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LA NATURE À L’ŒUVRE

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CANAPÉ-SHOW

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L’INSTANT

Alignement des créations. Fusion des événements. Plantes, arbres, fleurs, champignons… concentrent les attentions. Les expositions croisent les regards artistiques, naturalistes, scientifiques. Les designers explorent aussi le vivant, lui rendant hommage autour de formes organiques, allégoriques, mais surtout poétiques.

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TEXTE Virginie Bertrand

SÈVE DE L’ART

Esthétique et militante, l’exposition « La Forêt Magique » révèle l’intuition écologique des artistes. À partir de peintures, d’installations, d’extraits de films, d’œuvres de Théodore Rousseau, Gustave Doré, John Constable aux contemporains, Gilles Barbier, James Cameron… La déambulation est immersive au cœur d’une scénographie sylvestre et sonore, conjuguée au regard sensible de botanistes dont Francis Hallé. Ici, Albion de Mat Collishaw, 2017, collection de l’artiste. Jusqu’au 19 septembre, au musée des BeauxArts de Lille.

INSPIRATION VÉGÉTALE

« Joaillier naturaliste », Marie-Étienne Nitot, le fondateur de la maison Chaumet en 1780, se définit ainsi. À l’occasion de l’exposition « Végétal, L’École de la beauté », dont il est le commissaire, Marc Jeanson, botaniste a réalisé un herbier artistique. Il a réuni quelques 400 œuvres d’art, peintures, tapisseries, sculptures, cyanotypes et plus de 80 créations joaillières. S’y croisent Monet et Le Corbusier, Robert Mapplethorpe et Karl Blossfeldt, Odilon Redon et Georgia O’Keeffe.

PAGE DE GAUCHE « Aigrette à la fleur d’orchidée, Joseph Chaumet, laboratoire de photographie, positif d’un négatif sur plaque de verre au gélatino-bromure d’argent, vers 1903, archives Chaumet.

PAGE DE DROITE Dans la même exposition, photographie d’un anonyme, un homme montrant le dessous d’une feuille de Victoria regia, nymphéacée géante d’Amérique du Sud, vers 1930, collection particulière. Jusqu’au 4 septembre aux Beaux-Arts de Paris.

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POLLINISATION CRÉATIVE

PAGE DE GAUCHE 1. Lampe-sculpture « Champignon » à bol rouge, extraite de la série Les Illuminés, de la céramiste Agnès Debizet, en grès et porcelaine, pièce unique, 2022. Sa forme organique se joue de la lumière, présentée à la Galerie Yves Gastou, à l’initiative de Victor Gastou et de Mélissa Paul. 2. « Curly Bench » de Pablo Reinoso, 2019. L’artiste interroge les équilibres qui régissent les écosystèmes en puisant dans les matières, comme le bois, la pierre, l’air, le métal, pour affirmer la force du vivant. 3. « FallenTree », banc de Benjamin Graindorge, en chêne et verre, 12 ex., Ymer&Malta.

PAGE DE DROITE 1. « Tephra », crédence de Marcin Rusak, qui fait germer des graines sur une ossature de toile de jute avant de les immortaliser dans une pluie de zinc, pièce unique, Carpenters Workshop Gallery. 2. « SSL22 Vessel 5 », vase de Sylvain Rieu-Piquet, en faïence, technique mixte, un « microcosmos » presque invisible, qui exprime la complexité du vivant. 3. « Mycelium Chair » d’Eric Klarenbeek, issue de l’impression 3D de mycélium de champignon. Il utilise les moyens numériques à des fins organiques. Présentée à l’exposition « Mimèsis, un design vivant ». Jusqu’au 6 février 2023 au Centre Pompidou-Metz,

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MATIÈRE ET SAVOIR-FAIRE

PAGE DE GAUCHE 1, 2, 3, 4. La maison Goossens participe au décor du restaurant triplement étoilé du chef Alain Passard, L’Arpège, à Paris, en faisant « pousser » le long des murs, et jusqu’au plafond, une vigne aux feuilles de laiton doré à l’or fin dans laquelle virevoltent papillons et libellules. Cet écosystème côtoie les broderies inspirées sur toile de lin de la Maison Lesage reflétant la cuisine d’Alain Passard et évoquant les jardins potagers du Gros Chesnay, dans la Sarthe, et du Bois Giroult, en Normandie.

