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Focus • HVO, B100, quid de ces carburants non fossiles?
HVO, B100, quid de ces carburants non fossiles ?
Preuve que l’après-pétrole est engagé, c’est la surenchère parmi les carburants alternatifs aux produits pétroliers. HVO, B30, B100, éthanol, voire biométhane et hydrogène vert, tous ces carburants feront partie du panel énergétique. En attendant, ils font surtout la fortune des cabinets de lobbying et de communication, tout en installant une certaine cacophonie pour les utilisateurs : les transporteurs. Tentons de faire le point.
Parmi les carburants non fossiles, distinguons les produits gazeux (biométhane et hydrogène dit « vert ») des combustibles liquides. Les premiers exigent, forcément, des véhicules conçus pour ces énergies. Ils sont donc captifs de leur carburant et relèvent d’une autre technologie (soit le moteur à allumage commandé, soit de la pile à combustible). Les seconds peuvent, sous certaines conditions, s’adapter dès aujourd’hui au parc circulant. Il y a ici une exception : l’éthanol. Aujourd’hui, seul Scania poursuit sur ses camions la possibilité d’opter pour ce carburant à base d’alcool : l’ED95. Marginalisé, mais très bien vu du législateur en 2015 qui lui a accordé le bénéfice de la vignette Crit’Air 1, il ne semble pas promis, à ce stade, à un grand avenir commercial. Surtout, l’éthanol perd un argument face aux autres carburants liquides non fossiles qui offrent l’avantage de ne pas exiger de renouveler les véhicules moteur. C’est, assurément la voie la plus rapide et efficace pour libérer le transport de la dépendance aux énergies fossiles. Ce n’est, hélas, pas l’option retenue par l’Union européenne et la France, qui misent coûte que coûte sur les véhicules électriques (à batteries) ou électrifiés (avec la pile à combustible). Outre que cela va (pour reprendre une phrase célèbre) « coûter un pognon de dingue », cela va retarder la sortie du transport routier de sa dépendance aux énergies fossiles, et (accessoirement) mettre à terre toute une industrie automobile européenne déjà mal en point. Si l’enjeu est de sortir des énergies fossiles, les solutions existent et suscitent de féroces appétits commerciaux (il suffit de voir la concurrence entre Altens et Oleo100 par exemple), ce qui explique la bataille rangée entre lobbyistes qui se déroule sous nos yeux. Le dernier coup en date étant le passage entre les deux tours •••
de l’élection présidentielle du texte réglementaire accordant le bénéfice de la vignette Crit’Air 1 aux véhicules B100 exclusif. Ce qui a suscité immédiatement une contre-attaque devant la juridiction administrative de la part de Gaz’up, Primagaz et autres acteurs du GNV, qui y voyaient là une concurrence déloyale puisque le GNV était le seul, jusqu’alors, à profiter du sésame Crit’Air 1. Et voilà que le diesel bénéficiait de la même vignette grâce au B100 Exclusif.!
Flexible ou exclusif, le B100
Qu’est-ce que le B100 ? Très précisément, c’est un ester méthylique d’acide gras (EMAG, ou FAME en anglais) généralement issu d’une huile d’origine végétale. C’est donc un agrocarburant qui peut être dit de première ou de deuxième génération. La première génération est désormais exclue des règlements européens, car elle entre en concurrence avec les ressources alimentaires et conduit à une artificialisation accrue des sols, puisque pour produire plus, il faut cultiver davantage de surfaces. Aujourd’hui, toujours en raison de la directive européenne RED-II, la filière des EMAG s’oriente vers les agrocarburants de deuxième génération qui n’exploitent que les fibres et matières oléagineuses ne rentrant pas en concurrence avec l’alimentation. En fait, des EMAG, il y en a déjà dans le gazole distribué en France répondant à la norme EN 590. Cette incorporation, limitée à 7 % par l’Europe, est totalement transparente pour l’utilisateur. Passer à 30 %, et plus encore à 100 %, exige quelques adaptations. Plus que le système d’injection, ce sont surtout les dispositifs de filtration du combustible sur le circuit basse pression qui font l’objet d’éventuelles modifications. Le paramétrage moteur doit aussi être revu en conséquence pour tolérer ce type de carburants. Cela explique pourquoi, à l’heure actuelle, seuls MAN, Renault Trucks et Volvo Trucks, et dans une moindre mesure Scania, proposent des modèles compatibles B100. Autre effet induit par les EMAG, ils ont tendance à rincer l’huile moteur et à décoller les dépôts dans les réservoirs, ce qui explique les pas de maintenance plus stricts imposés par les constructeurs, notamment sur les vidanges d’huile moteur. On comprend également pourquoi des prestataires comme Oleo100 installent leurs cuves chez leurs clients. Cette précaution sert aussi à surveiller la rotation des approvisionnements, car le B100 a tendance à s’oxyder dans le temps. Maintenant, quelle est la différence entre B100 dit « flexible » et B100 dit « exclusif »? Elle est purement réglementaire! Techniquement, la différence est minime puisque cela revient surtout à ajouter un détecteur établissant le fonctionnement à 100 % en EMAG. MAN a retenu un spectromètre infrarouge fourni par l’équipementier français SP3H, tandis que Renault Trucks et Volvo Trucks ont recours