Supplément à Palazzi A Venezia Mai 2023

Page 11

Le plus grand Menu du Monde

Sarah Bernhardt au Petit Palais

Anahita Ghabaian Etehadieh

Bahram Hajou

Yannis Markantonakis

Louise Nevelson

Paul Sark

Cleopatra Thea Filopatra VII

Jean Iris Murdoch

Supplément au Palazzi A Venezia Mai 2023
cartierbresson
Photo

PALAZZI A VENEZIA

Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901

ISSN/Commission Paritaire : en cours

Distribution postale/digitale

Président

Directeur de la Publication

Vittorio E. Pisu

Comité de Rédaction

Marie-Amélie Anquetil

Arcibaldo de la Cruz

Vittorio E. Pisu

Rédactrice S’Arti Nostra

e Sardonia

Luisanna Napoli

Ange Gardien

Dolores Mancosu

Supplément à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Janviern 2023

Tous droits reservés

Projet Graphique Maquette et Mise en Page

L’Expérience du Futur

Correspondance

vittorio.e.pisu@free.fr

palazziavenezia@gmail.com

https://www.facebook.com/

Palazzi-A-Venezia

https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia

e ne résiste pas à l’envie de vous faire part des expositions que SARDONIA, notre consœur émérite avec qui nous partageons les moyens éditoriaux et les bureaux, organise inlassablement en Sardaigne (à peine 2 heures de vol de Paris à des prix concurrentiel avec Ryanair et EasyJet depuis Juin en septembre) outre Cagliari maintenant au Musée du Vin à Berchidda riante localité du Nord de cette ile merveilleuse, où depuis 37 ans sévis «Time in Jazz», festival musical organisé par Paolo Fresu, le trompettiste bien connu, et qui étend son offre avec Insulae Lab depuis l’année dernière, nous offrant l’opportunité de vous proposer une série de 7 exposition de mai à octobre. Voir le poster ci dessous.

Par contre nous continuons dans nos habitudes à l’Arrubiu Art Gallery Cafè de Oristano, charmante ville au centre ouest, capitale de la Vernaccia, vin délicieux s’il en est, en vous proposant une vingtaine de linoleographie de notre Rédacteur en Chef, qui avait recueilli l’invitation de Mattia Enna de baptiser le saint qui lui proposait à la cantonade.

Voilà donc jusqu’au 18 juin les images qui représentent la Sante que nous espérons suscitera des enthousiasmes grandissants, contre l’anorexie mentale et les régimes amaigrissants.

On vous attend.

evenue donc si non une nécessité, à tout le moins une mauvaise habitude, débordés que nous sommes par les initiatives, manifestations culturelles, expositions, performances poétiques, j’en passe et des meilleures, voilà le supplément de Palazzi A Venezia, de ce mois ci avec un petit retard.

Bien que nous aurions pu nous feindre d’une commémoration du cinquante-cinquième anniversaire du fatidique mois de Mai, que nous avons toujours considéré comme la pierre tombale de toute la créativité littéraire, cinématographique, picturale, sculpturales e même gastronomique qui s’était déployé pendant toutes les années ‘60, nous avons préféré, comme nous en avons l’habitude, vous entretenir plutôt de quelques personnages remarquables souvent mal connus, délaissé, et laissé dans un oublis coupable, qui d’ailleurs ne se rachète pas lorsque les farandoles les plus invraisemblables resurgissent périodiquement pour en ternir l’image qui même à distance de siècles, parait embarrasser les ego paternalistes qui ne s’en sont jamais remis. En ayant pris l’habitude, avec Sardonia, de résumer des personnages féminins qui souvent ne sont pas éloigné temporellement de nous mais systématiquement écartés de l’Histoire officielle, lorsqu’ils ou plutôt Elles ne sont pas systématiquement diminuées, calomniées, réduit à des caricatures, je me demande comment cela se fait-il que les média du monde entier n’exploitent pas ce filon tellement riche historiquement et feuillotinistiquement, d’autant plus que même l’actualité la plus brulante est animée par des femmes qui souvent risquent leurs vies pour simplement exister et vivre une vie meilleure.

En relatant l’histoire de la plus célèbre d’entre elles, je parle ici de Cléopâtre naturellement, je me suis étonné de l’apparente facilité avec la quelle ces personnages se déplaçaient d’un bout à l’autre du monde alors connu, avec une facilité qui nous faisait dire presque «Ryanair écarte toi» sans compter l’expressions de leur pouvoir sur les événements, les personne et presque la géographie elle même.

Ce qui ne change pas et heureusement, se sont les sentiments qui les animent et qui devraient être une leçon permanente pour nous qui les contemplons avec distance et de temps et d’espace. Plus prêt de nous Jean Iris Murdoch nous interpelle dans un moment où on ne sait plus distinguer les bons des méchants et même la production cinématographique s’adapte à un monde de plus en plus gris ou «tainted» comme l’on dis aux Etats Unis. Je vous laisse tout loisir de lire à propos de Sarah Bernhardt. Mais pour faire figure d’équité, nous vous présentons cette fois ci dans le center fold que nous aimons tant, une photographies de Paul Sark, personnage polyvalent et talentueux, avec quelques pages de texte explicatif mais ne perdez pas patience bientôt nous vous relaterons d’autres aventures mais que vous pouvez d’ores et déjà voir vimeo.com/channels/paulsark. Nous n’avons pas résisté à l’envie de vous parler de gastronomie d’une manière peut-être un peu différente dell’usuelle en vous proposant «Le plus Grand Menu du Monde», excusez du peu et une visite culturalo, physico, évolutionniste dans nos assiette en espérant que vous regarderez désormais d’un œil différent même le plus simple de nos mets.

Last but not least nous nous permettons avec orgueil de vous faire part de nos initiatives telles les expositions que nous organisons outre que à Cagliari, dans d’autre ville de la Sardaigne où les manifestations culturelles ne manquent pas.

L’année dernière nous avions un projet ambitieux qui était d’inviter quatre artistes française ou résidentes en France à venir exposer leurs œuvres dans un Hôtel moderne et vraiment très agréable (calalunahotel.com pour ne pas le nommer ) situé sur la cote est de la Sardaigne, dans un endroit particulièrement suggestif, mais qui n’a pas pu se réaliser pour des nombreuse raisons contingentes dont certaines liées au refus de se plier au diktats générés par la permanence du covid-19 et des obligations sanitaires correspondantes.

Nous avions déjà commencé en 2016 en invitant Camille Revel, puis l’année suivante Sophie Sainrapt, avec un grand succès de publique et de critique.(vimeo.com/channels/cagliarijetaime)

La joie des artistes voyant la ville entière tapissée des affiches de leurs expos était patente et la notre aussi, nous voudrions continuer dans l’expérience soit en concomitance avec le festival Time in Jazz, soit à Oristano où une nouvelle structure est en train de se mettre en place en tant que résidence d’artiste et lieux d’exposition, a bon entendeur... Bonne lecture. Vittorio E. Pisu

ans « Le plus grand menu du monde. Histoires naturelles dans nos assiettes» (Fayard), le biophysicien et écrivain Bill François propose, grâce aux récentes découvertes en matière de génétique et d’évolution, un voyage passionnant dans l’origine de certains de nos plats quotidiens : fraises, chocolat, fromage…

Bill François est biophysicien, naturaliste et écrivain. Son truc, dans la vie, c’est de faire découvrir à son public et ses lecteurs les faces cachées de la nature et notre lien aux animaux et végétaux qui nous entourent. Comme il l’a fait dans un spectacle, qui mêlait humour éloquence, et dont Marianne a rendu compte. Son thème de prédilection est le monde marin : son précédent livre, Éloquence de la sardine : Incroyables histoires du monde sous-marin (Fayard), a été traduit dans 17 langues.

Son dernier ouvrage, «Le plus grand menu du monde. Histoires naturelles dans nos assiettes» (Fayard), donne à voir la même méthode, mais cette fois à l’occasion d’un

appétissant voyage historique.

Désolé pour la métaphore culinaire téléphonée, mais on est en plein dedans : Bill François utilise « les découvertes récentes en matière de génétique et d’évolution » qui « nous permettent d’en savoir chaque jour plus sur les origines oubliées de nos repas, ce qui est passionnant à la fois d’un point de vue naturaliste et d’un point de vue culinaire».

De l’origine du chocolat, à celle du fromage et de la laitue, en passant par l’histoire des chiens tournebroches…

Etienne Campion : Le chocolat est apparu, nous racontez-vous, grâce à de gros mastodontes préhistoriques…

Bill François : N’en déplaise au lapin de Pâques, c’est aux gomphothères que nous devons tous nos chocolats.

Ces éléphants géants aux allures de mammouths peuplaient l’Amérique du Sud avant l’ère glaciaire, et le cacaoyer a développé grâce à eux ses fruits immenses, les cabosses, et leurs grosses graines, les

fameuses fèves de cacao. Il s’agit d’un exemple de coévolution : l’arbre et l’animal ont lié leurs destins, évoluant ensemble. Le cacaoyer a développé des fruits énormes pour nourrir la bête, en échange de la dispersion de ses graines. Un partenariat gagnant-gagnant.

« Les humains ont alors pris le relais des gomphothères disparus, pour multiplier le cacaoyer. »

Mais lorsque les gomphothères ont disparu après l’ère glaciaire, le cacaoyer s’est retrouvé fort dépourvu. Privé de l’unique animal capable de disperser ses graines, il était condamné à la disparition.

Tous les grands animaux avaient disparu du continent sud-américain – aujourd’hui, les plus grands mammifères qui peuplent l’Amérique du Sud sont les tapirs, de la taille d’un poney.

Le cacaoyer s’est donc retrouvé seul avec de gros fruits inutiles, sans aucune aide pour planter ses graines.

Il a alors commencé à régresser, et il n’en restait plus que quelques-uns dans

les jungles de l’actuel Équateur, lorsqu’il y a environ cinq millénaires, des humains ont commencé à le domestiquer…

Les humains ont alors pris le relais des gomphothères disparus pour multiplier le cacaoyer. Et notre amour du chocolat a permis de sauver l’espèce !

Et qu’était-ce donc que ces chiens tournebroches qui étaient, racontez-vous, les ancêtres des teckels ?

Du Moyen-Âge au début du XXe siècle, les viandes rôties d’Europe étaient généralement cuisinées par des chiens. Bien sûr, les toutous n’étaient pas aux fourneaux comme le rat Rémy dans le film Ratatouille… mais ils étaient responsables de la cuisson, chargés de courir dans des roues pour actionner la rotation des broches afin de griller uniformément volailles et autres méchouis.

Une race spécifique de chiens, les chiens tournebroches, a été développée dans ce but.

Chiens tournebroches, mouches alcooliques

inventrices du fromage :

Bill François raconte nos assiettes

Entretien

Propos recueillis

Les tournebroches avaient un dur labeur, condamnés à travailler de longues heures dans une chaleur accablante et nargués par d’alléchantes mais inaccessibles odeurs de grillades.

Selon les naturalistes du XVIIIe siècle qui les ont décrits et étudiés, ils avaient le tournis en permanence, d’où leur nom latin de Canis vertigus, littéralement « le chien qui a le vertige ». Face à leur terrible condition, ces chiens faisaient preuve de solidarité et lorsqu’ils étaient plusieurs dans une même maison, ils travaillaient spontanément à tour de rôle.

Le sort de ces animaux finit par émouvoir la bourgeoisie au XIXe siècle, et c’est pour eux que furent fondées les premières sociétés de protection des animaux. Mais c’est l’avènement des tournebroches automatiques qui mit définitivement au chômage technique nos pauvres roquets cuisiniers. Devenue obsolète face à la machine, la race disparut peu à peu.

Aujourd’hui, cette race canine, qui fut pourtant une des plus répandues, n’existe plus. Mais au fil des croisements, les chiens tournebroches ont transmis leurs gènes à plusieurs races de chiens actuelles. (suit p. 4)

3 VENEZIA
PALAZZI

(suit de la page 3)

Ils sont notamment les ancêtres des variétés allongées et courtes sur pattes comme les fameux corgis et autres teckels.

Ironiquement, les chiens tournebroches ont donc engendré… les chiens saucisses!

Quelle est l’histoire de la laitue ?

La laitue sauvage, Lactuca serriola, dont sont issues nos laitues et autres scaroles cultivées, ne jouait pas à l’origine son rôle actuel de salade ; c’était plutôt une plante de sorcières !

Si l’on distille le suc de ce végétal (ne le faites pas chez vous), on obtient une préparation, la thridace, que les alchimistes et autres enchanteurs utilisaient dans leurs potions. La substance possède en effet de forts effets psychotropes. C’était même elle qui donnait aux sorcières l’illusion de voler, lors des sabbats.

« La cuisine reste une formidable porte d’entrée pour ouvrir les yeux sur des espèces étonnantes aux existences insoupçonnées, qui s’invitent chaque jour à notre table sans qu’on les remarque ! »

Parmi les plantes et animaux que l’on consomme aujourd’hui, beaucoup d’espèces étaient, à l’origine, domestiquées dans une tout autre optique que celle de les manger.

Le poulet par exemple était un animal sacré, un messager de l’au-delà qui permettait de lire l’avenir !

L’aspect alimentaire n’est qu’un pan restreint des interactions que l’humain peut avoir avec le reste du vivant. Il existe bien d’autres relations possibles avec la nature: spirituelles, récréatives, artistiques, sportives, etc.

Mais de nos jours, l’usage alimentaire est bien souvent le seul qui persiste.

C’est regrettable, car nos liens au monde vivant en sont d’autant plus appauvris.

Mais la cuisine reste une formidable porte d’entrée pour ouvrir les yeux sur des espèces étonnantes aux existences insoupçonnées, qui s’invitent chaque jour à notre table sans qu’on les remarque !

Comme vous l’expliquez,

c’est un poisson et une plante qui firent la richesse de la Hollande…

À force de séparer « nature » et « culture » dans la philosophie occidentale, on interprète souvent l’histoire comme un ensemble de phénomènes uniquement culturels, alors que la nature et les interactions entre espèces sont souvent le moteur de nos évolutions historiques.

Le destin de l’empire hollandais en est un exemple. À la fin du Moyen-Âge, la Hollande a tiré de sa richesse de l’abondance des harengs en mer du Nord. Grâce aux revenus assurés par le commerce de ce poisson, le pays devint ensuite une puissance coloniale qui prit son essor avec le négoce des épices, en particulier de la noix de muscade, une plante sur laquelle ils avaient le monopole absolu, contrôlant toutes les îles où elle poussait, dans l’archipel des Moluques.

Ce sont donc un poisson et une plante qui firent la richesse de la Hollande. Et c’est un oiseau qui en fit la ruine.

En effet, des pigeons locaux,

en consommant les noix de muscade et en rejetant leurs graines par les voies naturelles, les disséminèrent loin des îles contrôlées par les Hollandais.

Grâce à eux, un aventurier français nommé Pierre Poivre parvint à mettre la main sur des noix de muscade, brisant le monopole… un drame économique pour l’empire néerlandais ! L’aventure maritime de Pierre Poivre en quête de la muscade est pleine de péripéties, digne d’un roman de Jules Verne, mais il ne faut pas oublier que les vrais héros de cette histoire, ce sont des plantes et des pigeons !

C’est Amédée François Frézier qui aurait ramené le fraisier en France… Une vieille légende raconte que son patronyme est lié au fruit depuis le Xe siècle.

La fraise telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existait pas avant le milieu du XVIIIe siècle. En Europe et en Amérique du Nord existaient des fraisiers aux fruits rouges, délicieux mais minuscules, tandis qu’en Amérique du Sud poussaient des fraisiers

aux fruits blancs, énormes mais assez insipides. Pour qu’apparaissent nos fraises actuelles, à la fois savoureuses et volumineuses, il a fallu que ces deux sortes de fraisiers, vivant dans deux hémisphères différents, se rencontrent et s’hybrident. Et c’est Amédée François Frézier, un espion français, qui a permis une telle rencontre.

Cet officier était en mission d’espionnage des fortifications espagnoles au Chili, lorsqu’il découvrit les grosses fraises « blanches du Chili ». Or, on racontait dans sa famille que le nom de Frézier provenait d’un illustre ancêtre qui avait, au Xe siècle, offert un panier de fraises des bois au roi de France. Frézier décida donc d’ajouter lui aussi des fraises au blason de sa lignée, en apportant en France les premières fraises du Chili, et en les offrant au roi Louis XIV.

Les fraisiers du Chili ne se plaisaient pas à Paris, donc ils furent vite envoyés au jardin botanique de Brest pour s’y refaire une santé… et c’est là qu’un pied mâle de fraisier du Chili rencontra un pied femelle de frai-

Photo agraria.org
PALAZZI 4 VENEZIA

sier de Virginie introduit d’Amérique du Nord par Jacques Cartier.

Les deux plantes, pourtant à des milliers de kilomètres de leurs continents natals respectifs, se reproduisirent et donnèrent la toute première fraise moderne.

Lorsque les botanistes de l’époque analysèrent ce fruit né en Bretagne, ils le nommèrent Fragaria ananassa, la fraise ananas, car elle leur semblait aussi incroyable et exotique qu’un ananas ! Nos aliments quotidiens, même ceux qui semblent les plus banals, proviennent souvent d’incroyables voyages et de hasards presque miraculeux. Vous racontez aussi que les mouches ont… inventé le fromage !

C’est même une mouche, une seule petite mouche, qui a inventé tous nos fromages !

Et là encore, il s’agit d’un hasard étonnant.

Il y a 5 500 ans, le fromage n’existait pas.

Homo sapiens avait beau faire fermenter le lait de toutes sortes d’animaux, la préparation qui en résultait n’était guère appétissante.

Et pour cause, les levures alors présentes dans le lait lui donnaient un mauvais goût au moment où il fermentait.

Mais un jour, une mouche tomba dans un seau, et tout changea.

Il faut savoir que les mouches sont des ivrognes volantes. Elles boivent de l’alcool en permanence pour combattre leurs maladies, et pour cela, elles étanchent leur soif dans des fruits fermentés.

Avec le jus alcoolisé, elles absorbent également les levures responsables de la fermentation du fruit, et ces levures vivent ensuite à l’intérieur de l’organisme des mouches.

Lorsqu’une mouche est tombée dans le seau de lait

il y a 5 500 ans, les levures qu’elle portait en elle se sont hybridées avec celles présentes dans le lait, et de cette union est apparue une nouvelle souche de levure, hybride, qui donnait bon goût au lait fermenté !

Le fromage était né. Mais le véritable miracle dans cette histoire est que les humains, le jour où ils ont retrouvé une mouche dans leur seau de lait, ne l’aient pas jeté

mais aient au contraire goûté, trouvé ça bon, et perpétué cette souche de levure en ensemençant du lait avec la préparation fermentée. Si l’on sait aujourd’hui retracer cette étrange histoire, c’est qu’elle est écrite dans l’ADN des mouches drosophiles, des levures qui font fermenter les fruits, et de celles qu’on retrouve dans nos fromages! Les généticiens ont su estimer, en tenant compte de la vitesse d’évolution de l’ADN, que l’événement d’hybridation des deux sortes de levures a eu lieu il y a 5 500 ans… la même époque à laquelle remontent les premières traces archéologiques de fromages. Les découvertes récentes en matière de génétique et d’évolution nous permettent d’en savoir chaque jour plus sur les origines oubliées de nos repas, ce qui est passionnant à la fois d’un point de vue naturaliste et d’un point de vue culinaire.

Bill François, Le plus grand menu du monde. Histoires naturelles dans nos assiettes Fayard, 267 pages, 19,50 €

SARAH BERNHARDT AU PETIT PALAIS

lle a été à la fois comédienne pour le théâtre et entrepreneuse sans peur au service de la culture pour tous. Elle a aussi été l’une des plus grandes célébrités de son temps.

À l’occasion du centenaire de la mort de « la Divine », le Petit Palais, à Paris, lui rend un superbe hommage.

Tout à la fois vaste et intime. Et si on commençait par évacuer l’incontournable liste de qualificatifs, histoire de déblayer le terrain ?

Oui, Sarah Bernhardt (18441923) aura été une femme libre, obstinée, surdouée, charismatique, orgueilleuse, fantasque, romantique, audacieuse, engagée, philanthrope, indomptable, infatigable et visionnaire ; et même géniale, sans aucun doute ; et même « Divine », puisque le grand Hugo lui-même l’a dit et écrit. N’en jetez plus, Madame est habillée pour l’hiver – et pour l’éternité.

À propos du « monstre sacré » (Cocteau a inventé le terme pour elle) du théâtre français, l’enthousiasmante exposition que lui consacre le Petit Palais, à Paris, va même un cran plus loin en l’assurant, à travers un sous-titre qu’on se permettra de trouver un tantinet blingbling (Et la femme créa la star !) : Sarah Bernhardt a tout fait avant tout le monde, jusqu’à tutoyer les étoiles.

« Et quelle façon elle a d’être légendaire et moderne ! », s’exclamait déjà Edmond Rostand du vivant de l’icône. Est-ce à dire que tout a déjà été énoncé à son sujet, à grand renfort de superlatifs indépassables ?

Le mythe Sarah Bernhardt serait-il si puissant, si éblouissant, qu’il serait plus prudent de l’observer de loin, avec des lunettes de protection ? Eh bien précisément, pas du tout ! Et c’est justement la raison d’être (et même l’âme) de cette incontournable rétrospective muséale : prendre le temps d’aller regarder derrière l’image déifiée.

Tenter de s’approcher intimement de cette femme certes hors normes, mais humaine –et parfois seule, et assez souvent souffrante, inquiète, en proie à toutes sortes de doutes et de tourments (amoureux, amicaux, financiers…).

Envisager la comédienne et la femme autrement, de manière plus complète, plus fine : voilà très exactement ce que permet la flânerie prolongée entre les 400 œuvres et objets person-

PALAZZI 5 VENEZIA
Photo DeAgostini/Getty Images

nels que les commissaires de l’exposition, dont on devine la passion gourmande et appliquée, ont mis plus de cinq années à rassembler.

Pour ce qui est de l’approche de la vérité, les choses démarrent pourtant plutôt mal dans une première salle qui pose un voile pudique (ou faux-cul ?) sur les sinistres années qui virent la mère de la jeune Sarah la forcer, comme ses sœurs, à se laisser tripoter par de vieux messieurs ventrus aux poches bien pleines. L’Histoire fait semblant de ne pas voir le glauque de la prostitution en appelant « demi-mondaines » ces femmes qui n’avaient pas d’autre choix que de courber l’échine. Ce que fit donc Sarah (dégoûtée, révoltée). Mais pas longtemps, juste le temps de se faire une petite place au soleil du théâtre. Avec des rôles mineurs, des échecs, des claques. Pas de quoi la décourager : elle y retournerait « quand même », deux mots prononcés les dents serrées, puis devenus sa devise, à la vie à la mort.

Passée cette gêne initiale s’agissant de sa prime jeunesse, le reste de la visite au Petit Palais est un enchantement pour qui aime ce siècle brûlant que fut le 19e, notamment du côté des arts et de la création. De son premier triomphe dans Ruy Blas (en 1872) à ses apothéoses (Phèdre, La Tosca, La Dame aux camélias), de ses rares apparitions au cinéma (muet) à ses tournées triomphales aux États-Unis, on a le sentiment d’être au plus près d’une artiste totale à qui rien, jamais, n’aura été donné facilement. Pendant que les tableaux de commande dessinent sa légende et son goût pour le beau (intérieurs cossus et exotiques, velours et coussins luxueux, ainsi dans le génial portrait alangui que réalise son ami Georges Clairin en 1876), des dizaines de photographies jamais rassemblées nous la montrent nettement plus proche, voire friable. Tour à tour rêveuse, inquiète ou fatiguée.

On la regarde les yeux dans les yeux – qui sont parfois clairs, comme dans ses portraits par Nadar (très tôt, dès 1859), parfois plus sombres, comme dans ceux d’Eugène Disderi. On découvre aussi, presque à portée de main, la beauté de ses effets personnels, de ce sublime collet en fourrure d’agneau de Mongolie à ce

tout aussi séduisant éventail en taffetas de soie crème et plumes blanches.

Dans d’autres vitrines, ses costumes de scènes, ses parures de bijoux, ses accessoires.

Et même des éléments de son mobilier parisien, discrètement siglés de ses initiales. Quel luxe, quel raffinement.

À la suivre comme ça, année après année, en représentation ou dans l’intimité, on a presque le sentiment de pouvoir lui parler.

De l’entendre rire devant les têtes de mort que lui offrent Victor Hugo et Pierre Loti (ils ont l’humour noir et le sens du morbide en commun), ou rire encore lorsqu’elle entre dans son futur cercueil capitonné de satin blanc (objet fétiche de son vaste salon, boulevard Pereire à Paris) pour y faire une petite sieste réparatrice.

