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L'Entr'aide Sociale Batelière - l'abbé Bellanger le fondateur - l'E.S.B. avant la guerre - le Je Sers en 1940 - l'action de l'association dans la nouvelle France - Les syndicats de l'E.S.B. - à la Libération
L'Entr'aide Sociale Batelière sous Vichy
Afin d'aider et de secourir les populations marinières, une importante organisation liée au Secours National va se développer en France durant la période 40-44. Les œuvres sociales ont une dimension politique. Elles sont associées au contrôle social et moral de la population française. L’organisme domicilié sur le Je Sers à Conflans-Sainte-Honorine est sa branche chargée de la population batelière. L’action de l'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre dépasse très largement le secours aux populations. Elle est intimement liée à son fondateur ainsi qu'aux années précédant 1940.
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L'abbé Bellanger, le fondateur
Il est né à Sablé dans la Sarthe en 1898. Les récits présentant l'abbé commencent son histoire à son action durant la Première Guerre Mondiale. Lieutenant séminariste, il commandait un corps franc, sorte de commando, du 19ème régiment d'infanterie sur le canal de l'Oise à l'Aisne. Ses hommes étaient principalement des mariniers sous l'uniforme. 143 C'est à la demande d'un de ses hommes, sergent du génie pontonnier et marinier du midi, l’exhortant à œuvrer sur le plan social, moral et religieux pour la population marinière qu'il fit la promesse de s'y atteler à l'occasion du décès sous les balles du dit sergent. Il est gravement blessé à la tête et songeait à cette promesse sur son lit de convalescence. En 1924, devenu abbé, il en fit le serment. De 1927 à 1933 il est en poste à Draveil. Enfin en août 1933 il est nommé à la fois aumônier de l'institut de la Tour à Conflans-Sainte-Honorine, une école privée pour jeunes filles et aumônier général de la batellerie. Après deux ans de consultations en France, surtout dans le Nord, et en Belgique des œuvres religieuses et sociales consacrées à la batellerie, il décide de créer l'Entr'aide Sociale Batelière (E.S.B.) en 1935. Il fait l'acquisition d'un ancien chaland construit en béton en 1919, le Langemarck, qu'il baptise Je Sers en 1936. Le bateau sera un outil multifonction en étant tout à la fois chapelle flottante, siège de l'E.S.B. et bureau de deux syndicats professionnels bateliers.
L'E.S.B. avant la guerre
A la création de l'association la situation de la batellerie en France est la suivante selon le compte rendu de l'Assemblée Générale de l'E.S.B. du 15 juillet 42 :144
- 28.516 personnes avec 8.909 sur automoteurs et 2.163 sur des bateaux transportant des hydrocarbures.
143 Annette Pinchedez - Les Bateaux-Chapelle, Ouvres religieuses et sociales - n°49 - 2003 144 Archives E.S.B. – archives MBVN
Au total il y avait environ 40.000 personnes : 15.000 hommes, 10.000 femmes et 15.000 enfants.
A cela s'ajoute 23.000 personnes travaillant à l'exploitation des voies navigables et les vieillards et enfants en pension. Nous arrivons à une population globale de 75.000 personnes environ. - Les bateaux immatriculés en France : 12.553 dont 10.407 péniches et 2.146 automoteurs. 5.300 péniches et 1.457 automoteurs sont la propriété de 6.757 artisans qui ne possèdent qu’un seul bateau. Il y estimation de 6.000 péniches et de 700 automoteurs en bois. En fer il y a 4.500 tractionnés et 1.400 automoteurs.
C’est donc une population plutôt nombreuse répartie sur un vaste territoire qui est le public cible de l’association. Le Conseil d'Administration, présidé par l'amiral Lacaze, met en place des actions diversifiées car il les juge complémentaires devant l’ampleur de la tâche. Tout d'abord une aumônerie avec une mission d'évangélisation. Il y a aussi un centre d'aide social avec des assistantes sociales. Enfin il dirige ou impulse un mouvement syndical alternatif. A l'appel de l'abbé Bellanger en 1935, un Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure, S.P.N.I., se constitue. En 1936, le S.P.B., Syndicat des Patrons Bateliers est créé. Il sera rebaptisé peu de temps après Syndicat National des Patrons Bateliers. Il est affilié au syndicat chrétien C.F.T.C. Il a 26 membres à sa création. Ils sont 106 le premier juin 1937. A la mi-42 il revendique 611 cotisants. Pourquoi créer de nouveaux syndicats ? Pour répondre à deux problématiques. Tout d'abord, le patronat marinier qui avait ses propres œuvres sociales, surtout concernant la santé, ne couvrait pas toutes les régions et surtout ne prenait pas en compte les artisans semble-t-il, qui représentaient quand même 55% des navigants. Deuxièmement, il y aussi la lutte idéologique vis à vis des syndicats bateliers affiliés à la C.G.T. communiste. Cela s’illustrera par le souvenir des centaines de manifestants communistes lors de la grève à Douai qui perturbent une messe pour les bateliers en 1936.145
Dès avant la guerre les syndicats domiciliés au Je Sers font déposer plusieurs projets de lois à la Chambre des députés. Par exemple une proposition de loi tendant à assimiler les bateliers aux artisans en 1938 ou la proposition de loi visant à accorder le système des allocations familiales aux petits patrons bateliers en 1937. Seule cette proposition sera adoptée en 1947 lors de la création de la Sécurité Sociale universelle en 1945. Donc dès avant la guerre et surtout la Révolution Nationale de l’État Français, l'E.S.B. a l'organisation, la logistique et une vision des choses qui seront décuplées avec le nouveau contexte historique.
