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La reconstruction après la Bataille de France
La presse quotidienne dans toute une série d’articles parle du « relèvement de la France ». 271
Pour les infrastructures :
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Sur un réseau total de 9.700 kilomètres, 5.200 kilomètres de voies navigables étaient obstrués par les débris des ouvrages d'art. 351 ouvrages, dont 1.052 pont-routes ; 181 pont-rails ; 114 ouvrages de navigations, barrage, passerelles et halages et 4 ponts-canaux étaient inutilisables ou détériorés. Les plus grands dommages étaient situés dans le Nord où 377 ponts sur 410 avaient sauté ; dans l'Est et la région parisienne où sur la Seine, entre Rouen et Montereau, on avait compté 57 ponts détruits. Quant au matériel fluvial, le parc de la batellerie, qui comptait en 1939, un total d'environ 13.000 bateaux, en a perdu au cours des hostilités environ 1.200 qui étaient irréparables et 1.500 qui étaient endommagés gravement.272 Dès le lendemain de l'armistice, l'activité du Service des Voies Navigables s'est consacrée à la réparation des dommages causés et à la remise en état de navigabilité du réseau. A la fin 1940 il ne restait plus que 920 km de voies navigables à remettre en exploitation et 187 ouvrages à déblayer et à réédifier. A la fin 1941, il ne restait plus que 40 km de voies à remettre en exploitation et 8 ouvrages à rebâtir. Il ne reste plus que 17 km de voies navigables à remettre à la disposition de la Batellerie, soit 5 km sur le canal de la Deûle, sur lequel la navigation sera rétablie lorsque l'écluse de Seulement sera reconstruite et 12 km sur le canal de la BasseColme où la navigation reste interrompue par les travaux de remise en état du pont de Hoymille et du Pont aux Moutons. Dans l’ensemble, la remise en circulation est rapidement menée.
Pour le matériel fluvial :
Les 1.200 bateaux irréparables ont été démolis. Sur les 1.500 bateaux endommagés, la moitié en bois et les autres sont des automoteurs et des tractionnés en fer, le tiers était réparé à la fin de l'année 1940 et les deux tiers à la fin de l'année 1941. 1.400 bateaux environ sont remis en état ou en cours de réparation. Les réparations indispensables sont commandées par l’O.N.N.. Le sous-comité de
271 272 Action française – 15/12/42 Rapport statistiques O.N.N. de 1945 – Les chiffres de la période de la guerre sont regroupés dans ce volume.
la navigation fluviale à pris en charge l'approvisionnement de ses adhérents en argent, matériaux et établi un tarif de réparation applicable à tous les chantiers selon leur emplacement, sans augmentation notable. La hausse n'étant que de 20% sur les tarifs de septembre 1939. Le 1 er mars 1943, 969 bateaux réparés et remis en service soit 422 péniches en bois et 547 en fer tractionnés et automoteurs.
Toutes dispositions sont prises en priorité pour les bateaux en fer, soit 250 environ pour septembre 42. Pour les 180 en bois c'est plus long faute d'ouvrier qualifiés et de matières premières et de plus en plus aigu pour le financement pour la partie non couverte ou insuffisamment par l'assurance risque de guerre. Le décret du 28/02/40 met 200 millions à la disposition de l'Office pour financer les réparations. Le taux des prêts est à 5% avec une loi sur les banques afin qu’elles ne dépassent pas ce chiffre. Une autre loi du 21/03/41 porte sur la réorganisation du crédit artisanal.
Le trafic :
Le trafic qui était 1939 de 12.559.380 tonnes de marchandises par trimestre, était à peu près réduit à zéro en juillet 1940. Il a pu remonter 4.850.456 tonnes au cours de deuxième trimestre 1941 et à 5.833.296 tonnes au cours du deuxième trimestre 1942 malgré la diminution subie par le parc de la Batellerie et la pénurie actuelle de charbon et de carburant d'où il résulte que les moyens de traction et de remorquage sont considérablement réduits. Si les infrastructures permettent la navigation, avec toutefois très souvent une diminution de l’enfoncement des bateaux, la diminution du tonnage transporté est considérable. Les statistiques de l’O.N.N. de passages aux écluses de Iwuy et de Pontoise montrent toutefois que la rotation sur la ligne du charbon depuis le Nord de la France vers Paris prenait 51 jours à partir de l'automne 1940 contre 60 jours dans les dernières années de la paix : séjour dans le bassin minier 15 jours, séjour moyen dans le bassin parisien 13 jours, parcours Iwuy-Pontoise 11 jours et dans l'autre sens 12 jours. Cela ne fait que 5 rotations annuelles.273
En même temps, la voie d’eau est vue comme une solution d'avenir avec des travaux d'entretien, d'amélioration et d'équipement. Indépendamment des travaux de reconstruction, tout un programme de travaux a été entrepris sur les voies navigables et dans les ports. Dans la longue liste citons par exemple : Dans le Nord : réfection et consolidation des berges, les dragages effectués en particulier en vue de permettre la navigation sur 2 m de fond entre les houillères et la région parisienne, Sur la Seine : limonage du bief de Martot (27), l'amélioration du barrage de Poses,
