Marquet au Havre

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QUET MAR en Normandie

Anonyme, Cap de Flamanville, Manche, vers 1910 Anonyme, Le Havre, le Grand Quai, vers 1920 Anonyme, La Plage de Fécamp, vers 1900 Agence Roll, Le Port de Honfleur, 1922 Paris, BNF Anonyme, Rouen, les quais et le pont transbordeur, vers 1912

Cat. 1

Le Havre, le bassin, 1906

Huile sur toile, 61 x 50 cm

Le Havre, MuMa

Inv. 2019.1.1.

Achat de la Ville du Havre avec l’aide de l’État (Fonds du Patrimoine), la Région Normandie (FRAM), l’Association des Amis du musée d’art moderne André Malraux, et les entreprises Helvetia, Chalus Chégaray & Cie, CRAM et CRIC

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Préface Édouard Philippe

Maire du Havre, Président de la Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole

Albert Marquet « regarde la nature avec bonté », écrivait Guillaume Apollinaire dans L’Intransigeant du 18 mars 1910. Et nous sommes heureux que le Bordelais ait porté « cette bonté, cette tranquillité, cette joie » jusqu’à nos paysages normands. Après s’être lié d’amitié avec Henri Matisse, à Paris, Albert Marquet rencontra le meilleur des guides en la personne de Raoul Dufy. En 1906, tous deux sillonnèrent la Normandie, de Trouville à Fécamp. Ce fut le début d’une belle histoire d’amitié et d’émulation entre les deux artistes. Ce séjour normand joua un rôle important dans l’œuvre de Marquet, en contribuant à préciser son art.

Infiniment sensible aux variations météorologiques, Marquet peignit des séries, comme les impressionnistes, mais il subit plus encore l’influence du fauvisme et du japonisme. La parenté avec Hokusai était réelle, et souvent soulignée.

Marquet peignit magnifiquement la mer et les ports, de Naples à Alger en passant par Marseille. Et il peignit magnifiquement Le Havre. Il aimait la modernité des docks, des remorqueurs. Depuis sa fenêtre, presque toujours en surplomb, il sut immortaliser la beauté changeante de paysages marins et urbains qui révélaient toujours une présence humaine.

Albert Marquet restera un grand paysagiste français, dont les aplats de tons purs éveillent une palette d’émotions profondes. Plusieurs de ses toiles ont rejoint les collections du MuMa, notamment grâce à la générosité de nos donateurs. Nous disposons aussi d’une remarquable collection de dessins, car Marquet excellait dans l’art de croquer l’épure de silhouettes et d’attitudes pittoresques, avec une grande puissance suggestive. Nous sommes donc heureux que cette exposition mette à l’honneur cette œuvre exceptionnelle. Elle reste injustement méconnue. Il est temps de la redécouvrir.

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Remerciements

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition Marquet en Normandie présentée au MuMa – Musée d’art moderne André Malraux, Le Havre du 22 avril au 24 septembre 2023

Cette exposition a été initiée par Annette Haudiquet, directrice du MuMa, à la suite de l’acquisition en 2019 par la Ville du Havre de l’œuvre d’Albert Marquet, Le Havre, le bassin, avec le soutien de l’État (Fonds du Patrimoine), la Région Normandie (FRAM), l’Association des Amis du musée d’art moderne André Malraux, et les entreprises Helvetia, Chalus Chégaray & Cie, CRAM et CRIC.

Commissaires de l’exposition Sophie Krebs et Michaël Debris

Auteurs

Sous la direction d’Annette Haudiquet, Conservateur en chef honoraire du Patrimoine

Sophie Krebs, Conservateur général du Patrimoine. Musée d’art moderne de Paris

Michaël Debris, Attaché de conservation, chargé de la coordination des expositions au MuMa-Musée d’art moderne André Malraux

Itzhak Goldberg, professeur émérite en Histoire de l’art à l’Université Jean Monnet, Saint-Étienne

Bernard Plossu, photographe

Cette exposition, organisée par le MuMa –Musée d’art moderne André Malraux, s’inscrit dans la programmation d’Un Été Au Havre, saison estivale culturelle, née à l’occasion des festivités liées aux 500 ans de la ville et du port du Havre en 2017.

Éditions Octopus

Conception graphique et éditoriale, photogravure : Benoît Eliot

Relecture, corrections : Sandra Pizzo

OCTOPUS éditions

Que les personnalités qui ont accordé leur bienveillante attention à ce projet trouvent ici l’expression de notre gratitude, et en premier lieu :

Édouard Philippe, Maire du Havre, Président de la Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole

Fabienne Delafosse, Adjointe au maire du Havre, chargée de la Culture

François Cavard, Directeur général des services de la Ville du Havre

Claire Baclet, Directrice générale adjointe des services en charge de la Culture

Guillaume Gaillard, Directeur Valorisation des patrimoines

L’exposition bénéficie du mécénat exceptionnel de : Matmut pour les arts et Seafrigo

Elle est soutenue financièrement par le Cercle des Mécènes du MuMa (Alsei, Aris, Chalus Chegaray & Cie, CIM-Compagnie Industrielle Maritime, Engie, Helvetia, LiA, MG Management, Safran Nacelles, Société d’Importation et de Commission, Société Générale, TGS France, TotalEnergies)

Elle bénéficie du soutien de l’Association des Amis du musée d’art moderne André Malraux et des partenariats média

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Nous adressons nos plus chaleureux remerciements aux musées qui, par leurs prêts, ont permis la réalisation de cette exposition :

Belgique

Liège, musée des Beaux-Arts, La Boverie : Régine Remon et Gregory Desauvage

France

Albi, musée Toulouse-Lautrec : Florence Saragoza

Bagnols-sur-Cèze : Béatrice Roche

Besançon, musée des Beaux-Arts et d’archéologie : Laurence Madeline

Bordeaux, musée des Beaux-Arts : Sophie Barthelemy

Caen, musée des Beaux-Arts : Emmanuelle Delapierre

Deauville, Les Franciscaines : Caroline Clemensat

Honfleur, musée Eugène Boudin : Benjamin Findinier

Le Havre, bibliothèque municipale :

Dominique Rouet et Lucile Haguet

Lyon, musée des Beaux-Arts : Sylvie Ramond

Paris, Centre national des arts plastiques :

Béatrice Salmon et Violaine Daniels

Paris, Centre Pompidou : Laurent Le Bon, Xavier Rey, Jeanne Brun

Paris, musée d’art moderne de Paris :

Fabrice Hergott et Hélène Leroy

Paris, musée d’Orsay : Christophe Leribault

Quimper, musée des Beaux-Arts : Guillaume Ambroise

Rouen, musée des Beaux-Arts : Florence Calame-Levert

Strasbourg, musée d’art moderne et contemporain : Estelle Pietrzyk

Suisse

Winterthur, Kunst Museum : Konrad Bitterli

Zürich, Kunsthaus : Ann Demeester

Que tous les collectionneurs et les institutions privées qui ont accepté de participer à cette exposition trouvent aussi l’expression de notre gratitude :

Caen, collection Peindre en Normandie : Jacques Belin et Alain Tapié

Dinard, galerie Winston : Pascal Eouzan

Toulouse, Fondation Bemberg : Ana Debenedetti

Zürich, Fondation Collection E.G. Bührle :

Gratian Anda et Alexander Jolles ainsi que tous ceux qui ont préféré garder l’anonymat.

L’exposition et le présent catalogue ont bénéficié de l’aide aussi précieuse qu’amicale de Mme Françoise Chibret et Mme Florence Chibret-Plaussu, de la galerie de la Présidence à Paris. Qu’elles en soient très sincèrement remerciées.

Le catalogue a reçu le soutien du Wildenstein-Plattner Institute, à travers Mme Claude Jacir. Qu’elle trouve ici l’expression de notre gratitude.

Nous tenons à exprimer nos chaleureux remerciements à tous celles et ceux qui nous ont apporté leur aide ou leur soutien et ont, à un titre ou à un autre, contribué à rendre possible cette exposition :

Benoît Amiel, Artcurial, Mme Berès, Valérie Didier, Christophe Duvivier, Louise Eber, Me Elkaïm, l’étude Thierry-Lannon et associés, David Gadanho, Sylvain Gautier, Eric Houri, Héloïse Méance, Alexandre Poirier, Amandine Royer, Hélène Thomas, Pierre-Alban Vinquant de l’étude Aguttes.

MuMa – Musée d’art moderne André Malraux

Attachée de conservation, responsable des collections et de la documentation : Clémence Poivet-Ducroix, assistée de Philippe Legouis

Attaché de conservation, chargé de la coordination des expositions : Michaël Debris

Administration générale, comptabilité et régie : Séverine de Bellefroid

Comptabilité : Nathalie Morisse, Florence Lebrun Communication, relations presse, mécénat : Catherine Bertrand, assistée de Zhana Bellec

Régie des œuvres et montage de l’exposition :

Laurène Marin, Éléonore Le Brun et Essaïd Amzil.

Médiation culturelle et accueil des publics : Marie Bazire et l’équipe du service culturel du musée : Jeanne Busato, Gaëlle Cornec, Raphaëlle Marin et Karine Martin de Beaucé.

Médiation numérique : Pauline Parvan

Responsable sécurité/bâtiment : Armand Boullard, et l’équipe d’accueil et de surveillance du musée : Yannick Angelini, Ségolène Beaulieu, Pierre-Olivier Beaumont, Catherine Chédru, Dominique Dugardin, Nadia El Aroussi, Claude Fécamp, Frédéric Hébert, Nawel Kacedali, Isabelle Mélinon, Catherine Scheuble, Laetitia Vallerent.

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Cat. 2 Albert Marquet Autoportrait, 1904 Huile sur toile, 46 x 38 cm Bordeaux, musée des Beaux-Arts Inv. Bx 1960.4.4

Sommaire

Marquet au MuMa, comme une évidence

Annette Haudiquet 17

Carnets de voyage Marquet en Normandie

Sophie Krebs 35

Marquet ou la poésie du banal

Itzhak Goldberg 55

Carnets de voyages

Michaël Debris

1903 La Percaillerie 61

1906 Le Havre-Trouville 77

1906 Fécamp 111

1911 Honfleur 125

1912 Rouen 139

1927 Vieux Port, Canteleu, La Mailleraye 155

1934 Le Havre 173

1937 Dieppe 187

Merci monsieur Marquet

Bernard Plossu 195

Œuvres d’Albert Marquet conservées au MuMa 206

Expositions

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Bibliographie sélective 218
récentes 219 Chronologie 220
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Photographie de l’appartement d’Olivier Senn, rue d’Iéna, à Paris. « Mur des Marquet » (archives MuMa). De gauche à droite et de haut en bas : Faubourg, Saint-Jean-de-Luz ; Pivoines ; Le Quai des Grands Augustins ; Femmes d’Alger ; Les Toits rouges ; Bouquet de fleurs et pommes ; Audierne, la passerelle et la jetée

Marquet au MuMa, comme une évidence

Annette Haudiquet

Dans la lignée des expositions consacrées aux peintres particulièrement bien représentés dans ses collections ou à ceux qui ont entretenu un lien particulier avec Le Havre et la côte normande, le MuMa propose cet été de rendre hommage à Albert Marquet. Cet artiste discret et élégant, encore trop méconnu du grand public, est en effet de ceux qui vinrent et revinrent sur ce territoire pour y peindre et qui y rencontrèrent un accueil particulièrement attentif et heureux. Enfin, presque… puisque Marquet eut aussi à se confronter à l’hostilité du directeur du musée du Havre, qui en 1906 s’opposa au dépôt par l’État d’une œuvre fauve que celui-ci venait d’acquérir (Le Port de Fécamp, cat. 21) et que l’artiste souhaitait voir attribuer au musée havrais. Cet incident, qui vaut aujourd’hui au musée de Quimper le plaisir d’exposer cette toile, témoigne des débats vifs qui accompagnèrent l’émergence des avant-gardes en peinture au début du XXe siècle. Mais si Alphonse Lamotte, peintre lui-même et partisan d’une ligne académique, fit preuve d’une implacable animosité, Marquet eut aussi au Havre d’influents admirateurs. Il fut en effet particulièrement apprécié des grands amateurs d’art havrais des premières années du XXe siècle – et si le MuMa conserve aujourd’hui de lui une aussi belle collection comprenant pas moins de quatorze toiles, vingt-trois dessins et une estampe, c’est grâce à eux, puisque, sur ces trente-huit pièces, seules deux ont été acquises, et les autres données ou léguées par ceux (ou leur famille) qui avaient choisi de vivre avec elles. Le négociant en coton Charles-Auguste Marande ouvrit la marche en léguant en 1936 trois toiles fauves et un dessin. Mais c’est la collection d’un autre négociant, Olivier Senn, donnée en 2004 par sa petite-fille Hélène SennFoulds et complétée en 2015 par son petit-fils par alliance Pierre-Maurice Mathey, qui vient offrir toute son ampleur

à ce premier socle, avec huit peintures et vingt-deux dessins. Cet amateur posséda jusqu’à quinze toiles de l’artiste et quantité de dessins (repr. ci-contre) ; c’est dire la sincérité de son engagement auprès du peintre et son goût pour son œuvre, que l’on retrouve chez d’autres grands collectionneurs havrais tels que Georges Dussueil ou Pieter van der Velde1. Et la générosité qui s’attache au nom de Marquet ne se dément pas puisque, encore récemment, on doit à la famille de Jules Siegfried le don d’une magnifique toile de 1919, Remorqueur, la Seine à Herblay, et à un couple de donateurs la promesse de voir une Cathédrale Notre-Dame de Paris sous la neige de 1916 entrer à terme dans les collections du MuMa2

Exposer Marquet au Havre, c’est donc d’abord une invitation à prolonger, amplifier, interroger le plaisir de la visite des collections du MuMa par la présentation de nombreuses œuvres qui déroulent un fil conducteur, racontent une histoire. Mises en perspective non seulement entre elles mais avec celles d’autres artistes, compagnons en peinture et amis dans la vie, elles se dévoilent mieux, révèlent des affinités comme des singularités. Une première évidence s’impose : Marquet en Normandie inscrit ses pas dans ceux d’artistes qui l’ont précédé. Rien d’étonnant à cela : depuis la période romantique, cette région ne cesse d’attirer et la proximité de Paris, facilitée au mitan du XIXe siècle par la création des lignes ferroviaires, favorise les déplacements vers les villes et la côte. C’est d’abord discrètement que cet héritage se manifeste, dans le Cotentin, où, rejoignant Henri Manguin à l’été 1903, Marquet peint ses premiers paysages, auxquels se rattache le souvenir de Jean-François Millet3. Installé dans

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la petite commune des Pieux, au lieu-dit La Percaillerie, sur la côte ouest de la péninsule, à moins de trente kilomètres du hameau qui a vu naître le futur peintre de Barbizon, Marquet arpente ce territoire à la beauté sauvage entre terre et océan, le long des sentiers côtiers ou s’avançant plus profondément dans la lande. Son regard se porte alors vers ces paysages vides, sans motifs, dont il retient, comme son aîné, l’austère composition (fig. 1).

Trois ans plus tard, changement radical de décor. C’est au Havre qu’il vient en 1906, pour exposer à la première manifestation du Cercle de l’art moderne4 et pour rejoindre son ami Raoul Dufy. Une photographie éditée en carte postale (fig. 2) le montre assis sur la plage de galets devant son chevalet, une toile en cours d’exécution. On le devine, son regard se porte plus loin, vers l’estacade du casino Marie-Christine, charpente de bois qui s’avance vers la mer et servant tout aussi bien de plongeoir aux baigneurs que de point de vue aux promeneurs. Il en a déjà esquissé les traits robustes qui forment avec l’estran un étrange angle aigu. Autour de lui, des enfants, curieux, l’observent. La carte postale porte ce titre : « Sur la plage. L’Impressionniste » En 1906, cette indication ne manque pas de saveur, mais elle rappelle que la scène balnéaire appartient à un registre non pas inventé par les impressionnistes (elle l’est un peu plus tôt) mais suffisamment peint par eux pour qu’en ces premières années du XXe siècle elle leur soit associée.

Quoi qu’il en soit, à la différence de Dufy, qui en fera un sujet de prédilection, Marquet se détourne presque immédiatement de l’estacade, non sans avoir donné une œuvre, exceptionnelle dans sa carrière, où, à l’instar de son ami (fig. 5), il affronte de face le soleil dans sa toute-puissance lumineuse. Bien que Marquet soit venu au Havre cet été-là à la recherche de paysages et de motifs nouveaux, et désireux d’une proximité artistique avec Dufy, c’est plutôt dans le centre de la ville qu’il trouve ses sujets : les quais du port et des bassins intérieurs, les rues étroites du vieux quartier. La promiscuité du motif sur la plage ne semble pas lui convenir. Comme à son habitude déjà, il aime les positions en surplomb lui permettant d’embrasser largement du regard une scène. Ainsi, une seconde photographie, prise par le critique George Besson et représentant Dufy et Marquet posant devant leurs toiles La Rue pavoisée et Le 14 juillet au Havre sur la terrasse du café du Nord (fig. 7), illustre à merveille la complicité des deux artistes dans le choix du point de vue (l’étroite terrasse au premier étage de ce café de la rue des Drapiers, l’un des axes les plus exigus du quartier) et dans celui du motif (la rue pavoisée de drapeaux en ce jour de fête nationale), ainsi que dans la manière de peindre (on reconnaît aisément les toiles, saisies pratiquement dans le moment de leur exécution).