145 Allocution Bellanger 31/01/1950 - 15ème anniversaire de l'ESB – archives MBVN
Le Je Sers en 1940
Lors de la Bataille de France de mai – juin 1940, le Je Sers est choisi par le ministère des Travaux publics comme centre de ralliement pour les bateliers et leur famille en provenance des Ardennes et du Nord qui pouvaient fuir l’avancée des combats. Quelques semaines plus tard, ordre lui fut donné par l'administration de quitter Conflans pour Montereau. Le 9 juin, remorqué par l'Essor de la S.R.B.R et suivit par les péniches José et Tyne, il remonte la Seine puis l'Yonne. Il doit cesser sa progression ne pouvant franchir à cause de ses dimensions l'écluse de PortRenard, près de Pont-sur-Yonne. Il transporte 150 réfugiés et 300 en comptant ceux des péniches qui l’accompagnent. En août 40, quand le mouvement de panique qui conduisit à l'Exode cessa, il revient à Conflans.
Voici comme la presse présente le Je Sers en 1941 : « Pas de petit village qui n'ait « son » église ni de humble hameau perdu dans la montagne n'ait « sa » chapelle. Pour les mariniers éternels errants dont les habitations flottantes vont au gré du hasard par les canaux des plaines, ce n'est guère que lorsqu'ils sont de passage à Conflans-Sainte-Honorine qu'ils ont, eux aussi, « leur » chapelle. C'est dans une péniche comme les autres, amarrée au long des quais de Conflans, que l'aumônier des mariniers a aménagé l'originale chapelle où, chaque dimanche, comme dans n'importe quelle église, les bateliers viennent communier ou entendre la messe, une messe dite spécialement pour eux dans une nef flottante comme leur propre demeure. L'aumônier, qui partage la vie de ses rudes « paroissiens » ; vit à bord de sa péniche. Chaque année, les enfants du village mouvant qui se forme et se défait le long de la Seine, au hasard des chargements, font leur première communion dans la rustique chapelle des mariniers. Parfois aussi, à la faveur d'une escale, des couples de bateliers viennent y faire bénir leur union.» 146
L'action de l'association dans la nouvelle France
L'action et l’œuvre de l'E.S.B. durant la guerre puisent leurs origines dans deux courants « philosophiques » qui émergeaient dès avant la guerre :- Rationaliser le marché afin d'optimiser la navigation intérieure. Cela conduit à rechercher une structure de commandement pyramidale technocratique de la profession dans son ensemble. Ainsi, dès 1941, un intéressant rapport d'une trentaine de pages est produit par l'E.S.B. ce qui allait conduire à publication de la Charte de la Batellerie.147 - Un combat politique pour lutter contre l'influence communiste dans
146
Le petit parisien – 03/12/41 147 Essai d'organisation de la batellerie - avril 1941 - 64 pages Projet présenté par l'Entraide Sociale Batelière, avec la collaboration du Syndicat des patrons-bateliers et du Syndicat du
les syndicats de la batellerie en mettant en avant les valeurs de la morale chrétienne du partage ou de l'entre aide mais aussi en affirmant l'attachement de l’Église à la propriété privée pour lutter contre le collectivisme communiste. 148
Image de propagande de Vichy. Sous la devise Travail, Famille, Patrie, le portrait du Maréchal Pétain en médaillon soutenu par une francisque. Au-dessus, il y a une scène de la France rurale et industrielle. Elle date de 1942. – Coll. Common wiki
personnels de la navigation intérieure. – archives E.S.B. - MBVN 148 Archives MBVN
Les catholiques attendaient beaucoup de l'Etat Français, qui avait promis le 10 juillet de fonder la constitution sur le respect du Travail, de la Famille et de la Patrie. Depuis 1936, la France est bercée de promesses et de législation sociale qui peinent à compenser le brutal arrêt de la promotion ouvrière dû à la grande crise économique. 149
La position de l’épiscopat durant la guerre concernant sa position par rapport au nouveau régime est précisée dans le petit ouvrage « La Conscience Catholique en face du devoir civique actuel (lettre à un français) » publié en 1941. Il explicite la position du Pape Léon XIII qui avait dit que « l’autorité qui réside dans ceux qui ont le pouvoir légitime est indépendante des individus qui sont revêtus de ce pouvoir. Le fait de porter des lois qui ne satisfont pas tous les subordonnés n'enlève rien à cette autorité. » Ce texte rappelle que depuis le 11 juillet 1940, le Maréchal Pétain a été légalement muni des pleins pouvoirs pour promouvoir une nouvelle Constitution. Il cite la déclaration du chef de l’État du 31 août 1941 : « La France n'a qu'un gouvernement, c'est celui que je dirige avec les collaborateurs de mon choix. … Le Gouvernement n'a qu'une politique, celle, dont, seul, conscient de mes engagements, soucieux de l'honneur et de l'intérêt français, je prends la responsabilité devant l'Histoire. » « Voilà qui qui est net ! Il n'y a pas d’échappatoire possible : si l'on veut être vraiment avec le Maréchal, il faut également reconnaître son gouvernement qui participe à la légitimité du pouvoir auquel nous devons notre soumission » commente Maurice Lesaunier, directeur au Séminaire des Carmes, l'auteur de ce fascicule.
