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Avenir de l’hydrogène dans le transport

Vert, j’espère

Le vert est la couleur de l’espoir pour tous ceux qui considèrent que l’hydrogène doit jouer un rôle important dans la décarbonation du transport routier. Mais comment le fabriquer et à quel coût ? Ces perspectives commencent à devenir plus claires.

L’hydrogène vert représente aussi une piste pour rendre l’Europe un peu plus indépendante sur le plan énergétique.

Deux questions ne méritent plus débat. Le transport routier aura-t-il besoin de l’hydrogène pour se décarboner ? La réponse est ‘oui’. Comment cet hydrogène doit-il être produit ? La réponse est tout aussi claire : seul l’hydrogène ‘vert’ est une solution à moyen et long terme.

Cela étant posé, les enjeux sont gigantesques. L’hydrogène vert rebattra les cartes sur le plan géostratégique (un sujet qui résonne de manière particulière depuis le début de la guerre en Ukraine) et sur le plan économique. Du coût de cette énergie nouvelle dépendra en effet la rapidité avec laquelle elle remplacera une partie des carburants fossiles. Or, en 2020, la part de l’hydrogène vert dans la production mondiale n’était que de 0,73 %.

UN LEADER MONDIAL… BELGE

Pour produire de l’hydrogène à partir d’électrolyse (séparation des molécules d’oxygène et d’hydrogène dans l’eau), il faut (beaucoup) d’énergie, de préférence renouvelable. La société liégeoise John Cockerill est un des leaders mondiaux de la vente d’électrolyseurs, avec une part de marché de 33 % et une technologie d’électrolyse alcaline. Selon Roland Héquet (VicePrésident Stratégie et Origination Hydrogène chez John Cockerill), cette technologie fait sens pour plusieurs raisons : « Pour les besoins industriels ou le secteur de la mobilité, nos électrolyseurs de 5 MW permettent de produire l’hydrogène à un coût compétitif, que ce soit en CapEx ou en OpEx. Ils sont plus puissants et reviennent deux fois moins cher que cinq électrolyseurs de 1 MW par exemple. C’est aussi une technologie stable, sur laquelle nous avons du recul. Elle est aussi bien adaptée aux énergies renouvelables car elle permet des variations de puissance en fonction du rendement de l’énergie éolienne ou solaire. Enfin, elle utilise moins de matériaux rares. » Selon Roland Héquet, cette technologie permettra d’abaisser le coût du kilo d’hydrogène à 4 euros. Cela reste plus cher que l’hydrogène gris, mais cela représente un gros progrès par rapport au prix actuel de l’hydrogène à la pompe, qui se situe autour des 10 euros/kg. Le coût de l’hydrogène vert dépend à 70 ou 80 % du prix de l’énergie verte utilisée pour l’électrolyse. C’est pour cela que les pays européens signent à tour de bras des partenariats avec

L’Europe mise sur un équilibre 50/50 entre l’hydrogène produit localement et l’hydrogène à importer.

des pays où l’énergie renouvelable est abondante, comme la Belgique avec le Chili, la Namibie et Oman. Cela veut-il dire que la production locale d’hydrogène n’est pas envisageable ? « En Belgique, nous n’avons pas une très grosse capacité de production d’énergie renouvelable, mais il faut néanmoins envisager toutes les pistes, ne fût-ce que pour éviter les coûts de transport », poursuit Héquet. A l’échelle du continent européen, l’objectif est d’avoir à terme 40 GW de production propre et 40 GW de production importée.

LA BELGIQUE PAS À LA TRAÎNE

« D’ici 2024, on devrait installer environ 5 GW d’électrolyseurs en Europe. Si tout l’hydrogène produit de la sorte devait aller au transport routier, cela permettrait de faire rouler 30.000 camions », explique Caroline Stancell (General Manager, Hydrogen for Mobility, Europe & Africa chez Air Products). Mais il n’est évidemment pas question que le transport routier accapare toute cette production. « Cependant, l’analyse des facteurs qui poussent à utiliser l’hydrogène dans le transport routier me semblent plus mûre que pour d’autres secteurs », poursuit Caroline Stancell. C’est donc une véritable course contre la montre qui est engagée entre les futurs clients de l’hydrogène vert.

Air Products mise en tout cas beaucoup sur ce nouveau marché : le groupe américain investit pour l’instant 7 milliards de dollars en Arabie Saoudite pour créer le plus grand complexe de production d’hydrogène vert au monde, et il est loin d’être le seul. Ses grands rivaux dans le domaine des gaz industriels (Air Liquide et Linde), ainsi que tous les grands producteurs énergétiques (Total Energies, Shell…) s’y mettent également. Il est également rassurant de constater que la Belgique n’est pas à la traîne. Selon la Commission Européenne, les projets belges sont même parmi les plus matures d’Europe… mais ils sont de taille modeste à cause de la capacité de production du pays en énergies renouvelables. Citons entre autres le projet Hyoff wind à Zeebruges (en partenariat avec John Cockerill et Besix, 25 MW en 2023 et 100 MW en phase 2), HyPort Ostende (50 MW en 2025) et les quatre projets labellisés par la Wallonie (tous liés au secteur du transport). « Ces projets vont dans la bonne direction et ils prouvent non seulement que l’analyse belge est bonne mais aussi que nous sommes parfois en avance sur le reste du monde », conclut Roland Héquet. Un son de cloche qu’il est agréable d’entendre de temps en temps.

La course contre la montre est lancée pour avoir assez d’hydrogène vert en même temps que les premiers camions à hydrogène.

CLAUDE YVENS

LE NUANCIER DE L’HYDROGÈNE

• H2 gris : produit par reformage à partir d’énergies fossiles (gaz naturel, hydrocarbures, charbon) • H2 bleu : produit par reformage à partir d’énergies renouvelables (biomasse, biométhane) ou à partir d’énergies fossiles avec capture du carbone ou par électrolyse avec apport d’énergie nucléaire • H2 vert : produit par électrolyse avec un apport énergétique renouvelable.

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