Si l’emplacement de « l’atelier de campagne » de cette série de rues pavoisées est dévoilé grâce au cliché de Besson, un autre lieu sera choisi pour sa position pivot entre le bassin du Commerce et le bassin du Roy, permettant ainsi une plus grande diversité de motifs : c’est de sa chambre de l’hôtel du Ruban-Bleu, 19, place de l’Arsenal,

que Marquet peindra ses vues cavalières des quais et ponts des bassins parés des couleurs nationales et encombrés des baraques foraines installées pour l’occasion. Il n’est pas impossible que d’autres ateliers de fortune aient été ponctuellement occupés, par exemple au bord du bassin Notre-Dame, pour diversifier encore les points de vue. L’importance de ce séjour de 1906 au Havre pour les deux amis, qui poussent ici ensemble leurs recherches dans le domaine de la couleur notamment, a conduit le MuMa à acquérir en 2019 la toile intitulée Le Havre, le bassin. Cette acquisition d’une œuvre de Marquet, rendue possible grâce à l’aide exceptionnelle du Fonds du patrimoine, du FRAM Normandie et du mécénat privé5, est la seconde seulement faite par la Ville du Havre, après celle en 1935 d’une autre vue du port du Havre (cat. 41). Sa présentation aux côtés des deux toiles de Camille Pissarro peintes sur le Grand Quai en 1903 (cat. 5 et 6), des deux œuvres exposées au Salon des artistes français en 1901 par Dufy (Fin de journée au Havre) et en 1903 par Othon Friesz (Le Vieux Bassin du Havre, le soir) et représentant d’autres scènes des quais du port du Havre, et enfin du Le Yacht pavoisé de Dufy réalisé vers 1904-1905 (fig. 17) résume la radicalité et la rapidité des changements intervenus en peinture dans les toutes premières années du XXe siècle.

La proximité temporelle – trois ans – des séjours au Havre de Pissarro et de Marquet nous autorise à interroger la nature de la filiation entre le vieux peintre impressionniste et l’artiste passé par l’épreuve de la couleur, et ce d’autant plus que Rouen a également vu les deux hommes travailler dans les mêmes lieux. En 1912, Marquet séjourne à Rouen et s’installe dans l’hôtel où Pissarro avait lui-même pris ses quartiers lors de son deuxième séjour dans le port normand, au début de l’année 1896. Des fenêtres de leurs chambres du Grand Hôtel de Paris, sur le quai éponyme, rive droite, les deux peintres peuvent embrasser la vue bordée par les ponts Boieldieu et Corneille, les quais et la Seine, débordante d’activité. De même, en 1934, Marquet revient au Havre et choisit de demeurer à l’hôtel Continental, où Pissarro avait passé tout l’été 1903 à peindre l’avant-port depuis les trois fenêtres de sa chambre. Ces choix tiennent-ils chez Marquet du hasard, ou bien d’un intérêt partagé pour un même point de vue sur un paysage portuaire particulièrement inspirant ? Et quelle « leçon » en tire-t-il ? Il n’est pas inutile de rappeler qu’au Havre, en tous les cas, deux toiles de la série havraise de Pissarro sont exposées au musée depuis leur acquisition – contre l’avis, déjà, du même Alphonse Lamotte, directeur de l’établissement – en 1903. Marquet a donc pu les voir, en 1906 comme en 1934, le musée étant situé à quelques pas de l’hôtel Continental. Pour autant, s’il retient de son aîné des cadrages similaires, en plongée, vers le sud ou vers l’est, il s’en distingue radicalement par sa manière d’évoquer la vie de ces quais. Là où Pissarro, observateur critique du monde contemporain, extraordinaire peintre de la foule, excelle à rendre les flux, les tensions qui animent celle-ci, mais aussi l’activité économique qui produit, transporte,

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échange, transforme…, là donc où Pissarro saisit un monde en mouvement, à l’unisson du temps qu’il fait, changeant comme encore le rythme des marées, Marquet au contraire s’affirme comme un peintre de l’ellipse. Quelques silhouettes noires disent à sa manière la foule. La rumeur incessante et le vacarme du port qui montent jusqu’à la chambre-atelier semblent avec lui s’éteindre, les toiles deviennent silencieuses. Le monde, pourtant tout de tension, s’apaise, comme au ralenti. Cette épure du paysage urbain ou portuaire, soutenue par la présence de l’eau (mer, bassins, fleuve), est portée par une sensibilité à fleur de peau aux météores.

Et c’est sans doute à cet endroit que l’exposition au MuMa promet un plaisir rare, car où mieux que dans cet espace généreux, baigné de la lumière océane, l’art subtil de Marquet peut-il être mieux compris ? Ici, le paysage s’invite à chaque instant dans les salles de ce musée tout de verre. La transparence autorise une mobilité du regard du dedans vers le dehors, qui vient se nourrir du spectacle sans cesse renouvelé de la nature et conduit d’instinct vers l’œuvre qui le sublime.

À la suite de l’exposition Le Vent. "Cela qui ne peut être peint6", on comprendra que Marquet est bien un artiste « météorologique ». Car plus qu’un autre peut-être, il sait dire la brume perlée des bords de la Seine, le gris sans espoir de lumière mais si calme, le silence apaisé – même quand la fête bat son plein ou que sur la plage se mêlent les cris des enfants et le bruit du ressac –, le soleil radiant vu de face, la douceur de l’air, les ombres violettes des jours d’été, la transparence turquoise de l’eau ou le vent du large et celui qu’attendent les drapeaux… À la suite de Courbet, Millet, Whistler, Boudin, Jongkind, Monet, Degas, Sickert, Pissarro, Signac, Vallotton, Bonnard, Vuillard et d’autres encore, aux côtés de Dufy, Marquet prend toute sa place dans cette famille d’artistes qui ont fait de la Normandie le terrain de nouvelles expérimentations esthétiques, ou plus modestement qui y ont creusé leur sillon, créant des œuvres qui aujourd’hui encore nous semblent essentielles pour nous avoir appris à pressentir, à voir ou à regarder. Qu’à leur suite marchent d’autres artistes nous réjouit. C’est pourquoi nous avons invité le photographe Bernard Plossu à parler de l’œuvre de Marquet, qu’il place dans son panthéon personnel à l’égal de Corot. Lui aussi est venu au Havre, à Rouen, à Honfleur… Il a arpenté les chemins des douaniers du Cotentin. Mais au-delà d’une sympathie identique pour les lieux, qu’est-ce qu’un photographe du XXIe siècle peut puiser dans la peinture de Marquet, dans ses presque monochromes gris ou ses flamboyances maîtrisées ? Sans doute quelque chose d’essentiel, puisque Bernard Plossu affirme : « Quand je regarde un tableau comme Le Quai du Havre de 1934, avec les petits personnages, le tramway, le ciel gris, je sais pourquoi j’aime la photographie ! »

1 Voir Géraldine Lefebvre, « Albert Marquet », dans Annette Haudiquet et Géraldine Lefebvre (dir.), Le Cercle de l’art moderne. Collectionneurs d’avant-garde au Havre, cat. exp., Paris, musée du Luxembourg, 19 septembre 2012-6 janvier 2013, Paris, Rmn-GP, 2012, p. 142-146.

2 Donation avec réserve d’usufruit au profit du MuMa.

3 Voir Chantal Georgel et Louise Le Gall, Millet, du Cotentin à l’aube de l’impressionnisme, cat. exp., Cherbourg, musée Thomas Henry, 18 juin5 septembre 2010, Bonsecours, Point de vues, 2010.

4 Cercle de l’art moderne, Le Havre, hôtel de ville, 16 mai-30 juin 1906.

5 Mécénat d’Helvetia, de CRIC, de CRAM et de Chalus Chegaray & Cie, avec le soutien de l’AMAM.

6 Le Havre, MuMa, 25 juin-2 octobre 2022.

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Fig. 1 Jean-François Millet Le Rocher de Castel Vendon, vers 1844 Huile à l’huile sur papier marouflé sur toile, 28 x 37 cm Cherbourg-en-Cotentin, musée Thomas Henry
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Cat. 3 Albert Marquet La Route de la Percaillerie, 1903 Huile sur toile, 44,5 x 53,5 cm, Honfleur, musée Eugène Boudin Inv. 56.6.1 Page suivante. Fig. 2 Le Havre. Sur la plage. L'impressionniste, 1906 Carte postale Léon & Levy, Paris, 8,5 x 14 cm, Le Havre, bibliothèque municipale
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Fig. 3 Albert Marquet L’Estacade à Sainte-Adresse, 1906 Huile sur toile, 37.8 × 60,7 cm, Houston, Museum of Fine Arts, Collection John A. et Audrey Jones Beck, don Audrey Jones Beck
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Fig. 4 Raoul Dufy L’Estacade au Havre, 1906 Huile sur toile, 46 x 54,5 cm Collection particulière
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Fig. 5 Albert Marquet L’Estacade, 1906 Huile sur toile, 50 x 61 cm Collection particulière

Le 14 juillet au Havre, 1906 Huile sur toile, 81 x 65 cm Bagnols-sur-Cèze, musée Albert-André, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, donation de Adèle et George Besson, 1963 Inv. AM4224P (20)

George

Raoul Dufy et Albert Marquet posant devant leur toile Le 14 juillet au Havre sur la terrasse du Café du Nord, au Havre, 1906, photographie noir et blanc, 12,6 x 17,7 cm, Besançon, bibliothèque municipale, fonds Besson

Fig. 6 Raoul Dufy 14 juillet au Havre, 1906 Huile sur toile, 65 x 54 cm Collection particulière Cat. 4 Albert Marquet Fig. 7 Besson,

L’Anse des Pilotes et le brise-lames est, Le Havre, après-midi, temps ensoleillé, 1903 Huile sur toile, 54,5 x 65,3 cm, Le Havre, MuMa

Inv. A494

L’Anse des Pilotes, Le Havre, matin, soleil, marée montante, 1903 Huile sur toile, 54,5 x 65 cm, Le Havre, MuMa

Inv. A495

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Cat. 5 Camille Pissarro Cat. 6 Camille Pissarro

Cat. 7

Albert Marquet

Le Quai du Havre, 1934

Huile sur toile, 65 x 81 cm, Liège, musée des Beaux-Arts/La Boverie Inv. BA.AMC.05b.1957.21568

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Cat. 8 Camille Pissarro Le Pont Boieldieu à Rouen, 1896 Huile sur toile, 54 x 65 cm Rouen, musée des Beaux-Arts Dépôt musée d’Orsay Inv. D 2000.1.1

Cat. 9

Albert Marquet

Rouen, Quai de Paris, 1912 Huile sur toile, 65,3 x 81 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts Inv. B1019

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Albert Marquet Autoportrait, calèche, vers 1904 Encre de Chine sur papier vélin, 19 x 28,2 cm Le Havre, MuMa

Carnets de voyage Marquet en Normandie

Albert Marquet n’est pas normand. Il est né à Bordeaux, dont il affectionne depuis l’enfance le port fluvial. Puis il vient jeune homme à Paris avec sa mère pour poursuivre ses études et se découvre fasciné par la Seine. L’eau est un élément structurant de sa personnalité artistique. Et la Normandie, à quelques encablures de son « port d’attache » Paris, déploie un littoral sur plus de six cents kilomètres, passant de la Côte d’Albâtre à la Côte de Nacre puis au promontoire du Cotentin, sans oublier la Seine, son fleuve chéri. Il passera ponctuellement par tous ces territoires dans le premier quart du XXe siècle. Pourtant, il lui faudra aussi la camaraderie des peintres, en particulier fauves, ou de critiques amis pour franchir le pas et l’inciter à séjourner en Normandie. Là, à l’affût du motif, il observe et synthétise. « Il ne corrigea pas le paysage, ne le composa pas : il en saisit la synthèse1 », comme le dit Emil Szittya. L’eau, qui n’est jamais une étendue uniforme mais est toujours agitée par un clapotis ou par la houle, domine ses compositions. Et, avec elle, le port, la plage, la ville, et les humains qui les peuplent.

Marquet effectue plusieurs séjours en Normandie : le premier, passé inaperçu, en 1903 en compagnie de la famille Manguin à la Percaillerie, à côté de Flamanville ; le deuxième en 1906 avec Raoul Dufy au Havre, d’où ils partent sillonner la côte, depuis Dieppe, Fécamp, Honfleur jusqu’à Trouville. La troisième fois, il revient en 1911 à Honfleur

aux côtés de Félix Vallotton, puis c’est un quatrième séjour à Rouen l’année suivante avec Henri Matisse, qui vient le chercher pour partir dans le Sud. Après un long intermède dû à la guerre, il revient à Vieux-Port puis à Canteleu, près de Rouen, en 1927, sur la suggestion de Paul Signac, et pousse jusqu’à Honfleur. Enfin, un sixième séjour en 1934 l’emmène à nouveau au Havre et brièvement à Dieppe, où il reviendra en 1937. Depuis le début des années 1920, le peintre séjourne à Paris à la belle saison et passe l’hiver à Alger. Il préfère aussi faire de longs voyages à l’étranger, délaissant les rivages de l’Atlantique, les séjours normands se faisant alors plus rares.

Ceux-ci nous apprennent cependant beaucoup sur la variation des motifs, sur les points de vue choisis, sur sa gamme chromatique utilisée pour peindre, par exemple, une mer changeante, sur son sens de la simplification, sur les prémices des séries, mais aussi sur son goût pour le monde portuaire, l’animation humaine, l’esthétique industrielle et le mouvement des bateaux – ce n’est pas un hasard si Marquet deviendra, à la fin de sa vie, « peintre officiel de la Marine ». Résolument moderne et fasciné par la vie maritime, il perpétue la tradition de peintre de port en montrant le monde tel qu’il le voit et tel qu’il l’aime.

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1 Emil Szittya, Marquet parcourt le monde, Paris, « Portraits contemporains », 1950, p. 15.

Premier contact

À l’orée du XXe siècle, Marquet est encore un peintre inconnu. Il commence depuis peu à exposer : la première fois en 1899, puis au Salon des indépendants en 1901. Il a quitté l’École des beaux-arts et reste lié à quelques camarades comme Henri Matisse, Charles Camoin et Henri Manguin, dont il fréquente l’atelier dès 1901. Période de travail et de dèche. En 1903, il passe l’été avec la famille Manguin à la Percaillerie et semble-t-il à Falaise. Cette année-là, un nouveau salon ouvre ses portes : le Salon d’automne, que soutiennent les futurs Fauves, dont ils suivent avec attention toutes les péripéties et auquel ils participeront tous.

Manguin, marié et déjà père de deux jeunes enfants, passe ses vacances d’été à la Percaillerie, un hameau de la commune des Pieux découvert auparavant, et entraîne Marquet avec lui. De son amitié avec ce dernier, on retiendra quelques séjours estivaux, à Saint-Tropez en 1905, à Naples et ailleurs en Italie en 1908. Il faut imaginer ces jeunes peintres pleins d’ambition cherchant à montrer et à vendre leurs œuvres. Ils travaillent, rêvent et exposent ensemble.

À la Percaillerie (cat. 10 et fig. 11), c’est une nature sauvage et âpre que les artistes découvrent. Les deux peintres ont une sensibilité différente au paysage. Manguin, encore sous l’influence de la tradition de la peinture claire sans pour autant retourner à l’impressionnisme, montre un point de vue bien construit où sourd la couleur. Marquet, lui, reprend cette falaise aux rochers très découpés dans une composition identique mais en gauchissant les détails et avec des coloris plus austères, dans un chromatisme plus dur. Manguin s’éloignera définitivement de la France septentrionale pour se réfugier dans le Sud, où les contrastes sont plus marqués, les couleurs plus violentes et les paysages plus propices aux rêveries arcadiennes, plus à même de fournir le cadre de ses scènes familiales intemporelles. Marquet, quant à lui, qui ne s’intéresse pas exclusivement à la couleur, n’aimera pas trop le Sud et reviendra souvent sur la côte atlantique, se passionnant pour les ports.

D’avant 1903, nous ne connaissons pas de paysages de Marquet en dehors de ceux de Paris et d’Arcueil. Ses moyens sont modestes et il n’est pas question de voyager. C’est donc son premier séjour hors de la capitale depuis longtemps. On connaît une dizaine d’œuvres peintes à la Percaillerie et aux Pieux. Il s’intéresse aux falaises de l’anse de Sciotot, qui lui permettent de composer à l’aide d’une grande diagonale séparant la terre du ciel et de la mer. Il utilise une gamme chromatique ocre parcourue de traces vertes qui traduit un paysage lunaire, ces dunes suspendues qu’avait déjà peintes, à son époque, Jean-François Millet (fig. 1 et 10). Mais cette nature sans âme ne le satisfait pas : il y cherche les traces d’une activité humaine. Un toit, une barrière, une cheminée d’usine : les paysages presque vierges d’humanité sont assez rares chez lui. On peut les rapprocher de ceux peints en 1905 à Agay (fig. 8 et 9), sur la Côte d’Azur, en compagnie d’Henri Manguin, Louis Valtat, Henri-Edmond Cross et Charles Camoin, autre camarade fauve : même si la luxuriance de la nature y apparaît à travers les palmes de la végétation, prélude aux paysages d’Algérie, sa gamme chromatique, respectueuse du ton local, reste en deçà des exagérations d’un Dufy ou d’un Matisse.

