PRIVATE THE
Thierry Jourquin
Après une démonstration sur le contact client dans le métavers lors de notre conférence du 25 novembre 2022, le cofondateur de XRintelligence se penche sur l’énorme potentiel que représente le métavers. Nous sommes à la croisée des chemins entre la technologie et les médias.
“Franchir le pas vers le métavers peut vraiment changer la donne pour une entreprise”
10 €
Prix par numéro pour les non-membres:
Edito
Chers membres de la PBA-B, Tout d’abord, je tiens à vous souhaiter, ainsi qu’à toutes les personnes qui vous sont chères, une année 2023 sous le signe de la santé et de la prospérité.
L’année 2022 fut des plus actives pour notre association, avec des webinaires très suivis, des programmes de formation complets, la célébration mémorable de notre 20e anniversaire et un nombre de membres en forte croissance – nous avons presque atteint la barre des 800!
Dans ce premier numéro de 2023, nous désirons réfléchir à la transformation numérique de notre métier, un sujet que nous avons abordé lors de notre conférence du 25 novembre 2022. Avec des experts, nous explorons des développements intéressants allant de la blockchain et du métavers au droit successoral applicable aux actifs numériques.
En ce début d’année, nous accueillons également deux nouveaux administrateurs au sein de notre conseil d’administration: Joke Reynaerts remplace Regine Debeuckelaere pour KBC et Sabine Caudron succède à Pieter De Bisschop pour Degroof Petercam. Je profite de l’occasion pour remercier chaleureusement Regine et Pieter pour leurs années d’engagement à la PBA-B et pour leur souhaiter le plus vif succès dans leurs nouveaux défis.
Bien entendu, nous poursuivrons en 2023 les webinaires de mise à jour sur des sujets d’actualité que nous proposons exclusivement et gratuitement à nos membres. Consultez l’agenda dans ce magazine pour connaître les premiers thèmes et dates.
Enfin, je vous invite à inscrire la soirée du jeudi 25 mai 2023 dans votre agenda. Nous garderons un certain temps encore le secret sur ce que nous préparons, mais je vous promets que vous ne serez pas déçu!
Bonne lecture de cette nouvelle édition de The Private Banker, et à bientôt!
Peter Van der Smissen Secrétaire général de la PBA-B
Sommaire
Ours
The Private Banker est le magazine trimestriel des membres de la Private Bankers Association Belgium.
Rédacteur en chef et éditeur responsable: Peter Van der Smissen Rédaction: Content Republic https://trustmedia.be/services
Numéro 6: janvier 2023
Photo de couverture: © Frank Toussaint
p. 2 Private Bankers Association
04
Métavers: “Expérimentez-le d’abord avec vos collègues” Interview – Thierry Jourquin 06 Quelle succession pour les actifs numériques?
Actualité - Alain Van Geel et Hanne Verlinden
© Marco Mertens
08 Relever les défis communs grâce à la blockchain
Dossier - Blockchain: Koen Vingerhoets
Agenda
Mardi 10 janvier à 17.00h
Jeudi 19 janvier 19.00h
Mercredi 15 Février 14.00h -16.00h
Mercredi 8 Mars 14.00h - 16.00h
Vendredi 28 Avril 14.00h - 16.00h
Lundi 9 mai à 17h00
Mercredi 17 mai à 17h30
Jeudi 25 mai à 18h
Expert - MiCA: Axel Van Genechten
Séance d'ouverture de l'édition supplémentaire (NL) du cours Approche Patrimoniale 2023
Dîner de Nouvel An pour tous les 'Heads of Private' de nos banques membres
Webinaire: Votre patrimoine et le fisc: obligations déclaratives (Orateur TBC)
Webinaire: Planification successorale d'actifs numériques; Orateur: Alain Van Geel, Partner Tiberghien Avocats
Webinaire: sur l’évaluation des entreprises familiales: orateur Eric Metsers , Finpartners.
Assemblée Générale PBA-B
Proclamation de l'édition 2022-2023 du cours Approche Patrimoniale
Événement surprise pour tous les membres du PBA-B (plus d'infos à suivre)
Mardi 20 juin Parution du n° 7 du magazine The Private Banker
printemps 2023 p. 3
10 “Nous ne remplacerons jamais l’humain par le numérique” Une ancienne élève sous le feu des projecteursSabine Caudron 11 La législation sur les cryptomonnaies protégera contre les excès dès 2024
© shutterstock
INTERVIEW - THIERRY JOURQUIN
Métavers: “Expérimentez-le d’abord avec vos collègues”
Le métavers, un réseau en ligne d’univers en 3D, gagne du terrain, y compris dans le secteur bancaire. Selon Thierry Jourquin, cofondateur de XRintelligence et membre du Metaverse Standards Forum, le métavers peut doper l’efficacité des collaborations et offrir une façon inédite de présenter de nouveaux produits aux clients potentiels: “Je recommande d’expérimenter d’abord avec des collègues avant de vous adresser aux clients.”
