The Red Bulletin FR 02/22

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FRANCE FÉVRIER 2022

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DERRIÈRE LE MASQUE

Comment TESS LEDEUX a trouvé la sérénité dans le ski freestyle



Éditorial

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

MARIE-MAXIME DRICOT

Parisienne et passionnée de cultures alternatives, l’éditrice digitale du Red Bulletin a changé d’environnement pendant trois jours : direction Nice, afin de suivre la longboardeuse ­Marina Correia pour la production d’un documentaire court, Wheels of Freedom, disponible sur Red Bull TV. « J’ai pu véritablement entrer dans l’intimité de Marina, explique MarieMaxime. C’est une personne très altruiste, qui sait partager sa joie de vivre. » Page 66

LA VOIE EST LIBRE La femme forte derrière le masque en Une de ce numéro s’est lancée à la Plagne, pour devenir un phénomène (encore si jeune) du ski ; et le pilote volant qui vous fera décoller dans quelques pages (accrochez-vous !) régale les fondus d’action sports avec sa moto depuis plus de quinze ans. Quant à la Niçoise déterminée qui donne de la force sur son longboard, c’est du Cap-Vert qu’elle est arrivée, enfant, peu assurée à l’époque – ça, c’était avant. On vient aussi vous parler d’une jeune fille anglaise condamnée par la maladie à évoluer en fauteuil roulant, mais qui en a fait le moteur de ses exploits et de sa joie de vivre. Tess, Tom, Marina et Lily inaugurent une année 2022 que l’on espère (positivement) intense, et si aujourd’hui, leur voie est libre (le « freestyle » caractérise leurs disciplines), c’est parce qu’ils ont su encaisser les coups bas de l’existence pour en tirer un maximum de motivation. Bonne lecture ! Votre Rédaction

SANDRO BAEBLER (COUVERTURE)

BILL DONAHUE

L’Américain est journaliste ­depuis 1987. Il a collaboré avec les magazines Outside, Wired et The New York Times. Il a fondé une communauté d’artistes dans le New Hampshire dans laquelle il vit. Pour ce numéro, Bill a écrit un sujet qui rend hommage à l’esprit frondeur de l’incroyable entrepreneur du snowboard, Jake Burton. « C’était inspirant de se plonger dans l’histoire d’un homme qui vivait si profondément, dit Donahue, dégageant une force positive même lorsqu’il était malade et souffrant. » L’hommage à Jake vous attend en page 72. THE RED BULLETIN

De la joie ! Tess Ledeux lors de son shooting avec le photographe Sandro Baebler.

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CONTENUS février 2022

72 L’iconique Jake Burton était le snowboard.

6 Galerie : votre dose

­ ensuelle de folie m photographique 12 Des chercheurs qui veulent en finir avec le syndrome Dents de la mer 14 Incroyable : sa caméra est fourrée dans son œil 15 De la vigne au bitume, les sneakers innovantes de Laure Babin 16 Ce que le design doit aux femmes… beaucoup ! 18 L’éternel Santana nous dit là où ça gratte 20 Enfant Précoce, celui qui est devenu un artiste en voulant devenir artiste 4

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Quand le pilote FMX Tom Pagès passe en mode avion.

THE RED BULLETIN


24 Tess Ledeux

La championne de ski freestyle qui a transformé la douleur en motivation et en créativité.

36 Q ui suis-je ?

Corps en mouvement et esprits libres dans le portfolio de Chris Saunders.

48 A u-delà du FMX

Sa moto s’envole d’une falaise d’Avoriaz, et c’est une nouvelle vie qui s’ouvre à Tom Pagès.

60 L ily Rice

Rester clouée dans son fauteuil roulant n’était pas une option pour cette jeune Anglaise.

66 E n roues libres

La fougueuse Marina ­Correia veut propager ­l’espoir avec son skate.

72 J ake Burton

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Longboard, ou la planche de salut de Marina Correia.

THE RED BULLETIN

COURTESY OF BURTON, LITTLE SHAO, OLIVER GODBOLD

Plus que le snowboard, c’est une contre-culture qu’a définie la légende Jake Burton.

83 Voyage  : destination

Mont-Blanc avec le boss Nims Purja 88 Culture gaming : le top de la mode coréenne, c’est dans Les Sims 4 89 Matos gaming : un étui de luxe pour votre mini PC 90 Matos : quand la neige vous appelle, faites ça bien 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Photo finale : pure ligne  5



PYRÉNÉES, ESPAGNE

Le courroux des dieux YHABRI/RED BULL ILLUME

Dans la mythologie grecque, les montagnes étaient représentées par des divinités nommées Ouréa. C’est à elles qu’a pensé le photographe espagnol Yhabril en composant ce cliché, où l’on voit son compatriote Íker Fernández avec son snowboard à Punta Malacara. « Je voulais ce visage en colère à droite dans mon cadre, se souvient Yhabril. Il regarde avec ire l’humain qui profane son sanctuaire. » C’est effrayant. Essayez de ne pas croiser son regard… Trop tard ! Instagram : @yhabril

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DAHAB, ÉGYPTE

Bascule La fermeture des frontières due au confinement en mars 2021 a placé le photographe Enric Adrian Gener devant un dilemme : rentrer chez lui en Espagne ou poursuivre son travail en Égypte. Il est resté sur place. « Dahab est l’un des spots d’apnée les plus importants au monde, où champions, étudiants et instructeurs se retrouvent, explique Gener. Cette photo de la plongeuse et photojournaliste Nanna Kreutzmann a été prise lors d’un échauffement matinal. Des plongées peu profondes avant les abysses. » 27mm.net


DAVYDD CHONG ENRIC ADRIAN GENER/RED BULL ILLUME, JAN BURKERT/RED BULL ILLUME

PRAGUE, RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Ghost Rider Le photographe Jan Burkert a aussi dû s’adapter. Après avoir shooté le rider Michal Suchopár dans son studio, le Tchèque s’est déchaîné en post-prod. Cette photo, comme les autres de cette galerie, fut demi-finaliste de la catégorie Creative by Skylum de Red Bull Illume. Instagram : @burysss

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MITCH WINTON/RED BULL ILLUME

DAVYDD CHONG


WHISTLER, CANADA

En quête d’étoiles Spot : okay. Athlète : okay. Appareil ­photo : okay. Voie lactée… euh, quelqu’un a vu la Voie lactée ? Après avoir conçu l’idée de cette image – un composite de 24 photos montrant l’alpiniste québécois Guillaume Otis en train d’escalader le ­glacier Helm en Colombie-Britannique – le photographe Mitch Winton, originaire de Sydney, a dû attendre six mois (heureusement pas sur place) pour que la galaxie se mette en place. mitchwinton.com

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Les Dents de la mer, c’est du pipeau ! Un groupe de requins est en train de changer l’image des requins… via leurs réseaux sociaux.

L’un des plus gros mensonges d’Hollywood est que les requins sont des assassins sans pitié qu’il faut éviter à tout prix ou, mieux encore, ­éliminer. Allez raconter cela à Miss May, ou, comme elle est mieux connue de ses plus de 8 900 followers sur Twitter, @MissMay_Shark. Le grand requin blanc de 3 mètres de long, qui donne régulièrement des nouvelles à ses fans depuis son domicile dans l’Atlantique Nord, est l’un des nombreux (des centaines !) requins suivis par Ocearch, une organisation à but non lucratif composée de scientifiques et de pêcheurs qui s’engagent à protéger ces prédateurs aquatiques. Ocearch est l’idée du bien nommé Chris Fischer, pêcheur de longue date et ancienne personnalité de la télévision. En 2005, alors qu’il présentait la série télévisée américaine Offshore Adventures, Chris Fischer a appris des biologistes l’importance des grands 12

requins pour l’écosystème de nos océans. « Ils sont les administrateurs du système de l’océan, et l’océan est l’administrateur du système de la planète, développe-t-il. Sans grands requins, pas d’avenir pour l’humanité, c’est simple. » Fischer a commencé ses recherches en 2007, transformant son bateau de pêche en laboratoire en mer, le M/V Ocearch. Trois expéditions par an sont organisées au cours

À peine sorti de l’eau, on l’y remet direct : (en haut) un grand requin blanc subit des tests rapides à bord du M/V Ocearch ; (en bas) vue à vol d’oiseau du labo océanique.

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LOU BOYD

Une dent contre lui ?

ROBERT SNOW

TRAQUEUR DE REQUINS OCEARCH

desquelles chaque requin ­capturé est hissé hors de l’eau par un système hydraulique pour une série de tests rapides. « Les scientifiques travaillent comme une équipe de choc, explique Fischer. Nous essayons constamment de réduire notre temps de travail afin d’avoir un impact moindre sur l’animal. » Chaque requin est équipé d’un dispositif intelligent de transmission de la position et de la température (SPOT) et, dès qu’il retourne à l’eau, sa position est transmise à l’application Shark Tracker d’Ocearch, où les utilisateurs peuvent le suivre sur une carte interactive. Et aussi, bien sûr, via le compte Twitter de la bête. L’objectif est d’en savoir suffisamment sur les habitudes d’accouplement, d’alimentation et de migration des requins afin de préserver au mieux l’espèce et modifier la perception du public. « Nous avons lancé notre application de suivi et les gens ont afflué, tombant amoureux de ces animaux de 1 800 kilos », explique Chris Fischer. Les travaux d’Ocearch ont toutefois suscité la controverse. Certains chercheurs ont qualifié d’invasive la méthode qu’il utilise pour accrocher, soulever et marquer les requins, et son recours au chumming (trad. dispersion d’appâts ensanglantés pour les attirer) a été critiqué pour avoir modifié les habitudes alimentaires des animaux et mis en danger nageurs et surfeurs. La réaction de Fischer : « Nous avons décidé de participer à l’étude des poissons parce que nous savons comment les attraper et les relâcher. Nous recueillons des données rapidement et laissons les animaux partir en bonne santé. » Malgré ce projet, le requin est loin d’être devenu l’ami public numéro un. « Son côté Dents de la mer est une invention, dit Fischer. Changeons d’opinion sur les requins ! » ocearch.org


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Les grands cinéastes font voir la vie sous un autre angle. Ce Canadien partage sa vision unique du monde, depuis l’intérieur de son orbite.

Rob Spence est un réalisateur qui a travaillé sur des campagnes de pub pour des marques d’alcool ou de voitures. Ce Canadien de 48 ans a également réalisé un documentaire sur les cyborgs, ces humains améliorés mécaniquement. Spence est lui-même un cyborg. Équipé d’un œil robotisé muni d’une caméra, il se fait appeler « Eyeborg ». À l’âge de neuf ans, Rob Spence jouait aux cow-boys avec un fusil de chasse chez son oncle lorsqu’il a appuyé sur la gâchette et que l’arme s’est retournée, lui fendant le globe oculaire droit. Il a perdu la vue de cet œil, puis l’œil luimême à l’âge de trente ans. 14

À cette époque, Spence réalisait des documentaires et voyait un potentiel au-delà d’un œil de verre standard. « Je me suis inspiré d’une série télé, L’Homme qui valait trois milliards où un agent secret est reconstruit à l’aide de pièces bioniques », raconte-t-il. Spence a demandé l’aide de Phil Bowen, un fabricant local de prothèses oculaires, du scientifique californien Kosta Grammatis, qui avait travaillé avec le Massachusetts Institute of Technology sur un examen oculaire révolutionnaire pour les pays en développement, et de Martin Ling, un ingénieur électrique britannique spécialisé dans les

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LOU BOYD

Il vous a à l’œil

DAVID VINTINER

EYEBORG

c­ apteurs miniaturisés. Ils ont construit ensemble son premier « œil bionique » sur une table de cuisine, en utilisant un moule en cire de son orbite, une caméra minuscule, un émetteur et un interrupteur déclenché par des aimants. « Je l’ai appelé le “Eye-Mac”, parce qu’on peut en voir le fonctionnement interne », dit-il en riant, en référence à l’iMac translucide d’Apple. L’équipe a ensuite créé deux mises à jour : « Récemment, nous avons créé un œil argenté doté d’une diode électroluminescente rougeoyante nommé “The Terminator” », dit-il. Cependant, Spence n’a aucune envie de créer un œil qui corresponde à l’œil réel qui lui reste : « Cette impression de “vallée de l’étrange” est toujours présente et il y aura toujours quelque chose qui cloche avec cet œil, alors j’ai opté pour le look robot ». Le « projet Eyeborg » fournit le premier enregistrement vidéo au monde d’un point de vue littéral. La prothèse n’est cependant pas reliée au cerveau de Spence par le biais de son nerf optique ; les séquences, d’une durée d’enregistrement maximale de 30 minutes, sont visionnées sur un récepteur portable. « La résolution n’est pas très bonne, admet-il. Si je me frappe la tête, cela améliore parfois la qualité, mais cela ressemble un peu à l’hologramme de la princesse Leia demandant de l’aide à Obi-Wan Kenobi dans La Guerre des étoiles. » Afin de partager sa vision – littéralement – Rob Spence s’est associé à l’ophtalmologiste polonais Marcin Jaworski qui a mis au point un procédé d’impression en 3D pour des yeux artificiels. Leur objectif est de créer des prothèses oculaires prêtes à photographier pour quiconque en a besoin. En tant que cobaye de l’entreprise, Spence n’aura de cesse de faire évoluer son propre œil. « Parce que contrairement à vous, pauvres humains, je peux le faire ! » robspence.tv


LAURE BABIN

Les raisins du succès La jeune entrepreneure marche du bon pas. Invitée de notre podcast Aujourd’hui Demain, elle a lancé des baskets faites à partir de matières revalorisées, dont des déchets viticoles… Dans un sens, les pompes de Laure Babin sont « trash ». La créatrice de 24 ans ressuscite les déchets en objet de mode, en utilisant du marc de raisin, du plastique et du liège recyclés pour en faire des baskets en cuir vegan, sous le label Zèta, depuis septembre 2020. Comment ? Pourquoi ? the red bulletin :

D’étudiante en management à Bordeaux, vous êtes devenue créatrice de chaussures… Comment s’est faite la transition ? laure babin : J’ai toujours effectué des stages dans l’industrie de la mode et de la chaussure parce que ces spécialités me passionnaient. En dernière année de Master, je voyais

plein d’incohérences dans l’industrie de la mode, que ce soit au niveau environnemental ou social et c’est là que je me suis dit : « Comment, en tant qu’étudiante, je peux tout reprendre, tout déconstruire et en faire quelque chose de beaucoup plus logique ? » Quelle est la genèse Zèta ? Tout part vraiment du début de mon Master, quand j’ai intégré un incubateur étudiant. Pendant un an, j’ai travaillé sur ce projet, je me suis rendue au Portugal, j’ai rencontré les usines et les partenaires. On a fait le premier prototype en plein confinement puis, lorsque tout a été validé, après tous les tests possibles, on a lancé une

campagne de crowdfunding sur Ulule, en septembre 2020. Le début officiel de la marque. Dans un marché de la basket déjà copieux, comme s’est passé ce lancement ? En quelques heures seulement, on a atteint le ­premier palier de 100 paires, qui était notre objectif pour lancer la production avec l’atelier. Pourquoi le Portugal et pas la France ? Côté empreinte carbone, ça n’est pas très cohérent… Lorsque j’ai fait mon sourcing de matières premières auprès des fournisseurs, je voulais qu’ils soient le moins éloignés possible de l’atelier. On a 90 % des matières premières qui viennent du Portugal. Le fournisseur de semelles est à 10 km de l’usine de fabrication. On ne peut pas faire plus court en termes de circuit. Et le raisin dans vos baskets, il vient d’où ? La matière végétale de raisin vient d’Italie parce que c’est tout simplement le seul fournisseur à haut niveau mondial qui produit cette matière. On n’avait pas forcément le choix à ce niveau-là. Ensuite, les chaussures sont acheminées à Paris où se trouve notre entrepôt, même si nous sommes basés à Bordeaux, car c’est plus simple pour expédier à travers l’Europe.

LAURE BABIN

MARIE-MAXIME DRICOT

Comment fait-on pour ­transformer du raisin en cuir végétal ? La recette est secrète, mais je peux vous expliquer le procédé : pendant les vendanges, on va récupérer ce qu’on appelle le marc de raisin, c’est tout ce qui va rester lors de l’extraction du jus, donc les résidus, les pépins et les peaux. Tout cela va être mis de côté, déshydraté dans des fours, broyé en une fine poudre puis réintégré à du PU (polyuréthane) pour en faire une THE RED BULLETIN

matière que l’on va solidifier, puis étaler, teindre et enfin découper afin de l’assembler sur la chaussure. Combien de temps faut-il pour fabriquer une basket avec des déchets de raisin ? Lorsqu’on a toutes les matières dans l’atelier, ce sont plusieurs heures pour fabriquer la chaussure. Il y a différents postes, celui de la découpe, de l’assemblage… On va coudre, coller la matière préalablement solidifiée, on rajoute les lacets puis on emballe. L’atelier avec lequel on collabore au Portugal est familial, il travaille très peu avec des machines, tout est encore assemblé à la main. Les artisans ne sont qu’une vingtaine. Quelle est la volonté de Zèta Shoes ? Créer un produit qui ait du sens. C’est d’ailleurs pour cela qu’on est très transparent sur les réseaux sociaux. Le prix de 129 € pour une paire de Zèta se justifie quand on connaît notre processus de fabrication. On essaie d’en dire le plus sur les personnes qui fabriquent les chaussures, car c’est important, elles font partie du projet, de la marque. L’idée, c’est de déclencher une prise de conscience chez les consommateurs pour qu’ils se tournent vers un achat plus durable et plus raisonné.

Aujourd’hui Demain, un podcast The Red Bulletin Une invitation à la réflexion, un espace où coexistent des solutions et des idées propres à notre époque, à travers les expériences personnelles de nos invités. Comment souhaitonsnous construire un environ­nement sain pour s’inscrire dans un « bien ensemble » ?