Dans diverses archives et correspondances de l'E.S.B. on trouve des phrases comme celles-ci : faire œuvre de bons français dans l'union et la loyauté. » ou « De la sorte nous faciliterons des institutions nouvelles dans le nouvel ordre corporatif et notre action dans l'avenir sera plus féconde. » 150
Donc dans un contexte de table rase du passé, alors que la très grande majorité des parlementaires français, députés et sénateurs, votent la mort de la 3ème République, il est temps pour des opportunistes d'avancer à visage découvert et de promouvoir leurs propositions afin d’implanter, durablement espèrent-ils, la « Révolution Nationale » incarnée par le Maréchal Pétain de 84 ans. C'est ainsi que l'idéologie mise en avant par l'E.S.B. et plus particulièrement par l'Abbé Bellanger se trouve en parfaite adéquation avec le nouveau régime. Plusieurs documents et lettres inédits en attestent :
M. Cointet- l'Église sous Vichy, la repentance en question- Perrin 1998. Courrier archives MBVN
- Ménétrel, le secrétaire particulier et médecin du Maréchal, le 13 novembre 1943, stipule que le Maréchal à bien reçu la demande de l'Abbé sur l'ouverture prochaine des écoles batelières de Conflans. Il conclue qu'il transmet le cordial souvenir du Maréchal. L’abbé rencontre d’ailleurs deux fois le Maréchal.
- Une lettre du 20 janvier 1942 de la vice-présidence du Conseil indique que : « l'ensemble de ces projets (ceux de l'E.S.B. du Je Sers) procède exactement de l'esprit que veut faire passer le Maréchal dans l'organisation professionnelle nouvelle et l'Entr'aide sociale batelière ne peut qu'en être particulièrement félicitée. La profession de la batellerie semble réaliser les conditions nécessaires à sa rapide organisation corporative et votre admirable activité trouverait là, M. l'Abbé, la consécration de vos efforts persistants. Je me permets donc de vous faire parvenir quelques projets de chartes corporatives de différents métiers déjà établis sous la direction de MM. Jean Paillard et Rouaix de la vice-présidence du Conseil. Ces projets ont l'avantage de respecter toute la même terminologie et le même classement. Le colonel Cébe espère vous voir à Vichy d'ici peu et serait heureux de vous aider à réaliser votre organisation corporative. M. Paillard d'autre part désirerait vivement prendre contact avec vous. Veuillez agréer, Monsieur l'Abbé, l’expression de mes sentiments distingués. » Signé : R ; de Padirac, collaborateur à la vice-présidence du conseil Hôtel du Parc
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151 Courrier archives MBVN
Lettre venant de Vichy depuis le cabinet de la vice-présidence du conseil adressée à L’Abbé Bellanger. – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.
Verso de la lettre venant de Vichy depuis le cabinet de la vice-présidence du conseil adressée à L’Abbé Bellanger. – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.
Correspondance avec l’Abbé Bellanger de Vichy. Signé par le secrétaire particulier et médecin personnel du Maréchal - Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.
