il y a des projets de tailles variables. En fait, mes projets font de 350 mille à 15 millions d’euros. Donc on peut être à différentes phases. Il y a aussi des opérations où on est là en conseil, en AMO en fait. Sur les sites, on assiste les chefs d’établissement, quand ils ont des travaux, on veille à ce que les marchés soient fait dans de bonnes conditions juridiques, et on veille à représenter une bonne garantie des risques, sur les risques financiers, les risques de planning ou de la productions, ou de sécurité, on en est les garants de tout cela, on a ce role vis-à-vis de la holding. Si je résume, en opérationnel, pour moi, on a 3 chantiers en cours, deux opérations sur lesquelles on a déposé les permis qui devraient débuter en septembre, et la Halle qui devrait débuter en Septembre. Donc là, j’ai 6 opérations en direct, études ou gros projets qui m’ont demandé du chantier. En faisabilité, j’en ai 4 qui vont sortir, et en assistant MO j’en ai 3. Et puis il y a ce que j’appelle des petits serpents de mer, parce que ce sont des sites de production où il y a eu des problèmes du genre à chaque orage, on a eu de l’eau de pluie qui refoule, des choses comme ça, alors on a fait des disgnostics et j’ai fait faire des études. Donc ça fait 13 en tout, mais en réalité, 6 sont opérationels, sur le papier. Et les autres, on les fait… ben en fait, il n’y a que 5 jours dans la semaine.

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Oui en effet seulement 24 heures dans une journée, dont 6 à dormir on espère (rires). C’est impressionant. Oui, et mon patron est aussi chargé, en plus, lui il a la partie stratégique. Donc, vous êtes tous chargés comme cela. Oui, il y a ma nouvelle collègue qui vient d’arriver en juin qui a 10 ans de métiers dans le batiment, mais ma nouvelle collaboratrice, elle est nouvelle dans le métier, donc je la forme en même temps. Mais c’est un métier qui s’organise. Quand je suis arrivée, il n’y avait que deux écoles qui formaient à la maitrise d’ouvrage. Il y avait les Ponts-et-Chaussée et l’ESTP. Et maintenant, je ne saurai même plus dire, on peut même se former par alternance. Je sais qu’il y a les Ponts de Marne la Vallée qui le fait par exemple. L’ESTP je ne sais pas…. Et vous, qu’est ce qui vous intéresse dans la maitrise d’ouvrage ? En fait, je la connais mal. Donc, c’est peut etre comme vous le disiez, urbanisme maitrise d’ouvrage, peut-être que je m’imagine quelque chose qui n’existe pas. Ce que j’ai pu voir avec mon amie qui travaille chez Vinci, c’est justement ce coté pilotage, le chantier. C’était les deux échelles : Soit le coté organisation-production, j’aime beaucoup tout ce qui est faire la synthèse de beaucoup de données compliquées, je suis très matheuse, alors, je pars dans le système en fonction, ça me parle complètement, et à la fois, le chantier, le détail, comment est-ce qu’on fait. C’est pour cela que c’est passionant sur le chantier avec Pierre-Alexis, parce que on a contacté des entreprises, on s’envoie les détails, on les critique, on voite leur mise en œuvre, j’apprends, c’est ça qui m’intéresse. Ce que je trouve hyper intéressant dans la maitrise d’ouvrage, c’est cette fonction qui est de faire sortir le projet de terre, avec des composantes économiques, des composantes techniques avec une réalité politique d’entreprise, ou politique en général ; et c’est une vraie synthèse de tout un tas d’enjeux que je trouve hyper intéressants. Après, à voir si la profession ressemble à l’idée que je m’en fais. J’ai travaillé dans plusieurs agences avec à chaque une nouvelle facette et j’ai du mal à voir ce que je voulais faire. C’est-à-dire que, pousser une souris ou décaler les gaines, ça ne me fait pas rêver et ça ne me fait pas lever le matin. Par contre, réfléchir à d’autres aspects, tel que, il faut qu’on atteigne une certaine qualité, ou la considération des enjeux avec un maire, le relationnel par exemple me parait très intéressant. Je me retrouve plus en fait dans la maitrise d’ouvrage où on porte le projet plutôt que dans la maitrise d’œuvre, où on est tributaire de ce que porte la maitrise d’ouvrage, il me semble. C’est peut etre mon côté mégalo ou j’aime avoir le pouvoir, et avoir la main mise sur les choses, le contrôle. Si j’ai vraiment envie de quelque chose, mais que de l’autre coté on me dit, non, je ne paye pas, je ne peux pas porter mon projet. Alors que la maitrise d’ouvrage permet de pousser la qualité. Oui, elle le peut. Mais, un jour, un prof d’archi en première ou deuxième année m’avais dit : « votre métier, c’est de savoir parler au prince comme à l’ouvrier. Si tu ne sais pas parler au prince, tu n’auras pas de commande, si tu ne sais pas parler à l’ouvrier, ton mur, tu vas le monter toi-même ». Donc il faut savoir intégrer tout cela et en faire la synthèse. Ce qui est intéressant, certes on doit rendre des comptes, mais dans ce cadre là, on a de la liberté. Des libertés qui viennent avec des responsabilités. C’est-à-dire, est ce que je mets tout mon argent dans une façade en cuivre que personne ne va voir, ou est ce que je la mets dans une étanchéite qui ne va pas fuir au bout de 5 mois ? c’est peut etre basique ce que je dis, mais c’est ça. Mais c’est une maitrise d’ouvrage toute particulière là ici. Tout le monde n’est pas comme ça. Et d’ailleurs si ça vous intéresse, je peux vous donner les contacts d’un copain de la meme école qui a fait des années de maitrise d’œuvre, qui s’est mis à son compte et qui s’est cassé la figure et qui est reparti en agence, et qui s’est dit à un moment, ce n’est pas possible, donc il a fait une formation peut etre à l’ESTP et maintenant, il travaille aux Orphelins d’Auteuil, c’est une fondation avec un patrimoine immobilier énorme. C’est un archi qui dessine super bien. (rires) Lui, il a complètement arrêté sa pratique en tant qu’architecte, il l’a mise entre parenthèse.

