The Red Bulletin CF 06/21

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SUISSE JUIN 2021 3,80 CHF

MMUN

FABIO WIBMER

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A PRIS POSSESSION DE CE NUMÉRO !*

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A B C D E F G

A


É D I TO R I A L

BIENVENUE

MA CARTE BLANCHE

KONSTANTIN REYER (COVER), NORMAN KONRAD, CARLOS BLANCHARD

PRISE EN MAIN

Je ne le cacherai pas, je me suis bien amusé à confectionner ce numéro. Sous mes yeux, le chemin de fer, l’outil n° 1 de toute création d’un magazine !

Comme tu l’auras compris, ce numéro est un peu différent des autres. C’est normal. C’est à cause de moi… Je m’appelle Fabio Wibmer, je suis un cycliste professionnel, originaire du Tyrol, en Autriche. J’ai 25 ans. Et comme tout bon représentant de la génération Y, je suis plus accoutumé des réseaux ­sociaux (Instagram, YouTube, etc.) que de la presse écrite. Mais, lorsque l’équipe de The Red Bulletin m’a invité à jouer le rôle de Rédacteur en chef (perso, je préfère « Optimisateur de contenus en chef » LOL), ça m’a flatté… Comment refuser ? J’ai pris grand soin à choisir des sujets qui m’inspirent et qui, je l’espère te ­parleront comme à moi, et te donneront des ailes !!! Par exemple, ce rendez-vous exceptionnel que Lindsey Vonn m’a accordé… Quand un fan rencontre son idole, ça fait des étincelles !

LINDSEY ET MOI Nous avons parlé comme deux potes qui se connaissent depuis toujours… Page 42

Je te laisse découvrir mes surprises au fil des pages ! Bonne lecture, Fabio

PORTE-BONHEUR

C’est avec le numéro 800 que j’ai décroché ma toute ­première médaille, et c’était en ­motocross. Page 14

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FABIO WIBMER Cela ne s’est encore jamais produit dans le monde de The Red Bulletin : un athlète détourne le magazine entier ! Le biker pro autrichien de 25 ans et créateur de contenu (1 milliard de clics sur YouTube !) est notre rédacteur en chef ce mois-ci.

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CONTENUS The Red Bulletin juin 2021

MUSIQUE

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58 SURPRISE SURPRISE ­

La DJane Monki a aussi fait ses preuves en foot, avant de devenir une incontournable de la scène musicale anglaise.

DURE AU MAL La vététiste suisse Jolanda Neff victorieuse sur tous les terrains.

VTT

PORTFOLIO

18 FLORILÈGE DE PHOTOS Ces images époustouflantes ont donné de grandes idées à Fabio.

MUSIQUE

34 L AREINE DES CŒURS ­

Depuis qu’elle a quitté les terrains de foot pour la scène, Naomi Lareine a trouvé sa cour.

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INSPIRATION

38 TAILLÉ SUR MESURE

DIVAN VIRTUEL  Lindsey Vonn se confie à ­Fabio Wibmer : deux stars en séance Zoom.

Le designer, star de la mode Virgil Abloh, est l’un des héros de Fabio. Il nous explique pourquoi.

KONSTANTIN REYER, ARMIN M. KÜSTENBRÜCK, ALYSSA GREENBERG/CONDE NAST, PATRIK FRASER/CONTOUR BY GETTY IMAGES, TEUFEL

RUNNING

40 SANS SUPERFLU

Florian Gomet a traversé les continents à pied, avec son sac-banane pour tout bagage.

Un entretien peu ordinaire entre un fan (­Fabio) et son idole (Lindsey Vonn).

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PERSPECTIVES EXPÉRIENCES POUR UNE VIE AMÉLIORÉE

71 VOYAGE Vinny T nous guide dans la Région Dents du Midi. 76 M ATOS La panoplie intégrale de Fabio quand il enfourche son vélo. 78 PLAYLIST Made by Fabio. 80 F ITNESS Un bol d’énergie à consommer sans modération. 81 GAMING Comment les gamers peuvent aider les chercheurs à ­résoudre les problèmes actuels.

82 TENDANCES Pour partir en ­vadrouille bien équipé 84 L E COIN DES LIVRES Andrzej ­Sapkowski, l’ensorceleur.

MATOS

86 VÉLOS & ACCESSOIRES Tout pour une virée à vélo.

Fabio et ses vélos, c’est une histoire qui dure.

92 BOULEVARD DES HÉROS La vie du prestigieux Harry Houdini.

52 INSÉPARABLES ­

L’ÉTIQUETTE DE LA MODE  En quoi Fabio s’est inspiré du créateur Virgil Abloh pour son label.

Jolanda Neff revient de loin, pour aller encore plus loin.

TÊTE À TÊTE

42 EN TOUTE INTIMITÉ

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64 LÉGÈRETÉ RETROUVÉE

6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !

14 OBJET TROUVÉ 16 LE MOMENT PHILO : GOETHE

9 6 MENTIONS LÉGALES 9 8 LE TRAIT DE LA FIN

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DÉSERT DU NÉGUEV, ISRAËL

HANNES BERGER

Dans le bac à sable

À l’occasion de la première vidéo pour Canyon, son nouveau sponsor, au début de l’année 2020, Fabio Wibmer répond à l’appel du désert, en l’occurrence le Néguev, dans le sud d’Israël. Des paysages spectaculaires pour une méharée sauvage avec un vélo en guise de chameau. « Un décor fou, s’extasie Fabio, du sable et de la roche à perte de vue. Dévaler les dunes du Néguev procure une sensation unique. » L’intégralité de la vidéo en Israël en scannant le QR code ci-contre  7


LISBONNE, PORTUGAL

Fin 2019, Fabio fait escale dans la capitale lusitanienne afin d’y tourner une vidéo pour le partenaire Mercedes-Benz. À l’embouchure du Tage, l’atmosphère magique des vestiges du port séduit le Tyrolien. C’est le coup de foudre. « C’était spectaculaire, se souvient-il, même si la prudence restait de mise, car le sol humide était glissant. Mais au final, le rendu des photos est superbe. » Instagram : @wibmerfabio 8

HANNES BERGER

En toute assurance


SAALBACHHINTERGLEMM, AUTRICHE

Piste ­ yclable c Fabio a toujours rêvé de sauter d’un hélicoptère à la manière de James Bond. L’occasion se présente en 2018 lors du tournage de ­Fabiolous Escape 2 dans cette station de ski. Scénario : Fabio veut emporter son vélo sur les pistes, mais à la télécabine, on lui oppose un refus catégorique. Qu’à cela ne tienne, il prend l’hélico. La suite est une course-poursuite avec la police des pistes, ponctuée de sauts par-dessus des chalets et un saut périlleux au-dessus d’une dameuse de pistes. Revivre toute la descente en scannant le QR code. Attention, chaud devant !­


INNSBRUCK, AUTRICHE

Sessions à ­domicile « Innsbruck n’a pas son pareil pour s’amuser en vélo, confie Fabio à propos de sa ville natale. Les innombrables passages et franchissements sont une aubaine pour le street trial (en photo : la patinoire olympique, ndlr). « De toute façon, on s’amuse partout avec un VTT trial, assure-t-il. Il suffit de garder les yeux ouverts et de faire preuve de créativité. » L’aventure à Innsbruck en scannant le QR code ; toutes les photos de la série sur hannesberger.com 10


HANNES BERGER


L’A D D I T I O N , S ’ I L VO U S P L A Î T  !

FABIO EN TÉLÉTRAVAIL

Quand on aime… Dans Home Office, Fabio Wibmer démontre, en transformant son domicile en terrain de jeux, que le télé­travail peut être très amusant. Un réconfort ­précédé néanmoins de grands efforts, comme ces nombres l’attestent.

tentatives afin de réaliser toutes les figures.

ans, telle est la durée cumulée de tous les visionnages en ligne des 7 minutes et 26 secondes de Home Office.

C’est le nombre de fois que Fabio a essayé de planter la fléchette dans la cible à l’aide de sa roue arrière.

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tentative a suffi à Fabio pour sauter dans la piscine depuis le toit de sa maison. Mais la cascade est loin d’être aussi simple qu’elle n’y paraît.

figures sont réalisées dans la vidéo, dont un saut hors d’une piscine vide réussi après trois essais.

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tentatives ratées avant de réussir un panier de basket avec la roue arrière de son vélo. Fabio marque le panier au 601e coup d’essai.

C’est le nombre de pays dans lesquels Home Office a suscité l’intérêt des médias.

15 500 000 000

Scannez le QR code pour accéder à la vidéo.

feuilles A4 seraient nécessaires pour retranscrire les données (3,1 terabytes) générées par la totalité des rushs. 12

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FLORIAN OBKIRCHER

échecs subis avant de réussir à rattraper la roue arrière qui se fait la malle.

CLAUDIA MEITERT

410

600

vues de Home Office (au moment où nous mettons sous presse).

jours de tournage pour filmer la vidéo Home Office.

318

430

23 240 632

25

GETTY IMAGES (2)

2 700

196

tentatives ratées avant de réussir le salto arrière sur le trampoline. La 197 e sera la bonne.


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O B J E T T RO U V É

LA PREMIÈRE MÉDAILLE DE FABIO

Tout ce qui brille

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CHARLOS BLANCHARD

Une médaille commémorative reçue lors du championnat du monde de motocross de 2008. Avant que Fabio Wibmer ne découvre sa passion pour le vélo, il était motorisé et pratiquait le motocross dès son plus jeune âge. Son grand rêve à l’époque était de participer un jour à un championnat du monde. Ce souhait s’est réalisé en 2008 : à l’âge de 14 ans, Fabio a porté les couleurs de l’Autriche dans la catégorie 125cc à Gingoli, en Italie. Il a échoué de peu à se qualifier pour la course principale, « mais cela reste l’un de mes souvenirs sportifs les plus cool ».


TROIS NOUVELLES SAVEURS.


L E M OM EN T PHILO

GOETHE DIT

« Celui qui imite ses idoles en devient une pâle copie » Pour aspirer à une personnalité épanouie, il faut oser affirmer son individualité. Celui qui nous assure cela n’est nul autre que Johann Wolfgang von Goethe, le prince des poètes allemands, dans notre interview fictive avec le philosophe allemand Christoph Quarch.

Pardon, j’oubliais. Fabio Wibmer est un trialiste autrichien qui réalise des vidéos. Il a une énorme communauté de fans au niveau mondial. Respect ! Mais voyez-vous, ce n’est pas là où je voulais en venir. Je ne parle pas de monsieur Wibmer en tant que personne, mais du fait que je ne le connais pas, de la même manière que je ne connais personne. Je ne le connais pas assez bien pour le prendre comme modèle. Les gens sont des individus complexes et pour cette raison, ils sont rarement de bons modèles.

Mais, cher Maître, il y a beaucoup de gens qui vous ont pris comme modèle, vous aussi. Très juste, mais cela mérite-t-il notre bénédiction ? Rares sont celles qui se féliciteront que leurs maris m’aient pris pour modèle. Mais passons et venons-en au fait : imiter les autres, qu’ils soient sportifs ou princes ou poètes, me paraît inapproprié pour la simple et bonne raison que cela empêche les gens de construire leur propre individualité. L’éducation est le véritable chemin vers une personnalité épanouie, pas l’imitation. Mais c’est justement pour cela que les gens vous trouvent fascinant : parce que vous avez une forte personnalité.

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C’est probablement parce que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire. Vraiment ? alors c’est très bien. Écoutez donc ceci: ne cherchez pas de modèles mais faites preuve de ­patience et soyez attentifs à ce que peut vous ­apprendre le monde. Appropriez-vous le monde ! Vous développerez alors une personnalité unique, ­individuelle. Et vous serez peut-être interviewé deux cents ans après votre mort… JOHANN WOLFGANG VON GOETHE (1749-1832) est considéré comme le plus grand poète allemand. Avec son premier roman, Les souffrances du jeune Werther, il a donné naissance à une ­figure romanesque porteuse d’une nouvelle façon d’aborder l’existence. Naturaliste, artiste, homme politique et citoyen du monde, Goethe est lui-même devenu un modèle pour de nombreuses personnes. CHRISTOPH QUARCH, 56 ans, est un philosophe allemand, théologien, coach en entreprise et auteur de nombreux ­ouvrages philosophiques.

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BENE ROHLMANN

Qu’entendez-vous par là? Apprendre, c’est observer le monde, vérifier l’exactitude des choses et se demander : quels sont les enseignements que m’apporte cette personne, quels sont ceux qui manquent? Cela exige « Apprendre, c’est autant de calme que de patience. observer le monde Mais voyez-vous, les gens de votre monde ne prennent plus le temps et se demander: nécessaire. Aujourd’hui on prend ce qu’est-ce que cela modèle, demain, c’en sera un autre. Je me demande bien ce que j’ai fait m’apporte ? » pour que l’on s’intéresse encore à moi…

DR. CHRISTOPH QUARCH

the red bulletin : Beaucoup de jeunes sont actuellement à la recherche de repères. Ils choisissent souvent des modèles au parcours exceptionnel comme le sportif ­Fabio Wibmer, par exemple. Qu’en pensez-vous ? johann wolfgang von goethe : Excusez-moi, mais je ne le connais pas.

Je vous l’accorde, mais cette personnalité ne se construit pas grâce à un modèle. Souvenez-vous de mon jeune Werther. Les jeunes gens de l’époque l’ont pris comme exemple et comme ma figure romantique, ils se sont tiré une balle dans la tête. Ce n’était pas mon intention. Je voulais encourager les gens à embrasser leurs passions, pas à prendre Werther au pied de la lettre. Comprenez-moi : si les jeunes imitent leurs idoles, ils deviendront au mieux une pâle copie. Ce qui nous permet d’avancer, c’est d’engager la conversation avec quelqu’un, pas de l’imiter.


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«   Ces photos donnent des ailes à mon imagination » La créativité passe par ­l’inspiration. Fabio Wibmer a réuni les photos qui le touchent le plus en un album privé. Voici l’histoire qu’elles racontent. NILS OHLENDORF/RED BULL ILLUME

Texte ANDREAS WOLLINGER

L’ouest sauvage

Nils Ohlendorf, Moab, Utah, USA Le festival GGBY (Gobble Gobble Bitch Yeah!), un évènement légendaire dans un cadre de rêve. Spécialiste de sauts extrêmes, Andy Lewis réalise cet exploit en 2016 devant un magnifique coucher de soleil. « Un pur moment de grâce en apesanteur », se réjouit le photographe Ohlendorf.

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Les sentiers de la gloire

Ross Bell, Llandegla, Pays de Galle

Les chemins boisés de son pays natal permettent au jeune Britannique Kade Edwards, 21 ans, d’exprimer à merveille son style typiquement agressif. Le photographe Ross Bell y voit « un contraste magnifique entre la vivacité des couleurs et l’ambiance d’une journée estivale particulièrement humide ».

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ROSS BELL

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Battle créatif

Daniel Bernstål, Ljusdal, Suède Le regard est tellement accroché par la composition de l’image que le talent du skateur et snowboardeur Nils Arvidsson passe au second plan. « C’est un combat créatif avec moi-même, déclare Daniel Bernstål, l’auteur de la photo. Comment donner à mes photos un caractère unique ? »

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DANIEL BERNSTÅL/ RED BULL ILLUME


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Vif comme l’éclair

Jean-Baptiste Liautard, différents emplacements JB LIAUTARD

Trois bikers pour une cause commune : l’élégance du saut. « J’utilise souvent un flash derrière mes sujets, cela donne une touche dramatique à mes images tout en faisant ressortir les particules de poussière », précise le photographe. Centre: Angel Suarez, Ponte de Lima, Portugal. En haut : Thomas Genon, Salavas, France. En bas : Hugo Frixtalon, Colombie britannique, Canada.