Il est clair que l'Abbé Bellanger est dans les petits papiers de Vichy et sans doute à la manœuvre comme l'indique un autre courrier qu'il a produit en note complémentaire au sujet du futur Comité d'Organisation de la Batellerie. … « l'Entr'aide Sociale Batelière, la seule organisation sociale sur le plan national, étendant des diverses services par ses vingt filiales tout au long des voies navigables a mis sur pied un projet d'organisation sociale qui a retenu spécialement l'attention du Ministère des Travaux Publics. Aussi lui a-t-on demandé officiellement de former une liste de personnes, consciencieuses et dévouées, susceptibles de composer ce Comité. Nous avons suivi ces directives et présenté la liste ci-jointe, nous tenant en dehors de toutes questions politiques et confessionnelles ne recherchant que les hommes les plus aptes à remplir dignement leur rôle. » Un courrier du Syndicat S.P.N.I. domicilié au Je Sers, daté du 25 août 1942 explicite longuement les raisons de son choix d'adhérer totalement à la Révolution Nationale et quelles sont les conditions nécessaires à cette politique. « Nous tenons d'abord à affirmer notre intention formelle d'appliquer la Charte du travail, considérée par nous comme un instrument juridique permettant de dépasser le libéralisme, sans tomber dans l'étatisme. Pour élargir le débat, nous estimons qu'un redressement énergique du pays est absolument nécessaire... Aussi, le choix des hommes va-t-il être particulièrement important, non seulement parce que les institutions valent ce que valent les responsables, mais parce qu'il s'agit d'opérer une transformation profonde qui heurte des habitudes, des intérêts et des positions acquises.... Nous apportons toutefois deux réserves essentielles : - Il est nécessaire de ne pas reconstituer les équipes qui prétendaient monopoliser la vie syndicale d'avant-guerre. Il faut des hommes nouveaux pour faire passer dans les faits des idées nouvelles. Si, pour se sauver le pays faisait appel aux hommes qui l'ont conduit à sa perte, il se préparerait une défaite sociale après la défaite militaire et donnerait au monde un des signes les plus tragiques de l'épuisement d'une nation … n'amène pas (les nominations) à la tête de la Corporation des employeurs démurés fidèles aux méthodes du libéralisme ou des anciens tenants de la lutte des classes. Sur ces points, notre pensée se réfère à celle du chef de l’État qui disait dans son message de janvier 1942 : « J'ai le devoir de considérer comme des ennemis de la révolution nationale ; les détracteurs systématiques de l’œuvre de rénovation, entreprise par le gouvernement, en particulier les professionnels de l'ancien syndicalisme, qui tentent de saboter la Charte du Travail, et certains patrons anti-sociaux qui se soustraient par égoïsme ou par espoir de revanche, à nos communes obligations de reconstruction sociale. »
Il nous paraît également capital que les Compagnies ne puissent s'assurer une influence prépondérante leur donnant, en fait, la maîtrise de la Corporation. Aussi, tenons-nous à l'indépendance des représentants artisanaux et des représentants des salariés. - D'autre part, il faut évidemment chercher à composer une commission aussi réduite que possible. » Cette Commission se compose de trois catégories à trois postes chacun.152
Le S.P.N.I. propose dans ce courrier ses hommes à ces postes. « patrons-bateliers : Monsieur Wattiau Alcide, secrétaire du Syndicat des patrons bateliers. Il est annoncé qu'il a 1400 bateliers inscrits Coopératives : Monsieur Pieplu Auguste, gérant de la S.R.B.R. Maître-bateliers : Monsieur Fraigne, maître-batelier. Le courrier continue en réglant des comptes avec d'autres syndicats de la batellerie. Le S.N.N.F., Syndicat National de la Navigation Fluviale, réserve faite sur la légalité de son existence, ce dernier a été créé par les dirigeants de l'ex-Syndicat Général de la Marine Fluviale, dissous pour activité communiste le 20 décembre 1939… Nous souhaitons que deux postes fussent accordés au syndicat du personnel de la navigation intérieure, d'abord parce que c'est la seule organisation qui a soutenu les principes qui animent la Charte … et ensuite, parce que c'est un syndicat en plein développement, aux effectifs plus élevés que ceux du groupement récemment créé et dont l'influence s'exerce sur les navigants par l'intermédiaire de plus de mille bateliers.
Le syndicat des Patrons-bateliers et le Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure tiennent d'ailleurs une liste de leurs membres actuels à la disposition des services du ministère des Communications. Nous proposons donc les noms suivants : Employés : Monsieur Morice, secrétaire du Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure, à bord du « Je Sers » à Conflans-Sainte-Honorine. Navigants : Monsieur Hertoghe René, adhérent du S.P.N.I. … telles sont, Monsieur le Directeur, les solutions qui nous paraissent répondre le mieux aux besoins de notre Corporation. Nous les avons étudiés avec le double souci d'éviter les compromissions qui aboutissent finalement à la division des Français, et de propager l'indispensable union de tous dans la Corporation organisée. » Un peu plus loin la liste des « indésirables » commence à la suite de ce long courrier :
« Qu'il nous soit permis de vous signaler ceux-ci pour mieux les évincer : - Mr SENECAUX, franc-maçon, Directeur de la plus grande entreprise de
Navigation, a tout fait pour anéantir l’artisanat. - Mr PIEPLU, arriviste de 1er ordre, de triste moralité, véritable girouette qui a
152 Archives MBVN
monnayé pendant deux ans un Syndicat communiste et par l'argent et les combinaisons tâche d'obtenir le plus possible de prébendes. - Mr LETERRE, artisan, véritable « minus habens », incapable à tous les points de vue. - Mr LALOUETTE, ex-artisan, condamné pour vol, qui a fondé les cellules communistes de la batellerie.
