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THÉS ET METS, DES AFFINITÉS PARTAGÉES

Longtemps connu et apprécié pour ses vertus médicinales et sa capacité à stimuler le corps et l’esprit, le thé fut un aliment avant d’être une boisson raffinée dont on apprécie les qualités aromatiques. Et il faut attendre le début de notre siècle pour que thé et cuisine renouent des liens pourtant si évidents !

Du thé dans la soupe ?

Consommé depuis environ 3 000 ans, le thé a longtemps été un ingrédient à part entière. On a mangé le thé bien avant de le boire ! En effet, en Chine, originellement classé parmi les herbes amères, il était intégré à un mélange d’oignons, d’épices, d’écorces de fruits, de fleurs et de sel pour composer une soupe. Les feuilles étaient écrasées et compressées, puis rôties et réduites en une fine poudre que l’on battait au fouet dans une eau bouillante. C’est ainsi qu’utilisé comme un condiment, il est encore consommé dans certaines régions du Tibet.

Une boisson raffinée

Sous la dynastie chinoise Song (960-1279), le thé, vert, a commencé à être mis à l’honneur comme une boisson délicate. Les feuilles sont alors réduites en une très fine poudre à laquelle on ajoute un peu d’eau frémissante. Avec les Ming (1368-1644), le thé s’inscrit dans une recherche hédoniste : on apprécie le plaisir, avant tout esthétique, de le préparer, de prendre du temps pour le déguster, de le boire dans une belle céramique. Si l’on ne peut parler encore de recherche de goûts et encore moins d’émotions gustatives, on commence à identifier les spécificités aromatiques des différents thés. Les feuilles sont pulvérisées à l’aide d’une meule, puis la très fine poudre obtenue est battue à l’aide d’un fouet en bambou dans une eau frémissante jusqu’à l’obtention d’un mélange mousseux. C’est selon cette technique qui a inspiré les maîtres de thé japonais que l’on prépare encore le matcha au Japon (Cha No Yu).

Depuis le xive siècle, le thé est donc consommé sous sa forme actuelle, en infusion, dans un récipient. La bouilloire remplace les bouteilles à thé de l’époque Tang (618-907) et les thés sont infusés dans des théières et des zhongs.

Le thé à table, une tradition ancestrale en Asie

En Chine comme au Japon, aussitôt attablé, votre tasse de thé est remplie. Le thé accompagne non seulement tout le repas mais peut être dégusté à tout moment, en toute occasion. Il révèle toutes ces vertus que l’Occident met aujourd’hui en valeur : il hydrate, il aide les graisses à se dissoudre rendant les mets plus digestes, il n’est pas calorique, il réchauffe… Et au-delà de ces bienfaits santé, le thé trouve, particulièrement au Japon, des alliés naturels avec les mets traditionnels (sashimi, tempura, anguille grillée…).

DES THÉS « CUISINÉS »

On retrouve cette tradition du thé comme ingrédient que l’on intègre à une préparation dans le lei chai consommé au sud de la Chine (un thé pilé ou broyé, mélangé à des graines rôties, des herbes), le chai indien (une infusion de thé noir, d’épices et de sucre dans du lait entier bouillant), le siri thay sri lankais (un thé shaké avec du lait en poudre, du sucre et de l’eau bouillante), le lahpet birman (un thé fermenté ou mariné, souvent très épicé), ou plus récemment le bubble tea (un thé noir au lait sucré, très aromatisé, auquel sont ajoutés des glaçons et des billes de farine de manioc ou de tapioca).

FIVE O’CLOCK TEA Vers 1840, la duchesse de Bedford aurait été la première à inviter ses amies à se réunir, dans l’après-midi, autour d’un thé et de petits gâteaux. Ce moment, devenu un rituel, est aussi un héritage de la révolution industrielle qui, en changeant les rythmes de travail, a retardé l’heure du dîner et ainsi favorisé cette « pause ». Cette pratique, réservée à l’origine à la noblesse, s’est ensuite démocratisée.

D’infinis accords gastronomiques

Le thé a longtemps été réservé aux alliances avec des mets asiatiques – à la classique et non moins délicieuse union entre le parfum torréfié d’un hojicha ou les notes grillées d’un genmaicha et un poisson cru – et s’efface souvent face à l’incontournable accord mets et vins. Il est pourtant une incontestable alternative aux alcools, et notamment aux vins avec lesquels il rivalise par sa richesse et sa diversité aromatique. Pour découvrir d’autres horizons gustatifs, il est intéressant de concevoir chaque accord en tenant compte de la variété presque infinie des thés et de leurs saveurs plurielles. Les différentes températures de dégustation, propres au thé, sont un formidable atout. Elles créent une multitude de mariages possibles (voir les exemples illustrés ci-dessus) et permettent de jouer sur la texture et les arômes des mets avec lesquels il est bu. Imaginez aussi bien des associations ton sur ton, fusionnelles ou au contraire, en contraste1. Et en boutiques, nos tea sommeliers pourront vous apporter des conseils sur mesure ! •

1. Pour en savoir plus et découvrir une multitude d’accords, consultez Tea Sommelier par F.-X. Delmas et M. Minet (Chêne, 2016, p. 151-170) ou inscrivez-vous aux cours de l’École du thé (www.ecoleduthe.com) dédiés à cette thématique.

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