En 1904, Marquet accepte d’illustrer Bubu de Montparnasse de Charles-Louis Philippe : la verve de son pinceau, l’humour de ses personnages à la limite de la caricature rappellent qu’il a un sens inné de l’observation de la rue. Ses préoccupations sont différentes en pleine bataille du fauvisme, à partir de 1905. Il s’éloigne de Matisse, plus radical et qui s’est, lui, rapproché de Derain et de Signac2, lesquels utilisent le divisionnisme alors que cette méthode que lui-même a un peu utilisée pour quelques nus ne sera pas poursuivie. Il va prendre un autre chemin, celui de la synthèse, suivant de près les audaces de son camarade Matisse sans adhérer à ses outrances colorées et

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formelles. 2  Claudine Grammont, « Un autre Fauve : Marquet et l’âme moderne », dans Albert Marquet, peintre du temps suspendu, cat. exp., Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mars-21 août 2016, Paris Musées, 2016, p. 79-84.

Vue d’Agay, vers 1905 Huile sur toile, 64,5 x 80,7 cm

Paris, Centre PompidouMNAM/CCI, legs Gaston Migeon, 1931

Vue d’Agay, les rochers rouges, 1905 Huile sur toile, 65,7 x 81,5 cm Le

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Fig. 9 Albert Marquet Havre, MuMa Fig. 8 Albert Marquet

Paysage de la Percaillerie (Paysage de Bretagne), vers 1903

Huile sur toile, 50 x 61,3 cm

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Cat. 10 Albert Marquet Strasbourg, musée d’Art Moderne et Contemporain Inv. 55.974.0.815

Jean-François Millet, Le Prieuré à Vauville, vers 1872-1874

Huile sur toile, 89.9 x 116,8 cm

Boston, Museum of Fine Arts

Don de Quincy A. Shaw Jr et de Mariam Shaw Hangton, en mémoire de Quincy Adams Shaw

Les Trois Toits, la Percaillerie, 1903

Huile sur toile, 49.5 x 61 -cm

Collection particulière

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Fig. 11 Albert Marquet Fig. 10

Cat. 11

Albert Marquet

Le Havre, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Collection Emil Bührle en prêt à long terme au Kunsthaus, Zürich

Inv. BU 0171

Fig. 12

Albert Marquet

Fête nationale au Havre, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Winterthur, villa Flora

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Fig. 13

Claude Gellée dit le Lorrain, Port de mer au soleil couchant, 1639 Huile sur toile, 103 x 137 cm Paris, musée du Louvre

Le port

En 1906, Marquet accepte d’accompagner dans sa ville natale Raoul Dufy3, Havrais comme Othon Friesz et Georges Braque. Dufy, en bon camarade, le guide dans la Normandie qu’il affectionne. Une autre raison pousse Marquet à se rendre au Havre : la tenue de l’exposition annuelle du Cercle de l’art moderne, qui lui offre la possibilité de montrer ses tableaux et de vendre à de nouveaux collectionneurs4. Il y réussit presque mieux que tous les autres. De ce séjour, Marcelle Marquet, écrivaine et biographe de son mari, rapportera quelques anecdotes : « Je ne sais pas pourquoi, en 1906, Marquet partit au Havre passer une partie de l’été. Céda-t-il à une proposition de Dufy, Normand tenté de retrouver les souvenirs et l’atmosphère de sa jeunesse ? […] Dufy et Marquet travaillèrent côte à côte au Havre, quelques fois à un mètre l’un de l’autre, sur une étroite terrasse qui dominait une rue que, pour leur enchantement, le quatorze juillet peuplait de drapeaux. Ils allaient peindre aussi à Sainte-Adresse, et, pour gagner du temps, à bicyclette5 »

Cette virée entre peintres amoureux du paysage, de la fête et des couleurs constitue un des moments forts dans la carrière des deux artistes6. L’émulation les conduit à peindre le port en liesse (fig. 12), la plage au Havre et à Sainte-Adresse, avec sa célèbre estacade, mais aussi les affiches à Trouville, la falaise de Fécamp7 (cat. 20) –autant de motifs restés attachés à la brève période fauve de Marquet. Jamais il n’a été aussi audacieux. Mais c’est bien

Joseph Vernet, L’Entrée du port de Marseille, 1754, Huile sur toile, 165 x 263 Paris, musée du Louvre

3 Marcelle Marquet, Marquet. Voyages, Lausanne, Skira, 1968, p. 6. Il arrive au Havre le 13 juin (lettre à Henri Manguin, 15 juillet 1906) et visite l’exposition du Cercle de l’art moderne, qui a lieu du 26 mai au 30 juin.

4 Marquet vend plusieurs tableaux grâce à ce salon, qui est organisé par des collectionneurs du Havre.

5 M. Marquet, Marquet…, op. cit., p. 6-8.

6  Sophie Krebs « “Une nouvelle mécanique picturale”, le fauvisme de Raoul Dufy », dans Raoul Dufy au Havre, cat. exp., Le Havre, MuMa, 18 mai-3 novembre 2019, Paris, Mare et Martin, 2019, p. 77-78.

7 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, 4 septembre 1906, citée dans Claudine Grammont (éd.), Matisse-Marquet, correspondance, 18981947, Lausanne, La Bibliothèque des arts, 2008, p. 50 : « Malgré la beauté du pays, je n’ai rien fichu à Fécamp, un temps très contrariant et un sacré vent qui a cassé comme une allumette mon grand chevalet beige, pourtant bien solide, dégoûté, je suis parti. »

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Fig. 14
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Fig. 15

Maximilen Luce Les Batteurs de pieux, vers 1902-1903

Huile sur toile

154 x 196 cm

Paris, musée d’Orsay, don du fils de l’artiste à la Direction des Arts et des Lettres, 1948

au Havre (fig. 19 et cat. 11) qu’il construit en grande partie sa vision du paysage, du port en particulier, avec ses quais et ses docks, qu’il poursuivra toute sa vie8. Plus raides que les compositions plus colorées et virevoltantes de Dufy, ses peintures sont parfaitement cadrées et synthétiques. La couleur joue un rôle structurant, notamment avec le noir, qui est à la fois cerne et couleur.

Ce port du Havre où commence son expérimentation artistique lui apporte autre chose que la contemplation, à l’instar de Claude Gellée, dit le Lorrain (fig. 13), ou de Joseph Vernet (fig. 14), les inventeurs des vues portuaires. Point de vision grandiose ni de reportage sur la marine ou l’architecture portuaire : Marquet essaie de rendre compte de la vie, une vie populaire, prolongement de la rue. Préférant un port industriel, il est fasciné par le spectacle du chargement et du déchargement de tonneaux et autres marchandises, de la valse des grues, du va-et-vient des charrettes à cheval, des baraquements précaires qui servent alors de docks, du fourmillement des dockers sur les quais, des mâts se reflétant dans l’eau, des coques ovales des bateaux accolés les uns aux autres, de l’alignement des immeubles disparates, peints comme des silhouettes, et bien sûr de l’eau. Tout ceci donne à l’artiste les motifs à sa peinture, empreinte d’une certaine naïveté. Ce synthétisme, cette simplification à outrance confèrent à ses tableaux un caractère apparemment un peu enfantin.

La grue du port, merveille d’architecture métallique, est l’équivalent du lampadaire de la rue et joue le rôle du clocher d’église, à la fois repère et point de mire. Marquet se veut moderne au sens baudelairien. Il aime cette vitalité du monde portuaire. Il y trouve une certaine beauté. Il la saisit grâce à son coup de pinceau elliptique et rapide. Il n’est pas le premier à s’intéresser au monde industriel. Il est l’ami de Maximilien Luce (fig. 15) et de Félix Vallotton, et proche de ce milieu symboliste et anarchiste de La Revue blanche. Il ne s’agit cependant pas d’un engagement militant, qui insisterait lourdement sur la cheminée d’usine fumante ou sur l’ouvrier torse nu accomplissant des tâches pénibles, comme le fait Luce. Cela n’intéresse pas l’œil de Marquet. Il contemple tout d’assez loin, et en surplomb9, ne sélectionnant que quelques détails ; et surtout il peint les bassins, qui sont de merveilleux miroirs d’eau où se reflètent les façades des maisons, les mâts des bateaux et tout ce qui peut transformer la stabilité en instabilité, et brouille l’orthogonalité par un ensemble de lacis et de taches de couleurs. Dans cette grisaille qu’il affectionne, il peint d’autres ports industriels, auxquels il agrège le va-et-vient incessant des bateaux crachant les fumées blanches ou grises : Hambourg, Rotterdam (fig. 16), Boulogne-sur-Mer, Rouen, Marseille, Alger, qui possèdent presque tous les mêmes caractéristiques, le quai et les docks, les bateaux – on a bien surnommé Marquet « le peintre de remorqueurs10 » –, la ville, mirage ou silhouette dans une brume qui dissout toutes les architectures.

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Fig. 16 Albert Marquet Rotterdam, 1914 Huile sur toile, 65,2 x 81,2 cm Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI, achat de l’État, 1940

Fêtes et rues pavoisées

Lors de ce premier séjour havrais, Marquet, comme Dufy qui fera des rassemblements festifs comme les régates, les fêtes nautiques (fig. 17), les champs de courses et les défilés et fanfares militaires l’une de ces spécialités, reprend à son compte le désir de transcrire la liesse populaire. Les flonflons des fêtes et la gaieté estivale du Havre invitent à la débauche de couleurs et de formes. Il y a une fusion entre le minéral de la ville, l’eau du port toujours instable et l’agitation quasi animale de ces petites fourmis humaines peintes en noir comme des virgules avec un pinceau souple.

À l’instar de Monet, Marquet et Dufy peignent des rues pavoisées (cat. 4 et fig. 6), mais différemment. Dufy en peint plusieurs et cherche, tout en bouchant la perspective par des drapeaux bleu-blanc-rouge, à décrire un coin de rue où les badauds, pantalons blancs et canotier sur la tête, viennent contrarier les rectangles des pavois et des immeubles. Marquet, quant à lui, plus respectueux de la réalité, dessine une grande diagonale qui sépare en deux la rue : d’un côté les façades sombres, à l’ombre, rehaussées de drapeaux tricolores et de lampions rouges, de l’autre le ciel bleu lumineux créant par contraste une perspective. Presque au centre, un mât vertical noir portant une bannière bleu-blanc-rouge vient séparer et réunir les deux espaces grâce à un bout de toile du drapeau laissant voir un coin du ciel par transparence. Les autres mâts, de biais, créent un lacis inextricable.

Les badauds sont presque toujours ces petits insectes noirs, à l’exception de deux femmes portant des robes longues et blanches. « La rue respire la fête11. »

Marquet n’aime pas être à même le sol : il préfère l’altitude, pour voir le spectacle en plongée et à l’abri des regards – ce qu’il fait pour le carnaval de Fécamp où, de haut, il assiste au défilé de chars qu’on devine à peine. Il peindra plus tard, en 1934 aux Sables-d’Olonne (fig. 28), une fête nationale associant la plage et le fourmillement des baigneurs et des tentes bicolores le long du parapet pavoisé : pour la première fois, les passants sont vus de près, presque identifiables et en couleurs, accompagnés de leur ombre portée. Et si la foule n’est pas assez nombreuse, il ajoute des balconnières de géraniums rouges !

8 Voir Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’occident et le désir de rivage, Paris, Champs Histoire, 2018, p. 213 : « Point d’articulation d’une mode diffusée par la peinture de marine et d’un faisceau de curiosités qui incite à venir observer sur le quai les planches d’une encyclopédie animée, ce lieu didactique se veut aussi symbole de la grandeur royale ; tout à la fois limes dont il convient d’assurer la sécurité, abri d’où partent les flottes majestueuses, théâtre du pathétique des naufrages et des défaites, réceptacle des richesses […], ce territoire plein compense et accentue le vide environnant des plages et des côtes rocheuses. »

9 Voir Bernard Plossu, « La force de la discrétion », dans Albert Marquet, peintre du temps suspendu, cat. exp., Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mars-21 août 2016, p. 72.

10  George Besson, Marquet, Paris, Crès et Cie, 1929, p. 82

11 E. Szittya, Marquet parcourt…, op. cit., p. 26.

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Fig. 17 Raoul Dufy Le Yacht pavoisé, vers 1904 Huile sur toile 69 x 81 cm Le Havre, MuMa

Le Port d’Honfleur, la nuit, 1901

Huile sur carton montée sur panneau, 72,4 x 101,6 cm

New York, Metropolitan Museum of Art, Legs Adelaide Milton de Groot, 1967

Albert Marquet

Le Port d’Alger, vers 1934-1935

Huile sur toile, 50 x 61 cm

Collection particulière

Albert Marquet

Le Port du Havre, 1934

Huile sur toile, 54 x 73 cm

Collection particulière

Albert Marquet

Le Port de Naples, 1909

Huile sur toile, 63,5 x 76,5 cm

Besançon, musée des Beaux-Arts et d’archéologie

Dépôt centre Pompidou - MNAM/CCI

Donation Adèle et George Besson, 1963

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Fig. 20 Fig. 21 Fig. 18 Félix Vallotton Fig. 19

Soleil levant sur le port d’Alger, vers 1941-1942

Huile sur toile, 64,8 x 81,3 cm

Dallas, Museum of Art, don Nicholas Acquarella, 1978

Pérégrinations portuaires

En 1912, Marquet s’arrête à Rouen et peint ce port fluvial qui ressemble à tant d’autres. Il ne choisit que deux vues : le quai et le pont Boieldieu (cat. 29 -31), avec au fond la ville hérissée de cheminées avec leurs traînées de fumerolles, reprenant en l’adaptant le motif des quais de la Seine de Paris, et le pont transbordeur (cat. 28 et fig. 44) qui enjambe le fleuve jusqu’en 1940. Ce dernier donne un avant-goût de celui, si célèbre, de Marseille, que l’artiste découvre probablement lors de son premier séjour sur les bords de la Méditerranée, en 1905, et qu’il peint pendant la guerre de 1914.

À Rouen, Marquet met au point une méthode qu’il reprendra souvent : en surplomb depuis sa chambre d’hôtel, déplaçant son chevalet de l’une à l’autre fenêtre, il multiplie les vues avec un léger décalage, comme s’il faisait une

série de clichés photographiques pour saisir l’ensemble du motif. À chaque fois, des détails nouveaux font irruption : un tramway, une charrette, un attroupement. De même, il suit la lumière au gré de la météo. Il faut croire que Rouen baigne dans la grisaille lors de son passage en 1912 ! D’ailleurs, il s’en plaint à Matisse, qui vient le chercher pour l’emmener au soleil, à Marseille notamment12

12 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, 31 juillet 1912, citée dans C. Grammont, Matisse-Marquet…, op. cit., p. 91 : « Je suis toujours à Rouen mais plus pour bien longtemps. Je pense rentrer bientôt, car je ne fais absolument rien par ici. Le pays est pourtant bien beau, mais le temps est extraordinairement changeant. Je reviendrai à Rouen quand je serai plus habile. » Et la réponse de Matisse, 18 octobre 1912, ibid. : « Ne moisis-tu pas trop dans le brouillard de la Seine ? » Comme Marquet l’avait écrit, il est en effet revenu à l’automne à Rouen pour achever ses toiles commencées à la fin du printemps.

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Fig. 22 Albert Marquet

Notons que Marquet ne triche pas : c’est un pleinairiste, ce qui suppose qu’il est tributaire du temps qu’il fait et de la lumière. Le mauvais temps est un obstacle qui l’oblige à attendre avec patience le bon moment. Il ne fera jamais la synthèse de ses différents tableaux pour rendre la meilleure lumière ou les détails les plus riches. Ce qu’il peint, c’est ce qu’il a vu. Il sait gommer les détails qui le gênent, comme on peut le voir dans les vues de Rouen et de Canteleu, où certains poteaux électriques apparaissent ou disparaissent selon son bon vouloir.