Télesphore Lalouette avant la guerre. – In site « deporte-politiques-auschwitz.fr »
- Mr LOUIS LOUIS, franc-maçon, condamné deux fois. - Mr DELVAL, franc-maçon, ex-conseiller général du parti communiste et excheminot, qui depuis 1936 prétend défendre les intérêts bateliers. - Mr HIRAUX, chef de service à la compagnie Générale de Navigation, sectaire redoutable dans le domaine social. »
La délation était devenu un « sport national » durant la guerre. Mais les conséquences pour les personnes dénoncées pouvaient être mortelles.
Nous avons retrouvé plusieurs de ces personnes dans les archives : - Téleshore Lalouette, marinier du Pas-de-Calais, né en 1901 adhère en 1921 à
Dunkerque au S.U.B., Syndicat Unique de la Batellerie, au côté de Roger Blankaert153. Il mène en 1933 l'action en faveur des bureaux de tour et pour la réglementation des heures de travail. Au cours des années 1930, il adhère au parti communiste, devenant chef de la cellule des bateliers selon la police. En 1936, il est exclu du S.U.B. par Blankaert et fonde à Douai une section des bateliers artisans, S.B.A., affiliée à la C.G.T. En 1939, son syndicat avec près de 1000 adhérents dépasse les effectifs du S.U.B.. En octobre 1941 il fait partie d'une liste établie par le commissaire de police spéciale de Beauvais qui comprend les communistes de son arrondissement remise à la Kreiskommandantur. Le 20 octobre 41 il est arrêté par le Felgendarmerie et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne. 154 En mai 42, il est sur le point d'être libéré de l'internement car considéré alors comme personne « non susceptible d'être dangereuse » au moment où l'on désigne des otages. Mais entre avril et juin 42, il est sélectionné avec plus d'un millier d'otages désignés comme communistes et une cinquantaine de personnes désignées comme étant juives dont la déportation a été décidée en représailles des actions de la Résistance contre l'armée allemande.
Le 8 juillet 42, après deux jours et demi d'un voyage éprouvant dans un wagon à marchandises, il arrive au camp d'Auschwitz. Il y meurt le 15 août 1942. - Sénécaux : Une lettre de l'Amiral Lacase, le président de l'E.S.B. indique que le comité d’organisation professionnelle de la batellerie présidé par M. Sénécaux
« est composé en majorité de Directeurs de Compagnies de navigation fluviale qui jusqu'à présent, ont toujours repoussé les propositions de l'E.S.B. ». Le litige porte surtout au sujet de la caisse d'allocation familiale. Son entreprise deviendra
Touax.
Les syndicats hébergés par l’E.S.B. dénoncent aussi des personnes qui vont pourtant dans le même sens de l'Histoire, du moins celle qu'il désire. - Charles Marcel Delval, né en 1894 à Tergnier, secrétaire général de la Fédération syndicale de la batellerie de 1936 à 1939. Auparavant il a été mécanicien aux cheminots et militant communiste dès 1924.
Il est en désaccord avec le Pacte Germano-soviétique d'août 39, comme T.
Lalouette, et il démissionne publiquement du Parti communiste en novembre 1939.
Il adhère au P.P.F., Parti Populaire Français de Jacques Doriot, un parti particulièrement collaborationniste, et devient membre du comité central du
POPF, Parti Ouvrier et Paysan Français, de Marcel Gitton et Marcel Capron. A la
Libération, la C.G.T. l'exclu à vie de ses membres et il est condamné en avril 48 à 5 ans de dégradation nationale. Il meurt à Charenton-le-Pont en 1966.
153 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005
154 https://politique-auschwitz.blogspot.com/2010/10/lalouette-telesphore-gerard.html
- Louis Louis : 1883 à Hasnon (59) et 1963 à Dunkerque
Président du syndicat de la batellerie du Nord, membre de la commission administrative de C.G.T., membre de la S.F.I.O. » jusqu'en 1932 puis du Parti
Socialiste de France en 1933. Il a eu une activité très importante durant la première guerre mondiale concernant la mise en place des bureaux de tour sur la
Seine.155
En 1940, il est membre du comité consultatif de la navigation intérieure au ministère des Travaux Publics en tant que Président du Conseil d’administration de « la Petite Batellerie », une coopérative ayant eu des déboires financiers dans les années 30. Le 12 novembre 1940, donc après l'installation de Vichy, il est nommé au comité d'organisation des transports par eaux comme représentant des groupements artisanaux.