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À la fraîche Vegard Breie, Numedal, Norvège

VEGARD BREIE PHOTOGRAPHY/RED BULL ILLUME

C’est l’histoire d‘un mec qui fait du freestyle dans une piscine municipale. Une bonne blague au départ, une photo burlesque et iconoclaste à l’arrivée. « Anders Backe a toujours des idées complètement dingues, explique le photographe. Le premier essai n’était pas très concluant mais là, dans la piscine d’une ancienne école, on a enfin obtenu l’effet désiré. »

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En apesanteur Bartek Wolinski, Salavas, France

BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, ROMAN NEIMANN/RED BULL ILLUME

Thomas « Fritte » Genon, coureur professionnel belge en pleine séance de sauts en France. Quand on a son niveau de maîtrise, la liberté n’est jamais loin.

Une nuit à l’opéra

Roman Neimann, Tallinn, Estonie

Neimann assistait à Pinocchio à l’opéra de Tallinn avec ses enfants quand il est tombé en admiration devant le décor de la séance d‘ouverture. « Après six mois de négociations, j’ai enfin obtenu quelques minutes pour le shooting. Ils on tout démonté juste après. »

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Vous me recevez?

Lorenz Holder, Raisting, Allemagne Cette antenne parabolique, un ancien transmetteur pour les satellites de communication, est aujourd’hui classée monument historique. Holder s’en est servi pour réaliser cette photo devenue culte, raflant du même coup le premier prix du concours photo Red Bull Illume 2013.

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LORENZ HOLDER/RED BULL ILLUME, SERGEY SHAKUTO/RED BULL ILLUME

Courage, sautons

Sergey Shakuto, Aerograd Kolomna, Russie

« C’est l’une des premières photos que j’ai réalisées en chute libre, se souvient Sergey Shakuto, qui a dû s’armer de courage : lorsqu’Eugene Tarakhomin lui a proposé le shooting, Sergey venait tout juste de débuter sa carrière. Je me suis préparé un mois entier pour ces dix photos prises au cours de deux sauts pendant un coucher de soleil. »

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Les feux de la rampe

Jay French, The Vale, Nouvelle-Zélande Une entreprise de v­ êtements a lancé le défi suivant : mettre en valeur les réflecteurs d’un prototype de combinaison unique équipé de capteurs. « Billy Meacham (photo) et moi, on a passé plusieurs nuits et autant d’heures sur cette exposition longue durée, mais vu le résultat final, on ne regrette rien», raconte French, le photographe.

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JAY FRENCH

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« La sincérité a une énergie particulière » Enfant, Naomi était déjà une personnalité à part. Elle a connu le succès en tant que footballeuse professionnelle. Mais c’est dans la musique qu’elle a trouvé sa véritable vocation. Audience privée avec la reine Naomi, 27 ans. Texte SABRINA LUTTENBERGER

Un jour, Naomi a cessé d’aimer son nom de famille. Bruderer ne lui semblait pas assez évocateur. Elle a donc décidé de trouver un nom en accord avec son statut d’artiste. De préférence quelque chose de français pour faire honneur à ses racines sénégalaises. « La reine » lui est venu à l’esprit. Même sa mère en a été surprise. Cela pouvait sembler arrogant. « Pour moi, être reine signifie être un modèle pour les autres. Forte et indépendante. Je ne dis pas que je suis la reine du R’n’B ou meilleure que tous les autres. Tout ce que je veux, c’est être une source d’inspiration », explique-t-elle avec assurance.

« J’étais mal dans ma peau »

Quand Naomi était enfant, sa famille a souvent déménagé car son père, Martin Bruderer, était hockeyeur sur glace professionnel. Mais le fait qu’elle ne se sentait nulle part vraiment chez elle était surtout dû à ses camarades de classe. Naomi était victime de harcèlement, on se moquait de son apparence, tous les jours. « J’étais très peu sûre de moi à l’époque. J’étais maigrichonne et je ne me trouvais pas belle. J’étais confuse à propos de ma sexualité. Je n’étais pas à l’aise dans mon corps. »

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Si on se moquait d’elle, Naomi ripostait. Avec ses poings. Régulièrement. C’était toujours contre les garçons. Jusqu’à ce qu’elle se replie de plus en plus sur elle-même. Ce n’est que lorsqu’une amie l’a emmenée à un entraînement de football que Naomi s’est, pour la première fois, sentie à sa place. Le fait que Naomi Lareine soit aujourd’hui une chanteuse et non une athlète de haut niveau est purement accidentel.

Le foot est devenu un exutoire

Naomi a joué pour le Grasshopper Club Zurich, un club à la longue histoire, pendant sept ans, et a même été championne. Elle a participé à quatre matches de l’équipe nationale suisse des moins de 19 ans ainsi qu’aux qualifications du Championnat d’Europe en 2011. Naomi était vraiment douée pour les coups de pied. Elle s’est liée d’amitié avec les filles de l’équipe et a découvert ce qu’était le sentiment d’appartenance. Des attaques ? Il y en avait encore. Mais elles étaient d’un autre genre : en tant qu’arrière, elle s’améliorait et arrêtait les attaquantes adverses. Elle s’est réconciliée avec son corps et a soudain été fière de ce dont il était capable. « Je me suis de plus en plus trouvée dans le foot. J’ai réalisé que j’étais quelqu’un qui pouvait accom-

plir des choses. J’avais énormément besoin du football pendant cette période. » La musique l’a également soutenue. Naomi a toujours été douée dans ce domaine – quand elle n’était pas à l’entraînement, elle chantait. Elle a pris des cours de chant pendant de nombreuses années et a joué dans des comédies musicales. À 15 ans, elle a appris à jouer du piano, comme ça, pour pouvoir s’accompagner elle-même. Plus elle grandissait, plus la musique prenait de l’importance dans sa vie. « J’ai progressivement laissé tomber le football. Grâce à lui, j’ai pris confiance en moi. J’ai soudainement su qui j’étais, et à quoi j’appartenais. Mais j’ai senti que je n’en avais plus besoin – mais de musique par contre, ça oui. C’est comme mon âme, elle fait partie de moi. » Naomi Lareine a ressenti la sortie de sa première chanson comme un couronnement. « Après la sortie, j’ai su que j’étais arrivée. Je me suis sentie, pour la première fois, comme une véritable artiste. » Cela fait presque trois ans maintenant. Depuis lors, la presse spécialisée ne tarit pas d’éloges sur Naomi. Hana Gadze, l’une des rédactrices musicales les plus connues de SRF, a ainsi déclaré que Naomi proposait non seulement un mélange très explosif de néo-soul, de R’n’B et d’électro-pop, mais qu’elle avait aussi une voix incroyablement douce. Très proche de certaines de ses idoles. Naomi vénère la chanteuse de soul américaine, Alicia Keys, et la légende du R’n’B, Aaliyah. Si vous écoutez les chansons qu’elle a enregistrées jusqu’ici - son premier single Sweet Latina ou Issa Vibe – vous y retrouverez les héroïnes de Naomi. Par exemple dans la façon dont elle pose sa voix rauque sur des rythmes nonchalants. Plus important encore, les chansons qu’elle écrit révèlent beaucoup de sa personnalité.

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NICOLE ROETHLI

Musique


« Je n’ai pas peur de nager à contre-­ courant. » Pleine d’assurance, Naomi fait son entrée sur la scène musicale.

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Musique

Prometteuse

Naomi Lareine puise dans ses racines la force d’être une artiste accomplie. Naomi Lareine, 27 ans, s’appelle en réalité Naomi Bruderer et vit à Zurich. Ses racines sont suisses, sénégalaises et mauritaniennes mais elle a grandi à Berne. Elle a joué au foot pro, notamment dans l’équipe nationale U19 jusqu’à l’âge de 19 ans. Elle est aujourd’hui l’une des jeunes chanteuses les plus prometteuses de Suisse. Sa première chanson, Sweet Latina, est sortie en 2018, suivie de l’EP Unchained en 2019. La même année, elle a remporté le Newcomer-­Preis (le prix jeune talent) de la station de radio SRF3.

La musique l’a prise

Dans son EP Unchained par exemple, elle traite de la rupture avec sa petite amie. Une peine de cœur en sept actes. Avec des paroles très personnelles et donc touchantes. Qui a déjà vécu un chagrin amoureux comprendra ce que chante Naomi. C’est une reine proche du peuple, qui partage sa vie à travers la musique. Révéler ouvertement ses sentiments, c’est aussi exposer sa vulnérabilité. Mais contrairement à ce qui se passait auparavant, lorsque les enfants exploitaient chaque signe de vulnérabilité pour lui faire davantage de mal, Naomi est maintenant saluée comme le plus grand talent R’n’B du pays, grâce justement à la sincérité de ses émotions. La preuve : l’année dernière, elle a été nominée dans la catégorie « best talent » aux Swiss Music Awards.

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« Les artistes que j’aime sont sincères eux aussi. L’authenticité possède une énergie particulière. Je veux que mes fans ressentent ce que je ressens. » Prenez par exemple la douleur liée à la rupture sur ­Unchained. On le sait : quand on est triste, on préfère écouter de la musique triste. Heureusement, Naomi sait aussi composer des chansons qui font du bien : « Je ne veux pas que les gens pleurent chaque fois qu’ils m’entendent. » Lorsqu’elle s’est soudainement ­retrouvée avec beaucoup de temps devant elle pour travailler sur de nouvelles chansons en 2020, l’un de ses objectifs était de réaliser une musique qui soit belle. Par cela, elle veut dire : une musique intemporelle. Que l’on peut écouter encore et encore parce que les ans n’ont pas de prise sur elle. Quelque chose comme Don’t Stop Me Now de Queen, que son père aimait lui faire écouter.

En solo, mais pas seule

Naomi Lareine n’est pas si solitaire après tout. Que serait une reine sans sa cour ? Même une guerrière solitaire comme elle a besoin de quelqu’un pour la soutenir. Ou pour lui donner le coup de pouce nécessaire. La superstar albanaise Noizy est cette personne, dit-elle : « Noizy est le premier artiste qui m’a remarquée et qui m’a dit que j’étais douée. Cela m’a donné du courage. J’en

avais besoin. » Noizy l’a découverte sur Instagram en 2017 et l’a contactée. S ­ elon nos sources, son message ne disait rien de plus que « Parlons affaires. » – « Qui est ce type ? » s’est demandé Naomi. Mais lorsque le rappeur l’a emmenée en avion en ­Albanie et s’est assuré, par un appel à ses propres fans, qu’elle atteigne le seuil des 10 000 followers sur ­Instagram, Naomi a su. Le rappeur suisse Stress est également un ami de Naomi. Une âme sœur, dit-elle. Un fan aussi, semblet-il. On peut entendre Naomi pas moins de trois fois sur son album Sincèrement, et il l’a également invitée à partager la scène avec lui lors de sa tournée. 2020 aurait pu être son année. Elle voulait profiter de l’engouement autour de sa personne et de sa nomination aux Swiss Awards pour élever son profil de quelques crans. Puis est arrivé le virus du corona et avec lui, les doutes. Les opportunités manquées se présenteront-elles à nouveau ? Et si celles-ci ne revenaient pas ? Et si elle se retrouvait sur la touche comme avant ? Mais au lieu de se replier sur ces interrogations, Naomi a pris son envol. Elle a profité de cette pause pour travailler sur de nouvelles chansons. Elle a notamment composé Limitless qui fait désormais partie d’une vaste campagne publicitaire en Suisse pour la marque de glaces Magnum. Elle y chante avec assurance : « Je n’ai pas peur de nager à contre-courant. Je relève le défi, je n’ai pas peur de me battre pour ce que j’aime. » Un engagement à rester fidèle à soi-même. Pour défendre les choses qui sont importantes pour vous… Et oser les mener à bien. Tout simplement s’auto-proclamer reine. Instagram : @ naomi_lareine

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CHRISTOPHER KUHN

« Je ne veux pas que les gens pleurent chaque fois qu’ils m’entendent. »


NOUS NE POUVONS PAS ESCALADER, MAIS …

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Le héros de Fabio

Tout ce que Virgil Abloh, 40 ans, touche se transforme en or : le designer américain a un sens aigu des tendances. C’est aussi l’un des plus grands héros de Fabio.

Je suis fasciné depuis le début par la façon dont il a réussi à se démarquer de tous les autres avec sa marque Off-White. Lorsque tu vois quelqu’un porter du Off-White, tu le reconnais immédiatement, et pas seulement grâce au logo iconique. Abloh a en fait réussi à créer quelque chose d’unique, quelque chose qui n’a ­jamais été vu auparavant dans le monde de la mode. Note de la rédaction : Pour ceux qui ne savent pas qui est Virgil Abloh, cet Américain de 40 ans, originaire du Ghana, est actuellement considéré comme l’un des designers les plus influents au monde. Et pas seulement dans le d ­ omaine de la mode où il est à la tête de la ligne pour homme chez Louis Vuitton en plus de sa propre marque, Off-White. Il a aussi collaboré avec Ikea et Vitra, et a révolutionné le monde des baskets pour Nike. La chanteuse Rihanna l’a ­qualifié de

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GOAT : Greatest Of All Time, soit le meilleur de tous les temps. Ce que j’ai retenu de sa façon de travailler, c’est la nécessité d’être ouvert, de chercher son inspiration tous azimuts – tout simplement de parcourir le monde, l’œil ouvert et à l’affût. Mais j’ai aussi réalisé que les signes jouent un rôle très important. Pour être reconnu, tout simplement. C’est pourquoi ma nouvelle marque, Nineyard, affiche une bande rouge sur chaque pièce – sur les tee-shirts, les pantalons, partout – très subtile pour ne pas nuire au style mais néanmoins présente. L’objectif de ma nouvelle marque est de fusionner sport et style. Mes vêtements doivent convenir au ­bikepark autant qu’au bar ou au nightclub. Virgil Abloh est connu pour sa célèbre règle des trois pour cent : « Prends quelque chose que tu connais, modifie-le de trois pour cent et tu obtiendras quelque chose de nouveau. » Je ne veux pas me comparer à Virgil Abloh, je ne suis pas si présomptueux. Mais traduit dans mon univers, cela signifie que j’ai intégré une petite poche zippée dans mon tee-shirt Nineyard, où tu peux par exemple ranger ton ticket de bikepark – après tout, tu veux prendre le moins de matos possible avec toi. Mon intérêt pour la mode a ­commencé il y a cinq ou six ans.

nineyard.world

Fabio se lance dans le business du vélo La seconde idée business de Fabio ­rappelle la diversité d’Abloh. Il s’agit d’une plateforme de ventes online où les particuliers et les vendeurs professionnels pourront proposer des pièces et des vélos. Sur Bikeflip, tu trouveras des produits neufs et aussi une foule d’articles d’occasion – des vélos pour enfants aux modèles de descente. Si le développement de Bikeflip a constitué un véritable défi, l’idée elle-même est née assez facilement : « Nous ne savions pas nous-mêmes où l’on pouvait vendre un vélo en ligne. Même après quelques recherches, il s’est avéré qu’il n’existait aucune plateforme conviviale et spécialisée. C’est pourquoi nous avons pris les choses en main », explique Fabio. bikeflip.com

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PATRICK FRASER/CONTOUR BY GETTY IMAGES

« Abloh a créé quelque chose d’unique »

C’est à ce moment-là que j’ai conçu mon premier maillot VTT. L’évolution s’est faite progressivement puis j’y suis allé à fond – j’ai lancé ma marque Sick et découvert ce qui pouvait être fait. Au cours des deux ou trois dernières années, j’ai pris la décision d’en faire davantage. Pour deux raisons : j’aime que les gens portent mes vêtements. Et j’ai réalisé qu’il y avait un certain nombre de choses que je voulais et qui n’existaient pas. J’ai donc décidé avec mon équipe de les concevoir moi-même. C’est la raison d’être de Nineyard – un mélange de style ­cycliste pratique et de streetwear élégant. De plus, nous ferons aussi des drops, comme Nike et Abloh l’ont fait avec leurs baskets. Nous allons lancer douze nouvelles pièces cette année. Au fait, ma copine m’a offert un sweat Off-White il y a un an et demi. Je l’aime toujours autant. Pour moi, c’est un signe indéniable de qualité : aimer porter un vêtement encore et encore, sans s’en lasser.


