46
Interview
Dominique Stempfel Président du Syndicat des professionnels du pneu
eMAG Transport : Le pneumatique a un rôle important dans le véhicule industriel, utilitaire ou poids lourd ? Dominique Stempfel : Les pneumatiques représentent environ 2 % du coût d’exploitation d’un poids lourd, et ils sont responsables de 35 % de la consommation de carburant. On comprend facilement qu’un transporteur y soit attentif et qu’il mette en œuvre toutes les actions possibles pour réduire leur impact dans sa gestion. Les entreprises ont intégré ce poste dans leur démarche RSE, en encourageant leurs chauffeurs à consommer moins de carburant et à économiser leurs pneumatiques. C’est d’ailleurs pour mieux informer et aider à sélectionner le produit le plus efficient que le législateur a intégré les performances énergétiques sur les étiquettes qui figurent sur chaque pneumatique, en obligeant les revendeurs à fournir une information détaillée à l’acheteur préalablement à toute vente. eMT : Sur le plan innovation, le pneu poids lourd n’a rien à envier à celui de l’automobile ? D. S. : On demande beaucoup à un pneu. Il doit transmettre les efforts d’accélération et de freinage, permettre de diriger le véhicule, amortir les inégalités de la route, absorber les chocs, porter la charge, limiter la consommation tout en résistant à l’usure. Qu’il soit destiné à une auto ou à un camion, c’est une véritable prouesse technologique. Concernant la mise en œuvre industrielle, même si « manufacturier de pneumatiques » est passé dans le langage courant, les interventions manuelles ont disparu et la robotisation s’est généralisée, permettant une extrême précision dans la fabrication pour l’adapter au mieux au véhicule à équiper et à son usage. À un degré différent selon les critères, un pneu poids lourd est aussi complexe qu’un pneu de voiture de sport, et les technologies N°6 • 07/2021
évoluent en permanence, avec deux impératifs supplémentaires : pouvoir le recreuser et assurer sa rechapabilité. Ces deux impératifs répondent aux contraintes économiques du transporteur et à l’obligation que nous avons de préserver les matières premières non renouvelables de notre planète. Comparé à un pneu neuf, un pneu rechapé économise environ 70 % de caoutchouc. eMT : Le pneu aussi est connecté aujourd’hui, avec une volonté de réduire la maintenance et donc les coûts ? D. S. : Dans les entreprises, la rotation rapide des stocks est un impératif économique, les consommateurs exigent des livraisons rapides et l’industrie a instauré le just-in-time. Une avarie sur la route qui immobilise un camion retarde une livraison, nuit à la qualité de service et impacte l’image de l’entreprise. Les transporteurs sont pour la plupart et depuis toujours très attentifs à l’état de leurs pneumatiques. Les fastidieuses opérations de contrôle sur parc sont progressivement remplacées par des matériels qui les automatisent. Par exemple, il est désormais possible de placer à l’entrée du parc un scanner qui mesure automatiquement la profondeur de creux de tous les pneus, permettant de déclencher au moment le plus opportun leur recreusage ou leur remplacement. eMT : La connectivité permet aussi, et on l’oublie, de réduire les risques d’accident, elle a un rôle crucial de sécurité ? D. S. : Une mauvaise pression de gonflage augmente la consommation et accélère l’usure des pneus. Les TPMS ou SSPP permettent de faire un contrôle permanent et de refaire rapidement la remise à niveau. Et surtout, ils permettent de mettre en évidence une perte de pression et une élévation de la température liées à une crevaison