Il cherche à ce que les syndicats de la navigation fluviale se détachent de la Fédération des Ports et Docks, au sein de la C.G.T. qui est aussi une fédération syndicale, pour qu'ils se constituent en fédération particulière. Il est partisan d'une active politique de présence dans les organisations de la Charte, il intrigue en vue d'en décrocher une responsabilité officielle. Il ne cessa de multiplier ses offres de service, ce qui, loin de lui assurer un regain de représentativité, acheva de la discréditer. Les échecs essuyés entretinrent une amertume propice, le contexte aidant, aux pires déviations. En juillet 41, il appela les adhérents du syndicat général de la batellerie à « pourchasser » et à « signaler » les communistes. En février 1941 dans le journal « l'Atelier », il se prononce en faveur d'une « véritable Charte du travail » en se plaçant sous le double patronage de Jaurès et du « grand soldat de Verdun ». En mai 42 il assure haut et fort le gouvernement Laval de la « collaboration loyale de la batellerie » tout en protestant de son maintien en dehors des organismes de la charte. En février 43, après avoir sollicité les autorités allemandes, il participe aux travaux de la commission corporative de la navigation intérieure. Mais il est exclu de nouveau et il s'en plaint à Laval en disant que cela provoque « un malaise dans les milieux syndicaux » et favorise la « propagande bolchevique ». Dans l'ouvrage « le syndicalisme dans les transports sous Vichy » 156 , on peut lire le commentaire suivant sur ses gesticulations : « Le petit syndicat général de la batellerie artisanale qu’anime Louis Louis, un exconfédéré dont la frénésie épistolaire ne parvient pas à occulter la faiblesse rédhibitoire de sa vingtaine d'adhérents... ». A la Libération, la Commission de reconstruction nationale des organisations professionnelles des travailleurs l'exclue à vie du mouvement syndical.157
https://maitron.fr G. Stoquert – dans Le syndicalisme dans la France occupée - P.U.R -2015 https://maitron.fr
L'Entr'aide Sociale Batelière par ses actions tous azimuts sur tout le territoire 158 se veut non seulement sociale mais aussi politique. Tous les moyens sont bons pour écarter, voire éliminer, des adversaires ou surtout des concurrents qui vont dans le même sens idéologique.
158 La liste des centres ESB : sans compter Conflans-Sainte-Honorine qui est le siège. Région Nord : Dunkerque, Bethune, Lille, Douai, Bassin Rond, Vandhuile Région Est : Reims, Charleville, Nancy, Saint Dizier et Vitry-le-François Région Parisienne : Rouen, Janville, Meaux et Saint Mammès Région Centre : Montargis, Bourges, Montceau-les-Mines, Roanne et Lyon Région du Midi : Bordeaux, Toulous et Séte)
Lettre de « recommandations » ou de dénonciation des « personnes indésirables ». – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.
Document recto-verso de l’E.S.B. expliquant sa démarche d’aide et ses raisons politiques. Il faut remarquer l’appel contre le communisme et le « matérialisme envahissant ». – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.
Les activités d'aides et de secours à destination des populations marinières souffrantes sont indéniables. Les chiffres de l'action sociale sont donnés par Bellanger lui-même dans le rapport moral du 26 janvier 1948 : « de 39 à 44 a procuré des vêtements à 2.400 familles sinistrées. Organisé des soupes populaires qui ont distribué 760.000 rations, envoyé des colis chaque mois d'abord à 250 mobilisés, ensuite à une centaine de prisonniers et déportés, secouru de nombreuses familles qui avaient perdu l'un des leurs par suite de mitraillage et de bombardement. » Ou encore dans le rapport du 1er trimestre 1943 sur le centre de Béthune : soupes populaires janvier 13.250 rations, février 11.520 rations et 12.960 en mars. Il y a les démarches pour obtenir en faveur des familles pauvres le renouvellement de leur literie et en faveur des femmes enceintes des layettes. Mise au point des dossiers de reconstitution du foyer familial. Envoi de colis à des bateliers prisonniers. Visite à la permanence en janvier, février et mars soit environ 240 par mois, 562 bateaux ont été visités depuis le 1er de l'an.159 Les secours se concentrent sur l'aide alimentaire, vestimentaire ou administrative. L'E.S.B. est la représentante du Secours National160 auprès de la population marinière.
Bon de solidarité émis par le Secours National au profit des populations civiles éprouvées par la guerre et des prisonniers de guerre en Allemagne. - Coll. A.A.M.B.
