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SHIPPER
Duvel Moortgat
Le groupe brassicole Duvel Moortgat s’est engagé à rendre ses transports plus durables. L’entreprise de Puurs mène une coopération florissante avec le terminal fluvial de Willebroek et a récemment établi une liaison ferroviaire avec l’Italie. Mais il est impensable de se passer du camion pour acheminer la bière aux clients assoiffés.
Cette année, 1700 conteneurs sont acheminés par barge vers Anvers, économisant au moins 160 tonnes de CO2.
Le groupe brassicole dispose d’une flotte modeste, la plupart des transports étant externalisés.
Derrière votre verre de Duvel se cache toute une chaîne de transport. Koen Van der Taelen, Chief Supply Chain & IT Officer chez Duvel Moortgat, et son collègue, Luk Renmans, Logistic Manager, partagent leur vision d’une logistique durable et efficace. Cette tâche est loin d’être une sinécure, car la bière doit sortir de l’entrepôt de 21 000 m² de Duvel Logistics (Ruisbroek) pour atteindre les quatre coins du monde, même en Chine.
TRIANGLE
Cette histoire se déroule dans le triangle dessiné entre Breendonk, où se trouve la brasserie Moortgat, le site logistique à Ruisbroek, et le terminal fluvial TCT à Willebroek, à sept kilomètres du site logistique. En optimisant ses processus de transport, Duvel Moortgat veut économiser du CO₂. Les barges jouent un rôle important à cet égard : les conteneurs sont expédiés de Willebroek vers le port d’Anvers, puis vers la Chine. ODTH agit en tant que partenaire pour le chargement des conteneurs, tandis que Herfürth et la compagnie maritime OOCL sont sollicitées pour l’expédition. « La première année, nous avons retiré 200 camions de la circulation. Cette année, dans des circonstances normales, 1700 conteneurs sont déjà acheminés par barge. Cette approche n’est désormais pas plus coûteuse que le transport routier. Jusqu’à présent, nous avons économisé au moins 160 tonnes de CO2 », déclare Van der Taelen. « Tout le mérite en revient à la responsable du terminal, Martine Hiel, de Hutchison Ports. Elle nous a accompagnés dès le début et a apporté des réponses aux questions que l’on se pose toujours au début d’un projet comme celui-là. »
UNE URGENCE ABSOLUE
À Ruisbroek, avec 10 millions de litres en caisses, fûts et bouteilles, la bière est un cas d’école logistique à part. La période entre Pâques et la Pentecôte est la plus chargée de l’année avec le soleil qui pointe le bout de son nez, le retour des terrasses, des jours fériés et des weekends prolongés. En raison des grandes vacances, la consommation baisse légèrement en juillet et août, mais reste toutefois à un niveau soutenu. « À l’approche de Pâques, après les années Covid compliquées que nous avons connues, notre personnel a vraiment pu ressentir l’urgence logistique », explique Van der Taelen. Une partie de l’entrepôt est utilisée comme salle de refermentation (n’oublions pas que la Duvel subit une seconde fermentation en bouteille). La pièce a une température constante de 23 °C et une humidité contrôlée. Du reconditionnement à petite échelle a aussi lieu dans un atelier intégré. « Cela reste un produit alimentaire », avance Renmans. « Nous avons donc ajouté aux contrats des annexes sur la sécurité alimentaire, les OEA et nos exigences de qualité. En cas de canicule, ou au contraire, s’il fait un froid de canard, nous ne préchargeons plus les camions. Il vaut mieux éviter que votre produit passe des nuits entières dans un camion chaud ou glacial en attendant d’être distribué. Sa qualité s’en verrait altérée. Pour l’export, des enregistreurs de température sont utilisés dans les conteneurs. Par conséquent, nous utilisons souvent des conteneurs réfrigérés sur certains itinéraires (par exemple, ceux qui traversent l’équateur). »
BESOINS PROPRES
La bière a ses propres besoins en matière de transport. « Ce n’est pas un poids plume », explique Renmans. « Il faut donc des camions capables de supporter de gros tonnages. La manutention des palettes est également très spécifi que. Dans nos entrepôts, on a presque toujours recours aux doubles fourches. En revanche, les charges sont
Koen Van der Taelen (à gauche) et Luk Renmans.