273 Archives O.N.N.
l'amélioration des rives du chenal des ports... Pour le port de Paris, si les grands travaux sur le port de Gennevilliers datent de l'entre-deux guerre. Dans les années 1930, ses installations s'étendent sur une surface similaire au port de Dunkerque et dès 1939, deux grandes darses existaient. Après l'armistice de 1940, afin de lutter contre le chômage, dans le cadre d'une politique de grands travaux, le bassin des hydrocarbures est creusé à la main par manque de carburant pour les engins et aussi pour embaucher plus de monde. La Kriegsmarine réquisitionne une grande partie des installations pour du stockage de charbon ou de matériel et l'Organisation Todt s'y installe également avec une usine de fabrication de pièces en béton précontraints s'étendant sur près de 60 hectares. La majorité des constructions édifiées, baraques, pavillons, bureaux ou logements des personnels furent détruits par les bombardements. Plusieurs hangars en béton résistent et purent être de suite réutilisable à la Libération et participer à l'effort militaire des Alliés. De par les travaux entrepris par le département de la Seine qui avaient permis de rendre opérationnel le port au sortir de la guerre, la Seconde Guerre mondiale a donné un nouveau souffle au port de Paris en le plaçant en bonne dans la chaîne logistique de ravitaillement de la capitale. Toujours sur la Seine, pour la reconstruction des ponts ce sera la « la guerre des ponts » selon l'expression de jean Laffitte. Il y a toujours le projet que Paris soit un port de mer donc cela induit une reconstruction des ponts en aval de Paris avec un important tirant d'air pour laisser passer les bateaux de fort tonnage directement la mer. De même, il y a l’augmentation de la profondeur du chenal de navigation et la réduction du nombre de biefs de 9 à 6 avant la guerre. En 1921 on visait les 5 biefs contre 7 pour 1944. 274
Un autre article, « Les canaux de France », parle d’une délibération de la chambre de commerce de Marseille qui demande d’intégrer le Rhône et donc le port Phocéen à la nouvelle carte de l’Europe en insistant sur le problème de la navigabilité du Rhône et de sa jonction avec le système hydroviaire européen : Rhin et Danube. Un autre, se pose cette question : La Loire sera-t-elle rendue navigable ? M. Jean Berthelot, ministre, secrétaire d'Etat aux Communications, vient d'être saisi par les Chambres de commerce du bassin de la Loire d'un projet en vue de rendre la Loire navigable. » Ce plan comprend deux parties :
274 Transports dans la France en guerre Coordination Marie-Noëlle Polino - Le port de Gennevilliers : l'émergence d'un géant (1940 - 1950) - Alexandre Lalandre - Publications de l'Université de Rouen et du Havre - 2008
- Amélioration du système d'épis existant dans le lit du fleuve entre Nantes et l'embouchure de La Maine, - Création d'un canal latéral entre Angers et Briare.275
L'effort de la Direction des Ports Maritimes et des Voies Navigables s'est trouvé bien souvent contrecarré par la pénurie des matières premières, des matériaux et des moyens de transports.
Les carburants et les lubrifiants, le ciment, les métaux ferreux, les matériaux non ferreux, les bois, les peintures et vernis, les textiles et cordage, le papier manquent.
Dans certains cas, les Service en ont été conduits à réduire de 90% la marche des travaux ou même les interrompre pendant plusieurs mois. Un autre article appelle à maximiser les transports par eau : « Il faut faire rendre au maximum les transports par eau ! » nous déclare M. Berthelot ministre, secrétaire d'Etat aux Communications. « Près de 2.000 péniches ont été coulées. On en a renfloué 300 et l'on pourra vraisemblablement en récupérer au total un millier. Quant aux constructions neuves, elles se feront d'après un prototype - actuellement en cours d'exécution – portant 340 tonnes au lieu de 280 tonnes à 2m20 d'enfoncement. Pour ce faire, un crédit de 300 millions a été prévu pour l'approfondissement à 2m20 des voies fluviales du Nord. En même temps, il y a l’abandon du projet du Canal du Nord pour faire des économies budgétaires alors que 300 millions ont déjà été dépensés. Il reste pour le terminer et l'aménager à des bateaux de 600 tonnes à dépenser 1 milliard 700 de francs sans compter l'adaptation de tout le réseau du Nord et la reconstruction de la flotte. Le ministre juge, d'autre part, indispensable de spécialiser les transports. Laisser au rail le transport des marchandises diverses et confier de préférence à la batellerie celui des matières pondéreuses et des produits bon marché. Il vaut mieux, en effet, abaisser les frais de transport d'une marchandise de peu de valeur que ceux d'un produit de prix élevé. » 276
Dans un article consacré à la reconstruction et l'équipement du pays, Jean Berthelot peut affirmer qu’au 1er février 1941, tous les canaux seront utilisables, sauf le pontcanal de Briare...277
Au bilan de cette reconstruction il y a une rapide remise en service des infrastructures. Le plus étonnant dans cette période de « renouveau » ce sont tous
Le petit troyen – 04/01/41 et Le progrès de la Somme – 07/01/41 Le petit parisien – 16/11/40 Le temps – 14/12/40
les articles qui présentent des projets de canaux afin de dynamiser le trafic fluvial mais aussi qui cherchent à insérer la France dans la carte de la « Nouvelle Europe ».
Note de service sur le passage aux 54 heures de travail hebdomadaire dans les chantiers fluviaux. – Coll. V.N.F.
Lettre sur le devis de réparation du bateau Les 2 frères fidèles en 1942. Coll. V.N.F.