De l’entendre pester, aussi, quand les pièces qu’elle produit dans les théâtres qu’elle loue à prix d’or ou qu’elle achète à crédit ne remportent pas le succès escompté.

La scénographie elle-même, douce et tranquille (bravo Véronique Dollfus), fait tout pour nous faire sentir de cet autre temps, de cet autre siècle où l’on pouvait passer trois

heures au salon ou au boudoir, à se parler en s’écoutant vraiment.

Un art dans lequel excellait cet esprit féminin follement éprise des autres – et de l’art, et de la vie. Proust, Mucha, Nadar, Clairin, Rostand, Loti (liste incomplète…) n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour elle, et on comprend pourquoi. Par Emmanuel Tellier

Sarah Bernhardt, Et la femme créa la star jusqu’au 27 août 2023, au Petit Palais, 75008 Paris.

Superbe catalogue aux éditions Paris Musées, sous la direction de Stéphanie Cantarutti et Cécilie Champy-Vinas, 256 pages, 250 illustrations, 39 euros.

Un très prometteur programme de conférences autour de l’exposition est également proposé dans l’auditorium du Petit Palais, d’avril à fin juin. Informations sur www.petitpalais.paris.fr/

ée le 22 octobre 1844 à Paris et morte le 26 mars 1923 à Paris 17e, Sarah Bernhardt née Henriette Rosine Bernard, est une actrice, peintre et sculptrice française. Elle est considérée comme une des plus importantes actrices françaises du xixe et du début du xxe siècle.

Appelée par Victor Hugo « la Voix d’or », mais aussi par d’autres « la Divine » ou encore « l’Impératrice du théâtre », elle est considérée comme une des plus grandes tragédiennes françaises du xixe siècle.

Première « étoile » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents, Jean Cocteau inventant pour elle l’expression de « monstre sacré ».

Sarah Bernhardt et sa mère. La mère de Sarah, Judith-Julie Bernhardta (1821-1876), modiste sans le sou et fille d’un marchand de spectacles néerlandais itinérant, était une courtisane[réf. nécessaire] parisienne juive originaire de Hollande, connue sous le nom de « Youle » (diminutif de Youlie, prononciation allemande de Julie).

Photo miasonsolide
6 VENEZIA
Photo napoleonsamony
PALAZZI

On a longtemps ignoré qui était son père6, Sarah ayant toujours gardé le silence sur son identité. Les noms d’Édouard Bernhardt1 ou de Paul Morel, officier de marine, étaient les plus couramment proposés7.

Grâce à de nouvelles recherches, on connaît désormais le nom du père, Édouard Viel, un notable du Havre, qui a fait de la prison pour malversations financières8.

Du fait de la destruction des archives de l’état civil, la date de naissance de Sarah Bernhardt a longtemps été incertaine et débattue.

Si ses biographes donnaient habituellement les dates 22 ou 23 octobre 184410, certains proposaient juillet ou septembre 1844, voire 1843 ou même 1841.

En outre, pour faciliter les démarches d’obtention de la Légion d’honneur et prouver la nationalité française de l’actrice, un acte de naissance rétrospectif était établi par décision de justice le 23 janvier 19141, sur base d’un certificat de baptême produit par Sarah Bernhardt, bien que la falsification de celui-ci n’ait trompé personne, y compris les magistrats.

Le document est ainsi daté du 25 septembre 1844 et affecté

aux registres du 15e arrondissement.

De même, le lieu de sa naissance n’était pas plus sûrement établi : une plaque mentionnant sa naissance (le 25 octobre 1844) est apposée au 5, rue de l’École-de-Médecine (ancien 11e), on évoque également la rue Saint-Honoré — au 32 ou au 265 — ou encore le 22, rue de La Michodière (2e).

Les recherches d’Hélène-Claire Richard indiquent qu’elle est née chez la sage femme Charlotte Clémence Collé, au 5 de la place de l’École-de-Médecine, disparue vers la fin du xixe siècle lors de la construction de l’École pratique de médecine8.

Ses prénoms — Sara Marie Henriette selon l’état civil reconstitué — sont également parfois présentés dans un ordre différent selon les sources, certaines indiquant « Henriette-Marie-Sarah » ou encore « Henriette-Rosine (Bernard)», suivant le nom qu’elle avait donné lors de son inscription au Conservatoire, « Rosine (dite Sarah) ».

Une certaine inclination de l’actrice à l’affabulation concernant sa vie n’a pas aidé à démêler l’écheveau.

Par chance, après la mort du père de Sarah, la mère, espé-

rant un héritage, demande une copie de l’extrait de naissance (datant de 1857, soit avant l’incendie de l’Hôtel de ville)

Ce document établit de manière définitive la naissance de l’actrice au 22 octobre 1844.

Sarah Bernhardt eut au moins trois sœurs et souffrit en particulier longtemps de la préférence de sa mère pour sa jeune sœur Jeanne-Rosine, également comédienne.

Délaissée par Youle qui choisit la vie mondaine à Paris, elle passe une petite enfance solitaire chez une nourrice à Quimperlé où elle ne parle que le breton, puis en 1853 au couvent du Grand-Champs à Versailles, où elle étudie jusque 1858.

Elle y devient mystique catholique. Elle y joue son premier rôle, un ange dans un spectacle religieux. Elle y organise sa conversion à la religion catholique, reçoit le baptême chrétien en 1857 et envisage de devenir religieusec.

C’est alors que son nom aurait été francisé en « Bernard » et qu’elle quitte vers 14 ans la vie monacale et passe le concours du Conservatoire où elle est reçue.

« Tout le monde m’avait donné des conseils. Personne ne m’avait donné un conseil.

On n’avait pas songé à me prendre un professeur pour me préparer ».

Elle prend aussi des leçons d’escrime, dont elle tirera profit dans ses rôles masculins comme Hamlet.

Elle entre en 1859 au Conservatoire d’art dramatique de Paris sur la recommandation du duc de Morny dans la classe de Jean-Baptiste Provost.

Sortie en 1862 avec un second prix de comédie, elle entre à la Comédie-Française mais en est renvoyée en 1866 pour avoir giflé une sociétaire, Mlle Nathalie, celle-ci ayant ellemême violemment bousculé sa sœur qui avait marché sur sa traîne.

À cette époque, la police des mœurs compte Sarah parmi 415 « dames galantes » soupçonnées de prostitution clandestine.

Elle signe un contrat avec l’Odéon.

Elle y est révélée en jouant Le Passant de François Coppée en 1869.

En 1870, pendant le siège de Paris, elle transforme le théâtre en hôpital militaire et y soigne le futur maréchal Foch qu’elle retrouvera quarante-cinq ans plus tard sur le front de la Meuse, pendant la Première Guerre mondiale.

Elle triomphe dans le rôle de la Reine de Ruy Blas en 1872, ce qui la fait surnommer la « Voix d’or » par l’auteur de la pièce, Victor Hugo, à l’occasion d’un banquet organisé pour la centième représentation.

Ce succès lui vaut d’être rappelée par la Comédie-Française dont elle est nommée sociétaire en 1875 ; elle y joue dans Phèdre en 1874 et dans Hernani en 1877.

Avec le succès, les surnoms élogieux se multiplieront : « la Divine», l’« Impératrice du théâtre »…

En 1880, elle démissionne avec éclat du « Français », devant lui payer cent mille francs-or en dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat. Elle crée sa propre compagnie avec laquelle elle part jouer et faire fortune à l’étranger jusqu’en 1917.

Première « star » internationale, elle est la première comédienne à avoir fait des tournées triomphales sur les cinq continents, Jean Cocteau inventant pour elle l’expression de « monstre sacré ».

Dès 1881, à l’occasion d’une tournée de Bernhardt en Russie, Anton Tchekhov, alors chroniqueur au journal moscovite «Le Spectateur», décrit malicieusement(suit page 8)

PALAZZI 7 VENEZIA

(suit de la page 7)

« celle qui a visité les deux pôles, qui de sa traîne a balayé de long en large les cinq continents, qui a traversé les océans, qui plus d’une fois s’est élevée jusqu’aux cieux », brocarde l’hystérie des journalistes « qui ne boivent plus, ne mangent plus mais courent» après celle qui est devenue «une idée fixe [sic] ».

Elle interprète à plusieurs reprises des rôles d’homme (Hamlet, Pelléas), inspirant à Edmond Rostand sa pièce

L’Aiglon en 1900. Elle se produit à Londres, à Copenhague, aux États-Unis (1880-1881)

où elle affrète un train Pullman pour sa troupe et ses 8 tonnes de malles, au Pérou (1886) où tous les billets pour ses représentations se vendent en 48 heures, au Chili (1886), dont elle critique les habitants30 et en Russie, notamment au théâtre Michel de Saint-Pétersbourg (en 1881, 1892 et 1908).

Son lyrisme et sa diction emphatique enthousiasment tous les publics. Afin de promouvoir son spectacle, elle rencontre Thomas Edison à New York et y enregistre sur cylindre une lecture de Phèdre24.

Elle devient l’un des très rares artistes français à avoir son étoile sur le Hollywood Walk of Fame à Los Angeles.

Invitée en Australie en février 1891, elle se produit à Melbourne notamment, fait la connaissance d’Adrien Loir, neveu de Pasteur, avec lequel elle a sans doute une liaison.

Collaboration avec Oscar Wilde

Le jour de l’arrivée de Sarah à Folkestone avec la Comédie-Française en mai 1879, Oscar Wilde est présent pour l’accueillir. L’anecdote racontant la façon dont il jette des lys à ses pieds est souvent répétée, mais la version des événements de Sarah suggère qu’il réagit plutôt avec humour à une remarque désagréable faite à ses dépens :

« Un de mes camarades qui était juste à côté, et qui était loin de m’apprécier, me dit d’un ton rancunier : «Ils te feront bientôt un tapis de fleurs».

«En voici un !» s’écria un jeune homme en jetant par terre devant moi une brassée de lys.

Je m’arrêtai net, un peu confuse, n’osant marcher sur ces fleurs blanches, mais la foule qui se pressait derrière m’obligea à avancer, et il fallut fouler aux pieds les pauvres lys ».

Lorsqu’Oscar voit Sarah jouer

Phèdre au Gaiety Theatre le 2 juin 1879, il déclare : c’est « la création la plus splendide que j’aie jamais vue ».

Près d’une décennie plus tard, il écrit : « ce n’est qu’en entendant Sarah Bernhard dans Phèdre que je me suis absolument rendu compte de la douceur de la musique de Racine ».

Elle lui inspire un sonnet, débutant par ce vers : « Comme ce monde commun doit sembler fade et ennuyeux à quelqu’un comme toi ».

Il est publié dans The World en juin 1879 sous le titre « To Sarah Bernhardt », et réimprimé dans Poems (1881) sous le titre « Phèdre ».

Sur le pan entier d’un mur de l’appartement qu’occupent Oscar Wilde et Frank Miles au 13 Salibsury Street à Londres, juste en dessous du plafond, Sarah écrit « Sarah Bernhardt » en lettres surdimensionnées avec un gros crayon de menuisier. Oscar explique à son ami William Ward que Sarah a « essayé de voir à quelle hauteur elle pouvait sauter et écrire son nom ». Il emmène Lillie Langtry au British Museum à la recherche de statues antiques romaines qui ressemblaient à « la divine Sarah ».

D’après Lillie Langtry, Oscar

baptise Sarah « la divine Sarah » après l’avoir vue jouer la reine dans Ruy Blas de Victor Hugo.

Oscar songe à lui faire jouer le rôle d’Elizabeth I, déclarant : «Elle serait magnifique dans des robes monstrueuses couvertes de paons et de perles!». Elle lui commande la pièce Salomé, dont elle interprète le rôle-titre en 1892.

En 1893, alors qu’elle joue Les Rois au Théâtre du Palais-Royal, elle se lie d’amitié avec de Max et lui propose d’intégrer la nouvelle troupe du théâtre de la Renaissance dont elle s’apprête à prendre la direction.

Elle remonte quelques-uns de ses plus grands succès (Phèdre, La Dame aux camélias) et crée de nombreuses pièces : Gismonda de Victorien Sardou, La Princesse lointaine d’Edmond Rostand, Les Amants de Maurice Donnay, La Ville morte de Gabriele D’Annunzio et Lorenzaccio d’Alfred de Musset (inédit à la scène).

En 1899, elle prend la direction du théâtre des Nations qu’elle rebaptise « théâtre Sarah-Bernhardt » et où elle constitue une nouvelle troupe avec son partenaire de jeu de Max et Marguerite Moreno qui partagent avec elle une vision

« corporelle » du jeu d’acteur. En opposition à son fils, elle apporte son soutien à Émile Zola au moment de l’affaire Dreyfus35, elle soutient Louise Michel et prend position contre la peine de mort. Le 9 décembre 1896, une «journée Sarah Bernhardt» est organisée à la gloire de l’actrice par Catulle Mendès et d’autres sommités de l’art : Edmond Rostand, Antonio de La Gandara qui fit d’elle plusieurs portraits, Jean Dara, José-Maria de Heredia, Carolus-Duran.

Le Tout-Paris s’y presse : un repas de 500 convives au Grand Hôtel précède un gala au théâtre de la Renaissance — qu’elle dirige alors — où l’actrice se rend accompagnée de 200 coupés et où l’on peut entendre entre autres hommages un Hymne à Sarah composé par Gabriel Pierné sur des paroles d’Armand Silvestre et interprété par l’orchestre Colonne36. Des menus sont édités pour l’occasion37.

Ayant compris l’importance de la réclame, elle met en scène chaque minute de sa vie et n’hésite pas à associer son nom à la promotion des produits de consommation.

Son style et sa silhouette inspirent la mode, les arts déco-

PALAZZI 8 VENEZIA

ratifs mais aussi l’esthétique de l’Art nouveau. Elle fait elle-même appel au peintre Alfons Mucha pour dessiner ses affiches à partir de décembre 1894.

Ces six années de collaboration donnent un second souffle à sa carrière.

Tuberculeuse comme sa sœur Régina qui en meurt en 1874, elle développe une certaine morbidité en se reposant régulièrement dans un cercueil capitonné qui trône chez elle. Devant le scandale suscité, elle s’y fait photographier par un opérateur du studio Melandri pour en vendre des photos et cartes postales.

En 1905, lors d’une tournée au Canada, le Premier ministre Wilfrid Laurier l’accueille à Québec ; mais l’archevêque Louis-Nazaire Bégin, détestant le théâtre et reprochant à l’actrice un jeu du corps nouveau pouvant être qualifié d’érotique, demande à ses paroissiens de boycotter la représentation et l’actrice, habituée aux foules, se produit devant une salle en partie vide.

Après avoir joué dans plus de 120 spectacles, Sarah Bernhardt devient actrice de cinéma. Son premier film est Le Duel d’Hamlet réalisé en 1900. C’est un des premiers essais de

cinéma parlant avec le procédé du Phono-Cinéma-Théâtre, où un phonographe à cylindre synchronisait plus ou moins la voix de l’actrice aux images projetées40.

Elle tournera d’autres films — muets — dont deux œuvres autobiographiques, la dernière étant Sarah Bernhardt à BelleÎle en 1912, qui décrit sa vie quotidienne.

En 1914, le ministre René Viviani lui remet la croix de chevalier de la Légion d’honneur, pour avoir, en tant que comédienne, « répandu la langue française dans le monde entier» et pour ses services d’infirmière pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871.

Sarah Bernhardt est amputée de la jambe droite en 1915, à l’âge de 70 ans, en raison d’une tuberculose osseuse du genou.

Les premiers symptômes remontent à 1887, lorsqu’elle se blesse au genou sur le pont d’un bateau qui la ramène d’une tournée aux Amériques.

Cette première luxation, non soignée, s’aggrave en 1887, lors des sauts répétés du parapet dans le final de La Tosca, la comédienne ayant chuté à de nombreuses reprises sur les genoux, puis en 1890 à la suite d’une nouvelle blessure

contractée lors d’une représentation du «Procès de Jeanne d’Arc» au théâtre de la PorteSaint-Martin[réf. nécessaire].

En 1902, lors d’une tournée, un professeur de Berlin diagnostique une tuberculose ostéo-articulaire et prescrit une immobilisation de six mois que l’actrice ne peut se résoudre à suivre. Elle se contente de séances d’infiltrations et, en 1914, d’une cure à Dax, d’ailleurs sans effet.

En septembre 1914, craignant que Sarah Bernhardt ne soit prise en otage, lors d’une éventuelle avancée allemande sur Paris, le ministère de la Guerre conseille à l’actrice de s’éloigner de la capitale.

Henri Cain, un de ses proches dont la femme, Julia Guiraudon, est fille d’un ostréiculteur de Biganos, lui recommande de séjourner sur le bassin d’Arcachon, où lui et son épouse louent une villa à Andernos-les-Bains.

Elle arrête son choix sur la villa « Eurêka », où elle s’installe de septembre 1914 à octobre 1915.

Plâtré durant six mois, son genou développe une gangrène. Son médecin et ancien amant, Samuel Pozzi, que Sarah surnomme « Docteur Dieu », ne peut se résoudre à pratiquer

lui-même l’opération et sollicite le concours du professeur Jean-Henri Maurice Denucé, désormais chirurgien à Bordeaux49.

L’actrice est amputée au-dessus du genou le 22 février 1915 à la clinique Saint-Augustin de Bordeauxe.

Sarah revient en convalescence à Andernos en mars 1915. Elle participe à une manifestation patriotique le 10 août 1915 où elle lit deux poèmes puis quitte définitivement Andernos en octobre 191543. Elle va à Reims, « la ville où il faut être vu », le 9 septembre 1916 et joue le rôle d’une infirmière devant la cathédrale martyre. Cela ne l’empêche pas de continuer à jouer assise — elle refuse de porter une jambe en bois ou une prothèse en celluloïd —, ni de rendre visite aux poilus au front en chaise à porteurs, lui valant le surnom de « Mère La Chaise ».

Elle ne s’épanche jamais sur son infirmité, sauf pour rire : «Je fais la pintade ! ».

Son refus des faux-semblants n’a pas été jusqu’à lui faire négliger la chirurgie esthétique. En 1912, elle demande au chirurgien américain Charles Miller un lifting, technique alors débutante, dont les résultats seront corrigés par Suzanne Noël.

Alors qu’elle est en train de tourner un film pour Sacha Guitry, La Voyante, elle meurt « d’une insuffisance rénale aiguë » le 26 mars 1923, à son domicile au 56, boulevard Pereire à Paris, en présence de son fils.

Elle est enterrée à Paris au cimetière du Père-Lachaise (44e division).

La performance théâtrale de Sarah Bernhardt, que ses contemporains acclamèrent à l’égale de celle de Mounet-Sully, est, comme cette dernière, emphatique tant dans la pantomime que dans la déclamation.

Les modulations de la voix s’éloignent délibérément du naturel ; les émotions sont rendues, tant par le geste que par l’intonation, plus grand que nature. Ce style hérité de la déclamation baroque se démode avant la fin de sa carrière; Alfred Kerr remarque « tout ce qui sort de sa bouche est faux; sinon, tout est parfait». Les critiques modernes qui écoutent ses enregistrements de Phèdre chez Thomas Edison en 1903 sont souvent déçus. Peinture et sculpture Vers 1874, alors qu’elle est une comédienne(sui page 10)

PALAZZI 9 VENEZIA

(suit de la page 9)

au talent reconnu, mais manquant d’emplois qui l’intéressent, Sarah Bernhardt apprend le modelage62, puis la peinture. Elle fréquente l’Académie Julian à Paris et présente au Salon de 1880 La Jeune Fille et la Mort, reçu « moins comme un résultat qu’une promesse63 ».

Elle réalise également quelques bronzes, dont un buste d’Émile de Girardin et un de Louise Abbéma exposés aujourd’hui à Paris au musée d’Orsay. Un autoportrait est exposé dans une des salles consacrées à la peinture moderne de la Fondation Bemberg à Toulouse

Vie privée

Les détails de la vie privée de Sarah Bernhardt sont souvent incertains ; quand elle expliquait : « Je suis si mince, si maigre, que quand il pleut je passe entre les gouttes », Alexandre Dumas fils — qui la détestait — ajoutait dans une discussion avec le journaliste Louis Ganderax : « Elle est si menteuse qu’elle est peut-être grasse. »

La vie privée de Sarah Bernhardt fut assez mouvementée.

À l’âge de vingt ans, elle donne naissance à son seul enfant qui deviendra écrivain, Maurice Bernhardt, fruit d’une liaison avec un prince belge, Henri de Ligne (1824-1871), fils aîné d’Eugène, 8e prince de Ligne.

Elle a par la suite plusieurs amants, dont Charles Haas, mondain très populaire à qui elle vouait une véritable passion alors qu’il la traitait en femme légère et la trompait sans états d’âme.

Après leur rupture, ils demeurèrent cependant amis jusqu’à la mort de Haas.

On compte également des artistes tels que Gustave Doré et Georges Jules Victor Clairin et des acteurs tels que Mounet-Sully, Lucien Guitry et Lou Tellegen ou encore son «Docteur Dieu » Samuel Pozzi.

On parle également de Victor Hugo et du prince de Galles. Certaines sources lui prêtent également des liaisons homosexuelles, notamment avec la peintre Louise Abbéma qui fit d’elle plusieurs portraits.

Elle est également portraiturée par Gustave Doré, Giovanni Boldini et Jules Bastien-Lepage.

En 1874-1875, elle entretient des rapports intimes moyennant rétribution avec plusieurs députés dont Léon Gambetta, Henri Ducasse et le comte de Rémusat20.

En 1882, elle se marie à Londres avec un acteur grec, Aristides Damala (en), mais celui-ci est dépendant de la morphine et leur relation ne dure guère.

Elle restera cependant son épouse légitime jusqu’à la mort de l’acteur, en 1889 à l’âge de 34 ans. Mais elle perd sa nationalité française en épousant un étranger.

Donc en 1916, elle fait une demande de réintégration dans la nationalité française.

Elle était amie du poète Robert de Montesquiou qui lui avait dédié un poème (inédit).

Ce poème manuscrit faisait partie de sa bibliothèque vendue en 1923.

En 1890, elle est victime d’un vol dans sa propriété du Havre pendant qu’elle réside dans sa villa de Sainte-Adresse.

Plusieurs objets de valeur auraient été dérobés, notamment un diamant de grande valeur. Elle portera un temps des soupçons sur sa gouvernante Mme Guérard, qui s’occupa d’elle telle une mère adoptive. L’affaire ne se résoudra pas et l’actrice ne remettra pas la main sur son précieux diamant. Dédaignant les stations balnéaires à la mode et désireuse d’établir sa retraite en un lieu

qui lui soit particulier, à l’écart du monde, Sarah Bernhardt choisit de séjourner face à l’Océan, sur une pointe rocheuse déchiquetée et venteuse, éloignée du chef-lieu d’une île bretonne, Belle-île, elle-même relativement difficile d’accès et alors inconnue du grand tourisme. C’est son portraitiste attitré, Georges Clairin, qui la lui avait fait découvrir.

Elle s’y installe progressivement avec ses animaux exotiques et sa petite cour de commensaux — qu’elle appelait indistinctement « sa ménagerie » — dans un fortin militaire désaffecté qu’elle avait acquis en 1894 au lieu-dit « La pointe des Poulains ».

À côté de ce fortin elle avait fait bâtir, décorer et meubler la villa Lysiane (le prénom de sa petite-fille) et la villa Les Cinq Parties du monde, travaux importants qui lui coûtèrent plus d’un million de francsor, somme considérable pour l’époque.

Elle s’installa plus tard dans le manoir de Penhoët, un manoir de briques rouges disparu lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale qu’elle avait acheté car elle le jugeait trop proche de son fortin et aussi plus confortable.

Pour s’y rendre elle prenait le train de Paris jusqu’à Vannes, où elle donnait à l’occasion quelques représentations, avant d’embarquer pour «son» île où elle faisait grand effet aux îliens.

En 1922, infirme, malade et désargentée, elle vend ses propriétés belle-îloises. Là, un musée lui est consacré depuis 2007 : le fort à la pointe des Poulains et ses abords ont été aménagés pour recevoir du public.

Elle était la marraine de l’actrice franco-américaine Suzanne Caubet7 Selon son passeport de 1886, elle mesurait 1,54 m76.

Personnalité

Sa devise était « Quand même» en référence à son audace et à son mépris des conventions. Alors qu’elle est attaquée par des détracteurs sur ses origines, après la défaite de 1871, elle déclare : « Je suis Française, Monsieur, absolument Française. [...] Toute ma famille est originaire de la Hollande. Amsterdam est le berceau de mes modestes aïeux. Si j’ai de l’accent, Monsieur (et je le regrette beaucoup), mon accent est cosmopolite, et non tudesque.

