8 minute read
l'organisation de la batellerie à partir de 1934
paralyse la navigation pendant plus d'un mois avec des barrages de bateaux. 600 bateliers bloquent l’approvisionnement en blé et en charbon de la région parisienne. Ils refusent cette concurrence jugée déloyale et exigent la création d'un bureau d'affrètement, pour une distribution plus équitable du travail. Dans ce contexte de concurrences multiples, entre les compagnies et les artisans, entre les motorisés et les tractionnés, le contexte de la crise économique des années 30, les courtiers en profitent pour tirer à la baisse les tarifs puisque l'activité économique rentre en récession.10
Les grévistes critiquent aussi la circulation des bateaux étrangers, surtout Belges, en France.
Advertisement
Dans le même temps, face à la diminution des transports de matières pondéreuses comme le charbon suite à la crise économique mondiale, une politique de régulation de l'offre de transport en diminuant le nombre des bateaux tout en modernisant la flotte est mise en place dès 1934. Au passage on peut constater que le politique de « déchirage » et de contingentement en diminuant l’offre du nombre de cales des bateaux Freycinet à la fin du 20ème siècle ne faisait que reprendre une politique appliquée 70 ans plus tôt11 et en 1954. Un article de journal revient sur cette décision. « L’arrêté ministériel du 7 novembre 1934 qui précise en effet que toute demande d'immatriculation de nouveaux bateaux doit être accompagnée du certificat de déchirage ou d'innavigabilité définitive de bateaux d'un tonnage équivalent à celui demandé. Ainsi, le décret du 15 mai 1934 portant sur la coordination des transports par fer et par eau aboutissait ni plus ni moins, à la stabilisation officielles et définitive, à son potentiel d'alors, de la navigation intérieure française. Cela revenait exactement au même que si, par une autre disposition – favorable celle-là à la voie d'eau – il eût été stipulé que le parc des chemins de fer ne saurait être augmenté dorénavant d'un seul wagon... » 12
L'organisation de la batellerie à partir de 1934
Cela peut se résumer ainsi : une solution syndicale imposée à la grève générale. Le S.U.B. - Syndicat unitaire de la batellerie - à Dunkerque instaure le « tour syndical pour avalant », par des blocages et des intimidations en novembre 1930. C'est à dire un bureau de tour obligatoire pour les transports de charbon du bassin houiller à l'exportation en passant par Dunkerque et Calais.
10 Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture 10 Le freycinet : 1880 - 2020, bateau emblématique des batelleries industrielles de réseaux – Cahier de l’AAMB - 2020
12 Action française – 28/10/43 par Charles Maurras
Les compagnies minières réagissent en boycottant la voie d'eau et en passant par des accords avec les chemins de fer. Pendant l'été 1933, la situation est explosive entre d'un côté les 3.700 adhérents revendiqués par le S.U.B. et de l'autre les automoteurs appartenant majoritairement aux grandes compagnies de navigation. 13
En juin 1934, le gouvernement de Paul Doumergue prend toute une série de mesures qui suivent les travaux du rapport Laroque du Conseil national économique, l'ancêtre du Conseil économique et social et environnemental, visant à donner à la navigation intérieure une organisation qui doit réduire les abus et amoindrir ou supprimer la concurrence dispendieuse entre le rail et la voie d'eau. C’est le premier décret d'une série de textes réglementaires sur la navigation intérieure et la coordination rail-voies navigables. C’est limiter la liberté commerciale des transporteurs afin d'optimiser la répartition du trafic et réglementer à la fois la concurrence intermodale et intramodale.14
Ensuite, c'est la réglementation du métier de courtier pour l’affrètement qui les regroupe dans des chambres syndicales et exigeant un certificat de capacité professionnel et de moralité. Il faut attendre un an, décembre 1935, pour qu'il y ait la première ouverture dans le Nord puis 1938 en région parisienne d’une telle chambre d’affrètement. 15
A partir de 1935, le ministère des Travaux publics désigne les membres des comités de direction des bureaux d'affrètement et il peut décider d'en créer de nouveaux là où il pense qu'il en faille. Cela dit cela n'a que peu d'effet puisqu’il n'y a qu'un seul bureau qui ouvre à Valencienne. Concernant la fixation des frets, le mécanisme des commissions paritaires régionales chargées de suivre l'évolution du marché et de conseiller des taux dits « adéquats à la situation de marché » est confirmé. Enfin, le gouvernement rend obligatoire l'emploi de formulaire types pour les conventions de voyages. L'arrière-pensée financière pour le budget de l’Etat n'est pas étrangère à cette politique. Depuis août 1926, une taxe est prélevée sur tous les transports de marchandises effectués par voies navigables calculée sur la valeur nette du fret.16
Dans le même temps, des réformes pour coordonner l'activité du rail et de la voie d'eau sont entreprises. Pour tenter de retrouver des taux de fret rémunérateurs pour la batellerie, le gouvernement tente de coordonner les transports afin de lutter contre l’âpre
13 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005 14 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 14Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005
14 Voir sur le lien un timbre fiscal de l’O.N.N. - http://www.timbres-fiscaux.fr/archives/2014/11/25/31029186.html
concurrence entre les deux modes de transport et améliorer la rentabilité des entreprises. Elle se concentre sur deux aspects : - La répartition du trafic - Le contingentement du nombre de bateaux
La transport batelier doit se spécialiser dans des chargements complets et homogènes et éviter le service de « messagerie ».