Qu’est-ce que le métavers?
Thierry Jourquin: “Le métavers est un espace virtuel, une sorte d’extension de l’internet. Dans cette réalité alternative, on peut travailler, se rencontrer et se divertir. Contrairement au réseau 2D que représente l’internet, le métavers est un réseau en ligne d’univers en 3D avec des avatars.
Pour schématiser, le métavers est le résultat de trois évolutions. La réalité virtuelle, tout d’abord, où l’on est immergé dans un environnement entièrement numérique. L’impact de l’industrie du jeu, ensuite. Les plateformes de jeu comme Roblox et Fortnite attirent des millions de visiteurs avec des fonctionnalités de type métavers. Au seul mois d’avril, par exemple, Roblox comptait 52,2 millions d’utilisateurs. La troisième évolution est le monde de la blockchain, qui facilite une sorte de modèle économique numérique.”
Plusieurs secteurs font leurs premiers pas dans le métavers. Qu’en est-il du secteur bancaire?
Thierry Jourquin: “Les études révèlent que les clients recourront à la réalité augmentée (RA) ou à la réalité virtuelle (RV) comme canal alternatif pour les transactions d’ici à 2030. Il n’est dès lors pas surprenant que le secteur bancaire ait déjà expérimenté le métavers. L’un des précurseurs fut JP Morgan. La banque a annoncé l’ouverture d’un lounge à Decentraland: les visiteurs y trouvent des informations sur la blockchain et d’autres initiatives technologiques auxquelles JP Morgan participe. Un autre exemple est celui de HSBC, qui a acheté un terrain dans le métavers The Sandbox afin de séduire les fans de sport en ligne et les amateurs d’e-sports qui y évoluent. Bien sûr, il s’agit là avant tout de supports de communication utilisés par les spécialistes du marketing qui réfléchissent
p. 4 Private Bankers Association
© Frank Toussaint
Qui est Thierry Jourquin?
Thierry Jourquin a travaillé dans plusieurs entreprises de médias, dont IP, De Persgroep et Roularta. Il a fait ses débuts au sein de Kinepolis en 2010 avec l’arrivée du film Avatar et de l’expérience 3D. Thierry Jourquin est passionné par les points de rencontre entre la technologie et les médias. Il est cofondateur de XRintelligence, membre du Metaverse Standards Forum et du conseil d’administration de Stereopsia, un forum international consacré aux technologies et contenus immersifs. Il a participé à notre conférence du 25 novembre 2022 en tant qu’orateur et y a présenté une démonstration intéressante de la manière dont un contact client peut se dérouler dans le métavers.
Thierry Jourquin, cofondateur de XRintelligence et membre du Metaverse Standards Forum
Thierry Jourquin
à la manière, à l’endroit et au contenu de leur présence dans ce métavers. Cela dit, franchir le pas vers le métavers peut vraiment changer la donne pour une entreprise. Une banque de Corée du Sud autorise des conversations individuelles entre des avatars de clients et d’employés dans sa banque virtuelle, tout en donnant aux clients l’accès à des informations financières personnalisées. Bank of America dispense quant à elle une formation en RV pour ses employés et simule des scénarios réels de service à la clientèle pour les employés des filiales.”
Quelles sont les opportunités offertes par le métavers pour la banque privée?
Thierry Jourquin: “Les possibilités sont nombreuses, tant pour les employés que pour les clients. Grâce à l’espace 3D, le travail à distance est parfaitement possible, car les équipes éloignées les unes des autres ont la sensation de travailler côte à côte. La distance sociale se réduit, ce qui garantit une meilleure ambiance au sein de l’équipe, une plus grande concentration sur le contenu pertinent et une créativité accrue. Le métavers recèle également un potentiel considérable dans le cadre d’un processus d’apprentissage. La simulation de circonstances et situations réelles rend en effet l’apprentissage plus attrayant. Avec, à la clé, davantage de moyens d’accueillir de nouveaux collègues et de former le personnel. Mais aussi d’attirer la prochaine génération de collaborateurs.”
Et du point de vue du client luimême?