Il est de nouveau dans la région en 1927, cette fois du haut de Canteleu, où il a trouvé un hôtel : il peint une série de vues surplombant Rouen d’où l’on aperçoit au fond, perdus dans la brume, le port et la ville (cat. 33-35). Cette série fait immanquablement penser au port d’Alger (fig. 20 et 22), qu’il peindra dans les années 1930. De même,

au Havre en 1934, il s’intéresse aux cargos, aux remorqueurs et aux docks – comme il s’intéressera plus tard à Alger, tel un journal de bord, à la flotte alliée, avec ses cuirassiers à quai se préparant aux batailles navales de la Seconde Guerre mondiale. S’il conserve ici son sens de la synthèse, le mystère et la surprise de ses premiers tableaux se sont évaporés. George Besson a remarqué cette légère évolution : « Des œuvres récentes ont perdu la simplicité élémentaire des peintures anciennes, pour gagner, s’il est possible, en décision et en subtilité. […] Suprême connaissance d’un métier. »

Marquet peint aussi d’autres ports plus paisibles, comme Honfleur, dont il saisit le calme et la douceur. Il le découvre en 1906 avec Dufy puis y revient en 1911, où il rencontre Vallotton (fig. 23), qui s’y est installé depuis longtemps pour y passer ses étés en famille. Ce dernier fait partie de cette génération liée au symbolisme que fréquente

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Fig. 23 Félix Vallotton Honfleur dans la brume (Rouen dans la brume), 1911 Huile sur toile, 88 x 88 cm Nancy, musée des Beaux-Arts, legs Galilée, 1965

Fig. 24

Albert Marquet

Les Deux Pêcheurs à Naples, 1911 Huile sur toile, 38,5 x 48,5 cm

Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts

Collection Gaston et Suzanne Frey

Don d’Octave Frey-Besson, 2004

Fig. 25

Albert Marquet

L’Anse des pilotes, le port du Havre, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière

Fig. 26

Albert Marquet

Honfleur, le mât pavoisé, 1911

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Moscou, musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine Collection Sergueï Chtchoukine

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Marquet. Ce ne sont pas seulement des idées anarchosociales qu’ils partagent, mais aussi une passion pour l’estampe japonaise. Même si la grande mode du japonisme est passée, Marquet reste attaché à cet héritage, lui qui possède de telles estampes : ce goût pour l’ellipse, la transcription à la fois nette et simplifiée des formes, l’adoption d’une perspective à vol d’oiseau due à la position en surplomb et d’un cadrage inhabituel. Il faudrait ajouter à cela une gamme de couleurs pastel tendres, avec une prédilection pour les dégradés. Matisse le note : « Marquet est tout à fait réaliste, il n’interprète pas les couleurs ; il s’attache plutôt aux valeurs et aux lignes, préférant une palette de nuances de gris ou de bleu, ou des atmosphères de pluie qui mettent les villes en valeur. […] Il sera toujours notre Hokusai13 »

À Honfleur, au moins trois points de vue retiennent son attention : les façades des maisons sur les quais, les bassins avec des bateaux à voiles, qui rappellent que c’est un petit port de pêche, et l’entrée du port, avec son sémaphore et son phare sur la droite. Il en résulte une atmosphère calme et intemporelle qui fait tout le charme de ces œuvres. On peut y voir un prolongement de ses vues de Naples (fig. 21 et fig. 24), qu’il a visité en 1909 et 1911 et où, d’une certaine façon, il a réinventé la veduta par la précision topographique du port associée à son sens du détail de l’activité portuaire.

La plage

La plage apparaît en 1906 dans les œuvres du Havre et de Sainte-Adresse. Marquet suit Dufy, qui lui fait découvrir ce haut lieu de la modernité (fig. 33-34) là où Boudin et Monet ont saisi, quelques décennies plus tôt, ce nouveau motif correspondant à la transformation d’un paysage colonisé par les loisirs bourgeois des bains de mer. Côte, estran, estacade, promenade, tentes rayées gonflées par le vent… Les deux artistes explorent ce kaléidoscope coloré qu’est la plage. Dufy aime les baignades, les pêcheurs et les régates ainsi que la promenade qui épouse la courbe de la plage tandis que Marquet préfère les promeneurs, qu’il sait silhouetter à merveille.

La plage s’inscrit dans cet univers de loisir et de fête, avec le carnaval, la fête foraine, le 14 juillet et ses rues pavoisées, que Marquet et Dufy peignent ensemble, reprenant la tradition impressionniste dont ils se sont pourtant stylistiquement affranchis : « Si différent que soit Marquet des impressionnistes, il a ceci de commun avec eux, et avec Turner, leur prédécesseur, qu’il aime inventer des variations sur un même thème et montrer les mêmes armatures de formes, les mêmes supports recevant une existence différente suivant l’heure ou la saison14. » Les personnages, chez Marquet, sont présents mais discrets, presque toujours en noir. Quand il fait Les Affiches à Trouville (fig. 37) avec le même Dufy, il décide de peindre des passants endimanchés alternant le blanc et le noir, agrandis par leur ombre, de profil et légèrement en contreplongée, le long d’une palissade d’affiches publicitaires faite de rectangles de toutes les couleurs et encadrée par deux tentes de plage aux rayures blanches et rouges ; tandis que Dufy, procédant un peu différemment, décide de jouer sur les proportions des personnages pour donner une échelle et donc une perspective, ce qui l’amène à les décrire plus précisément et à utiliser plus de couleurs (fig. 38). Dufy sait aussi occuper l’espace laissé vide pour y ajouter, de manière inattendue, une chaise, tandis que Marquet n’aime pas le vide ou la toile laissée vierge, à la différence de Dufy, qui a toujours su en jouer : tout doit se plier à sa vision.

Marquet reprendra le motif de la plage à Pyla (fig. 27), celle de son enfance, aux Sables-d’Olonne puis à La Goulette, en Tunisie. Pour la toute première fois, il peindra des nageurs dans l’eau, non plus noirs comme les badauds sur les quais mais colorés, donnant une impression de joie de vivre, se fondant dans les ondes vertes et bleues de l’océan.

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13 « Marquet. Dessins », Le Point, revue artistique et littéraire, nº 27, décembre 1943. 14 Claude Roger-Marx, « Marquet », Gazette des beaux-arts, mars 1939, p. 173-195. 15 G. Besson, Marquet, op. cit. 16 E. Szittya, Marquet parcourt…, op. cit., p. 15.

Les séjours de Marquet en Normandie nous montrent un peintre en train de sceller définitivement son œuvre. À trente ans, il est en pleine possession de ses moyens artistiques. C’est en Normandie qu’il construit sa vision du port et de la mer, avant de la reproduire partout ailleurs. On perçoit au cours de ces différents voyages une évolution de son style, contredisant ce que d’aucuns ont appelé sa « permanence ». Il a peu à peu supprimé les coups de pinceau apparents, les couleurs arbitraires, les contours trop marqués, pour une épure de la forme et un « usage constructif de la couleur utilisée en tons plats15 ». Il se veut vrai, simple et mesuré. Ce carnet de voyage en Normandie traverse toute sa vie de peintre, il nous fait le récit de ce qu’il a aimé, des paysages auxquels il a été sensible, et témoigne en même temps de son époque, avec la hiérarchie

et l’évolution des ports, notamment industriels, dont il a peint la poésie grave, ou l’arrivée des loisirs balnéaires, qui animent les grèves auparavant désertes. Il nous transmet, à travers sa vision, ses émotions et son émerveillement. Ce n’est pas tant le paysage normand avec toute sa richesse et sa diversité que nous retiendrons, mais une façon de voir le réel et de le rendre intemporel. Ces œuvres nous apprennent que ce voyageur taiseux a toujours eu besoin de l’impulsion des autres, de ses amis, peintres ou critiques, « en cordée », pour continuer sa quête du paysage, obsédé par la recherche de permanence, de la stabilité, dans une réalité toujours changeante : « Sous son regard adoucissant, le paysage se met au calme16 »

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Fig. 27 Albert Marquet Le Pyla, 1935 Huile sur toile, 50 x 61 cm Bordeaux, musée des Beaux-Arts
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Fig. 28 Albert Marquet Plage des Sables-d’Olonne, 1933 Huile sur toile, 65,3 x 81,1 cm Centre pompidou, MNAM/CCI, Dépôt au musée Sainte-Croix de Poitiers
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Fig. 29 Albert Marquet Samois, la fenêtre ouverte, 1917 Huile sur toile, 55 x 40 cm Collection particumière

Marquet ou la poésie du banal Itzhak

Goldberg

Pour Dominique Clévenot

Une chose est certaine, Albert Marquet n’est pas attiré par le sublime. C’est en vain qu’on cherchera dans son œuvre « un grand désert aride, d’énormes massifs montagneux, de hautes cimes rocheuses, des précipices ou une vaste étendue d’eau1 ». Laurent Le Bon parle au sujet de l’artiste « des paysages non héroïques à la Rohmer ». Formule particulièrement heureuse car nombreux sont ceux, et l’auteur de ces lignes en fait partie, qui ont été déroutés en regardant la manière dont le célèbre cinéaste jouait sur les lieux communs, sur les banalités, sur les platitudes. Il faut un certain temps pour comprendre que l’irritation qu’on ressent face à ces scènes cinématographiques qui rappellent le célèbre Dictionnaire des idées reçues de Flaubert n’est rien d’autre que le sentiment de les avoir vécues nous-mêmes. Est-ce la même sensation que dégagent les paysages de Marquet ? Pas vraiment, car, comme le remarque ironiquement Didier Semin, c’est une « peinture anachronique, probablement destinée à ne pas intéresser grand monde, mais qu’on revendiquera le droit de bien aimer2 ». Autrement dit, une peinture qui prend le risque de plaire. La définition de Semin a le mérite de rappeler la distinction cruelle entre les œuvres qui, interrogeant explicitement le monde ou au moins les principes esthétiques, sont regroupées par l’histoire de l’art sous le titre glorieux de modernité ou d’avant-garde, et d’autres, laissées à l’écart. Marquet, lui, qui se situe dans un entredeux, frôlant les préceptes de l’avant-garde sans y entrer de plain-pied, n’intéresse pas les spécialistes. C’est que cette position d’entre-deux, peu recommandable en histoire de l’art, fait de lui un « deuxième violon » dans l’orchestre de la modernité. En effet, le nom de ce peintre n’est pas lié à une mise en question de l’ordre plastique ni à un fait artistique sans précédent. Ouvert aux leçons de l’avant-garde, il esquisse chaque fois un pas de côté. Ami de Matisse, Marquet n’accompagne le chef de file du fauvisme dans son aventure qu’à ses débuts et devient

rapidement, en quelque sorte, une figure repoussoir de cette révolution chromatique. Catalogué le plus souvent comme un Fauve « timide », sans être considéré comme l’un des pionniers de cette tendance ni comme représentatif de ce mouvement, Marquet a droit tout au plus à un strapontin dans l’histoire de l’art. On le sait, nul n’entre au paradis de la reconnaissance si, au cours de la première décennie du XXe siècle, il ne fut fauve ou cubiste.

Pourtant, à regarder de près, comme le fait le critique

J. C. Hall déjà en 1917, Marquet a choisi de s’inscrire dans la lignée d’un autre apôtre de la modernité, Cézanne. Cézanne, dont la rétrospective au Salon d’automne en 1907 a eu un effet déterminant sur la génération de Marquet –Matisse, Dufy, Derain. Ainsi, selon le critique, « par cette synthétisation du paysage, par cet équilibre des masses dont il voyait le balancement dans les rapports de tons, M. Marquet revenait insensiblement à l’austère simplicité de Cézanne, à cette conception des choses basées sur la condensation des tons essentiels dans une harmonie grave de leur image3 ».

À l’instar de Cézanne, Marquet, en construisant ses tableaux, capte la nature, sans toutefois la pétrifier. Avec une différence de taille : les touches de Cézanne, qui décomposent et fragmentent, ne suivent pas les contours de la nature mais tentent d’imposer leur structure propre, de géométriser la réalité représentée. Violence discrète, mais qui crée un univers clos, dénué de toute transparence, où tout est solidifié et où l’air ne circule plus. Ces admirables paysages dégagent un sentiment d’équilibre tendu à l’extrême, d’une tension qui ne se relâche jamais. Environnements désertiques à l’allure monumentale, inaccessibles, comme séparés du reste du monde. En dernière instance, la nature constituée en strates de Cézanne est en train de naître et de surgir et laisse deviner des forces en gestation. Autrement dit, le maître d’Aix, dont le « regard tactile » ausculte et palpe, procède en géologue. Pour Marquet, la nature n’est pas approchée à partir de la matière qui la compose et qui devient un matériau

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essentiellement pictural ; ce sont les déplacements, les mouvements imperceptibles de l’œil qu’il met en scène. Plus opticien qu’alchimiste, il s’intéresse avant tout aux conditions de la visibilité. Se tenant à distance, il ne cherche pas à apprivoiser les paysages qu’il choisit comme sujets, à s’imposer en quelque sorte à la nature. Peinture en retrait qui refuse le trop-plein, la tension. Absent ou presque de ses tableaux, Marquet n’est qu’un regard posé sur un monde.

Avec cette œuvre silencieuse, l’envers de la peinture à effets, tout est dans la retenue. Chez Marquet, rien de spectaculaire ; pas de vision chaotique, pas de contrastes chromatiques appuyés ; les tonalités ou les nuances –noires, beiges, gris-mauve –, les contours tracés d’un trait sombre sont au service d’une description sommaire, qui ne laisse place à aucun détail précis. On pourrait évoquer un « art moyen », pour emprunter le terme à Pierre Bourdieu, un art qui évite une véritable provocation plastique. Quand, chez les néo-impressionnistes et les Fauves, le paysage, ce lieu de fragilité mimétique, devient davantage un terrain d’expérimentation que de représentation, chez Marquet, on a affaire à une forme de réalisme discret mais obstiné. À l’encontre des Fauves, dont les couleurs arbitraires, saturées et contrastées produisent une luminosité indépendante des tonalités locales, Marquet réinsère la lumière pour rester au plus près de la réalité. Toutefois, loin de chercher à saisir le temps qui s’écoule, l’instantané atmosphérique, la mobilité, il fige, en subtil observateur, la vue qu’il a devant lui. Si le temps y est absent, c’est que Marquet a tendance à explorer le même sujet dans de nombreuses représentations, ou encore à y revenir des années plus tard. On peut parler d’une œuvre circulaire, à peine rythmée par les saisons, traversée par des thèmes récurrents que l’on retrouve en suivant les nombreux déplacements de l’artiste, en partie dus aux hasards de sa biographie. Le peintre se plaît à réaliser plusieurs versions du même thème, comme un musicien qui fait ses gammes et ne se lasse pas de cet exercice. Certes, les lieux représentés par Marquet en Normandie au cours de ses nombreux séjours, qui s’étalent de 1903 à 1937, sont identifiables. Leur mise en scène, toutefois, garde un dispositif pictural semblable à celui employé dans d’autres régions françaises mais également dans ses voyages à l’étranger. Voyages car, paradoxalement, celui qui, selon les témoignages de ses proches et avant tout de sa femme Marcelle, préférait l’intimité de son atelier parisien ne se contentait pas de reproduire inlassablement le même fragment du paysage qu’il voyait par la même fenêtre. Au contraire, il se déplaçait souvent et a fait le tour de la Méditerranée, tout en gardant Paris comme terre d’attache. Mais ces pérégrinations, où défilent bords de mer, plages ou ports, ne trahissent que rarement leur identité géographique. Certes, çà et là, un indice laisse deviner Marseille, Hambourg ou Alger. Mais, sauf exception, peu lui importe de rendre compte d’un lieu ; son approche du thème n’est pas topographique. Il relève plutôt d’un

vagabondage visuel où sous une apparence descriptive se cache le désir de capter des structures analogiques et leurs modifications (angle de vue, vision d’ensemble ou effet de zoom, éclairage). Dans ce sens, Marquet est proche de son ami Dufy, à côté duquel il a peint au Havre en 1906. Peut-on ainsi parler d’une approche sérielle, une technique fondée sur une ressemblance manifeste entre des composants qui en font partie ? Sans doute avec l’ensemble de 1912 qui traite le pont transbordeur à Rouen ou celui, de la même année, qui représente le quai de Paris, une avenue principale de cette ville4. Ici, d’ailleurs, Marquet adapte la tradition impressionniste en introduisant des éléments météorologiques dans le titre : Temps de pluie ou encore Temps gris, cette dernière appellation étant pratiquement un pléonasme quand on connaît la palette de l’artiste et ses harmonies sourdes. Palette qui fait justement l’éloge du gris, cette couleur intermédiaire entre le blanc et le noir que Marquet manie en virtuose.

Mais, plus souvent qu’à la série, cette attitude qui caractérise la modernité et qui consiste à passer du thème au motif, de la description à la construction, Marquet a recours au thème et aux variations. Le mot « variation » est essentiel car, à la différence de la série, fondée sur une évolution successive et une ressemblance manifeste entre ses composants, les variations mettent en œuvre une structure rayonnante aux liens souples, tenus par un principe unificateur omniprésent. On y trouve à la fois la coexistence du même signe et l’invitation à jouir de la différence. Ainsi, l’autonomie plastique de chaque élément de variation, sa singularité, l’emporterait sur ses rapports de résonance avec les autres. On retrouve cette idée chez Donatien Grau, qui considère que l’ensemble de l’œuvre de Marquet « forme comme un réseau exploratoire où tout est en permanence connecté ». En somme, l’artiste renonce à tout effet de répétition au profit de figures de similitude.

L’histoire de l’art du XXe siècle propose deux types d’approche artistique, que l’on peut nommer « horizontal » et « vertical ». La tendance horizontale concerne les artistes dont l’œuvre présente successivement différentes solutions plastiques et parfois propose des synthèses qui leur sont propres. La tendance verticale, en revanche, englobe les créateurs qui ont fait le choix d’un style relativement tôt dans leur carrière professionnelle, style qu’ils « creusent » dans la profondeur durant pratiquement toute leur existence. Marquet, bien évidemment, fait partie de ces derniers. Indiscutablement, c’est le milieu aquatique qui est le royaume quasi exclusif, le thème fédérateur dans l’œuvre de Marquet. Son goût pour les falaises et les ports, qu’il s’agisse de l’Atlantique ou de la Méditerranée, fait que la présence de l’eau, traitée sous des angles différents, reste probablement le trait le plus constant pendant toute sa carrière. Comme l’analyse l’historien Alain Corbin, le besoin de la mer et de sa représentation s’explique par le désir de se placer au bord du monde, à la limite entre terre

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et ciel. Et quand la mer est absente – pendant ses séjours parisiens –, ses ateliers donnent toujours sur la Seine ; la Seine que l’on peut trouver plus rarement en Normandie (La Seine grise, Vieux-Port, 1927, cat. 32).