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Je vous l’enverrai par mail. Oui, en effet, ça me permettrait d’avoir un autre regard. Oui, lui il est passé par l’école. Moi, j’ai appris dans les sociétés où j’ai travaillé. J’ai également appris des autres AMO que j’ai connu. C’est plus un savoir concret, mais il me manque peut-être une structure que l’école donne. J’ai eu ce choix en quittant Canal+ de me former à une maitrise d’ouvrage pure. Mais je n’avais pas envie de retourner à l’école, dix ans d’études, c’est dèjà bien. (rires). Après j’ai fait des formations professionnelles, responsabilité de la maitrise d’ouvrage, responsabilité pénale, chantiers en sites occupés, plus adaptés à ma fonction actuelle. Peut-être quand je serai plus vieille, j’aurai envie de retourner à l’école….(rires). Et vous, vous êtes passées directement du bac aux études d’archi ? -Oui, moi j’ai pris du temps dans mes études. J’étais la première de ma famille à faire de longues études, pas d’archi dans ma famille. Mon grand-père a été chef de chantier longtemps, en travaillant notamment avec Jean Prouvé, et il a fini dans la maitrise d’ouvrage d’ailleurs, donc ça me permet d’en parler un petit peu. Il a été pour moi d’une culture constructive. Il m’a dit quand j’ai commencé, de ne pas étre de ces archi « con » qui ne savent pas construire mais qui demandent de construire n’importe quoi. Donc une pression de faire bien tout de suite. Donc oui tout de suite les études, mais pendant, je me suis donnée du temps. J’ai fait des pauses pour voyager et lire, je suis allée au Chili, j’ai beaucoup lu, fait plusieurs stages et workshop. Je ne suis pas très scolaire donc ça me convenait. J’ai essayé de faire de l’humanitaire, mais ils voulaient un ingénieur sans comprendre le métier d’archi. Alors il faut re-expliquer la valeur de notre métier. Oui, en effet, beaucoup ne connaissent pas. Ils parlent d’architecte d’intérieur ou d’extérieur. Mais je me rends compte que même bien des années plus tard, les meme questions se posent encore. Oui chacun se pose des questions, comme c’est un métier passion, quand on arrive vraiment dans la profession, je me suis rendue compte que ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais, alors comment on fait pour retrouver ce que j’avais envie de faire au départ ? Moi, quand j’ai eu des doutes, je me suis arrêtée pour penser à ce que je sais faire, à ce que j’aime vraiment faire. C’est comme vous le disiez, tout à l’heure, qu’est ce qui me fait lever le matin ? On passe tellement de temps dans ce travail, que c’est vraiment important. Pour moi aussi. -Je dois aller rejoindre mon prochain rendez-vous mais vous m’enverrez une copie de votre travail ? De toute façon nous nous reverrons certainement pour le projet Petit h ! Oui avec plaisir ! Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions !

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Annexe 6 :

Petit manuel de « savoir-survivre » à l’usage des architectes Marie-Douce Albert avec Nathalie Moutarde lemoniteur.fr Pour les architectes, 2015 arrive avec son lot d’incertitudes. Avec une commande publique quasi nulle et des programmes de logements privés en berne, 2014 a été une année sinistrée. Sans parler des abandons de projets décrétés dans la foulée des élections municipales. Alors, la profession y va de ses pronostics. Certains fondent des espoirs sur le choc de simplification, la réforme territoriale, voire la « stratégie nationale pour l’architecture » promise par Fleur Pellerin, ministre de la Culture. Mais l’optimisme n’est pas la règle. Les agences, petites ou grandes, à Paris ou en région, tentent néanmoins de pallier la situation par une organisation optimisée. Pour Xavier Gonzalez, de l’agence Brenac & Gonzalez, « le maître mot est adaptation. » Il n’est pas de solution miracle, ni de réponse immédiate. Cela se saurait. Mais quelques stratégies engagées sur le long terme peuvent aider. Unir les forces « Un architecte ne peut plus travailler seul dans son coin. Nous leur adressons donc ce message : mettez-vous en société, groupez-vous, structurez-vous, vous serez plus forts, plus efficaces », lance Jean-Michel Daquin, le président du Conseil régional de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France (Croaif). Dans un pays où seulement 8 % des agences comptent sept salariés et plus (voir ci-dessous), la mise au pot commun des idées et des moyens a justement tendance à se développer, au moins pour des projets ponctuels. Peut-être davantage que le regroupement en société, qui nécessite d’avoir une même conception de l’architecture dans la durée, les architectes privilégient les associations sur des projets spécifiques. Par exemple, les agences parisiennes Air et Laps, ainsi que l’atelier de design ADN, qui partageaient déjà leurs bureaux, ont créé le collectif Hyperuranium pour collaborer sur certains projets. Pour Olivier Leclercq, d’Air Architectures, « la crise provoque cette ouverture d’esprit qui nous amène à travailler avec d’autres ». L’union permet d’atteindre la masse critique qui ouvre l’accès à des programmes de plus grande ampleur… Et donc plus rémunérateurs. Chacun apporte ses compétences, mais aussi ses références. En s’associant à des confrères qui ont déjà réalisé des lycées, des piscines ou des logements, on peut être admis à concourir pour des programmes auxquels on avait jusqu’alors jamais touché. Un « plus » indéniable quand on sait que la polyvalence prime désormais. Sortir des cases Xavier Gonzalez pointe un défaut bien français : « Nous adorons mettre les gens dans des pots. Il est ensuite difficile d’en sortir. » Or, la survie des agences tient désormais à leur capacité à se diversifier. L’agence Gautier + Conquet, installée entre Paris et Lyon, est de longue date « à la fois sur les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage, explique l’architecte Dominique Gautier. Quand la commande se restreint dans l’espace public, mais reste assez stable en architecture, cette non- spécialisation est assurément un atout. L’agence renforce à présent son pôle urbanisme pour

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approcher des maîtres d’ouvrage publics qu’on ne connaissait pas ». De nouveaux donneurs d’ordre, les architectes en cherchent aussi du côté du privé. Ils sillonnent sans doute davantage les allées de salons de l’immobilier, comme le Simi ou le Mipim, ou tentent le contact direct. « Nous sommes assez sollicités, en particulier par de jeunes agences, note Pauline Brossard, à la direction du programme Rehagreen chez Bouygues Immobilier. C’est aussi parce que les promoteurs portent plus attention à l’architecture, surtout depuis que l’on reparle de qualité d’usage. » Parce qu’elle souhaitait de longue date dessiner du mobilier, Sandra Planchez, qui a créé l’agence Splaar en 2013, vient, elle, de concevoir un modèle de lit modulable. « Cela permet aussi de diversifier les sources de revenus », remarque-t-elle. L’appel du large, enfin, peut se faire ressentir. Néanmoins, travailler à l’export relève de la stratégie de longue haleine. L’agence parisienne AW², créée en 1997, fait 80 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, « mais c’est dans l’ADN de l’agence depuis le début », explique Stéphanie Ledoux, une des deux associés. Et quand Jean-Paul Viguier, qui est à la tête d’une des rares agences françaises employant environ 100 personnes, dit « intensifier la prospection à l’international », il a pour lui d’y être déjà connu. Affûter les outils A devoir être polyvalents, les architectes sont donc censés savoir tout faire, et être parfaitement au point y compris sur les grands enjeux les plus récents que sont la qualité environnementale, la réhabilitation, l’accessibilité, etc. Et, bien évidemment, cet outil de conception numérique qu’est le BIM (Building Information Modeling). La formation continue en devient un passage recommandé, voire obligé. Organisme de formation pour les architectes créé en 1968, le Gepa a notamment constaté ces derniers mois une forte demande au sujet des Agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP). « C’est un marché nouveau. Du coup, pour l’offre mise en ligne depuis octobre dernier, 600 personnes sont déjà inscrites. Et nous avons drainé un public qui habituellement ne se forme jamais, comme les architectes libéraux. C’est très révélateur d’une recherche de nouveaux débouchés », remarquait récemment Bernard Coudert, son président. Quant au fameux BIM, si l’ensemble de la chaîne de la construction n’est pas encore engagé dans cette révolution numérique, certains aiguisent déjà leurs connaissances. Depuis un an et demi, les équipes de Jean-Paul Viguier se sont ainsi formées à l’utilisation du logiciel Revit. Pour l’architecte, « la crise nous oblige à faire la différence par rapport à nos concurrents. Celle-ci peut tenir à notre maîtrise de la 3D ». Tenir les comptes « Je ne sais pas gérer. » Quand Jean Nouvel fait cet aveu au journal « Le Parisien Magazine », en décembre 2014, il entretient le mythe de l’architecte-artiste qui œuvre pour la postérité, mais qui a les poches percées. La profession a cependant conscience aujourd’hui que les agences sont des entreprises comme les autres, et beaucoup mesurent leur responsabilité à tenir les cordons de la bourse. L’architecte Xavier Gonzalez souligne l’importance accrue de la gestion « en période de crise, quand on est dans l’hypernégociation. Il faut être rigoureux et nous ne sommes pas formés pour ça ». Les agences ont bien compris qu’il fallait confier ces missions d’administration, de comptabilité ou de gestion des ressources humaines à des professionnels. Quand leur taille le leur permet, elles y consacrent un poste en interne. Mais de petites agences, comme celle de Sandra Planchez, font appel à un prestataire extérieur. Avec Fages Conseil, Michelle Lobjois propose depuis vingt ans aux maîtres d’œuvre des services de secrétariat général externalisé. Et elle observe aujourd’hui que « les architectes de moins de 40 ans sont soucieux