Archives E.S.B. - MBVN https://fr.wikipedia.org/wiki/Secours_national
Il y a également toutes les activités religieuses et « politiques ». Les secteurs d'activités sont nombreux : centre de jeunesse, centres de l'entr'aide sociale batelière, organisation corporative, développement des syndicats, caisse de compensation, dossiers de sinistres, chômage dû au gel, familles d’accueil, jeunesse batelière chrétienne et école… Mais il y a le revers de la médaille qui est bien peu reluisant. Une biographie que l'on peut caractérisé d'hagiographique publiée en 2016161 présente l'Abbé Bellanger ainsi : « Courageux, modeste, oublieux de lui-même et entièrement dévoué aux autres, remarquablement efficace dans les actions qu'il entreprenait, à l'aise et humain dans ses relations avec ses interlocuteurs quelle que soit leur origine sociale, doué d'une autorité naturelle capable d'entraîner les tièdes et de venir à bout de tous les scepticismes et de toutes les oppositions : on voit mal ce que même un avocat du diable pourrait trouver à lui reprocher ! Un avocat du diable, en aurait-il un jour ? Ce serait un honneur pour lui, puisque cela signifierait que son procès de canonisation est engagé ! » Les trois pages consacrées à « l'activité pendant la guerre (1940 1945) » se partagent en deux parties de même longueur. Une page et demie sur l'exode du Je Sers en mai – juin 1940 et son retour à Conflans. Une page et demie sur le centre de secours aux victimes de « l'invasion » à Conflans. Une demi-ligne sur l'action syndicale « des centaines d'adhérents au syndicat créé sur le Je Sers ». C'est tout. Mais rien sur la constitution et l'organisation de la Charte de la Navigation où l'E.S.B. a été très présent, rien sur sa vingtaine de centres en France ou les écoles... Pour résumer l'activisme tentaculaire de l'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre on peut pasticher une chanson à la mode à cette époque : « Bellanger nous voilà ! »
161 Joseph Bellanger, un prêtre au service des bateliers - Patrice Dupuy avec la collaboration d'Arnold Gautier, Raymond Carpentier, Père Yves Geneau, Josette Herry, Catherine Laignel et Annette Pinchedez - Conflans-Sainte-Honorine - juin 2016
Le livre publié sur l’Abbé Bellanger. – Coll. Stephane Fournier
Carte des centres de l’E.S.B. au lendemain de la guerre. Cahier de l’A.AM.B. Les bateaux chapelles par Annette Pinchedez. – Coll. Stephane Fournier
Les syndicats de l'E.S.B.
Les 2 syndicats de l'E.S.B. en 1942, Syndicat d'artisans, S.P.B., a 860 adhérents et le syndicat des salariés, S.P.N.I, en a 611. Ils sont représentatifs dans la profession. Un long article de presse explique leurs activités en faisant un reportage sur une réunion du conseil du syndicat des patrons bateliers : « Le syndicat des PatronsBateliers, dont le siège est à bord du chaland Je Sers près du pont de Conflans-SteHonorine (Seine-et-Oise), nous communique : Le Conseil d'Administration du Syndicat des Patrons-Bateliers, réuni le 23 novembre, sous la présidence de M. Dupont, après avoir entendu les explications de son secrétaire, accepte à l'unanimité, l'ordre du jour sur les trois points suivants spécialement étudiés : - Modification dans l'affrètement. Reconnaissant que le système d'affrètement tel qu'il est actuellement pratiqué comporte de multiples inconvénients, qu'il
amène une usure rapide et prématurée du parc fluvial du fait de sa mauvaise utilisation :
Considérant cependant que le « tour de rôle » représente un gage de répartition équitable du travail et que ce gage ne saurait être abandonné sans l'obtention d'une garantie au moins équivalente : Accepte d'étudier les directives gouvernementales concernant les Coopératives permettant l'exécution des transports offerts en fonction de leur intérêt collectif, la répartition des tâches et des profits d'une manière rigoureusement équitable. Précise qu'éventuellement ces coopératives devront s'insérer dans le cadre de la profession véritablement organisée ou l'Artisan aura la place qui lui revient, à la fois au Comité d'organisation et au sein des Comités sociaux. Proteste contre toutes constituions prématurées de Coopératives constitutions de nature à porter préjudice à l'ensemble de l'Artisan comme au principe coopératif luimême par l'incidence fâcheuse que ces Coopératives auraient pour les artisans non groupés. Pour nos sinistrés et nos prisonniers. - Caisse de secours aux sinistrés
Ratifie l'action de son secrétaire quant au projet d'aide aux sinistrés et approuve entièrement le principe de solidarité devant servir de base à la création de la caisse de secours envisagée : S'étonne de l'accueil défavorable manifesté par les
Représentants de l'Artisan au sein du Comité d'organisation ;
