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Le retour des prisonniers

Après la défaite de juin 1940, il y a près de 1.845.000 prisonniers français. 95% des prisonniers sont emmenés en Allemagne. Ils seront un moyen de pression efficace sur la politique française durant toute la période. Le nombre des prisonniers de guerre français détenus dans des camps allemands diminua au fur et à mesure pour atteindre 940.000 fin 1944. 90.747 sont remis en liberté dans le cadre de la « Relève » et 324.000 autres remis en liberté pour des raisons diverses. Les deux tiers environ des prisonniers de guerre français furent retenus cinq années entières en captivité en Allemagne. Les mariniers affectés dans les régiments du génie principalement se retrouvent eux aussi en captivité. Ceux en affectation spéciale ne sont pas concernés. Tous ne reviendront pas avant la fin du conflit. La dernière Postkarte qu'ils reçoivent d’Allemagne est datée du début octobre. André est libéré par les Américains près de Leipzig dans un camp de transition le 21 avril 1945. Il ne partira pour la France le 14 mai. Thionville le 19 mai et le centre d’accueil des déportés, prisonniers de guerre et du ST de Longuyon en Meurthe-etMoselle.La gare de Matabiau de Toulouse accueille tous les jours des trains de prisonniers de guerre depuis le mois d'avril. Il arrive le 25 mai retour dans la famille avec l'enfant qui ne le reconnaît pas « Ce n'est pas mon papa, ce n'est pas mon papa !172

Nous apercevons un cousin de maman, un bonjour vite fait en travers du canal. Nous avons été quatre ans sans le revoir, il a été fait prisonnier et déporté dans un camp de concentration.173

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Son beau-père, prisonnier à la ligne Maginot, a eu son bateau réquisitionné et le nez coupé. 174

André quitte la France le 28 juin 40 pour arriver en wagon à bestiaux le 02 juillet au camp d'Alexisdorf dans le Hanovre en Allemagne. Le 23 il est embauché comme à la foire au bétail pour une ferme de Lutzschera. Dès novembre la famille reçoit une carte de la Croix-Rouge annonçant qu'André est prisonnier en Allemagne. Ce sont deux colis qui seront envoyés pour améliorer les conditions de captivités.175

A 24 ans, je reviens à la batellerie de mon enfance. Pour les bateaux, le parc est

172 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 173 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 174 Simon Desselle, 85 ans - 2020 175 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 175 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 175 Archives E.S.B. - MBVN

175 Roland Langlin

réduit à cause des dégâts de la guerre. Les prisonniers revenus sont repris leur place dans la mesure du possible et la reconstruction fluviale n'a pas encore démarré.176

Une des finalités de l'E.S.B. est de soutenir les prisonniers de la batellerie en Allemagne : envoyé des colis chaque mois d'abord à 250 mobilisés, ensuite à une centaine de prisonniers et déportés...177 Comme un des témoins le disait, les Allemands aimaient bien tout ce qui touche à la batellerie178. En fait ils en ont besoin. Aussi, une libération massive de mariniers sera faite en 1941. Ces hommes seront de retour pour effectuer leur travail et d'une certaine mesure participer aux transports requis pour les Allemands. Cette liberté est toute relative puisqu'ils devront pointer à la Kommandantur chaque semaine. Alors que la presse n'est absolument pas libre sous Vichy 179deux articles de deux journaux qui soutiennent le même régime politique laissent entrevoir l'opposition qu'il peut y avoir entre les syndicats du monde batelier. Ils sont concurrents. L'un défend les compagnies et le second les salariés... Plusieurs articles de presse dans plusieurs journaux annoncent : 1.750 mariniers prisonniers sont libérés Depuis samedi, les premiers mariniers prisonniers débarquent. Le 3 décembre prochain, 1.750 mariniers venant de tous les stalags auront retrouvé leur famille et aussi leurs vieilles péniches : Yvonne, Jeanne-Marie, Le Ponctuel, Sanara III, etc... M. Louis Louis, président du Syndicat général de la Batellerie et M. Delval, président du Syndicat national des ouvriers des compagnies de navigation, tiennent à rendre hommage à M. l'ambassadeur Scapini pour son utile intervention, et aux autorités occupantes pour leur compréhension. On n'improvise pas un batelier, nous disent-ils, ni un charpentier de bateaux, ni un tracteuriste, et de nombreuses péniches, faute de mariniers étaient amarrées depuis la guerre dans les ports. Le retour de 1.750 mariniers va permettre incessamment la remise en marche d'un millier de péniches. Quand on sait que chaque péniche peut transporter environ 280 tonnes de charbons, par exemple, de notre bassin houiller du Nord à Paris, on se rend compte de l'importance que représente le trafic fluvial pour le ravitaillement de la capitale et de la région parisienne. L'Office national de la navigation, qui dépend du secrétariat d'Etat aux Communications, ne semble pas l'avoir encore compris, car toutes les démarches

179 A la déclaration de la guerre la presse subissait le contrôle militaire. « Anastasie », le nom de la censure depuis 1870, laissait des colonnes blanches dans les pages des journaux. Le lecteur savait ainsi que le journal avait été censuré. Sous Vichy il n'y a pas de blancs dans les colonnes. Mais ne soyons pas dupe.

