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ROBERT BOUTE

Défis et opportunités de la numérisation en lo gistique

Le professeur Robert Boute de la KU Leuven et de la Vlerick Business School, qui a éclairé notre débat logistique lors du Virtual Transportmedia Xperience, a développé, avec son collègue Jan Van Mieghem, un cadre qui permet aux entreprises traditionnelles de savoir où elles en sont en termes de numérisation.

Peter Ooms

Quel était l’objectif du modèle développé avec Jan Van Mieghem de la Kellogg School of Management ?

Robert Boute : Les modèles existants se basaient principalement sur des exemples édifi ants tels qu'Amazon ou Uber. Ces entreprises travaillent, dès le départ, avec des processus numériques. Elles collectent de nombreuses données qu'elles analysent pour améliorer et automatiser leurs processus. Mais la plupart des entreprises logistiques et industrielles ne fonctionnent pas du tout comme ça. Pourtant, chacun se rend compte que la numérisation est importante pour améliorer l'effi cacité des processus. Avec notre cadre, ces entreprises traditionnelles peuvent évaluer où en est leur numérisation et cela les aide à opérer les choix nécessaires.

Quelles sont options ?

Robert Boute : Notre modèle traite deux axes fondamentaux : soit rendre les processus plus intelligents en les soutenant avec des données et des algorithmes intelligents, soit vouloir que les processus soient effectués par des machines et des systèmes. Travailler intelligemment ou automatiser ? C'est justement parce que les entreprises veulent souvent faire les deux simultanément qu'elles sont parfois perdues et ne voient plus quelle direction

« La collecte de données n'aide pas les entreprises à progresser si elles ne savent pas quoi en faire », explique le professeur Robert Boute.

(© Jos Verhoogen)

de la numérisation en lo gistique

prendre. En même temps, les entreprises qui progressent sur un axe souhaitent également avancer sur l'autre.

Les entreprises logistiques ont déjà bien évolué. À quoi doivent-elles aujourd’hui faire attention ?

Robert Boute : Il est vrai que beaucoup a déjà été numérisé. Les entreprises logistiques disposent déjà d'un ERP, WMS, TMS et, souvent, de systèmes de planifi cation sophistiqués. Le défi consiste maintenant à connecter tous ces systèmes entre eux. Et avec les systèmes externes des clients, fournisseurs et prestataires de services. Une toute nouvelle étape consiste en outre à ce que de nombreux véhicules, appareils et machines partagent des données récoltées par des capteurs avec les applications logicielles susmentionnées via l'Internet des Objets. Il existe également un Internet des Personnes grâce aux wearables et aux smartphones. Les entreprises doivent veiller à disposer d'une infrastructure pour permettre cet échange de données. Via Internet, par exemple, et c'est pourquoi elles sont nombreuses à opter pour une plate-forme cloud. La force du cloud est qu'il propose une grande puissance de calcul activable ou désactivable de manière fl exible. Les entreprises qui souhaitent établir une nouvelle planifi cation basée sur un grand nombre de données ont besoin de cette puissance de calcul pendant un temps limité. Après quoi, cette fonction peut le cas échéant être désactivée.

Vous vous concentrez d’abord sur les processus intelligents. Comment une entreprise doit-elle s’y prendre ?

Robert Boute : Une organisation qui collecte plus de données réagit mieux et plus rapide-

Travailler intelligemment ou automatiser ? Les entreprises sont perdues et ne voient plus l'objectif.

ment aux erreurs et aux changements. Les retards peuvent ainsi être détectés plus vite et les écarts par rapport à une norme corrigés. Plus ces analyses sont poussées, plus le processus numérique peut passer de la détection des écarts à la prescription des actions nécessaires. Dans cette optique, l’entreprise développe également son jumeau numérique. Les processus physiques ont une répercussion totalement numérique en temps réel dans les systèmes informatiques. Lorsqu'un écart survient, le modèle numérique calcule une solution qui peut alors être mise en œuvre dans la réalité physique.

Et le deuxième axe ?

Robert Boute : Il s'agit de remplacer les interventions humaines par un degré plus élevé d'automatisation, par exemple via l'introduction de robots. Par ailleurs, il y a la Robotic Process Automation (RPA) qui permet d’automatiser les processus administratifs par-delà les différentes applications et économisent ainsi beaucoup de temps. Mais l’intervention reste très aisée et basée sur des règles simples sialors. À l'avenir, un besoin d'automatisations plus complexes se fera certainement sentir, en particulier pour des analyses et une planifi cation plus stratégiques. Mais cela se fera étape par étape, avec de nombreuses conditions. Progressivement, ces conditions se relâcheront et l'automatisation prendra de plus en plus de choses en charge, à mesure qu’il y a davantage de données collectées et analysées.

Qu’est-ce qui est compliqué pour les entreprises ?

Robert Boute : Le plus gros problème, c’est la gestion des données. De nombreuses entreprises collectent déjà des données à grande échelle, mais cela ne les aide pas à progresser si elles ne savent pas quoi en faire. Il faut également savoir ce que l’on peut faire avec quelles données. Lesquelles sont pertinentes ? C'est là que le bât blesse souvent. Si elles font les premiers pas concrets, elles remarquent aussi rapidement que les données elles-mêmes ne sont pas forcément de bonne qualité. Parfois des entreprises avec des soi-disant tours de contrôle collectent toutes les données, mais résolvent quand même tout manuellement à la moindre exception. Je préconise de débuter par de petits projets pilotes afi n de mieux percevoir la qualité des données disponibles et leur pertinence dans la prise de décision.

Que nous réserve l'avenir ?

Robert Boute : Je pense que nous devrions utiliser davantage d'intelligence artifi cielle dans les projets d'innovation. Je suis moi-même impliqué dans plusieurs expériences visant à appliquer le ‘machine learning’ à la planifi cation de la supply chain. Jusqu'à présent, le succès est mitigé avec parfois de meilleurs résultats que la méthode classique, mais parfois pas. Mais ces derniers mois, nous avons vu que les data scientists réussissaient très bien à adapter les algorithmes pour résoudre les problèmes. Cela va maintenant très vite.

Où cela va-t-il fi nir ?

Robert Boute : Les entreprises logistiques doivent maintenant équilibrer des objectifs contradictoires. Tout doit toujours aller plus vite, coûter moins cher et être durable. Cet exercice d'équilibre est encore diffi cile, mais il deviendra une réalité dans un proche avenir.

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