Bord ou rivage, mer ou fleuve, pour Marquet, l’union de l’eau et de la lumière est indispensable. Cependant, à la différence de Monet, de Pissarro ou de Renoir, chez lui, la surface de l’eau ne se transforme que rarement en miroir scintillant aux tonalités intenses. Avec lui, sous un ciel plombé, les touches opaques, pâteuses, répétitives, la lumière tamisée et les reflets sombres dans l’eau noire donnent plutôt le sentiment d’immobilité (Le Havre, bassin du Roy, 1906, cat. 17). Sentiment accentué par une présence des bateaux, réduits à quelques traits, le plus souvent à l’arrêt ou à quai (Quai aux bateaux de pêcheurs). La plupart des historiens d’art remarquent que Marquet offre toujours des vues plongeantes sur le paysage qu’il représente, maritime ou autre. Ce que l’on remarque moins souvent est que cette mise à distance est soulignée par l’ensemble du cadrage choisi par l’artiste. Ainsi, on a le sentiment qu’à la différence de Matisse ou de Bonnard il existe comme un imperceptible surcroît de distance entre la fenêtre et le peintre ; ce dernier ne se situe pas directement à la fenêtre mais un peu en arrière. On pourrait même supposer un effet de contamination entre la grisaille dans laquelle baignent ses paysages et le « poste d’observation », en légère pénombre. D’ailleurs, Marcelle Marquet, presque malgré elle, ne dit rien d’autre quand elle parle d’un artiste « entièrement occupé à peindre et à dessiner, isolé, un peu en retrait, derrière une fenêtre soigneusement choisie6 ». Cette position est d’autant plus visible quand la fenêtre, incluse dans la composition, marque une séparation entre le champ pictural et le spectateur, s’interpose entre le regard et la représentation7 (Samois, la fenêtre ouverte, 1917, fig. 29 ; Persienne verte, 19451946).

En revanche – est-ce le résultat de la rapidité d’exécution de Marquet, remarquée par ses contemporains ? –, on a souvent l’impression que l’artiste accorde une importance secondaire au fragment du réel qu’il choisit comme modèle. Sans parler d’indifférence, ses mises en scène ne visent pas l’audace spectaculaire de Matisse ou la finesse sophistiquée de Bonnard, mais rappellent plutôt les clichés pris par des voyageurs au hasard de leur déplacement. Les quelques éléments prosaïques (les toits des maisons, une charrette abandonnée, une palissade) contribuent à ce sentiment de spontanéité. Fausse spontanéité, assurément, car il serait naïf de croire que le peintre ne construit pas ces effets. Il n’en reste pas moins que le dosage qu’il obtient entre le réel et les effets du réel, entre le pittoresque et l’anodin, entre le transitoire et l’immobile, entre la sérénité et la mélancolie aboutit aux images dont « la force est leur discrète évidence ». Ces mots prononcés par le photographe – sans doute pas un hasard – Bernard Plossu, pour qui, avec Marquet, le spectateur « est dans la toile, dans la photo en plein dedans ».

Cependant, si l’on est « en plein dedans », c’est que ces images permettent, voire invitent à cette accessibilité. C’est la force de l’œuvre de Marquet, mais probablement aussi sa limite. En évitant une expérience radicale, en ayant recours à ce qui se rapproche dangereusement d’une forme de répétition, ses représentations courent le risque de se transformer en un lieu commun. On le sait, dans le domaine de la création, gouverné par le régime de singularité depuis l’époque romantique, le lieu commun a un effet disqualifiant. Pourtant, selon Sartre, « ce beau mot a plusieurs sens : il désigne sans doute les pensées les plus rebattues, mais il indique aussi que ces pensées sont devenues le lieu de rencontre de la communauté. Chacun s’y retrouve, y retrouve les autres ». Et Gide d’affirmer : « On ne s’entend pas que sur les lieux communs. Sans terrain banal, la société n’est pas possible. » Alors, Marquet forgerait-il une figure de style qui serait un lieu commun ? Condensés, simplifiés et stylisés, ces lieux « sans qualités » risquent de frôler des schémas ou des synthèses. Mais, souvent, ces images réussissent l’équilibre ténu entre leur aspect « générique » et le sentiment qu’elles donnent au spectateur de se trouver face à un lieu qui, croit-il, n’appartient qu’à lui. Ces images qui simplifient – ce terme revient sans cesse au sujet de Marquet – ne cherchent pas à reproduire la réalité mais la sensation que celle-ci procure : « Ce peu de choses qui suffit pour déclencher tous nos souvenirs maritimes ; l’eau qui clapote doucement, la lumière laiteuse, les gémissements du remorqueur affairé, les parfums du sel et du goudron8 » Autrement dit, une nostalgie douce et amère.

1 Joseph Addison, Essai sur les plaisirs de l’imagination, 1712.

2 Didier Semin, « Postface », L’Eau, revue d’art, nº 3, septembre 2000.

3 J. C. Hall, La Jeune Peinture contemporaine, Paris, Éditions de la Renaissance contemporaine, 1917, p. 116, cité dans Donatien Grau, « L’ascèse de l’universel », dans Albert Marquet, peintre du temps suspendu, cat. exp., Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mars21 août 2016, Paris Musées, 2016, p. 110.

4 Un autre exemple serait Passerelle au Havre (1934) (cat. 41).

5 Donatien Grau, op. cit., p. 110.

6 Marcelle Marquet, Marquet. Voyages, Lausanne, International Art Book, 1984.

7 Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, 1970, p. 61-62 : « Toute description est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant de décrire, se poste à la fenêtre, non tellement pour bien voir, mais pour fonder ce qu’il voit par son cadre même : l’embrassure fait spectacle. Décrire, c’est donc placer le cadre vide que l’auteur réaliste transporte toujours avec lui (plus important que son chevalet). »

8 François Fosca, Marquet, Les Peintres français nouveaux, nº 12, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, p. 6-7.

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La Percaillerie 1903

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1903 La Percaillerie

Albert Marquet passe l’été 1903 en Normandie avec son ami Henri Manguin, rencontré douze ans plus tôt à l’École des arts décoratifs et dans l’atelier parisien duquel il vient régulièrement s’exercer, rue Boursault. Sillonnant la côte, les deux compères peignent ensemble à la Percaillerie. Ce lieu-dit, sur la commune des Pieux à proximité de Flamanville, dans le département de la Manche, émerveille Marquet par sa nature sauvage. Manguin l’a découvert en 1896 et y a rencontré une jeune pianiste, Jeanne Marie Carette, qui est devenue son épouse en 1899 et son modèle d’élection.

Henri Matisse, retenu dans l’Aisne pour cause de maladie, ne peut les rejoindre. Il leur écrit : « Mes Chers amis. Un mot pour vous dire que je pense souvent à vous et vous suis dans mon imagination, sur la côte déambulant la boîte à la main clignant de l’œil pour savoir si le ciel est plus clair que l’eau… Vous devez faire des choses épatantes vous autres1 » Marquet, néanmoins, est mécontent de son été. Matisse lui répond par une ironie qui témoigne de leur proximité : « Ta lettre de ce matin m’annonçant que tu

n’étais pas content de ta saison est venue me réconcilier avec moi-même. Ainsi dans la vie, le malheur de nos amis nous console des nôtres2. » Une quinzaine d’œuvres réalisées par Marquet durant ce séjour normand sont aujourd’hui identifiées. Il s’agit pour l’essentiel de toiles faites en extérieur, même si au moins une scène d’intérieur est également connue, Intérieur paysan à la Percaillerie3 (cat. 12). Trois de ces œuvres normandes sont présentées au Petit Palais lors du tout premier Salon d’automne cette même année 1903 : Une falaise (nº 381), En Normandie (nº 382), La Barrière (nº 383).

L’œuvre du musée des Beaux-Arts de Caen La Cheminée à la Percaillerie (cat. 13) se distingue des autres paysages réalisés lors de ce séjour par l’intérêt porté par Marquet à un site industriel, et ce dès les débuts de sa carrière, en l’occurrence cette mine de fer de Diélette, sur la commune de Flamanville. Reconnaissable à sa haute cheminée de briques qui se détache sur la côte granitique et le ciel nuageux, celle-ci est exploitée depuis 1859 en dépit des difficultés engendrées par le caractère sousmarin des filons. Abandonnée à la fin du XIXe siècle puis rachetée par la Société des mines et carrières de Flamanville, qui appartient à la famille Thyssen, en 19074, elle fermera

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Flamanville, la mer et les rochers, vers 1920-1940 Photographie. Archives de la Manche / Conseil départemental Fonds Lucien Goubert

finalement ses portes en 1962. Au fond se détache, formant une ligne d’horizon aux deux tiers de la hauteur de la toile, le nez de Jobourg. Cette toile préfigure nombre d’œuvres de Marquet mêlant présence maritime ou fluviale et site industriel, comme Vue de la Seine. Environs de Rouen, datée de 1927 et conservée à la Fondation Bemberg (cat. 36).

L’œuvre aujourd’hui conservée par le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg sous le nom de Paysage de Bretagne (cat. 10) appartient en réalité à la série des tableaux de la Percaillerie. C’est possiblement une des trois toiles présentées lors du Salon d’automne, sous le nom de La Barrière. Elle constitue une des rares œuvres de la série sans présence maritime et où le peintre s’attache à une

1 Lettre d’Henri Matisse à Henri Manguin, 7 juillet 1903, archives Jean-Pierre Manguin.

2 Lettre d’Henri Matisse à Albert Marquet, septembre 1903, archives Wildenstein Plattner Institute, Paris.

3 Éric Pillon Enchères, Versailles, 22 mai 2016, lot nº 107.

4 Jean-Yves Noël, « La mine de fer de Diélette entre 1907 et 1914, une première étape vers “le Gibraltar allemand” ? », Annales de Normandie, vol. 60, nº 2, 2010, p. 63-69.

représentation d’un paysage de lande dont le personnage principal serait constitué par cette barrière blanche. L’intérêt porté par l’artiste à des palettes de couleurs restreintes comme le souci du cadrage se font déjà sentir dans cette œuvre aussi précoce que singulière, où le petit muret de pierres sèches amorce une diagonale dans le tableau.

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Mines de Dielette. Les ateliers de Guierfas Carte postale, sans date. Archives de la Manche / Conseil départemental Fig. 30 Albert Marquet Cour de ferme à la Percaillerie, 1903 Huile sur toile, 45.8 x 55 cm Collection particulière
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Fig. 11 Albert Marquet Les Trois Toits, la Percaillerie, 1903 Huile sur toile, 49.5 x 61 cm Collection particulière
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Cat. 12 Albert Marquet Intérieur paysan à la Percaillerie, 1903 Huile sur toile, 60.5 x 73.5 cm Galerie Winston, Dinard

Cat. 13

Albert Marquet

La Cheminée à la Percaillerie, 1903

Huile sur toile, 46,3 x 55,3 cm

Caen, musée des Beaux-Arts Inv. 65.2.1

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Cat. 3 Albert Marquet La Route de la Percaillerie, 1903 Huile sur toile, 46,5 x 55 cm Honfleur, musée Eugène Boudin Inv. 956.6.1
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Cat. 10

Albert Marquet

Paysage de la Percaillerie (Paysage de Bretagne), vers 1903

Huile sur toile, 50 x 61,3 cm

Strasbourg, musée d’Art Moderne et Contemporain Inv. 55.974.0.81

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Cat. 14 Henri Manguin La Percaillerie, 1901 Huile sur toile, 54 x 65 cm Collection particulière

Cat. 15

Albert Marquet

Les Falaises de Flamanville, 1903

Huile sur toile, 50 x 60 cm

Collection Peindre en Normandie, en dépôt aux Franciscaines, Deauville Inv. PN 2008.5.1

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1906

Le Havre Trouville

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1906 Le Havre - Trouville

La première exposition du Cercle de l’art moderne ouvre ses portes le 26 mai 1906 dans l’orangerie de l’hôtel de ville du Havre. Réunissant des membres nés ou résidant au Havre « attirés par sympathie commune pour les tendances artistiques modernes », le Cercle se fixe pour objectif de « faciliter les manifestations d’un art personnel1 ». Albert Marquet y envoie deux toiles. Son amitié avec Raoul Dufy, membre du comité Beaux-Arts de la nouvelle association, comme avec le critique d’art G. Jean-Aubry2, qui en est le secrétaire, n’y est sans doute pas étrangère. Les deux toiles trouvent rapidement preneur, malgré le refus par l’artiste de l’offre d’Aubry de les lui céder pour 700 francs.3 Hébergé chez Jean-Aubry, Marquet se rend début juin au Havre visiter l’exposition4. Les circonstances sont malheureusement troublées par la mort de son père, Joseph Marquet, décédé le 13 mai dans une maison de santé d’Arcueil-Cachan. Sa mère en est fortement ébranlée et « est retombée malade comme cet hiver5 ». Dans ces conditions, Albert Marquet rentre à Paris, mais annonce à Manguin le 3 juillet retourner quelques jours plus tard au Havre, où il retrouvera Dufy.

La ville est alors en fête. Les rues sont pavoisées et les monuments illuminés à l’occasion de la fête nationale, mais également de la Grande Semaine maritime. Organisé par la Ligue maritime française afin de promouvoir la marine française, cet événement donne lieu à de grandioses manifestations nautiques du 9 au 17 juillet, au Havre comme à Trouville6

Au Havre, Marquet et Dufy louent pour un prix modique des chambres d’hôtel pour embrasser de nouveaux points de vue. De leurs fenêtres, ils peignent les rues pavoisées ou les bassins de la ville. Installés sur l’étroite terrasse du café du Nord, au 32 de la rue des Drapiers (fig. 7), les deux artistes travaillent « en cordée » et se saisissent du motif créé par les drapeaux multicolores flottant au vent. L’hôtel du Ruban-Bleu7, 19, place de l’Arsenal, constitue également pour Marquet et Dufy un lieu d’observation privilégié sur la ville et les bassins du Commerce et du Roy (cat. 17). Marquet y peint notamment Fête foraine au Havre (cat. 18) et Le Havre, le bassin (cat. 1). Dans le premier tableau, on reconnaît à gauche l’étendue bleutée du bassin du Commerce quand le bâtiment surmonté de hautes toitures est la chambre de commerce. Le long des quais sont amarrés les yachts de riches armateurs. L’artiste souligne d’une ligne noire les plans de couleurs, toitures et chapiteau du carrousel. Marquet trouve dans les bassins historiques du Havre, bassin du Roy ou anse Notre-Dame, moins un sujet pittoresque que le prétexte à de nouvelles recherches picturales sur les couleurs et la simplification des formes. Dans Le Havre (cat. 11) ou dans Le Havre, voilier à quai (cat. 16), le peintre tourne son regard vers l’anse Notre-Dame, dont les eaux rejoignent celles de l’arrière-port. Dans le premier tableau, le navire, reconnaissable à sa coque noire et blanche et à sa cheminée blanche, est vraisemblablement le Félix Faure, qui assure alors la jonction par la Seine entre Le Havre et Rouen et qui stationne au bout du quai Notre-Dame, devant le bâtiment

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Le Havre - Bassin du Commerce Carte postale, vers 1900 Le Havre, archives municipales

Le Port du Havre, quai Videcoq Carte postale, vers 1900 Le Havre, archives municipales

de la grande douane. Au premier plan, Marquet n’hésite pas à représenter le petit édicule des vespasiennes installé à la hauteur de la rue Saint-Jacques et du café du VieuxHavre. Au second plan, à gauche, les usines du quai Broström et les immeubles du quai de l’Île reçoivent la chaude lumière du soleil couchant.

Le Havre, bassin du Roy (cat. 17), aujourd’hui déposé au musée des Beaux-Arts de Caen, surprend le spectateur par la dilatation de l’espace et la saturation de la toile par l’élément aqueux aux reflets verdâtres du bassin. Le quai des Casernes, à gauche, est absent de la composition quand le quai Videcoq, à droite, ne semble constituer qu’un simple passage au pied des immeubles dont les silhouettes se reflètent dans les eaux comme dans un miroir déformant. À mi-hauteur de la toile, le pont Notre-Dame sépare l’eau du ciel. Marquet s’inscrit de plain-pied dans le port du Havre en peignant vraisemblablement du pont en face de l’Arsenal.