effectuées auprès de cet office par les Syndicat général de la Batellerie pour le retour des mariniers prisonnier, ne fut jamais prises en considération. Nous avons rencontré quelques-uns des heureux libérés. Inutile de dire qu'ils sont joyeux et qu’ils ont hâte de remettre le pied sur leur maison flottante. Grâce à eux, nous aurons sans doute bientôt un meilleur ravitaillement ; cela n'est pas pour nous déplaire. Vivent donc les mariniers !180 Des bateliers prisonniers vont être libérés. Le syndicat général de la batellerie porte à la connaissance des familles batelières que les demandes de libération provisoire remises à l'ambassadeur Scapini ont toutes reçu l'agrément des autorités du Reich. En conséquence les intéressés reprendront bientôt leur travail. Par ailleurs les familles batelières ayant des prisonniers de guerre, dont les noms ne figuraient pas sur les listes du syndicat, sont invitées à écrire d'urgence à M. Louis Louis, président du S.G.B. 19, rue Beaurepaire, Paris 10ème181 Louis Louis parle des dégâts et des prisonniers Dans l'ensemble, le réseau fluvial français a plus souffert de la guerre que les réseaux routiers et ferroviaires. Nous savons que les autorités allemandes, en collaboration avec M. Schwartz, secrétaire général aux travaux publics et transports, et M. Brousse, directeur de l'Office national de la navigation, se préoccupe activement de la reprise de l'activité fluviale. A cet effet, nous signalons aux pouvoirs publics la nécessité et l'urgence du retour des bateliers à leur bord afin de leur permettre d'effectuer les indispensables travaux d'entretien à leurs bateaux, de façon à être prêts pour « la remise en route » et le renflouement des bateaux coulés.182

Rubrique : La vie corporative Dans la batellerie La reprise du travail des prisonniers libérés183 L'Entr'Aide Sociale Batelière dont le siège est à bord du « Je Sers » près du pont Saint-Germain à Conflans-SainteHonorine (Seine-et-Oise) nous communique : « La batellerie a la joie d'accueillir un grand nombre des siens qui viennent d'être libérés. Il est à souhaiter que tous puissent reprendre rapidement leur travail. Chacun tiendra d'ailleurs à remplir ses obligations envers eux. Toutefois, comme il pourrait y avoir des hésitations de la part de nos amis peu au courant de la législation récente, le syndicat du personnel de la Navigation Intérieure rappelle aux intéressés les droits que leur conféré la Loi du 30 juin 1941. Cette loi prend deux espèces de dispositions : 1er Les salariés ont droit à la reprise de l'emploi qu'ils occupaient avant d'être appelés sous les drapeaux, c'est à dire qu'ils doivent obtenir non pas n'importe quel poste mais celui qu'ils occupaient avant leur mobilisation. En conséquence s'ils étaient contremaîtres ou capitaines, ils doivent être repris comme tels et non comme

L'Œuvre (27/11/41) Le matin – 01/06/41 Le matin – 23/07/40 Le Réveil du Nord (12/11/41)

matelots. Le salaire sera celui de septembre 1939 majoré des avantages accordés par la Loi du 23 mai 1941. Cependant quatre conditions sont exigées par la Loi : - Il faut que le salarié ait eu un contrat de travail au moment de sa mobilisation ; Qu'il ait été appelé sous les drapeaux (C'est évidemment le cas de nos prisonniers) ; Que la reprise de l'emploi soit possible ; - Que l'intéressé fasse dans les trois mois de sa libération une demande de réintégration. Nous conseillons l'envoi d'une lettre recommandée bien que ce ne soit pas obligatoire. 2ème Les employeurs occupant plus de dix salariés de l'un ou l'autre sexe, âgés de plus de 18 ans, sont tenus d'employer au prorata de leur personnel total, une certaine proportion de démobilisés. Le cas échéant, ils seront autorisés à procéder à des licenciements pour libérer les places nécessaires. Nous conseillons donc à nos chers prisonniers de la batellerie d'envoyer immédiatement une lettre à leur employeur et de se mettre en rapport avec le service compétent du Syndicat de Personnel de la Navigation Intérieure du « Je Sers » à Conflans-Sainte-Honorine (S-et-O) qui se fera un plaisir de leur donner tous les renseignements indispensables. » La presse relate aussi des problèmes plus basiques. Mais les destructions des bateaux causent un très grave problème. Celui du remplacement de la literie, de la batterie de cuisine et même du linge de corps détruits en même temps que le bateau. Or, dans les conditions actuelles du marché, il est impossible, même avec de l'argent, de se procurer ces objets indispensables. Comment veut-on qu'un marinier s'installe avec sa femme et ses enfants, en plein hiver, dans un bateau, s'il trouve celui-ci dépourvu de tous les objets indispensables à l’habitation.184 Cette grande publicité dans la presse vichyste occulte totalement les rouages de ces libérations. Les archives de V.N.F. contiennent des centaines de demandes de relaxe. En effet, pour être libéré, un personnel des voies navigables doit bénéficier de trois éléments : une lettre de justification de l’employer, un certificat d’hébergement à la libération lors du retour en France et enfin une demande sur papier officiel. Mais dans l’ensemble, à la vue des besoins de transports notamment avec la batellerie, les libérations se passent plutôt facilement.185

184 185 Journal de la Navigation - 01/02/42 Archives V.N.F.

Demande de libération d’employé prisonnier de guerre. – Coll. V.N.F.

Certificat d’hébergement pour la libération d’un prisonnier. – Coll. V.N.F.

Certificat d’hébergement pour la libération d’un prisonnier dans les deux langues. – Coll. V.N.F.

Demande de mise en « congé de prisonnier de guerre ». – Coll. V.N.F.

Questionnaire récapitulatif de la situation d’un prisonnier en Allemagne. – Coll. V.N.F.

Liste des prisonniers en Allemagne de la Société des Ateliers et Chantiers de Choisy-Le-Roi. –Coll. V.N.F.

Lettre de recommandation pour obtenir la libération de salariés d’Allemagne. – Coll. V.N.F.

Questionnaire à joindre au dossier de libération. – Coll. V.N.F.

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