PAGE DE DROITE « Tephra Vase 006 », vase unique, de Marcin Rusak, en zinc, 2022, exposé à la Carpenters Workshop Gallery. Fils et petit-fils de floriculteurs, la nature lui offre depuis longtemps des sources d’inspiration, et est partie prenante de son processus créatif. Il fait pousser les fleurs à même ses réalisations sur de la toile de jute, qu’il immortalise ensuite.

À certaines époques de l’histoire, celles des grandes

expéditions naturalistes, la nature a exercé une véritable fascination. On la regardait alors comme on ne sait plus le faire aujourd’hui. L’un des objectifs de « Végétal, l’École de la beauté », est que le visiteur puisse par le truchement des regards d’artistes, de joailliers, s’interroger sur la connaissance des plantes. Sait-il les nommer, en comprend-il l’organisation ? Marc Jeanson, ingénieur agronome, botaniste et commissaire, a pensé cette exposition imaginée par Chaumet comme un herbier géant d’après peintures, sculptures, photographies. Libérée de tout ordre chronologique, la déambulation emprunte différents paysages : estran, roselière, prairie, grotte, en passant du relevé d’une fresque pariétale de 5 000 ans à une forêt de carton d’Eva Jospin, du bassin de nénuphars de Claude Monet au Jardin des sirènes de Dom Robert. Avec détours par les pièces joaillières de la maison Chaumet, à travers ses incroyables archives : dessins, plaques de verre, maquettes en maillechort. Devant l’œil ébahi, la beauté de la nature éclate, ne demandant qu’à être sauvegardée. Plus militante est « La Forêt Magique » du musée des Beaux-Arts de Lille. Une scénographie labyrinthique, dans la pénombre, associe les expressions les plus variées, de la peinture ancienne jusqu’à l’art numérique avec la présentation du projet utopique porté par Francis Hallé. Le biologiste-botaniste veut reconstituer une forêt primaire en Europe de l’Ouest, sans intervention humaine, îlot de biodiversité. D’arbres il est question aussi au château de Chambord qui convie en son sein un invité d’exception : l’artiste Pablo Reinoso. Carte blanche lui est donnée. Sur la façade, une oeuvre monumentale Entrelacs se déploie sur 45 mètres carrés, emblématique de sa peinture à l’encre de Chine. Les jardins à la française deviennent parc à sculptures. Même l’escalier à double révolution de Léonard de Vinci se prête à une installation de 18 mètres de haut, Double souffle. Quarante ans de carrière et un seul sujet, sylvestre. Les designers aussi explorent, au-delà des formes libres ou organiques, les collaborations possibles avec le vivant, du biomorphisme au biomimétisme, à la biofabrication. Installé à Varsovie, Marcin Rusak sélectionne des graines qu’il fait pousser sur de la toile de jute. Après quelques mois de culture, il fige les fleurs à maturité par projection de zinc. Eric Klarenbeek étudie depuis quelques années le mycélium du champignon. Avec Maartje Dros, ils mettent au point une technique d’impression en 3D de cette matière vivante et la partage avec des architectes, ingénieurs, depuis leur studio à Zaandam, au PaysBas, proposant ainsi une alternative aux plastiques. La nature n’est pas seulement source d’émerveillement ou réserve de biodiversité, gage de la pérennité du monde. Elle apprend aussi, à l’image du réseau fongique sous- terrain ou de la communication entre les arbres, qu’il y a d’autres façons de vivre ensemble, plus harmonieuse. Il reste tant à découvrir, d’êtres qui ont précédé l’homme de quelques centaines d’années, voire de millénaires.

VÉGÉTAL

Édité par Chaumet et JBE Books, avec des œuvres choisies et un dessin inédit d’Etel Adnan pour le joaillier.

PAGE DE GAUCHE Tai Ping présente lors de la Paris Design Week Florae Folium. Une installation de Sam Baron, inspirée par l’art du bouquet sous le Second Empire. Trois tapis se reflètent dans des colonnes-miroirs.

PAGE DE DROITE Le Printemps, de Giuseppe Arcimboldo, 1573, huile sur toile, présenté à l’exposition « Végétal, L’École de la beauté ».

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