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Interview • Bruno Arabian, directeur général de Ford Trucks France

Bruno Arabian

Directeur général de Ford Trucks France

« Notre objectif est de 5 % de PDM en 2025 sur les plus de 16 tonnes »

eMAG Transport : D’ici quelques semaines, cela fera un an que Ford Trucks est installé en France, quel premier bilan tirez-vous?

Bruno Arabian: Le lancement officiel de Ford Trucks en France était le 16 novembre 2021. Cela fait moins d’un an que l’aventure a commencé. Le bilan est très positif. Partant de zéro, nous avions une multitude de sujets, avec tout d’abord l’acceptation du produit par la clientèle française. De ce point de vue là, cela se passe plutôt bien. Le F-Max est apprécié par les transporteurs et les conducteurs. Par ailleurs, les retours en termes de consommation et de fiabilité sont très bons. Nous sommes donc très satisfaits. L’autre sujet était notre capacité à développer un réseau dans un délai rapide pour distribuer les véhicules, mais aussi pour les entretenir et les réparer le cas échéant. Et là aussi, nous avons avancé plus rapidement que prévu. Notre couverture sera nationale d’ici la fin de l’année en termes de distribution et de services.

eMT: Le défi est grand: débarquer dans un marché qui compte déjà 7 constructeurs historiques!

B. A: Le marché français est ouvert à la nouveauté. Quand on regarde les parts de marché entre acteurs, on peut constater que c’est relativement bien distribué. C’est un marché qui accepte un huitième constructeur et qui est capable d’intégrer une marque comme Ford Trucks. À fin juillet, nous sommes à 1 % de part de marché sur le tracteur, sachant que nous n’avons pour l’instant que du tracteur. Notre objectif déclaré est de 5 % de PDM en 2025 sur les plus de 16 tonnes. Nous avons immatriculé à fin août un peu plus de 270 véhicules en France. Avec notre réseau, au total 300 véhicules ont été livrés en France. Et nous pensons que les immatriculations vont sensiblement augmenter sur la période entre octobre et décembre. Nous avons comme clients aussi bien des petits et moyens transporteurs que de gros transporteurs. Notre réseau de distribution se concentre plutôt sur de petits transporteurs, mais des ventes ont été réalisées sur des flottes régionales et nationales.

eMT: Ford Trucks est-il confronté comme les autres constructeurs à des délais de livraison plus longs en raison des problèmes de productions dus aux tensions internationales?

B. A: Non. Nous restons sur des délais de trois mois. Pour une commande passée aujourd’hui, nous allons être sur une production en décembre. Dans l’ensemble, c’est un délai normal dans une situation normale. Ce délai relativement court est sans doute dû à une meilleure organisation industrielle. La production est concentrée sur une seule usine en Turquie, contrairement à certains concurrents. La dépendance du constructeur à des fournisseurs ukrainiens n’existait pas, cela a permis de ne pas avoir des ruptures sur certains produits. Les approvisionnements sont aussi massifiés avec les véhicules utilitaires, l’usine produisant tous les utilitaires Ford pour l’Europe, ce qui représente 500 000 véhicules en tout. En termes de capacité d’achats, cela a forcément joué. Il y a cependant des restrictions dans la chaîne logistique. Les véhicules sont fabriqués en Turquie et sont acheminés en France par la mer. On peut se prendre entre deux et trois semaines de délais supplémentaires, essentiellement liés à cette logistique maritime compliquée en ce moment.

eMT: Ford Trucks avait disparu dans les années 1980, c’est un retour en force en Europe, et donc en France. Il a fallu réinventer toute une marque et tout un réseau?

B. A: Il a fallu tout d’abord réinventer tout un produit, puisque les camions Ford qui étaient vendus dans les années 1980, comme le tracteur Ford Transcontinental, étaient plus de l’assemblage de plusieurs produits différents (moteur Cummins, boîte Füller, etc.).

Aujourd’hui, le véhicule est un produit 100 % Ford. Nous sommes sur un concept de produit européen, comme les autres constructeurs, avec un moteur Ford, une cabine Ford, un châssis Ford. Un véhicule conçu de A à Z et fabriqué entièrement par Ford (sauf la boîte de vitesses par ZF). Il y a eu cette réinvention au niveau du produit, mais aussi au niveau du réseau, et ce, dans toute l’Europe. Il n’y avait plus de réseau Ford poids lourd puisqu’il n’y avait plus de camions à distribuer.

eMT: Ford Trucks est impulsé par l’importateur F-Trucks France, dont les actionnaires sont trois des plus gros distributeurs de la marque automobile Ford (Maurin, DMD et Amplitude). ils ont en charge aussi la mise en place du réseau?

B. A: Le constructeur a choisi un mode original de distribution, car tous les autres constructeurs ont des filiales de commercialisation, alors que Ford a décidé de travailler avec des importateurs. Ce sont deux philosophies différentes. Les actionnaires sont en effet les plus gros distributeurs Ford automobile de France. Après, notre mission à nous, Ford Trucks France, est de créer le réseau de distribution et d’après-vente. Les actionnaires participent à ce réseau, puisque l’une des filiales de DMD, Ouest Trucks, est distributeur sur la partie Bretagne-Pays de la Loire. Un autre distributeur, Bourgogne Trucks, est sur la Bourgogne. Ensuite, nous nous sommes adressés à des distributeurs qui sont dans le poids lourd depuis des décennies et qui ont accepté de distribuer une seconde marque à leur portefeuille. Cela nous permet d’être très rapidement au contact des clients et d’être opérationnel dans un délai très court.

eMT: Vous ne craignez pas qu’être représenté dans plusieurs sites déjà « multimarqués » ne perturbe le client transporteur?

B. A: Non. Nous sommes sur des structures juridiques qui font partie de groupes qui distribuent d’autres marques de poids lourds, mais qui sont identifiés en Ford Trucks en termes de marque et d’équipes après-vente. Nous sommes sur deux réseaux bien distincts. Nous avons donc un réseau primaire avec des concessions au sens propre, ventes et services. Ces mêmes concessionnaires sont en train de développer un second réseau, cette fois d’agents-services. Ce réseau secondaire permettra de mailler le territoire français. Nous aurons à court terme un réseau capable de distribuer des véhicules de plus de 16 tonnes proches de celui de Scania, puisque nous sommes essentiellement sur le lourd.

eMT: La feuille de route concernant la transition énergétique passe aussi par l’électrique pour Ford Trucks?

B. A: Ford Trucks a présenté son premier porteur électrique à Hanovre. Nous annonçons une gamme à 50 % zéro émission en 2030 et totalement zéro émission en 2040, sachant que la marque est présente non seulement en Europe mais aussi sur d’autres continents : l’Afrique ou encore le Moyen-Orient. C’est un engagement fort, avec une transformation complète de la gamme et sur tous les marchés. Les technologies qui sont choisies comme l’électrique pure à batterie vont permettre d’arriver ensuite à l’hydrogène pour des moteurs à combustion ou pile à combustible. Des prototypes tournent déjà. Mais personne ne peut dire aujourd’hui comment les technologies vont évoluer et savoir quelle technologie prendra le pas sur une autre, bien que ce sera probablement une combinaison des deux.

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