à un détecteur dit « capacitif », qui mesure un courant lié à la présence d’atomes d’oxygène et donc à une concentration en oxygène différente entre le B100 et le B7. La méthode utilisée par MAN avec la FluidBox de l’équipementier français SP3H s’appuie sur une centaine de brevets. Il s’agit de la miniaturisation, apte à un usage embarqué, d’instruments de mesure par infrarouge (proche infrarouge pour être précis). Cette mesure en temps réel est bien connue de l’industrie pétrochimique. Concrètement, l’analyse correspond à un scan en continu de plus de 300 fréquences correspondantes à la structure moléculaire des composés des carburants, permettant ensuite de définir le type et la quantité de biocarburants quels qu’ils soient. On peut même en identifier l’origine et le procédé de fabrication. SP3H met en avant la robustesse et la fiabilité de son appareil, en regard des capteurs de mesure phy-
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sique qui analysent un seul paramètre. En outre, ce dernier n’est qu’indirectement lié au carburant: par exemple, par mesure d’un courant, d’un angle de réfraction ou d’une déviation d’une onde acoustique. Cela ouvre la voie à d’autres développements (des contacts auraient été pris par Scania). À l’usage, dans le cas d’un B100 exclusif, l’utilisateur doit impérativement ravitailler uniquement au B100, sans quoi le véhicule passe en mode dégradé avec limitation de la puissance, à l’image de ce qui se passe en roulage sans AdBlue. Un B100 exclusif se reconnaît sur son certificat d’immatriculation à la mention B1 au code Énergie. Ce sont uniquement ces modèles qui profitent de la vignette Crit’Air 1. Les autres camions fonctionnant au B100 flexible demeurent classés en Crit’Air 2, mais ils peuvent bénéficier de dispositifs de suramortissement fiscal.
HVO, quèsaco?
Le HVO fait partie de la famille des carburants paraffinique de synthèse. À ce titre, il s’apparente aux fameux xTL regroupant le BtL (biomass to liquid) – évidemment le plus intéressant en termes environnementaux –, le CtL (coal to liquid) et le GtL (gas to liquid). Ces fameux xTL reposent sur le procédé dit Fischer-Tropsch, né entre les deux guerres mondiales et industrialisé par l’Allemagne pendant la guerre de 1939-1945, puis par l’Afrique du Sud durant le boycott de ce pays par la communauté internationale. L’intérêt majeur des xTL réside dans le fait qu’il s’agit d’un gazole de synthèse chimiquement pur, donc sans aromatiques polycycliques ni soufre. En outre, les industriels comme Shell ou le Scandinave Neste ont pu doper l’indice de cétane du HVO pour le rendre encore plus efficient dans les moteurs diesel, favorisant l’inflammation du mélange et réduisant les effets de détonation. Bref, c’est le favori des motoristes et des laboratoires d’analyse qui, comme l’a fait l’Ademe, relèvent en outre un gain d’efficience des systèmes de dépollution (puisqu’ils sont moins saturés de suies). L’équipementier français SP3H travaillerait avec Mercedes-Benz Trucks France pour développer un système HVO exclusif. Alain Lunati, dirigeant de SP3H et ingénieur chimiste de formation, explique : « on comprend que 1 paramètre de mesure indirect versus 300 paramètres liés à la vibration des liaisons interatomes nous permet d’être ultra-performants, et notamment de mesurer le HVO là où les capteurs classiques ne le peuvent pas. Nous avons des systèmes qui tournent en Allemagne sur des programmes financés par le ministère de l’Industrie allemand et l’Europe, et dans lesquels SP3H fournit des boîtiers permettant la reconnaissance des e-carburants (PtL: power to liquid, issus notamment de la capture de CO2) qui deviendront disponibles dans les prochaines années, reposant sur la même technologie de reconnaissance de signature chimique ». Le groupe Daimler profiterait alors du précédent de jurisprudence du B100 pour créer le même bénéfice de la vignette Crit’Air 1 aux HVO exclusifs. Si l’on se place sur un strict plan de réduction (rapide) des émissions de CO2 et d’indépendance énergétique, la démarche est extrêmement pertinente et efficiente. La France a un démonstrateur industriel BioTfueL (référence à BtL), issu d’un programme de recherches associant l’IFP Énergies nouvelles, ThyssenKrupp, Axens, le groupe Avril (déjà présent sur les EMAG) et TotalEnergies. Le procédé BioTfuel est en fonctionnement à la raffinerie des Flandres pouvant produire du kérosène Jet A1 et du HVO biosourcés. Le HVO et le B100 ont un avantage environnemental en ce sens qu’ils sont sans danger pour l’environnement en cas d’écoulement accidentel ; ce sont toutefois des carburants, ce qui veut dire qu’il faut conserver les précautions d’usage vis-à-vis du risque d’incendie. Si le HVO est homologué par tous les constructeurs en série, et sans exception depuis Euro VI-D, une adaptation demeure indispensable au niveau des chauffages additionnels. Mais Eberspächer, Valeo-Spheros ou Webasto ont des kits permettant l’adaptation des brûleurs au HVO. La différence entre HVO et bioHVO sert à distinguer les HVO issus de matières recyclées ou renouvelables, lesquelles peuvent entrer parfois en concurrence avec la production des EMAG ou du biométhane. Et l’on comprend dès lors mieux les batailles que se livrent les lobbies.