Un podcast à retrouver sur les plateformes ­habituelles et sur redbulletin.com/podcast   15


Les innovations en design de ces cent dernières années seraient presque exclusivement dues à des hommes. Et si on changeait de perspective ? Créé en 1956, le fauteuil Eames est l’une des pièces de mobilier les plus emblématiques jamais fabriquées. Mais, à en juger par tout ce qui a été écrit à son sujet depuis, on a l’impression qu’il est l’œuvre exclusive du designer américain Charles Eames plutôt que le fruit d’un partenariat créatif avec son épouse et collègue designeuse, Ray Eames. L’année où le fauteuil a fait son apparition, Charles a été 16

THE RED BULLETIN

NINA ZIETMAN

Un fauteuil pour deux

présenté dans l’émission de télévision américaine Home comme son créateur, et Ray comme une « assistante ». En 1985, c’est Charles qui a été nommé « designer le plus influent du XXe siècle » par l’Industrial Designers Society of America même si tous ses travaux ont été réalisés en collaboration à parts égales avec sa femme Ray. L’histoire est une succession d’éloges et d’hommages aux designers masculins. On ne peut en dire autant des femmes qui ont façonné la vie moderne. Jane Hall (photo ci-contre), auteure britannique, militante et cofondatrice du studio d’architecture Assemble, veut changer cela. Le dernier livre de Jane Hall, Design au féminin, fait la lumière sur plus de 200 créatrices, entre le début du XXe siècle et aujourd’hui, en mettant l’accent sur celles qui ont

JANE HALL

DESIGN AU FÉMININ

travaillé sur des objets domestiques fonctionnels. « La maison a été au centre du changement social pour les femmes, explique Hall. De nombreuses créations présentées dans ce livre reflètent l’évolution du rôle des femmes. » Parmi ces objets, mentionnons la chaise Bibendum de 1926 de l’architecte irlandaise Eileen Gray, une bouilloire des années 1920 de l’étudiante du Bauhaus Marianne Brandt, et des couverts créés en 1976 par la designeuse danoise Karin Schou Andersen pour les personnes souffrant d’un handicap ­physique. Reconstituer cette histoire fragmentée n’a pas été une tâche facile pour Hall. « On manque cruellement de documentation, alors je me suis concentrée sur les discussions avec les gens et sur la récupération des histoires perdues au moyen d’une approche orale de l’histoire. » Selon elle, trois personnages de ces récits se détachent : les créatrices de meubles italiennes Cini Boeri et Nanda Vigo, et la créatrice de textiles britannico-caribéenne Althea McNish, toutes décédées l’année dernière. « Elles représentent la génération de femmes de l’aprèsguerre qui se sont forgé une carrière entièrement par ellesmêmes tout en comprenant que le design était un acte ­radical pour changer la société. Elles ont connu un succès artistique et commercial, ce qui pose ­problème aux designers d’aujourd’hui. Il est frappant de constater que des livres comme Design au féminin ne sont commandés que maintenant, alors que nous perdons tant de pionnières. » Mais, ajoute Jane Hall, la demande pour cette reconnaissance croît : « C’est quelque chose que les étudiants veulent savoir. J’espère que le design en tant que discipline deviendra plus large et plus inclusif. » Design au féminin, Éd. Phaidon ; phaidon.com.



CARLOS SANTANA

C’est là que ça gratte Quatre chansons qui font entendre les meilleurs solos de guitare de l’histoire du rock, choisies par un connaisseur.

Cream

Buddy Guy

Metallica

Purple Haze (1967)

White Room (1968)

« Jimi Hendrix est l’un des plus grands guitaristes de tous les temps et ce morceau est sa signature. Bien sûr, il y a aussi la chanson Foxey Lady, et sa version de All Along The Watchtower (l’ori­ ginale est de Bob Dylan, ndlr), mais c’est ici que son talent brille le plus. Il faut être un Albert Einstein de la musique pour jouer comme ça. C’est incroyable. Feeling et magie à l’état pur. »

« Eric Clapton (le guitariste de Cream, ndlr) est incroyable, et c’est l’un de ses meilleurs moments, au même titre que dans Layla sa chanson de 1970. Lui, Derek Trucks, un guitariste de blues US, et moi avons l’intention de faire un album intitulé Eric, Derek and the Mexican, version cosmique de la B.O. du film Le bon, la brute et le truand. Une musique pour aborder l’inconnu et l’imprévisible. »

Damn Right, I’ve Got The Blues (1991)

Nothing Else Matters (1991)

« Eric Clapton, Jimmy Page, Jeff Beck… Tous formidables mais le type dont mes frères britanniques et moi avons tous appris est Buddy Guy, le légendaire guitariste de blues de Chicago. Il n’y aurait pas de Jimi Hendrix sans Buddy, vous savez ? Il a inventé le turbo blues. Et vous pouvez l’entendre sur cette chanson. Son jeu est unique. »

« À l’époque où je vivais à San Francisco, ces gars étaient mes voisins de palier, et je les croisais souvent. J’adore ce que James ­Hetfield, le frontman de Metallica, a réussi à faire sur cette chan­ son : il l’a rendue tellement mélodique, passionnée et puissante. J’ai toujours voulu faire un album de heavy metal, j’adore l’énergie de ce style de musique. »

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JAY BLAKESBERG

Jimi Hendrix

MARCEL ANDERS

C’est au festival de Woodstock, en août 1969, qu’un jeune guitariste originaire de Jalisco, au Mexique, a eu sa chance. Mais lorsque le groupe de Carlos Santana, dont le premier album était sur le point de sortir, est monté sur scène (plus tôt que prévu), le jeune homme de 22 ans était encore sous l’effet de la mescaline. Cette performance est devenue l’un des moments les plus légendaires de Wood­ stock. Pendant que ses doigts galopaient sur les cordes, Santana grimaçait et transpirait alors qu’il domptait sa guitare, « un serpent électrique qui ne voulait pas rester en place ». De l’album phare de 1970, Abraxas, au retour sensationnel de 1999, Supernatural, jusqu’à son dernier en date, Blessings and Miracles, Santana s’est imposé comme l’un des guitaristes les plus innovants du rock avec sa fusion unique d’influences rock, jazz et latines. Le musicien aujourd’hui âgé de 74 ans présente ici quatre pièces parmi ses ­préférées où la guitare atteint des sommets. santana.com


*VIVRE DES MOMENTS INOUBLIABLES

Grande et majestueuse. Ressourçante et inspirante. Accueillante et généreuse. La Plagne a 60 ans. 60 ans d’amour de la montagne, 60 ans d’amour du sport et du grand air. 60 ans de partage, de découverte, de souvenirs. Cette saison, La Plagne célèbre cette montagne en héritage, cette montagne à transmettre, à valoriser, à protéger, pour que nos enfants, petits-enfants, et puis leurs enfants à leur tour, créent autant de souvenirs que nous l’avons fait depuis 1961. Cette année, La Plagne appuie son désir d’avenir et renforce ses engagements pour préserver cet environnement qui nous est à tous, si cher. Cette an né e, on y va !

- ©Elina Sirparanta

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Enfant Précoce

« Tu seras un artiste » À 24 ans, Francis Essoua commence à peindre. Autodidacte, il a trouvé une manière bien à lui de se frayer un chemin jusqu’aux galeries parisiennes : en décidant d’être artiste. Texte MARIE-MAXIME DRICOT  Photo CHRIS SAUNDERS

C’est au troisième étage du 6b – un centre de création et de diffusion installé à Saint-Denis (93) – que se trouve l’atelier d ­ ’Enfant Précoce. Looké à mi-­chemin entre le sapeur et le dandy du XXIe siècle, Francis, 32 ans, nous accueille sur un fond de musique africaine. Il est d’une élégance déconcertante. Et un peu timide, bien que nous n’en soyons pas à notre première rencontre. Mais pourquoi a t-il choisi le mot « précoce » dans son nom d’artiste ? « Je pense que c’est pour affirmer une sorte de maturité dans le travail. “Enfant”, ça représente la pureté et la naïveté. Un enfant, tu lui dis quelque chose, il le prend tel quel, c’est un peu un réceptacle de plein de choses et ça le nourrit. C’est ce qu’il emmagasine qui le définira plus vieux. Mais un enfant précoce, c’est celui qui est un peu en avance, celui qui peut avoir une maturité d’adulte, il fait son âge, mais il comprend certaines choses. Ce nom, je l’ai choisi en me disant : “Tu seras artiste”, il fallait un nom qui représente ce côté un peu naïf que j’ai de ma personne. » Pour lui, être naïf relève de l’inconscient, et il désire le rester. Son côté « précoce », il l’associe ­également à des choses « brutales, fortes ». Cet Enfant Précoce qui nous reçoit dans son atelier, c’est une métaphore. Le message derrière le tableau. Le lui derrière la toile. Arrivé en France depuis le Cameroun à l’âge de 9 ans, Francis Essoua commence à prendre les pinceaux à l’aube de ses 24 ans. Entre-temps, il a essayé beaucoup de choses pour se trouver et affirmer son identité. Il voulait être danseur, intégrer une école d’art à 12 ans, ce qui ne s’est jamais fait. Néanmoins, Francis a fini 20

par rejoindre des groupes de danseurs underground et à faire des battles : « À l’époque, que ce soit le hip-hop ou la danse électro, ce n’était pas des danses populaires à Paris. C’était rare de voir un danseur hip-hop faire une pub comme aujourd’hui. Il y en avait peu, mais il y avait quand même des modèles qui te montraient que c’était possible. » Il se dit alors que c’est le moment de développer ses skills, d’entreprendre de nouveaux projets. Il se lance dans la création d’une marque de vêtements, et s’essaie au stylisme en ­dessinant des silhouettes. « J’aimais bien m’habiller aussi, c’était mon exutoire quand je sortais dans les clubs. Étant réservé, j’étais looké pour que les gens viennent me parler. Voyant que je retenais l’attention, je me suis dit qu’il fallait que je fasse un truc pour moi, comme créer ma marque. À cette période, je dessinais pas mal. La mode m’inspirait, mais je n’avais pas encore l’intention de faire de la peinture. » Sa première fois sur une toile est arrivée quelques années plus tard, c’était « loin d’être un chef-d’œuvre » lâche-t-il en riant. Il ne savait pas ce qu’il faisait, mais avec une pratique quotidienne, il s’est familiarisé avec les couleurs : « J’ai commencé par

« Étant ­réservé, j’étais looké pour que les gens viennent me parler. »

peindre sur de petites feuilles, sur des cartons, des planches de bois, une toile de temps en temps, si je pouvais en acheter une… C’est ainsi que ça a démarré. » Peu à peu, Francis, s’interroge sur la nécessité d’améliorer sa technique, pour structurer davantage ses tableaux, prendre des cours, intégrer une école d’art, me dit-il avec un sourire en coin. Aujourd’hui, les couleurs des tableaux d’Enfant Précoce permettent de le reconnaître instantanément. Avant ça, il a trimé, pour se faire sa place, en autodidacte, mais avec une idée en tête, devenir un artiste, fidèle à son « Tu seras artiste », et grâce à une source de motivation, tout près. « Quand j’ai commencé la peinture, j’avais déjà une idée de là où je voulais être parce que j’étais inspiré par le parcours de mon oncle, Malam Essoua, qui a exposé à la Biennale, en Corée et en France. À chaque fois, c’était des expositions monumentales, il est sculpteur et il fait toujours des œuvres où tu en prends plein la vue. Le sens de son travail, c’est très deep, il parle beaucoup de la guerre, de l’humain, c’est très social et politique. » Francis prend le contre-pied de son oncle : son parti-pris est d’affronter notre monde avec de la couleur, tout en conservant la volonté de ­travail que ce proche lui a inculquée depuis des années : « Je suis inspiré par mon oncle, par Matisse, ou encore Picasso… Le gars en une semaine il fait une centaine de tableaux. Tu as envie de lui dire “Mec, dors, comment tu arrives à faire ça ?” Ça m’a donné envie de travailler encore plus. » Un travail qui finira par payer et à le mettre sous le feu des projecteurs des férus d’art autant que des amateurs, en janvier 2019, avec son projet Exposez-moi qui explose sur Instagram. Une communication initiée par Walk In Paris – une marque française imaginée par Léo Walk et Gary Neveu, qui se donne l’objectif d’associer confort et élégance – dont il était l’égérie. « Il fallait que je puisse montrer mon travail par tous les moyens possibles. Et Instagram, c’est une belle plateforme pour faire cela, c’est comme si tu étais ta propre galerie. THE RED BULLETIN


Une photo rare : Francis Essoua qui ne crée pas, ne peint pas, n’invente pas. Quoi que.

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Enfant Précoce

Je diffusais déjà pas mal mon processus de création sur les réseaux sociaux. Je montrais le fond, puis le dessin, la peinture, etc. jusqu’à la fin du tableau et je terminais avec un post du produit fini. » Grâce à Exposez-­moi, on est enfin venu le chercher, car selon lui, quand on est artiste et qu’on n’a pas de mécènes, « il est difficile d’avoir de la visibilité en musée ou galerie, surtout quand on ne sort pas d’institutions, parce qu’on n’a pas les contacts ». L’opération-expo mobile coup de poing Exposez-moi, montre ainsi à quel point il est difficile pour un jeune artiste de s’en sortir, et de se faire un nom pour entrer dans le monde opaque des galeries. Un monde où les cartes sont rarement redistribuées. « L’année où j’ai décidé de ne travailler que pour moi, pour mon art, il y avait des moments où je n’avais pas de thune, je me demandais comment j’allais payer mon loyer. Je me suis retrouvé à ­brader des dessins d’archives que je gardais depuis longtemps. » Mais Enfant Précoce danse la vie, et sa vivacité d’esprit lui permet de 22

« Il fallait que je puisse montrer mon travail par tous les moyens possibles. »

Regarder cette toile, c’est se plonger dans la personnalité d’Enfant Précoce.

trouver des solutions alternatives comme le tatouage au handpoke (technique ancestrale qui consiste à piquer manuellement la peau avec une aiguille et de l’encre) pour lequel il conserve son style pictural, et qui lui assure quelques revenus. Alors que nous plongeons notre regard dans l’ébauche de sa prochaine toile, Route Vers le Paradis, Francis nous rappelle que « même si tu n’as pas de galerie, il faut que tu puisses manger, et avoir du matériel pour peindre ». C’est à cette période précise qu’il a commencé à se donner une discipline. Une raison vitale, « pour manger et par amour pour son travail ». Pour cet homme au grand cœur, « il faut savoir rester dans le présent surtout, être résilient et vivre les moments où on éprouve des sensations ». Lorsqu’on contemple les œuvres d’Enfant Précoce, on a tendance à s’immerger dans son joyeux bordel organisé où couleurs chaudes, formes géométriques et teintes éclatantes se côtoient pour donner vie à des personnages oniriques, aux traits quasi-­caricaturaux aux lèvres charnues. Qu’il s’agisse de toiles XXL ou de versions miniatures, la naïveté de son trait est pensée pour que le public se laisse porter par un mouvement de légèreté, comme dans un bal, à l’image d’un conte africain. Avec Francis Essoua, l’optimisme est le mot d’ordre, pas le temps de niaiser. « J’ai envie de partager de la joie, beaucoup d’amour, de la paix et que les gens essaient de trouver le soleil qui est en eux. Il faut que ça sorte ! Il ne faut pas se laisser abattre par tout ce qu’il se passe autour de nous, ni par ce que la société nous dicte. Ce n’est pas ça la réalité ; la réalité, c’est soi-même. Il faut trouver la foi et la paix, tout en observant l’environnement dans lequel on est, c’est le plus important. C’est bien de se recentrer sur soi, ça permet de s’ouvrir aux autres. » Un exercice qu’il a pratiqué de nombreuses années, lorsqu’il n’avait pas encore la possibilité d’être heureux : « Ce sont des choses qui arrivent, mais après, tu te retrouves. Tu te dis que la vie n’est pas finie, qu’il y a encore plein de choses à découvrir, plein de choses à vivre. » Instagram : @enfant_precoce THE RED BULLETIN


@ca_des_savoie


À 20 ans, la skieuse Tess Ledeux en veut plus : plus de titres, d’originalité et de filles dans son sillage.


La manière forte

Victoires au plus haut niveau et drames personnels, à 19 ans la Savoyarde TESS LEDEUX peut déjà s’exprimer sur une vie sportive et privée intense. Sa détermination et son envie de donner ­encore plus, malgré les épreuves et d’énormes challenges à ­venir dans son ski freestyle, forcent le respect. Texte PATRICIA OUDIT  Photos SANDRO BAEBLER

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Tess Ledeux

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ifficile de deviner, sous la bouille blonde de Tess ­Ledeux, la rage de vaincre et de vivre qui s’y cache. Pourtant, aussitôt notre entretien commencé dans les locaux parisiens de Red Bull en septembre dernier, la star plus que montante du ski freestyle, dont la précocité (un premier titre de championne du monde de slopestyle à 15 ans en 2017, puis un autre deux ans plus tard en big air) étonne moins que la maturité, répond cash, droite dans ses boots, le regard franc et le langage sans tabous à chacune de nos questions. Elle parle de tout, de sa famille, des moments douloureux traversés, de son sport en mal de notoriété, de la place qu’y tiennent les jeunes femmes, en passant par ses maux de dos chroniques dont elle a fait une force. La jeune icône de la Plagne n’esquive rien, surtout pas le décès de son père en janvier 2021, qui au lieu de lui mettre un genou à terre, n’a fait que renforcer son envie « de tout défoncer ». Elle nous raconte comment elle a réussi à transformer sa peine en créativité, ses faiblesses en force, sans remords ni regrets. 26

« Le ski, c’est ma manière à moi de m’exprimer, de sortir ma colère, ma tristesse… Et ma joie aussi, ma force de vie. »

the red bulletin : Tout d’abord, Tess, comment allez-vous ? Physiquement et mentalement ? tess ledeux : Physiquement, ça va très bien. J’ai fait un bon entraînement cet été, beaucoup plus poussé que les années précédentes, parce que j’avais plus de temps et que j’étais concentrée comme jamais sur le ski. Mentalement, je suis impatiente de la saison qui arrive, une saison normale, avec douze compétitions, pas tronquée à cause du Covid. L’hiver dernier a été un peu particulier, pour ne pas dire très difficile… Oui, tout d’abord avec le Covid, on ne savait pas comment ça allait se passer, le début de saison s’est plutôt déroulé normalement, c’est plutôt vers la fin que ça s’est compliqué. Et puis tout début janvier, j’ai dû arrêter ma saison : j’ai reçu un appel de ma famille, m’annonçant que mon père n’était pas très bien. Cela faisait deux ans que je gérais le ski et la famille, un équilibre un peu complexe à trouver. Suite à cet appel, THE RED BULLETIN



Tess Ledeux

je n’ai pas skié pendant deux mois en plein milieu de l’hiver. Juste avant les mondiaux. Mon papa est mort fin janvier.

ça suffisait. Ils n’y connaissent rien en freestyle, mon papa aimait juste me voir sourire à l’arrivée. Et ça me rendait fière.

Comment avez-vous vécu, puis géré ce moment douloureux ? C’était dur, pour moi et toute ma famille. D’autant que j’ai dû retourner sur le circuit de compétition mi-­ février pour les mondiaux, donc deux semaines après que mon papa est parti. Je ne savais pas si je devais remonter sur les skis, si j’étais prête psychologiquement et physiquement parce que je n’avais pas fait de sport depuis plus de deux mois, je n’étais même pas allée faire une marche. J’étais au plus bas à tous les niveaux, physique et mental.