Thierry Jourquin: “Dans le métavers, les clients peuvent vérifier leur solde, payer leurs factures, effectuer des transferts et des transactions par le biais de canaux de réalité étendue (extended reality, ou XR).
Les banques disposant d’une agence virtuelle fournissent un service aux clients qui recherchent des prêts hypothécaires ou d’autres produits élaborés. Dans le métavers, il est par ailleurs tout à fait possible d’organiser des événements communautaires pour présenter de nouveaux produits d’investissement à des clients
potentiels. Plus loin dans l’avenir, les banquiers privés pourront développer des actifs numériques de produits nouveaux et existants. Chez XRintelligence, nous avons récemment créé le digital twin d’une agence Ethias. Un tel jumeau numérique peut instaurer une sensation de connexion entre la banque physique et la banque virtuelle, et assurer de nouvelles sources de revenus aux banques. En outre, les clients disposant d’actifs numériques n’ont parfois pas le temps de passer en agence ou de se rendre à des salons professionnels. Souvent très demandeurs de discussions autour de ce type d’investissement, ils se rendent dans la première banque qui peut offrir ce genre de solution.”
Quel est le meilleur point de départ pour les banquiers privés, à vos yeux?
Thierry Jourquin: “Je suggère toujours de mettre d’abord en place une piste interne entre collègues avant d’aller vers les clients. Une première étape pourrait être de tester la collaboration à distance. La banque a une agence à Bruxelles et une autre à Anvers? Dans ce cas, les employés des deux sites peuvent expérimenter avec des casques afin de se rencontrer dans le métavers. J’ai testé ce type de système avec un collègue pendant les deux vagues de coronavirus. Il faut certes y consacrer un certain temps, mais le moment est idéal pour éduquer le public à cette technologie! Développez des prototypes rapides afin que vos dirigeants comprennent mieux le potentiel du métavers. Montrez-leur de quelle façon le métavers rassemble les individus, les espaces et les objets dans les mondes virtuel et réel, suscite un sentiment d’appartenance et favorise la collaboration. Donnez la possibilité en interne de tout explorer. Commencez à élaborer des cas d’utilisation et voyez ce qui fonctionne. Cette technologie est prometteuse mais il faut aussi qu’elle améliore le travail au quotidien! Il convient donc de procéder par étapes. En transformant certains collaborateurs de l’entreprise en ambassadeurs, vous parviendrez à intégrer ce concept à l’ADN de votre organisation. Et une fois cette étape franchie, le concept sera prêt à être présenté aux clients.”
printemps 2023 p. 5
“En transformant certains collaborateurs de la banque en ambassadeurs, vous parviendrez à intégrer le concept du métavers à l’ADN de votre organisation”
“Le métavers offre de nombreuses possibilités, tant pour les employés que pour les clients”
Quelle succession pour les actifs numériques?
Où se situe la plus grande différence, en termes de planification successorale, entre actifs ordinaires et numériques?
Alain Van Geel: “La succession comprend tous les biens en possession du défunt au jour du décès. Le droit successoral s’applique à l’attribution de ces biens encore présents, matériels et immatériels, tels que les biens immobiliers et mobiliers, les créances et les actions. Il existe de plus en plus d’actifs sans valeur patrimoniale spécifique, tels que les droits de la personnalité et les droits d’auteur. La question est de savoir comment planifier ces droits extrapatrimoniaux et ce qu’il en advient au moment du décès.”
Hanne Verlinden: “Cela concerne par exemple votre compte Facebook ou Instagram, votre musique sur iTunes, vos photos dans le cloud et vos documents sur l’ordinateur. Il conviendrait d’accorder plus d’attention à cette dimension afin que les particuliers se demandent si, entre autres, leurs enfants peuvent voir, entendre ou lire ce contenu.”
Alain Van Geel: “Le mode de transmission des créances patrimoniales est clair: les bénéficiaires les acquièrent soit par un legs, soit, en l’absence de testament valide, par le droit successoral légal. Si un actif numérique a une valeur patrimoniale, il relèvera d’une succession, ce qui nécessite le dépôt d’une déclaration de succession. Des problèmes pratiques se poseront dans certains cas. Avez-vous des droits de propriété sur ces actifs? Vos héritiers peuventils revendiquer des droits sur ces biens? S’agit-il de droits qui existent encore le jour du décès ou qui s’éteignent? Les droits de propriété s’appliquent-ils à Facebook, par exemple, ou avez-vous juste le droit d’utiliser les informations conservées? Ces droits, qui n’ont aucune valeur patrimoniale, appartiennent-ils à vos héritiers ou
pouvez-vous les céder à quelqu’un d’autre sans que vos enfants puissent faire valoir leurs réserves sur ces droits?