« Être ­ouvert à la nouveauté, c’est important. » Fabio parle de son héros, le designer américain Virgil Abloh.

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Running

Au bout de soi-même Florian Gomet, ancien prof de maths, s’est lancé des défis inspirés de Mike Horn, et a réalisé, à sa plus grande surprise, qu’il n’y a pas d’autres limites que celles que nous nous imposons, physiquement et mentalement. Texte CLAIRE SCHIEFFER  Photo HERVÉ DESCHAMPS

À 36 ans, Florian Gomet se voit comme un « aventurier-explorateur du corps humain », qu’il considère comme le territoire le plus fascinant de l’univers. Après avoir mené de longues expéditions dans le Nord américain sans moyen motorisé puis sans manger, il décide l’an dernier, en pleine pandémie, de traverser l’Europe jusqu’à la mer Noire, en ­partant de chez lui (en Saône-et-Loire) sans argent, sans papiers, avec pour seul équipement une petite caméra, un canif, une feuille expliquant son projet (dans les langues des pays traversés) et une mini-trousse de toilette. Au final, 3 500 km parcourus pieds nus le long de l’EuroVélo 6, à frapper aux portes pour demander l’hospitalité en trouvant sa nourriture sur le chemin. Un voyage presque initiatique qui lui a appris à faire confiance aux autres et à écouter son corps. the red bulletin : Votre dernier projet, Eurotopia, est l’aboutissement de plusieurs années de réflexion sur la confiance que l’on peut avoir dans son corps et la vie. florian gomet : La société ne me faisait pas rêver. J’ai toujours ressenti, depuis l’enfance, une attirance pour la nature sauvage, je sentais qu’elle allait me donner des réponses, me soigner, me guérir. J’avais envie d’être à son contact et

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de devenir explorateur. À l’époque, j’étais encore prof de maths. Comment passe-t-on de l’éducation nationale aux voyages initiatiques ? L’idée de America Extrema, mon premier périple, m’est venue en lisant les livres d’un aventurier que j’adore : Mike Horn. Je me suis dit que s’il était capable de faire tous ces trucs, alors moi aussi ! J’ai donc démissionné de l’éducation nationale et suis devenu bûcheron-sylviculteur, un métier qui m’a permis de me forger un physique apte à être endurant par tous les temps. Je me suis préparé pendant cinq ans à ce projet, en auto-financement. Vous décidez, en parallèle de vos périples, d’explorer le corps humain. Après les 12 000 km d’America Extrema, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux : c’était une première mondiale, et j’avais besoin de me renouveler. Or, la découverte de nouvelles pratiques allait me permettre d’explorer non pas des territoires inconnus, mais plutôt les capacités du corps humain. Moi qui voulais explorer l’univers et devenir astrophysicien, je me suis dit que j’allais explorer les limites de mon corps.

En voulant pratiquer le jeûne, je me suis aperçu que j’avais trop de tentations chez moi. J’ai alors pensé aux monts Mackenzie : c’est ainsi que La Marche sans Faim est née. Je suis parti sur le Canol Heritage Trail, l’un des plus durs au monde, pendant 14 jours et 360 km, en ne consommant que l’eau des rivières et des lacs. C’est cela qui vous a donné confiance pour réaliser Eurotopia ? Après cette aventure au Canada, je savais que je pouvais tenir deux semaines sans manger. Je me suis ensuite entraîné à courir pieds nus, et petit à petit, le projet a pris forme : traverser l’Europe pieds nus, sans argent, sans papiers, sans équipement, en ne mangeant que des fruits et des légumes crus. Ce voyage n’était pas un défi de survie, mais un acte de foi en l’humain, en la vie. Comment ça se passe quand on est en totale incertitude et dépendance vis-à-vis des autres ? Je pouvais me procurer ma nourriture en chemin, sur les arbres le long des routes ou en demandant aux gens, et en général, je n’en manquais pas. Mais trouver un hébergement chaque soir, ça me stressait parce qu’après avoir couru mon marathon dans la journée, je passais des heures à chercher un endroit où dormir. Dans ces moments-là, je me disais : « Si on te refuse dans un endroit, c’est parce que tu es attendu ailleurs. » Quelle leçon tirez-vous de ces expériences ? J’ai appris que si je conserve ma paix intérieure, je trouverai toutes les ­ressources dont j’ai besoin. Cela m’a aussi montré que notre corps est un miracle. C’est ce que j’essaie de transmettre via mes livres et mes films. floriangomet.com

Et comme laboratoire, vous choisissez l’un des endroits les plus reculés du continent américain : les monts Mackenzie, au Canada. THE RED BULLETIN


« Moi qui voulais explorer l’univers, je me suis dit que j’allais explorer les capacités du corps humain. » Florian Gomet, explorateur de ses propres limites corporelles.

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Les médias sociaux, « The Rock », l’art de se maquiller de la main gauche, les paparazzi, les touristes à New York et le poster dans sa chambre : Fabio Wibmer souhaitait rencontrer la légende du ski Lindsey Vonn. Voici l’entretien.

« Lindsey, ton nom t’aide-t-il ou est-il un fardeau ?  » Fabio Wibmer 42

Modération WERNER JESSNER Photos KONSTANTIN REYER et ALYSSA GREENBER / CONDÉ NAST THE RED BULLETIN


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« Il m’aide à mettre un pied dans la porte. » Lindsey Vonn THE RED BULLETIN

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abio wibmer : Je suis vraiment heureux de pouvoir te rencontrer. Quand j’étais petit, je regardais les compétitions de ski avec mes parents et tu étais ma favorite. Je te suis sur ­Instagram et vois les choses intéressantes que tu fais depuis que tu as mis fin à ta carrière sportive, et à quel point tu es toujours en forme. Tu fais encore beaucoup de ski ? lindsey vonn : Pas une seule fois pendant l’année qui a suivi ma retraite. Je n’ai fait que passer à Kitzbühel. J’ai regardé la descente Hommes et rencontré Aksel Lund Svindal. Cet hiver, j’en ai fait un peu et je suis allée sur les pistes avec des amis. Nous étions presque seuls à cause de la pandémie. Est-ce que prendre ta retraite a été ­difficile émotionnellement parlant ? La transition n’a pas été facile, mais mon corps m’a fait réaliser que cela n’était plus possible. J’aurais continué éternellement si j’avais senti que je pouvais encore lutter pour la première place ! J’ai dû me persuader que j’avais besoin du reste de mon corps pour mener une vie raisonnable comprenant un minimum d’activités physiques. Le fait d’avoir toujours des projets en cours, en arrière-plan, m’a aidée à me tenir occupée. La course elle-même est ce qui me manque le plus. L’adrénaline, les victoires. Et puis les coéquipiers. Je suis de toute façon toujours en contact régulier avec certains d’entre eux. La première année, je n’ai pas pu regarder une seule course à la télé. Cela m’aurait trop fait mal. Combien de blessures as-tu subies au cours de ta carrière ? Si je ne compte que celles qui ont nécessité une opération, neuf. 44

Laquelle a été la pire ? La fracture de l’humérus a été pire que tout ce qui est arrivé à mes genoux. Après l’opération, je n’avais plus de sensation dans la main. Rien. Je ne savais pas si mon système nerveux allait se réparer. On peut réparer un os ou un ligament, mais les nerfs ? Personne ne peut vous prédire si ça va revenir. J’avais peur. Aujourd’hui encore, j’ai une plaque avec dix-huit vis dans le haut de mon bras droit. Cela explique que je sois nulle aux pompes ! Comment se sent-on avec un bras fracturé ? Mal ! Je pouvais soulever le haut du bras, mais le reste pendait librement. Et ça fait un mal de chien ! Ils ont dû me gifler pour que je ne m’évanouisse pas. Quelques semaines après l’opération, les nerfs ont commencé à se développer. Des mois plus tard, je n’arrivais toujours pas à tenir correctement mon bâton de ski de la main droite. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai perdu la pole position aux Championnats du monde de Saint-­ Moritz en 2017 : il faisait trop froid, je ne sentais plus ma main. Alors j’ai scotché le bâton à mon gant mais la FIS a voulu me disqualifier pour cela. Dément. J’imagine qu’au quotidien, une main droite insensible n’est pas très pratique non plus. Signer, c’est compliqué ! Ou se maquiller avec la main gauche ! J’étais affreuse. Mais ça va maintenant. Je me suis coupé le pouce une fois. Aucun chirurgien ­normal ne voulait y toucher. Mon spécialiste du genou l’a recousu. Un type bien !

« Avec les années et les blessures, est-ce plus difficile de trouver la ­motivation ? » Fabio

« Tu tiens, mais tu sais que ça ne va pas fort quand tu finis par appeler tout le personnel de l’hôpital par son prénom ! » Lindsey THE RED BULLETIN


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FABIO WIBMER, 25 ANS

Notre rédacteur en chef en herbe invité s’essayé à l’exercice des questions-­ réponses avec son idole américaine.

LINDSEY VONN, 36 ANS

Très ouverte et sans ­détour, elle assure à Fabio qu’elle préfère voir ses ­vidéos à lui que d’essayer elle de monter sur un vélo.

Je suis enfin de retour sur la moto suite à un accident de motocross en novembre, après presque six mois d’absence. C’est dur. Comment as-tu géré tes blessures mentalement ? À l’hôpital, j’ai demandé combien de temps cela prendrait. Puis j’ai essayé de le réduire en me fixant chaque jour de petits objectifs pour le lendemain, afin d’avoir le sentiment que les choses avançaient dans la bonne direction. Avec les années et les blessures, est-ce plus difficile de trouver la motivation ? Au cours de ma dernière année d’activité, j’ai subi trois interventions chirurgiTHE RED BULLETIN

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cales. Tu tiens, mais tu sais que ça ne va pas fort quand tu finis par appeler tout le personnel de l’hôpital par son prénom ! Ton corps semble avoir vraiment écopé. Avec le recul, est-ce que tout cela en valait la peine ? Tout le monde paie le prix de la réussite, quoi qu’on fasse. J’ai payé avec mon corps. Les douleurs aux genoux ne disparaîtront pas. Quand je skie, ça va, mais lorsque je promène mes chiens, ça fait vraiment mal. Les pauvres bêtes ne font pas assez d’exercice par ma faute ! Je connais ça ! Je n’ai pas mal quand je suis sur mon vélo, mais dès que j’en descends, ça m’élance. Sans transition : je me suis toujours demandé pourquoi tu parles si bien l’allemand. À l’âge de neuf ans, je suis allée en Autriche pour la première fois. Je ne pouvais parler à personne dans mon groupe de ski ! C’est ainsi que ça a commencé. Mon père prétendait parler allemand, mais j’ai réalisé que ça n’allait pas très loin. À l’école, je l’ai appris correctement. Mais c’est la période durant laquelle je me suis entraînée à Salzbourg qui m’a le plus aidée. Entre les séances d’entraînement, je travaillais avec un professeur privé.

« Est-ce que tout cela en valait la peine ? » Fabio « Tout le monde paie le prix de la réussite, quoi qu’on fasse. J’ai payé avec mon corps. » Lindsey UNE QUESTION DE PERSPECTIVE

Fabio lance actuellement sa ligne de mode Nineyard, et démarre une plateforme internet pour les vélos neufs et d’occasion.

J’ai toujours admiré la façon dont tu réponds en allemand lors des interviews devant la caméra. Pourtant, ce n’est pas une langue facile. Merci. Je pense que peu importe la langue que tu apprends, c’est toujours difficile. Et il faut continuer. Pratiquer. Je m’en rends compte maintenant que je ne suis plus autant en Autriche. Mon allemand commence à rouiller. As-tu un mot préféré ? Schmarrn (conneries, ndlr) ! Et d’autres que je préfère ne pas dire ici. Où t’es-tu entraînée à Salzbourg ? Principalement au Red Bull Arena. Les gars étaient dehors sur le terrain de foot et j’avais le gymnase pour moi toute seule. Tu t’es souvent entraînée avec des hommes, non ? Oui, surtout avec Aksel et les autres ­Norvégiens. C’est de là que vient l’idée de vouloir descendre avec les hommes ? Plus je m’entraînais avec des hommes, plus je voyais à quel point mes temps étaient proches des leurs. Je ne prenais 46

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« J’ai mentionné mon envie de prendre le départ de la course Hommes, j’en ai aussi parlé à la FIS. » Lindsey « Dommage que cela n’ait pas marché. » Fabio

du retard qu’entre le départ et la première porte parce que je ne pouvais pas me propulser avec autant de force au départ. En fait de vitesse pure, il n’y avait pratiquement pas de différences. J’ai donc mentionné aux médias mon envie de prendre le départ de la course Hommes et j’en ai aussi parlé à la FIS, mais ils ont immédiatement refusé. Ils étaient prêts à m’accepter si je faisais ma descente juste avant celles des hommes, mais cela ne me convenait pas du tout. Je voulais faire partie de la course.

L’APPORT DE LINDSEY

Elle est à la tête d’une société de production, conçoit des lunettes de soleil, et soutient les enfants et les jeunes avec sa fondation.

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Dommage que cela n’ait pas marché. Oui, dommage pour le sport. Mais c’était agréable de voir combien d’hommes soutenaient mon idée – les Norvégiens autour d’Aksel surtout. Est-il fréquent que les hommes et les femmes s’entraînent sur la même piste ou étais-tu un cas isolé ? Au Colorado, c’est tout à fait normal,

au Chili aussi. Il y a une piste et tout le monde la partage. Norvégiens, Français, Slovènes. Chaque fois que j’ai dû me battre pour revenir après une blessure, je les ai rejoints, ce qui était génial. Beaucoup d’entre eux skiaient avec des skis Head comme moi, alors nous pouvions échanger sur notre équipement. J’ai descendu avec des skis d’homme. Pour être honnête, je n’ai pas souvent obtenu de réponses franches de la part des femmes lorsque j’allais dans les détails. C’était plus facile avec les hommes car nous n’étions pas en compétition les uns avec les autres. Mais tu avais déjà particulièrement bénéficié de l’entraînement avec les hommes, il me semble. J’ai probablement été celle qui est allée le plus loin. On peut apprendre quelque chose de tout le monde, mais il faut poser des questions et être ouvert aux influences différentes. Peu de gens font ça dans le monde du ski. D’où vient ta motivation à toujours vouloir être la meilleure ? De moi-même. Certes, mon père a aussi fait du ski de compétition, ce qui a certainement aidé, mais plutôt dans le sens où il savait à quelles courses nous devions nous inscrire quand j’étais jeune. Personne ne m’a forcée à skier. Mais les sacrifices que mes parents ont faits pour moi ont été énormes. Ils ont déménagé avec leurs cinq enfants du Minnesota au Colorado pour que l’un d’entre eux – moi – puisse, à douze ans, bénéficier de bonnes conditions de ski. Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi ils ont cru que ça marcherait pour moi. Y a-t-il eu un événement déclencheur ? J’avais neuf ans quand j’ai rencontré Picabo Street lors d’une séance de signatures dans le Minnesota. Son poster est toujours accroché dans ma chambre. C’est amusant, non ? Je voulais être comme elle. Me rendre aux Jeux olympiques… (Il coupe.) Mon modèle était Danny MacAskill. J’ai passé des heures et des heures à essayer de copier ses tricks. … et finalement, j’y suis arrivée. J’avais à peine 17 ans quand je suis devenue sa coéquipière. Les Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City ont été mes premiers et ses derniers. Aujourd’hui, j’ai une société de production de films. Nous travaillons en ce moment sur un portrait d’elle et je l’interviewe. La boucle est bouclée.   49