Après ces mondiaux, vous faites la meilleure ­saison de votre carrière avec deux globes de ­Cristal à la clé. Comment vous êtes-vous remobilisée ? En slopestyle, j’ai gagné quatre compétitions sur six et les deux que j’ai ratées, c’était aux Mondiaux, trois semaines après que mon père fut parti. Paradoxalement, j’ai fait une très bonne saison et je me suis rendue compte que le ski, c’était ma manière à moi de m’exprimer et de sortir ma rage, ma colère, ma tristesse, ma joie aussi et qu’à travers ça, je prenais beaucoup de plaisir. Sur le moment, je ne me sentais pas super bien sur les skis, à chaque fois que je ne réussissais pas comme je le voulais, ça me détruisait encore plus. Mais en faisant le bilan, je me suis dit que, si dans des moments douloureux, j’arrivais à m’en sortir, ça voulait dire que ça faisait partie de moi. Si on m’enlève le ski, on m’ampute d’une partie de moi, une partie qui me fait vivre et vibrer.

Dans ce contexte, avez-vous hésité à aller à ces championnats du monde ? Je me suis dit : il faudra que j’y retourne un jour, si ça se trouve, ça va me faire du bien de chausser les skis, de voir du monde. J’ai donc décidé d’y aller, accompagnée de ma grande sœur, pour ne pas être toute seule, car je partais pour un mois et demi aux États-Unis. Sur place, à Aspen, j’ai repris assez vite des sensations sur les skis, même si je fatiguais très rapidement. Le soir, j’avais du mal à récupérer, j’avais beaucoup de courbatures le lendemain. Mais le bon côté, c’est que j’ai vécu ces mondiaux sans pression ne pouvant pas être trop exigeante avec moi-même. Quatrième en big air et huitième en slopetsyle, pas si mal pour un retour prématuré sur le circuit … Oui, honorable, mais loin de mes objectifs de début de saison, où j’y allais pour gagner. Par contre, mentalement, ça été assez dur à gérer : d’un côté, je voulais être indulgente avec moi, mais de l’autre, je m’étais dit : il faut que je gagne pour lui, pour mon père. Depuis le premier jour où il était tombé malade, je lui avais répété, promis, que j’allais le porter au plus haut à travers mon ski, pour le faire vivre. Pendant ces deux dernières années, à chaque fois que je faisais un bon résultat, je le voyais rayonner ! J’avais envie de lui faire plaisir, toute ma vie. Aux Mondiaux, ça a été très frustrant car je voulais gagner pour lui, mais je n’en avais pas les capacités. J’avais l’impression de subir une double peine : le chagrin personnel et l’amertume de n’avoir pas été à la hauteur. Puis j’ai fini par me dire que mon papa aurait été indulgent avec moi et qu’il fallait que je le sois aussi. D’autant que votre papa n’était pas du genre coach à vous pousser en permanence… Il ne venait pas sur les compétitions, il était à des années-lumière du haut niveau, ce n’est pas grâce à lui que j’ai fait du ski, mais que j’ai le goût de la ­compétition, si ! Je n’ai jamais eu cette pression des parents agents, coaches, qui gèrent tout, parce que le rêve de devenir une championne de ski ne vient pas d’eux, ni de lui, mais de moi. Mon père ne vivait pas ma carrière par procuration. Mes parents sont restaurateurs, ils allaient faire trois pistes pendant la saison, 28

Pour reprendre, en la travestissant, une expression très utilisée par les sportifs, « ce qui l’a tué, vous a rendue plus forte » ? J’ai encore du mal à trouver les mots. Cet hiver, on me disait « Ça va te rendre plus forte. » J’avais envie de leur dire : « Taisez-vous, ça fait deux mois que ça s’est passé, comment ça peut me rendre plus forte maintenant ? » Je n’avais pas envie d’abandonner car ce n’est pas dans mon caractère, mais au fond de moi, j’étais détruite. Et puis, avec le recul, je me suis dit : « Très bien, il nous arrive ça, alors moi, j’ai envie de vivre ma vie encore plus intensément et de le faire vivre à travers ma vie. » Dans ma tête, j’ai cette devise, « vivre pour mon père ». Il est parti trop tôt, je vais prolonger sa vie. C’est le défi que je m’étais donné pour la fin de saison et j’espère que ça va marcher pour la saison prochaine. Comment avez-vous vécu l’intersaison ? Pas facile ! Je n’avais plus le ski pour m’aider, j’avais un peu refoulé la tristesse, et j’ai déménagé pour aller vivre à Annecy, pour la première fois toute seule, loin de ma famille, tout en vivant mon deuil. Début avril, je me suis retrouvée avec un lit au milieu de mon ap-­ partement, me disant : « Voilà, la vie recommence. »

« J’étais au plus bas à tous les niveaux. »


« Il faut être créatif, on a la chance de faire un sport hyper visuel. »


« Mon père est parti trop tôt, je vais prolonger sa vie. »

Malgré un corps, un cœur et un mental endoloris, Tess Ledeux a su trouver la sérénité dans sa passion : le ski freestyle.


Tess Ledeux

Au début, j’appelais mon copain sans arrêt, je ne voulais pas rester seule. Petit à petit, je me suis installée dans ce vrai nouveau départ. Encore une fois, j’ai trouvé, je ne sais pas comment, la force de repartir. Avez-vous été accompagnée ? Je vois une psy/préparatrice mentale depuis deux ans, ce qui correspond au début de la maladie de mon père. Elle m’a aidée à trouver l’équilibre et à ne pas refouler mes émotions. Tout le monde, après un deuil passe par cette phase. Puis au bout de quatre ou cinq mois, j’ai commencé à laisser venir les coups de blues. Et en fait, un soir, et puis deux et puis trois, à chaque fin de journée, tu lâches un peu. Et à chaque fois, je me disais : « Okay, tu as laissé sortir ta tristesse, mais lui, il aimerait que tu fasses ça, ça, et ça. » Et c’est comme ça que je me reboostais. Vous dites que votre père n’y connaissait rien en ski freestyle, mais qu’il vous a donné le goût de la compétition. De quelle façon ? Il n’était pas du genre à se laisser aller. Il est parti de chez lui à 16 ans, après avoir quitté l’école, puis l’école hôtelière, car la théorie, ce n’était pas son truc. Il a été chef de cuisine dans un restaurant gastronomique à 18 ans, il a ouvert son premier restaurant à 20 ans. À 22 ans, il a quitté sa région natale de Nice pour acheter une affaire à La Plagne, parce qu’il avait envie de montagne. Il a eu plusieurs restaurants, puis il a tout perdu du jour au lendemain. Il n’a jamais rien montré, il est reparti de zéro à Montpellier, et ça a très bien fonctionné. Un peu comme s’il faisait de la compétition, mais en restauration, avec le même esprit : se nourrir de tout ce qui lui arrive, que ce soit positif ou négatif. À chaque échec, il rebondissait encore plus fort ailleurs. Ce qui nous a fait tous grandir, c’est quand il a appris sa maladie. Il a dit : « Mais moi, je ne suis pas malade, je vais guérir et je vais vivre encore dix ans s’il le faut. » Quand il est entré à l’hôpital, vers la fin, il a dit : « Bon, quand est-ce qu’on rentre à la maison ? » Il nous a montré la force de croire en quelque chose. On lui donnait six mois, il a tenu deux ans et demi. Peut-être que je vivrais dix ans ou quinze ans de plus parce que j’ai cette persévérance et que je ne me laisserais pas faire si on me met des bâtons dans les roues. C’est la plus grande leçon que mon père nous a donnée. Ni regrets, ni remords. C’est cela, avoir un caractère de championne, comme le dit à votre endroit, votre célèbre cousin, Kevin Rolland* ? Je ne sais pas ce que c’est un caractère de championne, mais je ne pense pas que cela soit une coïncidence si la plupart des champions ont vécu des moments très compliqués dans leur vie. J’ai regardé beaucoup de reportages, écouté des podcasts sur ce genre de parcours, en me posant cette question : comment tous ces gens ont-ils réussi à être aussi forts en ayant vécu ces moments si pénibles et douloureux ? Je crois avoir la réponse : c’est parce qu’ils ont vécu ces échecs, ces THE RED BULLETIN

moments durs, qu’ils sont devenus des champions. C’est ça qui les a forgés, ce qui m’a forgée. Je ne sais pas si c’est le bon terme d’ailleurs, avoir un caractère de champion. Parce que dans la vie, des tas de gens ont un mental qui les fait se relever, sans être sportif de haut niveau. *Kevin Rolland, 32 ans, star du ski freestyle, triple vainqueur de la coupe du monde en half-pipe, entre autres. L’échec et les blessures sont constitutifs du sport de haut niveau, alors qu’on a tendance à n’insister que sur les victoires. Vous en pensez quoi ? Personnellement, je n’ai aucun mal à en parler. J’ai des gros problèmes de dos depuis l’âge de 15 ans, j’ai une jambe plus courte que l’autre de 2,4 cm. J’ai des sciatiques qui descendent jusque derrière le mollet presque tous les deux jours, j’ai eu un corset pendant huit mois, pendant ma première année à haut niveau. J’aurai des problèmes de dos toute ma vie, je pars avec ce petit truc en moins que les autres, cette douleur présente tout l’hiver, à chaque entraînement. Mais finalement, est-ce que ce ne serait pas mon petit plus à moi ? Mais j’ai mis du temps à l’accepter. J’ai 19 ans, j’ai pris de la maturité ; mais à 15 ans, je vivais ça comme une injustice totale, une trahison. Puis au fur et à mesure, je me suis dit : « Ça ne bloque pas tant que ça, j’ai juste besoin d’être davantage cadrée, mais ça va rouler. » Comment gérez-vous ce problème chronique de dos ? Je fais beaucoup de préparation physique, c’est 80 % du travail, beaucoup plus d’étirements que tout le monde. Je suis très bien suivie par des kinés et des ostéopathes. La clé, c’est de savoir m’écouter à l’entraînement : contrairement à la plupart des skieurs, je ne skie jamais toute la journée, mais deux ou trois heures. Je n’arrête pas parce que j’ai mal mais pour éviter d’avoir mal. Je me suis libérée peu à peu, et ça n’entrave plus mes entraînements. Même si je tombe, je sais que la chute ne va pas aggraver une blessure, sauf si je vais trop contre la douleur. Je n’ai donc pas particulièrement d’appréhension par rapports aux sauts, à la chute. À propos de préparation, comment avez-vous travaillé en fonction des grandes échéances à venir ? En gros, la préparation type d’une semaine, c’est trois à quatre séances de musculation, une séance d’athlé-

« Ni regrets, ni remords. »   31


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tisme, environ trois sessions d’aérobie, soit marche, vélo ou course à pied, et une séance de trampoline. Ce qui nous amène à deux séances de sport par jour sauf le dimanche. Je pratique une discipline avec énormément d’impacts et il faut être prête à les amortir. L’énorme échéance internationale qui vous attend en Chine en février, modifie-t-elle votre approche de l’entraînement ? On essaie de vivre plus intensément nos entraînements, de ne rien laisser passer, encore moins que d’habitude. En Corée, lors de l’édition 2018, mes premiers Jeux, je suis tombée, une erreur de jeunesse. En y participant, c’est un rêve qui a été réalisé une première fois, maintenant, le rêve c’est de monter sur le podium en 2022. Il y a beaucoup de compétitions avant, je ne veux pas me mettre trop de pression mais je donnerai le meilleur de moi-même en tous cas. On ne parle de nous mondialement qu’une fois tous les quatre ans… Est-ce que cela vous gêne de pratiquer une ­discipline où le taux de notoriété est faible ? On a une discipline qui mérite d’avoir une plus grande audience, et pas que tous les quatre ans où ça cartonne. D’ailleurs, quand on la montre aux gens, ils veulent en voir plus, en savoir plus. Je n’ai jamais entendu personne dire : « Ah, je n’ai pas aimé regarder du ski freestyle en compétition ! » Certains déclarent : « Je n’ai pas tout compris mais j’ai quand même envie

de regarder. » Les retours de gens qui n’y connaissent rien sont toujours les mêmes : ils aiment le côté ­spectaculaire et ils arrivent à repérer les bonnes prestations, si ça vole haut ou tourne plus ou moins vite. Le fait que ces sports soient jugés les rend compréhensibles aux yeux du grand public. Promouvoir ma ­discipline fait partie de mes objectifs. Mais pour ­arriver à titiller le grand public, il faut en passer par cette médaille en or. Revenons à la famille… Comment votre cousin Kevin Rolland vous a-t-il aidée dans cette période douloureuse ? En plus de m’entraîner souvent avec lui, j’habite ­maintenant dans la même ville que lui ! Il a été très important – et le reste – pour m’aider à gérer ma vie professionnelle. Il me conseille énormément, me fait partager son expérience. Kevin, c’est plus qu’un cousin pour moi. Il était très dur avec moi à l’entraînement, au début, je me suis dit : « Mais pourquoi il est méchant avec sa petite cousine ? À tout contrôler, alors qu’il est adorable avec moi dans la vie de tous les jours. » J’en avais parlé à mes grands-parents qui m’avaient dit : « Mais c’est parce qu’il veut que tu deviennes la meilleure ! » Quand j’ai passé ce cap de me dire qu’en effet, c’était pour mon bien, je ne me suis plus braquée et lui s’est calmé ! Et vous saviez qu’il avait raison : vous voulez toujours repousser les limites de votre sport, non ?

DOM DAHER

Enfin le soleil : une nouvelle ère s’ouvre à Tess après une période délicate. À droite : action à Stubai, en Autriche.

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« J’ai juste envie d’être la meilleure. » THE RED BULLETIN

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Et demain ? Tess veut déployer sa créativité, et être une motivation pour les skieuses de la nouvelle génération.


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Oui, c’est un autre objectif dans ma carrière. En cinq ans, toute une génération de filles a fait évoluer le niveau très fort et très vite. C’est quelque chose qui m’a toujours tenu à cœur. Je me disais que je serais la première fille à faire cette figure ou à faire évoluer tel pan de ma discipline. Chaque année, je me demande ce que je vais bien pouvoir faire de nouveau, de mieux, pour aller encore plus loin. J’aime faire p ­ artie de ce mouvement de filles, parce que je sais qu’il y a encore peu de temps, c’était difficile pour nous de se faire de la place, on critiquait notre niveau. Aujourd’hui, je suis fière quand les mecs de la compétition me disent : « Waouh, tu as tué le spot aujourd’hui ! » On a réussi à être admirées par les ­garçons. Cette année, mon idole Torin Yater-Wallace est venu me voir et m’a dit : « Jamais je n’aurais pensé un jour voir une fille faire cette figure-là (un switch double bio 1260, ndlr) ! » En fait il n’y a pas de limites. Il faut être créatif, on a la chance de faire un sport hyper visuel. Je vais pouvoir jouer plus sur ce terrain des images maintenant que j’ai passé mon bac. D’ailleurs, où en êtes-vous de vos études ? Je fais un DUT Techniques de commercialisation, à Annecy. C’est pour cette raison que vous avez quitté La Plagne, votre home spot ? Non, c’est parce que c’est plus pratique pour les entraînements qui se déroulent souvent en Suisse et en Autriche. Mais je reste super attachée à La Plagne, c’est là où tout a commencé. Le club des sports a une section freestyle très importante : sans eux, je n’en serais pas là aujourd’hui, c’est la base de l’édifice. La base, justement, vous pouvez nous la résumer ? C’est ma grand-mère, la Sudiste passionnée de ski, qui m’a mise sur des planches à 2 ans. Mon tout premier jour au club des sports en ski freestyle, après deux d’alpin, j’ai voulu prouver à tout le monde que j’avais ma place : on était partis faire du hors-piste, on fusait dans les bois et d’un coup, les autres ont tous disparu derrière un rocher. Je me suis dit : « Okay, moi aussi je veux sauter ! » Sauf qu’avant, j’ai freiné et je me suis fêlé le nez en posant sur le plat ! Deux avant cela, en alpin, j’étais partie skier avec mes parents, j’avais insisté pour aller au snowpark, je suis partie de tout en haut pour avoir assez d’élan. Comme je ne savais pas sauter, j’ai volé en étant complètement déséquilibrée et j’ai fait un beau plat ventre. J’ai perdu mes deux dents de devant et je me suis râpé tout le visage. En fait, j’ai fait un trauma crânien, à 7 ans ! Ça n’a pas dû les rassurer vos parents ! Oui, ma maman est flippée devant la télé ! Heureusement, Kevin (Rolland, ndlr) est passé avant moi. Elle sait que c’est maîtrisé, elle se dit : « Au pire, c’est une blessure, elle guérira. » Je pense que ce qui l’embêterait le plus, c’est de me savoir triste d’être obligée ­d’arrêter de skier. Mais l’émotion de me voir gagner emporte tout !

