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mets un peu de mon cœur dans chaque saucisse»
from Aroma FR 02/23
by Pistor AG
Tanya Giovanoli perpétue la magie de l'art traditionnel de la transformation de la viande. La directrice de «meatdesign» nous parle de tradition, du «Nose to Tail» et de ce qui rend ses produits si uniques.
Je pense que quand on abat un animal, on se doit de créer des produits qui lui rendent honneur et d'en valoriser toutes les parties. Mais dans ma génération, et aussi chez les plus jeunes et certains anciens, beaucoup de gens sont révulsés par la langue, le sang ou le foie. Je voulais que cela change. Selon moi, c'est le rôle des producteurs de mieux faire connaître ce type de produits aux clients, de leur montrer qu'ils peuvent être délicieux et que presque tout se mange. Mon ambition est de créer des produits enthousiasmants en employant des morceaux rarement utilisés.
traditions anciennes, c'est une réelle satisfaction pour moi. Le choix de produits est très large et varié, et je suis toujours partante pour la nouveauté.
• Comme les produits marinés et fermentés. Comment en avez-vous eu l'idée?
• Madame Giovanoli, il est écrit sur votre site Internet que tout a commencé pour vous avec un livre de magie venu des hauteurs sauvages de la Maloja. Pouvez-vous nous en dire plus?
Dans le temps, la plupart des familles de paysans préparaient elles-mêmes leurs viandes. Je viens aussi d'une famille de paysans. Je ne sais pas à quand cela remonte exactement. On sait toutefois que mon arrière-grand-père était déjà dans la viande à la fin du 19ème siècle. Mais la tradition a certainement commencé avant cela. Je n'avais que trois ans quand j'ai découpé de la viande pour la première fois.
• Vous appliquez le principe du «Nose to Tail». En quoi cela consiste-t-il et quelles spécialités en tirez-vous?
On me demande souvent si j'achète des animaux entiers. Pas forcément: parfois, j'achète seulement ce que les autres ne veulent pas. Quand un animal est abattu, je ne me soucie pas du filet ou de l'entrecôte, cela part toujours. Notre tradition comprend des produits régionaux très typiques du Val Bregaglia, que l'on trouve aussi dans le Val Poschiavo et en Lombardie. Il y a également une influence du Nord: nous avons par exemple un produit qui ressemble à la viande des Grisons. Le salami et la maturation en cave sont en revanche moins courants en Suisse alémanique.
• Les temps changent: le métier était bien différent à l'époque de votre père. Y a-t-il des choses que vous aimeriez encore faire aujourd'hui, mais auxquelles vous renoncez pour des raisons économiques ou d'autres motifs? Oui, sans doute, pas parce qu'elles ne sont pas réalisables, mais parce que je n'ai que deux mains et que mes journées ne durent que 24 heures. Je reprends beaucoup de
Chez moi, tout était déjà fait maison – tout le reste est deux fois moins bon (rires). Quand on fait soi-même, on peut préparer exactement comme on aime. Et la demande était là aussi: beaucoup de gens voulaient des produits comme la choucroute. J'ai commencé à en faire également pour les vendre. Quand j'en prépare pour moi, je peux en prévoir un peu plus. C'est amusant, et cela me permet de proposer aussi des accompagnements avec les viandes. Il n'y a pas que la viande dans la vie, même chez moi (rires).
• En quoi vos saucisses à griller se différencient-elles des autres?
Pour commencer, je n'utilise aucun conservateur. Je suis convaincue qu'ils modifient énormément le goût. Je trouve, par exemple, que le sel nitrité pour saumure est beaucoup plus fort que le sel de l'Himalaya que j'utilise et qui a une saveur plus douce. Mes saucisses sont grossièrement hachées, elles n'ont pas une texture lisse. Elles contiennent aussi moins de graisse, bien que les clients pensent qu'il y en a plus parce qu'elle se voit plus. Et mes produits sont maturés. Les salamis standard maturent pendant une semaine au plus. Mes produits maturent pendant 8 à 40 semaines en fermentation spontanée. Cela se ressent au niveau du goût.
Portrait
Tanya Giovanoli
Originaire des Grisons, Tanya Giovanoli a une formation de bouchère, mais la viande ne tenait qu'une place accessoire dans sa vie à ses débuts. Après son apprentissage, elle a rattrapé le gymnase, étudié la gestion d'entreprise, puis travaillé dans la mode. Lorsque son père a mis fin à son activité de boucher, elle a créé meatdesign en 2019 et s'est consacrée pleinement au commerce de la viande.
meatdesign.ch
Bien sûr, il faut aimer, c'est différent de ce que l'on a l'habitude de manger. En tout cas, il y a beaucoup d'amour dedans. Quand des clients me rendent visite dans la cave, je leur dis toujours: «J'ai un grand cœur – dans chaque saucisse, il y a un peu de mon cœur, un peu de moi». La magie, c'est aussi d'assister à la production et de connaître la personne qui se cache derrière, qui fait tout à la main avec la passion chevillée au corps. Mes produits, ce sont mes bébés. Chez moi, on n'achète pas seulement de la saucisse, mais une vision, une philosophie. Mes produits ne parlent pas le même langage que les fast-foods ou les produits industriels. J'espère également contribuer à sensibiliser les gens à ce genre de valeurs.
• Quelle est la clientèle de vos produits?
Probablement les gens qui veulent savoir ce qu'ils mangent et recherchent des produits traditionnels. Le rapport à la nourriture n'est pas le même pour tout le monde: certaines personnes sont pragmatiques et veulent faire simple, elles achètent tout ce dont elles besoin dans la grande distribution. D'autres font leurs courses dans différents commerces. Mes clients ont plutôt une démarche très ciblée et prônent une consommation raisonnable de viande. Au début, je ne savais pas si mon approche