Aujourd’hui, tu es un modèle à suivre pour de nombreuses personnes. Comment fais-tu face à cette responsabilité ? Je me demande parfois : « Est-ce que je peux faire cela ? Puis-je dire cela ? Comment est-ce que je m’en sors ? » Il n’est pas toujours facile de trouver l’équilibre. Avec la Fondation Lindsey Vonn, j’essaie de donner l’exemple. J’essaie de rester moi-même et de réfléchir avant d’agir. Car je sais qu’on m’observe. En fait, je me fiche de ce que pensent « les autres ». Il y aura toujours des gens qui trouveront à redire sur ce que tu fais. Mais je veux être un bon exemple pour les enfants. Je viens de me souvenir d’une autre skieuse qui était aussi à la séance de signatures dans le Minnesota. Elle se dirigeait vers les toilettes quand je lui ai demandé un autographe. Elle ne me l’a pas accordé. Je m’en souviens encore aujourd’hui. Comment établir ses limites ? On ne peut pas rendre tout le monde heureux de toute façon. Après les courses, j’étais heureuse d’être là pour tout le monde. Mais avant, il faut laisser aux athlètes la possibilité de se préparer. La plupart des gens le comprennent de toute façon. Es-tu vraiment aussi connue partout ailleurs que tu l’es ici, en Autriche ? Ton pays est un cas particulier (rires). Aux États-Unis, le ski présente surtout un intérêt pour les Jeux olympiques. Quand on m’aborde dans la rue à New York, il s’agit presque toujours de touristes autrichiens ou allemands. Pour mes compatriotes, je suis plus intéressante en tant que célébrité qu’en tant qu’athlète, ce que je ne trouve pas cool du tout. Tu as été victime des paparazzi à maintes reprises. T’es-tu déjà retrouvée avec un inconnu à ta porte ? Dieu merci, non. J’ai pris des mesures de sécurité et j’ai trois chiens. Mais c’est assez flippant quand on se fait saisir par un téléobjectif dans la rue et qu’on ne sait pas où était le photographe. Ou quand tu trouves ta propre adresse sur internet. As-tu des gardes du corps dans ton équipe ? Non. Des responsables des réseaux sociaux ? 50

« Tu es un modèle à suivre. Comment fais-tu face à cette responsabilité ?  » Fabio Non, je fais tout ça moi-même. C’est important pour moi d’être authentique. La qualité plutôt que la quantité. Je ne pense pas que les fans retirent quoi que ce soit de la pseudo-authenticité. Les réseaux sociaux, c’est vraiment du boulot. J’essaie au moins de lire tous les messages. Il est tout simplement impossible de répondre à toutes les questions. En effet. As-tu une solution à proposer pour savoir jusqu’où on peut aller, en tant que personne connue du public, dans les questions sociales ? Je pense souvent que j’ai quelque chose à dire sur tel ou tel sujet, mais je m’abstiens. Je ne commente pas la politique, même si, bien sûr, tout est politique d’une manière ou d’une autre. On fait inévitablement face à la haine d’un côté. Je ne suis ni républicaine ni démocrate. S’il y a quelque chose qui te dérange vraiment, je pense que tu peux le dire. Ce que le

pilote automobile Lewis Hamilton fait pour Black Lives Matter a toute mon admiration. Il n’y a pas de diversité en Formule 1. Nous, les athlètes, disposons de plateformes hors des canaux conventionnels et nous devons les utiliser de manière responsable. Si quelqu’un ne me trouve plus cool parce que j’ai fait telle ou telle déclaration, c’est son problème, pas le mien. Tu as l’habitude des shitstorms. Ils font maintenant partie de la donne. Il est évident que certaines personnes me prendront en grippe. Au fil des ans, j’ai développé une carapace face à cela, même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Je ne perds pas mon temps avec ces gens animés d’une haine viscérale. J’essaie au moins. À quoi passes-tu tes journées aujourd’hui ? J’ai une société de films avec mon amie Claire. Après notre première année d’activité, nous nous en sortons plutôt THE RED BULLETIN


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« J’essaie de rester moi-même et de réfléchir avant d’agir. Car je sais qu’on m’observe. » Lindsey bien. Je m’occupe du design des lunettes de ski Yinq. J’aime m’engager dans les entreprises avec lesquelles j’ai travaillé. Mon père a toujours mis un point d’honneur à me préparer à la vie après ma carrière. Quel film aimerais-tu produire ? J’aimerais raconter des histoires que personne d’autre ne raconte. Claire a eu une grande influence sur moi à cet égard. Elle a beaucoup travaillé sur le documentaire de HBO qui m’a été consacré. Personne ne le sait car elle n’est pas mentionnée au générique. Mais c’est ce qui nous a motivées à nous lancer ensemble. Ce qui serait cool : un film consacré au ski avec Aksel Lund Svindal, Marcel Hirscher et moi. Héliski. L’arrière-pays. Ce serait quelque chose ! Ton nom t’aide-t-il, ou est-il plutôt un fardeau ? Ça m’aide à mettre le pied dans la porte. Une grande partie de la vie consiste à établir des contacts. De bons contacts. J’en ai fait tout au long de ma carrière. Nombre de mes relations professionnelles durent depuis très longtemps : je suis associée à Red Bull depuis l’âge de 19 ans. Je travaille avec Rolex depuis onze ans maintenant, et avec Under Armour depuis dix-huit ans. THE RED BULLETIN

À ce sujet, comment as-tu été amenée à travailler avec la star hollywoodienne « The Rock » Johnson ? Super histoire ! Le magazine Sports Illustrated a fait une couverture consacrée aux « meilleurs athlètes au monde » et a demandé à Dwayne « The Rock » Johnson si quelqu’un était capable de suivre sa cadence. Et il a répondu : « Peut-être Lindsey. » Under Armour nous a réunis. J’étais surprise qu’il connaisse mon nom. Après qu’il a lancé sa ligne de produits de fitness, l’idée m’est venue que je pouvais faire la même chose pour les femmes. Et il était le seul choix en tant que partenaire. Quelle est votre relation ? Nous sommes de très bons amis. Je peux l’appeler à toute heure. Il est encore plus gentil dans la vie qu’à l’écran. C’est difficile à imaginer, mais c’est vrai. Je l’appelle Dwayne, ou DJ. (Rires) Tu fais du VTT aussi ? Non. Je connais mes forces et mes faiblesses. Je préfère regarder tes vidéos sur YouTube ! La vidéo de l’entretien de Lindsey et de Fabio sur redbulletin.com

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VÉLOS FAVORIS Fabio est ses vélos, c’est une véritable histoire d’amour. Qu’il recherche la puissance ou la vitesse, il affectionne chacun de ces 5 vélos pour des raisons bien précises. Quant à son chouchou, il a même le droit de l’accompagner sous la douche ! Texte WOLFGANG WIESER Photos NORMAN KONRAD

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LA PUISSANCE AU RENDEZVOUS Je me suis mis au vélo électrique il y a trois ans et je dois dire que c’est très pratique : avec un vélo normal, je ne pourrais pas faire deux fois de suite la même ascension. Nom : Canyon Spectral:ON, Mullet-Bike (roue avant 29 pouces, roue arrière 27,5 pouces), débattement : 160 mm, cadre carbone pour un poids de 22 kg.


LE COUTEAU SUISSE Si je devais n’en choisir qu’un, ce serait celui là: conçu pour la ville comme pour le trail, il permet de faire des sauts énormes… et c’est un compagnon idéal pour la pause café ! Nom : Canyon Spectral, même configuration que le modèle électrique, très léger (environ 13 kg).


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LA FUSÉE Rien n’est plus synonyme de vitesse que ce modèle, que ce soit pour tracer dans les sentiers de montagne ou pour dévaler les escaliers en ville. Nom : Canyon Sender CFR, fourche double couronne pour un débattement maximal (200 mm !) et une stabilité extrême.

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LE VÉLO TRIAL Mon préféré, celui qui a fait de moi ce que je suis. Il me permet d’aborder mon cadre quotidien comme un vrai terrain de jeu. Grâce à son cadre en carbone, ce vélo trial Canyon (un prototype encore anonyme) pèse moins de dix kilos pour une puissance de freinage impressionnante (plaquettes de frein Magura MT7).

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LE FREERIDER Rapide et passe-partout : l’harmonie absolue en montée, en descente ou pour se lâcher dans un bikepark. Des sensations pures ! Nom : Canyon Torque, débattement 180 mm, récemment disponible dans le modèle Fabio Replica-Bike, soit l’exacte réplique du vélo de Fabio.


Nonstop La carrière musicale de Lucy M ­ onkman, alias MONKI, fait face à une pause imposée. La DJane et animatrice radio anglaise a dû trouver une ­a lter­n ative afin de canaliser son énergie débordante - et sa vie n’a jamais été aussi agréable. 58

Texte EMMA FINAMORE Photos GREG COLEMAN THE RED BULLETIN


Grâce à son inébranlable éthique du ­travail, Monki, 29 ans, est passée de ­stagiaire dans une station de radio pirate à DJane, ­podcasteuse et footballeuse accomplie.


« En quittant l’école, j’ai eu le sentiment que je n’avais pas le droit à l’erreur. » 60

DJane, productrice, fondatrice d’un label et animatrice radio, Lucy Monkman – plus connue sous le nom de Monki – a apporté certaines des sonorités électroniques les plus fraîches et les plus innovantes qui soient aux oreilles britanniques. À 29 ans, Monki est peut-être une version actualisée de qui elle était durant sa jeunesse mais elle n’a rien perdu de l’énergie et de l’ambition d’adolescente passionnée de football et de musique. Elle s’est fait un nom grâce à une émission sur les ondes de Radio 1 de la BBC, au label qu’elle a fondé et à d’innombrables tournées internationales en tant que DJane. Sa notoriété s’est également développée sur le terrain de foot – elle joue en 5e division de football féminin, THE RED BULLETIN


Musique

pour le Dulwich Hamlet FC Ladies – et en tant que podcasteuse ; sa série sur la Coupe du monde féminine de 2019, Football Inside Out, a remporté la catégorie Sport aux British Podcast Awards. Monki a grandi à Kingston upon Thames, dans la banlieue sud-ouest de Londres. À la maison, elle baignait dans la musique électro, avec les Chemical Brothers, The Prodigy et 808 State sur la chaîne stéréo de sa mère, les tubes garage que son oncle jouait, ainsi que dans le dubstep et la grime qu’elle écoutait sur les radios pirates. « Je me suis vraiment mise à la musique grâce à la radio », explique Monki, en soulignant l’importance des pirates comme Rinse FM et Déjà Vu, qui transmettaient les THE RED BULLETIN

rythmes et les voix de l’underground vers les jeunes oreilles assoiffées. « Je me souviens de les avoir écoutés tard dans la nuit et d’avoir entendu des musiques de danse que je n’avais jamais entendues auparavant. » Ces stations ont été un espace dans lequel les sonorités produites localement ont pu se développer et se diversifier, à l’écart des redevances, des annonceurs et des organismes de réglementation. Non contente d’être une fan, Monki a décidé de faire partie de ce monde. Après avoir entendu, un soir, la DJane Annie Mac jouer à la radio le dubstep glacial de Skream, Let’s Get Ravey et le remix de In For The Kill de La Roux, elle a quitté l’école, le lendemain. La jeune fille de 16 ans a réussi à décrocher un stage chez Rinse à une époque charnière où les artistes avec lesquels la station travaillait explosaient. Elle était notamment chargée de l’approvisionnement en champagne quand, en 2010, la station a obtenu un permis d’émettre et est devenue légale. « C’était vraiment passionnant : j’étais entourée de DJs que j’admirais et je me sentais vraiment inspirée d’être là, sur cette station de radio de l’East End. » Tout comme le fondateur de Rinse, Geeneus, qui a créé sa station à l’âge de 16 ans en connectant ses platines à un émetteur fait maison dans un appartement au 18e étage dans le borough de Tower Hamlets, Monki a réussi à se faire une place dans le monde de la musique grâce à son oreille exceptionnelle, mais aussi à son talent de bricoleuse et à son inébranlable éthique du travail. Elle a utilisé son temps à la station pour affiner ses compétences en ingénierie et en mixage, et pour forger des liens essentiels avec l’industrie. Un soir, après son quart de travail, elle a enregistré un set de vingt minutes qu’elle a envoyé à Annie Mac, une héroïne de son enfance, avec qui elle s’était connectée des années plus tôt via MySpace. C’est ainsi que Mac a offert à Monki sa toute première date, au KOKO de Camden Town, dans le nord de Londres. En plus de ses passages dans les clubs emblématiques comme le Ministry of Sound ou Fabric, la jeune DJane a obtenu une émission sur Radio 1Xtra à la BBC puis, à 21 ans seulement, une place convoitée sur la chaîne Radio 1, toujours à la BBC. « Quand j’ai quitté l’école, j’ai eu le sentiment que je n’avais pas le droit à l’erreur, dit-elle. Je n’avais pas d’autre choix. C’était donc mon mantra à cet âge,

« J’ai fait le plein pendant dix ans et d’un coup, tout s’est arrêté. » c’était une sorte de mentalité du tout ou rien. Et ça a marché. » Cette attitude a permis à Monki d’atteindre le sommet de son art en matière de musique. Elle est aujourd’hui une force majeure dans le domaine de la deep house et de la techno, et une sélectionneuse habile lorsqu’il s’agit de créer des ambiances qui plaisent au public. En plus de jouer de tout, du disco à la soul en passant par l’electronica et le piano house, sur les ondes et dans les clubs, Monki a produit et publié sa propre musique, sortant des EPs avec un riche mélange de producteurs, de MCs et de chanteurs. Elle a sorti un EP live avec F ­ abric alors qu’elle était encore adolescente, mêlant house, garage britannique et grime. Monki a également son propre label, ZOO Music, et elle a mis son énergie à profit sur la route chaque année, jouant partout dans le monde ou, en ­Angleterre, aux soirées Monki & Friends, dont elle est l’organisatrice. Mais la pandémie a frappé.  J’ai fait le plein pendant dix ans et tout d’un coup, tout s’est arrêté net », explique Monki. Les clubs ont été fermés, les tournées ont été suspendues et elle s’est retrouvée chez elle sans grand-chose à faire. Pour quelqu’un qui avait toujours eu une vision très claire de l’avenir, même à l’adolescence – « Quand j’ai quitté l’école, je me suis dit : “Voici mon plan sur dix ans, je veux être sur Radio 1 à 26 ans.” » – cela a été un choc sérieux. « Je n’ai jamais été autant à la maison depuis dix ans, dit Monki. Ce que nous avons tous perdu, c’est une connexion avec les gens. Ça a été une perte énorme. Je pensais que je pourrais mieux gérer cela, mais en fait j’étais assez déprimée. » Toutefois, l’éthique de travail de Monki ne lui a pas permis de ralentir longtemps. Le foot lui a donné un autre objectif, un endroit pour canaliser son énergie. Le « beau jeu » faisait en fait partie de son plan de carrière initial avant de tomber amoureuse de la musique.   61


Dans le mix : Monki est aussi à l’aise en studio que sur un terrain de foot (page ci-contre), en jouant pour les Dulwich Hamlet FC Ladies.