« Dans la vie, des tas de gens ont un mental qui les fait se relever, sans être sportif de haut niveau. » Dans votre carrière, y-a-t-il eu un ou des déclics ? Après la Corée en 2018. Pendant huit mois, je n’ai plus eu du tout envie de skier, il fallait que je digère le plus gros échec de ma vie. Quand je suis remontée sur mes skis, ma première course était ratée, puis j’ai terminé troisième, deuxième jusqu’à regagner. Au début, j’avais énormément de doutes sur le fait que j’allais faire une longue carrière. J’avais l’impression que ça allait être très éphémère, durer deux ou trois ans. Le déclic, ça a été de réaliser que je pouvais performer sur le long terme. Comment voyez-vous la suite de votre progression ? Techniquement, je vais pousser mes forces et gérer mes faiblesses. Je sais que j’ai un point fort en saut, je vais le travailler au max pour continuer à performer en big air, mais sans négliger le rail pour autant. J’ai encore beaucoup de titres qui manquent à mon palmarès ! Si je deviens championne olympique un jour, j’aimerais être double championne olympique. J’ai deux titres de championne du monde, pourquoi ne pas en avoir cinq ? J’ai juste envie d’être la meilleure, encore pendant dix ans. Avez-vous encore le temps de faire des choses en dehors du ski ? Quand je peux me poser, j’adore faire de la pâtisserie, de jolis gâteaux un peu chiadés, à la Top Chef ! Y a-t-il des causes pour lesquelles vous auriez envie de militer ? Il y a plein de causes qui me tiennent à cœur, comme la place de la femme dans la société, là, il y a encore du travail. J’aimerais pouvoir me promener toute seule dans la rue tard dans la nuit sans avoir peur. Notre pauvre petite planète aussi, elle va mal, même si je suis loin d’être irréprochable. J’attends simplement de trouver le bon mouvement, la bonne association dont j’arriverais à porter haut et fort les couleurs. Je veux m’investir, mais à 100 %. Comme dans le ski ? Exactement ! Pour le moment, la seule chose dont je sois sûre, c’est que je skierai toute ma vie. Instagram : @tessledeux   35


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Qui suis-je? Le photographe sud-africain Chris Saunders immortalise des talents qui expriment leur identité intérieure à travers les arts de la scène, la musique et la mode. Voici onze esprits libres qui ­célèbrent leur individualité. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE

Artiste fantôme

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2013 « DJ InviZAble est un musicien et performer d’Afrique du Sud qui porte toujours un masque et ne révèle ni son identité, ni sa couleur de peau, ni son sexe. Il veut que le public se concentre uniquement sur son art. Pour moi, ce saut résume son caractère extraverti extrêmement énergique. »

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Muse sur Tamise

Londres, Royaume-Uni, 2017 « La Sud-Africaine Manthe Ribane a été ma muse pendant plusieurs années. Lorsque nous nous sommes rencontrés, elle était danseuse au sein du groupe Die Antwoord avant d’enregistrer un album avec Okzharp (à droite). Pour cette photo, elle a enfilé le costume de scène qu’elle a elle-même conçu. »

French connection

Paris, France, 2017

« Lorsque Manthe et le musicien Okzharp sont partis en tournée à travers l’Europe, je vivais déjà à Paris. C’était très spécial de les photographier dans ma ville d’adoption. La photo révèle la grande proximité qui existe entre nous. On peut même me voir dans le reflet de ses lunettes de soleil. »

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Les rois de la pose

Soweto, Afrique du Sud, 2015 « Dans les années 1950, une culture de la danse a émergé dans les townships de Johannesbourg, aujourd’hui populaire dans toute l’Afrique du Sud : le pantsula. Les ensembles présentent des chorégraphies relatant leur culture et leur histoire. Pendant sept ans, j’ai accompagné et photographié des dizaines de ces troupes. Celle-ci s’appelle Rea Iktsetsa et, comme chacune d’entre elles, elle a ses poses caractéristiques, telles que celle-ci. »

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Icônes afropunk

Paris, France, 2019

« Le premier festival Afropunk a eu lieu à Brooklyn, en 2005. Depuis, il a fait des émules dans le monde entier. C’est une célébration de la diversité et de la tolérance que de nombreux visiteurs enrichissent de leur style créatif, comme ici le musicien parisien The Moe et sa compagne Bea. »

Un prophète

Paris, France, 2019 « Ce que j’aime le plus de Paris, c’est son multiculturalisme. On l’observe lors d’événements comme le festival Afropunk qui célèbre la culture alternative. C’est là que j’ai rencontré Cheikh, il est mannequin et est venu dans une tenue qu’il a lui-même imaginée, y compris le masque… alors qu’on ne parlait pas encore du coronavirus. »

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Toujours en vogue Paris, France, 2020

« Matyouz est une danseuse de voguing ­parisienne. Ce style de danse est né dans les ­années 1970 au sein de la communauté LGBTQ de Harlem et est désormais très populaire à Paris. Cette image fait partie d’une série pour laquelle j’ai collaboré avec l’association Art’Press Yourself qui promeut la diversité de la culture afro-urbaine à Paris. »

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Avec son double

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2018 « Umlilo fait de la musique électronique et ne veut pas être assigné à un genre. Les queers ont eu la vie dure en Afrique du Sud pendant longtemps. Umlilo se présente aujourd’hui fièrement sur un court de tennis à Joburg. Super ! Détail intéressant : son ombre ressemble à une silhouette féminine. »

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LE PHOTOGRAPHE « Quelle que soit la personne que je photographie, qu’il s’agisse du PDG d’une entreprise de mode ou d’un jeune artiste dans un township, mon objectif est de capturer son essence, explique Chris Saunders. Pour y arriver, il faut avant tout créer une atmosphère conviviale et ouverte, qui permette à chacun de se sentir à l’aise. » L’artiste de 37 ans l’a appris lorsqu’il était adolescent. À quinze ans, il a commencé à photographier des musiciens, des danseurs et d’autres créateurs à Johannesbourg. Il s’est particulièrement intéressé aux sous-cultures ayant leurs propres règles et codes, ainsi qu’aux personnes qui aimaient se distinguer et se présenter au monde. Le Fowler Museum de Los Angeles a exposé les photographies de son projet de longue haleine consacrées à la culture de la danse pantsula, tandis que plusieurs publications diffusaient de nombreux autres clichés. Chris Saunders vit à Paris depuis 2016. L’un de ses principes : « Lorsque tu t’ouvres au monde et que tu es disposé à avoir des interactions fortuites, il se passe souvent quelque chose de surprenant et d’intéressant. » chrissaunders.co ; Instagram : chrissaundersphoto

Les hauts de Joburg

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2015 « Pendant un an, j’avais un studio dans une ancienne usine. À l’époque, je photographiais beaucoup la scène street style. Un jour, les designers Lebogang Makgale (à gauche) et Skhumbuzo sont passés. Il y avait cette piscine en plastique, je leur ai demandé de se mettre dedans. Cette photo est l’une de mes préférées à ce jour. »

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Ceci n’est pas juste un « saut de ouf » du champion de FMX Tom Pagès à Avoriaz le 14 octobre 2021, mais le fruit de deux ans de préparation, d’innombrables heures à s’entraîner au saut en parachute, ou passées à s’instruire et se remettre en question. Et des minutes cruciales où le doute et la démotivation auraient pu l’emporter. Pas l’exploit d’un seul homme, mais une réussite collective.

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AU-DELÀ DU FMX Comment TOM PAGÈS, le king du freestyle motocross, est redevenu un anonyme pour apprendre des autres, et réaliser une performance parmi les plus incroyables de toute l’histoire de la moto. Texte PH CAMY  Photos ANTOINE TRUCHET & OLIVER GODBOLD


Tom Pagès

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e boss est devenu apprenti, pour s’installer à jamais au firmament des action sports. Il s’est entendu dire « tu es mauvais » pour le bien d’un exploit qui n’autorise aucune approximation, quelques secondes de jamais-vu mêlant moto et BASE jump. Un double front flip, suivi d’une évolution en parachute (pour le pilote comme pour la moto). Le tout dans un vide de près de 150 mètres. Il lui aura fallu tenir bon pour mener cette idée à bien, et pour honorer un ami disparu, essentiel à la concrétisation de ce rêve. Il lui aura aussi fallu ­accepter de voir son niveau en FMX pro s’affaiblir, et potentiellement ne plus jamais participer à une seule compétition. Mais pour le Français Tom ­Pagès, ce saut en « flight mode » n’avait rien d’un adieu ou d’un jubilé. C’est dans une nouvelle ère que son tremplin de 7 mètres de haut l’a ­projeté.

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Avant ce jour vraiment fou à Avoriaz, Tom avait bien fait quelques sauts en parachute, chauffé par ses amis les Soul Flyers, Fred Fugen et Vince Reffet, incroyables virtuoses du parachutisme et du vol propulsé, des sommités du « free flying ». Mais le pilote (cinq fois victorieux aux X-Games et le plus titré aux Red Bull X-Fighters ces dix dernières années) avait un rêve en tête dont il n’osait leur parler : un trick de freestyle motocross doublé d’une « exfiltration » en parachute façon BASE jump – ce type de saut en parachute depuis des éjections naturelles (falaises) ou artificielles (bâtiments). C’est quand Vince a luimême évoqué ce genre de combo que Tom a su qu’il était temps. Il fallait le faire. Mais le pouvait-il vraiment ? Habitué depuis quinze ans à dominer son sport seul, c’est avec d’autres qu’il y parviendrait : les Vince, Fred, Loïc, « Bras Noir », « Zoun » ou encore le speedrider Valentin Delluc. Et il ne fallait surtout pas se priver d’une équipe de production vidéo ­musclée (Supersize Films) pour partager l­ ’exploit (s’il devait se confirmer...) avec le monde entier, sur tous types d’écrans (des smartphones aux JT des plus grandes chaînes nationales). Un ouvrage collectif, soutenu par Red Bull France et inspiré par un autre saut à moto dans le vide, aussi à Avoriaz, le 9 octobre 1988 : celui du cascadeur Alain Prieur. Pour ce projet Flight Mode, le champion solitaire, le quasi-ermite créateur de tricks monstrueux dans sa base secrète espagnole (spot où il s’entraîne, innove et habite), s’est mis en mode reset. Après quinze ans à s’entraîner sept jours sur sept dans un concept 100 % moto (prenant jusqu’à cinq ans de préparation pour concevoir certains de ses tricks), le Nantais de 36 ans a lâché son guidon. Pour faire confiance à d’autres, s’effacer devant des experts de disciplines différentes de la sienne. Et vivre, ­différemment. Encore plus intensément. THE RED BULLETIN


« J’ai dû apprendre des autres, de gens meilleurs que moi, je n’étais plus personne et je n’avais pas mon mot à dire. » Sur cette rampe de tous les possibles, Tom Pagès a délivré une performance en « moto BASE » jamais vue, et s’est ouvert à une nouvelle vie.


Tom Pagès

« Ce projet, c’était un rêve commun avec Vince Reffet. Sans lui, je ne pouvais pas continuer. »

­ effet, l’un des deux Soul Flyers, les références R absolues du parachutisme, vous dire : « Tu es mauvais », alors qu’il vous initie à la chute libre intense à Dubaï. Quand on s’entend dire que l’on est le meilleur en FMX depuis des années, cela doit être énervant ? Quand Vince m’a dit cela, je ne l’ai pas pris de manière négative, et d’ailleurs, il a eu des mots plus tendres envers moi. (sourire) Quand il m’a dit que j’étais « mauvais », c’est parce qu’il y avait encore énormément à apprendre, et je sais qu’avec Vince, pour apprendre, ça ne va pas être fun. Il est là pour me coacher, pour que je fasse cela bien, et que je puisse apprendre rapidement. La moindre erreur est impossible, inacceptable, et il va me le faire payer cash, avec ses mots à lui… et comme c’est mon pote, ça ne va pas me faire rire. Alors, oui, dans ce contexte, ça n’est pas drôle. Mais une fois les parachutes mis de côté, on redevient les meilleurs potes.

L’homme volant, Vince Reffet : le moteur du projet Flight Mode de Tom, auquel il dédiera sa performance inédite.

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Est-ce que la disparition de Vince, qui a perdu la vie lors d’un entraînement Jetman à Dubaï, a remis en question votre projet ? À ce moment-là, pour moi, le projet, c’était fini… Je ne pouvais pas continuer. Parce que c’était un rêve commun, avec Vince. On m’a dit de prendre mon temps, et puis Fred, son partenaire, est venu vers moi. Si Fred était prêt à continuer le projet avec moi, alors j’étais prêt à aller au bout. Lui seul pouvait m’y amener à présent. Parce que les Soul Flyers, c’est Vince, et Fred.

the red bulletin : Tom, pour ce projet, vous êtes passé du statut de patron mondial du FMX à celui d’apprenti, qui reprend tout de zéro. ­Comment redevient-on « personne » du jour au lendemain ? tom pagès : J’ai dû me plier à de nouvelles exigences, m’ouvrir à une nouvelle discipline, de nouvelles techniques. Si j’avais de l’expérience en parachute, là il fallait joindre deux sports, le freestyle et le BASE jump. J’ai dû apprendre des autres, de gens meilleurs que moi, je n’étais plus personne et je n’avais pas mon mot à dire, je devais suivre leurs instructions, alors que dans mon sport, c’est moi qui annonçais la couleur...

Qu’est-ce qui s’est passé alors ? Fred m’a mis en relation avec l’un de ses super potes, Aurélien, alias « Bras noir », le top du top en matière de saut de falaise en BASE. J’ai aussi rencontré Loïc Jean-Albert, qui a fondé les Soul Flyers historiquement, pour sauter à La Réunion. Tous ces gens réunis sont des légendes, et j’ai eu la chance d’apprendre le BASE jump avec eux.

Dans le documentaire de la Clef Production qui est consacré à Flight Mode, on entend Vince

Jusqu’à ce projet, vous avez construit votre légende vous-même, par la seule force de votre THE RED BULLETIN

MAX HAIM/RED BULL CONTENT POOL, ANTOINE TRUCHET, OLIVER GODBOLD

Qu’est-ce que ça fait d’apprendre d’un expert comme lui ? D’évoluer dans les airs ensemble ? C’est un privilège. Je connaissais Fred et Vince depuis quelques années, depuis que j’avais rencontré les équipes de Red Bull, car ils étaient déjà soutenus par la marque à l’époque. On s’est mis à sauter un peu en parachute ensemble, mais je les voyais comme des potes, je ne percevais pas vraiment leur niveau. C’est en arrivant dans les centres de parachutisme avec eux, en voyant la façon dont les gens les regardaient, que je me suis rendu compte de leur impact. Et à force de sauter avec eux, et de constater l’écart de niveau qu’il y avait entre eux et les autres, ça devenait de plus en plus flagrant. Et je suis moimême devenu un fan des Soul Flyers. Un fan de mes potes.


En haut, en mode repérage : un petit coup d’œil à l’éjection dont Tom devra s’élancer, 150 m plus haut. Cette fois, il ne sautera pas qu’en parachute BASE, mais aussi avec sa moto. Facile ? En bas, une tenue inhabituelle pour une session parachute : Tom en équipement de FMX complet, lesté de son casque et de ses bottes, accompagné dans ce saut depuis un hélico par l’un des pros de « l’aérien » qui l’a formé durant son projet, Aurélien, alias « Bras noir ». THE RED BULLETIN

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Tom Pagès

Le plan de vol de Tom Pagès à Avoriaz Hauteur de la rampe : 7 m Longueur de la rampe : 15 m Hauteur de la falaise : 130 m de ­verticale au niveau de l’exit Hauteur atteinte en double front flip : 155 m (de la hauteur de l’exit), soit 15 m au-dessus de la rampe ; 170 m si on se réfère à la zone de posé Durée du saut : 3 secondes de tricks, 2 secondes de chute, 25 secondes sous voile, 30 secondes au total Longueur de projection par rapport à la falaise : 55 m Vitesse, à fond de 4 : 80 km/h Vitesse de chute de Tom, sans voile : 150 km/heure


« Toutes les questions que chacun se posait, trois sauts seulement allaient y répondre. »

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« J’ai le cœur qui frappe, fort, et je me dis : ”C’est du sérieux.“ » il y a plein de monde. J’ai beaucoup travaillé, j’ai appris un sport, mais c’était bien plus simple que de vivre chez soi enfermé.

Ne pas oublier d’ouvrir son parachute… et d’actionner celui de sa moto. L’engin de Tom Pagès rejoint la terre ferme tranquillement, à 15 km/h.

acharnement, avec une équipe extrêmement réduite autour de vous. Pour Flight Mode, vous voilà hors de chez vous, avec des collaborateurs et des personnes que vous ne connaissez pas, en immersion dans une communauté qui n’est pas la vôtre... C’était dingue de rentrer dans un monde complètement différent du mien, ce monde de « l’aérien », chez ces mecs qui passent leur vie à voler. J’ai appris d’eux, mais aussi de la nature, parce que l’environnement est un élément qui peut t’amener à l’erreur, selon les vents, la météo. Mon sport, le FMX, j’en connais un rayon, et là, je découvre tout. J’écoute. Je suis dans des conversations où je ne comprends rien, je n’arrive même pas à rentrer dans les discussions… Qu’est-ce qu’ils racontent ? Un peu comme quand je discute de moto avec des gens qui ne connaissent pas le FMX. J’ai dû apprendre beaucoup, beaucoup. Cela est-il resté un challenge plaisant pour autant ? J’étais tellement content de rentrer dans ce milieulà, de découvrir de nouvelles personnes, de m’ouvrir, de sortir de chez moi, de mon parc d’entraînement où je suis tout seul avec juste mon mécano, toute l’année à huis clos pour m’entraîner et créer des figures… Là, d’un coup, j’ai une vie normale, je bouge, je voyage, on parle avec les gars, on part en montagne, on va dans les centres de parachutisme, 56

Vous parlez de vos succès en compétition de type X-Fighters comme de projets « no life », comme vous les évoquez avec votre coach mental, Isabelle. Avec votre saut incroyable à Avoriaz, on sent que vous êtes dans une autre approche, mêlant performance et « vraie vie ». Des rencontres, des voyages, de bons moments, un rapport nouveau à la nature comme vous l’évoquiez précédemment... Il est vrai que sur ce projet, j’ai presque découvert une nouvelle facette du quotidien, où tu allies la performance et la vie sociale. On prenait plus de temps pour autre chose – ce qui ne veut pas dire qu’on ne travaillait pas et qu’il n’y avait pas de performance dans tout ce que l’on faisait. Je pense que j’étais arrivé à une période dans ma vie où j’en avais besoin. La vie chez moi était devenue de plus en plus dure… La solitude, c’est difficile à gérer, mais c’est ce qui me fait avancer, parce que si j’en suis arrivé là, je pense, en freestyle, c’est grâce à cette rigueur que je me suis imposé. Sortir de tout ça, et de cette période de COVID durant laquelle on était tous chez nous, c’était dingue. Comme commencer une nouvelle vie. On se dit que ce n’est pas possible de sauter avec ces gars-là si l’on ne vit pas des choses à leurs côtés. On ne saute pas d’une falaise avec « Bras Noir », du jour au lendemain, sans le connaître un tant soit peu ? C’est vrai que dans un sport comme le BASE jump, tu ne sautes pas avec n’importe qui, il faut connaître les gens. Évidemment, j’étais le débutant, et je suis toujours un débutant. Et eux, ils te drivent, mais si tu n’es pas sérieux, si tu n’écoutes pas, si tu fais la tête brûlée, la forte tête, on ne te considère pas. Car si tu ne fais pas les choses comme il faut, en quelques fractions de secondes, c’est terminé, tu te tues. J’étais là pour apprendre, pour dire oui. Mais c’est vrai que tu vis des choses folles avec ces gens. Du sérieux ! Quand tu sautes d’une falaise avec quelqu’un, ça crée des liens. Des liens forts, vraiment costauds. Il y a une autre personne avec laquelle vous avez partagé des choses, et vous l’évoquez à plusieurs reprises dans le documentaire : la peur. Vous parlez du stress gérable de vos compétitions de FMX, et celui de ce saut, qui peut potentiellement bousiller votre projet… THE RED BULLETIN


Tom Pagès

« Quand tu sautes d’une falaise avec quelqu’un, ça crée des liens vraiment costauds. » Après deux ans de préparation, Tom Pagès vient de se lancer sur une rampe de 7 m de haut, à 80 km/h, a réalisé deux front flip avec sa moto, ouvert le parachute de sa moto et le sien. Il doit à présent se concentrer sur sa zone de posé sur un terrain pentu, peu propice à ce genre d’exercice. Sans souci.


Tom Pagès

« J’ai envie de continuer à partager avec d’autres. J’ai l’impression que j’ai découvert une nouvelle facette de ma vie. » Le stress, c’est quelque chose auquel je suis confronté quotidiennement, à l’entraînement, en freestyle. J’ai appris de ce stress tant bien que mal, mais il a évolué en même temps que mon niveau. Prendre de plus grosses doses de stress, c’est ce que tu cherches, constamment. C’est de l’adrénaline que tu cherches. Lors de votre deuxième saut, sur trois, il semble que la dose d’adrénaline a été supérieure... Oui. Sur ce saut, il y a une erreur de ma part dans l’appréhension de ma vitesse… Alors que je devais réaliser un front flip (une rotation en avant, ndlr) puis ouvrir mon parachute et celui de ma moto,

Le deuxième saut de Tom s’est avéré périlleux. Débrief immédiat avec le skydiver Fred Fugen, qui saura rebooster le pilote, en proie au doute.