Je suis une fille de la grande

PALAZZI 10 VENEZIA

race juive, et mon langage un peu rude se ressent de nos pérégrinations forcées ».

Elle a en partie inspiré à Marcel Proust — sans doute avec les comédiennes Rachel et Réjane — le personnage de l’actrice « la Berma » dans À la recherche du temps perdu78.

Proust la désignait parfois dans sa correspondance par « Haras », son prénom à l’envers79.

Sacha Guitry, dans ses Mémoires, l’évoque ainsi : « Madame Sarah jouait un grand rôle dans notre existence.

Après notre père et notre mère, c’était assurément la personne la plus importante du monde à nos yeux. […]

p’0-Que l’on décrive avec exactitude et drôlerie — ainsi que Jules Renard l’a fait dans son admirable Journal — sa maison, ses repas, ses accueils surprenants, ses lubies, ses excentricités, ses injustices, ses mensonges extraordinaires, certes […] mais qu’on veuille la comparer à d’autres actrices, qu’on la discute ou qu’on la blâme, cela ne m’est pas seulement odieux : il m’est impossible de le supporter. […] Ils croient qu’elle était une actrice de son époque. […] Ils ne devinent donc pas que si elle revenait, elle serait de leur

époque » Sacha Guitry, Si j’ai bonne mémoire

Citation :

« Il faut haïr très peu, car c’est très fatigant. Il faut mépriser beaucoup, pardonner souvent, mais ne jamais oublier. Le pardon ne peut entrainer l’oubli ; pour moi, du moins. »

On lui attribue aussi ce mot : « Sarah Bernhardt, à qui une jeune comédienne a déclaré qu’elle avait déjà joué plusieurs fois et qu’elle n’avait même plus de trac, aurait alors répondu : « Ne vous en faites pas, le trac, cela viendra avec le talent ». »

— Maurice Thévenet, Les Talents82

Elle aurait déclaré avoir gagné au cours de sa carrière quelque 45 millions de francs, soit 185 millions d’euros.

Dans son testament, elle déclare léguer « tout ce que j’ai immeubles, bijoux, reconnaissances au Mont-de-Piété, meubles, bibelots, toute ma bibliothèque, mon argenterie, mes robes, mon linge, tout ce qui se trouve dans mon hôtel bl Péreire […] à mon fils Maurice Bernhardt. […] Enfin il n’est pas un brin de fil m’appartenant qui ne soit à mon fils, auquel je donne tout tout. » wikipedia.org

ANAHITA GHABAIAN ETEHADIEH

space vital est le nom donné au livre consacré aux femmes photographes iraniennes qui vient de paraître aux éditions Textuel.

Un titre qui, vu la situation dans le pays, ne dit rien de précis mais suggère cet espace réduit au minimum pour pouvoir survivre.

Cette métaphore résume, discrètement, l’invraisemblable situation dans laquelle un art photographique riche et engagé parvient à s’épanouir. Conçu et réalisé par Anahita Ghabaian Etehadieh, directrice de Silk Road Art Gallery, la seule consacrée exclusivement à la photographie, à Téhéran, Espace vital nous fait découvrir le travail de vingt-trois artistes qui, dans un contexte politique et économique en suspens, gardent une sidérante créativité et combativité. Comment un doctorat d’histoire et des études en informatique mènent au métier de galeriste à Téhéran ?

Au début des années 1990, une fois achevées mes études à Jussieu, je suis retournée chez moi, à Téhéran. Au lendemain de la longue guerre Iran-Irak qui fit beaucoup de morts, je trouve un paysage culturel désertique où, miraculeusement, il existe encore des galeries d’art tenues par des femmes, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.

Voir “Sept Hivers à Téhéran”, un documentaire poignant, ode à la liberté Qu’est-ce qui, d’un coup, a motivé votre intérêt pour la photographie ?

J’étais novice.

Il n’y avait rien pour l’image, pas même de laboratoire professionnel, pourtant les photographes disaient déjà des choses intéressantes avec leur appareil.

Hengameh Golestan et Rana Javadi, par exemple, ont photographié la révolution de 1979. Shadi Ghadirian et Gohar Dashti ont créé des mises en scène pour évoquer la guerre Iran-Irak (19801988)…

La géopolitique, métier qui m’intéresse, n’étant pas, en Iran, une profession que je pouvais me permettre, c’est mon ami le réalisateur et photographe Abbas Kiarostami qui m’a encouragé et m’a amenée petit à petit vers le métier de galeriste.

La série « Nil, Nil » (2008) de Shadi Ghadirian offre un point de vue féminin sur un sujet le plus souvent (suit page 12)

PALAZZI 11
VENEZIA

(suit de la page 11)

photographié par des hommes: la guerre.

Comment la photographie iranienne entre sur la scène internationale ?

Avec Kiarostami je trouve le nom de la galerie : Silk Road art Gallery (La Route de la soie).

Le logo montre un chemin qui zigzague symboliquement entre l’Orient et l’Occident. Puis, en 2001, je me lance. Je loue un local au sous-sol d’un immeuble pour exposer Abbas Kiarostami.

Le critique et commissaire Christian Caujolle nous rend visite en 2002, la galerie est présentée pour la première fois à Paris-Photo, en 2004.

Nous participons à Photoquai, au musée du Quai Branly, en 2009, où j’étais la directrice artistique.

La galerie est présente aussi pour la première fois à Paris-Photo en 2004, tout cela va donner une visibilité internationale à nos artistes.

Dans le contexte actuel, que se passe-t-il ?

Silk Road art Gallery vient de déménager en centre-ville dans un bel et vaste endroit, en rez-de-jardin, les fumeurs (et ils sont très nombreux chez nous) y seront à l’aise.

Mais va-t-on, dans les conditions actuelles, pouvoir l’inaugurer ?

Nous proposons pour l’instant des expositions virtuelles en ligne et continuons à travailler à la promotion de nos artistes à l’étranger.

En quoi la photographie iranienne est-elle singulière ?

La photographie permet sans un mot de révéler beaucoup de choses.

La singularité des sujets abordés, ici, par les Iraniennes est qu’ils le sont par nécessité et rarement neutres.

Tragiques, tristes, tournés vers le passé… ils s’imposent au photographe.

On y évoque la perte, la guerre, l’impossibilité de montrer certaines choses taboues, comme le corps nu.

Un photographe français, par exemple, n’a pas ces contraintes.

Et j’ajouterai comme traits communs aux vingt-trois artistes réunies dans le livre, en plus de l’engagement, la poésie.

Elle est partie intégrante de notre culture.

Il n’est pas rare, pour n’importe quelle occasion, d’ouvrir un livre de poèmes de Hafez, de Molana (Rûmî) ou de Ferdowsi.

Comment retrouve-t-on cette poésie à l’image ?

Elle est partout.

Prenez les natures mortes de la série Nil, Nil (2008), qui est un point de vue féminin sur la guerre, par Shadi Ghadirian.

Les compositions de Quand tu étais mourant, de Rana Javadi, réalisées avec des archives, des fleurs séchées et des tissus anciens.

Ou les mises en scène de la série Lire pour les rues de Téhéran (2014-2016) par Maryam Firuzi. Indifférente aux passants, la photographe, un livre à la main, est assise sur un tissu rouge dans une rue en escalier. Je vous assure qu’il n’y a rien de plus difficile pour une femme que d’être assise

dans la rue, au Moyen-Orient, où ce sont les hommes qui occupent l’espace. La scène évoque aussi la relation intime des Iraniennes à la lecture et à l’éducation ; beaucoup font de brillantes études supérieures. Les hommes sont là, mais sans visage ?

Dans un pays en crise constante depuis des décennies et où des fresques de soldats recouvrent les murs des villes, certaines comme Ghazaleh Rezaei avec Les Martyrs, ou Maryam Takhtkeshian avec Aucun soldat n’est revenu de guerre, témoignent toutes deux de la vulnérabilité de tous ces hommes à la destinée tragique. La première, en escamotant par exemple d’un coup de flash la figure d’un soldat mort à la guerre, et la seconde en utilisant une pellicule périmée qui floute les visages.

Être photographe en Iran n’est donc pas impossible ?

On peut faire des photos à partir du moment où l’on demande une autorisation. Ensuite il faut résoudre des problèmes financiers, techniques, et négocier pour réussir à faire ce que l’on a à faire. On retrouve dans cet ensemble beaucoup d’images mises en scène et d’assemblages de photos de famille.

Mais je suis bluffée par l’audace de la jeune génération. Comme Morteza Niknahad, qui vit dans une petite ville dans le sud du pays et a réalisé un magnifique sujet sur la dépression de sa mère.

Frédérique Chapuis

Espace Vital : Femmes photographes iraniennes, de Anahita Ghabaian Etehadieh, éditions Textuel (160 p., 45 €).

Une image de la série « Lire pour les rues de Téhéran », de Maryam Firuzi (2014-2016).

PALAZZI 12 VENEZIA
Photo Maryam Firuzi

Humans Beings

rompre ce cursus.

En 1974, il part pour l’Europe. Son parcours le mène à Prague, Berlin Est puis Berlin Ouest.

En 1976, il s’établit à Münster, en Allemagne de l’Ouest, où il étudie l’archéologie, avant d’être admis à l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf.

La scène artistique allemande est alors en plein renouveau. Si elle est dominée par Josef Beuys, on assiste à la percée du néo-expressionisme et au retour à la peinture, avec notamment Georg Baselitz, Anselm Kieffer, Jörg Immendorff, Markus Lüpertz ou Norbert Tadeusz, dont Bahram Hajou suivra l’enseignement. Influencé par ce courant, il expose pour la première fois en solo en 1983, au Musée de Bochum.

Dès le début des années 1990 son travail est exposé dans de nombreux autres pays européens (Belgique, Hollande, Royaume-Uni, Autriche, Hongrie) puis en 1995 à New York (Galerie Artopia).

Au même moment le musée Guggenheim présente la première grande rétrospective américaine de Baselitz.

La presse fait le rapprochement entre ces deux artistes néo-expressionnistes, ce qui assoit la notoriété de Bahram Hajou aux Etats-Unis.

Sans titre (2021), 140x120 cm. a galerie GNG a le privilège de représenter en France

Bahram Hajou, artiste allemand d’origine kurde syrienne, dont l’œuvre suscite un vif intérêt chez les collectionneurs internationaux.

Reconnu comme l’un des plus éminents peintres néo-expressionnistes de sa génération, sa cote sur le marché de l’art s’est envolée depuis la fin des années 2010.

D’origine kurde syrienne, Bahram Hajou est arrivé en1976 en Allemagne de l’Ouest, à l’âge de 24 ans, aprèsun périple qui l’a mené à Bagdad, Prague et Berlin Est.

Il s’est imposé sur la scène artistique de son pays d’adoption dès les années 1980 avant d’acquérir une envergure internationale et partage désormais sa vie entre Münster et New York.

La galerie GNG présente du 11 mai au 17 juin 2023 une

sélection de toiles de ce grand artiste néo-expressionniste, rarement exposé en France.

Une œuvre en clair-obscur

Ce qui frappe en premier lieu, dans les tableaux de Bahram Hajou, c’est le contraste entre la douceur caressante de ses larges aplats de couleur et l’inquiétude qui habite l’humanité qu’il met à nu, au sens propre comme au sens figuré.

Le clair-obscur produit par la délicatesse de ses tons qui vient en contrepoint des sentiments de solitude, d’insécurité, de désarroi, qui émanent de ses personnages. Leurs regards nous fixent avec insistance et nous interrogent sur les paradoxes de notre condition, comme l’artiste, lors de son processus de création, interroge la peinture pour les faire surgir.

Au commencement : la couleur

Toile posée sur le sol, Bahram Hajou commence par réaliser

une composition abstraite en étalant des couleurs au couteau, au pinceau ou avec des chiffons, sans pour autant recouvrir toute la surface de la toile. Puis il répand du sable et des pigments qu’il mélange à la peinture encore humide sèche, «je tourne la toile dans tous les sens pour établir un dialogue avec elle, un peu comme lorsqu’on cherche des formes en regardant les nuages. J’imagine alors des sujets en accord avec les couleurs que j’ai travaillé », explique-t-il.

Ce qui nous fait semblables

C’est au fusain qu’il donne ensuite vie à ses personnages, le plus souvent représentés dénudés et, lorsqu’il s’agit d’hommes, sans cheveux, à l’image de leur créateur. L’artiste interroge la toile comme un miroir de l’âme et se représente sans décors, sans fioritures, dans son humanité la plus simple, la plus

poignante, pour mieux toucher du doigt ce qui nous fait semblables.

Qu’il explore les territoires universels de la solitude, de la finitude, de la violence, de la sexualité, des rapports de couple, sa peinture introspective nous interpelle au plus profond de notre être dans un jaillissement de couleurs subtiles, sans jamais chercher à nous provoquer, mais avec tact, force, pudeur, beauté, maîtrise… Et, pour tout dire, avec une exceptionnelle et admirable élégance.

Né en 1952 en Syrie, dans l’actuel région Kurde du Rojava, Bahram Hajou part à 20 ans à Souleimaniye, au Kurdistan irakien, pour suivre des études de dessinateur en génie civil.

L’année suivante il commence à étudier à l’Académie des Beaux-arts de Bagdad, mais le contexte de guerre au Kurdistan irakien l’amène à inter-

En 1999, il est pour la première fois exposé en France où il reçoit en 2014 le Prix Henri Matisse, décerné lors de la Biennale organisée au Château Musée Grimaldi (suit page 14) (suit de la page 13) (Cagnes-sur-Mer) par L’UMAM (L’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne), association fondée en 1946 par Henri Matisse et Pierre Bonnard.

Installé à Münster, en Allemagne, depuis les années 1970, Bahram Hajou partage depuis 2016 sa vie entre cette ville et New York, où il dispose d’un atelier. Son œuvre est internationalement reconnue : en Europe, en Amérique du Nord et du Sud et, plus récemment, au Moyen-Orient, avec des expositions à Doha, Riyad, Le Caire, Istanbul… Ses œuvres, dont la cote s’est envolée depuis la fin des années 2010, suscitent un vif intérêt des collectionneurs et des institutions.

Il est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus éminents peintres néo-expressionnistes de sa génération

PALAZZI 9 VENEZIA
lambertcommunication@gmail.com
BAHRAM HAJOU
du 11 mai au 17 juin Galerie GNG 3 via Visconti 75006 Paris Rélations Presse William Lambert T. 06 03 90 11 19 lambertcommunication@ gmail.com

’est un petit bout de Grèce qui va s’inviter, à partir de ce vendredi 17 février 2023, à Trouville-sur-Mer (Calvados).

Une trentaine d’œuvres du peintre et sculpteur crétois Yannis Markantonakis sont exposées, depuis ce jour, à la boutique

De temps à autre, dans la rue des Bains. Patrick David, le directeur des lieux, nous présente l’artiste, fortement influencé par le monde maritime, où les navires sont souvent les seuls indices qui distinguent le ciel de la surface de l’eau : « Son père était armateur et ce qui l’intéresse dans les bateaux, c’est d’aller vers l’inconnu, l’invisible, l’au-delà », explique-t-il.

« Comme tout Grec, il est influencé par l’Iliade, l’Odyssée, il baigne complètement là-dedans, poursuit Patrick David, beaucoup de gens y voient l’influence de Nicolas de Staël (1914-1955) à cause de ses carrés de couleur blanche et rouge.

Lui se revendique plutôt de Joaquín Torres García (18741949) ».

Mais Yannis Markantonakis, ce ne sont pas que des tableaux, comme le souligne Patrick David : « Il s’est pris de passion pour une artiste américaine assez peu connue, Louise Nevelson (1899-1988), dont il s’est beaucoup inspiré pour faire des maquettes». Sur plusieurs étagères reposent ainsi d’étranges assemblages de morceaux de bois qui prennent la forme, là encore, de bateaux.

L’homme pousse le sens du bricolage au point de concevoir lui-même les cadres de ses tableaux à partir de matériaux récupérés : « C’est l’art du recyclage avant l’heure ! », s’émerveille le galeriste.

Qui annonce déjà la suite des réjouissances : « On va refaire des expositions à Pâques et en fin d’année, on espère présenter des nouveaux tableaux à chaque fois ! ».

Du 17 février au 5 mars, du 21 avril au 7 mai, du 13 juillet au 24 août 2023, à la galerie De temps à autre, 93 rue des Bains

Trouville-sur-Mer Calvados

Ouvert tous les jours de 11 h à 18 h, sauf le mercredi, de 14 h à 20 h.

Plus d’informations

au 06 88 39 46 88 ou 06 15 09 58 90.

à retrouver chez GNG

rue Visconti 75006 Paris

MARKANTONAKIS

annis Markantonakis, né en 1955 à La Canée, Crète.

Installé à Paris depuis 1985. Académie de peinture de Saint-Roch, dans l’atelier de Jean Bertholle

L’APPEL DU LARGE

Il est transporté illico en pleine mer celui qui effleure du regard une peinture de Yannis Markantonakis.

C’est le sortilège de cette peinture toute en matière, en griffures, en empâtements, que de susciter le goût du voyage, de l’ailleurs, des grands espaces.

A peine y a-t-on plongé son regard que l’esprit prend son envol, direction le grand large.

Yannis Markantonakis peint des paquebots, et de gigantesques, de ceux qui manœuvrent pendant des heures avant de rentrer dans un port trop étroit pour leurs lourdes cargaisons, de ceux qui creusent en mer un sillon d’écume que l’on doit voir depuis la Lune.

Ce faisant, il met en évidence les immenses espaces que l’homme ne cesse de parcourir.

L’océan est bien plus vaste, semblet-il suggérer, que le plus géant de nos navires et un paquebot, finalement, aussi imposant soit-il, n’est jamais qu’un minuscule point sur l’immensité des mers.

MIROIR DE L’ART

Il y a trois sortes d’hommes pour les grecs : les vivants, les morts et ceux

qui sont sur la mer. Incertaine, la peinture l’est aussi. Arriver à bon port est difficile et hasardeux.

Mais le naufrage n’est pas toujours le pire : c’est bien d’échouer.

C’est la mesure du risque, du risque d’une navigation sans calcul ni mesure.

Ni point, ni carte.

L’on peint en aveugle : on ne voit guère quand on peint.

Les moyens de la peinture sont là : du noir, du gris qui n’est pas du noir avec du blanc, du rouge, des formes, des plans, des lignes, des espaces.

Ils sont là et ils sont oubliés… Sébastien Le Roy

La peinture comme un grand souffle d’air pur…

Il peint la mer, les espaces portuaires, les bateaux, le grand large. Ses marines rejettent toute anecdote pour ne se concentrer que sur l’essentiel.

Cette peinture séduit par sa rigueur et son projet essentiellement plastique. La toile bruit d’une émotion contenue, sous-jacente.

L’artiste nous projette dans un univers d’opposition des tons, bleu-noir, blanc-bleu.

Que l’on ne s’y trompe pas, le sujet ici ce n’est pas la mer, mais plutôt la peinture.

MIROIR DE L’ART

Quel est notre destin ?

Où allons-nous ?

Jusqu’où ? Comment ?

Comme l’écrit Christian Noorbergen “Les bateaux d’art de d’âme de Yannis Markantonakis, traversent l’étendue comme des puissances de destin.”

“Fascination devant les être fragiles de Marc Perez qui hantent cette sculpture… ces porteurs de fardeaux… qui tanguent, menacent de s’effondrer, et contre vents et marées, continuent d’avancer…” Ludovic Duhamel.

Naviguer à vue

« La musique de Ravel dit autre chose que ce qu’elle pense » J’aime cette citation de Vladimir Jankélévitch.

J’ai à mon tour envie d’affirmer : La peinture de Yannis Markantonakis dit autre chose que ce qu’elle montre. Elle nous montre le bleu d’une mer paisible sur laquelle naviguent en silence des bateaux, mais, en vérité nulle promesse de voyage, nulle évasion, il y a dans ses œuvres des tempêtes annoncées et des remous contenus dans ces cadres brisés et noirs. Seule la beauté qui nous saisit nous invite à le suivre dans ces périlleuses traversées que le premier regard ne nous laissait pas prévoir.

J’essaye à mon tour, de proposer avec mes sculptures d’autres traversées aux itinéraires tout aussi incertains. J’aimerais comme il le fait y marier les contraires et dire ainsi, avec légèreté, le poids de nos vies.

10
YANNIS
Photo yannismarkantonis
PALAZZI
VENEZIA

ouise Nevelson (23 septembre 1899 - 17 avril 1988)

était une sculptrice américaine connue pour ses œuvres monumentales, monochromes, ses œuvres murales en bois et ses sculptures d’extérieur.

Née dans le gouvernorat de Poltava de l’Empire russe (aujourd’hui Oblast de Kiev, Ukraine), elle émigre avec sa famille aux États-Unis au début du XXe siècle.

Nevelson a appris l’anglais à l’école, car elle parlait yiddish à la maison. Au début des années 1930, elle suit des cours d’art à l’Art Students League de New York et, en 1941, elle présente sa première exposition personnelle. Élève de Hans Hofmann et de Chaim Gross, Nevelson a expérimenté les premières formes d’art conceptuel en utilisant des objets trouvés et a tâté de la peinture et de l’imprimerie avant de consacrer sa vie à la sculpture.

Généralement créées en bois, ses sculptures ressemblent à des puzzles, avec de multiples pièces découpées de manière complexe, placées dans des sculptures murales ou des pièces indépendantes,

souvent en trois dimensions. Les sculptures sont généralement peintes en noir ou en blanc monochromatique. Figure importante de la scène artistique internationale, Nevelson a participé à la 31e Biennale de Venise. Ses œuvres font partie de collections de musées et d’entreprises en Europe et en Amérique du Nord. Nevelson reste l’une des figures les plus importantes de la sculpture américaine du XXe siècle.

Vie et carrière artistique

Louise Nevelson est née Leah Berliawsky en 1899 à Pereiaslav, dans le gouvernorat de Poltava, dans l’Empire russe, de MinnaSadie et Isaac Berliawsky, entrepreneur et marchand de bois.

Bien que la famille vive confortablement, les parents de Nevelson ont commencé à quitter l’Empire russe pour l’Amérique dans les années 1880.

Les Berliawsky doivent rester sur place, Isaac, le plus jeune frère, devant s’occuper de ses parents. Alors qu’elle se trouve encore en Europe, Minna donne naissance à deux des frères et sœurs de Nevelson : Nathan (né en 1898) et Anita

(née en 1902)[8]. À la mort de sa mère[8], Isaac s’installe aux États-Unis en 1902[7].

Après son départ, Minna et les enfants s’installent dans la région de Kiev. Selon la tradition familiale, la jeune Nevelson était si triste du départ de son père qu’elle devint muette pendant six mois[8].

En 1905, Minna et les enfants émigrent aux ÉtatsUnis, où ils rejoignent Isaac à Rockland, dans le Maine[4] Isaac a d’abord du mal à s’établir, souffrant de dépression pendant que la famille s’installe dans sa nouvelle maison. Il travaille comme bûcheron avant d’ouvrir une casse[8]. Son travail de bûcheron fait du bois une présence constante dans la maison familiale, un matériau qui figurera en bonne place dans l’œuvre de Nevelson[9]. Il finit par devenir un propriétaire de parc à bois et un agent immobilier prospère[7]. [En 1906, la famille a un autre enfant, Lillian[8] Nevelson est très proche de sa mère, qui souffre de dépression, un état que l’on croit dû à la migration de la famille depuis la Russie et à son statut minoritaire de famille juive vivant dans le Maine. Minna compensait

LEAH BERLIAWSKY OR LOUISE NEVELSON

exagérément cette situation en s’habillant, elle et les enfants, avec des vêtements «considérés comme sophistiqués dans le vieux pays»[8] ; sa mère portait des tenues flamboyantes et était très maquillée ; Nevelson décrivait l’habillage de sa mère comme «son art, sa fierté et son travail», la décrivant également comme quelqu’un qui aurait dû vivre «dans un palais»[6].

La première expérience artistique de Nevelson a lieu à l’âge de neuf ans, à la bibliothèque publique de Rockland, où elle voit un moulage en plâtre de Jeanne d’Arc[10]. Peu après, elle décide d’étudier l’art et prend des cours de dessin au lycée, où elle est également capitaine de basket-ball[4][6]. Elle peint des intérieurs à l’aquarelle, dans lesquels les meubles semblent avoir une structure moléculaire, à l’image de ce qu’elle fera plus tard dans le cadre de son travail professionnel. Des figures féminines apparaissent fréquemment. À l’école, elle pratique l’anglais, sa deuxième langue, car on parle yiddish à la maison[6][8]. Mécontente du statut économique de sa famille, des différences linguistiques, de la discrimination religieuse de la communauté et de son école, Nevelson envisage d’aller au lycée à New York[11].