Une deuxième série de questions concerne l’endroit où l’héritier trouvera ces informations. Avec les droits en ligne, les héritiers doivent se demander qui a quels droits. Troisième point: y avez-vous accès? Si oui, de quelle manière? Et dernière question: comment la valeur est-elle déterminée à la date du décès si les actifs numériques ont une valeur patrimoniale?”
Qu’en est-il des cryptomonnaies?
Alain Van Geel: “Il y a une différence fondamentale avec les comptes bancaires. Aujourd’hui, une institution financière ayant son siège social en Belgique a l’obligation d’établir une liste fiscale au décès. Cette liste est transmise à l’administration fiscale qui, à partir de celle-ci, détermine une base imposable aux fins de la perception des droits de succession.
Avec une cryptomonnaie, c’est nettement plus difficile, car il n’y a pas d’autorité centrale de surveillance ni de disposition légale spécifique. Les héritiers doivent mentionner la cryptomonnaie dans la déclaration de succession. Mais que déclarent-ils exactement? Il n’existe pas de liste comme pour les instruments financiers.
Avec des instruments financiers négociés sur un marché réglementé, les héritiers peuvent choisir la valeur de marché à la date du décès ou jusqu’à un ou deux mois après, précisément parce que cette valeur fluctue. Avec les cryptomonnaies et d’autres actifs numériques, ce n’est pas le cas: c’est ici la valeur à la date du décès qui s’applique. Et si cette valeur s’effondre juste après le décès, les héritiers paieront des droits de succession sur un actif qu’ils n’ont pas ou plus. Comment les héritiers doivent-ils déterminer cette valeur s’ils
n’ont pas accès à la cryptomonnaie via une clé privée? Le cas échéant, ils ont un gros problème. Il n’y a pas de règles claires à ce sujet et je serais bien incapable de définir une règle ‘générale’, précisément parce que la création et l’exploitation de cryptomonnaies s’organisent hors de toute autorité centrale et réglementation générale.”
Peut-on rédiger un testament contenant uniquement des legs numériques?
Alain Van Geel: “En soi, c’est possible, même si les points de vue divergent sur l’héritage numérique. En France, les droits d’auteur ont une valeur monétaire et une valeur morale. Le tout est de savoir si les deux peuvent être séparés. La réponse à cette question est oui. Sur la valeur pécuniaire, par exemple, les enfants peuvent exiger leur réserve. Les aspects moraux du droit d’auteur peuvent être cédés à quelqu’un d’autre. Est-ce que cela fonctionne dans la pratique? C’est un autre débat, mais en tout cas, c’est possible selon moi. Les deux sont de plus en plus scindés.”
En Belgique, des règles classiques s’appliquent en matière de donation: le passage chez le notaire, le don manuel ou le don bancaire. Dans quelle mesure ceux-ci peuventils être appliqués aux actifs numériques?
Alain Van Geel: “Ce n’est pas une situation simple et elle est sujette à interprétation. Pour qu’une donation manuelle soit valable, il faut qu’une ‘chose’ soit transmise d’une personne à une autre. Un problème se pose d’emblée, car la cryptomonnaie est rarement tangible, à moins que la clé privée ne soit imprimée sur une feuille de papier ou stockée sur une clé USB. Le virement bancaire consiste traditionnellement à transférer de l’argent d’un
p. 6 Private Bankers Association
ACTUALITÉ - ALAIN VAN GEEL ET HANNE VERLINDEN
La planification successorale des actifs numériques ne doit pas se limiter aux cryptomonnaies, estiment Alain Van Geel et Hanne Verlinden, du cabinet d’avocats Tiberghien. “Tout ce qui est numérique relève de cette catégorie –pensez à Facebook, LinkedIn et à la musique sur iTunes.”
Alain Van Geel, cabinet d’avocats Tiberghien compte à un autre; vous transférez une sorte de dette, car vous avez un contrat avec la banque. Mais dans le monde décentralisé des cryptoactifs, l’objectif est précisément de ne pas avoir ce type de contrat. La troisième option, par acte notarié, constitue le moyen le plus sûr. Du moins si cela ne se fait pas avec une réserve d’usufruit, car ce n’est pas vraiment envisageable dans la pratique.”
Qu’en est-il de la législation?