Charge son secrétaire de faire, seul ou concurremment, avec tous autres organismes, toutes démarches utiles à l'obtention d'une aide rapide et efficace pour les bateliers sinistrés. - Taux de frets. Estime que les frets actuels sont encore nettement insuffisants pour faire face à l'accroissement des charges de la profession et pense qu'une majoration de 20% constituerait un strict minimum ; Charge son secrétaire d’établir une étude sur la question, de la soumettre aux dirigeants de la profession et d'en rendre compte à la prochaine réunion. » 162
A la Libération
Le rapport d'activités des années 43 – 44 daté du 5 avril 1945 indique qu'il y a une très importante chute des subventions de l’État ce qui empêche le maintien des services destinés à l’éducation. Il y a aussi la démission du président Lacaze, et du secrétaire Chaudru, qui veulent ainsi montrer leur opposition face aux restrictions budgétaires imposées. En 1947 il y a la constitution d'un « comité de dames » qui est qualifié de second grand événement dans l’histoire de l'E.S.B. Son objectif fut double :
162 Le réveil du Nord – 03/12/41
- « - Faire connaître l'Entr'aide Social Batelière qui avait été si calomniée. - Permettre à notre œuvre de liquider le passif et, en unité de vues avec notre
Conseil d'Administration, organiser l'avenir. » 163 En février 48, dans un rapport l'abbé indique « … nos dettes n'étaient plus qu'un mauvais souvenir, comme du reste les calomnies diverses sur ma personne. L'avenir nous apparaissait tout auréolé d'espérances ». 164
Le syndicat S.P.B. disparaît en 1947 165et le rôle de l'E.S.B. dans la constitution de la Charte de la batellerie est complètement occulté. En 1948 l'abbé Bellanger cède sa place à l'abbé Blaizot pour l'aumônerie. Il dirige jusqu'en octobre 1950 la revue La vie batelière 166ou J. Blaizot devient le directeuraumônier.167
L'abbé Bellanger, en 1951, à sa demande est déchargé de son ministère. Il est hospitalisé une seconde fois et de nouveau trépané. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1962. Il meurt en 1976 à Nice. L'Entr'aide Sociale Batelière existe encore de nos jours. Avec la diminution de la population marinière, l'E.S.B. ferma ses centres décentralisés et se concentre sur deux axes : évangélisation comme mission batelière et aide sociale.
Bilan
Ces révélations sur ces pages sombres de notre histoire n'ont pas pour objectif de juger les uns ou les autres mais elles visent à remettre en perspective les événements et les hommes. La mode est au déboulonnage des statues ou au changement de nom des rues à l'aune de nos jugements contemporains. Les choses ne sont ni noires ni blanches mais plutôt dans une infinité de nuances de gris. Qu'aurions nous fait dans ces circonstances ? Pensons à la célèbre photo de couverture du livre de Pierre Péan « une jeunesse française » où on peut voir un ancien Président de la République, socialiste, en face de Philippe Pétain et qui fut décoré de l'ordre de la francisque. Cependant il faut éviter d'avoir une Histoire sélective et regarder l'Histoire en face. L'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre a pris une position hégémonique dans la corporation batelière. Elle a placé ses hommes aux postes importants qui découlent de la mise en application de la Charte de la Navigation qu'elle a grandement inspiré idéologiquement en étant délibérément maréchaliste. L'Eglise de France, libérée des soucis matériels par les bienfaits de l'Etat à l'égard
Archives ESB - MBVN Archives E.S.B. - MBVN Les artisans bateliers au cœur du transport fluvial – Bernard Le Sueur – éditions Geai Bleu - 2010 https://bateliers.catholique.fr/LVB1a30.htm En ligne les 30 premiers numéros depuis le N°1 de Noël 1949
de l'école et des mouvements de jeunesse, peut se consacrer à son œuvre sociale. La vocation sociale des catholiques français va enfin pouvoir s'épanouir. Ils avancent hardiment sur cette voie mais découvrent que l'action sociale ne s'isole pas et qu'elle a des implications politiques. Est-il possible d'assurer le déploiement des activités sociales en préservant l'autonomie et la pureté des chrétiens ? Éblouis par des perspectives nouvelles, ils ont fait fi de toute prudence. La guerre, qui les privait de contacts réguliers et traditionnels avec la Curie, a permis des élans incontrôlés et une totale hardiesse. Les évêques furent pétainistes, par inclinaison, par intérêt, par reconnaissance, et sans doute par indifférence profonde à la politique.
Derrière un solide conformisme pétainiste l'Église de France à garder sa liberté profonde, à pousser les plus purs des siens à porter de hauts témoignages spirituels et à poursuivi, en choisissant le camp qui lui offrait le plus d'opportunités d'action et de développement, la seule mission qui lui importe : l'apostolat du monde qui n'a pas encore reconnu la parole de Dieu. 168
168 M. Cointet- l'Église sous Vichy, la repentance en question- Perrin 1998.
Pétain et le cardinal Gerlier, primat des Gaules. – Coll. Common wiki