Elle obtient son diplôme en 1918[4] et commence à travailler comme sténographe dans un cabinet d’avocats local. C’est là qu’elle rencontre Bernard Nevelson, copropriétaire avec son frère Charles de la Nevelson Brothers Company, une entreprise de transport maritime. Bernard la présente à son frère, et Charles et Louise Nevelson se marient en juin 1920 lors d’un mariage juif à l’hôtel Copley Plaza de Boston. Ayant satisfait l’espoir de ses parents qu’elle se marie dans une famille riche, elle déménage avec son nouvel époux à New York[11], où elle commence à étudier la peinture, le dessin, le chant, le théâtre et la danse[7]. Elle tombe également enceinte et donne naissance en 1922 à son fils Myron (plus tard appelé Mike), qui deviendra sculpteur.

Nevelson étudie l’art, malgré la désapprobation de ses beaux-parents.

Elle commente : «La famille de mon mari était terriblement raffinée.

(suit page 16)

PALAZZI 11 VENEZIA
Photo jeanturco

(suit de la page 15) Dans ce cercle, on pouvait connaître Beethoven, mais Dieu vous pardonnez à moins que vous ne soyez Beethoven».

En 1924, la famille déménage à Mount Vernon, dans l’État de New York, un quartier juif populaire du comté de Westchester.

Nevelson est contrariée par ce déménagement, qui l’éloigne de la vie urbaine et de son environnement artistique.

Au cours de l’hiver 19321933, elle se sépare de Charles, ne voulant pas devenir l’épouse mondaine qu’il attendait d’elle.

Elle n’a jamais cherché à obtenir un soutien financier de Charles et, en 1941, le couple divorce.

À partir de 1929, Nevelson étudie l’art à temps plein avec Kenneth Hayes Miller et Kimon Nicolaides à l’Art Students League.

Nevelson attribue à une exposition de kimonos nô au Metropolitan Museum of Art le rôle de catalyseur qui l’a incitée à poursuivre ses études. En 1931, elle envoie son fils Mike vivre avec sa famille et part pour l’Europe, payant son voyage en vendant un bracelet en diamants que son désormais ex-mari lui avait offert à l’occasion de la naissance de Mike.

À Munich, elle étudie avec Hans Hofmann avant de visiter l’Italie et la France. De retour à New York en 1932, elle étudie à nouveau avec Hofmann, qui est alors professeur invité à l’Art Students League.

Elle rencontre Diego Rivera en 1933 et travaille comme assistante sur sa peinture murale Man at the Crossroads à Rockefeller Plaza.

Les deux ont une liaison qui provoque une rupture entre Nevelson et la femme de Rivera, Frida Kahlo, une artiste que Nevelson admire beaucoup.

Peu après, Nevelson commence à suivre les cours de sculpture de Chaim Gross à l’Educational Alliance. Nevelson continue d’expérimenter d’autres techniques artistiques, notamment la lithographie et la gravure, mais décide de se concentrer sur la sculpture.

Ses premières œuvres sont créées à partir de plâtre, d’argile et de tattistone.

Dans les années 1930, Nevelson commence à exposer ses œuvres dans des expositions collectives.

En 1935, elle enseigne la

peinture murale au Madison Square Boys and Girls Club de Brooklyn dans le cadre de la Works Progress Administration (WPA).

Elle travaille pour la WPA dans les divisions peinture de chevalet et sculpture jusqu’en 1939[4]. En 1936, Nevelson remporte son premier concours de sculpture à l’A.C.A Galleries à New York[12].

Pendant plusieurs années, Nevelson et son fils, alors appauvris, marchent dans les rues pour ramasser du bois qu’ils brûlent dans leur cheminée pour se réchauffer ; le bois qu’ils trouvent sert de point de départ à l’art qui l’a rendue célèbre.

Son travail des années 1930 explore la sculpture, la peinture et le dessin.

Ses premiers dessins de nus à l’encre et au crayon présentent la même fluidité que les œuvres d’Henri Matisse. Nevelson crée également des animaux semi-abstraits en terre cuite et des peintures à l’huile.

En 1941, Nevelson expose pour la première fois en solo à la galerie Nierendorf. Le propriétaire de la galerie, Karl Nierendorf, la représente jusqu’à sa mort en 1947.

Pendant son séjour chez Nierendorf, Nevelson découvre une boîte à cirage appartenant à un cireur de chaussures local, Joe Milone. Elle expose cette boîte au Musée d’art moderne, ce qui lui vaut sa première grande attention de la part de la presse. Un article sur elle paraît dans Art Digest en novembre 1943. En 1943, Nevelson expose ses œuvres dans l’exposition de Peggy Guggenheim Exhibition by 31 Women à la galerie Art of This Century à New York.

Dans les années 1940, elle commence à produire des études de figures cubistes dans des matériaux tels que la pierre, le bronze, la terre cuite et le bois.

En 1943, elle présente à la Norlyst Gallery une exposition intitulée The Clown as the Center of his World, dans laquelle elle construit des sculptures sur le cirque à partir d’objets trouvés.

L’exposition n’est pas bien accueillie et Nevelson cesse d’utiliser des objets trouvés jusqu’au milieu des années 1950.

Malgré un accueil mitigé, les œuvres de Nevelson à cette époque explorent à la fois les abstractions figuratives inspi-

rées du cubisme et l’exploitation et l’influence expérimentale du surréalisme.

La décennie a fourni à Nevelson les matériaux, les mouvements et les expériences qu’elle a elle-même créées et qui ont façonné son style moderniste caractéristique dans les années 1950.

Au cours des années 1950, Nevelson expose ses œuvres aussi souvent que possible. Malgré les prix qu’elle reçoit et sa popularité croissante auprès des critiques d’art, elle continue d’éprouver des difficultés financières.

Pour joindre les deux bouts, elle commence à donner des cours de sculpture dans le cadre des programmes d’éducation pour adultes du système scolaire public de Great Neck.

Ses propres œuvres commencent à atteindre des dimensions monumentales, dépassant les œuvres à taille humaine qu’elle avait créées au début des années 1940. Nevelson visite également l’Amérique latine et découvre des influences dans les ruines mayas et les stèles du Guatemala.

En 1954, la rue de Nevelson dans le quartier new-yorkais de Kips Bay fait partie de

12
Photo Eric Koch per Anefo PALAZZI
VENEZIA

celles qui sont destinées à la démolition et au réaménagement, et son utilisation croissante de matériaux de récupération dans les années à venir s’inspire des déchets laissés dans les rues par ses voisins expulsés.

En 1955, Nevelson rejoint la Grand Central Modern Gallery de Colette Roberts, où elle présente de nombreuses expositions individuelles. Elle y expose certaines de ses œuvres les plus remarquables du milieu du siècle : Bride of the Black Moon, First Personage, et l’exposition «Moon Garden + One», qui présente sa première œuvre murale, Sky Cathedral, en 1958.

De 1957 à 1958, elle est présidente de la section newyorkaise de l’Artists’ Equity et, en 1958, elle rejoint la Martha Jackson Gallery, qui lui garantit un revenu et lui assure une certaine sécurité financière.

Cette année-là, elle est photographiée et fait la couverture de Life et présente sa première exposition personnelle à la Martha Jackson Gallery, tout comme son ami et soutien Norman Carton, également président d’une section de l’Artists’ Equity (à Philadelphie).

En 1960, elle présente sa première exposition personnelle en Europe à la Galerie Daniel Cordier à Paris.

La même année, une collection de ses œuvres, regroupées sous le titre «Dawn’s Wedding Feast», est incluse dans l’exposition collective «Sixteen Americans» au Museum of Modern Art, aux côtés de Robert Rauschenberg et de Jasper Johns.

En 1962, elle réalise sa première vente muséale au Whitney Museum of American Art, qui achète le mur noir Young Shadows.

La même année, ses œuvres sont sélectionnées pour la 31e Biennale de Venise et elle devient présidente nationale d’Artists’ Equity, poste qu’elle occupera jusqu’en 1964.

En 1962, elle quitte la Martha Jackson Gallery pour un bref passage à la Sidney Janis Gallery.

Après une première exposition infructueuse au cours de laquelle aucune de ses œuvres ne se vend, Nevelson se brouille avec le galeriste Janis au sujet des sommes qu’il lui a avancées et qu’il n’a pas été en mesure de récupérer.

Nevelson et Janis s’engagent dans une bataille juridique contentieuse qui laisse Ne-

velson ruinée, déprimée et au bord de la clochardisation.

Cependant, à cette époque, Nevelson se voit offrir une bourse d’artiste de six semaines au Tamarind Lithography Workshop (aujourd’hui Tamarind Institute) à Los Angeles, ce qui lui permet d’échapper au drame de la ville de New York. Elle explique : «En temps normal, je n’y serais pas allée. L’idée des estampes ne m’intéressait pas tellement à l’époque, mais j’avais désespérément besoin de quitter la ville et tous mes frais étaient payés».

Au Tamarind, Nevelson réalise vingt-six lithographies, devenant ainsi l’artiste la plus productive à avoir obtenu la bourse jusqu’alors.

Les lithographies qu’elle crée comptent parmi ses œuvres graphiques les plus créatives, utilisant des matériaux non conventionnels tels que des toiles à fromage, de la dentelle et des textiles sur la pierre lithographique pour créer des effets de texture intéressants.

Avec une nouvelle inspiration créative et des fonds reconstitués, Nevelson retourne à New York dans de meilleures conditions personnelles et professionnelles.

Elle rejoint la Pace Gallery à l’automne 1963, où elle expose régulièrement jusqu’à la fin de sa carrière.

En 1967, le Whitney Museum accueille la première rétrospective de l’œuvre de Nevelson, avec plus d’une centaine de pièces, dont des dessins des années 1930 et des sculptures contemporaines.

En 1964, elle crée deux œuvres : Homage to 6,000,000 I et Homage to 6,000,000 II en hommage aux victimes de l’Holocauste.

Nevelson engage plusieurs assistants au fil des ans : Teddy Haseltine, Tom Kendall et Diana MacKown, qui l’aident dans le studio et s’occupent des affaires courantes.

À cette époque, Nevelson a consolidé son succès commercial et critique.

Nevelson continue d’utiliser le bois dans ses sculptures, mais expérimente également d’autres matériaux tels que l’aluminium, le plastique et le métal.

Black Zag X de 1969, dans la collection du Honolulu Museum of Art, est un exemple des assemblages entièrement noirs de l’artiste incorporant le plastique Formica.

À l’automne 1969, l’université de Princeton lui commande sa première sculpture en plein air.

Après l’achèvement de ses premières sculptures en plein air, Nevelson déclare : «Rappelez-vous, j’étais au début de ma vie : «Rappelez-vous, j’avais plus de soixante-dix ans lorsque je me suis lancée dans la sculpture monumentale en plein air [...]. J’avais connu les enceintes de bois. J’avais connu les ombres. J’avais traversé les enceintes et j’étais sortie à l’air libre». Nevelson fait également l’éloge de nouveaux matériaux tels que le plexiglas et l’acier corindon, qu’elle qualifie de «bénédiction».

Elle a accepté l’idée que ses œuvres puissent résister au changement climatique et la liberté de dépasser les limites de taille.

Ces œuvres d’art public ont été créées par la Lippincott Foundry.

Les commandes d’art public de Nevelson ont été un succès monétaire, mais l’historien de l’art Brooke Kamin Rapaport affirme que ces œuvres ne sont pas les plus fortes de Nevelson et que le «geste intuitif» de Nevelson n’est pas évident dans les grandes œuvres en acier.

(suit page 18)

PALAZZI 13 VENEZIA
Photo allanwarren

(suit de la page 17)

En 1969, Nevelson a reçu la médaille Edward MacDowell.

En 1972-1973, elle crée ses sculptures Dream Houses, composées de petits morceaux de bois assemblés en forme de maison et peints en noir de manière caractéristique[24]. Ces œuvres se distinguent de nombre de ses pièces par le fait qu’elles sont entièrement tridimensionnelles et ne présentent pas une seule façade, bien que chaque face soit une façade reconnaissable à la Nevelson[24].

En 1973, le Walker Art Center organise une exposition majeure de son travail, qui voyage pendant deux ans.

En 1975, elle conçoit la chapelle de l’église luthérienne St. Peter’s à Midtown Manhattan.

Interrogée sur son rôle en tant qu’artiste juive créant des œuvres d’art à thème chrétien, Nevelson a déclaré que son travail abstrait transcendait les barrières religieuses.

En 1975 également, elle a créé et installé une grande sculpture en bois intitulée Bicentennial Dawn au nouveau palais de justice des ÉtatsUnis James A. Byrne à Philadelphie.

Au cours de la dernière moitié de sa vie, Nevelson a consolidé sa renommée et sa personnalité, cultivant un style personnel pour sa personne «petite mais flamboyante» qui a contribué à son héritage : robes dramatiques, foulards et grands faux cils.

Lorsqu’Alice Neel a demandé à Nevelson comment elle s’habillait si joliment, Nevelson a répondu «Fucking, dear, fucking», en référence à son mode de vie sexuellement libéré.

Le designer Arnold Scaasi a créé un grand nombre de ses vêtements. Nevelson est décédée le 17 avril 1988.

Au moment de sa mort en 1995, son ami Willy Eisenhart travaillait à la rédaction d’un livre sur Nevelson.

À l’époque où Nevelson développait son style, nombre de ses collègues artistes - Alexander Calder, David Smith, Theodore Roszak - soudaient le métal pour créer leurs sculptures à grande échelle. Nevelson décide d’aller dans la direction opposée, explorant les rues à la recherche d’inspiration et la trouvant dans le bois[18]. Les sculptures les plus remarquables de Nevelson sont ses murs ; des collages en bois, semblables à des murs, conduisant à des

reliefs composés de multiples boîtes et compartiments qui contiennent des formes abstraites et des objets trouvés, des pieds de chaise aux balustres. Nevelson décrit ces sculptures immersives comme des «environnements».

Les pièces en bois sont également des chutes, des pièces trouvées dans les rues de New York.

À l’instar de Marcel Duchamp, qui a suscité la controverse en s’appropriant un urinoir et en le transformant en une sculpture intitulée Fountain en 1917, Nevelson a pris des objets trouvés et les a peints à la bombe pour dissimuler leur fonction ou leur signification réelle Nevelson s’est qualifiée de «recycleuse originale» en raison de son utilisation intensive d’objets mis au rebut et a remercié Pablo Picasso de lui avoir «donné le cube», qui a servi de base à ses sculptures d’inspiration cubiste.

Elle a été fortement influencée par le cubisme, qu’elle décrit comme «l’une des plus grandes prises de conscience de l’esprit humain», mais aussi par l’art amérindien et maya, les rêves, le cosmos et les archétypes.

[En outre, Nevelson a été fortement inspirée par l’œuvre

de Joaquín Torres García, un artiste uruguayen qui «aux États-Unis a probablement été sous-estimé précisément parce qu’il était si influent ; la dette d’Adolph Gottlieb et de Louise Nevelson envers son œuvre n’a jamais été pleinement reconnue».

En tant qu’élève de Hans Hofmann, elle apprend à pratiquer son art avec une palette limitée, en utilisant des couleurs telles que le noir et le blanc, afin de se «discipliner».

Jusqu’en 1959, elle peint ses murs en noir à la bombe. Nevelson décrit le noir comme la «couleur totale» qui «signifie la totalité. Il signifie : contient tout... il contenait toutes les couleurs.

Ce n’était pas une négation de la couleur.

C’était une acceptation. Car le noir englobe toutes les couleurs.

Le noir est la couleur la plus aristocratique de toutes.

La seule couleur aristocratique...

J’ai vu des choses qui se transformaient en noir, qui prenaient de la grandeur».

Dans les années 1960, elle commence à intégrer le blanc et l’or dans ses œuvres.

Nevelson disait que le blanc était la couleur qui «appelait

le petit matin et la promesse émotionnelle».

Elle décrit sa phase dorée comme la «phase baroque», inspirée par l’idée qu’on lui avait racontée enfant que les rues de l’Amérique seraient «pavées d’or», par le matérialisme et l’hédonisme de la couleur, par le Soleil et la Lune.

Nevelson a revisité les robes de nô et les collections de pièces d’or du Metropolitan Museum of Art pour s’en inspirer.

Dans son œuvre, Nevelson explore souvent les thèmes de son passé compliqué, de son présent factice et de son futur anticipé.

Un symbole commun qui apparaît dans l’œuvre de Nevelson est la mariée, comme on peut le voir dans Bride of the Black Moon (1955).

Le symbole de la mariée fait référence au fait que Nevelson a elle-même échappé au mariage dans sa jeunesse et à sa propre indépendance en tant que femme pendant le reste de sa vie.

Ses œuvres Sky Cathedral ont souvent pris des années à créer ; Sky Cathedral : Night Wall, qui fait partie de la collection du Columbus Museum of Art, a nécessité 13 ans de travail

Photo radiocorrieretv PALAZZI 14 VENEZIA

dans son atelier de New York. À propos de la série Sky Cathedral, Nevelson commente : « C’est l’Univers, les étoiles, la lune - et vous et moi, tout le monde :».

Les œuvres de Nevelson ont été exposées dans de nombreuses galeries, notamment la Anita Shapolsky Gallery, la Woodward Gallery et la Pace Gallery à New York, ainsi que la Margot Gallery à Lake Worth, en Floride.

Ses œuvres font partie de collections de musées du monde entier, tels que le Pérez Art Museum Miami, le Smithsonian American Art Museum, Washington DC, la Tate, Londres, le Whitney Museum of American Art, le Brooklyn Museum, le Museum of Modern Art, New York et le Guggenheim Museum.

Les installations publiques sont considérées comme un élément central de l’œuvre de Nevelson, dont on dit qu’elle est « la première femme à s’être fait connaître aux ÉtatsUnis pour son art public»

En 1978, un jardin de sculptures, Louise Nevelson Plaza (anciennement Legion Memorial Square), situé entre Maiden Lane, Liberty Street et William Street dans le sud de Manhattan, est créé pour

mettre en valeur les sculptures de Louise Nevelson.

Il s’agit du premier espace public de la ville de New York à porter le nom d’un artiste. Après avoir subi d’importantes modifications depuis sa création, notamment une refonte complète de la place en 2007-2010, il est aujourd’hui géré par la Federal Reserve Bank of New York.

En décembre 1978, Nevelson a dédié une autre sculpture publique au Lower Manhattan ; intitulée Sky Gate, New York, elle a été installée dans le hall de la mezzanine du 1 World Trade Center, sur le site opposé du Financial District[48].

Louise Nevelson a construit ses sculptures comme elle a construit son passé : en façonnant chacune d’entre elles avec son sens légendaire du soi, tout en créant une iconographie extraordinaire par des moyens abstraits.-

Au cours de sa vie, Nevelson a fait don de ses documents à de nombreuses institutions à but non lucratif, en plusieurs fois, de 1966 à 1979. Ils sont entièrement numérisés et font partie de la collection des Archives of American Art.

Le Farnsworth Art Museum,

situé à Rockland (Maine), la ville d’enfance de Nevelson, abrite la deuxième plus grande collection de ses œuvres, y compris les bijoux qu’elle a créés.

En 2000, le service postal des États-Unis a émis une série de timbres commémoratifs en l’honneur de Nevelson.

L’année suivante, son ami et dramaturge Edward Albee écrit la pièce «Occupant« en hommage à la sculptrice.

Le spectacle a été présenté à New York en 2002 avec Anne Bancroft dans le rôle de Nevelson, mais il n’a jamais dépassé le stade des avant-premières en raison de la maladie de Bancroft.

Le Theater J de Washington DC a monté une reprise en novembre 2019.

L’image distincte et excentrique de Nevelson a été documentée par des photographes tels que Robert Mapplethorpe, Richard Avedon, Hans Namuth et Pedro E. Guerrero[6]. Nevelson figure à l’étage du patrimoine, parmi d’autres femmes célèbres, dans le chef-d’œuvre de Judy Chicago The Dinner Party (1974-1979).

À la mort de Nevelson, son patrimoine s’élevait à au moins 100 millions de dol-

lars. Son fils, Mike Nevelson, a retiré 36 sculptures de sa maison. Des documents montrent que Nevelson a légué ces œuvres, d’une valeur de plusieurs millions, à son amie et assistante depuis 25 ans, Diana MacKown, mais Mike Nevelson prétend le contraire[52]. Des procédures ont été entamées au sujet de la succession et du testament, qui, selon Mike Nevelson, ne mentionnait pas MacKown. Il est question d’une éventuelle affaire de pension alimentaire, mais malgré les spéculations publiques selon lesquelles les deux femmes étaient amantes, MacKown maintient qu’elle n’a jamais eu de relation sexuelle avec Nevelson, tout comme Mike Nevelson.

En 2005, Maria Nevelson, la plus jeune des petites-filles, a créé la Fondation Louise Nevelson, une organisation à but non lucratif.

Sa mission est d’éduquer le public et de célébrer la vie et l’œuvre de Louise Nevelson, en renforçant son héritage et sa place dans l’histoire de l’art américain.

Maria Nevelson donne de nombreuses conférences sur sa grand-mère dans les musées et propose des services de recherche. Le féminisme et l’influence de Nevelson sur l’art féministe Je ne suis pas une féministe. Je suis une artiste qui se trouve être une femme. Louise Nevelson a joué un rôle fondamental dans le mouvement artistique féministe.

Reconnue pour avoir déclenché l’examen de la féminité dans l’art, Nevelson a remis en question la vision du type d’art que les femmes devaient créer avec ses œuvres sombres, monumentales et ressemblant à des totems, culturellement considérées comme masculines. Nevelson pensait que l’art reflétait l’individu, et non les «étiquettes masculin-féminin», et a choisi d’assumer son rôle d’artiste, et pas spécifiquement d’artiste femme. Les critiques des œuvres de Nevelson dans les années 1940 l’ont décrite comme une simple femme artiste. Un critique de son exposition de 1941 à la galerie Nierendorf a déclaré : «Nous avons appris que l’artiste est une femme, à temps pour réfréner notre enthousiasme. S’il en avait été autrement, nous aurions pu saluer ces expressions sculpturales comme celles (suit page 20)

PALAZZI 15 VENEZIA

(suit de la page 19) d’une grande figure de la modernité.

Une autre critique faisait preuve d’un sexisme similaire : «Nevelson est une sculptrice ; elle vient de Portland, dans le Maine.

Vous nieriez ces deux faits et vous pourriez même insister sur le fait que Nevelson est un homme, lorsque vous verrez ses Portraits en peinture, exposés ce moisci à la Nierendorf Gallery».

L’œuvre «Some Living American Women Artists / Last Supper» (1972) de Mary Beth Edelson s’approprie La Cène de Léonard de Vinci, avec les têtes de femmes artistes notables collées sur les têtes du Christ et de ses apôtres ; Nevelson fait partie de ces femmes artistes notables. Cette image, qui traite du rôle de l’iconographie religieuse et historique de l’art dans la subordination des femmes, est devenue «l’une des images les plus emblématiques du mouvement artistique féministe. Malgré son influence sur les artistes féministes, l’opinion de Nevelson sur la discrimination dans le monde de l’art se limite à la croyance que les artistes qui n’obtiennent pas de succès sur la base de leur sexe souffrent d’un manque de confiance.

Lorsque le Feminist Art Journal lui a demandé si elle souffrait du sexisme dans le monde de l’art, Nevelson a répondu : «Je suis une libération de la femme».

Don Bacigalupi, ancien président du Crystal Bridges Museum of American Art, a déclaré à propos de Nevelson :

«Dans le cas de Nevelson, elle était l’artiste la plus féroce qui soit.

Elle était la plus déterminée, la plus énergique, la plus difficile.

Elle s’est imposée par la force.

C’était donc une façon de procéder, mais toutes les femmes n’ont pas choisi ou pu emprunter cette voie».

wikipedia.org

https://www.wikiart.org/en/ louise-nevelson

https://www.artsy.net/artist/ louise-nevelson/works-forsale

https://www.artnet.com/artists/louise-nevelson/ https://www.labiennale. org/it/arte/2022/la-seduzione-del-cyborg/louise-nevelson

https://www.nevelson.com/

PAUL SARK

PALAZZI 20 VENEZIA

o incontro in un bar del centro, in una bella giornata di sole, niente formalità, si chiacchera come due amici davanti a un caffè.

Col sorriso semplice di chi si dona generosamente agli altri, comincia a parlarmi della sua vita, senza aspettare che sia io a rivolgergli le solite domande di rito.

E’ Paul Sark, poeta, scrittore, pittore, musicista, attore… e molto altro.

Racchiudere un artista all’interno di una definizione della lingua italiana è sempre un modo di ingabbiarlo, di limitarne il respiro.

Fin da ragazzo si appassiona alla musica afro-americana, è curioso, eclettico, il suo pensiero produce immagini che si rincorrono e giocano tra loro, anche mentre mi parla.