Hanne Verlinden: “La loi successorale a été modifiée en septembre dernier. L’intention de Vincent Sagaert, qui est à l’origine du texte juridique actuel, était de parvenir à une nouvelle définition, fondée sur la
pratique, qui s’applique à tous les types de biens, y compris les biens meubles incorporels tels que les biens numériques. En matière de planification successorale, il ne devrait pas y avoir de nouvelle législation spécifique. La jurisprudence cristallisera l’usage.”
Alain Van Geel: “Ce qui est en revanche souhaitable, c’est une consultation avec l’administration fiscale sur les positions qu’elle adoptera. Comment les autorités fiscales appliqueront-elles concrètement certains principes aux actifs numériques? Cette position n’existe malheureusement pas aujourd’hui pour les droits de donation et de succession. Au niveau de l’impôt sur le revenu pour les cryptomonnaies, en
revanche, la commission de ruling a pris position à l’aide d’une liste de 17 questions.
On pourrait aussi s’interroger sur le non-patrimonial. Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique? La loi ne le prévoit pas mais il est admis que, par exemple, un testament peut couvrir les dispositions non patrimoniales relevant d’une succession. Quant au contrôle et à la transparence des cryptomonnaies en général, le législateur ne reste pas inactif. Notamment, dans une proposition de directive datée du 8 décembre 2022, la Commission européenne a proposé une obligation de déclaration des données de transaction pour tous les organismes, partout dans le monde, applicable à leurs clients basés en Europe.”
printemps 2023 p. 7
“Pour ce qui concerne la planification successorale, il ne devrait pas y avoir de nouvelle législation spécifique. La jurisprudence cristallisera l’usage”
Hanne Verlinden, cabinet d’avocats Tiberghien
“Les héritiers doivent mentionner les cryptomonnaies dans la déclaration de succession. Mais que déclarent-ils exactement?”
© Frank Toussaint
Relever les défis communs grâce à la blockchain
La blockchain ne déstabilisera pas le secteur bancaire, estime Koen Vingerhoets, Blockchain Evangelist chez Fujitsu. À ses yeux, l’essor des projets blockchain est une évolution plutôt qu’une révolution: “Elle sert principalement à améliorer les processus.”
“La collaboration entre les institutions financières fera la grande différence. Voilà la réelle évolution apportée par la blockchain”
“Quand la réputation des cryptomonnaies est entachée, les projets blockchain entre entreprises en subissent les conséquences, alors que les uns n’ont rien à voir avec les autres”
Vingerhoets, Blockchain Evangelist - Fujitsu
La blockchain souffre parfois d’une connotation négative en raison de son association au marché des cryptomonnaies. Ce dernier suggère en effet que le secteur bancaire sera bientôt superflu, du fait que le marché des cryptomonnaies peut transférer une valeur d’une personne à une autre sans nécessiter l’intervention d’une banque. “C’est là une vision pour le moins réductrice du rôle des banques: il ne se limite pas au transfert d’argent”, nuance Koen Vingerhoets, Blockchain Evangelist au sein du Track & Trust Solution Center de Fujitsu.
Si les banques ont d’abord considéré la blockchain comme une menace potentielle, elles réalisent aujourd’hui qu’elle peut servir leurs intérêts. “Dans le contexte bancaire, on voit désormais la blockchain comme un moyen d’améliorer les processus. Il s’agit d’une nouvelle façon d’aborder la complexité du monde financier.”
Le secteur financier s’intéresse également aux activités des fournisseurs de cryptomonnaies tels que Binance et Kraken. “Si le concept paraît à première vue un peu fou, il semble fonctionner au moins sur le plan technologique. L’efficacité du système – toujours en ligne, 365 jours par an – est particulière.”
Une évolution, pas une révolution
Koen Vingerhoets insiste sur le fait que la blockchain ne provoque aucune disruption. “C’est juste une façon différente de penser et de travailler. La collaboration entre les institutions financières, voilà ce qui fera la différence! Elles font face à des défis communs qu’elles peuvent relever ensemble – c’est, selon moi, la véritable évolution apportée par la blockchain.”
Reste à savoir si les banques sont prêtes à collaborer. “Elles rechignent très logi-
quement à s’échanger des données. Les institutions financières se livrent concurrence sur un marché hautement réglementé et acceptent difficilement qu’on s’immisce dans leur cuisine interne. C’est pourquoi les projets blockchain entre entreprises sont souvent menés par un seul grand opérateur, dans le secteur financier comme en dehors d’ailleurs. Un leader montre la voie, les autres suivent. Or, ce n’est pas parce que vous travaillez sur une solution blockchain commune que votre entreprise vous devez y intégrer totalement votre organisation. La blockchain n’est généralement que la couche inférieure d’une solution: une base de données spéciale qui permet de connecter des systèmes existants afin d’échanger des données, et sur laquelle personne ne dispose de regard direct.”