Marquet et Dufy se promènent dans la ville et composent des scènes de plage très proches. Une carte postale, intitulée « Le Havre. Sur la plage. L’Impressionniste » (fig. 2), représente Marquet en train de peindre au pied de l’estacade. Dufy lui en enverra plusieurs exemplaires pour sa correspondance. Des années plus tard, Marcelle Marquet rapportera : « Ils allaient aussi peindre à Sainte-Adresse et, pour gagner du temps, à bicyclette. Pas riches, ils tenaient à leurs engins, et, pour être sûrs qu’au moment où ils seraient absorbés par leur travail on ne les leur prendrait pas, ils louèrent une cabane sur la plage où, soigneusement, le temps de leurs séances, ils les enfermaient. Sur le conseil d’un ami prudent, ils décidèrent de les assurer. L’agent vint sur place se rendre compte de l’état de leurs machines. Il découvrit avec effarement que les deux peintres laissaient aussi là leurs toiles en train, chaque soir, jusqu’au lendemain matin.8 » À la fin juillet 1906, Marquet quitte Le Havre pour rejoindre Fécamp.

1 Statuts de l’association Cercle de l’art moderne, 29 janvier 1906, article I.

2 De son vrai nom Jean-Frédéric-Émile Aubry (1882-1950), il prend en 1904 comme nom de plume G. Jean-Aubry pour lui permettre de mettre un trait d’union entre « Jean » et « Aubry » afin d’éviter la confusion avec l’historien Octave Aubry : cf. lettre de Paule Jean-Aubry à Jean-Philippe Segonds, 15 janvier 1970, citée dans Paule Moron, Le Journal de Larbaud. Études réunies et présentées par Gil Charbonnier, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2008, p. 33, note 1.

3 Lettre d’Albert Marquet à G. Jean-Aubry, 27 mai 1906, Getty Research Institute, 860056 : « Je viens de recevoir l’offre que vous me faites de mes deux tableaux et que je regrette beaucoup de ne pouvoir accepter. Je ne peux laisser ces deux toiles à moins de neuf cents frs. Je vous remercie bien quand même et j’espère bien [mot raturé] avoir le plaisir de vous voir quand j’irai au Havre probablement dans quelques jours, il me tarde de voir votre exposition qui doit être fort curieuse. »

4 Lettre de Charles Camoin à Albert Marquet, chez M. Jean-Aubry, 14 juin 1906 : « Ainsi, j’ai été heureux d’apprendre tout à l’heure par le secrétaire du cercle de l’art moderne que tu es allé honorer de ta présence leur exposition. Le changement de milieu et la vue de motifs nouveaux ont dû sans doute te faire remettre au travail. »

5 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, juin 1906, archives Matisse, citée dans Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, cat. exp., Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 31 mai-15 septembre 2002, p. 43.

6 Les épreuves de la Coupe de France et les courses du Cercle de la voile de Paris, notamment, se déroulent à Trouville et à Honfleur : cf. L’Éclair, 29 juin 1906, p. 1.

7 Cet hôtel se revendique comme une « maison chrétienne » proposant un « restaurant de tempérance » et dénonçant les effets de l’ivrognerie : cf. L’Universel : l’Évangile c’est la liberté ! 1er août 1899, p. 4. Sans doute le caractère « bon marché exceptionnel » des chambres a-t-il dû constituer un argument convaincant pour le jeune peintre, en recherche de nouveaux points de vue et plutôt connu pour ses sympathies anarchistes.

8 Marcelle Marquet, Marquet. Voyages, International Art Book, Lausanne, 1968, p.6.

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Cat. 16

Albert Marquet

Le Havre, voilier à quai, 1906

Huile sur toile, 33 x 41 cm

Zürich, Kunsthaus, Legs Dr Hans Schuler, 1920 Inv. 1404

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Cat. 11

Albert Marquet

Le Havre, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Collection Emil Bührle en prêt à long terme à la Kunsthaus, Zürich

Inv. BU 0171

Cat. 17 Albert Marquet Le Havre, bassin du Roy, 1906 Huile sur toile, 65 x 80,5 cm Caen, musée des Beaux-Arts, dépôt du Centre Pompidou MNAM/CCI, Paris, LUX.1805 P
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Fig. 12 Albert Marquet Fête nationale au Havre, 1906 Huile sur toile, 65 x 81 cm Winterthur, Villa Flora
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Cat. 18

Albert Marquet

Fête foraine au Havre, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Bordeaux, musée des Beaux-Arts

Inv. Bx 1960.4.6

Cat. 1

Albert Marquet

Le Havre, le bassin, 1906

Huile sur toile, 61 x 50 cm

Le Havre, MuMa

Inv. 2019.1.1

Achat de la Ville du Havre avec l’aide de l’État (Fonds du Patrimoine), la Région Normandie (FRAM), l’Association des Amis du musée d’art

moderne André Malraux, et les entreprises

Helvetia, Chalus Chégaray & Cie, CRAM et CRIC

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Fig. 31 Raoul Dufy La Rue pavoisée, 1906 Huile sur toile, 81 x 65 cm, Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI, legs de Mme Raoul Dufy, 1963
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Fig. 32 Albert Marquet Le 14 juillet au Havre, 1906 Huile sur toile, 61 x 50 cm Collection particulière

14 juillet au Havre, 1906 Huile sur toile, 65 x 54 cm Collection

Le 14 juillet au Havre, 1906 Huile sur toile, 81 x 65 cm Bagnols-sur-Cèze, musée Albert-André, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, donation de Adèle et Georges Besson, 1963 Inv. AM 4224 P (20)

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Fig. 6 Raoul Dufy particulière Cat. 4 Albert Marquet
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Fig. 25 Albert Marquet L’Anse des pilotes, le port du Havre, 1906 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière
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Fig. 33 Raoul Dufy Une Promenade sur la jetée, 1906 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière
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Fig. 34 Albert Marquet Promenade sur la jetée de Sainte-Adresse, 1906 Huile sur toile, 33 x 41 cm Collection particulière Courtoisie Chaville Enchères Fig. 5 Albert Marquet La Jetée à Sainte-Adresse, la passerelle, 1906 Huile sur toile, 50 x 61 cm Collection particulière
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Fig. 35 Raoul Dufy La Plage du Havre, 1906 Huile sur toile, 65,2 x 81,2 cm Collection Mitchell et Christine Clarfield
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Fig. 36 Albert Marquet La Plage du Havre, 1906 Huile sur toile, 64,5 x 80 cm Collection particulière Fig. 37 Albert Marquet Les Affiches à Trouville, 1906 Huile sur toile, 65,1 x81,3 cm Washington, National Gallery of Art, Collection M. and Mrs. John Hay Whitney
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Fig. 38 Raoul Dufy Les Affiches à Trouville, 1906 Huile sur toile, 65 x 81 cm Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI, Achat, 1956
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Fécamp 1906

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1906 Fécamp

Quand Albert Marquet et Raoul Dufy arrivent à Fécamp en 1906, la cité des terre-neuvas ne constitue vraisemblablement pas une terre inconnue pour eux. Dufy se remémore en effet, dans un courrier adressé à leur ami commun George Besson, à la fin de sa vie : « Dans l’été 1904, nous étions Marquet et moi allés passer une journée aux régates à Fécamp pour y peindre1 » Le Port de Fécamp de la collection Peindre en Normandie (cat. 19) est possiblement exécuté durant ce séjour. Marquet passe cet été-là un mois dans le port de pêche de Fécamp et s’installe dès la fin juillet au café Duhamel2, au 5 du quai de la Vicomté (repr. ci-dessus). L’établissement, qui propose à la location des chambres meublées, ouvre ses fenêtres sur l’avant-port. Mais dès le 24 août, Marquet écrit à Henri Manguin qu’il rentrera à Paris la semaine suivante, « n’ayant rien foutu de mon été ». Contrarié par le vent normand, Marquet quitte donc Fécamp à la fin août pour rejoindre la capitale : « Je suis à Paris depuis quelques jours pas fâché d’être de retour. Malgré la beauté du pays, n’ai rien fichu à Fécamp, un temps très contrariant et un sacré vent qui a cassé comme une allumette mon grand chevalet belge, pourtant bien solide, dégoûté, je suis parti3 » Malgré cette assertion, Marquet revient de Fécamp avec une belle moisson de toiles, dont certaines, telle Fête de gymnastique à Fécamp, de l’ancienne collection de Georges Dussueil au Havre, restent à localiser.

Le Port de Fécamp (cat. 24), peint des fenêtres du café Duhamel, nous donne à voir l’avant-port de Fécamp. À droite, on reconnaît le Grand Quai. Au sommet de la côte de la Vierge, caractérisée par une haute falaise herbeuse, la silhouette gracile du phare de la Vierge et celle massive et sombre de l’église Notre-Dame-du-Salut se découpent sur le ciel mouvant de Normandie. La cheminée rouge du navire caractérise un remorqueur, possiblement l’Hercule quand on reconnaît la silhouette d’un dundee, armé pour les campagnes du hareng ou du maquereau.

Au contraire, dans Le Port de Fécamp (cat. 21) des collections du musée de Quimper, Marquet s’inscrit de plain-pied dans le paysage portuaire en peignant le chantier naval du premier plan. En effet, plusieurs chantiers de construction navale sont alors installés à l’extrémité du boulevard des Bains, sur la digue qui ferme l’avant-port. Les bois tors aux lignes mouvementées destinés à la carène du bateau s’accumulent sur le quai. Marquet décale son angle de vision par rapport au dessin préparatoire pour dégager une perspective sur le bassin. L’écluse qui occupe le centre du tableau donne accès au bassin Bérigny. Le clocher néogothique de l’église Saint-Étienne domine, avec les mâts, la composition baignée par la froide lumière du matin.

Marquet déploie dans La Plage de Fécamp (cat. 20) une palette éclatante, avec des bleus vifs et des vermillons. Une grande diagonale sépare la composition en deux parties inégales, où celle de droite est envahie par la

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Fécamp, quai de la Vicomté. Carte postale, vers 1900 Collection particulière

mer et le ciel. Deux marins contemplant la mer et les falaises crayeuses qui la bordent dominent la gauche de la composition. Leur regard accompagne celui du spectateur. Cette forte présence humaine est assez inhabituelle chez le peintre. La toile sera achetée par le conservateur Paul Jamot.

Par ailleurs, Marquet et Dufy profitent de leurs derniers jours en Normandie pour aller à Trouville et se promener à Honfleur. Seules deux œuvres de Marquet témoignent de ce passage à Trouville : Les Affiches à Trouville (fig. 37) et le Bassin des yachts . Les deux artistes se saisissent tous deux du paysage bariolé offert par une palissade recouverte de panneaux publicitaires, non loin de la plage 4

Marquet expose cinq œuvres exécutées lors de son séjour normand parmi les huit présentées au Salon d’automne qui ouvre ses portes le 6 octobre de cette année 1906 : 14 juillet (nº 1130), Trouville (nº 1133), Port de Fécamp (nº 1134), Plage de Fécamp (nº 1135) et Bassin au Havre (nº 1136). Plusieurs sont remarquées par la critique. Dès l’ouverture du salon, le critique Louis Vauxcelles s’exclame ainsi, enthousiaste : « Marquet. Ah ! le beau peintre. En voilà un qui sait où il va et qui va où il veut. Libre à la fois et sûr de son métier, narrateur exempt de prolixité. La limpidité de l’eau tremblotante, la qualité d’atmosphère, l’établissement, la densité des masses, la solidité des terrains, en un mot tout est de premier ordre5 » Son confrère Paul Jamot écrit quelques semaines plus tard : « M. Marquet est dès maintenant un talent certain. Une vision franche et rapide, la décision des perspectives, la justesse des plans, la forte simplicité de la couleur classent au premier rang, parmi les paysages de ce Salon, ses vues de Paris et du Havre, son Port de Fécamp avec la carène jaune d’un navire en chantier sous le soleil de midi, et surtout sa Plage de Fécamp, où les distances et les valeurs sont établies avec la plus éloquente sûreté6 »

Fécamp - Vue sur le port Carte postale, vers 1900 Archives départementales de la Seine-Maritime

Du 7 au 30 novembre 1906, Marquet expose à la galerie Berthe Weill, à Paris, aux côtés de Camoin, Derain, Manguin, Matisse, Puy et Van Dongen, cinq œuvres dont un paysage de Fécamp et un Bateau pavoisé au Havre Quelques mois plus tard, en février 1907, le jeune peintre bénéficie de sa première exposition monographique, à la galerie Druet, avec trente-neuf œuvres dont neuf vues normandes : Port du Havre, deux Bassin du Havre, Bassin du Havre, 14 juillet, Le Havre, Rue du Havre, Plage du Havre, Trouville et Port de Fécamp.

Le 29 décembre 1906, Le Port de Fécamp (cat. 21) est acquis par l’État et déposé, à la demande de l’artiste, au musée du Havre. Mais le conservateur Alphonse Lamotte, qui s’est déjà farouchement opposé à l’acquisition trois ans plus tôt de deux toiles de Camille Pissarro, trouve là un nouveau cheval de bataille et n’a de cesse de se débarrasser du tableau. Cédant finalement aux injonctions de Lamotte, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts demande en 1913 la restitution de l’œuvre avant de l’attribuer au musée de Quimper, privant ainsi le musée du Havre d’une belle œuvre fauve.

1 Lettre de Raoul Dufy à George Besson, 7 janvier 1948, bibliothèque municipale de Besançon, fonds Besson, Ms Z 639.

2 D’après un courrier envoyé à Henri Matisse, archives Matisse.

3 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, Paris, 4 septembre 1906, citée dans Claudine Grammont (éd.), Matisse-Marquet, correspondance, 1898-1947, Lausanne, La Bibliothèque des arts, 2008.

4 Raoul Dufy, Les Affiches à Trouville, 1906, huile sur toile, 65 x 81 cm, Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI, inv. AM 3417 P (fig. 38) et Albert Marquet, Les affiches at Trouville, 1906, huile sur toile, 65,1 x 81,3 cm, Washington, National Gallery of Art, inv. 1998.74.1 (fig. 37).

5 Louis Vauxcelles, « Le Salon d’automne par Louis Vauxcelles », Gil Blas, 5 octobre 1906.

6 Paul Jamot, « Le Salon d’automne », Gazette des beaux-arts, 1er décembre 1906, p. 480-481.

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Cat. 19

Albert Marquet

Le Port de Fécamp, 1904

Huile sur toile, 38,2 x 46 cm

Collection Peindre en Normandie

En dépôt aux Franciscaines, Deauville Inv. PN 995.6.1

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Cat. 20

Albert Marquet

La Plage de Fécamp, 1906

Huile sur toile, 50 x 60,8 cm

Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI

Inv. AM 2429 P, legs Paul Jamot, 1943

Cat. 21

Albert Marquet

Le Port de Fécamp, 1906

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Quimper, musée des Beaux-Arts

Dépôt du Centre National des Arts Plastiques Inv. FNAC 2039

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Cat. 22 Albert Marquet Rivage de la Manche, 1906 Crayon noir sur papier, 10,5 x 17,9 cm Bordeaux, musée des Beaux-Arts Inv. Bx 1960.5.21
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Cat. 23 Albert Marquet Le Port de Fécamp, vers 1906 Fusain sur papier, 10,5 x 17,5 cm Quimper, musée des Beaux-Arts Inv. 73-4-1
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Cat. 24 Albert Marquet Le Port de Fécamp, 1906 Huile sur toile, 87 x 105 cm Collection particulière. Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris
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Honfleur 1911

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1911 Honfleur

Albert Marquet était rapidement passé, en 1906, à Honfleur. Il y revient à l’été 1911 pour rendre visite à Félix Vallotton, en villégiature. Fidèle de la petite station balnéaire normande depuis 1901, le peintre suisse loge avec sa famille à la villa Beaulieu, devenue depuis 1909 sa résidence d’été attitrée. Marquet réside quant à lui à la ferme Saint-Siméon, qui, nichée sur les hauteurs du petit port, domine l’estuaire. L’ancienne ferme Toutain, dont la renommée ne faiblit pas depuis les séjours d’Eugène Boudin à partir de 1854, a accueilli entre autres Frédéric Bazille, Claude Monet, Camille Corot ou Johan-Barthold Jongkind.

Marquet peint cet été-là le port et ses bateaux. Il envoie une carte postale enthousiaste le 22 juin à son ami Charles Camoin1 et, le 7 juillet, il écrit à Henri Manguin : « Ici il y a eu quelques jours d’un temps abominable, maintenant un soleil étoilant. Vallotton en est navré. Je travaille un peu, mais je ne fais que de la mer2 » Il est de retour à Paris en juillet avant de repartir pour le Midi.

