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PORTRAITS
from Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg et en Alsace #4
by Zut Magazine
Guillaume et David Kalms
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TRANSFORMATEURS DE CHANVRE
Par Déborah Liss / Photos Pascal Bastien
Guillaume et David Kalms voulaient ressusciter la culture de chanvre, très répandue en Alsace au xixe siècle. Avec bientôt plus de 60 ha de plants chez leurs agriculteurs, les voilà en bonne voie. Ils se sont lancés en 2018, sans rien connaître du secteur, avec l’intuition que cette plante était l’avenir du développement durable : « Elle n’a pas besoin d’irrigation et elle dépollue les sols. Et un hectare de chanvre absorbe autant de CO2 qu’un hectare de forêt », explique Guillaume.
En fondant Chanvr’eel («eel» veut dire huile en alsacien), ils ont décidé d’en faire de l’huile d’assaisonnement, de la farine (pour le pain, les gâteaux…) et de la protéine (à ajouter à ses smoothies ou ses shakes de sportifs). Chaque mois, ils pressent pendant dix jours (ils ont enfin acquis un pressoir automatique!), laissent décanter, puis embouteillent. En une année, c’est 1,5 tonne d’huile qui sort de leurs locaux à Benfeld. Ils vendent aussi des graines entières et décortiquées, « qu’on peut manger en snacking ou pour agrémenter des entrées», précise Guillaume. Le chef étoilé Thierry Schwartz à Obernai se fournit par exemple chez eux pour sa tuile garnie de graines de chanvre. Grâce à leurs producteurs en réseau «très local», ils proposent aussi du savon, des pâtes au chanvre, des soins pour la peau… qu’on retrouve en magasin bio. Ce label était important pour les deux frères, qui insistent par ailleurs sur leur effort zéro déchet : « On a peu de pertes puisque même les fonds de cuve sont achetés par des écuries pour les sabots des chevaux ou par des pêcheurs pour attirer le poisson ». Leur enthousiasme pour ce «super produit», comme ils l’appellent, est palpable: «C’est hyper nutritif! Il y a davantage de protéines dans les graines de chanvre que dans la viande rouge!» Guillaume rappelle aussi qu’on peut tout valoriser dans le chanvre, qui a longtemps été transformé en textile et notamment en kelsch, le tissu alsacien par excellence. chanvreel.fr
www.lcm.design
David Degoursy et Jeanne Satori
CHEF·FES
Par Cécile Becker / Photos Christophe Urbain
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au restaurant de:ja, on fait les choses jusqu’au bout. Couple aux fourneaux comme à la ville (mais surtout à la nature) Jeanne et David sont passionnés par la cuisine bien sûr, la chose végétale aussi et les méthodes les plus minimalistes possibles pour révéler les goûts et textures des produits. En faire le moins possible, y passer du temps, y mettre beaucoup d’essais et de concentrations, mesurer ses gestes, choisir minutieusement chaque outil pour cuisiner, le tout pour remettre le produit au centre. « On se considère comme des passeurs de produit mettant en valeur le travail des paysans. On recherche la pureté, la neutralité : les aliments sont traités de la manière la plus brute possible. » Il s’agirait presque de faire oublier le travail fait en cuisine.
Pour ouvrir leur restaurant, David et Jeanne sont allés voir 150 producteurs. Pas de plastique, des bocaux, des produits d’entretien écolo, de la céramique locale signée Lisa Debat et 85% des produits qui proviennent d’un rayon de 60 km autour de Strasbourg. Tout est fait maison, rien ne se perd. Elle se charge du froid, du pain (fait maison et au levain), des viennoiseries, lui du chaud mais il et elle ne s’interdisent rien, férus d’expérimentations avant tout. Leurs références se situent à la croisée des pays nordiques et du Japon, le restaurant Noma – probablement le meilleur au monde – en tête et son travail précis sur la fermentation. Les bocaux de fruits ou légumes s’empilent d’ailleurs dans leur chambre froide, à côté des caisses rassemblant le fruit de cueillettes qu’il et elle s’enquillent régulièrement pour revenir à la terre et chercher l’inspiration. Chez de:ja, tout est cohérence et leur démarche se retrouve même dans l’esthétique : leur dressage, construit en symbiose avec le décor du restaurant, autant que leur façon de s’habiller, mêlant habilement camaïeu de couleurs et coupes droites. Une ode à la sobriété. de:ja 1, rue Schimper à Strasbourg deja-restaurant.com
Christelle Lorho
FROMAGÈRE-AFFINEUSE
Par Tatiana Geiselmann / Photos Pascal Bastien
Lunettes rondes cerclées d’écailles sur le nez, Christelle Lorho est à l’image de ses fromages: forte en caractère. La cinquantaine dynamique, cette Strasbourgeoise d’adoption gère depuis plus de 20 ans, main dans la main avec son mari, la fromagerie Lorho, nichée au cœur du Carré d’or, rue des Orfèvres. Une petite boutique d’à peine 32 mètres carrés, débordant de fromages. « En haute saison (donc en hiver) on peut avoir jusqu’à 300 variétés différentes », détaille la maîtresse des lieux. Des fromages locaux comme le Munster ou la tome, des classiques de la Touraine, comme du Selles-sur-Cher ou du Pouligny Saint Pierre, des méconnus savoyards, comme le Persillé de Tignes, ou encore des indémodables normands (le camembert bien sûr, avec pas moins de trois références différentes). Au-delà de ce choix pléthorique de fromages, ce qui caractérise la maison Lorho, c’est surtout qu’une partie de ces produits sont uniques, affinés par le couple luimême dans ses caves de Moyenmoutier, dans les Vosges. «C’est une manière de personnaliser nos produits, d’y mettre notre patte, explique Christelle Lorho. Sinon, on ferait tous la même chose.» Tous les mois, plusieurs kilos de fromage dit “à blanc” arrivent donc sur le site vosgien pour être portés à maturité au sein des 400 mètres carrés de locaux à la température et à l’hygrométrie contrôlés. «Chaque fromage demande ses propres conditions d’affinage, certains sont élevés sur briques, d’autres non, certains ont besoin d’être lavés, brossés, retournés», énumère la vive patronne. Un travail artisanal et expérimental que le duo Lorho a porté, au fil des années, jusqu’à l’excellence. Tous deux se sont vus récompenser du titre de Meilleur ouvrier de France, l’un en 2007, l’autre en 2018, «une vraie reconnaissance » pour Christelle Lorho. Une manière aussi de mettre en lumière le travail de ces deux passionnés, qui ne cessent de se réinventer, s’adaptant aux goûts du jour. Dernière création en date: un brie aux fraises et au basilic, pour célébrer l’arrivée des beaux jours. Maison Lorho 3, rue des Orfèvres à Strasbourg maison-lorho.fr