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je suis parti en double front flip, à cause de l’inertie de l’engin. Et là, il a fallu que je m’adapte très vite. Il m’était impossible de déclencher mon parachute durant le double front flip, car à ce moment-là, j’étais encore en phase ascensionnelle, sur cette parabole que l’on peut voir quand je fais mon saut. En fait, j’ai réalisé ce second front flip pour me mettre en sécurité. J’ai donc dû attendre pour déclencher mon parachute. Mais j’ai commis une erreur, et j’ai manqué la fenêtre pour l’ouverture. Puis j’ai recommencé et là, ça a marché, mais j’étais déjà trop bas par rapport à ce que j’avais prévu, le sol était beaucoup trop près, il se rapprochait dangereusement… Ça n’est pas une vision très drôle de voir le sol arriver si vite… Mais l’atterrissage s’est bien passé. Dans quel état psychologique êtes-vous à ce moment précis où vos bottes touchent le sol ? Pas bien. J’ai pris une dose de stress et de peur importante. J’ai le cœur qui frappe, fort, et je pense : « Là, c’est du sérieux. » Je me suis dit que ce saut, ça pouvait vite être critique, que c’était du très très très gros. Une demi-erreur peut être fatale. J’en avais presque le souffle coupé, et c’est là que Fred est arrivé, il a ­compris tout de suite comment je me sentais… Que vous a-t-il dit ? Il m’a rassuré, m’a dit que j’avais fait ce qu’il fallait. Que j’avais bien géré. Il a été hyper positif. Mais je ne voulais plus y retourner. Pour moi, c’était bon, on avait les images qu’on voulait. Terminé. On s’est posés un peu, et Fred m’a déclaré : « Qu’est-ce que tu veux ? Un saut où l’on voit que tu es en difficulté, ou un saut propre à l’image et qui t’apporte de la joie ? »… On en est restés là, j’ai dormi dessus, en me disant qu’on verrait bien le lendemain matin. Et au réveil, j’ai eu une décharge de motivation pour repartir sur le job. Fort de l’expérience accumulée durant toute ma carrière en FMX, je me suis fait un peu confiance, et je suis reparti pour un nouveau saut, en me disant que j’allais être capable d’ajuster toutes les choses du saut précédent. De faire tout impeccable. Ce qui fut le cas… Votre niveau d’apprentissage sur ce projet a été à son maximum, mais on peut se dire que vos camarades de « l’aérien » ont également beaucoup appris de votre saut, et de vous. Après votre deuxième saut, Fred Fugen vous dit : « On apprend »… Pourquoi ? Je pense que c’est parce que lui, et tous les autres impliqués dans le projet, Bras noir, Loïc, et même ­Stéphane, alias « Zoun » (un pionnier du développement du wingsuit avec Loïc Jean-Albert, ndlr), qui a développé mon parachute et celui de la moto, et même moi, avons des fondamentaux, bossons d’une manière et pas autrement, mais que sur ce coup, on était tous impliqués sur une nouvelle discipline, le moto BASE. J’apprends en sautant d’une rampe de 7 mètres de haut et non pas de 3 comme ­habituellement, en roulant à 80 km/h et non pas THE RED BULLETIN


« On l’a fait ! » : si Tom Pagès a pu réaliser son saut, et si vous l’avez vu, c’est grâce à eux tous, notamment Patxi Larrea et son Fly Group (concepteurs de la rampe), les équipes de production vidéo de Supersize Films et de La Clef, ou encore Tomz FPV, dont le chanceux drone a suivi le pilote dans les airs.

« Pour une fois, j’ai pu dire : “On l’a fait” plutôt que “J’ai gagné”. » à 40. Et ­Stéphane aussi apprend à chaque fois que le parachute de ma moto se déclenche, de tous ces impacts, et même s’il a prévu toutes les marges et respecté toutes les consignes de sécurité, il ne sait pas parfaitement quelles conséquences cela va avoir sur le parachute. On est tous là pour apprendre, et même s’il n’y a qu’une personne qui saute, tout le monde est impliqué depuis deux ans. Toutes les questions que chacun se posait, trois sauts seulement allaient y répondre. Et nous avons appris ­énormément lors de chaque saut. Pour apprendre, vous avez dû sacrifier quelque chose d’important : votre routine en FMX, vos entraînements et innovations quotidiens, ceux qui vous assuraient ce niveau supérieur lors de chaque événement de FMX. En vous dédiant moins à la moto sur les deux années qu’ont duré le projet, vous avez en quelque sorte dit adieu à la compétition. Cela en valait-il vraiment le coup ? THE RED BULLETIN

J’ai eu de très belles années en compétition. Je ne me suis dédié qu’à ça et il y a eu une sorte de routine qui s’est installée… Je ne vais pas dire que j’étais blasé de gagner, parce que ça n’a pas de prix, tu t’entraînes tous les jours pour ça et quand ça paye, c’est énorme, c’est la plus belle chose qui puisse arriver, et tu viens la chercher cette chose, pendant quinze ans. Cet environnement, l’entraînement, la compétition… ça a été ma zone de confort, que je gagne ou non, et j’y étais en sécurité. Mais je pense qu’il était temps pour moi de changer un peu de cap, c’était le bon moment. Quand on s’est lancés dans ce projet de moto BASE, on ne pouvait pas anticiper le résultat final, on ne savait même pas si ça pourrait se faire le jour J, à cause de la météo, d’un arrêté préfectoral ou autre. C’était une grosse étape, et je suis content du résultat, d’avoir vécu tous ces moments avec les gars. Ce projet de deux années, en équipe, a apporté autre chose à Tom Pagès ? Pour une fois, j’ai pu dire : « On l’a fait », plutôt que « J’ai gagné », et ça, c’est un très gros changement. C’est quelque chose dont je suis particulièrement fier, et j’ai envie de continuer à partager des choses avec d’autres. J’ai l’impression que j’ai découvert une nouvelle facette de ma vie.

Pour en savoir plus sur le projet Flight Mode et Tom Pagès, découvrez la vidéo du Red Bulletin en scannant le QR Code ci-contre.   59


Renverser la donne

Depuis l’âge de 10 ans, LILY RICE utilise son fauteuil roulant pour remporter des championnats du monde, devenir la première Anglaise à réaliser un backflip, faire tomber les ­préjugés et inspirer les autres. Pour la jeune femme, il est question de bien plus que d’un fauteuil. C’est de sa liberté dont il s’agit. Texte JESS HOLLAND Photos SPENCER MURPHY 60

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À 17 ans à peine, Lily Rice est devenue la figure de proue du WCMX au Royaume-Uni, et participe activement à la promotion de ce sport dans le monde entier.

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Lily Rice

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ily Rice se souvient s’être hissée au bord de la rampe verticale de 4 mètres de haut. Elle avait 15 ans, des cheveux roses coupés en brosse sous son casque intégral et un fauteuil roulant manuel vert fluo conçu pour résister aux chocs. N’importe quel skateur ou BMXer vous dira que se jeter dans une vert (à la verticale, dans une rampe en forme de U) est l’une des choses les plus terrifiantes que l’on puisse faire dans un skate­park. On est en chute libre avant que les roues touchent la transition incurvée et que l’élan pousse l’engin sur la pente de l’autre côté. En équilibre sur le plateau, on regarde vers le bas, et tout ce qu’on voit, c’est le coping métallique qui borde le haut de la rampe puis le

fond plat quelques mètres plus bas. Faire de la vert en fauteuil roulant demande une dose supplémentaire de courage. Lily Rice souffre de paraplégie spastique héréditaire, un trouble qui raidit et affaiblit les muscles de ses jambes tandis que le haut du corps reste musclé et souple. Au prix de grands efforts, elle peut monter l’escalier qui mène sur la rampe pendant que son père transporte son fauteuil. Les mains agrippées aux jantes qui font tourner les roues arrière de son fauteuil, il ne lui faut qu’une dernière poussée pour s’élancer dans le vide. Mais ce jour-là, à 4 mètres de haut, le poids de Rice était mal positionné, trop en avant, et elle n’a rien pu faire pour rectifier. L’accident a été filmé : elle est tombée la tête la première, son fauteuil sur elle. Elle gémissait de douleur, ne bougeait plus. Sa meilleure amie, la skateuse Daisy da Gama Howells, était convaincue que Rice allait rester paralysée ou pire encore. Rice et Da Gama Howells racontent cette histoire quelques années plus tard en riant nerveusement. Elles ont un goût prononcé pour l’humour noir. « C’est notre mécanisme de défense », justifie Rice. Daisy se souvient de Lily alors qu’elle attendait l’ambulance : les dents cassées, des blessures au cou et les nerfs du visage endommagés au point qu’elle

ne pouvait déglutir. Lily Rice se souvient du trajet en ambulance : « J’étais en train de… partir. Il y avait une lumière qui venait me chercher. Je m’efforçais de garder les yeux ouverts pour ne pas mourir. » Pendant deux semaines, son amie dormait à ses côtés pour s’assurer qu’elle passe la nuit. Un mois plus tard, elle était de retour au skatepark. Traumatisé, le corps de Rice se figeait dès qu’elle tentait de dévaler la moindre pente. Petit à petit, elle a repris confiance en elle, s’exerçant à réaliser des figures sur le plat, comme des grinds ou sauter des sets de marches. La « glisse » dans son fauteuil avait déjà transformé sa vie et dominait ses projets d’avenir. L’idée d’arrêter ne lui a pas traversé l’esprit.

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nfant, Rice était une adepte du plein air, se déplaçant à l’aide d’attelles et de béquilles. Encouragée par son père Mark, ambulancier et surfeur, elle grimpait aux arbres, faisait du vélo et passait du temps sur la plage près de sa ville natale de Tenby, au Pays de Galles. Avec le temps, sa maladie qui affecte la partie inférieure de son corps, s’est aggravée et à l’âge de 10 ans, elle utilisait un fauteuil roulant pour faciliter ses déplacements. Mais elle détestait ce que cet objet lui faisait ressentir et se débrouillait sans lui. Elle le cachait dans

« Je ne sais pas où je serais sans ce sport. C’est tellement bon pour ma santé mentale et ­physique.  » 62

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Rampe de lancement : Rice travaille avec USA Skateboarding pour que le WCMX soit inclus aux Jeux paralympiques.


Wheels of Steel : Rice et sa meilleure amie, Daisy da Gama Howells, photographiées au skatepark de Haverfordwest (Pays de Galles).

un coin de sa chambre, incapable de concilier l’idée d’être à plein temps en fauteuil roulant, avec une identité propre à elle. C’est à l’âge de 13 ans qu’elle découvre les clips d’Aaron « Wheelz » Fotheringham qui marqueront un tournant dans sa vie. Originaire de Las Vegas et aujourd’hui âgé de 29 ans, Fotheringham est né avec un spina-bifida, une maladie de la colonne vertébrale qui peut entraîner une paralysie des jambes. À l’âge de 8 ans, encouragé par un frère aîné qui faisait du BMX, il a décidé d’essayer de faire des figures sur les rampes dans son fauteuil roulant et a commencé à participer à des compétitions de BMX en adaptant les bosses, les spins et les figures d’équilibre des autres riders. Cela impliquait parfois l’aide d’une personne poussant le fauteuil afin d’augmenter l’accélération mais, comme Rice, Fotheringham a un buste et des bras puissants, et peut se propulser dans, autour et hors des bowls et des rampes avec élégance et rapidité. 64

Très vite, il remporte des compétitions et attire l’attention du monde entier grâce à des cascades. En 2006, il fut le premier à réaliser un backflip en fauteuil roulant en prenant suffisamment de vitesse pour s’élever au-dessus d’une rampe et poser ses roues sur le plateau. Deux ans plus tard, il rejoint le collectif de sports d’action Nitro Circus qui présente un spectacle de cascades itinérant. En 2012, en Californie, il se jetait dans une « méga rampe » vert de 8 mètres et a fait un saut de 21 mètres. C’est Fotheringham qui a inventé ­l’expression « wheelchair motocross » ou WCMX, un mélange de « fauteuil roulant » et de « BMX », pour décrire ce qu’il fait. En 2015, l’Alliance Skatepark de Grand Prairie, au Texas, a accueilli les tout premiers championnats du monde de WCMX qui comprenaient également du skateboard et du BMX adaptés par des athlètes présentant des situations différentes de handicap et des déficiences visuelles. Fotheringham a remporté la

médaille d’or du WCMX masculin cette année-là et, depuis, lors de chaque championnat du monde. Rice avoue avoir été « renversée » lorsqu’elle a vu ces vidéos. Elles bouleversaient toutes ses idées préconçues sur sa situation en fauteuil. Son père a également été enthousiasmé par l’idée. Il savait que Daisy da Gama Howells, la fille de l’un de ses amis, venait de commencer à faire du skateboard et il les a donc mises en relation. Un autre de ses amis, Craig Brown, facteur, surfeur et skateur, a aussi joué un rôle clé dans la construction du plus grand skatepark du Pembrokeshire à Haverfordwest. Rice et Da Gama Howells ont commencé à se retrouver dans ce skatepark pour apprendre les bases de la glisse sur les bancs et l’élaboration de lignes autour des bowls. Au début, les gens étaient surpris de voir un fauteuil roulant au skatepark, mais Lily Rice s’est vite sentie acceptée par la communauté. Au fur et à mesure qu’elles gagnaient en compétence et en confiance, Daisy et elle ont commencé à se présenter aux sessions du mardi soir où tous les habitants du quartier se réunissent pour skater et rider. C’est lors d’une de ces soirées, en juillet 2021, que Rice et Da Gama Howells évoquent des souvenirs. Parmi les dizaines d’adolescents et d’adultes se trouve Craig Brown qui dévale les bowls sur sa planche, plaisante avec les enfants qu’il considère comme sa famille, et encourage Rice alors qu’elle se jette dans un bowl et effectue des virages coupés lorsqu’elle atteint la partie la plus profonde. Lorsque sa sortie est terminée, le père de Rice saute dans la rampe, court derrière sa fille et prend suffisamment de vitesse pour la pousser vers le haut et la sortir. « L’inclusion ici, c’est quelque chose, raconte Brown plus tard, assis sur sa planche. Certains skateurs sont un peu perdus. Nous sommes des âmes sœurs. Tout le monde se soutient mutuellement. C’est comme ça que la vie devrait être. » Rice est tombée amoureuse du WCMX. La première fois qu’elle s’est lancée dans une mini-rampe, « c’était pour moi », concède-t-elle. Fotheringham lui avait fait parvenir son vieux fauteuil WCMX abîmé après qu’elle lui ait envoyé un message sur Instagram. Elle l’a même rencontré en personne lorsque Nitro ­Circus est venu se produire au RoyaumeUni. « C’était fou de le rencontrer, je l’avais tellement vu en ligne. Le voir faire, en chair et en os, c’est époustouTHE RED BULLETIN


Lily Rice

flant. » Depuis, ils sont restés en contact et ont participé à des compétitions aux États-Unis pendant quelques années. « C’était irréel de la voir progresser, c’est fou le chemin qu’elle a parcouru, exprime Fotheringham à propos de Rice. Elle a été un phare pour le WCMX, dans le monde entier. » Grâce à son père qui l’emmenait dans les skateparks et au soutien de skateurs locaux comme Brown, la technique de Rice s’est rapidement développée. Sept mois seulement après sa première chute dans une rampe, elle devenait la première athlète féminine en Europe à réaliser un backflip en fauteuil roulant. Il lui aura fallu six heures d’entraînement dans une fosse en mousse, puis à faire de nombreuses chutes sur une rampe « resi » souple mais elle a finalement réussi la rotation, atterrissant sur ses roues et roulant hors de la rampe. L’événement a fait l’objet d’une couverture médiatique nationale et, du jour au lendemain, Lily Rice est apparue dans des clips musicaux, a participé à ses premiers championnats du monde, a représenté des marques et remporté des prix. James McAvoy, l’acteur écossais qui joue le rôle du Professeur X dans les films de la série des X-Men, a fait don de six mille euros à une collecte de fonds destinée à

« Personne ne me dit ce que je dois faire dans un skatepark. C’est la liberté ! » financer son fauteuil WCMX sur mesure. Par coïncidence, elle a ensuite croisé McAvoy à l’aéroport alors qu’elle s’envolait pour une compétition en Californie en famille. Il les a tous invités à la première et à l’afterparty du film de la franchise X-Men de 2019, Dark Phoenix. Rice se souvient de sa surprise en croisant la chanteuse Katy Perry aux WC et de poser pour des selfies avec Jennifer Lawrence et Orlando Bloom. Avec toute cette aventure et ce succès alors qu’elle était encore adolescente, on aurait pu pardonner à Rice de penser que le monde lui devait quelque chose et de ne se concentrer que sur elle-même. Mais tout en continuant rapidement à s’améliorer (elle remporte l’or dans la division féminine des Championnats du monde WCMX en 2019 malgré sa chute désastreuse plus tôt dans l’année), elle a réinjecté de l’énergie pour faire grandir la scène britannique et encourager une nouvelle génération de riders.

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n mars 2019, Rice a organisé le ­premier WCMX Jam du RoyaumeUni afin de permettre aux adultes et aux enfants d’essayer ce sport et de rider ensemble. Pour Imogen AshwellLewis, 9 ans, qui utilise un fauteuil roulant en raison d’une infirmité motrice ­cérébrale, cela fut une expérience mémorable. Imogen pratique plusieurs autres sports comme l’équitation et le tennis, mais elle apprécie le fait que les skateparks n’obligent pas les personnes en fauteuil roulant à s’isoler dans un coin. Cela fait tomber les barrières et les idées reçues. Lorsqu’elle encaisse sérieusement et tombe de son fauteuil, « le plus souvent, quelques personnes accourent, l’air horrifié. Je leur réponds calmement : “Ce n’est pas grave. Vous pouvez m’aider à me remettre sur mon fauteuil ? J’y retourne.” » Lily Rice sait qu’elle est en mesure de changer la vie d’enfants comme Imogen, c’est pourquoi elle prend cette responsabilité au sérieux. Pour aider davantage

THE RED BULLETIN

de personnes à accéder au WCMX, Rice donne des conférences dans les écoles, collabore avec les skateparks sur l’accessibilité et travaille avec un fabricant de fauteuils roulants qui réalise des fauteuils conçus pour les rampes. Elle est passée du statut de seule pratiquante au Royaume-Uni à celui de créatrice d’une scène d’environ 50 personnes qui se sont toutes réunies lors d’un autre Jam qu’elle a mis en place à Manchester en août de cette année. Rice a également travaillé avec USA Skateboarding pour que ce sport soit intégré aux Jeux paralympiques. Le skate et le BMX ont été ajoutés aux Jeux olympiques pour la première fois à Tokyo. Il est logique que des versions adaptées de ces disciplines puissent fonctionner tout aussi bien sur une scène mondiale. Des détails, tels que les critères de notation et de qualification doivent encore être définis, mais Rice pense qu’il y a de fortes chances pour que le WCMX soit inclus aux Jeux de 2028 à L.A. – la Californie étant le berceau et le foyer spirituel du skateboard – et qu’une démonstration soit possible lors des Jeux paralympiques de Paris en 2024. Il ne faudra peut-être pas attendre longtemps avant de voir Rice, Ashwell-Lewis et d’autres membres de leur communauté grandissante représenter leur pays, sous le regard de milliards de personnes à travers le monde. Aussi passionnant que cela puisse être, ce n’est pas seulement l’esprit de compétition ou la soif de reconnaissance qui animent Rice. Il y a une raison plus profonde qui fait qu’elle passe des heures dans son skatepark local, qu’elle se rend tous les week-ends dans les spots de skate du Royaume-Uni avec Da Gama Howells, qu’elle prend les airs vers des compétitions aux États-Unis et qu’elle risque de se blesser tous les jours. « Je ne sais pas où je serais sans [le WCMX], déclare Rice. Le sport en général est si bon pour la santé mentale et physique. Il a beaucoup amélioré la mienne. » Le matin après sa session de skate à Haverfordwest, Rice passe une heure à faire des backflips dans une fosse en mousse pour The Red Bulletin, puis revient sur le sujet en détachant ses genouillères. « Ça me procure une sensation de liberté inégalable. Personne ne me dit ce que je dois faire dans un skatepark. Je m’y exprime par le mouvement, et tout le monde m’encourage à devenir la meilleure version de moi-même. J’y ai ma place. » Instagram : @lilyrice_wcmx   65


LES ROUES DE LA LIBERTÉ Devenue championne du monde de longboard dancing freestyle en 2020, MARINA CORREIA, 23 ans, originaire du Cap-Vert, veut sensibiliser ses contemporains et faire rayonner ce sport qui lui a permis de s’émanciper et de trouver son équilibre. Texte MARIE-MAXIME DRICOT  Photos LITTLE SHAO


Glisse de Nice : Marina a obtenu son titre mondial grâce à une participation vidéo en ligne.