LIAM ASMAN

Musique

Mais à 14 ans, elle a découvert que les femmes n’étaient pas payées pour jouer. « Vous pouviez jouer pour Arsenal ou Chelsea, mais ce n’était pas votre gagnepain, dit-elle. À l’époque, les joueuses ­anglaises devaient payer leur propre équipement ! Cela m’a brisé le cœur. Alors je m’en suis détachée. Si je ne peux pas le faire comme je veux, alors je n’ai pas envie de le faire. » C’est au milieu de la vingtaine, alors que sa carrière musicale battait son plein, que le football est revenu dans la vie de Monki. « Ça a pris du temps, ditelle, mais j’ai réalisé que le sport me manquait vraiment. » Après être revenue au jeu par le biais de matches à cinq contre cinq, Monki a rejoint le Dulwich Hamlet FC Ladies et a commencé à vivre une « double vie », pour reprendre ses mots. « J’ai gardé le football et le sport distincts de la musique. Je ne traînais pas avec mon équipe, je venais juste m’entraîner et jouer. Je n’ai pas dit à tout le monde ce que je faisais. Je voulais juste jouer au football, être traitée comme tout le monde. Mais quand mes coéquipières l’ont découvert, elles n’ont rien changé de leur attitude à mon égard. Nous sommes tous égaux. C’est pour ça que j’aime le sport, tout le monde se fout de ce que vous faites. » Aujourd’hui, Monki est un pilier du club. « Je suis tellement impliquée avec Dulwich Hamlet. Ma petite amie en est la capitaine, et nous sommes comme des ambassadrices pour le club, dit-elle à propos de son revirement. Je travaille avec elles en participant à des activités communautaires et je gère leurs réseaux sociaux en tant que bénévole. Je suis à fond dedans. » Rebaptisées en 2019 après neuf ans sous le nom d’AFC Phoenix – une équipe qui, pendant une grande partie de cette période, n’avait même pas de tenues coordonnées – les Dulwich Hamlet Ladies se sont retrouvées sur une trajectoire ascendante, attirant des foules plus denses que de nombreux clubs plus haut placés dans la hiérarchie du football. L’année dernière, lors de leur première saison en première division de London & South East, elles étaient en tête du classement lorsque, malheureusement, le championnat a été annulé en raison de la pandémie. Le club est aussi une sorte de famille : les joueuses et les supporteurs se sont mis ensemble pour réunir plus de 10 000 livres lorsque leur manager adoré, Farouk Menia, est décédé en 2019 ; et il apporte un soutien THE RED BULLETIN

vital à la communauté LGBTQ. C’est grâce à son amour du sport que Monki a réussi à se libérer de son isolement. Elle a profité de cette période pour renouer avec l’entraînement et aussi pour mettre à profit son nouvel enthousiasme pour la diffusion des sports. Cette envie s’est encore renforcée lorsque Football Inside Out a remporté le British ­Podcast Award. « Cela m’a ouvert les yeux, dit-elle en parlant de la prise de conscience qu’elle pouvait combiner ses deux mondes. J’adore la radio – le podcasting était quelque chose que je voulais faire de toute façon – mais ça, c’était autre chose, pas de la musique. C’était vraiment intense, mais ça a été une grande expérience. » N’ayant jamais fait les choses à moitié, Monki a depuis présenté The Kick Off – une soirée de la Ligue des champions de l’UEFA en direct présentée par Heineken et Defected – et a travaillé avec la légende du sport Peter Crouch sur BT Sport. L’inconfortable changement de rythme provoqué par l’apparition de la pandémie est devenu, pour Monki, l’occasion de repenser à l’avenir. « J’en suis lentement arrivée à la conclusion que j’aime participer à des shows, mais que je ne veux pas que cela constitue toute ma vie, dit-elle. Cette année a été consacrée à ce que je veux faire au-delà des tournées et des soirées. Pendant le deuxième confinement, j’ai fait équipe avec un groupe d’autres personnes pour travailler sur des idées en vue d’une plateforme sportive féminine qui, je l’espère, sera lancée cette année. » La plateforme n’a pas encore de nom, mais elle a une éthique forte : « Il y a quelques grands créateurs de contenus footballistiques et sportifs, mais ce que nous voulons faire, c’est mettre le sport en lui-même un peu de côté pour nous concentrer davantage sur l’encouragement des femmes afin qu’elles puissent évoluer dans n’importe quelle fonction. » Monki cite une étude récente de l’organisme public Sport E ­ ngland, qui a révélé que 39 % des femmes ne sont pas assez actives, les r­ aisons les plus courantes étant la peur du jugement et le manque de confiance en soi. « Tout le monde n’aime pas le sport comme j’aime le football, mais il est tellement important de faire de l’exercice, même si c’est seulement se promener avec ses potes. » Il était évident que Monki allait mettre son énergie débordante au service d’un projet comme celui-ci, étant

« Il est tellement important de faire de l’exercice. »

donné qu’elle a contribué à la représentation féminine dans plusieurs domaines dominés par les hommes. Elle a notamment réussi dans le monde largement masculin de la musique électronique, devenant la toute première femme d’origine sud-est asiatique à animer une émission sur Radio 1 – « Je n’en ai pris conscience qu’en 2020. Je ne me voyais pas comme cette personne à l’époque. J’aurais aimé le célébrer davantage ». Mais malgré ses projets d’améliorer la santé de nombreuses femmes et le fait que des jeunes filles asiatiques ont contacté Monki pour lui dire combien elle les inspirait, elle ne se considère pas comme une personne dédiée à la cause de l’égalité. Ses efforts pour dépasser les limites sont plus personnels et proviennent uniquement de sa ténacité à faire ce qu’elle aime, malgré les risques et les obstacles. Maintenant, en découvrant l’espace dans le diagramme de Venn où ses passions se chevauchent, elle a trouvé les outils nécessaires pour traverser des moments étranges - et même en ressortir plus forte. « J’ai l’impression d’être plus moi en vivant de cette façon, avec plus d’intégrité, dit-elle. Et c’est ça le but, non ? C’est littéralement ça. » monkidj.com

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SOLIDE COMME L’ACIER

Jolanda Neff à Bogens (­Danemark) : « Je n’ai pas ­besoin de rabat-joie, mais d ­ ’équipiers optimistes. »


VTT

SEULS CEUX QUI S’EN DONNENT LA PEINE TROUVENT LA LÉGÈRETÉ

IMAGO/CTK PHOTO

Comment la vététiste JOLANDA NEFF, 28 ans, a surmonté la plus grande crise de sa vie : elle a créé son propre univers avec « Jolandaland » qui produit du bonheur. Texte CHRISTOF GERTSCH

THE RED BULLETIN

Photos BRANDON CLIFTON

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VTT

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orsque Jolanda Neff a participé à sa première course de VTT à l’âge de six ans, le point le plus bas de sa carrière était ­encore très loin. Toujours, elle gagnait : enfant, elle a remporté soixante compétitions dans la série nationale et le titre cumulatif ne lui a échappé qu’une seule fois en six ans. Après avoir accédé au niveau Espoirs, elle a décroché le titre mondial pour les moins de 23 ans trois fois en trois ans. Et elle a remporté la Coupe du monde en élite dès sa seconde année, ­devenant la plus jeune vainqueur de l’histoire de la compétition. Cela se passait entre 1999 à 2015. On croyait que cela durerait toujours. Jolanda Neff possédait un immense talent, une volonté inébranlable et elle pratiquait son sport avec un bonheur que rien ne pouvait entamer. Elle doit son enthousiasme pour le sport à ses parents : son père Markus était cycliste, sa mère Sonja, gymnaste artistique, orienteuse (coureuse) et ­tireuse. Ils organisaient chaque semaine des après-midis de VTT pour les enfants de la région. Jolanda Neff ne faisait aucune différence entre une excursion et l’observation des cygnes de la réserve ­naturelle de l’Alter Rhein avec son frère et sa sœur, les deux s’articulant autour du plaisir d’être ensemble au grand air. Cet entrain l’a menée loin. Elle était la 66

grande favorite aux Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro. Mais elle n’a pas remporté la médaille d’or. Ni aucune autre médaille. Sixième place. Elle avait pris le départ avec le même sérieux et la même ambition que lors de toutes les courses des années précédentes. Mais soudain, le plaisir avait disparu. Il n’est pas nécessaire d’expliquer en détail comment elle en est arrivée là. Voici la version courte en trois points : premièrement, lors de sa préparation, Jolanda Neff a fait passer le sport en premier, loin devant elle. Elle s’est refermée sur ellemême parce qu’elle croyait que c’était la seule garantie de succès aux Jeux olympiques. Deuxièmement, malgré un contrat extrêmement lucratif, elle ne se sentait plus à l’aise au sein de son équipe car, contre sa volonté, les dirigeants avaient remercié son père, c’est-à-dire son mécanicien, son entraîneur et son compagnon depuis son enfance. Et troisièmement, elle ne s’est sentie qu’à moitié soutenue par sa fédération à Rio de Janeiro. On tombe tous, même quand ce n’est pas de notre faute. La question est de ­savoir comment s’en sortir. Jolanda Neff y est parvenue avec le projet le plus fou, mais aussi le plus magique de sa carrière : elle a commencé à créer un monde où seul le bonheur règne. Et c’est là que sa véritable histoire commence. Non pas que tout lui était tombé du ciel auparavant. Au contraire, son assiduité était connue bien au-delà de sa discipline : à l’école, elle obtenait la note maximale et était souvent la meilleure de sa classe. Néanmoins, bien des choses avaient été depuis longtemps décidées pour elle. Elle devait maintenant se réinventer. Aujourd’hui, le monde qui en a émergé porte le nom de « Jolandaland ». Un soupçon de La La Land, comme on surnomme parfois Hollywood, une pincée d’Alice au pays des merveilles. Aujourd’hui, Jolanda Neff, 28 ans, peut aussi expliquer avec

« J’ai réalisé qu’il me fallait autour de moi des gens avec qui je pouvais rigoler. »

précision à quoi ressemble ce monde. Dans la période qui a suivi la déception de Rio de Janeiro, elle avait plutôt agi de manière intuitive.

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arce qu’elle avait besoin d’un dérivatif, elle a quitté la maison familiale de Thal, un village situé à la frontière entre le canton de Saint-Gall et celui d’Appenzell-Rhodes-Extérieurs, pour s’installer dans une colocation à ­Zurich. Comme elle cherchait quelque chose qui la stimulerait mentalement, elle s’est inscrite à l’université. Et parce qu’elle ne voulait plus jamais prendre de décisions basées uniquement sur l’argent, elle a refusé huit offres de contrat, y compris des offres bien plus ­lucratives, et a signé avec Kross, une petite entreprise polonaise. Ce que Jolanda Neff recherchait, c’était la légèreté de 2014, lorsqu’elle participait déjà à la Coupe du monde en tant qu’espoir du VTT. « Je n’avais aucun rendez-vous avec les médias, aucune obligation liée au sponsoring, rien. Tout ce que j’avais à faire, c’était du vélo », dit-elle. Elle a immédiatement remporté la première épreuve de la Coupe du monde et s’est assurée du titre mondial avant même la dernière épreuve de la saison. À partir de 2017, tout ce qu’elle a fait visait à recréer cette situation idéale, mais au sein d’une nouvelle réalité : après avoir remporté à deux reprises la Coupe du monde, elle était une tête d’affiche du VTT et sa défaite aux Jeux olympiques n’avait en rien changé la donne. Elle ne voulait plus rien savoir d’une carrière qui inclurait rendez-vous avec les médias, obligations liées au sponsoring et autres activités contraignantes. Le dévouement et l’humanité manifestés par l’équipe Kross sont arrivés au bon moment, mais aussi le naturel avec lequel on s’est abstenu de lui mettre la pression. C’était l’environnement dont Jolanda Neff avait besoin, loin de la Suisse. Chez Kross, on la laissait tranquille et elle se sentait moins surveillée. « J’ai réalisé qu’il me fallait autour de moi des gens avec qui je pouvais rigoler. Je n’ai pas besoin d’égoïstes et de petits malins mais bien de vrais coéquipiers. Pas du genre à douter et à freiner ton élan mais plutôt à te booster d’optimisme. THE RED BULLETIN


« Je performe mal quand je ne suis pas heureuse. » BONNE PERDANTE Lors d’une course à Dornbirn, il faisait si froid que Jolanda Neff ne pouvait plus tenir son guidon. Elle a félicité les premiers arrivés via Facebook.

J’ai besoin de gens qui voient le bon côté des choses, qui veulent apprendre au contact des autres et qui se poussent mutuellement vers l’avant. » Elle sait que cela peut sembler un peu banal, « mais n’est-ce pas souvent le cas lors de prises de conscience drastiques » ? Ce n’est pas l’entraînement qu’elle a dû changer, ditelle, mais tout ce qui entoure le sport, l’organisation de la vie elle-même. « Je ne suis pas heureuse si je ne peux pas faire de vélo. Mais je performe mal sur mon vélo si je ne suis pas heureuse. C’est un cycle qui peut me rendre incroyablement forte, mais aussi terriblement faible. »

D VICTORIEUSE À WATERLOO Jolanda Neff franchit la ligne d’arrivée en vainqueur

ARMIN M. KÜSTENBRÜCK, DDP IMAGES, PRISMA/LUBOS PAVLICEK

lors d’une manche de Coupe du monde en 2019.

DANS SA ROUE Jolanda Neff (à gauche) poursuit sa rivale danoise Annika Langvad dans une course de Coupe du monde en République tchèque.

THE RED BULLETIN

ébut 2017, elle se sentait comme une plante qui, sur le point de se dessécher, a été arrosée à nouveau. Elle voyait des gens toute la journée, s’asseyait dans des amphithéâtres, bossait ferme. À dix heures du soir, elle allait faire du vélo dans l’obscurité sur la montagne locale de Zurich. Elle se doutait bien que cela n’était pas l’idéal pour ses performances athlétiques immédiates. Seuls les observateurs extérieurs ont été surpris par sa 18e place à la première épreuve de la Coupe du monde. Mais elle savait aussi que cette période était nécessaire afin que ­Jolandaland se développe. Pendant la pause estivale, elle a rattrapé une partie de l’entraînement qu’elle avait manqué. À l’automne, elle est devenue championne du monde pour la première fois. En hiver, elle a à nouveau abandonné ses études. Puis elle a eu un entretien avec Swiss Cycling, la fédération suisse de cyclisme. Avec pour résultat qu’elle ne se sent plus aujourd’hui prise à la légère dans l’équipe nationale en tant que femme, mais peut au contraire compter sur un soutien probablement unique au monde. « La fédération a beaucoup investi en nous, les vététistes féminines, depuis Rio. Nous avons maintenant notre propre équipe d’entraîneurs et un camp d’entraînement presque tous les mois », souligne-t-elle.   67


VTT

Jolanda Neff a créé Jolandaland pour elle-même, mais ce n’est pas un monde exclusivement replié sur lui-même. De nombreux chemins y mènent : une chronique sur son site web (jolandaneff.ch). Instagram (@jolandaneff), bien sûr. Et aussi YouTube où elle met en ligne tous les deux mois un nouvel épisode de son vlog exceptionnellement ambitieux, Jolandaland. Elle a cependant dû suspendre son ­canal de communication le plus passionnant, Trois Mois, le magazine trimestriel imprimé qu’elle a lancé l’année dernière : « J’aime les mots, j’aime écrire, j’ai adoré travailler sur le magazine, dit-elle, mais j’y passais des heures tous les jours,

« Le jour où j’arrêterai de viser la victoire, je mettrai fin à ma carrière. » ­parfois plus que pour l’entraînement. Je ne pouvais pas me permettre de faire ça pendant une année olympique. » Lancer un magazine imprimé au XXIe siècle, en tant qu’athlète féminine de surcroît, c’est plutôt vieux jeu, mais aussi très avant-gardiste. Il est clair que cela allait convenir à Jolanda Neff.