Nel 1972 lascia la Sardegna, dove è nato e ha trascorso la sua giovinezza.

Oggi torna a vivere qui, alla ricerca di una dimensione più umana rispetto a quella delle grandi città del nord Italia.

Mi racconta della sua infanzia, la perdita della mamma quando aveva otto anni, un papà solo e impegnato che chiede alle religiose il conforto e la temporanea ospitalità per i suoi bambini, la

porta dell’istituto che si chiude dietro le loro spalle e una sorellina di tre anni da consolare.

Due lacrime trattenute a stento sul ciglio, la voce che si rompe… non solo quella di Paul, anche la mia.

Ma non siamo tipi che nascondono le emozioni dietro un paio di occhiali da sole.

“Forse l’arte sublima il dolore, sai, l’artista vede il mondo da prospettive diverse che gli altri non vedono.

Scrivo e produco le mie opere per risvegliare le coscienze rispetto al degrado del mondo e ai temi sociali: l’inquinamento, la violenza sulle donne, la povertà, le guerre, la condizione di alcune popolazioni, lo sfruttamento dei bambini, sono solo alcuni esempi.

Vorrei lasciare di me un ricordo positivo e sapere che nel mio piccolo ho contribuito a rendere migliore il mondo”.

Ex insegnante, educatore e animatore, ha frequentato il liceo artistico, il liceo scientifico e la scuola magistrale, portando la sua arte anche presso le case di riposo, le scuole, le comunità. Anche la recitazione teatrale è stata strumento di condivisione e sensibilizzazione, oltre che diletto.

Le sue opere sono state esposte in 450 mostre, da Milano a Ma-

drid, da Saragozza a New York. Si tratta di dipinti, testi, libri oggetto, scatole poetiche contenenti sculture, oggetti, personaggi legati da una tematica particolare, quadri composti da materiali di riciclo.

La nostra conversazione si fa intrigante quando Paul mi confida di non sognare mai luoghi conosciuti, ma paesaggi fantastici. Io subito immagino scenari come Alice nel paese delle meraviglie, cerco di indagare, ma poi il tempo tiranno mi impone di concludere con l’ultima domanda: “chi sono le tue Muse?” Senza esitazione mi risponde: “mia madre e moglie Loredana” poi aggiunge “per la verità devo molto anche a una professoressa del liceo che mi fece amare la filosofia e la letteratura.

La considero una specie di iniziazione”.

Ci salutiamo dandoci un appuntamento Cagliari, in via Santa Margherita 6, nei locali dell’agenzia Onali, che ospita la mostra IMAGO, uno spazio che Paul Sark condivide con l’artista AMArini fino al 30 Marzo. Un appuntamento da non perdere!

vedi

https://vimeo.com/391707296

www.corinnevigocoach.it

https://www.facebook.com/corinnevigocoach/

Originaire de Cagliari, Paul

Sark s’est approché de l’art dès l’âge de six ans. lorsque, fasciné par le short blanc d’un camarade de classe, il n’hésite pas à le dessiner, d’un camarade de classe, il n’hésite pas à dessiner dessus. Tout est lié à la couleur, pinceaux, toiles, masques, cartons, imagination et créativité, l’ont accompagné. l’ont toujours accompagné.

Il obtient le premier prix à l’âge de dix-sept ans, lors de la première exposition d’art figuratif à laquelle il a participé, organisée au lycée où il étudiait, le lycée scientifique Pacinotti.

Ensuite, il a autour du monde, entre études, vacances, séjours à l’étranger, sports et travail. En cinquante ans d’activité, il a participé à plus de deux cents expositions, se démêlant également entre ateliers de création, photographie, musique, théâtre, poésie traditionnelle et visuelle, livres d’objets et d’artistes, mail art et performances multimédias.

Il réside actuellement à Capoterra avec sa muse Loredana, dans le Giardino dell’Arte. Fondateur des associations artistiques et culturelles : «Centro Immagine Contemporanea» Bologna, «Azetarte» Verona, «Galerie Paul Sark» Vérone, «dEcHiRiCoSaRk» Mantoue, «Bisbidis, bisbigli d’arte» Vérone, «Sconfinart» Trente, «La Cave des Artistes» Trento Activités d’expression et de recherche artistique : Art figuratif ; photographie ; scénographie ; poésie visuelle, sonore et linéaire ; poésie vidéo ; théâtre expérimental ; installation poétique ; performance multimédia ; photographie expérimentale ; musique expérimentale ; sculpture poétique ; copy art ; livre-objet ; livre d’artiste ; Œuvres littéraires (sélection) : «The Celebrating Cantucci», The Stockton Drawing Room», Return to Harlem», Convivium». «Les cordes de la harpe», «Jazz et plats d’accompagnement», «La foi noire», «Rambling on my Mind», «Le chant de la pluie et des montagnes», «Le chant, les chants», «Et la poésie est née à Auschwitz», «La guerre n’est pas», «Bénie soit l’eau du Pô».

Activité d’exposition : peinture, photographie, copy art, objets et livres d’artiste : (suit page30)

photographie de paul sark

Participation à plus de 200 expositions, en Italie et à l’étranger. Activités multimédias, théâtrales et poétiques : Réalisation d’environ 250 performances multimédias, poétiques, musicales et interactives, de 1985 à 2018.

Activités de formation pédagogique et ateliers pour les écoles :

Atelier de créativité photographique, poésie et écriture créative, peinture avec des techniques mixtes, expressivité avec des matériaux pauvres, carte postale artistique, livre-objet et livre-objet, poésie visuelle.

Ainsi comme vous pouvez le constater Paul Sark est un personnage tel un polyèdre, multiforme et multicast, un vrai couteau suisse, qui s’intéresse de Peinture, de Poésie visuelle, de Poésie linéaire, de performance théâtrale multimédia, de Photographie, de Sculpture, poétiques.

Ce sont plus de 150 les œuvres, livres, objets d’artiste, laboratoires créatifs, de poésie, de peinture et de dessin, de photographie, de scénographie et de création de livres objet et de livres d’artistes.

Il a aussi participé a 168 expositions entre des personnelles et des collectives.

Déplus il se prépare a mettre en scène avec sa troupe un spectacle qu’il aimerait voir représenté au Théâtre Cavallera de Carloforte, ile au sud ouest de la Sardaigne qui fut, à la fin du XVIIIème siècle, te théâtre d’un événement historique dont la pièce qu’il aimerait présenter s’inspire, en essayant de condenser l’espace et le temps en trois actes et un prologue, d’un événement qu’encore aujourd’hui hante les habitants de Carloforte qui provenait d’ailleurs de la banlieue de Gènes, Pegli exactement, et qui furent installés dans l’ile de Tabarka, en face de la Tunisie par Charles V, le souverain espagnol après la victoire de Lépante contre les sarrasin.

En suite se transférèrent dans l’ile de Saint Pietro lorsque la Sardaigne fut donné au Duc de Savoie qui devins dès lors le Roi de Sardaigne, mais la pièce vous éclairera sur l’événement en question, alors ne manquez pas, peut être le 2 septembre 2023 à Carloforte au théâtre Cavallera.

Vittorio E. Pisu pour le contacter

335 66 38375

animazione@rsa-samgiovanni.it

VII THEA FILOPATRA

LEOPATRA VII

FILOPATRA (70 a.C. - 30 a.C.), ultimo sovrano dell’Egitto tolemaico. Cleopatra apparteneva alla dinastia tolemaica, interamente macedone.

La dinastia fu fondata da Tolomeo I Soter, uno dei principali generali di Alessandro Magno e suo successore in Egitto. I Tolomei, in quanto faraoni divinizzati, avevano l’abitudine di sposare solo membri della propria famiglia.

A volte sposavano membri di altre dinastie macedoni, come i Seleucidi, che avevano qualche origine asiatica (attraverso la moglie di Seleuco I Nicatore, Apama, figlia del satrapo Sogdiano Espitamene).

Cleopatra non aveva quindi nemmeno una goccia di sangue egiziano autoctono.

I Tolomei parlavano solo greco e Cleopatra VII sarebbe stata l’unica dei loro membri più importanti ad aver imparato la lingua egizia.

Pur essendo culturalmente, linguisticamente ed etnicamente greci, adottarono le divinità egizie in sincronia con quelle greche.

Questa illustrazione di Cleopatra, opera di Joan Francesc Oliveras Pallerols, si basa sui

suoi busti marmorei (idealizzati) che mostrano i suoi caratteristici capelli ondulati legati in uno chignon posteriore e una fascia regale, tipica delle dinastie ellenistiche. I suoi pezzi mostrano la stessa acconciatura e la stessa fascia, ma con un volto meno idealizzato (piuttosto caricaturale).

Le sue monete non sono molto coerenti, ma la mostrano sempre con un naso aquilino. La carnagione chiara e i capelli rossi si basano su affreschi di Pompei ed Ercolano che probabilmente la ritraggono. L’abito trasparente, che combina tradizioni egizie e greche, si basa su statue di regine tolemaiche divinizzate.

Successivamente adottato dagli scultori romani in modo meno rivelatore per rappresentare la dea Iside, nelle statue tolemaiche questo abito lascia sempre il seno scoperto, come era comune tra le donne indigene egiziane.

Anche un autore romano del I secolo, Lucano, descrive Cleopatra con un abito di seta orientale trasparente che mostra il seno, una fortuna in perle dell’Oceano Indiano e molto trucco.

L’artista ha aggiunto gli smeraldi perché l’Egitto greco-romano era la fonte di tutti gli

smeraldi del vecchio mondo. Cléopâtre était membre de la dynastie ptolémaïque, entièrement macédonienne.

Cette illustration de Cléopâtre, réalisée par Joan Francesc Oliveras Pallerols, est basée sur ses bustes en marbre (idéalisés) qui représentent ses mèches caractéristiques de cheveux ondulés attachées dans un chignon dans le dos et un bandeau royal, typique des dynasties hellélistiques. Ses pièces montrent la même coiffure et le même bandeau, mais avec un visage moins idéalisé (plutôt caricatural). Ses pièces ne sont pas très cohérentes mais elles la représentent toujours avec un nez aquilin.

Le teint de peau pâle et les cheveux roux sont basés sur des fresques de Pompéi et Herculano qui la représentent probablement.

La robe transparente, qui allie les traditions égyptienne et grecque, repose sur des statues de reines ptolémaïques déifiées.

Plus tard adoptée par les sculpteurs romains d’une manière moins révélatrice pour représenter la déesse Isis, dans les statues ptolémaïques cette robe laisse toujours les seins découverts.

(suit de la page 21)
PALAZZI 24 VENEZIA CLEOPATRA
Photo agapéhub

LEOPATRA VII FILOPATRA (70 a.C. - 30 a.C.), ultimo sovrano dell’Egitto tolemaico.

Cleopatra apparteneva alla dinastia tolemaica, interamente macedone.

La dinastia fu fondata da Tolomeo I Soter, uno dei principali generali di Alessandro Magno e suo successore in Egitto. I Tolomei, in quanto faraoni divinizzati, avevano l’abitudine di sposare solo membri della propria famiglia. A volte sposavano membri di altre dinastie macedoni, come i Seleucidi, che avevano qualche origine asiatica (attraverso la moglie di Seleuco I Nicatore, Apama, figlia del satrapo Sogdiano Espitamene).

Cleopatra non aveva quindi nemmeno una goccia di sangue egiziano autoctono.

I Tolomei parlavano solo greco e Cleopatra VII sarebbe stata l’unica dei loro membri più importanti ad aver imparato la lingua egizia.

Pur essendo culturalmente, linguisticamente ed etnicamente greci, adottarono le divinità egizie in sincronia con quelle greche.

Questa illustrazione di Cleopatra, opera di Joan Francesc Oliveras Pallerols, si basa sui suoi busti marmorei (idealizzati) che mostrano i suoi

caratteristici capelli ondulati legati in uno chignon posteriore e una fascia regale, tipica delle dinastie ellenistiche. I suoi pezzi mostrano la stessa acconciatura e la stessa fascia, ma con un volto meno idealizzato (piuttosto caricaturale).

Le sue monete non sono molto coerenti, ma la mostrano sempre con un naso aquilino.

La carnagione chiara e i capelli rossi si basano su affreschi di Pompei ed Ercolano che probabilmente la ritraggono.

L’abito trasparente, che combina tradizioni egizie e greche, si basa su statue di regine tolemaiche divinizzate.

Successivamente adottato dagli scultori romani in modo meno rivelatore per rappresentare la dea Iside, nelle statue tolemaiche questo abito lascia sempre il seno scoperto, come era comune tra le donne indigene egiziane.

Anche un autore romano del I secolo, Lucano, descrive Cleopatra con un abito di seta orientale trasparente che mostra il seno, una fortuna in perle dell’Oceano Indiano e molto trucco.

L’artista ha aggiunto gli smeraldi perché l’Egitto greco-romano era la fonte di tutti gli smeraldi del vecchio mondo.

Cléopâtre était membre de la

dynastie ptolémaïque, entièrement macédonienne.

Cette illustration de Cléopâtre, réalisée par Joan Francesc Oliveras Pallerols, est basée sur ses bustes en marbre (idéalisés) qui représentent ses mèches caractéristiques de cheveux ondulés attachées dans un chignon dans le dos et un bandeau royal, typique des dynasties hellélistiques.

Ses pièces montrent la même coiffure et le même bandeau, mais avec un visage moins idéalisé (plutôt caricatural).

Ses pièces ne sont pas très cohérentes mais elles la représentent toujours avec un nez aquilin.

Le teint de peau pâle et les cheveux roux sont basés sur des fresques de Pompéi et Herculano qui la représentent probablement.

La robe transparente, qui allie les traditions égyptienne et grecque, repose sur des statues de reines ptolémaïques déifiées.

Plus tard adoptée par les sculpteurs romains d’une manière moins révélatrice pour représenter la déesse Isis, dans les statues ptolémaïques cette robe laisse toujours les seins à découvert comme c’était courant chez les femmes indigènes égyptiennes.

Un auteur romain du 1er siècle, Lucano, décrit aussi Cléopâtre dans une robe transparente en soie orientale qui laisse voir ses seins, une fortune en perles de l’océan Indien et beaucoup de maquillage.

L’artiste y a ajouté des émeraudes parce que l’Égypte gréco-romaine était la source de toutes les émeraudes du vieux monde.

Cléopâtre était la fille du pharaon Ptolémée XII Auletes et d’une femme inconnue. Certains historiens considèrent Cléopâtre comme la fille de Cléopâtre VI Trifena, sœur et seule épouse connue de Ptolémée XII, mais l’historien antique Strabon dit indirectement qu’elle était une fille illégitime.

Une autre théorie indique que la mère de Cléopâtre était une femme d’origine égyptienne, probablement un membre de la famille du grand prêtre de Ptah, avec des ancêtres à la fois égyptiens et macédoniens, étant donné les liens de Cléopâtre avec la culture locale, ce qui n’est pas courant chez les Ptolémées.

Selon le récit de Strabon, Ptolémée XII n’a eu qu’une fille légitime, Bérénice IV (de Cléopâtre VI), deux filles illégitimes (Cléopâtre et Arsinoé IV) et deux fils illégitimes (Ptolémée XIII et Ptolémée XIV).

Cléopâtre appartenait à l’ancienne famille des Ptolémées (ou Lagides) et descendait donc du diadoque Ptolémée Ier Sotère, fondateur de la dynastie et ami d’enfance d’Alexandre le Grand ; elle descendait également, par son ancêtre Cléopâtre Ier, qui avait épousé Ptolémée V Épiphane, de Séleucos Ier Nicator, un autre diadoque, et pouvait donc se prévaloir de nobles origines gréco-macédoniennes.

Elle est apparentée à Ptolémée de Chypre et à Cléopâtre Bérénice, demi-frères de son père, mais aussi à Ptolémée IX, son grand-père, et, par des mariages dynastiques, à de nombreux membres de la dynastie séleucide.

Cléopâtre naît entre la fin de l’année 70 et l’année 69 avant J.-C. (certainement avant le 14 janvier 69 avant J.-C. et probablement pendant ou après décembre 70 avant J.-C.), dans la 12e année du règne de son père, et dans la période suivante, de 68 avant J.-C. à 59 avant J.-C., J.-C., sa sœur Arsinoé IV et ses frères Ptolémée XIII (suit page 26)

Photo wikipedia buste de cleopatre
PALAZZI 25 VENEZIA
Foto wikipedia ptolomeusXII

(suit de la page 25)

et Ptolémée XIV viennent au monde de mères différentes et inconnues.

Enfant, Cléopâtre étudie à la bibliothèque et au musée d’Alexandrie, et nous savons qu’elle a pour précepteur Philostrate, qui l’initie à la philosophie, à la rhétorique et à l’art oratoire ; sa formation est très large et couvre également les domaines de la médecine, de la physique et de la pharmacologie’.

Nous savons également que Cléopâtre, en tant que reine, était capable de parler, et probablement de lire et d’écrire, dans les langues «des Éthiopiens, des Troglodytes, des Hébreux, des Arabes, des Syriens, des Mèdes, des Parthes et de beaucoup d’autres», comme nous le dit Plutarque; parmi ces autres idiomes se trouvaient certainement le grec ancien, l’égyptien et le latin, et probablement d’autres langues nord-africaines.

En 59 av. J.-C., son père, Ptolémée Auletes, est reconnu comme amicus et socius populi romani, grâce à l’appui des triumvirs Jules César et Pompée, mais au cours de l’été 58 av, J.-C., le souverain est cependant contraint de quitter l’Égypte en raison d’émeutes déclenchées par la crise économique croissante du royaume (entraînant une augmentation des impôts) et de son incapacité à protéger le royaume client de Chypre de l’invasion romaine de l’île; cette même année, l’armée romaine dirigée par Marcus Porcius Cato avait en effet arraché Chypre au demi-frère de Ptolémée, Ptolémée de Chypre, qui s’était suicidé pour éviter d’être capturé.

Pendant ce temps, en Égypte, les Alexandrins élèvent au pouvoir l’épouse de Ptolémée, Cléopâtre VI Trifena, et sa fille aînée, Bérénice IV ; cependant, Trifena meurt peu après et la fille de Ptolémée se retrouve seule monarque du royaume.

Bérénice épouse alors le prince séleucide Séleucus Kybiosaktes, qui meurt peu après, empoisonné par sa femme pour son incapacité à gouverner ; la princesse se remarie, cette fois avec Archélaos, un prêtre de Cappadoce.

Pour retrouver le trône, Ptolémée demande alors l’aide des Romains, qui envoient Aulus Gabinius, à qui Ptolémée promet également une récompense de dix mille talents.

Gabinius arrive en Égypte et capture immédiatement Ar-

chélaüs, mais, pensant qu’une victoire trop rapide lui rapporterait peu d’argent, il le relâche en prétendant qu’il s’est enfui. Finalement, Gabinius réussit à vaincre et à tuer Archélaüs, et Bérénice est condamnée à mort par son propre père, qui retourne en Égypte avec Cléopâtre en 55 av. J.-C.

Au cours de ces années, Cléopâtre voit pour la première fois Marc Antoine, un jeune noble romain, alors au service de Gabinius en tant que commandant de cavalerie, avec qui elle aura plus tard une importante histoire d’amour.

Après le retour de Ptolémée en Égypte, le problème de la succession se pose : l’aînée de ses enfants est Cléopâtre, mais pour éviter les problèmes liés au fait qu’elle est une femme, Ptolémée décide de la nommer cohéritière du premier enfant mâle, Ptolémée XIII, demandant dans son testament que le peuple romain soit le tuteur des deux garçons après leur accession au trône.

En 52 avant J.-C., les quatre fils du roi sont tous des femmes. Ils reçoivent l’appellation de « nouveaux dieux « et de « frères aimants« (Θεοι Νεοι Φιλαδελφοι, Theoi Neoi Philadelphoi) et, dans le même temps, Cléopâtre est associée

au trône avec son père, assurant une succession ordonnée, le fils mâle étant encore un enfant.

Ptolémée XII meurt d’une maladie au printemps 51 av. J.-C. et Cléopâtre lui succède avec son frère Ptolémée XIII, âgé de dix ans, qu’elle est censée épouser, selon la tradition qui veut que la dynastie ptolémaïque ait commencé avec Ptolémée II et Arsinoé II, conformément à la coutume des anciens pharaons, mais cette union n’a pas lieu à ce moment-là et peut-être même pas plus tard.

Cléopâtre prend immédiatement le titre de Φιλοπάτωρ (Philopátor, « amant de son père «), en l’honneur de son défunt parent, mais il semble que Cléopâtre ait d’abord pris soin de ne pas faire circuler la nouvelle de la mort de son père, probablement pour consolider son propre pouvoir, si bien qu’à Rome, la mort de Ptolémée n’est confirmée que fin juillet.

Malgré la volonté de son père, la jeune reine décide en effet de centraliser le pouvoir entre ses mains et d’écarter Ptolémée XIII, encore enfant: elle ajoute formellement l’adjectif Θεά (Theá, « divin «) à son titre, devenant Theà Philopátor

(« divin amant de son père«), pour souligner sa propre succession directe de Ptolémée XIII, et fait exclure le nom de son frère des documents officiels jusqu’en 50 av. J.-C.. Elle s’efforça également de trouver des appuis en Haute-Égypte, gouvernée par l’epistrátegos Callimachus, où son père avait joui d’une grande popularité ; une excellente occasion se présenta à elle car le taureau sacré d’Apis était mort en 52 av. J.-C. et l’année suivante, lors de son accession au trône, les prêtres en avaient trouvé un nouveau, qui fut consacré le 22 mars de cette année-là à Hermonti, en présence de la reine. Dans la seconde moitié de l’année 50 av, les ennemis de Cléopâtre à Alexandrie, capitale et centre du pouvoir égyptien, en profitent pour faire passer le 27 octobre, au nom de Ptolémée XIII et de Cléopâtre, un décret obligeant les marchands à détourner les approvisionnements en grains de la Haute-Égypte vers la capitale, sous peine de mort. En affaiblissant le territoire où Cléopâtre est la plus forte, les courtisans cherchent à affaiblir la position de la reine qui, entre 49 et 48 av. J.-C., est contrainte de quitter Alexan-

PALAZZI
26 VENEZIA
Photo wikipedia la porte de thars Photo wikipedia

drie pour se réfugier en Thébaïde.

Mais plus tard, la reine décide de quitter également la HauteÉgypte et, au printemps 48 av. J.-C., elle s’enfuit avec sa jeune sœur Arsinoé IV dans le sud de la Syrie, où son père avait de nombreux amis, dans le but de former une armée pour reconquérir le trône.

La guerre civile entre les fils de Ptolémée Auguste est imminente, lorsqu’en septembre 48 av. J.-C., le général romain Gnaeus Pompée le Grand arrive en Égypte : ce dernier, battu par Gaius Julius Caesar à la bataille de Pharsale, espère recevoir l’asile de Ptolémée XIII, compte tenu des bonnes relations qu’il a eues avec son père Ptolémée XII ; cependant, compte tenu de sa récente défaite, l’accueillir aurait mis le souverain égyptien dans une situation désavantageuse.

Ptolémée XIII et ses conseillers, dirigés par l’eunuque Potinus, craignant également que Pompée ne prenne le contrôle des Gabiniens stationnés à Alexandrie et n’accède au pouvoir en Égypte, décident de le faire assassiner par l’Égyptien Achilla et le Romain Lucius Septimius, en partie dans l’espoir de s’attirer les faveurs de César.

En outre, Ptolémée fait emprisonner l’ancien consul Lucius Cornelius Lentulus Crure, qui meurt peu de temps après.

Lorsque le vainqueur de Pharsale arrive, Ptolémée lui offre la tête de Pompée, mais ses espoirs sont déçus, César n’approuvant pas le meurtre d’un de ses concitoyens.

Son plus grand rival étant mort, César décide de rester en Égypte pour régler la situation entre Ptolémée et Cléopâtre, fort du testament de son père qui confie leur garde au peuple romain : en tant que consul, César ordonne aux deux rivaux de démanteler leurs armées et de régler le différend par la justice.

Cependant, César n’est pas du tout apprécié des Égyptiens : il se présente à Alexandrie comme un consul visitant une ville soumise et réclame l’argent que Ptolémée XII lui avait promis en 59 avant J.-C., ce qui provoque des soulèvements populaires qui entraînent la mort de nombreux soldats. Les deux rivaux arrivent donc à Alexandrie, Ptolémée conservant néanmoins sa propre armée et Cléopâtre se présentant directement devant le dictateur à l’insu de son frère ; début novembre, cependant, tous deux sont à nouveau

nommés corégents par César et, répondant probablement aux souhaits de Ptolémée XII, le mariage entre les deux a lieu à la même occasion ; en même temps, le consul donne l’île de Chypre à Cléopâtre et aux frères et sœurs cadets de Ptolémée, Arsinoé et Ptolémée le Jeune.