Une œuvre honfleuraise, Port de Honfleur, marée basse, est présentée cette année-là au Salon d’automne. L’année suivante, Honfleur, le port est exposé aux Indépendants (nº 2172). Enfin, en 1913, Marquet présente chez Druet cinq œuvres réalisées durant ce séjour : Soleil, deux Marée basse, Bateaux de pêche et un Bassin3

L’œuvre aujourd’hui conservée à Winterthur (cat. 26) nous donne à voir le bassin de Honfleur nourri des eaux de la Claire et de la Morelle, dont les reflets verdâtres n’occupent pas moins de la moitié de la composition. Bordé à gauche par le quai de la Quarantaine, le bassin accueille une flottille de petits bateaux destinés pour l’essentiel à la pêche côtière. Au fond, le quai Beaulieu (aujourd’hui quai des Passagers), où accoste alors le Rapide qui assure la liaison maritime entre Honfleur et Le Havre, est dominé par la longue silhouette blanche de l’hôtel du Cheval-Blanc, véritable institution honfleuraise. Marquet a installé son chevalet de plain-pied dans l’avantport, profitant du soleil éclatant de cette journée d’été pour peindre le paysage portuaire (cat. 25). Le ciel moutonneux

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Honfleur - L’Embarcadère du bateau du Havre Carte postale, vers 1900. Collection particulière

se reflète dans les eaux saumâtres de l’avant-port, où le reflux de la mer laisse apparaître les dépôts de vase au pied des jetées. La voile ocre d’une frêle embarcation vient troubler la quiétude du moment. On reconnaît à droite le phare de la jetée est, dont la tourelle cylindrique marque l’entrée du port depuis 1843. Le mât de signaux métallique qui le domine de sa haute stature permet de composer des messages simples destinés aux navires approchant de Honfleur (météo, marée, réglementation de la navigation, accès au port…) grâce à la combinaison de pavillons hissés aux drisses. Marquet joue subtilement des nuances de blanc, de gris et de beige pour en détacher la silhouette élancée du ciel nuageux. Au pied de ces deux ouvrages s’élèvent quelques baraques aux balises. L’œuvre aujourd’hui conservée au musée Pouchkine reprend le même point de vue (fig. 26), mais par marée haute. Le ciel lumineux y est animé par les pavillons multicolores du mât de signaux.

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1 Archives Camoin, citée dans Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, cat. exp., Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 31 mai-15 septembre 2002, p. 157. 2 Collection Jean-Pierre Manguin. 3 Exposition de peintures d’Albert Marquet, 31 mars-12 avril 1913. Honfleur - Les Jetées au moment de la marée Carte postale, vers 1900. Collection particulière

Cat. 25

Albert Marquet

Marée basse, port de Honfleur, 1911 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière

Courtoisie Thierry-Lannon et associés

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Fig. 26 Albert Marquet Honfleur, le mât pavoisé, 1911 Huile sur toile, 65 x 81 cm Moscou, musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine Collection Sergueï Chtchoukine

Cat. 26

Albert Marquet

Le Port de Honfleur, 1911

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Winterthur, Kunst Museum, don de Georg Reinhart, 1933

Inv. KV 569

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Fig. 39 Albert Marquet Le Port de Honfleur, 1911 Huile sur toile, 46,3 x 55,2 cm Collection particulière
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Fig. 40 Albert Marquet Le Port de Honfleur, 1911 Huile sur toile, 38 x 55,3 cm Collection particulière
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Fig. 41 Félix Vallotton Promenade à Honfleur, 1901 Huile sur toile, 77,5 x 105,3 cm Honfleur, musée Eugène Boudin
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Fig. 42 Albert Marquet Le Port de Honfleur, 1911 Huile sur toile, 28.5 x 35,5 cm Collection particulière

La Jetée, femmes assises, s.d. Encre de Chine sur papier, 20,6 x 33,1 cm

Besançon, musée des Beaux-Arts et d’archéologie, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, (ancienne collection de George et Adèle Besson) Inv. D 4440/AM 3855 D

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Cat. 27 Albert Marquet
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Fig. 43 Albert Marquet Le Port de Honfleur, 1911 Huile sur toile, 46.2 x 55,2 cm Collection particulière
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Rouen 1912

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1912 Rouen

Le séjour de Marquet à Rouen en 1912 se joue en trois temps. Le peintre est en mai dans la capitale normande, mais, lassé par la pluie, il rentre à Paris à la mi-juin, suivant les conseils d’Henri Matisse, qui lui écrivait quelques jours plus tôt : « Tu pourrais revenir passer quelques jours à Paris au lieu de te ronger dans ce pot de chambre de la Normandie, ou bien peins des effets de pluie en t’installant à la terrasse d’un café des quais, peins des petites toiles de 5 ou 6 en une séance, tu feras cela très bien1 » Le 27 juin, il est de retour à Rouen et loge au 1, rue Duquesne. La pluie a cédé le pas au beau temps et à la chaleur. Matisse le rejoint quelques jours aux alentours du 11 juillet. Mais, découragé, Marquet exprime à la fin du mois le désir de quitter la ville : « Je pense rentrer bientôt, car je ne fais absolument rien par ici. Le pays est pourtant bien beau, mais le temps est extraordinairement changeant. Je reviendrai à Rouen quand je serai plus habile2 » Ce sera au mois de novembre, pour achever les toiles commencées plus tôt dans l’année3 Il semble que, contrairement à son séjour havrais six ans auparavant, l’artiste se déplace peu dans la ville. On ne connaît de ce séjour qu’une représentation du pont Corneille, mais surtout trois du pont transbordeur et, plus nombreuses, celles du pont Boieldieu (cat. 9-29 -30 et 31). Marquet s’inscrit dans les pas de Camille Pissarro, autre familier des paysages portuaires, qui s’est attelé à la représentation de ce même pont Boieldieu depuis les

fenêtres de l’hôtel de Paris en 1896. En 1898, Matisse écrivait à Marquet : « Le père Pissarro travaille depuis les fenêtres de l’hôtel du Louvre. Il fait des vues de la Place du th. français (voilà un tuyau) 4 » En mai 1912, Marquet fait le choix de s’installer dans le même hôtel que son aîné pour peindre ce pont métallique qui conduit de la rue Grand-Pont à la place Carnot et au faubourg populaire de Saint-Sever. Il est, par ce choix, à contre-courant de la représentation d’un paysage plus noble, qui privilégierait l’autre rive pour embrasser les flèches de la cathédrale. Ici, la volonté est de peindre le Rouen industrieux, avec les usines fumantes de la rive gauche. Et si le tableau de Pissarro (cat. 8) avait un caractère très vivant, foisonnant et mouvementé, la série réalisée par Marquet de ce quai de Paris présente un aspect plus tempéré. Marquet aime la vie et l’activité des quais de Rouen ; la présence humaine s’y réduit pourtant à quelques silhouettes rapidement esquissées qui évoquent à la fois la concision et la réflexion de l’art calligraphique oriental. C’est que le paysage entier qu’il peint respire cette présence du badaud ou du travailleur.

Le peintre exécute également trois toiles du pont transbordeur de Rouen (fig. 44), distant de sept cents mètres du pont Boieldieu. Le développement continu de la rive gauche de la Seine à la fin du XIXe siècle imposait la mise en place de nouveaux franchissements du fleuve. Œuvre de l’ingénieur Ferdinand Arnodin, ce pont est, jusqu’à sa destruction en 1940, le dernier ouvrage d’art

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Rouen, le pont Boieldieu depuis la rive gauche Photographie, vers 1900. Collection particulière

à franchir la Seine avant son estuaire – Marquet retrouvera quelques années plus tard à Marseille la gracile silhouette d’un autre pont transbordeur, dû au même Arnodin. Le dessin du Pont transbordeur (cat. 28), aujourd’hui conservé dans les collections du MuMa, se distingue des deux peintures par l’angle retenu. Le dessin représente une vue prise du quai Jean-de-Béthencourt. Le toit pentu que l’on aperçoit sous le pont est vraisemblablement la tour marégraphe du quai de Boisguilbert, destinée à fournir de l’énergie au nouveau système de grues hydrauliques du port de Rouen. Au fond, la colline de Canteleu, d’où Marquet peindra le port de Rouen en 1927. En 1912, il fait néanmoins le choix de peindre ce pont vu de l’autre rive, permettant ainsi d’embrasser du regard la rive gauche industrielle et de retrouver une composition proche de celles adoptées pour les représentations du pont Boieldieu. On ne sait à quelle adresse Marquet loge à son retour dans la ville en novembre. En 1943, George Besson se souviendra d’avoir rendu visite à Marquet, qui partageait alors un appartement, vraisemblablement pour des raisons de coût, avec le littérateur René Fauchois, possiblement rue des Charrettes5, sans que l’on sache si cette adresse concerne ce séjour. Parallèle au fleuve, la rue des Charrettes ne donne pas directement sur le fleuve, mais sur la rue Grand-Pont, qui débouche sur le pont Boieldieu.

Dix œuvres réalisées à Rouen durant ce triple séjour sont présentées du 31 mars au 12 avril 1913 chez Druet lors de l’exposition monographique consacrée à l’artiste : un Pont Boieldieu, deux Pont transbordeur et sept représentations du Quai de Paris. « Cette solidité que certains recherchent à obtenir par la pâte, d’autres l’obtiennent par leurs exactes oppositions de valeurs et par la simplification des grandes lignes. Qu’y a-t-il dans cette Vue de la Seine à Rouen [Quai de Paris à Rouen] par M. Marquet ? Un chemin

de fer, un hangar, puis la berge rose et le fleuve pâle que franchit un pont, et enfin, devant le ciel, divers plans de maisons. Pour arriver à découvrir les lignes indispensables, il a fallu toute une série d’éliminations. On s’est moqué du mot de synthèse appliqué à ces œuvres, en est-il donc un plus juste ? C’est presque une abstraction de paysage, l’idée générale de ce paysage-là. Monet peignait Rouen à une minute, à une seconde donnée ; M. Marquet représente la Seine, ses quais, son pont, tels qu’ils demeurent le plus souvent ; on ne contemple plus les délicatesses de ton du ciel et de l’eau, on ne voit que les traits nécessaires. Ceci n’empêche pas que M. Marquet ne soit sensible à la lumière, mais, pour lui, la lumière, c’est de l’espace coloré6. »

1 Lettre d’Henri Matisse à Albert Marquet, 7 juin 1912, citée dans Claudine Grammont (éd.), Matisse-Marquet, correspondance, 1898-1947, Lausanne, La Bibliothèque des arts, 2008, p. 90.

2 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, 31 juillet 1912, ibid

3 Lettre d’Albert Marquet à Henri Matisse, 29 octobre 1912, ibid

4 Lettre d’Henri Matisse à Albert Marquet, 28 février 1898, ibid

5 George Besson, « 19, quai Saint-Michel », dans Marquet, dessins, Lanzac-par-Souillac, Le Point, décembre 1943, p. 33-34 : « Eugène Druet m’avait donné son adresse à Rouen où il travaillait en 1912 et habitait une de ces rues noires de petites boutiques, de bars anglais et scandinaves, la rue des Charrettes peut-être. Je montai et vis deux cartes sur une même porte : Albert Marquet – René Fauchois. Je redescendis, sans avoir frappé, ahuri. Je ne connaissais pas M. Fauchois. […] J’en étais à la réputation qu’on lui faisait en 1912 d’un auteur sans personnalité. […] Je savais que Marquet n’était pas l’ami de Fauchois et j’appris qu’il ne revit pas son compagnon après son départ de Rouen. Mais il avait une conception plus simple que moi des relations entre hommes et d’abord qu’il faut les prendre tels qu’ils sont. »

6 Louis Hautecœur, « Les salons de 1913 (premier article). Société des artistes indépendants », Gazette des beaux-arts, mai 1913, p. 262-263.

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Rouen - Le pont transbordeur, vue prise de la rive gauche Carte postale, vers 1900 Collection particulière

Cat. 28

Albert Marquet

Rouen, le pont transbordeur, 1912

Dessin à l’encre de Chine sur papier, 9,3 x 17,5 cm

Le Havre, MuMa, legs Marande, 1936 Inv. AD99.2

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Fig. 44 Albert Marquet Le Pont transbordeur, 1912 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière
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Cat. 29

Albert Marquet

Rouen, le pont Boieldieu et le quai de Paris par temps ensoleillé, 1912 Huile sur toile, 63 x 80 cm Collection particulière.

Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris

Cat. 30

Albert Marquet

Le Quai de Paris à Rouen, 1912 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière.

Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris

147

Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI Inv LUX 1019 P

Cat. 31 Albert Marquet Le Quai de Paris à Rouen, 1912 Huile sur toile, 65 x 82 cm
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« Il n’est pas d’entrepôts chagrins, de docks ingrats, de maussades bassins de radoub, pas de quais tumultueux, d’élévateurs, de ponts transbordeurs, pas de paquebots, de rafiots, ou de cuirassés, pas de vergues ou de manches à air, pas de cheminées empanachées que Marquet n’ait contemplés avec un souci d’objectivité qui ne laisse place à aucune sentimentalité trop facilement « littéraire » et décourage toute glose. De ce décor qui lui est familier, dont il sait pertinemment ce qui fait de lui un témoignage du temps présent, Marquet n’éprouve jamais le besoin d’exalter le pathétique certain. Pas plus que la romance, l’emphase ne le séduit ; mais en peignant le débarcadère désert, le ponton délaissé, la charpente métallique qui enjambe le canal, ou la grue anonyme et trépidante qui vide les flancs du navire, Marquet est toujours humain.

Humain, comme sait l’être Chardin quand il portraiture une fontaine de cuivre, prouvant ainsi que l’homme peut se confesser sans avoir recours à l’évocation de son propre visage. »

Francis Jourdain, « Chronique artistique –Réflexions d’un vieil artiste à propos des exigences de la « phynance » et à propos de l’exposition Marquet », in La Pensée : revue du rationalisme moderne, novembre 1948, p. 110.

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Fig. 45 Albert Marquet Rouen, Quai de Paris, 1912 Huile sur toile, 65.4 x 81,3 cm Saint-Louis Art Museum Sara Lee Corporation, A Millennium Gift to America

Cat. 9

Albert Marquet

Rouen, Quai de Paris, 1912

Huile sur toile, 65,3 x 81 cm

Lyon, musée des Beaux-Arts Inv. B1019

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1927

Vieux-Port Canteleu La Mailleraye

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192 7

Vieux-Port - Canteleu - La Mailleraye

Albert Marquet est de retour en Normandie en 1927 pour un séjour de plusieurs semaines durant lequel il longe la Seine depuis son embouchure jusqu’à Rouen. Une carte postale, malheureusement non datée, adressée à Charles Camoin par Marcelle Marquet, l’épouse du peintre, atteste un séjour à Honfleur cette année-là1. En juin, les Marquet s’installent, sur les conseils de Paul Signac, dans la région de Vieux-Port, dans les boucles de la Seine. Marquet éprouve en effet le constant besoin du voisinage de l’eau, une eau animée de bateaux, de pêcheurs ou de promeneurs. Lui qui « ne put jamais supporter la tranquille paresse de la Loire2 » trouve dans ce village situé à une quarantaine de kilomètres en amont de Honfleur un lieu d’observation privilégié du trafic fluvial.

Les Marquet élisent domicile dans une pension, La Bonne Auberge, située au bord du fleuve. C’est dans la salle à manger de l’auberge, constituée de vieux baraquements anglais de la Première Guerre mondiale, que le peintre représente son épouse dans le tableau Madame Marquet à Vieux-Port3. George Besson et Charles Camoin viennent rendre visite à leurs amis au mois de juillet. Le temps est remarquablement pluvieux cette année et Madame Marquet leur a conseillé d’apporter « imperméables et gros souliers4 ». Les Camoin restent jusqu’à la fin du mois.

Puis, lassés par la pluie, les Marquet décident de pousser jusqu’à Rouen pour trouver le soleil. L’artiste, qui connaît déjà la ville, qu’il a peinte quinze ans plus tôt, élit domicile à Canteleu, d’où il embrasse à la fois Rouen et la Seine, pour changer de point de vue. Il occupe à l’hôtel Au Rendez-Vous de la chasse (repr. ci-dessus) la chambre des propriétaires, qui bénéficie d’un remarquable panorama sur le fleuve et d’où il peint une série de tableaux quasi identiques5 (cat. 33-34): seuls une silhouette, un fiacre, un ciel plus ou moins ennuagé différencient ces œuvres. Il profite de ce séjour pour se promener sur les bords de la Seine, en commençant par Croisset, petit hameau au pied de la colline de Canteleu, Dieppedalle puis La Mailleraye-sur-Seine.

Si Croisset doit sa célébrité à Gustave Flaubert, qui y écrivit une partie de son œuvre, c’est plutôt au port industriel de Rouen que s’attache Marquet dans son tableau intitulé La Seine à Croisset près de Rouen (cat. 35). Le port hérissé de grues et de portiques occupe le centre de la composition quand les fumées bleuâtres des cheminées se mêlent au brouillard qui nimbe le ciel, contrastant avec le premier plan constitué de bâtiments aux toits bleutés en contrebas d’une esplanade au vert tendre.

Vue de la Seine. Environs de Rouen, aujourd’hui conservée à la Fondation Bemberg (cat. 36), représente le fleuve en aval de Croisset. On peut reconnaître dans la haute cheminée de briques qui se détache sur le ciel laiteux celle de la scierie

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Environs de Rouen - Canteleu - La place Carte postale, vers 1900. Collection particulière

Le Bourgeois, installée le long du fleuve, à Dieppedalle : Marquet se saisit une nouvelle fois d’éléments d’un paysage industriel. Le plateau crayeux des falaises qui bordent le fleuve, couvertes de végétation, forme la ligne d’horizon à la mi-hauteur du tableau. Dans cette œuvre comme dans les Régates à La Mailleraye (cat. 37), Marquet s’inscrit au niveau du fleuve et s’installe sur le quai. Plus en aval, dans un méandre formé par le fleuve se niche La Mailleraye-sur-Seine. Des régates sont organisées sur la Seine depuis le XIXe siècle à Villequier, Quillebeuf, Caudebec ou Duclair. À la mi-août, le petit village de La Mailleraye se pare de ses plus beaux atours pour accueillir des courses de voiliers et de canots automobiles. Le Félix Faure, qui assure la liaison fluviale entre Le Havre et Rouen, a alors l’habitude de faire escale à La Mailleraye la veille et le lendemain de la manifestation. Marquet réalise deux représentations des régates à La Mailleraye. La toile conservée au musée des Beaux-Arts de Bordeaux nous donne à voir une composition dominée par deux bateaux de course dont les voiles blanches tendues se reflètent dans l’eau nacrée du fleuve. Les drapeaux qui claquent au vent comme les lumignons multicolores témoignent de l’ambiance festive qui s’est emparée de la cité des bords de Seine.