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Marina Correia

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rrivée en France quand elle avait 14 ans, Marina se souvient avoir été « un peu perdue à cause du changement culturel et de la langue » car le français qu’elle apprenait dans son pays natal était simpliste, à l’instar d’un « merci et au revoir ». Émotive face à ses souvenirs, elle raconte qu’elle a eu la chance que sa mère l’incite à s’exprimer en français. Mais ce qu’elle a retenu avant tout, c’était les nouveaux visages qu’elle croisait tous les jours. « Les gens ne sont pas pareils en France », tout comme l’ambiance tropicale du Cap-Vert versus celle de la ville de Nice. Marina est frappée par ce contraste, ­perdue, et surtout choquée par la cigarette à la bouche de tant de jeunes : « Ça m’a fait peur dans le sens où je me suis dit que les gens étaient super libres ici, même si je les trouvais très jeunes pour fumer. » C’est cette liberté qu’elle recherchait. Pas la cigarette. Consciente de son léger accent, elle craignait même de s’exprimer à l’école par peur d’être moquée et préférait se mettre en retrait lorsque ses enseignants

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posaient des questions. Une expérience ancrée dans sa mémoire, comme si c’était hier. Elle se souvient d’un épisode où, attaquée par un camarade de classe, elle s’est mise à écrire à propos « de [s]es sentiments, du monde, pour prouver aux autres et à elle-même que même une étrangère pouvait réussir ». Son envie d’intégration l’a conduite à s’inscrire dans un club de football, mais le coach lui dit que ce n’est pas pour elle, car il faut comprendre les instructions. Ça sera ensuite au tour du taekwondo, avant de tomber sur celui qu’elle ne quittera plus jamais, son longboard. Elle se confie : « Je me disais, c’est super long, ce n’est pas comme un skate, ça sert à quoi exactement ? On m’a répondu que c’était juste pour rouler. Ça ne me semblait pas normal, tu ne fais pas que rouler avec un truc pareil. J’étais intriguée, alors un jour j’ai essayé. J’ai demandé à ma mère et mon beau-père de m’en acheter un, mais pour eux, c’était synonyme de danger… Ce n’était pas pour les filles, même s’ils ont fini par dire oui. »

« Ce n’est pas comme un skate, ça sert à quoi exactement ? »

Pas très fille ? Plutôt drôle lorsqu’on se remémore les rideuses blondes de Californie, en poum poum short, surfant sous le soleil de Los Angeles au milieu des années 70. Marina, c’est tout sauf ça ! Son style est genderless, abrupt, rapide et élégant. Avec son ego bien placé et sa fierté affirmée, elle le définit comme « unique » pour la simple et bonne raison que lorsqu’elle skate, elle pense à son « propre plaisir ». Elle ajoute : « Je ne cherche pas à avoir l’approbation d’autrui, ni à impressionner les gens. Je skate pour moi. Mon style est sauvage, je cherche le risque. Ça m’est égal d’avoir des bleus, un doigt cassé, une cheville déboîtée… tant que je prends du plaisir. Pour moi, il se trouve dans le challenge ! Je prends beaucoup de vitesse aussi, car quand je vais vite, j’ai confiance en moi. » A contrario, tout devient flou. Et ses pas s’enchaînent à l’image des périodes difficiles de sa vie, pour les surpasser et continuer sa route.

Transmettre

Selon Marina, dans la culture cap-verdienne, les modèles de femmes dans le skateboard, quelle que soit la discipline, n’étaient pas très présents lorsqu’elle était adolescente : « Je n’avais jamais connu ça, encore moins avec des filles. Je n’ai jamais eu de modèle à admirer. » Depuis, grâce à elle en partie, cela a évolué. Jeune femme blagueuse au caractère singulier, à qui nombre de personnes peuvent s’identifier, Marina Correia veut être un exemple. Elle aimerait déconstruire l’image des femmes dans le longboard et apporter son soutien autour d’elle. D’ailleurs, elle pense déjà y parvenir : « Et si je peux pousser ça encore plus loin pour les générations à venir, pour les personnes qui ont besoin d’une inspiration ou simplement d’une épaule, je le serai, c’est du bonheur » ! Pour Marina, les filles sont sous-­ représentées dans le longboard, et elles se cachent : « Elles sont timides, elles n’osent pas skater. » C’est la raison pour laquelle elle a lancé une initiative de type girl skate out, dans le but de leur redonner confiance afin qu’elles se sentent moins regardées et sexualisées par les hommes. « Beaucoup d’entre elles ont du mal à se lancer et à s’affirmer, et aussi, elles redoutent d’être jugées. C’est très personnel. » Comment sortir de ce schéma ? On se souvient de la web-série documentaire Urbaines, sortie en 2018. L’épisode 4 détaille le sexisme et les THE RED BULLETIN


« Noire, championne, lesbienne, forte et fragile. »

« Je ne cherche pas à avoir l’approbation d’autrui, ni à impressionner les gens. »

THE RED BULLETIN

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« Tu touches à ma planche, t’es dead ! » discriminations dont sont victimes les femmes skateuses. Réponse : probablement en étant compréhensive, patiente et pédagogue auprès des plus jeunes, car derrière son caractère intrépide se cache une grande sensibilité. Depuis quelques années, Marina donne des cours de longboard dancing. Elle évoque notamment Louise, une petite fille de 8 ans pleine d’ambition, qui a de grandes chances de devenir 70

meilleure qu’elle d’ici quelques années. Si on ne change pas les mentalités du jour au lendemain, pour la Niçoise, on peut faire en sorte que les choses évoluent peu à peu. Un principe qu’elle applique avec bienveillance : « J’ai un groupe d’élèves qui va de 8 à 38 ans, en passant par 20 ans. Les rapports sont différents mais s’il y a la confiance, tout roule, c’est fascinant. J’essaie au maximum d’aller vers eux pour leur donner de l’assurance, leur montrer qu’ils ne sont pas tout seuls et qu’avec un peu d’aide, ils en sont capables. Après, si la personne est très timide ou qu’elle n’a pas envie, je ne vais pas la forcer. Mais souvent, ça se fait naturellement et c’est comme ça que la communauté prend

forme. Je trouve qu’on n’est pas dans le jugement, on ne peut pas se moquer de quelqu’un qui démarre, car on a tous été à sa place. Un skateur qui se moque d’un débutant, ça n’existe pas. Et puis, on apprend tous les jours, même les meilleurs. On apprend ensemble. »

Défendre son bonheur

Nombreuses sont les associations qui l’ont contactée via les réseaux sociaux en espérant collaborer avec elle. Sauf que défendre une cause, il faut pouvoir s’y adonner. C’est une conviction qui vient avant tout du cœur, il s’agit d’une démarche personnelle et engageante. Alors même si Marina avait pour idée, au printemps 2021, de mettre en place THE RED BULLETIN


Marina Correia

Arrivée en France timidement, Marina a libéré toute sa personnalité grâce au longboard.

une initiative pour aider les migrants, à Menton, là où elle a fait son DUT, avec la pression des collectifs et des médias, le moment ne semblait plus opportun. Comme elle aime le rappeler, elle n’est pas une militante, juste une femme qui fait du longboard. En aucun cas elle ne veut se sentir obligée de s’engager dans des actions sociales pour embellir son image ou devenir une mascotte. Si son envie de développer des partenariats avec des collectifs qui travaillent avec des réfugiés et des enfants hospitalisés reste belle et bien présente, tout est une question de timing, ainsi qu’elle l’a démontré lors de sa collaboration avec la MJC Agora, de Nice. Une expérience qui, à ses yeux, reposait sur le conseil, THE RED BULLETIN

le partage d’expérience et l’apport d’un soutien émotionnel à ceux qui en ont le plus besoin. En ses termes, « partage, amour et solidarité ». À cela s’ajoute la notion de priorité, car la première chose qu’elle souhaite faire, c’est « aller au CapVert et leur dire : découvrez ce sport ». En effet, dans ce pays qui compte dix îles, « seulement deux peut-être connaissent les sports comme le kite surf, le skate et le longboard ». Son premier objectif est donc de « sensibiliser les Cap-Verdiens au longboard » et de leur apporter « quelque chose de différent, de stimulant et de novateur. » Un sport qui apporte réconfort et équilibre, sur la planche comme dans la vie. Entre problématiques féministes et discriminations, la championne du monde de longboard a du pain sur la planche : « Je n’avais pas confiance en moi à mon arrivée ici, je sentais un regard différent posé sur ma personne à l’égard de mes cheveux avant d’avoir mes locks, car ils étaient bouclés (une afro, ndlr). Je me prenais aussi des remarques du style “dans le noir on ne te voit plus ; mets-toi derrière avec tes cheveux on ne me voit plus”… » Que de compliments ! Mais grâce au longboard et à internet, la jeune femme s’est réapproprié ces commentaires désobligeants et s’est construit son identité. Aujourd’hui, elle refuse tous types d’insultes à l’égard de quiconque. Première sur la ligne de front, Marina n’a plus peur, ou du moins, elle ne le montre pas. Elle affirme son « Moi » : « Noire, championne, lesbienne, forte et fragile », avec une touche rastafari. Sa planche est « une échappatoire », qu’elle aille mal ou bien. Elle me dit d’un air passionné : « C’est la première chose qui me donne le sourire, qui me fait ­plaisir. Je me sens libre, j’ai juste envie d’apprendre à en faire encore et encore, de rouler avec mes potes et d’avoir des moments de partage. Je sais que je suis bonne dans ce que je fais car je ne cesse d’apprendre et c’est ça qui est cool » ! Être douée, on le lui a même reproché une fois, lors d’une Dock Session (rassemblement de longboarders créé par le Parisien Lotfi Lamaali, figure de proue de la discipline). Une fois encore, cela lui passe au-dessus car « le problème de beaucoup de gens, c’est qu’ils ne se concentrent pas sur leur énergie propre, mais vont sans cesse regarder à droite et gauche s’il y a un élément à abattre. Sauf qu’ils s’oublient dans le processus, et à partir de là, ils ne peuvent plus rien faire. »

Elle et sa planche

Le longboard est donc, pour Marina, une manière d’explorer son corps au maximum, des moments d’introspection qui procurent une sensation de liberté, et de l’adrénaline. Extension sensorielle du corps et de l’esprit. Elle m’explique : « J’ai toujours vu ma planche comme un être humain, ça peut paraître dingue dit comme ça, mais j’y tiens énormément. » La championne visualise son longboard comme une partie intime de son corps, pour laquelle elle a dû se défendre à plusieurs reprises. Non loin d’avoir un tempérament agressif, elle identifie ces actions comme une violation et un non-respect de sa personne : « J’ai failli me battre avec des gens parce qu’ils venaient et poussaient ma planche, se mettaient dessus. Pour beaucoup de gens, c’est juste un objet, un accessoire sur lequel ils peuvent aller. Mais c’est ma planche, elle est à moi, je ne veux pas qu’ils montent ­dessus sans ma permission. Ce n’est pas qu’un objet, car elle fait partie de moi. C’est comme si tu touchais une partie de mon corps, comme si tu rentrais dans mon intimité. Tu touches à ma planche, t’es dead ! » Elle raconte qu’un soir, à Garibaldi (une grande place du centre de Nice), alors qu’elle buvait un jus de fruit, un jeune homme est venu mettre son pied sur sa planche, puis a tenté de la toucher. Naturellement, je lui demande si elle a déjà fait face à ce type de comportement dans le milieu du skate. Elle me répond : « Je n’ai jamais vécu ça, mais je me suis déjà sentie observée et sexualisée. C’est pour cela que je ne mets pas mon corps en valeur, que je me cache, parce que dès que je suis en short, les mecs s’arrêtent pour mater. » Elle poursuit : « Ce qui est étrange aussi, c’est la manière dont les mecs me parlent lorsqu’ils savent que j’aime les filles. Ils vont s’adresser à moi comme si j’étais leur pote, ils ne vont pas me traiter comme si j’étais une fille avec laquelle il pourrait y avoir un truc. » Le sexisme n’est pas propre au milieu du skate, cependant, on le retrouve également dans cette culture, c’est pourquoi Marina s’efforce de son mieux à éduquer « les gars » de son entourage, et ceux qui croiseraient son chemin. Sur une planche ou non. Instagram : @marinacorreiarr

Regardez les prouesses ­acrobatiques de Marina Correia dans notre vidéo exclusive.   71


Le ride sans fin JAKE BURTON CARPENTER est le fondateur de la marque qui porte son nom. Il a démocratisé le snowboard et inspiré, par son style, des légions d’athlètes. Sa vie s’est arrêtée en 2019, mais le documentaire Dear Rider la prolonge, en restant fidèle à celui que ses proches ont connu.

JAMES CASSIMUS

Texte BILL DONAHUE

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Tout a commencé avec une planche : Jake sur une Burton Backhill — un snowboard que son entreprise lance en 1979.


Jake Burton

« Jake était espiègle et l’est resté tout au long de sa vie. » Timi Carpenter

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Les premières années : 1954 à 1970 Fils d’une famille de la classe moyenne de Long Island, Jake Burton Carpenter est le benjamin des quatre enfants. Timi Carpenter (l’un de ses trois fils) : Jake était espiègle et l’est resté tout au long de sa vie. Prendre du bon temps comptait beaucoup pour lui. Donna Carpenter (son épouse) : Jake adorait se déguiser, pour Halloween ou autre. Petit, ses sœurs passaient des heures à l’habiller, à le maquiller, à l’affubler de perruques et de robes. Il a gardé ce côté espiègle très longtemps. Dans le pensionnat du Massachusetts qu’il fréquentait ado, les élèves avaient mis la main sur un jeu de clés qui ouvrait toutes les serrures de l’école, y compris l’armoire à fusils du directeur. En un an, Jake en est devenu le dépositaire, une marque de respect de ses pairs – jusqu’à ce que le gardien les découvre dans sa poche. Furieuse, la direction de l’école l’a renvoyé et a sommé ses parents de venir le chercher. Timi Carpenter : L’ambiance en voiture a dû être pesante durant le retour. Jake était désemparé et en voulait au monde entier. Il me confia plus tard que c’est ce jour-là qu’il a décidé de donner toujours le meilleur de lui-même, quel que soit son destin.

Timi Carpenter, 25 ans

Fils cadet de Jake et directeur artistique de Mine77, une marque Burton. « Quand son frère aîné est mort au Vietnam, Jake était alors âgé de 12 ans. George était un chic type, vice-capitaine de l’équipe de foot et délégué de sa classe. Il a rejoint les Marines après des études à Yale. C’était le fils prodige. Sa mort a perturbé l’équilibre familial. Jake s’est soudainement senti très seul, une solitude dont il a beaucoup souffert. »

MARK GALLUP, DONNA CARPENTER

ake Burton est le père du snow­ board, le cerveau d’une marque d’envergure mondiale et l’homme qui a imposé les snowboardeurs sur les pistes de ski. Durant ses quarante années à la tête de Burton Snowboards, il a développé une pratique du sport inédite : rugueuse et chaleureuse, respectueuse mais intrépide. Aujourd’hui encore, cette vision influence le sport dans toute sa diversité. Deux ans après sa disparition à la suite d’un cancer, Jake Burton est le héros de Dear Rider, un documentaire que sortent aujourd’hui HBO Max et Red Bull Media House, retraçant son rôle pionner dans le sport. Nous avons rencontré les personnages clés du film pour évoquer avec eux la vie de Jake.

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Burton en 2001 : « Il était très charismatique, dit son fils Timi. Enfant déjà, j’ai réalisé que son authenticité et son honnêteté faisaient de lui une sorte de pôle d’attraction. »


Jake dans les années 80. Ci-contre : descente de nuit en 2001 à ­Whistler (Canada). « Il avait la cinquantaine bien tassée, mais carburait toujours autant », se souvient son fils Timi.


Jake Burton

« Jake avait le don de diffuser la bonne humeur. Quand il neigeait, il nous libérait pour aller surfer. » Mark Heingartner

Donna Carpenter, 58 ans Veuve de Jake et propriétaire de Burton Snowboards (la photo ci-dessus date des années 80).

MARK GALLUP, DONNA CARPENTER, BURTON

« Jake a mis longtemps avant de me parler de la mort de son frère. Ou de celle de sa mère, décédée alors qu’il avait 17 ans. Ces deux ­expériences l’ont beaucoup affecté, mais l’ont façonné aussi. Elles lui ont appris l’importance de vivre l’instant présent, de profiter de la vie. »

Mark Heingartner, 58 ans Double champion du monde de snowboard et l’un des premiers ­employés de Burton.