Grâce à la blockchain, il est aussi possible de simplifier les processus administratifs, d’effectuer plusieurs petits investissements au lieu d’un gros, et d’ainsi mieux répartir les risques. “De cette façon, certains investissements ou placements qui étaient hors de portée deviennent à nouveau accessibles.”
Amélioration des processus
Kube, initiée par Isabel, est l’une de ces collaborations. Les grandes banques belges collaborent afin d’améliorer la vision KYC (know your customer) des entreprises. “Pour une PME ou une entreprise en Belgique, c’était auparavant un processus relativement lourd”, indique Koen Vingerhoets. “Toute entreprise entretient des relations avec plusieurs banques et, chaque année ou tous les deux ou trois ans en fonction de son profil de risque, ses données doivent être mises à jour. La saisie de ces données prend un temps considérable. Or, toutes les banques obtiennent théoriquement les mêmes données et appliquent les mêmes processus car elles adhèrent à la même législation. En soi, il est ridicule qu’une entreprise puisse modifier une de ces données le lendemain de cette procédure et doive ensuite attendre trois ans pour transmettre la modification. Avec Kube, une seule banque se charge de l’effort ‘KYC’, tandis que les autres parties la remboursent ou l’épaulent. Dès que les données d’une entreprise changent, le système les transmet immédiatement aux banques concernées. L’efficacité des processus est prioritaire; l’accent est placé sur le client.”
p. 8 Private Bankers Association
Koen
DOSSIER - BLOCKCHAIN: KOEN VINGERHOETS
© Frank Toussaint
Une autre approche concerne la finance durable. Lorsque les banquiers privés conseillent à leurs clients des investissements verts, cela représente fréquemment un risque car il est difficile d’obtenir suffisamment de données “durables” pour qualifier les produits de “verts”. “L’un des produits sur lesquels nous travaillons est une plateforme de collecte de données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance). Elle s’appuie sur la blockchain pour démontrer l’authenticité des déclarations de durabilité. La blockchain est un outil intéressant pour obtenir une plus grande sécurité juridique et une certitude sur la durabilité de l’approvisionnement.”
Nouveau vocabulaire
Les banquiers privés doivent s’avoir s’adapter. Ces dernières années, de nouveaux clients se sont lancés dans les cryptomonnaies. “Ils peuvent aussi poser des questions sur les nouvelles classes d’actifs comme les NFT. Le moment est-il venu d’en acheter? Est-il préférable de posséder une voiture ou un NFT de voiture?”
Prédire l’évolution de la blockchain n’est pas chose facile. Koen Vingerhoets luimême s’en tient généralement à une année
de prévisions tout au plus. “Ces derniers mois furent assez intenses, dans l’univers des cryptos comme pour les projets blockchain entre entreprises. J’ai été surpris par l’échec de certaines plateformes blockchain comme we.trade, CHESS et TradeLens. Même les projets sur lesquels Belfius avait l’habitude de travailler via The Studio se poursuivent sans la technologie blockchain. Les nombreux projets en cours adoptent parfois une approche différente. L’objectif est dorénavant d’améliorer les processus et l’efficacité.”
L’abandon de certains grands projets blockchain permet néanmoins de tirer d’utiles enseignements. Koen Vingerhoets compare cette situation à celle de Napster, le logiciel populaire d’échange de musique. “Ce n’était pas légal mais c’était une bonne idée. La technologie peer-to-peer sousjacente est encore utilisée dans toutes sortes d’applications. Quelque part, on a toujours besoin d’un use case initial. L’évolution se fait par à-coups.”
Réputation entachée
L’expert est frappé par l’influence de l’univers de la crypto sur la blockchain d’entreprise, “alors que les deux n’ont rien à
voir l’un avec l’autre. Plus le prix du bitcoin augmente, plus je reçois de questions sur les projets blockchain au sein des entreprises. Quand la réputation des cryptomonnaies est entachée, ces projets en subissent les conséquences. C’est pourquoi je pense qu’un nombre croissant de projets vont simplement abandonner le terme ‘blockchain’. Ce qui me surprend le plus, c’est que, même dans l’univers des cryptomonnaies, il est encore d’usage de hisser une personne sur un piédestal et d’en faire une sorte d’icone. Le cryptomonde critique souvent les banques traditionnelles; pourtant, seules les banques ordinaires sont punies et condamnées à des amendes, précisément parce qu’elles sont soumises à des règles. Le monde de la crypto, en revanche, ne connaît aucune règle: soit tout va bien, soit c’est la débandade. L’ensemble de ce marché prend des proportions gigantesques. Toutefois, sa valeur intrinsèque est difficile à quantifier. Les fournisseurs de cryptomonnaies peuvent continuer à se présenter comme des pseudo-banques avec une relative impunité. Ils utilisent les mêmes termes qu’une banque – aucune mesure n’est prise pour les en empêcher. Une protection renforcée du consommateur serait réellement utile.”