Le gouvernement incite à la recherche d'accord de répartition avec un comité central de coordination et des commissions régionales constituées par des représentants des deux modes de transport.
Ils élaborent des accords qui sont partiels car portent sur plusieurs paramètres comme une marchandise ou des lignes de circulations
Mais il n’y a pas d'accord global sur toutes les marchandises et pour toute la
France.
Afin de diminuer l'offre de cales pour augmenter le taux de rentabilité des unités, le gouvernement contrôle la mise en service des nouveaux bateaux français et cherche à limiter l'activité des bateaux étrangers en France en soumettant l'immatriculation des nouveaux à une autorisation administrative.
Nous avons trouvé les chiffres suivants : Le contingentement du parc des bateaux français entraine une diminution du nombre des bateaux : 1931 = 15286 1935 = 13235 1940 = 12700. Les bateaux étrangers diminuent également : 1931 = 1846 1935 = 1255.
Le trafic dans cette décennie de crise économique mondiale se rétracte aussi. 1930 = 53 1930 = 50 1938 = 45 - en millions de tonnes –Mais la distance moyenne est en hausse.17 Le parc de la batellerie française en 1934 se compose de 12.104 bateaux ordinaires, dont 6.790 appartiennent à des patrons bateliers et 5.624 à des compagnies de navigation fluviale. La capacité totale de la flotte est de 4 millions de tonnes dont 600.000 tonnes pour les 2 101 automoteurs, 46.000 tonnes pour les 250 automoteurs citernes et 106.000 tonnes pour les 230 citernes non-automotrices. La crise économique des années 1930 accélère cette modernisation. La part des automoteurs dans le trafic fluvial passe de 9.6 % en 1930 à 23 % en 1934. « La vision pittoresque mais archaïque du marinier suivant lentement, le fouet sur
17 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 17 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 17 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005
l'épaule, la marche de ses chevaux de halage, est reléguée de plus en plus sur les canaux secondaires. » 18
Donc les réformes de 1934 – 1935 établissent un cadre juridique sous la tutelle de l’État pour organiser l'affrètement sans remettre en cause les principes de l'économie libérale. Mais ces réformes échouent avec l'opposition des différents lobbies qui veulent la suppression des tours de rôle syndicaux comme ceux de Dunkerque et de Calais. A la fin de 1935, c'est donc l'échec des bureaux facultatifs. L'affrontement va monter d'un cran vers la violence entre d'un côté l'alliance du S.U.B. et du S.G.P.B., qui représentent surtout les tractionnés ou « pénichiens », et de l'autre les mariniers des compagnies et les automoteurs. 19
Des difficultés croissantes persistent à cause des oppositions issues de la coexistence sur le même réseau des flottes « industrielles » de compagnies et celle des bateaux appartenant à des artisans. Elles sont placées dans des conditions toutes différentes puisqu’il y a des navires effectuant des transports publics, pour tous les clients leur demandant de charger, et des navires réservés aux transports privés de leurs propriétaires. Cela entraîne la nécessité pour la batellerie de pratiquer des frets tels que le prix total de transport, charges terminales incluses, soit inférieur à celui du chemin de fer ou du camion. Dans le même temps, une trop grande partie du matériel flottant est vétuste. Pour remédier à ce malaise, à dater de 1934, et avec plus de précision en 1935, on réglementa l'affrètement en imposant des conventions-types et de lettres de voitures-types, en rendant obligatoire la publicité des frets par le visa des « conventions au voyage » dans des « bureaux d'affrètement » à créer par les Chambres de Commerce ou les groupements d'usagers, et en instituant des « bourses publique d'affrètement » où devraient se traiter les conventions intéressant les mariniers artisans. Ces palliatifs s'étant révélés inefficaces, les bureaux d'affrètement passèrent en 1936 sous l'autorité directe de l'Office National de la Navigation, dépendant luimême du Ministère des Travaux publics et on créa des « bureaux de tour » obligatoires pour tous les bateaux traités par conventions au voyage et non par convention « au tonnage » ou « à temps ». Ce système tendait à répartir les voyages à accomplir d'après l'ordre chronologique d'inscription des unités disponibles. Les artisans ayant objecté que les compagnies, qui ne concluent surtout des contrats au tonnage ou à temps, échappent à ces dispositions, il fut décidé, début 1939, que les titulaires de contrats au tonnage apporteraient aux bureaux de tour une fraction de ce tonnage, fixée périodiquement pour chaque secteur par arrêté ministériel afin de permettre aux artisans d’en bénéficier.