AU BOUE DU CHEMIN Course de cyclocross à Namur en 2018, en Belgique. Une l­ égèreté comme celle de Jolanda ne vient qu’au bout de vingt ans de pratique. 68

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a vivacité et l’enthousiasme qu’elle dégage, que ce soit quand elle poste un selfie sur Instagram ou qu’elle télécharge sur YouTube une vidéo de douze minutes depuis un sentier en Toscane, sont tellement contagieux, qu’il faudrait être particulièrement résistant pour ne pas être contaminé à son tour. Elle croit fermement qu’il faut partager le bonheur mais, à l’inverse, elle ne tient pas à raconter des bobards. L’un des messages les plus importants de Jolandaland est que seuls ceux qui s’en donnent la peine trouvent la légèreté. La légèreté de Jolanda Neff sur le vélo, sa façon de voler sur les cimes des montagnes et d’y danser : cela n’arrive que si on le pratique tous les jours pendant vingt ans. Elle court désormais pour l’équipe américaine Trek, accompagnée à nouveau de son père et de sa mère. « Lorsque je me suis demandé sur qui je pouvais vraiment compter dans ma vie, qui était toujours là pour moi, qui réglait les choses au milieu de la nuit les week-ends de course, j’ai rapidement eu la réponse : mes parents. » Le cycliste américain Luca Shaw, son compagnon depuis trois ans, fait également partie du cercle rapproché. La lourde chute dont elle a été victime peu de temps avant Noël 2019 et qui lui a valu une rupture de la rate, une côte cassée et un poumon perforé, s’est produite chez lui, dans une zone boisée près d’Asheville, en Caroline du Nord aux États-Unis. Pendant des mois, Jolanda Neff n’a pas su si elle parviendrait à retrouver sa force d’antan. Sans leur report en raison de la pandémie, les Jeux olympiques de Tokyo seraient arrivés trop tôt pour elle. Cet été, elle peut donc rattraper ce qui a mal tourné il y a cinq ans : s’ils ont lieu, les JO de 2021 sont sa chance de se racheter. Mais elle ne le voit pas de cette façon, pas à Jolandaland. Certes, elle veut l’or et affirme : « Le jour où j’arrêterai de viser la victoire, je mettrai fin à ma carrière. » Mais elle ne veut pas la médaille d’or à tout prix. Elle veut pouvoir se dire, quand elle aura terminé, que le parcours pour y arriver en valait la peine, qu’elle était entourée des bonnes personnes et qu’elle a bien ri en chemin. Elle veut pouvoir regarder en arrière avec la certitude qu’elle ­referait exactement la même chose. jolandaneff.ch THE RED BULLETIN


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Le freerider français Vincent Tupin, 26 ans, nous emmène au paradis des vététistes, la Région Dents du Midi, en Valais.

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PERSPECTIVES voyage

« Je suis souvent à l’étranger, mais je dois dire que la Suisse a vraiment tout pour plaire quand on est rider ! » Vincent Tupin aka Vinny T, 26 ans

C

haque année, j’attends le printemps avec impatience, car cela sonne la réouverture des bikeparks. L’occasion d’enchaîner un bon nombre de kilomètres. Les itinéraires de la Région Dents du Midi dans le canton du Valais, au sud du lac Léman, non loin de la frontière française, offrent des conditions idéales – les opportunités de rouler sont vraiment nombreuses grâce aux remontées mécaniques (quatre dans la Région Dents du Midi, vingt-et-une au total pour les Portes du Soleil) et les pistes sont super variées. Si je devais choisir une piste préférée, ce serait soit la bleue soit la rouge à Morgins, j’hésite vraiment entre les deux. Dans mon sport, beaucoup ont choisi de faire carrière dans la compétition, mais il y a d’autres moyens de gagner sa vie en faisant du VTT. Moi, je me concentre sur l’aspect visuel et je réalise des vidéos et des photos avec mes amis. Pour me remettre dans le bain en début de saison, j’aime bien m’entraîner sur la piste de Coupe du Monde de Champéry, qui accueillera les épreuves de downhill des Championnats du Monde 2025 ! Elle est raide et vraiment pas évidente, donc pas trop fréquentée. Et le paysage des sept 3 000 qui dominent le Val d’Illiez est tout simplement magnifique. 72

Vinny T réalise un drop de 10 mètres construit (puis détruit) exprès pour les besoins du film.

Ça fait aussi un super décor pour nos vidéos. Pour les tournages, on construit souvent nos propres pistes. Il n’y a rien de tel que de trouver sa ligne dans un nouveau tronçon de forêt en tirant le meilleur parti du ­terrain et en faisant le moins de terrassements possible. Il nous arrive souvent de bosser pendant des jours pour une seule prise de vue ou quelques descentes. C’est ce qui nous permet de toujours trouver de toutes nouvelles perspectives vraiment cool. Et j’en profite pour perfectionner mes tricks et ma position. On le voit bien par exemple dans la vidéo The Old World – A Mindtrip Through Europe.

Un film réalisé par Tilman Brothers avec différents athlètes dans toute l’Europe, et notamment à Morgins. Même si je me rends dans des endroits incroyables à l’étranger ­pendant la saison – comme au Red Bull Rampage, dans le paysage fantastique de l’Utah, aux États-Unis – je dois dire que la Suisse a vraiment tout pour plaire quand on est rider. La Région Dents du Midi regorge non ­seulement de parks et d’itinéraires, mais offre également de nombreuses possibilités pour faire de longs circuits en enduro ou en e-bike. Oui, je roule souvent en e-bike quand je vais me balader en solo ou pour mes longues THE RED BULLETIN


Berne

S’y rendre En transports publics, ­prenez les CFF jusqu’à Aigle, puis continuez jusqu’à Champéry ou Val-d’Illiez avec l’AOMC, et de là, prenez le bus jusqu’aux Crosets ou Morgins. En voiture, empruntez l’autoroute A9 via Vevey au bord du lac Léman en direction du Valais/­ Simplon jusqu’à la sortie St-Triphon. De là, traversez

Suisse

Région Dents du Midi

Monthey, puis Troistorrents et continuez jusqu’à Champéry, Les ­Crosets, Val-d’Illiez, ­Champoussin ou Morgins. regiondentsdumidi.ch

JULIAN MITTELSTÄDT/TILLMANN BROTHERS ENTERTAINMENT, JBBIEUVILLE.COM RUEDI FLÜCK

L’équipe de prod allemande Tilman Brothers et Vinny T s’activent sur le tournage.

Bon à savoir La Région Dents du Midi est située en plein cœur du domaine des Portes du Soleil et regroupe six villages-­ stations valaisans. Ils sont tous reliés les uns aux autres par des remontées mécaniques et comptent en tout plus de 600 kilomètres de parcours VTT balisés. 11 pistes de descente, dont la légendaire piste de Coupe du Monde de Champéry 12 itinéraires VTT et e-bike, dont le circuit panoramique Grand 8 4 remontées VTT 5 magasins de location de VTT et e-bikes

Pas moins de 21 remontées mécaniques à travers les Portes du Soleil. THE RED BULLETIN

Les Portes du Soleil disposent en tout de 21 remontées mécaniques, de 5 bikeparks avec 50 pistes de descente entretenues en permanence et un tour enduro de 80 km – le tout accessible avec un seul et unique forfait. Infos : regiondentsdumidi.ch

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PERSPECTIVES voyage

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« Les pistes des Crosets sont idéales pour débuter en DH. » Vincent Tupin, spécialiste du VTT freeride

qui redescendent aux Crosets. Pour ceux qui veulent profiter de leur journée au maximum, il est possible de faire un tour en revenant à Morgins par le Col des Portes du Soleil et en traversant le Vallon de They. Et pour finir, il faut que je vous parle de la Pointe de Bellevue, un endroit un peu à l’écart qui vaut vraiment le détour. Comme son nom l’indique, c’est un point de vue de haute ­catégorie : situé à un peu plus de 2 000 mètres d’altitude, il offre un splendide panorama sur la Région Dents du Midi et même au-delà. L’idéal, c’est d’y monter en e-bike tôt le matin ou pour le coucher du soleil. La vue s’étend du lac Léman au ­Chablais, et presque jusqu’à Martigny, au fin fond du Bas-Valais. Un paysage de rêve qui donne envie de profiter d’un bon pique-nique ou d’un apéro entre amis. Retrouvez Vincent Tupin en action sur Instagram : @vinny_t_ THE RED BULLETIN

LITESCAPE.MEDIA, JULIAN MITTELSTÄDT/TILLMANN BROTHERS ENTERTAINMENT

sorties. Bien sûr, avec le poids supplémentaire de la batterie et du moteur, il faut faire des compromis quant à la maniabilité du VTT. En contrepartie, on peut rouler plus longtemps en montée. Pour quelqu’un qui viendrait pour la première fois dans la Région Dents du Midi et qui voudrait se mettre à la ­descente, les pistes des Crosets sont idéales pour débuter. Les riders qui sont déjà un peu plus aguerris pourront se perfectionner à Morgins. Mais les pistes là-bas nécessitent davantage de pratique. En cas de petite faim pendant une sortie, il y a de quoi faire avec les dizaines de buvettes d’alpage de la région. Et les adeptes de hamburgers seront servis avec le restaurant « Chez Joe » à Champéry. Un lieu à ne manquer sous aucun prétexte, c’est la Pointe des Mossettes. Elle est accessible en télésiège avec le vélo, et elle propose des pistes de downhilll, Grand-Conche et Le Loquet,

RUEDI FLÜCK

Avec les 600 km de pistes des Portes du Soleil, la Région Dents du Midi constitue un terrain de jeu exceptionnel.


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Ce que tout ­biker doit avoir Les accessoires de Fabio Wibmer : il a apporté sa contribution à leur développement. Et les premiers articles de Nineyard, sa nouvelle marque.

Protégez votre tête N’a pas seulement l’air cool mais sert aussi à protéger le plus important : le casque. Modèle Coron Air Spin. pocsports.com

Jeu de mains Les gants de vélo en cuir végan offrent une adhérence parfaite. nineyard.world

Roi-Soleil Quand les bikers font la pause. Des lunettes de soleil signées Poc Will Fabio Edition. pocsports.com

Service de dépannage Règle n° 1 : ne partez jamais sans vos outils ! Prepbox de Topeak pour toutes les occasions. topeak.com

Mettre la pression Dit simplement : la pression des pneus doit toujours être la bonne. Modèle Joeblow Sport. topeak.com

À genoux Protégez vos articulations. Pour les genoux et les coudes, avec le design Fabio : VPD Air Knee. pocsports.com

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KONSTANTIN REYER

Allô, il y a quelqu’un ? Fun & phone. Toujours avec vous pour écouter de la musique ou partager vos images avec la communauté : Galaxy S21 Ultra, Buds Pro. samsung.com


Liberté de mouvement Le pantalon de cycliste Signature Tech s’adapte à tous les corps grâce à son super stretch. nineyard.world

Avoir la fibre Manches longues ultradouces, chaussettes avec rembourrage intégré. nineyard.world

En roue libre Modèle Freerider Torque pour les descentes r­ apides. Parfait pour les rondes dans les bikeparks. canyon.com

Apport énergétique Fortifie le corps et l’esprit avant une course ou une nouvelle figure. redbull.com

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Ne m’oublie pas Si confortable que vous n’y penserez bientôt plus, quoique : n’oubliez j­ amais de vous protéger le dos et la poitrine. VPD System Torso. pocsports.com

WIK Chaussures avec adhérence supplémentaire sur les pédales : Stamp Lace Fabio Colorway. crankbrothers.com

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GUIDE playlist SÉLECTION

La BO des journées de Fabio En voyage, à l’entraînement ou en tournage, ces quatre chansons, dont une inattendue, accompagnent la carrière de Fabio. Que Fabio aime Kickstart My Heart de Mötley Crüe peut surprendre. Ce groupe heavy metal avec ses musiciens aux cheveux longs est considéré comme l’incarnation même du groupe rock cliché. Mais en écoutant ce titre, on comprend vite pourquoi Fabio l’apprécie. L’intro du guitariste Mick Mars donne la sensation d’un motard qui passe les vitesses en un éclair. Et ce morceau énergisant procure un plaisir fou. Les cinq minutes et dix secondes de la vidéo officielle sur YouTube finiront par convaincre les sceptiques. Retrouvez toute la playlist spéciale bikers de Fabio en scannant le QR code :

THE OFFSPRING

MÖTLEY CRÜE

SEAN KOCH

LINKIN PARK FEAT. JAY-Z

THE KIDS AREN’T ALRIGHT (1998)

KICKSTART MY HEART (1989)

LIFT YOU UP (2016)

NUMB/ENCORE (2004)

« The Offspring est l’un de mes groupes préférés. The Kids Aren’t Alright est un clin d’œil à la chanson des Who, The Kids Are Alright, sortie en 1965 avec leur premier album. La version d’Offspring décrit l’avenir sombre d’une petite ville américaine. Une puissance extrême s’en dégage. Je l’écoutais en boucle quand j’ai commencé à faire du vélo. »

« Ce morceau m’électrise instantanément : un rythme dingue, une ambiance de feu, et de l’adrénaline à volonté. Le célèbre club de rock Whisky a Go Go, à Hollywood, a servi de décor au clip-vidéo à l’époque. Lors de mon dernier passage en France, je n’ai pas arrêté de l’écouter. Et évidemment, cela a ravivé le souvenir de moments inoubliables. »

« Nous avons intégré ce titre à la bande-son de Wibmer’s Law, ma meilleure vidéo à ce jour. Je l’associe forcément aux bons moments que nous avons partagés avec l’équipe durant le tournage. J’aime tout particulièrement la douce intensité qui s’en dégage et le message de la chanson qui dit : “Viens, je vais t’aider à te r­ emettre sur pied.” »

« Tout comme The Offspring, Linkin Park fait partie de mes groupes préférés. La fusion unique de rock et de rap m’a immédiatement séduit. La chanson est un mash-up de Numb, de Linkin Park, et Encore, de Jay-Z. Numb évoque la pression dont souffrent beaucoup de gens, tandis qu’en contrepoint, le rap de Jay-Z est un hymne à sa propre gloire. »

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KONSTANTIN REYER

The Offspring & Co : le son qui rend Fabio intenable.


DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.

AU GOÛT DE FRUIT DU DRAGON.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


PERSPECTIVES fitness

Laura et Fabio. Le bol aux noix et fruits rouges, le préféré de Fabio.

LE BOL DE LAURA : COMPOSITION

Le petit-déjeuner Super Fabio Fabio Wibmer trouve dans la coupe de fruits de sa petite amie Laura une source d’énergie insoupçonnée. Avant sa blessure, une fracture de la jambe lors d’un motocross en novembre, l’alimentation n’était pas une priorité pour Fabio. Mais en consultant son médecin pour trouver les moyens d’accélérer sa guérison, ce dernier lui recommande, entre autres, 80

une alimentation saine. Le bol de fruits de son amie Laura f­ init par le convaincre : « J’ai remarqué que ça me revigorait. » Mais depuis, le boulanger où ­Fabio avait l’habitude d’acheter ses croissants chocolat-noisettes, lui manque.

INGRÉDIENTS DE BASE

PRÉPARATION

POUR LA BASE ½ banane surgelée 125 g de baies surgelées 1 cuillère de poudre d’açaï 1 cuillère de poudre de protéines Un peu d’eau ou de lait végétal

1. D ans un mixeur, mélanger les ingrédients de base et verser le tout dans un bol.

GARNITURE Muesli granola Myrtilles et framboises fraîches Une demi-banane (coupée en rondelles) Graines de chia Copeaux de noix de coco Noix (noix de cajou si possible) Pâte d’amandes Beurre de cacahuètes

2. Ajouter avec soin les garnitures au mélange de la base, étaler un peu de pâte d’amandes par-dessus et ajouter une noisette de beurre de cacahuètes. Bonne dégustation ! KONSTANTIN REYER, HANNES BERGER

DIÉTÉTIQUE

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PERSPECTIVES gaming

CRÉER

Game of Life

ALEKSEY KOLMAKOV, GRETA SANTAGATA

LOU BOYD

Résoudre les problèmes du monde est bien sûr une utopie, mais, comme le dit cette conceptrice de jeux, trouver des ­réponses peut être fun. Les concepteurs de jeux ne sont pas les premiers que l’on penserait à contacter lorsque l’on est aux prises avec une crise mondiale. Pourtant, les gamers aident les scientifiques à résoudre les problèmes du réel (mutation génétique, exploration de l’espace, recyclage) en les décomposant en puzzles. Le festival de conception de jeux expérimentaux Now Play This a demandé à des chercheurs, gamers et artistes de se réunir pour jouer, en construisant des paysages environnementaux imaginaires et en réagissant à une simulation de négociations climatiques à l’ONU, afin de voir ce qu’ils pouvaient apporter. L’un des ateliers était animé par Jana Wendler, conceptrice de jeux et géographe urbaine, qui apprend aux gens à examiner la vie urbaine moderne par le jeu. Selon elle, en s’attaquant aux grands problèmes par ce biais, nous pouvons tous contribuer à rendre meilleurs le monde et notre vie quotidienne.