« Il a acheté très tôt une planche de Snurfer (ancêtre du snowboard sans fixations, ndlr) et s’y essayait sur les terrains de golf. » THE RED BULLETIN

Les débuts de Burton : 1970-1982 En 1970, Jake Burton boucle ses études. Ses déboires au pensionnat lui ont servi de leçon. Il finit meilleur de sa classe dans le suivant au Connecticut, et est élu capitaine de l’équipe de natation à l’université de New York. Son diplôme en poche, il décroche un emploi dans une banque d’investissement. Mais rapidement, il s’y ennuie. En 1977, son souvenir du snurf lui inspire une idée, son « plan pour faire vite fortune ». Première étape : il s’installe dans une ferme isolée du ­Vermont et y fonde Burton Snowboards. Mark Heingartner (l’un des premiers à rejoindre l’équipe Burton) : J’étais encore lycéen quand j’ai commencé à travailler pour Jake avec trois autres jeunes – Jake était comme un grand frère. À la ferme, la salle à manger faisait office de showroom, le sous-sol de salle d’expédition, et la grange d’atelier. Chaque planche était découpée à la main et Jake était fier de chacune d’elles. Donna Carpenter : Il travaillait 14 heures par jour et carburait à la cigarette et au café noir. Les snowboards étaient son obsession, pourtant au départ, il n’avait rien d’un bricolo. Il était nul en techno à l’école et incapable de changer une ampoule. J’ai rencontré Jake en 1982, le soir du Nouvel An. Il était assis dans un

bar à Londonderry, dans le Vermont, et sirotait un Jack Daniels au lait. « Pour mon estomac non encore ulcéré, m’avait-il alors expliqué avant d’ajouter, je m’appelle Jake et je fabrique des snowboards. » Je me suis dit : « Ça ne va pas le faire. » Pourtant, j’ai commencé à venir de New York pour l’aider les week-ends. Il trempait des morceaux de bois stratifiés dans du polyuréthane puis les suspendait pour les faire sécher. L’air était toxique. Nous portions des masques de protection connectés à un tuyau, lui-même relié à l’extérieur par un trou dans le mur. Parfois, quelqu’un y soufflait de la marie-jeanne pour me faire planer ce qui faisait beaucoup rire Jake. Mark Heingartner : Jake avait le don de diffuser la bonne humeur. Quand il neigeait, il nous libérait pour aller surfer. Donna Carpenter : Mais il se sentait seul au fin fond du Vermont. Il travaillait sans relâche pour mettre son entreprise sur les rails. Ses amis new-yorkais ne comprenaient pas à quoi tout cela rimait, de plus, les stations de ski ne voulaient pas de snowboardeurs sur leurs pistes sous prétexte que « les assurances ne couvraient pas cette pratique ». Lors de notre première participation au salon SIA (Ski Industries of America, ndlr) en 1982, les principaux syndicats de la branche ont tenté de nous dégager en nous lançant : « Il n’y a pas de place pour vous dans notre industrie. » Mais on a tenu bon.   77


Jake Burton

La croissance et le son punk : 1982 - 1996 Les premiers championnats américains de snowboard ont lieu dans le Vermont en 1982 dans la petite station de ski ­Suicide Six. Des snurfers originaires du Michigan mettent le cap à l’est pour l’épreuve et dorment par terre chez Jake. En 1985, l’événement est déplacé à Stratton Mountain, un domaine skiable plus important, avec Jake pour organisateur et animateur — dès lors la course devient officiellement l’U.S. Open de Snowboard.

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Le stand Burton dans les années 80 : les snowboards ont bataillé pour se faire une place.

Mike Cox, 56 ans

Ambassadeur de la marque Burton « C’était un vrai farceur. Un jour, nous étions en randonnée sur le mont Mansfield, dans le Vermont. Nous avons croisé un jeune couple. Jake leur a proposé de prendre une photo. Il m’a tendu l’appareil, s’est placé derrière le couple puis a baissé son pantalon. Le couple est resté sans voix. »

Kelly Clark, 38 ans

Championne olympique en halfpipe « Burton a fait plus pour la place des femmes dans le snowboard que toute autre entreprise. Ils nous ont traitées de la même manière que les hommes et nous ont intégrées dès le début. »

Mark McMorris, 27 ans

Nonuple médaillé d’or aux X-Games « Nous étions potes et une source d’inspiration l’un pour l’autre. En 2017, je me suis écrasé contre un arbre à Whistler. Jake, fondateur de la plus grande marque de snowboard au monde, s’est précipité à mon chevet à l’hôpital. Aucun autre responsable d’une aussi grande entreprise ne l’aurait fait. Pour trouver de nouvelles idées, Jake et moi chinions des vêtements et différents produits dans le monde entier. Nul ne s’intéressait au matériel de snowboard autant que Jake. Les plus petits détails l’obsédaient. Il pouvait parler pendant une heure et demie d’une bretelle de sac à dos qui, selon lui, posait problème. Par ailleurs, il me consultait régulièrement sur les tendances du moment ou émergentes. Il s’était même mis à écouter du hip-hop juste parce qu’avec les garçons, nous en étions fans. » THE RED BULLETIN

GARY LAND, JEFF CURTES, CORY VANDERPLOEG/RED BULL CONTENT POOL, BURTON

Donna Carpenter : Dès le début, l’U.S. Open comprenait une catégorie femme. Je me souviens avoir interpellé Jake : « Hey, quel prix donne-t-on aux femmes ? Le même qu’aux hommes, m’avait-il alors rétorqué. » Mark Heingartner : Jake voulait avant tout promouvoir ce sport. Accompagnés de quelques riders Burton, nous nous sommes aventurés sur nos planches dans des stations de ski, décidés à prouver aux agents des pistes et aux fédérations de sport de montagne que le snowboard était sûr, que nous savions slalomer et nous arrêter aussi bien que les skieurs. Et que snow­boardeurs et skieurs pouvaient cohabiter. Donna Carpenter : Nous avons engagé une personne pour travailler avec les compagnies d’assurance sur les questions juridiques liées aux stations de ski. Mais nos clients étaient des jeunes de 15 et 16 ans ne connaissant ni ne s’intéressant aux règlements. Nous avons bien essayé un temps de les sensibiliser à ces règles, mais c’était peine perdue… Mike Cox (ambassadeur Burton) : Durant les salons de sports d’hiver des années 90, l’un des participants exposait ses snowboards non pas dans un stand conventionnel, mais dans un bus scolaire avec des strip-teaseuses, des show-girls de Las Vegas et même des stars de films X qui dédicaçaient des posters. Une joyeuse folie régnait autour des stands de snow­ boards contrairement à ceux de skis où l’on ­s’ennuyait mortellement. Chaque jour à 17 heures, nous servions de la bière, des groupes de punk jouaient live, c’était tellement bruyant qu’on ne pouvait plus tenir de réunions. Un jour, Jake et moi étions à l’écart et observions le stand B ­ urton, l’incessant va-et-vient lui donnait des airs de ruche. À un moment, nos regards se sont croisés, on pensait clairement la même chose : « Bon sang ! C’est parti ! »


« Des groupes punk jouaient dans nos stands sur les salons. C’était si fort que personne ne pouvait tenir de réunions. » Mike Cox, Ambassadeur Burton

Président du conseil d’administration : Jake Burton en 2016. Fondée en 1977, son entreprise de snowboards est aujourd’hui une marque leader dans le monde.


Souvenir des tout premiers jours : l’équipe Burton lors des championnats américains de 1985 à Stratton Mountain.

Fabrication d’une planche Burton dans les années 80.

« Ne devenez ­surtout pas skieur, restez rebelle. Il n’y a pas de plus belle satisfaction que de se tenir sur une planche. » Un kiff en snowboard Burton en 2001.

Mark McMorris


Jake Burton

La conquête du monde : 1996-2011

HUBERT SCHRIEBL, MARK GALLUP, JEFF CURTES

En 1996, Jake et Donna sont parents de trois jeunes garçons et à la tête d’une entreprise de plusieurs millions de dollars avec une croissance annuelle de 25 à 30 %. En 1998, le snowboard devient une disciple olympique aux Jeux d’hiver de Nagano. Quatre ans plus tard, deux riders du team Burton décrochent l’or aux Jeux de Park City. En 2006, Shaun White, star de l’équipe Burton, fait la c­ ouverture de Rolling Stone : torse nu, sa médaille d’or obtenue à Turin autour du cou et le drapeau américain sur les épaules. Mike Cox : Chaque année, Jake et Donna donnaient une fête chez eux, la « Fall Bash ». Nous étions 25 à la première, par la suite, la fête a réuni jusqu’à 1 200 personnes. Les invités avaient accès à la totalité de la maison. Kelly Clark (championne olympique de halfpipe) : Jake savait comment prendre du bon temps. Une fois, il a organisé un énorme feu d’artifice chez lui, juste pour le plaisir. Donna Carpenter : Jake savait que s’amuser était un besoin pour tous, jeunes et adultes. Quand nos enfants étaient petits, nous avions un panier de basket au milieu du salon. Jake y jouait avec les garçons et le perdant devait sortir les poubelles. Timi Carpenter : Le ballon était petit, mais le panier de trois mètres était aux normes. Il y a eu pas mal de casse, des cadres, des lampes et j’en passe. On ne se faisait pas de cadeau. Un jour, Jake a pris un coup alors qu’il était contré par un camarade. Résultat : deux yeux au beurre noir. Le lendemain, il s’est présenté à une interview télévisée en portant d’énormes lunettes de soleil. Jake était aussi mon entraîneur de base-ball. Un jour, alors qu’il pleuvait à verse, il décida de nous montrer comment glisser sur l’herbe. Il s’est élancé et s’est jeté par terre, salissant tous ses vêtements. Puis, il s’est relevé en déclarant : « C’est comme ça qu’il faut s’y prendre. » Quand la neige était bonne, mon père nous laissait sécher l’école pour aller faire du snowboard. À cinquante ans passés, il avait encore du jus. J’ai en mémoire son dernier passage sur une box. Il est devenu fébrile au dernier moment et en essayant d’éviter la box il l’a heurtée lourdement avec son dos. Il s’est alors redressé et a déclaré : « C’est terminé, à partir de maintenant, je me contenterai du hors-piste. » THE RED BULLETIN

En 2014, Burton était constamment sur la route. « Je fais mon tour d’honneur. »

Le long combat : 2011-2019 En 2011, Jake envoie un mémo à ses 800 salariés : « Je suis atteint d’un ­cancer, ça, c’est la mauvaise nouvelle. La bonne, c’est qu’il est tout à fait curable. » Il subit avec succès une chimiothérapie pour soigner un séminome, un cancer des testicules. Mais quatre ans plus tard, on lui diagnostique le syndrome de Miller Fisher, une maladie rare qui paralyse temporairement le système nerveux. Donna Carpenter : Le médecin lui a expliqué ceci : « Si c’est ce que nous soupçonnons, il se peut que vous ne puissiez plus ouvrir les yeux demain, que vous ne soyez plus capable de déglutir après-demain ou de respirer le jour suivant. » Timi Carpenter : C’était la personne la plus dynamique que j’aie jamais rencontrée. Et soudain, il était cloué à un lit d’hôpital, prisonnier dans son propre corps. Donna Carpenter : Au bout de trois semaines, il désespérait. Son pouls est passé de 52 à 160, et il ne voyait plus. Il parvenait cependant à écrire des messages sur du papier. Une nuit, il a écrit : « Je veux en finir. » Le lendemain matin, il m’a tendu une nouvelle note : « Je sais que la partie est perdue. J’abandonne. » Mais quand les infirmières l’ont sorti pour prendre l’air, il a écrit en voyant la montagne : « Je veux vivre désormais. » Timi Carpenter : À peine remis sur pied, il était à nouveau intenable. Nous avons participé à des événements de snowboard en Europe en traînant la nuit avec les riders. Pour mes 21 ans, il m’a emmené

au festival Burning Man. Il dansait et ­parlait à tout le monde. Une fille avec laquelle je discutais l’a observé et m’a dit : « Waouh, ce type est super cool. » Oui, c’est mon père, lui ai-je répondu. J’étais inquiet pour Jake. Je lui ai dit : « Écoute, la virée a assez duré. Il est temps de reprendre une vie plus normale et de te soigner. » Mais il ne voulait rien entendre. « C’est mon baroud d’honneur », me lançait-il alors. Puis un jour, il m’a appelé, sa voix était différente. J’ai tout de suite compris. « Le cancer est de retour, m’a-t-il annoncé, mais je le combattrai jusqu’au bout. Je l’ai déjà vaincu et je le vaincrai encore. » Il donnait le change, mais au fond de lui il était totalement abattu. Donna Carpenter : Je pense qu’il aurait vaincu le cancer une seconde fois s’il n’y avait pas eu le syndrome de Miller Fisher. Mais il avait aussi conscience d’être allé au bout du combat. Il voyait les effets de la chimiothérapie sur lui. Il refusait de dépérir et de mourir de cette façon. Puis, le jour où il a cessé de faire de l’humour, j’ai compris que la fin était proche.

Ce qu’il laisse derrière lui Jake Burton meurt le 20 novembre 2019. Mike Cox : Peu après la mort de Jake, un ancien représentant de Burton m’appelait et me confiait : « Jake a fait bien plus que nous initier au snowboard. Son rapport à la vie nous a inspirés, il nous a communiqué son enthousiasme. Le regarder nous donnait envie d’imiter son rapport à la vie, de vivre comme lui. » Donna Carpenter : La meilleure façon d’honorer l’héritage de Jake est de pratiquer le snowboard, de vivre le moment ­présent en communion avec la nature et de rester une communauté unie et soudée ! Kelly Clark : Le snowboard a toujours été la chose la plus importante pour Jake, il était à l’écoute des riders. Il serait fier de savoir que nous perpétuons cet état d’esprit. Mark McMorris (vainqueur des X-Games) : Nous devons rester fidèles à nous-mêmes. Partez à la montagne avec vos proches, prenez du plaisir, repoussez vos limites. Et surtout, ne devenez pas skieur, restez rebelle. Il n’y a pas de plus belle satisfaction que de se tenir sur une planche.

Dear Rider, à voir dès à présent sur HBO Max.   81


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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

EN CORDÉE JUSQU’AU SOMMET

SANDRO BAEBLER

Avec l’alpiniste Nirmal « Nims » Purja, le Népalais recordman des quatorze 8 000

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PERSPECTIVES voyage

« J’aime profondément ce que je fais. » L’alpiniste népalais Nirmal « Nims » Purja, 38 ans, a gravi les quatorze 8 000 en un temps record – et s’est fait tatouer chacun des sommets sur le dos. Dans le cadre d’un voyage Destination Red Bull, il vous accompagne sur le mont Blanc.

N

etflix lui a dédié un film documentaire (14 Peaks: Nothing Is Impossible). Il est le plus talentueux des alpinistes de l’extrême du moment. En 2019, il établit un record qui perdurera : le Népalais Nirmal « Nims » ­Purja, un enfant de la plaine né en 1983, a gravi, en l’espace de six mois et six jours, les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres, terrassant à cette occasion le record du Coréen Kim Chang-ho datant de 2013, qui était de sept ans et dix mois. Ce qui représente l’objectif d’une vie entière pour certains ne constitue pour Nims qu’une gentille escapade le temps d’un week-end : l’ancien soldat d’élite de la Royal Navy b ­ ritannique (qui a, entre-temps, été anobli par la Reine) a conquis l’Everest (8 848 m), le Lhotse voisin (8 516 m) et le Makalu (8 463 m) en seulement 48 heures et 30 minutes. C’est avec une motivation et une détermination maximales qu’il s’est lancé dans son « Project Possible »…

Nirmal Purja, ici en visite au Großglockner (Autriche), parcourt les Alpes avec vous.

La femme aux côtés de Nims Il y a vingt ans, Isabelle Santoire quittait son Canada natal pour suivre son ­compagnon de l’époque, un joueur de hockey, qui venait de signer un contrat à Genève… Là, elle tombe sous le charme des Alpes suisses. « À la fin de mes études, j’ai suivi une formation de guide 84

Nirmal Purja pendant l’ascension : le Népalais est un miracle en termes d’endurance et il aime transmettre ses astuces à ses hôtes. THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES voyage Suisse

Genève Chamonix

S’y rendre

France

Mont-Blanc

Italie

Depuis Chamonix, la ville la plus proche du triangle frontalier France-Suisse-­Italie. En avion : l’aéroport le plus proche est celui de Genève, après quoi il faut compter ­environ 90 minutes en voiture via l’A40 et la N205. Il existe aussi un bus direct depuis l’aéroport de Genève. En voiture : en Suisse, suivre les autoroutes A1 et A12 jusqu’à Montreux, puis via l’A9 jusqu’à Martigny.

Ensuite, le spectacle est au rendez-­vous : le reste du chemin passe par la route de la ­Forclaz, près du Châtelard, et traverse la ­frontière française jusqu’à Chamonix. destination.redbull.com

STEFAN VOITL/RED BULL CONTENT POOL, SHUTTERSTOCK, ADOBE STOCK WERNER JESSNER

Escale au Goûter, le plus haut refuge du massif du Mont-Blanc.

de haute montagne. Aujourd’hui, je suis l’une des seize femmes guides professionnelles de France. » Isabelle a mené des expéditions dans tous les coins du monde, et s’est établie à Chamonix, au pied du mont Blanc. Combien de fois l’a-t-elle gravi ? « Aucune idée, s’exclame-t-elle en riant. J’ai arrêté de compter. » La plus haute montagne des Alpes est sa seconde maison : « Techniquement, le mont Blanc n’est pas très difficile à escalader, mais il exerce une certaine fascination sur moi. Depuis ma maison, je ne me lasse pas de contempler sa beauté. » C’est dans le cadre d’un voyage exclusif proposé par Destination Red Bull que Nims et Isabelle sont invités à travailler ensemble. La pro de l’organisation a porté THE RED BULLETIN

Bon à savoir

Pendant l’ascension, Purja changera de cordée. Ainsi, tout le monde aura le plaisir de grimper avec la légende.

Est-ce que le mont Blanc, dont la première ascension remonte à 1786, peut être considéré comme le plus haut sommet d’Europe ? Géographiquement parlant, c’est l’Elbrouz, avec ses 5 642 mètres, situé dans le nord du Caucase, qui détient le record d’Europe. Le mont Blanc est incontestablement la plus haute montagne de France, bien que l’Italie la revendique aussi en situant la frontière dans le massif du Mont-Blanc. Une chose est sûre, le mont Blanc est le plus haut sommet des Alpes.

