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Interview • Dominique Stempfel, président du Syndicat des professionnels du pneu

Dominique Stempfel

Président du Syndicat des professionnels du pneu

eMAG Transport : Le pneumatique a un rôle important dans le véhicule industriel, utilitaire ou poids lourd?

Dominique Stempfel : Les pneumatiques représentent environ 2 % du coût d’exploitation d’un poids lourd, et ils sont responsables de 35 % de la consommation de carburant. On comprend facilement qu’un transporteur y soit attentif et qu’il mette en œuvre toutes les actions possibles pour réduire leur impact dans sa gestion. Les entreprises ont intégré ce poste dans leur démarche RSE, en encourageant leurs chauffeurs à consommer moins de carburant et à économiser leurs pneumatiques. C’est d’ailleurs pour mieux informer et aider à sélectionner le produit le plus efficient que le législateur a intégré les performances énergétiques sur les étiquettes qui figurent sur chaque pneumatique, en obligeant les revendeurs à fournir une information détaillée à l’acheteur préalablement à toute vente.

eMT: Sur le plan innovation, le pneu poids lourd n’a rien à envier à celui de l’automobile?

D. S.: On demande beaucoup à un pneu. Il doit transmettre les efforts d’accélération et de freinage, permettre de diriger le véhicule, amortir les inégalités de la route, absorber les chocs, porter la charge, limiter la consommation tout en résistant à l’usure. Qu’il soit destiné à une auto ou à un camion, c’est une véritable prouesse technologique. Concernant la mise en œuvre industrielle, même si « manufacturier de pneumatiques » est passé dans le langage courant, les interventions manuelles ont disparu et la robotisation s’est généralisée, permettant une extrême précision dans la fabrication pour l’adapter au mieux au véhicule à équiper et à son usage. À un degré différent selon les critères, un pneu poids lourd est aussi complexe qu’un pneu de voiture de sport, et les technologies évoluent en permanence, avec deux impératifs supplémentaires : pouvoir le recreuser et assurer sa rechapabilité. Ces deux impératifs répondent aux contraintes économiques du transporteur et à l’obligation que nous avons de préserver les matières premières non renouvelables de notre planète. Comparé à un pneu neuf, un pneu rechapé économise environ 70 % de caoutchouc.

eMT: Le pneu aussi est connecté aujourd’hui, avec une volonté de réduire la maintenance et donc les coûts?

D. S.: Dans les entreprises, la rotation rapide des stocks est un impératif économique, les consommateurs exigent des livraisons rapides et l’industrie a instauré le just-in-time. Une avarie sur la route qui immobilise un camion retarde une livraison, nuit à la qualité de service et impacte l’image de l’entreprise. Les transporteurs sont pour la plupart et depuis toujours très attentifs à l’état de leurs pneumatiques. Les fastidieuses opérations de contrôle sur parc sont progressivement remplacées par des matériels qui les automatisent. Par exemple, il est désormais possible de placer à l’entrée du parc un scanner qui mesure automatiquement la profondeur de creux de tous les pneus, permettant de déclencher au moment le plus opportun leur recreusage ou leur remplacement.

eMT: La connectivité permet aussi, et on l’oublie, de réduire les risques d’accident, elle a un rôle crucial de sécurité?

D. S.: Une mauvaise pression de gonflage augmente la consommation et accélère l’usure des pneus. Les TPMS ou SSPP permettent de faire un contrôle permanent et de refaire rapidement la remise à niveau. Et surtout, ils permettent de mettre en évidence une perte de pression et une élévation de la température liées à une crevaison

Depuis près d’un an président du Syndicat des professionnels du pneu, Dominique Stempfel a consacré une grande partie de sa carrière au secteur. De Dunlop à Allopneus, il a acquis une large expérience et a désormais une vision riche du marché du pneu voiture, mais aussi poids lourds et utilitaires. Il revient pour nous sur le partenariat de son syndicat avec la FFC et Solutrans.

lente non ressentie par le chauffeur, dont la conséquence est l’éclatement du pneu avec le risque de perte de contrôle et d’accident très grave. Cet équipement est essentiel pour la sécurité, et c’est un progrès considérable qui sauve des vies.

eMT: Quelles sont les principales nouveautés en matière de connectivité du pneu poids lourd?

D. S.: Certains pneus sont désormais dotés de puces RFID qui stockent des informations nécessaires à sa gestion. Le pneu de demain ira plus loin : il sera non seulement connecté, mais il sera communicant : une puce intégrée au niveau de la bande de roulement permettra d’analyser le profil de la route pour modifier les paramétrages de la suspension. Elle permettra également de détecter une dégradation des conditions d’adhérence, d’alerter le conducteur sur la présence de verglas par exemple, d’informer au travers de l’eCall 112 les véhicules circulant dans la zone ainsi que les organismes de gestion des routes.

eMT: Vous venez de vous associer à la Fédération française de carrosserie, l’objectif est d’être plus proche des acteurs de la filière du véhicule industriel?

D. S.: Les adhérents du Syndicat des professionnels du pneu commercialisent l’essentiel des pneus poids lourd vendus en France et assurent les services périphériques. Nous avons trouvé avec la Fédération française de carrosserie une multitude de sujets sur lesquels nous allons agir ensemble. En particulier, le recrutement de collaborateurs est une problématique commune, les métiers du poids lourd sont méconnus et ont à tort une mauvaise image. Nous devons expliquer que ce sont des métiers passionnants et que l’importance du transport routier dans l’économie en fait des métiers d’avenir, permettant de construire une carrière sur le long terme.

eMT: Solutrans 2021 accueille toute une zone dédiée au pneumatique. Cet espace sera présenté sous l’égide du SPP. Qui exposera concrètement?

D. S.: La FFC a pris la mesure de l’importance du pneu dans l’univers du transport et nous a confié la co-organisation de cet espace. Les manufacturiers de pneus poids lourd et les distributeurs majeurs seront tous présents, ainsi que des acteurs périphériques. Les visiteurs pourront donc avoir sur un seul lieu, sans avoir à parcourir tout le salon, une vision globale des offres de produits et de services disponibles sur le marché français.

eMT: Un espace conférences sera aussi consacré à 100 % au pneu, quelles seront les thématiques abordées?

D. S.: Il y a bien sûr des sujets récurrents dont l’importance mérite qu’on y revienne, comme la gestion du poste pneumatique et son optimisation. L’évolution de la réglementation avec la loi Montagne II rendant obligatoire l’utilisation d’équipement hiver, et le nouvel étiquetage doit être décrypté et expliqué. L’écologie sera également au programme avec le recyclage des pneumatiques usagés, tout comme les nouvelles technologies. Le recrutement et la formation seront traités avec le témoignage de femmes qui viendront expliquer que le pneu n’est pas qu’un univers masculin. Enfin, et c’est novateur, une conférence sera organisée à l’attention des chauffeurs avec un échange sur les services qui leur sont apportés par les acteurs du pneumatique. Pour nous aussi, Solutrans 2021 sera donc une édition exceptionnelle.

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