Mais entre-temps, Potinus, régent de Ptolémée XIII, avait donné l’ordre au général Achilla d’envoyer son armée de Pélusium à Alexandrie, afin de vaincre le consul et de libérer Ptolémée de son influence ; Achilla, aidé par les Gabiniens, arriva dans la ville et réussit facilement à en conquérir une grande partie, commençant le siège du palais royal, où César se défendit avec ses quelques soldats. Le consul ordonne alors de brûler la flotte égyptienne dans le port, ce qui provoque la destruction d’une grande partie d’Alexandrie, y compris la grande bibliothèque ; en outre, ayant découvert les complots de Potinus et craignant qu’il ne fasse s’échapper Ptolémée du palais, il le fait arrêter et tuer.

Arsinoé, quant à elle, réussit à s’échapper du palais avec l’aide de l’eunuque Ganymède et rejoint les troupes assié-

geantes ; cependant, en désaccord avec Achille, elle le fait tuer et confie le commandement des troupes à Ganymède. Après quelques affrontements entre les flottes, qui voient la victoire de César et de ses alliés rhodiens, commandés par Euphranore, les Égyptiens commencent à douter de Ganymède et d’Arsinoé, et décident de les livrer à César, en échange de la libération de Ptolémée ; ce dernier parvient alors à rejoindre ses troupes. Mais au même moment, les renforts de César arrivent : troupes romaines de Syrie et de Cilicie, troupes pergaméniennes de Mithridate, juifs d’Antipater ; tandis que Ptolémée abandonne le siège pour attaquer les alliés des Romains, les troupes de César l’attaquent les 26 et 27 mars 47 av. J.-C. : les troupes égyptiennes sont vaincues à la bataille du Nil, Ptolémée meurt dans sa fuite, Arsinoé est capturée.

César rentre alors triomphalement dans la capitale avec son armée et organise une corégence entre Cléopâtre et son frère cadet, Ptolémée XIV; il bannit également Arsinoé du royaume afin d’éviter de futurs troubles civils.

Le général romain part ensuite en Asie pour la campagne contre Pharnace II de Pont et l’Égypte reste formellement indépendante, bien que trois légions romaines, sous le commandement de Rufion, soient laissées à Alexandrie afin de maintenir l’ordre public, étant donné le manque de popularité de la reine.

Les deux nouveaux souverains prirent le nom de Θεοί Φιλοπάτορες Φιλάδελφοι (Theòi Philopátores Philádelphoi), afin de maintenir une apparence de continuité de la dynastie ptolémaïque. Ptolémée XIV n’était en fait guère plus qu’un enfant (il avait 12 ou 10 ans), mais César voulait probablement éviter de laisser une femme seule aux commandes, afin de ne pas causer de problèmes comme cela s’était produit avec Bérénice IV.

(GREC)

« Τῷ γὰρ ἔργῳ ἡ Κλεοπάτρα μόνη πᾶν τὸ κράτος σχήσειν ἔμελλεν· ὅ τε γὰρ ἀνὴρ αὐτῆς παιδίον ἔτι ἦν, καὶ ἐκείνη πρὸς τὴν παρὰ τοῦ Καίσαρος εὔνοιαν οὐδὲν ὅ τι οὐκ ἐδύνατο.»

(FR)

«Puisqu’en réalité Cléopâtre possédait elle-même tous les pouvoirs, puisque son mari n’était (suit page 28)

PALAZZI 27 VENEZIA

(suit de la page 27)

encore qu’un garçon et grâce à la faveur de César, il n’y avait rien qu’elle ne pût faire.»

(Cassius Dio, XLII, 44.3)

César resta environ neuf mois en Égypte; pendant son séjour, une liaison amoureuse s’était développée entre lui et Cléopâtre, à tel point qu’au moment du départ du dictateur romain, Cléopâtre en était à son septième mois de grossesse ; peu après, en effet, naquit Ptolémée César, dit Césarion (en grec ancien: Καισαρίων, Kaisaríōn, « le petit César «).

A ce moment là César avait 52 ans et Cléopâtre 19.NDR

‘Cette union avait des visées politiques pour les deux amants : César s’assurait en effet un lien purement personnel avec l’Égypte, en dehors de son autorité formelle de dictateur ; Cléopâtre, de son côté, parvenait à maintenir l’indépendance de ses propres terres et à reconquérir Chypre (l’île avait en effet été conquise par les Romains en 58 av. J.-C. et était revenue sous la domination ptolémaïque grâce à la donation de César à Ptolémée XIV en 48 av. J.-C.).

Après la guerre civile, la ville d’Alexandrie a besoin d’un plan de reconstruction : probablement dans ce cadre, ou en tout cas sous le règne de Cléopâtre, plusieurs monuments sont érigés dans la capitale du royaume égyptien.

L’un d’entre eux est le Césarée, temple dédié au culte de César, achevé sous Auguste ; une synagogue est érigée grâce à la politique de César en faveur des Juifs ; la Bibliothèque et le Phare ont besoin de réparations, mais seul ce dernier est attesté dans les sources comme ayant été construit sous Cléopâtre ; enfin, le tombeau monumental que Cléopâtre s’est fait construire, également achevé par Auguste, est commencé à cette époque, sur le même emplacement que celui d’Alexandre le Grand.

D’autres activités de construction de grands ensembles peuvent être attribuées au règne de Cléopâtre : la construction du temple de Dendera est reprise, dans lequel des reliefs représentant Cléopâtre avec son fils Césarion sont visibles ; à Ptolémaïs de Thébaïde, la construction d’un nouveau temple dédié à Isis a lieu, sous la supervision de Callimaque ; dans le temple d’Edfou, deux statues d’Horus en granit sont placées, protégeant une miniature de Césarion ; à Deir el-Médineh, dans le temple d’Hathor et d’Isis, une stèle

est érigée représentant la reine lors d’une vénération du dieu Montou, alors que Césarion est en adoration devant AmonRê ; à Ermonti également, le temple de Montou est embelli par de nouveaux reliefs. Les années 40 avant J.-C. sont difficiles pour l’économie et la société égyptiennes : déjà en 48 avant J.-C., le Nil n’avait pas débordé, sauf de cinq coudées, et en 43 et 42 avant J.-C., il semble qu’il n’y ait pas eu d’inondation.

Le pays est en proie à la famine et à la peste, pendant lesquelles des céréales sont distribuées aux citoyens d’Alexandrie ; les Juifs, qui n’ont pas la citoyenneté, restent exclus de ces mesures; un décret royal protège tous les travailleurs alexandrins engagés dans l’agriculture contre les augmentations d’urgence de la fiscalité locale; et le pays est en proie à la famine et à la peste.

En juillet 46 av, César célébra son triomphe ; Cléopâtre et Ptolémée XIV vinrent à Rome comme invités ; ils s’installèrent dans une des villas du dictateur sur la colline du Janicule, sur la rive droite du Tibre, et à cette occasion les deux monarques furent appelés reges et socii et amici po-

puli Romani. Au cours de cette période, César construisit le temple de Vénus Génitrice, à l’intérieur duquel il plaça, à côté de la statue de la déesse, une statue en bronze représentant Cléopâtre sous les traits d’Isis, et introduisit le calendrier julien (entré en vigueur le 1er janvier 45 av. J.-C.), promu principalement par les études du savant alexandrin Sosigène, que César avait rencontré en Égypte et qui était venu à Rome à la suite des monarques égyptiens.

Pendant son séjour à Rome, la reine ne réussit pas à faire reconnaître officiellement son fils par le dictateur, mais Cléopâtre ne passe pas inaperçue et sa présence contribue peutêtre à exacerber le malaise à l’égard de César, qui conduira plus tard à son assassinat : la reine a en effet organisé sa propre cour de style oriental et est donc mal vue par de nombreux membres de l’aristocratie latine.

On ne sait pas si Cléopâtre, Ptolémée et Césarion sont restés à Rome deux années consécutives ou s’ils sont retournés en Égypte lorsque César est parti pour la campagne d’Hispanie à la fin de l’année 46 av,

Il est certain que la famille royale se trouvait à Rome lors de l’assassinat du dictateur le 15 mars 44 av. J.-C. et qu’elle y est restée jusqu’en avril, peut-être dans l’espoir de faire reconnaître un héritage à Césarion ; n’ayant pas obtenu gain de cause, les Ptolémées sont finalement retournés à Alexandrie, où peu après Ptolémée XIV est mort, peut-être assassiné par Cléopâtre ellemême avec du poison.

C’est alors que Ptolémée XV César, âgé de seulement trois ans, est élevé au rang de co-dirigeant, reconnu officiellement par Rome en 43 av. J.-C. par Publius Cornelius Dolabella, qui combattait les Césaricidés en Orient.

En effet, après l’assassinat de César, Gaius Cassius Longinus, l’un des conspirateurs, se rend en Asie avec une armée, mais il est immédiatement suivi par la Dolabella de César. Cléopâtre reçoit des demandes d’aide militaire de l’un et de l’autre, et décide de soutenir Dolabella afin d’obtenir la reconnaissance de son fils comme son co-dirigeant ; la reine envoie alors au secours du général les légions que César avait laissées en Égypte, devenues entre-temps quatre, sous le commandement d’Au-

Photo wikipedia PALAZZI 28 VENEZIA
Photo wikipedia

lus Allienus, et aurait voulu envoyer également une flotte, mais les vents empêchèrent un départ rapide.

Allienus, cependant, arrivé en Palestine, se trouva face à l’armée de Cassius et décida de se ranger à ses côtés ; Dolabella, alors assiégé à Laodicée, se suicida, rendant ainsi inutile l’envoi de la flotte égyptienne. Cette situation exposait Cléopâtre à un grave danger : tous les souverains orientaux s’étaient déjà rangés du côté de Cassius, qui, ayant besoin de ravitaillement et d’argent, se tournait avec empressement vers l’Égypte, royaume le plus riche de la région.

Le gouverneur ptolémaïque de Chypre lui-même, Sérapion, s’était rangé du côté des Césaricides en leur envoyant une aide navale ; probablement Arsinoé, la sœur de Cléopâtre exilée à Éphèse, était à l’origine de cette trahison, espérant pouvoir s’emparer du trône d’Alexandrie.

La situation se calme temporairement lorsque Marcus Junius Brutus rappelle Cassius à Smyrne pour rassembler ses armées : à Rome, en effet, deux des généraux de César (Marc Antoine et Marcus Aemilius Lepidus) et son héritier (Octave) ont uni leurs forces

dans le «second triumvirat« pour vaincre les Césaricides.

La présence d’Octave dans le triumvirat peut cependant poser un problème à Cléopâtre, qui réclame pour le petit Ptolémée le traitement d’héritier de César qui avait été accordé à Octave.

La reine reçoit alors une proposition d’alliance de Cassius, qu’elle refuse, prétextant que la famine ne lui permet pas de rassembler suffisamment de forces.

Mais Cassius ne fait pas confiance à la reine, car il sait qu’une flotte de guerre se prépare en Égypte, et il envoie

Lucius Statius Murcus au cap Ténare, à l’extrémité sud de la Grèce, pour empêcher les Égyptiens de joindre leurs troupes à celles d’Antoine et d’Octave, qui ont entre-temps débarqué en Macédoine.

Une tempête en Méditerranée empêche les Égyptiens d’arriver à temps pour l’affrontement, mais les triumvirs battent tout de même les Césaricides à la bataille de Philippes en octobre 42 av, et Brutus et Cassius se suicident.

À la fin de cette année-là, la République romaine est donc divisée en deux : Octave prend le contrôle de l’Ouest, et Antoine de l’Est, tandis que Lé-

pide est rapidement marginalisé.

À cette époque, Antoine est la figure la plus importante du monde romain : il établit son centre de commandement à Athènes et, de là, se déplace vers les territoires orientaux où les Césaricides ont agi; il est toujours légalement marié à Fulvie, mais entame une liaison personnelle avec Glafira, hétérosexuelle et compagne (ou épouse) d’Archélaos, prêtre de Comana, et nomme son fils, également appelé Archélaos, roi de Cappadoce.

À l’été 41 av. J.-C., Antoine arriva à Tarse et de là envoya des lettres à Cléopâtre pour la convoquer à sa cour, mais la reine les ignora ; ce n’est que lorsque l’émissaire d’Antoine, Quintus Dellio, se rendit personnellement à Alexandrie pour voir Cléopâtre qu’elle fut persuadée de se rendre à Tarse. Antoine avait convoqué la reine pour lui demander une explication sur sa position pendant la guerre contre les Césariens, mais il y avait probablement aussi un motif personnel.

La reine a alors pris la mer à bord de son propre thalamegós (θαλαμηγός) et a remonté le fleuve Cydnus pour rencontrer le triumvir, entrant dans Tarse

de manière triomphale pour montrer toute sa richesse; pendant des jours, des banquets somptueux ont été organisés à bord, avec l’intention réussie d’impressionner et de conquérir Antoine et toute sa suite. Cléopâtre réussit facilement à se disculper de l’accusation d’avoir aidé Cassius et profite de l’occasion pour éliminer des rivaux potentiels : tout d’abord, elle fait assassiner par Antoine la seule sœur qui lui reste, Arsinoé, qui se trouve toujours à Éphèse, puis elle fait arrêter le grand prêtre d’Artémis, libéré par la suite, et le gouverneur de l’île de Chypre, Sérapion, accusés de favoriser la princesse en exil ; elle fait également assassiner un Phénicien d’Arados, qui se fait passer pour feu Ptolémée XIII. Cléopâtre retourne alors en Égypte, à Alexandrie, et invite Antoine à sa cour ; le triumvir arrive vers novembre 41 av. J.-C. et devient immédiatement populaire dans la capitale, car il a participé à la guerre de restauration de Ptolémée XII quatorze ans plus tôt.

À cette époque, Cléopâtre est confrontée à un problème dynastique : elle et son fils sont en effet les seuls héritiers restants des Ptolémées et cette situation les place, ainsi que le royaume, dans une situation potentiellement dangereuse ; de plus, elle-même, en tant que femme, se trouve dans une situation difficile, n’ayant pas d’époux pour régner à ses côtés, comme le veut la tradition antique.

Pour ces raisons, la reine choisit probablement de s’adresser à Antoine, figure de proue de la scène politique romaine, sans la permission duquel le royaume d’Égypte n’aurait pu survivre : il était donc un moyen à la fois de s’assurer le soutien extérieur de la République et d’obtenir de nouveaux héritiers d’un homme à la hauteur d’une reine.

Pendant le séjour d’Antoine en Égypte, Cléopâtre réussit à résoudre des problèmes politiques très importants pour son propre royaume : déjà avec l’aide de César, la reine avait commencé la réunification des anciens domaines des Ptolémées, en réannexant Chypre ; entre 41 et 40 av, J.-C., elle réussit à prendre possession de la région historiquement contestée de la Cilicie, que, grâce au titre de triumvirat, Antoine put lui donner légalement ; en outre, afin de contrôler ses propres frontières dans les nouveaux (suit page 30)

PALAZZI 29 VENEZIA
Photo wikipedia

territoires d’Asie Mineure, Cléopâtre forma une alliance avec un monarque local, Tarcondimoto, et nomma une reine dans la ville-temple d’Olba, Aba, renouant ainsi avec la coutume romaine des États tampons .

Au printemps 40 av, J.-C., Antoine est contraint de quitter l’Égypte et de retourner en Syrie : là, en effet, le gouverneur qu’il avait nommé l’année précédente, Lucius Decidius Saxa, a été tué par les forces parthes dirigées par Quintus Labienus, un ancien allié des Césaricides ; la situation nécessite l’intervention urgente du triumvir, qui laisse Cléopâtre enceinte de ce qui s’avérera plus tard être des jumeaux : Cléopâtre Séléné et Alexandre Hélios.

La reine fournit à son amant deux cents navires en guise de soutien, notamment pour le remercier de ses récentes acquisitions territoriales.

En Syrie, où la situation avait été résolue, Antoine apprit la guerre de Pérouse, conflit qui vit son frère Lucius et sa femme Fulvia s’opposer à Octave ; ce dernier fut victorieux et Fulvia mourut de maladie, tandis qu’Antoine, arrivé en Italie au moment où tout était terminé, décida de renforcer son alliance avec Octave dans ce qu’on appelle la paix de Brindisi : la République est divisée entre les trois triumvirs (les deux et Lépide, qui est toutefois immédiatement évincé) et Antoine, récemment veuf, est contraint d’épouser Octavie Mineure, de sorte qu’il n’y a pas d’autre choix que de se marier avec elle.

En décembre 40 av, Cléopâtre reçoit à la cour Hérode le Grand qui, après avoir été nommé tétrarque de Judée par Antoine, a été contraint de fuir Jérusalem en raison d’une révolte qui a porté Antigone II Mattatia au pouvoir ; Cléopâtre offre son soutien à Hérode, mais celui-ci refuse et se rend à Rome, où il est nommé roi de Judée par le Sénat.

Cléopâtre ne peut plus alors revendiquer pour elle-même certains des anciens territoires ptolémaïques de Judée, ce qui la met en porte-à-faux avec Hérode lui-même.

Antoine s’installe donc à Athènes à la fin de l’année 39 av. J.-C., avec sa nouvelle épouse et sa fille nouveau-née (Antonia l’aînée), et gère les affaires de l’Orient à partir de là ; à l’été 37 av. J.-C., grâce à l’action médiatrice d’Octavie, les triumvirs se réunissent

Tarente pour reconfirmer leur fonction pour cinq années supplémentaires, jusqu’en 33 av. J.-C.0

Après la réunion de Tarente, Antoine dut retourner en Orient pour mettre un terme définitif à l’affrontement avec les Parthes ; il laissa Octavie, à nouveau enceinte, en Italie et envoya le légat Gaius Fontius Capiton en Égypte, pour convoquer Cléopâtre en personne en Syrie, afin de discuter du financement de sa campagne parthe et du règne d’Hérode.

La rencontre a lieu à Antioche et à cette occasion Antoine donne à Cléopâtre de nombreux territoires qui faisaient partie de l’ancienne sphère d’influence ptolémaïque : la Phénicie, sans les villes de Tyr et de Sidon, mais avec Ptolémaïs de Phénicie, Gaza, Biblo et peut-être aussi Ascalon, la patrie d’Hérode qui, pour cette raison, y est immédiatement retourné ; la Celesiria, terre disputée entre les Ptolémées et les Séleucides pendant des siècles, y compris la ville d’Apamée ; la partie de la Palestine située autour de la ville d’Anatolie, avec la ville d’Anatolie ; la partie de la Palestine autour de la ville de Jéricho, importante pour

la production de produits végétaux ; la partie du royaume nabatéen, au nord de la péninsule arabique, autour du golfe d’Aqaba, y compris la ville de Bérénice ; des parties de la Cyrénaïque et certains districts de l’île de Crète, y compris les villes ptolémaïques d’Itanos et d’Olunte. Le contrôle de ces territoires n’était bien souvent que nominal, la reine laissant la tâche de les administrer à la chaîne de commandement romaine contrôlée par Antoine ; cependant, la compensation économique que le royaume d’Égypte en tirait était très élevée, à tel point que Cléopâtre commença à compter les années à partir de 36 av. J.-C. en double date, comme l’attestent les pièces de monnaie de la dernière partie de son règne.

À Antioche, Antoine rencontre également pour la première fois ses fils jumeaux et les reconnaît comme siens.

À Rome, tout cela est utilisé par Octave pour faire mal paraître Antoine aux yeux de l’opinion populaire, car une reine étrangère gagne de plus en plus de pouvoir aux dépens de la République ; il présente également sa sœur Octavie comme une femme vertueuse et abandonnée, et l’honore,

ainsi que son épouse Livie, de privilèges quasi divins et de statues, probablement érigées sur le Forum de César, en contraste avec la statue de Cléopâtre elle-même. Au printemps de 36 av. J.C., Antoine entame sa propre campagne contre les Parthes et Cléopâtre l’accompagne jusqu’à l’Euphrate, probablement jusqu’à la ville de Séleucie à Zeugma ; puis la reine retourne en Égypte, visitant au cours du voyage certains des territoires récemment acquis : elle passe par Apamée et Damas, puis traverse les territoires d’Hérode, escortée avec tous les honneurs par le roi, qui lui offre la ville de Jéricho, et revient enfin en Égypte depuis la ville de Pélusium. Son retour avait été rendu nécessaire par l’avancée de sa grossesse : au cours de l’été était né Ptolémée Philadelphe, le troisième fils qu’elle avait eu avec Antoine. Cependant, l’expédition militaire d’Antoine se révéla un échec et le général romain se retira en décembre, après avoir perdu un nombre important de troupes, dans la localité de Leukè Kome (en grec ancien : Λευκὴ κώμη, leukḕ kṑmē, «village blanc «), entre Bérito et Sidon, et y attendit l’arrivée

(suit de la page 29)
àPhoto caesar lookin cleopatra wikipedia PALAZZI 30 VENEZIA
Territoires du royaume d’Égypte suite aux donations d’Alexandrie et territoires contrôlés par Marc Antoine.
Photo wikipedia

de Cléopâtre, appelée à son secours.

La reine arriva et, en 35 av. J.-C., Antoine décide d’entreprendre une nouvelle campagne, cette fois contre l’Arménie, alliée des Parthes ; l’expédition est organisée à Antioche, mais Octavie arrive alors à Athènes pour tenter de renouer avec son mari, emmenant avec elle des troupes romaines, ce qu’Antoine refuse cependant, retournant plutôt à Alexandrie avec Cléopâtre et abandonnant ses intentions belliqueuses.

En 34 av. J.-C., Antoine envoie Quintus Dellio en Arménie auprès du roi Artavasides II pour négocier un mariage entre la fille de ce dernier et Alexandre Hélios ; lorsque la proposition est refusée, cependant, le Romain entre armé en Arménie, conquiert le pays et fait prisonnier la famille royale.

À son retour à Alexandrie, il est célébré par une fête triomphale romaine, au cours de laquelle Antoine prend l’apparence de Dionysos et conduit les souverains arméniens enchaînés jusqu’au trône d’or de Cléopâtre ; cela est perçu en Italie comme un nouvel affront au traditionalisme romain et Antoine est sévèrement critiqué.

Le triomphe est suivi par ce que l’on appelle les « dons d’Alexandrie « lors d’un événement organisé dans le gymnase : Cléopâtre, déguisée en Isis, est proclamée « reine des rois « et souveraine d’Égypte, de Libye, de Chypre et de Celesiria, tandis que Césarion est proclamé « roi des rois « et co-roi ; Les deux autres fils reçoivent également le titre de « roi des rois « : Alexandre Hélios est couronné souverain de l’Arménie, de la Médie et de la Parthie et fiancé à Iotapas, fille du roi Artavasdes Ier de Médie Atropatène, tandis que Ptolémée Philadelphe est couronné souverain de la Syrie et de la Cilicie ; Cléopâtre Séléné est nommée souveraine de la Cyrénaïque et de la Crète. Il n’est pas certain que le mariage entre Antoine et Cléopâtre ait eu lieu à la même occasion, ni même qu’il ait eu lieu ; cependant, à partir de ce moment-là, les deux ont commencé à apparaître ensemble sur les monnaies, comme c’était la coutume pour les couples royaux hellénistiques.

En outre, Antoine envoie à Rome une dépêche demandant la ratification par le Sénat de ces changements territoriaux : Octave tente de les faire lire en public afin de poursuivre

sa campagne contre son rival, tandis que les consuls, tous deux partisans d’Antoine, les gardent cachés.

Les politiques mises en œuvre par Cléopâtre et Antoine font réagir Octave, avec lequel il mène une guerre de propagande à partir de la fin de l’année : Antoine accuse son rival d’exclure illégalement Lépide du triumvirat et de l’empêcher de recruter des troupes en Italie ; Octave, quant à lui, l’accuse de détenir illégalement la famille royale arménienne, d’épouser Cléopâtre alors qu’il est encore le mari d’Octavie, et de déclarer à tort Césarion héritier de César.