printemps 2023 p. 9
par le numérique”
Sabine Caudron est active dans le secteur de la banque privée depuis près de 30 ans. Après un stage universitaire à la Générale de Banque, elle est rapidement devenue private banker. Au bout d’une décennie, elle accède à un poste de direction et travaille successivement chez MeesPierson, Fortis et BNP Paribas Fortis. Et 18 ans plus tard, elle rejoint Puilaetco Dewaay, puis Degroof Petercam en 2018, où elle est Head of Private Banking depuis mai 2022.
Toujours aussi utile
Au cours de sa carrière, Sabine Caudron a suivi les formations Patrimonial Approach et Investment Management organisées par Febelfin Academy et The Private Bankers Association. “J’ai été la toute première à suivre les deux formations. Avec mon parcours plutôt économique, la formation Patrimonial Approach m’a fourni une bonne base pour aussi donner des conseils juridiques aux clients. Le programme organise également des cours de recyclage réguliers. Ainsi, après plus de 20 ans, j’en récolte encore toujours des fruits. Ces connaissances me servent au quotidien.”
En 2010, elle prenait donc part à la première édition du programme Investment Management. À cette époque, elle occupait déjà un poste de direction. “Comme je voulais que mes banquiers privés suivent ce cours, il était important pour moi de l’expérimenter d’abord moi-même. C’était le moyen idéal de rafraîchir mes connaissances! Au terme de la formation, j’ai été en mesure d’aider encore mieux les clients qui se posaient des questions plus complexes sur les investissements. Cela m’a donné plus de confiance en moi dans mon travail.”
Accessibilité et rapidité
À l’instar de nombreux autres secteurs, celui de la banque privée subit une transformation numérique. Sabine Caudron y voit l’occasion d’affiner les relations humaines entre le client et le banquier privé. “En banque privée, on écoute, on interprète et on résout les problèmes. La transformation numérique est un atout considérable dans ce cadre. L’accessibilité de l’information et la rapidité avec laquelle vous pouvez la consulter jouent en faveur du client et du banquier privé. De cette manière, ils parviennent à enrichir leurs discussions. Et le
profil que nous établissons de notre client s’en trouve plus complet et mieux actualisé. Mais la numérisation reste un outil. Nous ne laisserons jamais le numérique remplacer l’humain.”
Tendances numériques
Degroof Petercam suit de près l’évolution des tendances numériques. Le gestionnaire de patrimoine a noué plusieurs partenariats avec des sociétés fintech. “Ceci dit, nous ne cédons pas aux phénomènes de mode”, défend Sabine Caudron. “Nous envisageons les choses sur le long terme. Tout ce qui s’apparente à des gadgets, comme le métavers, nous le laissons de côté. Nous nous concentrons sur notre cœur de métier: guider nos clients, mais avec l’aide d’outils numériques de pointe. Si nous réservons chaque année un budget important pour rester au fait de l’évolution du numérique, nous demeurons attentifs au service personnalisé que nos banquiers privés offrent à leurs clients. C’est d’ailleurs ce qu’ils attendent de nous. Si les clients ont des questions sur les NFT, nous leur fournirons bien sûr les informations nécessaires. Mais nous ne les proposerons pas nous-mêmes.”
p. 10 Private Bankers Association
UNE ANCIENNE ÉLÈVE SOUS LE FEU DES PROJECTEURS - SABINE CAUDRON
“Le profil que nous établissons de notre client grâce à la numérisation est plus complet et mieux actualisé. Ce qui profite évidemment avant tout au client”
© Frank Toussaint
Sabine Caudron, Head of Private Banking chez Degroof Petercam
“Nous ne remplacerons jamais l’humain
“La transformation numérique est l’occasion d’aiguiser les relations humaines entre le client et le banquier privé”, affirme Sabine Caudron. En tant que Head Private Banking chez Degroof Petercam, elle considère la numérisation principalement comme un outil et ne cède pas aux phénomènes de mode. “Nous suivons les tendances de près mais nous ne laisserons jamais le numérique remplacer l’humain.”
réglementation MiCA
Axel Van Genechten, Banque nationale de Belgique
La législation
sur les cryptomonnaies protégera contre les excès dès 2024
Pour freiner les excès du marché des cryptomonnaies, la nouvelle réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets) a été élaborée au niveau européen. L’objectif? Des règles plus strictes pour les fournisseurs et les émetteurs d’actifs numériques.