DISTRIBUTION
La brasserie n’approvisionne pas elle-même les cafés et restaurants ; cette tâche incombe aux distributeurs de l’horeca. « Les exploitants horeca préfèrent le confort d’une grande livraison hebdomadaire de tout ce dont ils ont besoin par le grossiste, plutôt que de se faire livrer par chaque fournisseur séparément », explique Renmans. En rachetant la brasserie De Koninck, Duvel Moortgat a mis la main sur le distributeur de boissons anversois De Valk. En principe, les diff érents produits de la famille Duvel Moortgat (outre Duvel, De Koninck, La Chouff e, Maredsous, Liefmans...) sont centralisés dans l’entrepôt de Puurs. La bière est également stockée dans les entrepôts voisins de Devos Lemmens (exploités par Castelein Logistics). La Belgique est approvisionnée depuis Ruisbroek. Dans plusieurs pays européens, comme l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et la France, Duvel Moortgat dispose d’entrepôts gérés par des tiers en collaboration avec un département local de son propre service client.
« Il manque un sentiment d’urgence concernant la durabilité dans le secteur des transports »
(Koen Van der Taelen)
relativement uniformes. Dans un entrepôt comme celui de Ruisbroek, nous avons environ 250 références. Par rapport à la distribution de matériaux de construction, par exemple, c’est très limité. Pour les transporteurs, le calcul est simple : une palette pleine de caisses de bière pèse une tonne, vous avez de la place pour 26 palettes, le camion est plein et la charge utile est pleinement utilisée. Grâce à ces dimensions uniformes, un tel camion est également rapidement déchargé. » Le groupe brassicole a déjà expérimenté le groupage, mais il n’y a pas beaucoup de marge pour des chargements supplémentaires et des escales. « Nous travaillons presque toujours avec des camions complets et livrons rarement plus de deux clients à la fois », explique Van der Taelen. Un TMS est donc loin d’être une nécessité. Dans la distribution, la donne est différente. Chez le grossiste De Valk, qui fait partie du groupe chargé des livraisons dans l’horeca (voir encadré), les itinéraires sont optimisés grâce au système TRACC.
UNE FLOTTE RÉDUITE
La flotte de l’entreprise se limite à sept véhicules, allant du petit camion à la semi-remorque. Ce sont principalement des DAF (et chez De Valk, des MAN), loués pour cinq à sept ans. La maintenance est également externalisée. C’est un choix conscient : « Nous sommes des brasseurs, pas des transporteurs », déclare Van der Taelen.
Renmans et Van der Taelen suivent de près l’évolution des carburants alternatifs. Sous leur forme actuelle, les camions électriques ne constituent pas encore une solution viable, compte tenu des volumes importants et des longues distances à parcourir. Depuis des années, cependant, l’entreprise mise sur le HVO, qui réduit les émissions de 90 %. Un choix assumé, même si le HVO reste considérablement plus cher que le diesel. Les deux compères croient également dans l’hydrogène, mais la technologie doit d’abord être développée davantage.
Pas moins de 10 millions de litres de bière sont stockés à Ruisbroek.
BESOIN DE DURABILITÉ
Le rail contribue également à rendre le transport plus durable. La nouvelle brasserie Duvel en Italie est approvisionnée par voie ferroviaire. « Dans les circonstances actuelles, avec les prix du carburant, il serait absurde de ne pas se tourner vers le rail pour le transport vers l’Italie », dit Renmans. « P&O est notre partenaire. La cargaison est uniforme et raisonnablement lourde, ce qui est idéal pour le rail. Nous visons trois à quatre chargements par semaine. » Koen Van der Taelen regrette toutefois l’absence d’un sentiment d’urgence concernant la durabilité dans le transport. « Il y a une grande sensibilisation à la multimodalité. Nous y travaillons depuis des années, via la navigation intérieure, le transport maritime à courte distance et le transport ferroviaire. Et ce n’est pas la mer à boire. Pourquoi les entreprises ne sont-elles pas plus nombreuses à prendre le train en marche ? L’urgence dans le monde des transports me manque. Nous croyons en la numérisation et en l’écologie, mais il faut beaucoup de temps avant que les technologies soient adoptées à grande échelle. Nos systèmes numériques sont déjà intégrés à ceux de certaines grandes chaînes de distribution, de boutiques en ligne et de 3PL. J’aimerais aussi plus d’intégration avec les transporteurs, tant pour les ordres de transport que pour l’administration. Pour les rapports et la recherche de gains d’efficacité, ce serait formidable. »
MICHIEL LEEN