C’est à cette époque que se répandent diverses légendes sur la reine égyptienne, alimentées par la littérature pro-augustéenne, qui appartiennent encore à l’imaginaire commun : Cléopâtre est accusée de pratiquer des arts magiques, avec lesquels elle aurait séduit le général romain, d’être une empoisonneuse naturelle, de vouloir détruire Rome ellemême et de mener une vie dissolue d’un point de vue économique et moral ; Antoine est considéré comme ayant perdu la raison et de fausses accusations sont répandues à son sujet également : il aurait, par

exemple, volé la bibliothèque de Pergame pour reconstruire celle d’Alexandrie ; Octave est accusé, quant à lui, de mener une vie sexuelle débridée et libertine, et de nombreux graffitis de l’époque se moquent de tous les trois.

territori egizi pre-37 a.C.

territori egizi dal 37 a.C.

territori egizi dal 34 a.C.

territori egizi acquisiti solo formalmente

territori di Marco Antonio

regni clienti di M. Antonio

Le 1er janvier 33 av. J.-C., Lucius Volcacius Tullus et Octave lui-même devinrent consuls ; Octave prononça un discours au Sénat accusant ouvertement Antoine de la gestion des territoires orientaux de la république, mais démissionna le même jour, retournant à sa campagne en Illyrie ; avant la fin de l’année, Antoine nomma également officiellement Césarion comme seul héritier légitime de César. les mandats des trois triumvirs prennent fin et deux partisans d’Antoine, Gaius Sosius et Gnaeus Domitius Enobarbus, deviennent consuls : le premier condamne ouvertement Octave et initie une législation contre lui, tandis que Domitius se tient plus à l’écart ; le neveu de César, en réaction, arrive armé lors d’une session ultérieure du Sénat et accuse les deux consuls, qui, avec de nombreux sénateurs, fuient Rome le lendemain et rejoignent Antoine. Ce dernier s’était entre-temps rendu à Éphèse avec Cléopâtre et tous deux y rassemblaient leurs armées : la flotte comptait à elle seule huit cents navires, dont deux cents faisaient partie de la flotte de la reine d’Égypte.

Malgré cela, Antoine, poussé par Domitius Enobarbus et d’autres, demande à Cléopâtre de retourner en Égypte, mais celle-ci, aidée par Publius Canidius Crassus, persuade son amant de la laisser rester ; la décision de ne pas renoncer à l’aide de la reine dans la bataille qui se prépare en Grèce conduit certains des généraux d’Antoine, dont Enobarbus, Lucius Munatius Planchus, Marcus Tizius et Marcus Junius Silanus, à l’abandonner[. Au printemps, Antoine et Cléopâtre se rendent à Samos et à Athènes, où la reine est bien accueillie ; au même moment, la reine persuade son amant d’envoyer une déclaration officielle de divorce à Octavie.

Ils arrivent enfin à Patras, où ils installent leur camp d’hiver: Antoine avait en effet l’intention de traverser l’Adriatique pour assiéger Octave et sa flotte à Brindisi ou à Tarente, mais Cléopâtre, soucieuse de préserver la sécurité de l’Égypte, le persuade de ne pas attaquer (suit page 32)

PALAZZI 31 VENEZIA
Photo caesar lookin cleopatra wikipedia

(suit de la page 31)

directement l’Italie et de rester en Grèce.

À Rome, entre-temps, Planco conseille à Octave de s’emparer du testament d’Antoine, gardé par les vierges vestales ; bien que ce soit une violation de la loi et des coutumes religieuses, le document est retiré du temple de Vesta et des passages sont lus en public, pour la propagande d’Octave : une attention particulière est accordée à la nomination de Césarion comme héritier de César, aux donations d’Alexandrie et au fait qu’Antoine veut être enterré à Alexandrie aux côtés de Cléopâtre et que cette ville doit devenir la nouvelle capitale de la République.

C’est donc le casus belli qui permet à Octave, redevenu consul en 31 av, J.-C., de faire déclarer la guerre à Cléopâtre et non à Antoine ; il était en effet difficile de maintenir l’approbation populaire en cas de déclenchement d’une nouvelle guerre civile, et l’argument juridique contre la reine n’était pas tant les nouveaux territoires acquis aux dépens de la République, mais plutôt le fait que le royaume d’Égypte armait un simple citoyen, puisque le pouvoir triumviral d’Antoine avait pris fin.

De plus, Octavien voulait ainsi effacer les dettes que Ptolémée XII avait contractées auprès de César.

Les forces d’Antoine et de Cléopâtre (100 000 hommes et 800 navires) sont plus importantes que celles d’Octave (80 000 hommes et 200 navires), mais elles sont aussi moins bien entraînées et les navires ne sont pas entièrement équipés pour la guerre

En fait, les deux hommes avaient le soutien de plusieurs autres rois et dirigeants orientaux ; cependant, Hérode de Judée et Malchus Ier de Nabatée manquaient à l’appel, car ils étaient engagés dans une lutte entre eux.

Entre-temps, les deux hommes avaient déplacé leur camp à Actium pour le printemps ; dans cette position, toute tentative d’Octave d’aller vers le sud en direction de l’Égypte aurait pu être facilement bloquée.

Au début, pendant l’été, Antoine et Cléopâtre perdent plusieurs batailles près d’Actium et il y a toujours des défections parmi leurs alliés : Quintus Dellio, le compagnon de longue date d’Antoine, et les rois Aminta de Galatie et Deiotaro de Paflagonia passent à Octavien.

Certains conseillent alors à Antoine de se retirer de la mer et de chercher la confrontation armée dans l’arrière-pays grec, tandis que Cléopâtre pousse à la confrontation navale pour éloigner la flotte ennemie de son propre royaume. Finalement, la décision d’une bataille navale fut prise et Antoine fit brûler tous les navires égyptiens sauf 60, armant les plus puissants pour éviter que ceux incapables de combattre par manque d’hommes ne tombent aux mains de l’ennemi ; pendant quatre jours, les vents furent défavorables, mais le cinquième jour, il y eut un affrontement.

C’est ainsi que, le 2 septembre 31 av. J.-C., (suit page 28) (suit de la page 27) les forces navales d’Octave, dirigées par Marcus Vipsanius Agrippa, affrontent celles d’Antoine et de Cléopâtre à la bataille d’Actium ; pendant la bataille, Cléopâtre commande les 60 navires égyptiens à partir de son porte-drapeau, l’Antonia, resté aux derniers rangs à l’embouchure du golfe d’Ambracie.

Cependant, la reine, dont le plus grand souci est de conserver ses forces intactes pour défendre l’Égypte, ordonne aux navires sous son comman-

dement de percer la flotte romaine et de se replier vers le sud, suivie immédiatement par Antoine, qui abandonne ses soldats ; la bataille est ainsi gagnée par Agrippa et les deux amants s’enfuient vers le cap Ténaro.

Retour en Égypte et siège d’Alexandrie (31-30 av. J.-C.)

Cléopâtre et Antoine retournent alors en Égypte, tandis qu’Octave occupe Athènes, et débarquent à Paraitonion, ville portuaire à l’ouest d’Alexandrie ; de là, la reine regagne la capitale, tentant de faire passer les actions guerrières en Grèce pour une victoire, tandis qu’Antoine se rend à Cyrène, où il espère recevoir le soutien militaire du gouverneur Lucius Pinarius, à qui il a confié la province. Ce dernier, cependant, après avoir reçu des nouvelles de la bataille d’Actium, se rangea du côté d’Octave et fit tuer les messagers d’Antoine, ce qui conduisit ce dernier presque au suicide, arrêté seulement par ses officiers.

Dans cet état, Antoine retourna à Alexandrie et se retira volontairement, se faisant construire une petite résidence sur l’île de Pharos, qu’il nomma Timoeion en l’honneur de Timon d’Athènes, philosophe

connu pour son cynisme et sa misanthropie.

Pendant ce temps, dans la capitale, Cléopâtre a probablement des problèmes financiers et tente d’y remédier par une expoliation des temples (cependant, ces événements peuvent avoir été inventés par la propagande augustéenne); on ne sait pas non plus si elle a fait tuer Atravasides II d’Arménie, afin d’envoyer sa tête à son rival Artavasdes Ier de Médie Atropatène, cherchant à s’allier avec lui.

En fait, l’Égypte se trouve de plus en plus marginalisée, car Hérode, qui avait conseillé à Antoine d’abandonner Cléopâtre, s’est également rendu à Rhodes et y a conclu une alliance avec Octave. Cléopâtre commence à prendre ses distances avec Antoine et, à la fin de l’été 31 av, J.-C., elle commence à préparer son propre départ d’Égypte avec son fils Césarion : le plan est d’abandonner la Méditerranée et de naviguer à partir de la mer Rouge vers un port lointain, probablement l’Inde, où elle pourra reprendre des forces.

Le plan est cependant rendu impossible par Malchus Ier de Nabatée qui, conseillé par le gouverneur de Syrie Quintus

PALAZZI 32 VENEZIA
Photo wikipedia Photo wikipedia bustedemarcantoine

Didius, réussit à faire brûler la flotte de Cléopâtre stationnée en mer Rouge, pour se venger de l’aide égyptienne à Hérode, son rival ; la reine est donc contrainte de rester en Égypte et de négocier avec Octave. Certaines sources affirment que Cléopâtre a commencé à cette époque diverses expériences avec des poisons sur des prisonniers et des serviteurs, bien que cette rumeur soit aussi probablement le résultat de la propagande d’Octave.

À cette époque, Césarion et Marc-Antoine Antillus, fils d’Antoine et de Fulvie, rejoignent les éphèbes, et le premier est initié au gouvernement partiel de l’Égypte, afin de succéder effectivement à sa mère.

À ce moment-là, Cléopâtre et Antoine, séparément, des messagers furent envoyés à Rhodes par Octave, qui ne répondit probablement qu’à la reine : celle-ci demandait que ses propres enfants héritent du royaume et qu’Antoine puisse y vivre en exil et offrait au général romain de l’argent et des cadeaux en or.

La réponse vint par l’intermédiaire de l’envoyé Tirso, qui lui suggéra de se sauver en faisant tuer Antoine : si Lépide

ne représentait aucune menace même vivant, Octave ne pouvait en dire autant d’Antoine, qu’il fallait donc éliminer ; ce dernier, cependant, soupçonnant un complot, fit fouetter l’ambassadeur et le renvoya sans accord.

Après de longues négociations sans résultat, Octave décide de procéder à la conquête du royaume ptolémaïque d’Égypte, au printemps 30 av.

J.-C. ; il s’arrête d’abord à Ptolémaïs de Phénicie, où Hérode le ravitaille, puis procède à l’invasion par l’est en conquérant Péluse, tandis que Gaius Cornelius Gallus, venant de Cyrénaïque, défait les forces d’Antoine près de Paraitonion.

Octavien avance ensuite vers la capitale et, après avoir subi une défaite mineure d’Antoine devant l’hippodrome de la ville, assiège Alexandrie le 31 juillet ; le lendemain, cependant, la flotte et la cavalerie d’Antoine se rendent, permettant à Octavien d’entrer dans la ville en vainqueur.

Cléopâtre se réfugie alors dans son propre tombeau et fait savoir à Antoine qu’elle s’est suicidée ; celui-ci opte alors pour le suicide et se poignarde avec sa propre épée.

La reine ne peut faire de même car Gaius Proculeius, compa-

gnon d’Octave, réussit à pénétrer dans son mausolée et à la placer sous bonne garde sur ordre d’Octave.

La reine est autorisée à conserver la dépouille de son amant, qui est enterré dans leur tombeau personnel.

Octave prend donc possession de la ville et du palais royal, tenant Cléopâtre et ses trois plus jeunes enfants entre ses mains : Césarion avait en effet été éloigné de sa mère en Haute-Égypte, peut-être pour fuir en Éthiopie ou en Inde, mais persuadé de revenir, il fut également mis en détention.

Lorsque Cléopâtre apprit d’un certain Cornelius Dolabella qu’Octave projetait de l’emmener à Rome avec ses fils, et comme elle ne voulait pas être exhibée en triomphe, elle trouva finalement le moyen de mettre fin à ses jours le 10 ou le 12 août ; les sources qui nous sont parvenues s’accordent toutes à dire que la modalité du suicide n’est pas connue, mais elles parlent toutes de l’utilisation de poisons et rapportent que la seule chose certaine est que le seul signe de violence trouvé sur le corps était deux petits trous sur le bras : la reine s’est empoisonnée peut-être par la morsure d’un aspic ou d’un

cobra égyptien (cette version est devenue la plus populaire), ou par l’intermédiaire d’une aiguille ou d’une épingle, ou encore avec un onguent quelconque.

Bien qu’Octave soit très mécontent de la mort de la reine, il lui permet d’être enterrée selon un rite royal à côté d’Antoine.

Quelques jours après la mort de Cléopâtre, Césarion, son fils aîné, meurt également sur ordre d’Octave, qui a été persuadé de le faire par le philosophe Ario Didymus ; les trois autres fils de la reine sont plutôt emmenés à Rome pour être élevés comme des citoyens romains.

La conquête de l’Égypte par Octave représente le dernier conflit de l’ère hellénistique, qui a commencé avec la mort soudaine d’Alexandre le Grand en 323 av, J.-C., et la disparition de Cléopâtre est généralement considérée comme la date finale.

Le gouvernement de la nouvelle province d’Égypte est confié à Cornelius Gallus et les territoires ptolémaïques restants sont soit annexés directement par Rome, soit confiés à des souverains clients ; les statues d’Antoine sont détruites, tandis que celles de Cléopâtre sont épargnées, à la fois pour ne pas interférer avec les affaires religieuses égyptiennes et parce qu’un membre de la cour de la reine a payé 2 000 talents à Octave pour s’assurer que la mémoire de la souveraine resterait intacte. En 29 av. lorsqu’il célèbre son triomphe à Rome, Octave fait peindre une image de Cléopâtre représentée avec des serpents lors de la cérémonie, accréditant ainsi la théorie selon laquelle la reine se serait suicidée par la morsure d’un reptile.[... Selon la titulature royale égyptienne, Cléopâtre avait plusieurs noms, mais comme elle était une femme, elle ne les a pas tous reçus : nom Horo : wr(t) nb(t) nfrw ꜣḫ(t)-sḥ (wer(et), neb(et) neferu, akh(et) seh), «la grande, détentrice de la perfection et splendide du temple» ; nom Horo 2 : wrt twt n it.s (weret, tut en it.es), «la grande et l’image même de son père» ; nom Nebty (ou des Deux Dames) : absent ; nom Golden Horo : absent ; nom du Trône : absent ; nom de personne (nomen de naissance) : ḳliw-pꜣ-drꜣ (qliu-pa-dra), «Cléopâtre» ; épithète ajoutée au nom de personne : (suit page 34)

PALAZZI 33 VENEZIA
Photo wikipedia bustedecleopatra

(suit de la page 33)

nṯrt mr(t) it.s (netjeret, mer(et) it.es), « la déesse, aimée de son père «. En termes d’épithètes en grec, Cléopâtre était connue immédiatement après son couronnement en 51 av. J.-C. simplement comme « Cléopâtre Philopator « (Κλεοπάτρα Φιλοπάτωρ, Kleopátra Philopátor), mais a immédiatement pris le titre supplémentaire de « Thé « (Θεά, Theá).

En revanche, à partir de 36 av. J.-C., l’utilisation de l’épithète « Tea Neotera « (Θεὰ Νεώτερα, Theà Neótera) est attestée : celle-ci était probablement déjà née vers 46 av. J.-C., J.-C., en relation avec l’assimilation par César de Cléopâtre à la déesse Venus Genetrix à Rome ; cependant, son utilisation à partir de 36 av. J.-C. peut être comprise en relation avec les changements géopolitiques de ces années, qui ont également entraîné l’utilisation d’une nouvelle datation.

En revanche, à partir de 34 av. J.-C. apparaît l’épithète « Nouvelle Isis « (Νέα Ἶσις, Néa Isis), en référence à la déesse égyptienne assimilée à l’Aphrodite grecque et à la Vénus romaine, à laquelle la reine avait l’habitude de s’identifier.

La série de monnaies égyptiennes émises par Cléopâtre est presque continue tout au long de son règne, avec seulement quelques années manquantes dans les découvertes; en plus des monnaies égyptiennes, cependant, des monnaies ont également été trouvées dans de nombreux autres hôtels des monnaies de ses vastes domaines : Antioche, Ascalon, Berito, Chalcis de Syrie, Chypre, Damas, Orthosia, Patrai et dans les villes phéniciennes de Ptolémaïs et de Tripoli.

La conjoncture économique défavorable se répercute toutefois sur l’émission monétaire : on ne connaît pas de pièces d’or (de toute façon les pièces de ce métal ne circulaient plus depuis le règne de Ptolémée V), celles d’argent ont un alliage corrompu à 40 %, et la production, en sommeil depuis le règne de Ptolémée IX, de pièces de bronze dans l’hôtel des monnaies d’Alexandrie est réactivée.

En même temps, la reine réforma la monnaie de bronze en introduisant trois nouveaux types de pièces ; il semble qu’elle ait également écrit un traité sur les poids et mesures à ce moment-là, mais il ne lui

a probablement été attribué. Cléopâtre est la première femme de la dynastie à émettre des pièces de monnaie pour son propre compte, et César, suivant probablement son exemple, est le premier Romain vivant à figurer sur des pièces ; elle est également le premier monarque étranger représenté sur des pièces romaines.

Après son union avec Antoine, puis dans les dernières années de son règne, le monnayage de Cléopâtre se caractérise par un mélange d’éléments grecs et latins, tant en ce qui concerne les unités de mesure que la langue, (suit page 30) (suit de la page 29) les représentations et les inscriptions utilisées. Le portrait de la reine sur les pièces de monnaie est la seule représentation visuelle certaine de Cléopâtre dans la sphère gréco-romaine, avec une séquence qui couvre toute la durée de son règne; cependant, nombre de ces représentations faciales présententcomme c’était déjà le cas pour les effigies monétaires d’autres reines égyptiennes, telles que Hatchepsout, Néfertiti et Arsinoé II - des caractères masculins, semblables à ceux déjà observés pour Ptolémée XII,

probablement pour tenter de faire reconnaître sa domination en tant que femme. Sources et historiographie

De nombreuses sources de la littérature impériale latine et grecque ont transmis des informations sur la figure complexe de Cléopâtre, produites par une cinquantaine d’auteurs ; aucune, cependant, ne s’est concentrée sur la vie entière de la reine, mais presque uniquement sur des épisodes tels que la bataille d’Actium et son suicide, ou sur sa personnalité controversée.

Les sources contemporaines à Cléopâtre qui nous sont parvenues sont le De bello Alexandrino, ouvrage anonyme attribué à Aulus Hirtius, dans lequel la reine est cependant à peine mentionnée, et les écrits de Cicéron, qui s’attardent sur la figure de Cléopâtre d’une manière résolument négative.

Les recueils d’informations les plus complets proviennent de quelques auteurs romains pro-augustéens, qui présentent la reine égyptienne comme une femme lascive et cupide, probablement en raison de la culture masculine chauvine romaine, sans toutefois pouvoir nier son intelligence : Plutarque est le plus précoce dans

l’ordre chronologique et ses informations sont basées sur des sources contemporaines de Cléopâtre qui n’ont pas survécu dans les siècles suivants, comme les membres de la cour egiptienne Filota di Amfissa et Olimpo, le romain Quinto Dellio et son bisaieul Nicarco; Cassius Dioné, dans son Histoire romaine, a décrit les événements du monde romain à l’époque de la reine, mais n’a pas pu saisir la complexité de la situation dans le monde hellénistique au moment de sa disparition ; une troisième source importante est Flavius Josèphe, contemporain de Plutarque, qui fut le premier à apprécier Cléopâtre comme une souveraine engagée et capable et dont l’intérêt historiographique concernait les relations entre le royaume égyptien et le monde de Judée, fondant sa reconstruction historique sur les mémoires d’Hérode le Grand et les travaux de Nicolas de Damas ; les poètes de l’époque augustéenne, comme Virgile, Properce, Ovide et Horace, manifestent une forte aversion pour la reine et diffusent contre elle une propagande qui sera reprise par leurs successeurs et survivra pendant des siècles, même si c’est Virgile dans l’Énéide

PALAZZI 34 VENEZIA
Photo wikipedia la porte de thars Photo wikipedia bustedeauguste

qui introduit dans l’imaginaire collectif l’histoire d’amour d’Antoine et Cléopâtre. Cléopâtre est également mentionnée dans de nombreux autres textes latins, tant historiographiques que poétiques, qui révèlent des détails de sa vie autrement inconnus. Le point de vue romain sur Cléopâtre est résumé dans la courte biographie, la seule qui nous soit parvenue du monde antique la concernant explicitement, contenue dans le «De viris illustribus urbis Romae», un texte anonyme du IVe siècle; «Cleopatra Ptolomaei regis Aegyptiorum filia, a fratre suo Ptolomaeo eodemque marito, quem fraudare regno voluerat, pulsa ad Caesarem bello civili in Alexandriam venit ; ab eo specie sua et concubitu regnum Ptolomaei et necem impetravit. Haec tantae libidinis fuit, ut saepe prostiterit, tantae pulchritudinis, ut multi noctem illius morte emerint. Postea Antonio iuncta, cum eo victa, cum se illi inferias ferre simularet, in Mausoleo eius admotis aspidibus periit.»

(IT)

«Cléopâtre, fille de Ptolémée, roi des Égyptiens, vaincue par Ptolémée, son frère et époux, à qui elle voulait prendre le

royaume, vint trouver César à Alexandrie pendant la guerre civile ; de lui elle obtint, par sa beauté et son sexe, le règne de Ptolémée et sa mort.

Elle était d’une telle luxure qu’elle se prostituait souvent, d’une telle beauté que beaucoup d’hommes achetaient une nuit avec elle au prix de leur vie.

Après avoir rejoint Antoine, vaincue avec lui et lui ayant fait croire qu’elle s’était suicidée, elle mourut dans son propre mausolée de la morsure des serpents».

(De viris illustribus urbis Romae, 86)

Aucun ouvrage égyptien ou hellénistique complet, plus proche de la perspective de la reine, ne nous est parvenu, bien que nous ayons des références numismatiques et papyrologiques, ainsi que des fragments de l’ouvrage historique de Socrate de Rhodes et de la Lybika de Juba II de Maurétanie, époux de Cléopâtre Séléné.

En Égypte, la figure de Cléopâtre a néanmoins résisté au passage des années et un culte qui lui est dédié est attesté jusqu’en 373 ap. J.-C. dans le temple d’Isis à File.

Nous possédons également un papyrus datant de 33 av. J.-C.,

trouvé dans les draperies d’une momie, sur lequel figure un mot écrit à la main par Cléopâtre elle-même (γινέσθωι, ginésthoi, « qu’il arrive «), une contre-signature utilisée pour empêcher la falsification des documents royaux ; cette découverte est un exemple presque unique d’autographe royal de l’Antiquité, car nous n’en possédons que deux autres, l’un de Ptolémée X et l’autre de Théodose II.

Enfin, un ouvrage littéraire sur les cosmétiques, mentionné par Galien, Aetius d’Amida et Paul d’Égine, a été écrit par une certaine Cléopâtre ; cependant, le nom de Cléopâtre n’était pas rare dans le monde hellénistique, et celui de la dernière souveraine ptolémaïque est presque certainement une attribution de l’Antiquité tardive, mentionnée en fait seulement par Aetius et Jean Tzetzes, mais pas par Galien[202].

Elizabeth Taylor incarne Cléopâtre dans le film colossal Cléopâtre (1963), l’une des interprétations les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Sous l’aspect positif du courage, de l’intelligence et de la sagesse, la figure de Cléopâtre a ensuite été reprise dans la tradition littéraire byzantine

et arabe : en ce qui concerne la première, l’évêque chrétien Jean de Nikiu, une ville du delta du Nil, a décrit Cléopâtre dans ses Chroniques comme une souveraine qui a travaillé sans relâche dans l’intérêt de son peuple.

Dans le monde arabe, la reine fait l’objet de plusieurs reconstructions : le premier à la mentionner est l’historien Ibn Abd al-Hakam qui, dans son récit de la conquête arabe de l’Égypte, lui attribue la construction du phare d’Alexandrie, et d’autres auteurs arabes citent également les travaux architecturaux qu’elle a réalisés ; d’autres la louent pour ses qualités académiques, dans les domaines de la médecine, de l’alchimie, des mathématiques, de la cosmétique et de la philosophie, comme les écrivains al-Masudi et al-Jildaki.

Enfin, un certain nombre d’histoires d’amour romantiques centrées sur la figure de Cléopâtre, avec des caractéristiques imaginatives et dramatiques, sont également parvenues jusqu’à nous.

La vision romaine, cependant, en raison de préjugés culturels et de genre, a survécu pendant longtemps dans le monde occidental, se poursuivant dans les productions littéraires et artistiques à travers les âges; Ces préjugés sont à la base, par exemple, de la biographie de la reine dans le De mulieribus claris (1362) du poète médiéval Giovanni Boccaccio, de l’inclusion de Cléopâtre parmi les luxurieux décrits par Dante Alighieri dans la Divine Comédie au cinquième chant de l’Enfer (1314) et des peintures baroques de l’artiste vénitien Giambattista Tiepolo (années 1740).