Prendre confiance

Il est plus facile de tester, dans le cadre d’un jeu, en sécurité, les grandes décisions que THE RED BULLETIN

Innovateur : le jeu de société Ecologic consacré à l’exploitation minière durable, créé par les chercheurs scientifiques russes Marat Sabirov et Alexey Kolmakov.

nous ne nous sentirions pas à l’aise de prendre dans la réalité, explique Wendler, qui a suivi son cursus à l’université de Manchester. « Cela permet de changer les choses sans qu’il y ait de conséquences réelles. Cela inspire confiance dans l’activisme et le travail en dehors du jeu. Lorsque vous jouez, vous interagissez avec le monde, ses habitants et ses idées. »

Soyez un autre

Nous sommes tous limités, dans la vie réelle, à notre propre point de vue, mais les jeux nous permettent de voir les choses sous un autre angle. « Avec les jeux, on peut examiner les récits en s’amusant. Dans un jeu de catastrophe, il y a un héros qui va nous sauver, mais ce n’est pas comme ça qu’on va s’attaquer au changement clima-

Travailler ensemble

« Les jeux ont un potentiel énorme pour rassembler des perspectives différentes, explique Wendler à propos de l’interactivité sociale du jeu. Il peut être difficile, pour les chercheurs, de transmettre les informations scientifiques qu’ils souhaitent partager. De leur côté, les concepteurs de jeux racontent des histoires et font interagir les gens avec l’information. Utiliser un jeu qui combine ces deux éléments crée un espace pour quelque chose de nouveau. »

« Jouer, c’est interagir avec le monde. »

Jana Wendler, conceptrice de jeux et géographe urbaine

tique. Alors, que peut-on y explorer d’autre ? Introduire les perspectives indigènes, par exemple. »

Soyez créatif

La gamification ne demande rien d’autre que de voir le monde physique d’une manière plus ludique et moins subjective. « Oubliez l’idée que vous devez apprendre à coder et à utiliser des graphiques compliqués pour être un gamer. Réutilisez les objets qui vous entourent. Vous n’avez besoin de rien, vous pouvez faire des choses sympas avec du carton. Il suffit de mettre une LED dans un bouchon de bouteille pour concevoir un accessoire l­umineux avec lequel jouer. Amusez-­vous avec les choses à votre disposition, et voyez où cela vous mène. » Now Play This se déroule à Londres, nowplaythis.net ; Les travaux de Jana Wendler sur playfuel.co.uk

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PERSPECTIVES tendances UNE VAGUE DE FRAÎCHEUR ALAÏA BAY Surfer comme sur l’océan, à Sion, dans le canton du Valais : Alaïa Bay ouvre le premier Wavegarden d’Europe continentale. La piscine de surf a une superficie de 8 500 m², et le lancement officiel aura lieu au solstice d’été. Ouverture : les 19 et 20 juin ; alaiabay.ch

COACH PERSONNEL GARMIN EDGE 830 Ce compagnon est un poids plume (362 g). Une fois monté, il devient un ­super ­partenaire d’entraînement : il vérifie ton ­niveau de forme, t’informe sur le dénivelé et te rappelle de boire régulièrement. 459 CHF ; buy.garmin.com

IL ROULE TOUT SEUL VANMOOF X3 Un vélo électrique conçu pour les citadins placides ; le changement de vitesse à 4 rapports est automatique ; le système antivol électronique fonctionne via un smartphone. Pratique, tout simplement. Prix sur demande ; vanmoof.com

VESPA FÊTE SES 75 ANS VESPA GTS 75TH ANNIVERSARY

WOLF MIKE

Une Vespa comme à l’époque, en jaune métallisé, portant le nom de Giallo : l’une des couleurs les plus courues des années 1940. Le guidon est à la pointe de la technologie avec écran couleur et possibilité de se connecter à son smartphone. Prix sur demande ; vespa.com

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UN SACRÉ COUP DE PÉDALE

PLEINS FEUX

GARMIN RALLY XC 100

Résistante aux chocs et étanche, cette torche éclaire jusqu’à 210 m (!) et se monte très facilement sur le casque. On peut la ­programmer via une appli en fonction de ses besoins. Ainsi, elle peut aussi servir de lampe traditionnelle pour la lecture du soir. 379 CHF ; lupine.de

LUPINE PIKO

Cette pédale te connaît mieux que tu ne te connais toi-même. Elle mesure la puissance totale, la ­cadence, la répartition de la puissance, et t’aide ainsi à améliorer tes ­performances. Compatible avec Garmin Edge (voir à gauche). 789,90 CHF ; buy.garmin.com

Que du bon ! Des accessoires et deux-roues trendy choisis par notre hôte et rédac chef du mois !  Texte WOLFGANG WIESER

UN SON D’ENFER TEUFEL BOOMSTER GO Il se porte au poignet et se fixe où tu veux grâce à sa boucle. Ces deux enceintes mobiles se connectent via Bluetooth et offrent un son stéréo de très haute qualité. 119 CHF ; teufel.ch

AIGUISE TON REGARD POC VENTRAL LITE & POC DEVOUR CLARITY Design minimaliste, protection maximale : le Ventral Lite pèse moins de 200 g, mais protège de manière exemplaire. Le masque Devour accentue les tons verts et bruns, idéal pour les sentiers. Casque : 319 CHF ; masque : 299 CHF ; pocsports.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES le coin des livres

Le sorceleur

Avec la saga Geralt, couronnée de nombreuses récompenses, l’auteur polonais Andrzej Sapkowski a crée l’un des héros les plus fascinants de la littérature fantasy. Texte JAKOB HÜBNER

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oilà une idée reçue ­totalement absurde mais largement répandue : la fantasy ne serait que niaiseries puériles sans lien aucun avec la littérature. Un postulat d’autant plus saugrenu que ce genre est profondément ancré dans la tradition des registres littéraires créés par l’Homme : mythes, contes, légendes et autres épopées. Les anciennes structures de narration ont forcément

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quelque peu évolué au cours des deux derniers millénaires. Toutefois, c’est surtout au cours des vingt dernières années que la fantasy a connu son évolution la plus remarquable, grâce à l’intervention de trois acteurs majeurs: l’auteure britannique Joanne K. Rowling, dont l’apprenti sorcier Harry Potter a très largement contribué à faire reculer l’analphabétisme au tournant du second millénaire. Le NéoZélandais Peter Jackson,

dont la magnifique adaptation cinématographique du Seigneur des anneaux a remis l’œuvre de Tolkien au goût du jour, et, bien entendu, l’auteur américain George R. R. Martin qui, avec sa série culte Le Trône de fer (titre ­original  : Game of Thrones) a définitivement prouvé toute la puissance narrative de ce genre littéraire. La fantasy est soudain devenue une incroyable manne financière, aspect économique qui a sans nul doute attiré une nouvelle génération d’auteurs très talentueux, conférant à ce genre littéraire une nouvelle dimension doublée d’une richesse stylistique insoupçonnée. THE RED BULLETIN

VINZ SCHWARZBAUER

LA FANTASY EN PLEIN ESSOR


Premier paragraphe du Dernier vœu  « Elle arriva chez lui au petit matin. Elle entra discrètement, tout doucement, à pas feutrés, flottant dans la pièce comme un fantôme, un spectre. Le froufrou de sa mante à capuchon sur sa peau nue était le seul bruit qui accompagnait ses gestes. C’est pourtant cet infime bruissement, à peine audible, qui réveilla le sorceleur, ou plutôt le tira du demi-­sommeil qui le berçait avec monotonie. Il était comme dans un gouffre insondable, en suspens entre le fond et la surface d’une mer paisible, parmi des lianes de goémons qui ondulaient tout doucement. »

L’écrivain polonais Andrzej Sapkowski est lui aussi l’un des précurseurs du renouveau de la fantasy. Il donne le ton dès les années 90 avec son héros, le sorcier Geralt de Riv, l’un des personnages de l’univers fantasy les plus célèbres grâce à une adaptation en jeu vidéo ainsi qu’une série Netflix du même nom : The Witcher. Ce que l’on sait moins, c’est qu’une superbe série de romans se cache derrière ce personnage. En huit volumes au total, l’auteur, né à Lodz (Pologne) en 1948, réunit tous les ingrédients qui font le succès de ce genre. Mélangeant avec brio le suspense, le romantisme, le mythe, la magie, l’érotisme et l’action, l’auteur compose avec tous ces éléments stylistiques pour assouvir son insatiable appétit de narration, le tout avec une bonne dose d’humour distillé malicieusement aux moments les plus incongrus. Geralt est pour ainsi dire une sorte d’exterminateur, pas vraiment spécialisé en cafards et autres bébêtes nuisibles, mais plutôt en créatures monstrueuses assoiffées de sang et de chair humaine. Ce Loup Blanc (Geralt a des cheveux magiques, ce que l’on reconnaît autant à ses réflexes surnaturels et à sa rapidité foudroyante, qu’à ses cheveux blancs comme la neige) sillonne une région déchirée par les conflits et THE RED BULLETIN

les guerres en quête d’affaires lucratives jusqu’au jour où le destin lui fait croiser le chemin d’une chétive princesse têtue que le sorcier doit protéger des forces du mal… Avant de se plonger dans cette fantastique aventure couverte de récompenses (Sapkowski a notamment reçu le prix World Fantasy en 2016), il convient toutefois de surmonter un léger obstacle intellectuel : l’ordre chronologique de la Saga de Geralt. La première partie, Le sang des elfes, est en fait la troisième partie, car avant cela, il existe deux histoires « précédentes » : Le dernier vœu, et L’épée de la providence, entre lesquelles se ­situe par ordre chronologique Le temps du mépris, qui, en fait, est plutôt une sorte d’épilogue de la saga. Après cela, il n’y a plus qu’à se lancer...

ANDRZEJ SAPKOWSKI LE SORCELEUR Traduction : Laurence Dyèvre Éditions Bragelonne

CONSEILS DE LECTURE

Les 4 fantastiques Quelques bons tuyaux de la fantasy encore ­méconnus du public (mais plus pour longtemps).

PETER McLEAN Histoires de gangsters impitoyables dans un écrin magique : certes, le décor fait furieusement penser à la série télé Peaky Blinders, mais l’Anglais Peter McLean, avec Priest of Bones, concocte un mélange des genres tout aussi brillant que toxique dans lequel un soldat revenu de la guerre cherche à reprendre les rênes de son royaume criminel d’antan. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Seconde partie en mars 2021, avec le volume intitulé Priest of lies. Priest of Bones (non traduit)

NICHOLAS EAMES Avec La mort ou la gloire, l’histoire d’une troupe de ­soldats éreintés qui se lancent dans un baroud d’honneur, l’auteur canadien nous avait livré une œuvre grandiose. Des débuts prometteurs confirmés par Rose de sang : Eames n’a pas son pareil pour conférer une ­savoureuse patine à ses ­personnages magnifiquement r­ etors et injecte un ­savant dosage d’humour acéré dans ses délicieuses scènes de carnage. Wyld, Tome 1 : La mort ou la gloire (Bragelonne)

ED McDONALD Poursuites, tortures, meurtres: capitaine des Ailes noires, Ryhalt Galharrow se charge des sales besognes dans le royaume du Dortmark. Mais malgré une brutalité omniprésente noyée sous des litres d’eau de vie, une flamme d’humanité scintille encore en lui, qui pourrait être engouffrée à tout moment dans le grand incendie du Dortmark. Incroyablement brutal et très, très bon. Déjà parus : La marque du corbeau et Le cri du corbeau. Blackwing, T1 : La marque du corbeau (Bragelonne)

LEO CAREW Quand Leo Carew, un jeune anthropologue féru du continent arctique, se découvre une passion pour la fantasy historique, cela donne naissance à un royaume ancestral dans les glaciers nordiques menacé par un pouvoir impérial venu du Sud, soit une épopée prolifique pleine de bruit et de fureur dans laquelle deux types de sociétés diamétralement opposés s’affrontent avec une brutalité inouïe. Déjà parus : Le trône du loup et Le roi des ténèbres. Les sept royaumes, T1 : Le trône du loup gris (Bragelonne)

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Tous en selle! Vélos sensationnels, équipements stylés, accessoires malins: voici une sélection pour te déchaîner sur les pistes.

FINIS LES CÂBLES QUI DÉPASSENT ! Rassure-toi, les câbles pour le dérailleur, les freins ou le réglage des amortisseurs et de la tige de selle n’ont pas disparu : ils ont tout simplement été montés dans le cadre.

Best Buddy Ransom eRide 910 Les bosses et les virages n’ont qu’à bien se tenir : au cours de tes sorties les plus folles, ce vélo électrique sera un allié efficace pour la grimpe et une véritable ­fusée en descente. Avec son ­réglage ultra précis au niveau de l’angle de tube, du centre de gravité et de l’angle de direction, ainsi que son débattement de 180 mm à l’avant comme à l’arrière, le Ransom eRide 910 de Scott est prêt à relever tous les défis. Prix : 7 699 CHF. scott-sports.com

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PERSPECTIVES vélos & accessoires

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Du bleu pour se mettre au vert ! Tee-shirts, shorts ou lunettes : ces vêtements et accessoires aussi malins que performants rajouteront un zeste de bonheur à tes sorties vélo, comme ce pantalon avec coussin intégré. 1 RESTE COOL Le maillot Trail Tuned de Scott a été conçu spécifiquement pour maximiser le refroidissement naturel du corps. Prix : 90 CHF  2 OUVRE L’ŒIL Protection intégrale des yeux, champ de vision extra large grâce à leur design sans montures : voici les lunettes de

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soleil Shield Scott, testées par les pros. Prix : 100 CHF  3 PRENDS TON PIED Les chaussettes Trail Tuned Crew de Scott amortissent les chocs au niveau du talon et des doigts de pied. Prix : 25 CHF  4 PROTÈGE TON DOS Ce sac à dos est fait pour les longues journées en montagne : léger, aéré et équipé d’une protection dorsale. Prix : 240 CHF  5 NE PERDS PAS LA MAIN Le dessus est composé d’un mesh et les paumes sont perforées pour favoriser la ventilation même lors des activités les plus intenses – gants Traction Tuned de Scott. Prix : 45 CHF  6 ROULE SUR DU VELOURS Ceinture élastique, coussin intégré – le bonheur ! Prix : 170 CHF ; scott-sports.com

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PERSPECTIVES vélos & accessoires

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Des couleurs et du style Une chemise pour briller, des gants en cuir végétal et des chaussettes bigarrées à base de bouteilles en plastique recyclées. 1 ACTION Casque avec fermeture magnétique, ouverture frontale et visière réglable, support Actioncam inclus. Prix : 240 CHF ; lazersport. com  2 POUR ÊTRE VU La chemise ROVE LS est absorbante et équipée d’éléments BioViz réfléchissants. Prix : 90 CHF ; pearlizumi.com  3 À L’AISE SUR LES PISTES Chaussures X-Alp mi-montantes pour

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pédales plates. Prix : 220 CHF ; pearlizumi.com  4 IMPERMÉABLE Short Summit avec poches de randos, hydrofuge et antitaches grâce à son traitement spécial et écologique. Prix : 110 CHF ; pearlizumi. com 5 BONHEUR RIME AVEC COULEURS Une explosion de couleurs avec ces chaussettes Pro Tall écologiques fabriquées avec des bouteilles en plastique recyclable. Prix : 30 CHF ; ­pearlizumi. com  6 PROTECTION RESPONSABLE Gants Pulaski, fabrication en cuir végétal. Prix : 60 CHF ; pearlizumi.com  7 GENOUILLIÈRES Parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Prix : 130 CHF ; pearlizumi.com

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Plus vite, plus loin, plus haut E-Caliber 9.6 Non seulement il ressemble à un vélo normal, mais c’est un vélo normal, juste un peu plus léger. Grâce à son moteur électrique Fazua, l’E-Caliber 9.6 de Trek apporte ce petit plus au niveau du pédalage qui te permettra de repousser tes limites. Mais n’oublie pas que sur les pistes, le défi reste le même. Disponible à partir de fin mai. Prix : 7 249 CHF ;  bikeworld.ch

VÉLO SUR MESURE Découvre 450 vélos de 16 grandes marques (Scott, Trek, Giant etc.) dans les magasins de bikeworld.ch ; sur place, le SmartFit Bodyscan permet d’adapter chaque vélo à la morphologie individuelle.