Axel Van Genechten travaille à la Banque nationale de Belgique, où il fournit des conseils techniques sur les cryptomonnaies. Avec Anne Chamberod et Françoise Guebs, il a collaboré à l’élaboration de la réglementation européenne MiCA. “Nous avons observé une augmentation significative des investissements dans les cryptoactifs ces dernières années. Outre le fait que ces cryptoactifs continuent d’offrir leurs services en dehors du système financier classique, les Big Tech (les géants du secteur IT, tels que Google, Microsoft et Amazon, NDLR) manifestent un fort intérêt pour ce secteur. À l’avenir, les cryptomonnaies pourraient bien jouer un rôle dominant dans le système de paiement général. Cette évolution constituerait un risque pour la stabilité du système financier.”
Un cadre adéquat
Le cadre juridique actuel est minimal. Dans notre pays, la FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers, ne pratique qu’une supervision limitée des fournisseurs de cryptoactifs. C’est pourquoi l’Union européenne a entrepris de définir un cadre apte à protéger les consommateurs. La réglementation s’appliquera à tous les fournisseurs de cryptomonnaies au même titre que les autres institutions financières.
La plupart des monnaies étant émises aux États-Unis ou dans d’autres parties du monde, réguler une monnaie à partir de l’Europe n’est pas chose facile. “Si certains actifs ne sont pas conformes aux nouvelles exigences et ne peuvent donc être proposés sur les plateformes européennes, les consommateurs seront redirigés vers des alternatives qui respectent notre législation”, souligne Axel Van Genechten. “La MiCA apporte une sécurité juridique à tous dans l’Union européenne, aux acheteurs, aux vendeurs et aux chefs d’entreprise, mais aussi aux plateformes elles-mêmes.”
“Nous espérons que cette mesure encouragera l’innovation au sein de l’UE. Du côté des consommateurs, nous œuvrons à la protection et à l’intégrité du marché. Enfin, nous cherchons à garantir la stabilité financière. Nous ne voulons pas que l’euro soit remplacé par des cryptoactifs dans l’usage quotidien, et nous souhaitons éviter l’exposition excessive de nos institutions financières à ces actifs et services.”
Volatilité
“La MiCA se concentre davantage sur la réglementation des cryptomonnaies en tant qu’instruments de paiement et non
en tant que véhicules d’investissement”, prévient Axel Van Genechten. “Elles demeurent un investissement risqué, que nous déconseillons.”
La législation MiCA recèle des aspects qui ont une importance toute particulière pour les banquiers privés. “Si un client travaille avec des plateformes non européennes, il n’aura aucune garantie qu’elles opéreront conformément à cette législation. À celui ou celle qui s’intéresse aux cryptoactifs, nous recommandons de se focaliser sur les établissements européens réglementés.”
Encore un peu de patience
La réglementation ne sera pas appliquée avant 2024. “De nombreuses parties sont assises autour de la table et nous faisons preuve d’une certaine prudence”, explique Axel Van Genechten. “Au lieu de simplement réglementer l’existant, nous tentons de prévoir l’évolution des cryptomonnaies. Dans la version actuelle de la MiCA, nous incluons déjà des mesures qui nous offriront une marge de manœuvre pour intervenir à l’avenir, comme une étude de l’impact climatique sur le secteur ou du traitement des NFT. Des thématiques dont les décideurs politiques doivent se saisir, maintenant et pour le futur.”
printemps 2023 p. 11
EXPERT
- MICA: AXEL VAN GENECHTEN
“La
se concentre davantage sur les cryptomonnaies en tant qu’instruments de paiement et non en tant que véhicules d’investissement”
© Frank Toussaint
Parfois, je m’arrête après un article.
Prenez de l’avance.
Il suffit parfois de quelques mots pour provoquer un déclic. A L’Echo, nous ne vous reprocherons jamais d’arrêter de nous lire après un titre, un article ou dix minutes. C’est la preuve que vous avez lu quelque chose qui a provoqué en vous un déclic et fait jaillir une idée. Une idée à laquelle vous voulez vous consacrer sans a endre. C’est notre raison d’être. Alors lisez-nous de A à Z ou déposez-nous quand vous voulez, du moment que vous prenez de l’avance.