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PERSPECTIVES voyage

l’escalade alpine à un nouveau niveau d’exigences. A-t-elle des questions à poser à Nims ? « Des tas ! Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est comment il fait pour récupérer aussi vite. Pas plus tard qu’hier, j’ai participé à une course en montagne. Et aujourd’hui, je sens encore la fatigue. Nims, lui, ne semble pas souffrir de cela, comme si ça lui était étranger. Comment peut-on humainement grimper trois 8 000 mètres en deux jours seulement ? »

Verdict : accessible Afin qu’il n’y ait pas de problème d’adaptation sur le massif du Mont-Blanc lors du séjour de Destination Red Bull, Isabelle et Nims accompagneront leurs hôtes à la cime, pas à pas. La randonnée de l’Aiguille du Tour se situe à 3540 mètres d’altitude. Sur l’arête des Cosmiques, les aspirants au sommet s’exerceront à utiliser leurs piolets et leurs crampons sur la roche et sur la glace, et se familiariseront avec les techniques de montagne et de corde. C’est justement parce que le mont Blanc n’est pas difficile d’un point de vue technique qu’il est accessible aux sportifs ayant relativement peu d’expérience en 86

« Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’opportunité de faire une cordée avec une légende vivante de l’alpinisme ! » Isabelle Santoire, 53 ans, guide de montagne à Chamonix, assiste Nims Purja pour encadrer les participants.

altitude. Isabelle poursuit : « Un manque de routine en montagne peut être compensé ici par une excellente condition physique. Les coureurs de montagne expérimentés et sûrs d’eux ont autant de chances d’atteindre le sommet que les alpinistes rodés. » Le tour sera inoubliable pour tous les participants, Isabelle Santoire en est convaincue : « Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’opportunité de faire une cordée avec une légende vivante de l’alpinisme ! » Nirmal Purja changera de cordée pendant l’ascension. Ainsi, ­chacun des cinq participants aura le plaisir de grimper avec lui. Toutes les nuits se feront en refuge, dont une au Goûter, refuge le plus élevé du massif, situé à 3 835 mètres d’altitude. Enfin, une chose est sûre : « Même si nous sommes avec le grimpeur le plus rapide de tous, nous ne ferons pas la course jusqu’au mont Blanc, souligne Isabelle. Ce voyage est une aventure dans la nature, pas une compétition. »

Cette excursion exceptionnelle encadrée par Nirmal « Nims » Purja et Isabelle ­Santoire aura lieu en août 2022. Plus d’infos sur : destination.redbull.com THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES, ANGELA PERCIVAL

Le but  : du haut de ses 4 810 mètres, le mont Blanc domine les Alpes françaises et une partie de l’Italie.


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PERSPECTIVES gaming Fast fashion

La mode sud-coréenne suit le rythme effréné d’un pays considéré comme technologiquement précurseur. « Les styles évoluent sans cesse, explique Cho, mais les tendances se déclinent aussi en fonction des goûts et des couleurs : des boutiques évaluent celle qui convient le mieux au teint de votre peau. Et pour la coupe de cheveux, il y a les coiffeurs-visagistes. Les looks ne sont jamais homogènes, ils sont savamment réfléchis, le thème est commun, mais ses expressions sont diverses. »

Nouveau romantique

Podium Oubliez tous vos looks et devenez un chef de file du « style aéroportuaire » coréen grâce aux conseils de haut vol de Jazzy Cho, gourou de la mode pour Les Sims 4. Les aéroports n’ont pas la réputation d’être des lieux où la mode s’épanouit. Sauf s’il s’agit de l’aéroport international d’Incheon à Séoul. ­Terrain de golf, patinoire, casino cinéma, ce hub futuriste unique en son genre incarne l’esprit d’un pays réputé pour ses villes intelligentes, son wi-fi haut débit et sa culture pop à la pointe. Une déclinaison de la mode K (coréenne) y a même vu le jour, la mode gonghang (aéroport), inspirée des photos prises par les paparazzis de célébrités au look avant-gardiste revenant de l’étranger. « Les Sud-Coréens sont fiers d’Incheon, les touristes 88

s’y forgent leur première impression du pays, et il fait partie intégrante de la culture », explique Jazzy Cho, influenceuse de mode américano-coréenne, animatrice de télévision et Miss Corée USA 2016. Élevée en Californie, Cho a pour mission de promouvoir la vigueur créative de la Corée moderne. Elle est également curatrice du kit d’arrivée à Incheon, une nouvelle garde-robe gonghang pour le jeu vidéo de simulation sociale Les Sims 4. Elle nous dévoile en détail la mode coréenne, devenue un élément moteur du Hallyu (ou vague coréenne), un phénomène culturel mondial.

par les femmes, et la longue jupe chima a été raccourcie et allégée tout en préservant son bouffant autrefois reflet d’un statut social élevé. » Une évolution que le kit d’arrivée à Incheon célèbre avec une version modernisée du durumagi, un manteau homme. Le souci du détail du hanbok s’étend à tous les aspects de la vie coréenne : « Le service client inclus. Un restaurant qui sert des plats ­salissants distribue un tablier à ses clients. »

Classiques modernes

« La mode coréenne contemporaine s’inspire des broderies, des couleurs vives et des tissus fluides du hanbok », poursuit Cho à propos du terme désignant les tenues coréennes traditionnelles. Si le hanbok est encore porté, il est selon Cho, réactualisé. « Les pantalons baji amples portés à l’origine par les hommes, ont été adaptés et sont désormais portés aussi

« Les Coréens sont fiers de leur aéroport. » Jazzy Cho

Décollage

Le gonghang s’apparente peut-être à une version décalée de la mode, mais elle est révélatrice de la vague coréenne, comme l’explique Cho : « La Corée se situe entre l’Ouest et l’Est. Son histoire déchirée par la guerre a aussi nourri une volonté inébranlable de prospérer qui caractérise son peuple. » Cet aspect sous-jacent de la mode K explique selon Cho sa popularité universelle. « En quelques années, l’impact culturel de la Corée du Sud est devenu planétaire. »

Le kit Incheon Airport des Sims 4 dispo sur PlayStation, Xbox, PC et macOS ; ea.com. Suivez Jazzy Cho sur youtube.com/jazzycho THE RED BULLETIN

ALEXANDRA ZAGALSKY

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L’aéroport d’Incheon est-il l’endroit le plus branché au monde ? Réponse dans Les Sims 4.

Le style aéroportuaire nettement cosmopolite s’harmonise parfaitement avec les racines de Cho. « Je me sens Coréenne, mais perçois la culture avec un œil américain. Je trouve que la culture coréenne, de la K-pop à sa cuisine, est très romantique. Mon mot préféré est nangman, qui signifie romance. L’amour et les émotions positives associés à un partenaire épanoui sont valorisés. De nombreuses marques proposent des tenues assorties pour couples. Notre kit d’arrivée à Incheon en propose quelques-unes. »


PERSPECTIVES matos

ASSEMBLAGE

Micro­machine Vous allez faire des jaloux avec cette coque de PC portable lors des événements esport. La société de design suédoise Teenage Engineering est connue pour ses gadgets compacts et modulaires, tels que les synthétiseurs de poche. Aussi, alors que ses collaborateurs galéraient pour trouver des étuis convenables pour leurs PC, elle a décidé de les fabriquer elle-même. Six ans plus tard, et après avoir testé des coques en contreplaqué et en formica, elle présente fièrement son Computer-1 en alu­ minium (17 × 19 cm). L’ordi n’est pas inclus, contrairement au guide de montage qui vous avertit : « Réfléchir deux fois, plier une fois ». Un, deux, trois… à vos instructions ! teenage.engineering

TEENAGE ENGINEERING

COMPUTER-1 est conçu pour accueillir un mini PC ITX, populaire auprès des amateurs de home cinéma en raison de sa taille et de son système de refroidissement sans ventilateur (et donc sans bruit).

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PERSPECTIVES matos

CLASSE DE NEIGE Pour vos prochains trips à la montagne, misez sur un bon mix entre tech et style. THE NORTH FACE AMK L6 Cloud 1 000 € ; thenorthface.fr

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Cette parka apporte une chaleur inégalée sans volume ni poids. Sa technologie d’assemblage de fils Cloud Down offre au duvet suffisamment d’espace pour gonfler tout en gardant la doublure à proximité du corps pour de meilleures perfs thermiques.

ROXY Roxy x Cynthia Rowley 399 € ; roxy.fr ROXY et la créatrice de mode américaine Cynthia Rowley continuent de mettre les femmes à l’honneur avec une collection qui rassemble des imprimés audacieux et des couleurs vibrantes dans des vêtements techniques exclusifs.

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PERSPECTIVES matos OAKLEY Line Miner x Stale Sandbech 159 € ; oakley.com blizzard-tecnica.com Un masque créé pour fournir une vision périphérique optimale, vers le bas et sur les côtés, avec un design de style cylindrique. Adapté aux visages de grande taille, il est compatible avec la plupart des casques.

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Ce sac à dos de ski-alpinisme offre un grand confort de portage, un matériau robuste et extrêmement léger et une manipulation sûre et facile. Son compartiment de sécurité séparé pour la sonde et la pelle est immédiatement accessible en cas d’urgence.

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PERSPECTIVES matos Dans le sens de la montre :

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HAGLÖFS Vassi Touring 550 € ; haglofs.com Fabriquée à partir de tissus GORE-TEX Active légers qui offrent une protection imperméable hautement respirante (parfait pour les activités intenses), la veste possède une capuche ajustable et compatible avec un casque, une ventilation zippée, et ­plusieurs poches pour les besoins essentiels.

ARCTERY’X Sabre AR 600 € ; arcteryx.com Une veste conçue pour la rando freeride dont la structure et les caractéristiques fusionnent pour procurer une liberté de mouvement, une respirabilité et une protection optimales. Sa capuche compatible avec un casque assure une protection intégrale et une visibilité au top.

MAMMUT La Liste Pro HS Hooded Jacket Men 760 € ; mammut.com Une veste hardshell équipée pour le freeride, en matière Gore-Tex® Pro 3 couches, robuste et totalement imperméable. D’une excellente respirabilité, ses fonctions sont optimisées pour le ski et son look aussi est d’attaque.

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PERSPECTIVES matos

Dans le sens de la montre :

ATOMIC Four Amid Pro 159,99 € ; atomic.com Un casque à dominante all-mountain, utilisé également par les athlètes freeski Atomic. Il combine une construction Holo Core et la technologie AMID (Atomic Multi-directional Impact Deflector) pour une protection ultime, 40 % supérieure aux exigences de sécurité. Grâce au système de réglage 360 ° FIT, vous trouverez la position idéale pour un ajustement parfait. La doublure est également amovible.

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OAKLEY ARC 5 600 € ; oakley.com L’ARC5 PRO est doté d’un ­éventail d’améliorations techniques conçues pour favoriser performance et sécurité à tous les niveaux, notamment la coque en matériau composite M-Forge® dont l’arrière est spécialement formé pour empêcher la posture groupée agressive, caractéristique de Kilde, d’interférer avec son cou et le reste de son corps.

OAKLEY MOD1 Pro 150 € ; oakley.com Le MOD1 PRO se base sur le casque de ski Oakley MOD1, amélioré avec une structure en Dura-Matter, conçue pour une durabilité globale renforcée tout en conservant le même design discret que l’original. Ce casque classique inspiré par le skate est adapté à tous types d’environnements montagneux. THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES matos

ALPINA

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VÖLKL

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AlpinerX Alive 900 € ; alpinawatches.com

Blizzard Thunderbird LTD R 15 900 € ; blizzard-tecnica.com

Revolt 104 499 € ; voelkl.com

Voyager 1 299,95 € ; elanskis.com

L’AlpinerX connectée est conçue pour l’outdoor et les sports urbains. Avec leur technologie de pointe, elles offrent des infos sur le bien-être et la performance, et collectent des données sur le smartphone de l’utilisateur, grâce à l’appli compagnon Alpina Smartwatch.

Le nouveau ski de la gamme piste performance. Il offre le plus haut niveau de performance sur piste tout en restant accessible et libérera votre goût des belles courbes et d’un ski rapide avec une polyvalence sur toutes pistes damées.

Un ski avec rocker en spatule et au talon, Full Sidewall, profil latéral 3D Radius et une base P-Tex 2100 durable, recouverte de créatures et d’esprits d’animaux. Il est polyvalent et très amusant, que vous l’utilisiez pour le jibbing ou en backcountry.

Premier ski all-mountain haut de gamme pliable au monde, il est aussi pratique à transporter que performant. Ce ski de moins d’un mètre une fois plié est apte à satisfaire les skieurs les plus agressifs. Avion, train ou voiture… il sera toujours là !

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PERSPECTIVES matos VANS Bottes de snowboard Arthur Longo Infuse 440 € ; vans.fr Une botte dotée d’une fermeture à glissière étanche, de crochets de guêtre en D et de valves res­ pirantes unidirectionnelles. Un nouveau contrefort de talon stabilisateur et un embout en plastique moulé en deux parties avec une couche de caoutchouc moletée offrent une protection et une adhérence optimales en rando ou sur votre traîneau.

ROXA R/FIT Pro 130 449 € ; roxa.com La toute nouvelle série R/Fit Pro s’adresse aux skieurs all-­ mountain à la recherche de performances exceptionnelles, d’un maintien précis et confortable, et d’un poids ultra léger. L’architecture du châssis R/Fit Pro présente le design overlap en deux parties « Next Gen » de Roxa.

DALBELLO Lupo Pro HD 700 € ; dalbello.it Dotée d’une coque en polyur­ éthane et polyamide, la Lupo Pro HD est conçue pour offrir une durabilité et un flex optimaux. Ultraléger et adaptable, le chausson ID Max Light complète le tout pour un ajustement ­parfait.

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ATOMIC

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M-Free 108 600 € ; dynastar.com

Maverick 95 TI (699,99 €, ski nu) et Maven 93 C (649,99 €, ski nu) ; ­atomic.com

Snow Safety Pack 325 € ; arva-equipment.com

Ce ski de freeride progressif est une ode à la liberté et un jouet tout en légèreté pour filer entre les arbres ou se mettre la tête en bas au milieu d’une belle face vierge. Pour exprimer sa créativité dès la sortie de la première benne. THE RED BULLETIN

Les skis Maverick, pour hommes (à gauche) et Maven pour femmes (à droite) réunissent enfin le meilleur de la piste et du freeride. Performants sur neige damée et ludiques dans la poudreuse, ils vous suivront à l’envi.

La sécurité avant tout et la prudence pour priorité : ce pack composé d’un DVA Arva EVO5, d’une pelle SKITRIP et d’une sonde SKITRIP 240 est recommandé pour pratiquer le ski ou snowboard hors-piste en toute sécurité.

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MENTIONS LÉGALES

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The Red B ­ ulletin est distribué chaque mois dans six pays. Vous d ­ écouvrez ici la couverture de l’édition autrichienne, qui rend honneur au duo comique et musical ­Seiler & Speer. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Direction générale Alexander Müller-Macheck, Sara Car-Varming (adj.) Rédacteurs en chef Andreas Rottenschlager, Andreas Wollinger (adj.) Direction créative Erik Turek, Kasimir Reimann (adj.) Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Faustmann-Goll, Cornelia Gleichweit Rédaction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Übelhör Rédaction web Christian Eberle-Abasolo (dir.), Marie-Maxime Dricot, Melissa Gordon, Lisa Hechenberger, Elena Rodriguez Angelina Responsable des contenus audios Florian Obkircher Projets spécifiques Arkadiusz Piatek Gestion de la rédaction Ulrich Corazza, Marion Lukas-Wildmann Gestion de l’édition Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Anna Wilczek Directeur exécutif Stefan Ebner Directeur Ventes médias & Partenariat Lukas Scharmbacher Directrice de Co-édition Susanne Degn-Pfleger Gestion de projet Co-édition, Marketing & Communication B2B Katrin Sigl (dir.), Mathias Blaha, Katrin Dollenz, Thomas Hammerschmied, Teresa Kronreif (B2B), Eva Pech, Valentina Pierer, Stefan Portenkirchner (communication), Jennifer Silberschneider Solutions créatives Verena Schörkhuber-Zöhrer (dir.), Sara Wonka, Julia Bianca Zmek, Edith Zöchling-Marchart Gestion commerciale Co-édition Alexandra Ita Rédaction Co-édition Raffael Fritz (dir.), Gundi Bittermann, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser Directeur exécutif de la création Markus Kietreiber Gestion de projet création Elisabeth Kopanz Direction artistique Co-édition Peter Knehtl (dir.), Erwin Edtmaier, Andreea Parvu, Carina Schaittenberger, Dominik Uhl Design commercial Simone Fischer, Martina Maier, Alexandra Schendl, Julia Schinzel, Florian Solly, ­S tephan Zenz Abonnements & Distribution Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Nicole Glaser, Victoria Schwärzler, Yoldaş Yarar Service de publicité Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Friedrich Indich, Walter O. Sádaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailović, Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Finances Mariia Gerutska (dir.), Simone Kratochwil, Klaus Pleninger MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler IT Service Maximilian Auerbach Opérations Alice Gafitanu, Melanie Grasserbauer, Alexander Peham, Thomas Platzer Gestion de projet Dominik Debriacher, Gabriela-Teresa Humer Assistante du Management général Sandra Artacker Éditeur et directeur général Andreas Kornhofer Adresse Am Grünen Prater 3, 1020 Vienne, Autriche Téléphone +43 1 90221-0 Fax +43 1 90221-28809 Web redbulletin.com Propriétaire, éditeur et rédaction Médias Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alexis Bulteau, Alexis.Bulteau@redbull.com Traductions Willy Bottemer, Fred & Susanne ­Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Relecture Audrey Plaza Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Quad/Graphics Europe Sp. z o.o., Pułtuska 120, 07-200 Wyszków, Pologne Publicité Feel Good Media Olivia Chevallier +33 (0)6 26 14 61 47 olivia@feelgoodmedia.fr

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor Maximilian Reich Révision Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Nina Hahn Publicité Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Daniela Güpner, Wolfgang Kröll, Gabriele MatijevicBeisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes Wahrmann-Schär, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editors Tom Guise (dir.), Lou Boyd Secrétariat de rédaction Davydd Chong (dir.) Publishing Manager Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editor Stefania Telesca Country Coordinator Christine Vitel Country Project Management Meike Koch Media Sales & Brand Partnerships Christian Bürgi (dir.), christian.buergi@redbull.com Marcel Bannwart, marcel.bannwart@redbull.com Jessica Pünchera, jessica.puenchera@redbull.com Goldbach Publishing Marco Nicoli, marco.nicoli@goldbach.com

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X Rédacteur en chef Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Révision Catherine Auer, David Caplan Publishing Management Branden Peters Publicité Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Wolfgang Wieser Révision Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Publishing Management Bernhard Schmied Publicité Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Thomas Gubier, Daniela Güpner, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes Wahrmann-Schär, Ellen WittmannSochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

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HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en janvier en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement. AARON BLATT / RED BULL CONTENT POOL

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Pour finir en beauté

« Cette image date de la dernière fois où j’ai pris l’avion, en février 2020, r­ aconte le photographe Dom Daher, pour le Freeride World Tour au Canada. Le snowboardeur Lolo Besse est le chef juge du tour, et c’est depuis le sommet de la compétition canadienne qu’il avait repéré cette petite face. Nous y sommes retournés après l’épreuve. Dans le même temps, j’avais remis la main sur un de mes appareils photo argentiques. De retour à mon studio j’ai squatté la cuisine et développé moi-même cette péloche. »

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Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 17 février 2022.

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DOM DAHER

La dernière ligne


Éc n o u v o u te z l e el ép iso d e

UN PODCAST THE RED BULLETIN Une invitation à la réflexion, un espace où coexistent des solutions et des idées propres à notre époque, à travers les expériences personnelles de nos invités. Comment souhaitons-nous construire un environnement sain pour s’inscrire dans un « bien ensemble » ?

Un podcast à retrouver sur toutes les plateformes habituelles et sur redbulletin.com/podcast


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