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de ces questions. Finalement, nous parvenons aussi à faire comprendre à leurs aînés que gérer c’est anticiper. Et que tout ça, c’est autant de temps de gagné pour faire de l’architecture ». Soigner l’image La crise, pour le moment, le photographe d’architecture nantais Stéphane Chalmeau n’en ressent pas complètement les effets. « Avec le temps du chantier, les projets gagnés il y a cinq ans sortent de terre, alors j’ai du travail et même un peu plus qu’habituellement. Quand, sur un concours, les architectes doivent se battre à 500 et non plus à 50 comme avant, leur réflexe est en effet de soigner leur book, constate-t-il. Mais ils sont aussi plus vigilants sur les devis qu’ils nous demandent. » Ce souci de la promotion, les deux fondatrices de l’agence de communication Metropolis, Olivia du Mesnil du Buisson et Chloé Habig, l’ont constaté : « tout le monde est concerné, y compris des architectes de province qui jusqu’ici ne s’étaient pas posé la question, parce qu’ils jouissaient d’une bonne assise locale. Maintenant que les agences parisiennes viennent prospecter sur leur territoire, ils veulent user des mêmes outils de communication ». Pour se faire connaître des médias autant que des maîtres d’ouvrage, les architectes donnent aussi davantage de leur personne. Ils sortent plus dans les cocktails et les conférences, serrent plus de mains… Mais l’agence Metropolis met en garde contre la tentation de l’ultracommunication : « Se faire connaître n’est pas une fin en soi, cela doit rester un support. » Un architecte prévient encore : « Il faut doser. Quand une agence communique trop, on pourrait imaginer qu’elle a déjà beaucoup de travail. » Activer les méninges Ce temps de crise, finalement, ne pourrait-il pas être vu comme un moment de pause, un temps utile pour prendre du recul et tenter de nouvelles approches ? Et ce, même si la baisse d’activité dans les agences reste relative, puisque les effectifs ont souvent baissé et que les journées de travail ont rallongé. L’agence Vallet de Martinis, par exemple, a mis à profit « un creux » pour participer, en association avec ses confrères de Diid, à un concours international ouvert lancé par le musée des Beaux-arts de Budapest, en Hongrie. Heureuse initiative, puisque leur projet pour le musée d’Ethnographie a été désigné lauréat par le jury en décembre dernier. De son côté, l’agence Moreau-Kusunoki est l’une des six équipes finalistes, sur 1 715 participants, pour le projet du futur musée Guggenheim d’Helsinki (Finlande). Pour Olivier Leclercq, de l’agence Air Architectures, il est temps aussi de « réinventer notre métier. On ne peut plus tabler sur un retour de la croissance. Il faut donc commencer à travailler sur une économie plus solidaire, fondée sur des financements alternatifs ». C’est peut-être aussi cette envie de nouveaux modèles qui explique le succès rencontré au cours des derniers mois par l’exposition « Matière Grise » au pavillon de l’Arsenal, à Paris (voir notre article du 26 décembre 2014), qui vante les vertus d’un usage plus raisonné des matériaux et de leur réemploi. Olivier Leclercq est de ceux qui veulent croire en « la résilience », cette capacité à ressortir d’une situation de crise par le haut.

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