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Hong Kong, entre gentrification et projets urbains 香港的士紳化與市區工程 Texte et photos 文與照片: Karine Yoakim Pasquier, en partenariat avec Le Petit Journal Hong Kong
D’après le Larousse, la gentrification est la « tendance à l’embourgeoisement d’un quartier populaire. » En résumé, lorsqu’une zone devient prisée, celle-ci subit une augmentation des prix immobiliers, finit par se développer économiquement et voit ses habitudes de consommation changer, avec pour conséquence l’exode de la population moins aisée qui y réside. Hong Kong ne déroge pas à cette règle. Des quartiers autrefois très populaires et délaissés se transforment progressivement. C’est le cas de Sheung Wan, qui s’est peu à peu gentrifié, avec l’arrivée de jeunes couples, séduits par la proximité avec Central, lui donnant un aspect bigarré, mêlant échoppes de fruits de mer séchés, officines de médecine chinoise, galeries d’art et cafés en vogue.
Lee Tung Street à Wanchai
En octobre 2020, le magazine Time Out a désigné Sham Shui Po comme l’un des 40 quartiers les plus branchés du monde, aux côtés du centre-ville de Los Angeles, de l’Esquerra de l’Eixample de Barcelone ou du Haut-Marais de Paris. Mais si ce phénomène accélère l’ouverture de commerces, il n’est pas sans danger pour les populations moins fortunées… La gentrification à Hong Kong Si, dans la majorité des grandes villes, la gentrification se fait spontanément, avec l’arrivée d’entreprises, l’amélioration du système de transport, ou tout simplement parce que l’image de ces quartiers évolue, à Hong Kong, la situation est plus complexe et n’est pas toujours liée à la démocratisation naturelle d’une zone. Souvent, un quartier change à la suite des projets de
l'Urban Renewal Authority (URA), un organisme statutaire à but lucratif « chargé d'entreprendre, d'encourager, de promouvoir et de faciliter la rénovation urbaine de Hong Kong, en vue de résoudre le problème de la dégradation urbaine et d'améliorer les conditions de vie des résidents des quartiers » (source : https://www.ura.org.hk/en/about-ura). Pour y parvenir, de grandes zones citadines sont fermées, avant d’être détruites et reconstruites selon un plan plus moderne. Pour mieux comprendre le phénomène, je pars à la rencontre de Gloria Wing-yee Chaung, anthropologue à la Chinese University of Hong Kong, qui me donne rendez-vous à To Kwa Wan, une zone résidentielle et commerciale située entre Whampoa et Kai Tak. La jeune femme est chercheuse, spécialiste des conséquences du réaménagement urbain sur la vie communautaire et ses habitants. Pour me permettre de voir ce qu’est un projet de l’URA, elle m’emmène vers un bloc d’immeubles aux couleurs pimpantes et au charme désuet. Le quartier garde encore les traces de la proximité de l’ancien aéroport : les édifices sont bas, 10 étages tout au plus. Mais en s’approchant on remarque que la ville est fantôme, abandonnée. Les échoppes donnant sur la chaussée sont toutes fermées, les fenêtres, calfeutrées, les bâtiments, en ruines. Entre fils électriques, boîtes aux lettres remplies de paperasse, taches d’humidité et délabrement, c’est un sentiment étrange qui règne dans les rues. Sur chaque porte, chaque rideau de fer, une affiche en anglais et en chinois, indiquant que le secteur sera détruit, est placardée. En effet, dans quelques temps, à la place de ces immeubles typiques du vieux Hong Kong, se dressera un complexe moderne, avec centres commerciaux et appartements résidentiels de luxe. Gloria m’explique le fonctionnement de ces projets : lorsqu’un quartier est touché, les habitants, commerçants et propriétaires sont avertis plusieurs mois à l’avance. L’URA fait du porte-àporte pour recenser les personnes vivant dans la zone. Ceux-ci, selon leur statut, recevront ensuite une compensation financière destinée à les aider à se reloger, ou la possibilité de s’inscrire sur les listes des Public Housing (logements sociaux), mais ces