Il y a cependant des exceptions, comme dans la Légende des femmes excellentes de Geoffrey Chaucer (deuxième moitié du XIVe siècle), où seule la fidélité à Antoine est vantée, dans le célèbre Antoine et Cléopâtre de William Shakespeare (1607), ou dans le Libretto apologétique des femmes de Bernardino Cacciante (1504), dans lequel l’auteur défend les actions de femmes célèbres dans l’histoire et rehausse l’image de Cléopâtre dans le milieu culturel italien.

Dans le domaine de l’art figuratif, la figure de Cléopâtre est d’abord immortalisée dans les peintures de la Renaissance de Raphaël Sanzio et Michel-Ange Buonarroti et dans les sculptures (suit page 36)

PALAZZI 35 VENEZIA
Photo wikipedia bustedeottaviaminore

(suit de la page 35)

du XVIIe siècle de Baccio Bandinelli et Alessandro Vittoria, qui la représentent pour la première fois nue en train de se suicider, un thème repris par la suite par de nombreux autres.

Photo au dessus:

Theda Bara incarne la reine dans le film Cléopâtre (1917), aujourd’hui presque totalement perdu.

Le tournant dans la perception de la civilisation égyptienne par la culture occidentale se produit après la campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte (1798-1801), qui donne lieu aux premières études sur le terrain ; en particulier, les représentations artistiques de Cléopâtre perdent leurs connotations typiquement européennes et introduisent des éléments typiquement égyptiens et une caractérisation physique de la reine avec des traits plus orientaux.

Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, la Belle Époque voit l’image de Cléopâtre se répandre encore davantage en Europe et en Amérique du Nord : la reine devient la protagoniste de romans, de pièces de théâtre, de ballets, de films et d’œuvres d’art en tout genre.

Jusqu’au XXe siècle, le récit populaire conserve cependant la vision d’une Cléopâtre séductrice et débridée, dont l’apogée est atteinte au cinéma avec les interprétations de Theda Bara en 1917, dont la protagoniste a les traits d’une reine « vamp«, de Claudette Colbert en 1934, dans laquelle Cléopâtre sert de figure de marketing pour la mode féminine égyptienne de l’époque, et d’Elizabeth Taylor en 1963.

Globalement, l’histoire et la figure de Cléopâtre ont, dans le monde occidental, suscité au fil des siècles l’intérêt de légions d’écrivains (historiens, romanciers, dramaturges, poètes, etc.) et d’artistes (peintres, sculpteurs, etc.), jusqu’aux œuvres cinématographiques et vidéoludiques contemporaines.

Au total, de la tragédie Cléopâtre captive (1553) d’Étienne Jodelle au roman Les Mémoires de Cléopâtre (1997) de Margaret George, Cléopâtre est apparue dans au moins deux cents pièces de théâtre et romans, quarante-cinq opéras, cinq ballets et quarante-trois films ; quant aux œuvres d’art figuratif qui s’en inspirent, pas moins de deux cent trente ont été produites pour les seuls

XVIIe et XVIIIe siècles. Cléopâtre a également été reprise dans divers moments et mouvements historiques comme symbole de la lutte pour l’autonomie contre la répression ethnique et sociale : dans l’Antiquité encore, elle est évidemment considérée comme un modèle par les Égyptiens contre la domination romaine ; au IIIe siècle, la reine autoproclamée de Palmyre Zénobie, qui lutte contre Rome et conquiert même l’Égypte, s’attribue une descendance de Cléopâtre ; à l’époque moderne, elle est un modèle pour les historiens du féminisme ; enfin, au cours des XXe et XXIe siècles, elle a également été utilisée comme symbole par les Afro-Américains, théorisant qu’elle pouvait être classée comme une personne noire (dès les années 1860, cependant, le sculpteur américain William Wetmore Story avait représenté Cléopâtre avec des caractéristiques physiques africaines).

L’apparence physique

Peu de choses peuvent être dites sur l’apparence physique de la reine : les seules attestations certaines sont les portraits monétaires et les deux

bustes qui peuvent lui être attribués avec certitude (celui de l’Altes Museum de Berlin et celui du Museo Gregoriano Profano de Rome)

Malgré de légères différences, les traits caractéristiques de ces représentations sont la présence d’un nez aquilin, de cheveux bouclés et d’un menton proéminent ; il est également attesté qu’elle n’était pas particulièrement grande.

Les sources littéraires antiques ne sont pas d’accord : Plutarque affirme que la beauté de Cléopâtre n’était pas incomparable à celle des autres, mais que son charme venait de sa personnalité.

Cassius Dion, quant à lui, la présente comme une femme d’une beauté sans pareille, mais la représentation moderne de Cléopâtre comme une belle femme commence des siècles plus tard, avec Antoine et Cléopâtre de Shakespeare ; malgré cela, les historiographes contemporains considèrent qu’il convient de se concentrer davantage sur la personnalité charismatique de la reine plutôt que sur son apparence.

Quant à la question de la couleur de peau de la reine, c’est-à-dire si elle pouvait être classée (selon la termi-

nologie moderne, influencée par le contexte culturel américain) comme une «personne de couleur» ou une «personne blanche», il est impossible de donner une indication exacte de la réalité : l’absence d’un corps dont on puisse extraire un ADN fiable oblige la recherche à se rabattre sur les seules sources littéraires, artistiques et archéologiques, qui n’apportent cependant pas de preuves certaines et suffisantes à cet égard.

Il convient toutefois de préciser que si l’on ne dispose pas d’informations certaines sur la mère, on sait que sa dynastie, d’origine macédonienne et donc blanche, avait l’habitude de combiner les mariages entre proches parents en raison du soin particulier apporté à la préservation de la pureté du sang.

Ce fait et les hypothèses qui prévalent sur la mère, à savoir qu’elle était la sœur de son père ou qu’elle était la fille d’un prêtre d’origine macédonienne et égyptienne, indiquent qu’elle ne pouvait pas avoir la peau noire.

N’en deplaise au tèenant des blackhistories et autre fantaisies historiques très récentes.

wikipedia.org

PALAZZI 36 VENEZIA
Photo wikipedia

Iris Murdoch (Dublin, 15 juillet 1919 - Oxford, 8 février 1999) est une philosophe et écrivain britannique d’origine irlandaise.

Elle est connue pour ses récits sur des thèmes philosophiques, éthiques et sexuels. Sa première nouvelle publiée, Under the Net, a été sélectionnée en 2001 par le comité éditorial américain de la Modern Library comme l’une des 100 meilleures nouvelles en langue anglaise du XXe siècle.

En 1987, elle a été nommée Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.

Jean Iris Murdoch est née à Dublin d’un père presbytérien et d’une mère anglicane, mais elle a grandi à Londres, où sa famille a déménagé alors qu’elle n’avait qu’un an.

Après avoir étudié la littérature grecque et latine, l’histoire ancienne et la philosophie au Somerville College d’Oxford, Iris a poursuivi des études de philosophie au Newnham College de Cambridge, où elle a assisté aux cours de Ludwig Wittgenstein.

Au début de la Seconde

Guerre mondiale, Murdoch commence à travailler pour l’UNRRA, l’organisation qui s’occupe des réfugiés et des personnes déplacées ; ce travail conduit la future écrivaine dans plusieurs pays d’Europe, dont la Belgique et l’Autriche.

L’escale en Belgique, en particulier, s’est avérée cruciale pour sa carrière philosophique : Murdoch y a eu l’occasion de rencontrer le philosophe Jean-Paul Sartre et de lire son œuvre, difficile à trouver en Grande-Bretagne.

En 1948, Iris devient professeur de philosophie au Saint Anne’s College d’Oxford, où elle travaille jusqu’en 1963.

C’est également là qu’Iris rencontre son futur mari : l’écrivain et professeur John Bayley, qu’elle épousera en 1956.

Son premier ouvrage philosophique, «Sartre, Romantic Rationalist», est publié en 1953 ; l’année suivante, elle fait ses débuts d’écrivain avec Under the Net.

C’est le début d’une longue carrière : Murdoch écrit presque sans interruption jusqu’en 1995, date à laquelle elle découvre qu’elle souffre de la maladie d’Alzheimer.

Iris est décédée en février 1999; son mari, qui s’est

comme lorsque nous étions enfants, de tracer au feutre noir le bord d’un dessin pour en accentuer la proéminence, pour donner vie à la proéminence, alors on peut bien militariser cet exercice, le réduire à un schéma, le rendre opérationnel au maximum. Le fait est que certains, voire de nombreux mots qui peuplent notre vocabulaire sont, sinon structurellement, du moins partiellement indéfinissables.

Par exemple, il est évident que nous ne pouvons pas enfermer le mot «Bien» avec précision derrière une signification claire et distincte ; mais nous ne pouvons pas non plus nous passer du mot «Bien», en laissant tomber pour cause d’imputabilité métaphysique toute la partie de la philosophie qui s’y réfère : l’éthique.

occupé d’elle jusqu’à la fin, s’est souvenu d’elle dans deux livres : Elegy for Iris (1998) et Iris and Her Friends : A Memoir of Memory and Desire (1999). Dans la culture de masse

Le film Iris - A True Love, basé sur les mémoires de son mari, s’inspire de l’histoire de sa vie et du drame de la maladie qui l’a frappée. Les actrices interprétant Iris sont Kate Winslet et Judi Dench.

udwig Wittgenstein pensait que pratiquer la philosophie, c’était faire bon usage de notre vocabulaire.

Le philosophe n’invente pas de concepts - une sorte de Jedi deleuzien de la penséemais clarifie, nettoie, épluche les résidus d’incompréhensibilité du sens des mots.

Il n’épile pas, il enlève. Problèmes

Tout cela est beau, pourrait-on penser.

Pas simple, mais beau.

Après tout, circonscrire est une opération plus accessible, plus concrètement réalisable qu’inventer, et si pour le philosophe il s’agit,

Nous restons pieds nus. Iris Murdoch, qui fut l’élève de Wittgenstein, a parfaitement compris le problème. Se débarrasser de l’éthique en vertu de son inadéquation sémantique ou de son indéfinition (ce qui, pour Wittgenstein, revient au même), c’est instiller de la philosophie, la dénaturer, trahir en quelque sorte sa propre origine.

Dans ce cas, il faut préférer l’obscur au clair.

Obscur parce qu’indéfinissable, le concept de bien luimême.

De quoi parlons-nous lorsque nous parlons du bien, demande Murdoch, en remontant à Platon ?

Nous parlons essentiellement de deux choses : la transcendance et l’attention.

De la transcendance, parce que le bien (et le beau) est ce qui nous oblige à oublier notre ego catatonique, c’està-dire à le contourner et à laisser derrière nous tous les attachements humains, trop humains, à notre ego.

Les bonnes choses se trouvent au-delà de cet humble paria métaphysique qu’est l’homme.

Le dépassement de soi est le début, l’œil qui s’ouvre pour se concentrer sur le bien, les clés de l’ailleurs que l’on détient encore.

D’abord, on s’oublie, on noie le moi dans son propre orgasme, pour se jeter hors des choses, là où sont les choses. L’expérience de la transcendance qui précède la morale, selon Murdoch, est l’expérience de la beauté.

(suit page 38)

PALAZZI 37 VENEZIA
JEAN
Photo wikipedia
IRIS MURDOCH

La beauté, telle que la concevait Platon, nous saisit par le collet et nous attire vers elle. Les belles choses, les vraies belles - un paysage de montagne plongé dans la solitude, un faucon déchirant le ciel, une paire de chaussures peinte par Van Gogh - nous touchent avec une force thaumaturgique, éteignant la mèche de l’ego : nous, qui contemplons, sommes le paysage, le faucon, le tableau.

C’est vrai, à tel point que contempler désigne dans son étymon l’opération de l’officier religieux qui scrute le ciel à la recherche de présages.

La beauté nous oblige à contempler, à nous perdre dans la vision.

La «beauté» est le nom conventionnel et traditionnel de quelque chose que l’art et la nature partagent et qui donne un sens clair à l’idée de la qualité de l’expérience et de la transformation de la conscience.

Je regarde par la fenêtre, d’humeur anxieuse et rancunière, attentive à ce qui m’entoure [...]. Soudain, je remarque un faucon qui plane dans les airs. En un instant, tout change. L’homme qui rumine sa vanité blessée disparaît.

Il n’y a plus que le faucon. Et quand je reviens à ce que je pensais, cela ne me semble plus si important.

Attention, parce que cet itinéraire que Murdoch indique, avec son parfum vaguement bouddhiste, aboutit à une conscience plus vraie, plus concrète du problème moral qui se pose.

Ce n’est que par l’oubli de soi qu’un jugement juste, bon et empathique est possible.

L’attention est la distance construite entre soi et soi, la recherche d’un regard consacré à l’altérité : «l’attention est dirigée, contrairement à ce qui se passe habituellement, vers l’extérieur, loin du soi qui réduit tout à une fausse unité, vers la grande et surprenante variété du monde».

L’attention est, pour ainsi dire, le moment mystique de la conscience morale. Entraîner la vision à l’attention, c’est entraîner notre ego à s’oublier lui-même.

Ce n’est pas facile.

Ce ne fut pas le cas du philosophe de la caverne de Platon, qui sortit de l’obscurité

pour voir la lumière du soleil, et se retrouva avec une vision floue une fois revenu dans son ancienne demeure, prêt à avertir ses compagnons de s’enfuir de là.

Ah, petit aparté : à la fin, ce sont les compagnons qui l’ont tué.

Et si l’ego n’était rien d’autre que cette tentation de rester dans la grotte, de faire obstacle à toute subversion ?

Iris Murdoch nous dit que oui, avant d’être bon, il faut apprendre à voir, à vraiment voir.

Mais laissez-la vous convaincre, lisez «Existentialistes et mystiques» et vous comprendrez ce que Dostoïevski pensait à l’époque, lorsqu’il a écrit que la beauté sauverait le monde.

Giovanni Fava

’un des principaux éléments de contraste entre Murdoch et l’éthique analytique du début du 20e siècle est la dichotomie entre les faits et les valeurs. début du 20e siècle est la dichotomie entre les faits et les valeurs.

Murdoch a en effet développé un examen critique de cette dichotomie et de ses implications pour l’éthique

qui a joué un rôle d’anticipation dans la philosophie la philosophie analytique, comme en témoigne la dette envers Murdoch reconnue à cet égard par des auteurs devenus des classiques en la matière tels que Hilary Putnam, Bernard Williams et John McDowell. La critique de la dichotomie entre faits et valeurs revient à différents stades de la pensée de Murdoch, et l’on peut en distinguer trois aspects. Dans la pensée de Murdoch, on peut distinguer trois aspects :

1. L’intérêt pour la récupération d’une réflexion de type métaphysique dans l’éthique, en opposition l’épuration de la métaphysique qui s’est produite avec la distinction métaéthique entre faits et valeurs. et les valeurs ;

2. une critique visant les déclinaisons sémantiques de la dichotomie entre faits et valeurs, impliquant une réflexion plus large sur le langage moral ;

3. L’idée formulée par Murdoch dans la dernière phase de sa pensée d’une «ubiquité de la valeur». d’une «ubiquité de la valeur». Dans les écrits des années 1950, en particulier dans

Ethics and Metaphysics (1957) et Vision and Choice in Morality (1956), Murdoch entreprend de reconstituer la manière dont la dichotomie entre les faits et les valeurs est apparue. reconstruire la façon dont la dichotomie entre les faits et les valeurs est venue à représenter, selon lui, l’essence même de la morale. La dichotomie entre les faits et les valeurs en est venue à représenter, selon elle, le trait quasi-identifiant de la philosophie morale moderne , en particulier dans la tradition de la moralité. La dichotomie entre les faits et les valeurs a fini par représenter, selon lui, un trait quasi-identifiant de la philosophie morale moderne , en particulier dans la tradition anglo-saxonne. qu’il définit comme «vide et nue «.

Une telle scène serait l’aboutissement d’une série de passages qui trouvent leur origine dans ce que George Edward Moore dans «Principia Ethica» (1903) avait défini comme le «sophisme naturaliste», c’est-à-dire l’idée que les conceptions morales de type métaphysique ou

(suit
de la page 37)
Photo wikipedia.org
PALAZZI 38 VENEZIA

ou naturalistes commettraient une erreur logique en définissant le bien par des propriétés autres que le bien lui-même et, donc, en faisant des valeurs à partir des faits. La reconstruction de Murdoch se poursuit ensuite en soulignant l’héritage de Moore dans les théories émotivistes (cf. Stevenson, Ayer), et la convergence des théories comportementalistes en philosophie de l’esprit (cf. Gilbert Ryle) et des théories non cognitivistes du langage moral (cf. notamment R.M. Hare), en présentant une image de la vie morale selon laquelle : «la moralité d’une personne émerge de son comportement »; une déclaration morale est une prescription, ou une règle, émise pour guider le choix ; le sens descriptif du mot moral y est précisé par une référence à des critères spécifiques par référence à des critères factuels d’application.

C’est cette représentation de la morale qui sanctionne, pour Murdoch, le caractère «vide et nu» de la philosophie morale moderne.

A travers ces passages, on arriverait à la rupture

définitive de l’éthique avec la métaphysique. de l’éthique avec la métaphysique. Murdoch entreprend alors une analyse des arguments qui ont conduit à cette purification. des arguments qui ont conduit à cette purge de la métaphysique de l’éthique. de l’éthique, en identifiant trois d’entre eux :

1. un argument anti-métaphysique, qui démontre l’absence de fondement des thèses concernant l’existence d’entités métaphysiques ;

2. l’argument anti-naturaliste, c’est-à-dire anti-naturaliste, c’est-à-dire le sophisme naturaliste proposé par Moore ;

3. un argument qui fait appel à la socio-économie anglaise et à l’éthique. argument qui fait appel au contexte socio-historique anglais.

C’est dans la critique à l’argument anti-naturaliste que Murdoch opère une forme de démasquage de l’apparente logique pure. démasquer l’apparente dimension purement logique, et par conséquent dimension purement logique, et donc neutre, avec laquelle

les théories méta-éthiques prônant la distinction entre les faits et les valeurs.

L’argument anti-naturaliste consiste en effet à que les théories morales métaphysiques et naturalistes commettent une une erreur logique en dérivant des conclusions morales à partir de prémisses factuelles.

Murdoch souligne toutefois que ce type de dérivation plutôt grossière entre les faits et les valeurs ne se trouve que dans la plupart des cas. faits et les valeurs se trouve tout au plus dans le cadre de pseudo-théories, de théories psychologiques ou sociologiques. alors que l’opération réalisée par les philosophies métaphysiques soumises à la critique méta-éthique est différente : les philosophies métaphysiques du passé ont effectué un travail plus complexe que celui qui leur est reproché, elles ont proposé « une représentation métaphysique globale dont l’éthique fait partie». une représentation métaphysique globale dont l’éthique fait partie « une image large de la réali-

té et des êtres humains. L’éthique n’est pas une représentation de la réalité, mais une représentation de l’homme».

La validité de cette idée pourrait être réfutée par l’argument anti-métaphysique, qui montre comment cette idée ne peut être fondée philosophiquement, mais, selon Murdoch, pas par l’argument anti-métaphysique, pas par la critique anti-naturaliste. Cependant, même l’argument anti-métaphysique montre que nous ne pouvons pas fonder la moralité sur une base transcendante ou factuelle déterminée philosophiquement. transcendant ou factuel philosophiquement déterminé, mais Murdoch entreprend de montrer que entreprend de montrer que même si nous acceptons l’argument anti-métaphysique, cela n’impliquerait pas une autre conséquence, cela n’impliquerait pas une autre conséquence qui est plutôt et s’oppose aux approches morales métaphysiques, à savoir que «la croyance en la transcendance ne peut trouver sa place dans un compte philosophique de la moralité».

Le point fondamental que est que les arguments métaéthiques d’une approche anti-naturaliste et d’une approche métaphysique de la morale ne peuvent pas trouver leur place dans un récit philosophique de la moralité. Les théories anti-métaphysiques ne suffisent pas à elles seules à réfuter les théories métaphysiques, mais sont en fait soutenues par un type d’argument très différent, d’une nature particulière. mais sont en fait soutenues par un argument d’une nature très différente, d’une nature particulièrement morale : le principe selon lequel «attacher la moralité à l’idée de l’homme»: le principe selon lequel «attacher la moralité à la substance du monde», c’est-à-dire à l’idée qu’il est possible d’en tirer des leçons, est un principe de base, c’est-à-dire comprendre la valeur comme liée aux faits, comporte un risque de dogmatisme, d’intolérance et de «dégénérescence morale causée par un manque de réflexion», préoccupations qui, pour Murdoch ont leurs racines dans la tradition libérale anglaise. (suit page 40)

PALAZZI 39 VENEZIA

(suit de la page 39)

Ainsi, le problème auquel l’argument du sophisme naturaliste semble répondre n’est pas un problème logique, mais un problème proprement moral.

Murdoch entreprend donc de montrer comment, une fois la distinction distinction apparemment logique entre les faits et les valeurs comme spécifiquement morale, elle peut être comprise comme caractéristique d’un point de vue moral particulier parmi d’autres avec lesquels elle est en accord, avec lesquelles elle peut être comparée.

Ainsi, Murdoch compare ce qu’elle appelle la «vision actuelle» de la moralité avec une vision opposée, qu’ellequalifie d’»éthique du droit naturel pour comprendre les théories de la moralité.

L’éthique de la loi naturelle pour comprendre les théories thomistes, hégéliennes et marxistes, dont elle souligne ainsi le caractère téléologique.

L’«éthique du droit naturel», écrit Murdoch, présente l’individu comme faisant partie d’une «structure qui le transcende ; elle met l’accent sur le «caractère téléologique». structure qui le transcende; c’est la structure qui a de la valeur et de l’importance, tandis que l’individu n’est important, voire réel, que dans la mesure où il fait partie de la structure.

La moralité est donc configurée comme la découverte de cette structure par l’individu et la découverte de cette structure par l’individu et la découverte de cette structure par l’individu. la découverte de cette structure par l’individu et son intégration à cette structure. De la comparaison entre Ces deux conceptions contrastées, anti-métaphysique-libérale et métaphysique-téléologique, font apparaître une différence substantielle dans la manière d’appréhender le monde et l’être humain.

Le monde et les êtres humains: on est confronté à différentes configurations conceptuelles,

différentes images - du monde et des êtres humains. différentes configurations conceptuelles, différentes images - de l’individu, de la réalité, de la réalité, de la relation entre l’individu et le monde. Mais alors, même l’image analytique ne sera pas comprise comme une simple analyse logique de la réalité. ne sera pas comprise comme une simple analyse logique de la morale, mais plutôt comme une vision morale substantielle. comme une vision morale substantielle.

Ainsi, ce que font les philosophes analytiques, selon Murdoch, consiste à faire «leurs interprétations morales inconsciemment plutôt que consciemment», en ce sens qu’ils «analysent et décrivent notre moralité et celle des autres».

La description de notre propre moralité et de celle des autres peut impliquer la création de différents modèles qui n’ont pas les mêmes caractéristiques que les autres. modèles, qui n’ont pas la neutralité de la logique, contrairement à ce que prétendent ces conceptions mé-

taéthiques. Ces modèles ne sont pas neutres du point de vue logique, contrairement à ce que prétendent ces conceptions métaéthiques, mais ils expriment à leur tour des préoccupations morales spécifiques. La même méthode linguistique adoptée par les théories de la métaéthique ancienne, dont Murdoch partage l’importance, semble contraire à la quête d’universalité propre à la logique, en ce qu’elle entre en contact avec la «sphère confuse et changeante des concepts avec lesquels [les êtres humains] vivent - et qui sont sujets à des changements historiques. Les concepts avec lesquels [les êtres humains] vivent sont confus et changeants - et ils sont sujets à des changements historiques.

C’est à ce stade que Murdoch propose une réhabilitation de la métaphysique dans le cadre de l’éthique : la méthode linguistique en philosophie morale, si elle est prise au sérieux», c’est-àdire non pas comme une analyse purement logique de concepts généraux tels que le «bien» ou le «mal», mais comme une analyse de concepts généraux tels

que le «bien» ou le «mal». concepts tels que le «bien» ou le «juste», mais comme une exploration du champ «confus et changeant» de la philosophie morale, à travers lesquels nous exprimons nos morales, peut être comprise comme une forme de métaphysique, non pas au sens de «métaphysique», en tant que fondement philosophique d’entités, mais au sens de la production de représentations, d’idées, d’images conceptuelles complexes.

L’idée qui émerge ici est que l’interprétation des différentes représentations de la moralité ne peut pas être effectuée comme une analyse purement neutre, mais implique inévitablement la création de nouvelles représentations, images, configurations conceptuelles.

La distinction méta-éthique même entre faits et les valeurs peut être considérée, dans ce sens, comme une configuration conceptuelle particulière qui est l’expression d’une vision spécifique vision morale.

https://www.frammentirivista.it/vedere-veramente-ovvero-leggete-iris-murdoch/

40 VENEZIA
Photo wikipedia.org PALAZZI

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.