Grimper les montagnes plus facilement tout en gardant le rythme? C’est possible grâce au E-Caliber 9.6 de Trek. THE RED BULLETIN

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Configure ton Foxy Carbon RR avec une appli et tu pourras ­exploiter tout son potentiel.

CACHÉE MAIS EFFICACE L’unité centrale du MIND-System est bien protégée à l’intérieur du tube de fourche. Ton vélo bénéficiera d’une configuration optimale grâce aux données transmises par les capteurs.

Ajustement sur mesure Mondraker Foxy Carbon RR Un vélo ajusté au millimètre près grâce à des données concrètes : c’est ce que garantit le MIND-System de ­Mondraker, qui surveille les performances du cadre via différents capteurs. L’appli myMondraker évalue les données rassemblées (altitude, vitesse, distance de saut) pour une configuration individuelle optimale de ton vélo. Prix : 7 899 CHF ; mondraker.com

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PERSPECTIVES vélos & accessoires

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La belle vie : départ-arrivée-victoire Pédales à l’adhérence optimale, chaussures résistantes et parfaitement ajustées… et un antivol, parce que ton vélo le mérite. 1 PRISE FIABLE Les pédales VTT Bontrager assurent une parfaite adhérence. Prix : 79 CHF ; trekbikes.com  2 TOUJOURS AU FRAIS Les tee-shirts Merino GRPH de Scott sèchent vite, sont bien aérés et assurent une bonne régulation de la température. Prix : 80 CHF ; scott-sports.com  3 SÉCURITÉ AVANT TOUT L’antivol Bontrager

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­ ltimate offre une sécurité de niveau 9 grâce à ses maillons de chaîne U en acier trempé de 9 mm (manchon en tissu). Prix : 85 CHF ; trekbikes. com  4 PROTECTION OPTIMALE Tu ne passeras pas inaperçu avec ce casque aux couleurs vives, qui offre une très bonne protection sur tous types de pistes. Prix : 209 CHF ; trekbikes.com  5 COMPAGNON IDÉAL Un imperméable à portée de main en cas d’intempéries. Prix : 145 CHF ; trekbikes.com  6 SOLIDITÉ ABSOLUE Rigides, résistantes et parfaitement ajustées, les chaussures VTT Foray garantissent des sorties en toute sécurité. Prix : 189 CHF trekbikes.com

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HARRY HOUDINI

LE ROI DE L’ÉVASION L’auteur autrichien MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants, dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ici, comment le grand magicien faillit être trompé par plus petit que lui.

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BENE ROHLMANN, CLAUDIA MEITERT MICHAEL KÖHLMEIER

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GETTY IMAGES

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e spiritisme est une intrigue contre les fussent-ils, n’avaient rien de paranormal et lois de la Nature. » C’est en ces mots s’expliquaient par l’habileté et le pouvoir d’illusion du magicien. Il raconta alors, devant la que débute une conférence tenue en petite assemblée réunie à l’université, l’histoire 1925 par le grand magicien Harry d’un complot qui faillit bien lui coûter la vie. Houdini à l’université de Columbia, Il reçut un jour la visite d’un homme venu dans l’état de New York. Invité par l’Institut de Philadelphie, qui se présenta comme un des sciences naturelles à l’occasion de la agent et lui proposa ses services. Il avait déjà, sortie de son livre « Un magicien parmi les MICHAEL KÖHLMEIER L’écrivain est considéré disait-il, préparé le terrain en activant un médiums », ce prestidigitateur, de renommée comme l’un des meilsolide carnet d’adresses – pas moins d’une internationale, a choisi de parler devant un leurs conteurs du monde vingtaine de grosses compagnies aux Étatsauditoire volontairement restreint car, dit-il, germanophone. Dernière Unis et une douzaine en Europe, qu’il avait ce qu’il a à révéler pourrait attirer des ennuis parution en français : toutes réussi à convaincre pour organiser une à la direction de l’université. La première La petite fille au dé tournée gigantesque dont lui, l’incomparable, phrase y fait d’ailleurs allusion, et son auteur à coudre, Éd. Jacqueline Chambon, 2017. l’inimitable Houdini serait la vedette ! À lui la poursuit en ces termes : « Mais s’il est un gloire et la richesse ! Houdini laissa parler son moyen par lequel on peut contourner les lois interlocuteur. Il avait après tout un talent certain pour de la Nature, c’est justement par l’intrigue. » démasquer les charlatans – une remarque qui fit rire son Après s’être retiré du monde du spectacle et de la auditoire, car eux savaient évidemment à quel calibre ils ­magie, Harry Houdini s’est lancé dans une deuxième carrière : pourfendeur officiel du spiritisme, un courant qu’il avaient à faire. Houdini avait senti dès le début que cet qualifiait lui-même de véritable « fléau » et qui était deve« agent » n’était pas venu lui vendre une tournée. nu, depuis son apparition à la moitié du XIXème siècle, u bout d’un moment, l’homme de Philadelphie un phénomène de masse d’une telle ampleur que le finit en effet par cracher le morceau : il avait Congrès américain avait dû lancer une commission d’enquête à ce sujet. Habitué à débusquer les tours de magie sous contrat une dame qui se disait médium, une et déterminé à prouver le charlatanisme de ces médiums certaine « Madame Pick-Pock ». Or, poursuivit l’agent, qui parlaient aux morts et faisaient tourner les tables, pourquoi le cacher plus longtemps au grand maître de Harry Houdini fut le plus célèbre membre de cette coml’entourloupe : cette dame était évidemment une menmission. Le spiritisme avait été en quelque sorte remis à teuse, une affabulatrice. Mais Monsieur Houdini, les la mode aux États-Unis, quelques décennies auparavant, artistes ne sont-ils pas finalement tous des imposteurs ? par les sœurs Margaret et Kate Fox, deux Américaines Les moins habiles finissent par l’admettre, les autres le qui affirmaient pouvoir communiquer avec les morts par nient… Quant aux plus talentueux d’entre eux, leurs supercheries passeront toujours inaperçues. L’art de l’évale biais de coups frappés. Elles suscitèrent un tel engouement auprès du public américain et international que sion que vous pratiquez et qui vous a valu l’adoration du même après avoir avoué publiquement la supercherie, public est certes spectaculaire, mais avouez-le : il n’attire les gens continuèrent d’y croire dur comme fer. plus les foules. La mode est dorénavant au spiritisme, Houdini, quant à lui, ne cachait nullement le fait que aux histoires de fantômes, de tables qui tournent, de tous ses tours de magie et d’évasion, aussi dangereux coups qui résonnent mystérieusement dans une pièce


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B O U L E VARD DES HÉRO S

sombre. C’est ce genre de frissons que le public réclame aujourd’hui ! L’agent termina son réquisitoire avec cette proposition : Harry Houdini partirait en tournée d’adieu autour du monde, pour régaler le public une dernière fois des tours qui l’ont fait passer à la postérité : une ­dernière fois, se libérer d’une camisole, accroché par les pieds tout en haut d’un immeuble, une dernière fois, faire disparaître un éléphant au milieu d’un public ébahi, une dernière fois, s’évader des cellules de prison les mieux gardées du monde ou de malles remplies d’eau… Sa tournée terminée, Houdini prendrait sa retraite de magicien et partirait en croisade contre les spiritistes, ­démasquant les ruses que les faux médiums utilisent pour tromper la crédulité des pauvres gens. Il n’en épargnerait qu’une : Madame Pick-Pock. À elle, et elle seule, Houdini consentirait à accorder son crédit. Si cette dame devenait la seule médium à être reconnue dans son art par le plus habile pourfendeur de charlatanerie du monde, le succès de Madame Pick-Pock ne connaîtrait plus aucune limite. Et des rentrées d’argent phénoménales qui en découleraient, Houdini toucherait évidemment sa juste part. S’il approuvait la proposition, l’agent était prêt, sur le champ, à lui verser une avance de 10 000 dollars en espèces. Dans la petite salle de l’université de Columbia, le silence s’était fait. Suspense. Comment Houdini, réputé incorruptible, avait bien pu réagir ? La réponse de l’intéressé choqua l’assemblée : « J’ai dit oui. Et j’ai encaissé l’argent. »

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arry Houdini est né le 24 mars 1874 à Budapest sous le nom d’Erik Weisz. Quelques années plus tard, son père, rabbin, émigre aux États-Unis et réussit à faire venir le reste de la famille. Le jeune Erik se prend très vite de passion pour l’art de la prestidigitation et monte sur les planches dès ses seize ans. Son nom de scène, Harry Houdini, est inspiré par ses deux idoles : le Français Jean Eugène Robert-Houdin, considéré à l’époque comme le plus grand magicien de tous les temps, et Harry Kellar, autre célèbre magicien américain. Il rencontre à dix-neuf Bess Rahner, danseuse de cirque, qu’il épouse la même année et qui devient son assistante. Le jeune couple met au point des numéros d’évasion qui vont émerveiller un public toujours plus nombreux. Bess est une épouse dévouée, Harry un mari fidèle : ils vivent et travaillent ensemble. Une vie de couple certes désargentée mais heureuse. Harry Houdini, en se laissant faussement corrompre, avait un objectif : ce qu’il voulait, c’était tromper son imposteur. Il prit donc l’argent offert et en fit don à

« Je pensais que ce serait un fabuleux tour de passepasse : l’arroseur arrosé ! » 94

la Society of American Magicians, qui s’était fixé une mission : lutter contre ces charlatans de spiritistes et rappeler aux gens que seule la raison permet de se sortir de l’immaturité qu’ils s’infligent à eux-mêmes. « Je pensais, poursuivit Houdini, que ce serait un fabuleux tour de passe-passe : l’arroseur arrosé ! Et c’est ce que je fis savoir, peu après, à cet homme. » Il s’avéra, hélas, que l’agent de Philadelphie fut un homme rancunier. Il comprit qu’il n’avait aucun moyen légal de récupérer son argent, et c’était d’ailleurs le moindre de ses soucis : non, ce qu’il voulait à présent, c’était anéantir Harry Houdini. Il réussit – sans doute par une même tentative de corruption, cette fois-ci réussie – à mettre la main sur le secret de l’un de ses tours. Or, c’est une chose que redoutent tous les magiciens et qui est une règle déontologique à ne jamais transgresser : on ne débine pas les arcanes des tours de prestidigitation. Comble du malheur, l’agent avait en sa possession le « truc » de son tour le plus spectaculaire, le plus célèbre : au beau milieu de l’hiver, alors que l’East River de New York était gelée, Houdini se fit enfermer par deux policiers dans un coffre-fort, pieds et poings liés par de lourdes chaînes, et jeté dans l’eau du fleuve par un trou percé dans la glace. Des milliers de badauds s’étaient amassés sur le Brooklyn Bridge, retenant leur souffle. La mise en scène était dramatique : Harry faisait ses adieux à une Bess en larmes qui l’implorait de renoncer à ce tour, se jetait à ses pieds en criant. Harry avait feint l’hésitation – peut-être allait-il se raviser ? Finalement, les époux se dirent adieu en un baiser passionné et Houdini se laissa enchaîner par les policiers. Personne n’avait vu que c’était Bess elle-même, par un baiser, qui avait glissé la clé des chaînes dans la bouche de son mari. Une manœuvre subtile que notre agent avait réussi à découvrir.

B

ess était une femme séduisante et passionnée, mais aussi, avant de rencontrer son futur mari, une femme fantasque et chaleureuse qui se laissait vite déborder par les sentiments. Harry connaissait ce trait de sa chère épouse et savait qu’elle se laissait alors volontiers manipuler. Lui était, de par son métier, d’un naturel beaucoup plus méfiant et avait appris à anticiper chaque éventualité. Il connaissait, il aimait sa femme et lui faisait confiance, mais il savait aussi – ou croyait savoir – que personne ne peut véritablement sonder les tréfonds de l’âme humaine. Une faille que l’agent était déterminé à utiliser. Il parvint, par l’entremise d’un tiers, à faire croire à Houdini que Bess avait un amant dont elle était tombée folle amoureuse, et qu’elle cherchait à se débarrasser de son époux, connaissant les travers jaloux et possessifs d’Houdini. « S’il est un moyen par lequel on peut contourner les lois de la Nature, c’est justement par l’intrigue », répéta l’orateur devant le petit groupe réuni à la Columbia. Le tour du coffre-fort plongé sous la glace était le plus dangereux des tours que le magicien avait eu à réaliser. Sans compter le fait

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qu’il n’avait, jusqu’à présent, été réalisé qu’à l’air libre et au chaud. Houdini n’allait avoir que quelques secondes pour se libérer du coffre-fort, et même si ce dernier était équipé de coussins flottants dissimulés à l’intérieur, le fait de couler lentement n’allait pas empêcher notre magicien de se retrouver confronté à des températures pouvant paralyser un corps humain. Chaque seconde comptait et toute pensée parasite qui viendrait assaillir Houdini pouvait lui être fatale. Tel était le plan machiavélique de l’agent. Les rumeurs sur Bess sont-elles vraies ? Est-ce que je la connais vraiment ? Et si la clé qu’elle me tend n’est pas la bonne ? Dois-je m’y préparer ? Puis-je réellement m’y préparer ? Mais le roi de l’évasion ne laissa pas son esprit s’évader dans de dangereuses élucubrations : il réalisa ce tour de force d’un sang-froid inébranlable. Quand elle le vit sortir de l’eau, victorieux, la foule new-yorkaise hurla de joie, faisant trembler le Brooklyn Bridge. Houdini, lui, savait qu’il avait désormais un ennemi. Un traître qui œuvrait dans l’ombre pour le faire tomber. « L’intrigue, dit-il alors à ses auditeurs, ne peut être combattue qu’en la faisant

Harry Houdini savait qu’il avait un ennemi qui œuvrait dans l’ombre. paraître au grand jour. » C’était la raison, l’unique raison, pour laquelle il avait tenu à en parler en ce jour publiquement. Un an après le discours de Columbia, Harry Houdini se retrouva face à des étudiants, à qui il expliquait comment il s’entraînait pour ses numéros. Il savait gonfler ses muscles de telle sorte qu’il parvenait ensuite à libérer ses poings et ses chevilles de n’importe quelle menotte. Et il ne faisait confiance à personne, ni à quoi que ce soit. C’était son naturel méfiant qui l’avait, jusqu’ici, toujours sorti du pétrin. Il savait donc toujours à quoi s’attendre. À ces mots, un étudiant lui asséna un coup de poing au ventre qui le prit de surprise. Harry Houdini, qui n’avait pas eu le temps de bander ses muscles pour parer le coup, en mourut quelque temps après.

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