La Seine grise, Vieux-Port (cat. 32) est une œuvre singulière qui surprend par la touche mouvementée du peintre, plus chargée de matière. Le ciel nuageux envahit la composition et rejoint les eaux ocre du fleuve. La cheminée de La Passagère, le bateau qui assure la liaison entre Le Havre et Rouen, introduit une verticalité dans le tableau.

La pluie convainc finalement les Marquet de quitter Rouen pour rejoindre la Bretagne puis la douceur du climat de Saint-Jean-de-Luz.

Plus d’une trentaine d’œuvres de ce séjour normand sont aujourd’hui connues. Marquet en

présente dix à la galerie Druet dans l’exposition monographique qui lui est consacrée en 19286 : Vieux-Port. La Terrasse, deux vues de Vieux-Port. La Seine, Vieux-Port. L’église, Vieux-Port. Le matin, trois vues de Canteleu (Canteleu. Après-midi de soleil, Canteleu. Brouillard et Canteleu. Temps gris), une Vue de Rouen dans la brume ainsi que La Seine et la forêt de Brotonne. La critique accueille l’exposition par ces mots : « Une exposition d’œuvres d’Albert Marquet présente toujours beaucoup d’attrait. Celle qui a eu lieu chez Druet au début de mai a réuni des paysages de Tunisie et d’Algérie, de l’Égypte, du Pays basque, et des environs de Rouen. Ces derniers, où la ville s’apercevait d’un gris mauve dans les lointains, montraient dans les premiers plans des jardins avec des verdures d’une délectable fraîcheur. Les paysages de Marquet apparaissent d’une simplicité de moyens sous laquelle il faut voir une grande science de coloriste7 »

Enfin, Marquet présente en 1935 une œuvre, Canteleu (brouillard), à l’occasion de l’exposition rétrospective intitulée Rouen vu par les artistes d’autrefois et d’aujourd’hui de la Société des artistes rouennais et de Normandie.

1 Archives Camoin, citée dans Marquet. L’Afrique du Nord, catalogue de l’œuvre peint, 2001, p. 43.

2 Marcelle Marquet, Albert Marquet, Paris, Hazan, 1955.

3 Madame Marquet à Vieux-Port, 1927, huile sur panneau parqueté, 33 x 41 cm, collection particulière, vente SVV Millon, 25 mars 2015, lot nº 85.

4 Archives Camoin, cité dans Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, cat. exp., Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 31 mai-15 septembre 2002, p. 167.

5 Une aquarelle depuis le même lieu est passée en vente à Ramat Aviv (Israël) le 28 novembre 2022 (lot nº 36228).

6 Exposition Albert Marquet. Œuvres récentes 1926-1928, 30 avril-11 mai 1928.

7 Anonyme, « Le carnet d’un curieux. Les expositions. Galerie Druet », La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, juin 1928, p. 352.

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Vieux-Port. Bateaux en Seine devant l'hôtel Carte postale, vers 1900 Collection particulière

« Vieux-Port, c’était quelques maisons normandes, marquées de colombages, couvertes de roses et de glycines, des vaches émergeant par-ci, par-là d’une herbe drue, tout autour des bois embaumés de fraises et de champignons et pas loin la forêt de Brotonne que les hauts fûts de ses hêtres accablaient de solennité. Il nous arrivait, le soir, au cours d’une promenade de rencontrer une biche ou un faon, le plus souvent les deux ensemble qui, par leur fuite légère, nous délivraient de l’emprisonnement dont nous nous sentions menacés. »

Fig. 46 Albert Marquet Terrasse à Vieux-Port, 1927 Huile sur carton toilé 32.7 x 40,2 cm Collection particulière Marcelle Marquet, Marquet, voyages, 1968
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Cat. 32

Albert Marquet

La Seine grise, Vieux-Port, 1927 Huile sur panneau, 33 x 41,2 cm Collection particulière

Cat. 33

Albert Marquet

Le Port de Rouen, 1927

Huile sur toile, 54 x 73 cm

Albi, musée Toulouse-Lautrec.

Dépôt du Centre National des Arts Plastiques Inv. FNAC 16268

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« On dominait l’immense vallée, longue et large, que le fleuve clair parcourait d’un bout à l’autre, avec de grandes ondulations. On le voyait venir de là-bas, taché par des îles nombreuses et décrivant une courbe avant de traverser Rouen. Puis la ville apparaissait sur la rive droite, un peu noyée dans la brume matinale, avec des éclats de soleil sur ses toits, et ses mille clochers légers, pointus ou trapus, frêles et travaillés comme des bijoux géants, ses tours carrées ou rondes coiffées de couronnes héraldiques, ses beffrois, ses clochetons, tout le peuple gothique des sommets d’églises que dominait la flèche aiguë de la cathédrale, surprenante aiguille de bronze, laide, étrange et démesurée, la plus haute qui soit au monde. Mais en face, de l’autre côté du fleuve, s’élevaient, rondes et renflées à leur faîte, les minces cheminées d’usines du vaste faubourg de Saint-Sever. Plus nombreuses que leurs frères les clochers, elles dressaient jusque dans la campagne lointaine leurs longues colonnes de briques et soufflaient dans le ciel bleu leur haleine noire de charbon. »

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Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885
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Cat. 34 Albert Marquet Rouen, vue de Canteleu, temps gris, 1927 Huile sur toile, 46 x 60,5 cm Collection particulière. Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris
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Fig. 47 Albert Marquet Vue des environs de Rouen, 1927 Dessin au crayon, plume et encre, 21.3 x 31,2 cm Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage

Albert Marquet

La Seine à Croisset près de Rouen, 1927

Huile sur carton, 32,5 x 40,8 cm

Collection particulière

Courtoisie Christie's, Paris

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Cat. 35
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Cat. 36

Albert Marquet

Vue de la Seine.

Environs de Rouen, 1927

Huile sur toile, 32 x 40 cm

Toulouse, Fondation Bemberg

Inv. 2071

Fig. 48 Albert Marquet La Mailleraye, 1927 Plume et encre de Chine sur papier 8.6 x 12,8 cm Collection particulière Cat. 37 Albert Marquet Régates à la Mailleraye, 1927 Huile sur toile, 65 x 81 cm Bordeaux, musée des Beaux-Arts Inv. Bx 1960.4.12
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Le Havre 1934

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1934 Le Havre

Fraîchement revenus d’un voyage en URSS, les Marquet s’installent en septembre 1934 pour trois semaines au Havre. Madame Druet, qui avait repris la galerie éponyme à la mort de son mari en 1916, leur écrit à cette occasion : « Je vous rappelle que M. O. Senn pourrait donner à votre mari des facilités de travail dans le port1 » Grand amateur d’art, Olivier Senn collectionne les œuvres de Marquet des premières années et sera propriétaire de pas moins de quinze peintures de l’artiste2. Les deux hommes se connaissent bien. Si Senn est, à cette date, installé à Paris, sa connaissance de la place portuaire havraise, où il a été négociant en coton, peut être heureusement mise à profit pour le peintre, en quête de nouveaux points de vue. Marquet fait le choix de s’installer à l’hôtel Continental, à l’angle de l’avenue François-Ier et de la chaussée des États-Unis, là même d’où Camille Pissarro peignit en 1903 sa série des ports du Havre (cat. 5 et 6). L’hôtel ouvre ses fenêtres sur les deux brise-lames de l’avant-port et sur le spectacle constamment renouvelé du ballet des navires. Mais le port industriel offre un paysage profondément modifié depuis que Pissarro l’a représenté trente et un ans plus tôt. De nombreux travaux ont été engagés depuis le début du XXe siècle pour faire face à l’augmentation du tonnage des navires : le fort de Floride, vestige de l’ancienne

citadelle voulue par Richelieu, a été détruit en 1907, quand le pertuis d’entrée dans le port a été agrandi à trois cents mètres par le report de la digue sud au début des années 1930. Les travaux réalisés, dont le développement de quais en eaux profondes, ont permis d’accroître l’attractivité du port du Havre, qui accueille en 1933 un dixième de tous les navires entrant dans les ports français : « Le Havre est maintenant un chef-d’œuvre de technique et, sinon le plus grand, du moins un des plus remarquables outils maritimes de l’Europe pour les besoins de son marché3. » Le gigantisme et le caractère industriel de ce port, dont les travaux seront inaugurés par le président Albert Lebrun en mai 1935, ne peuvent manquer d’intéresser Marquet. En 1935, Alphonse Saladin, conservateur du musée du Havre, fait l’acquisition d’une œuvre de cette série de 1934 directement auprès de l’artiste : L’Avant-Port du Havre (cat. 40). Ouvert à l’art de son temps, promoteur d’une galerie des modernes au musée, il prend résolument le contre-pied de son prédécesseur Alphonse Lamotte, qui avait œuvré pour renvoyer le dépôt par l’État du Port de Fécamp (1906) (cat. 21). Dès 1936, le musée de Strasbourg achète La Passerelle du Havre (cat. 41), issue de la même série.

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Le Havre - Hôtel Continental Carte postale, vers 1900-1910. Le Havre, archives municipales

Dans le tableau Le Quai du Havre (cat. 7) conservé à Liège, Marquet tourne son regard vers l’est pour une œuvre qui reprend là encore un point de vue déjà exploité par Pissarro en 1903. À gauche, on reconnaît le débouché de la rue Émile-Renouf. Une diagonale sépare la composition en deux, entre, à gauche, Le Havre côté ville, avec la masse ocre du quai de Southampton, et, à droite, l’étendue d’eau verdâtre de l’arrière-port. Une flottille de frêles embarcations mouille dans l’anse des Pêcheurs tandis que les bateaux affectés au trafic des passagers vers la Côte Fleurie sont accostés le long du Grand Quai. Reconnaissables à leurs cheminées blanches, ce sont, dans l’ordre, les bateaux pour Honfleur, Trouville et Caen (dont on ne distingue que la cheminée). Au fond, une forêt de grues portuaires se détache sur un ciel clair pour former l’horizon en fermant l’arrière-port. Le grand panneau publicitaire à gauche du tableau renvoie inconsciemment à l’œuvre réalisée en 1906 et aujourd’hui conservée à la National Gallery de Washington, Les Affiches à Trouville (fig. 37).

Très proches, les deux œuvres des musées du Havre (cat. 40) et de Strasbourg (cat. 41) sont réalisées depuis les fenêtres de l’hôtel Continental et donnent à voir la promenade entre les deux brise-lames de l’avant-port. Au fond se dessine la digue ouest, prolongée à droite par la digue sud. Comme une invitation au voyage, un paquebot

est amarré au quai d’escale dans le tableau du Havre, quand on reconnaît la silhouette foncée d’un remorqueur à droite dans celui de Strasbourg.

La dernière œuvre, L’Anse des pilotes, Le Havre (cat. 39), tout à la fois singulière et très structurée, est marquée par la présence forte de lignes horizontales qui caractérisent, au premier plan, la promenade en surplomb des briselames et, au second plan, le quai d’escale avec les postes à quai pour les paquebots. À droite, on reconnaît les postes pétroliers mis en service à partir de 1926 le long de la digue ouest par la Compagnie industrielle maritime : les grands pétroliers, qui ne peuvent remonter la Seine jusqu’à la raffinerie de Port-Jérôme, y accostent pour y décharger. Enfin, la verticalité est introduite dans le tableau par les pieux des brise-lames de l’avant-port, les silhouettes des promeneurs, le mât rouge du bateau au centre et les grues métalliques.

2 En 2004, sa petite-fille, Hélène Senn-Foulds, fait don au MuMa de la collection héritée de son grand-père. Le don est complété en 2015 par celui de son cousin par alliance, Pierre-Maurice Mathey.

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1 Archives Wildenstein Plattner Institude, Paris. 3 Claude Blanchard, « Le Havre, port des géants », Le Petit Parisien, 29 décembre 1934. Le Havre - Brises-lames et avant-port Carte postale, vers 1905-1906. Collection Daniel Haté

Cat. 7

Albert Marquet

Le Quai du Havre, 1934

Huile sur toile, 65 x 81 cm

Liège, musée des Beaux-Arts/La Boverie, BA. AMC.05b.1957.21568

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Fig. 49 Albert Marquet Le Quai du Havre, 1934 Huile sur toile, 65 x 81 cm Collection particulière
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Cat. 38

Albert Marquet

Le Port du Havre, après 1934

Lithographie, 32,5 x 40,5 cm

Le Havre, bibliothèque municipale EST G110

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Cat. 39

Albert Marquet

L’Anse des pilotes, Le Havre, 1934

Huile sur panneau, 32 x 41,5 cm

Collection particulière

Courtoisie Aguttes

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Cat. 40

Albert Marquet

Avant-port du Havre, 1934

Huile sur toile marouflée sur carton

33 x 40,8 cm

Le Havre, MuMa

Inv. A475

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Cat. 41

Albert Marquet

La Passerelle du Havre, 1934

Huile sur carton entoilé, 36,5 x 44,5 cm

Strasbourg, musée d’Art Moderne et Contemporain Inv. 55.974.0.816

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Dieppe 1937

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Georges Asselin, Dieppe. Le Marché Vers 1900 Négatif sur plaque de verre stéréoscopique Le Havre, archives municipales

1937 Dieppe

Ce dernier séjour d’Albert Marquet en terre normande est évoqué dans un courrier du 20 décembre 1937 adressé par Marcelle Marquet aux Manguin1. En 1902, Camille Pissarro avait déjà peint une importante série de vingt et une vues du port de Dieppe, avant de s’attacher l’année suivante à son ultime série portuaire, consacrée au Havre. Mais si Pissarro avait déambulé dans la ville, concernant Marquet, les seuls tableaux connus de ce séjour dieppois reprennent tous le même angle de vue sur l’avant-port. L’artiste occupe alors vraisemblablement une chambre dans un hôtel en surplomb du quai Henri-IV, à proximité de la gare maritime pour Newhaven, en Angleterre.

De cette ultime série normande, deux œuvres provenant de collections particulières sont aujourd’hui présentées au public. Dans la première (cat. 43), Marquet peint l’avantport de Dieppe par temps de pluie. Quelques piétons, dont un armé d’un parapluie, sont rapidement esquissés arpentant le quai. Leurs silhouettes se prolongent dans le miroir des chaussées lessivées par la pluie. On identifie la halle en gros aux poissons, inaugurée en 1926 sur l’île du Pollet (quai du Carénage), grâce à son clocheton. La seconde œuvre (cat. 42) se distingue de la précédente par l’accumulation de navires de pêche

(le hareng, d’octobre à janvier, et le maquereau, pendant la belle saison, sont les poissons les plus prisés des pêcheurs dieppois) amarrés au quai – rappelant que, éloigné de seulement cent soixante kilomètres, Dieppe est le port le plus proche de Paris et lui fournit l’essentiel de sa marée. Comme souvent dans les œuvres de Marquet, tant la présence que l’activité humaines ne sont que suggérées. Les quais Henri-IV et Duquesne sont pourtant le lieu d’une intense activité, à proximité immédiate du carreau des poissonniers et de la « malle anglaise » pour Newhaven.

De cette courte série, quatre tableaux sont identifiés aujourd’hui. L’un est exposé à la galerie Santee Landweer, à Amsterdam, en 1938. La même année, un autre est présenté à la Svenska Franska Konst Galleriet, à Stockholm, spécialisée dans l’art français, lors de l’exposition monographique consacrée au peintre du 28 avril au 15 mai, aux côtés d’œuvres réalisées par Marquet en Suède.

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1 Archives Jean-Pierre Manguin. Dieppe - La jetée - Entrée du steamer « France » Carte postale, vers 1900. Collection particulière

Le Port de Dieppe, 1937

Huile sur toile, 50 x 61 cm Collection particulière

Courtoisie Galerie de la Présidence, Paris

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Cat. 42 Albert Marquet
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Fig. 50 Albert Marquet Le Port de Dieppe, 1937 Huile sur toile, 46 x 60 cm Collection particulière
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Cat. 43

Albert Marquet

Le Port de Dieppe, 1937 Huile sur toile, 33 x 41 cm Collection particulière Courtoisie Artcurial, Paris

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Bernard Plossu Normandie. 2006 Tirage argentique noir et blanc sur papier 30 x 24 cm Collection de l’artiste

Merci monsieur Marquet

Marquet en Normandie, Le Havre, Fécamp, Honfleur et la Seine, les ports, les bateaux, des quais, des voiliers, toujours avec cette sublime sobriété qui transcende tout discours esthétique : ainsi que je l’avais déjà écrit dans mon texte pour l’exposition Marquet au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2016, « la force de la discrétion ». Là encore en Normandie, cette similitude avec la sobriété du 50 mm en photographie – mon credo. Donc, des tableaux en Normandie. Et je tombe sur deux toiles peintes dans le Cotentin… L’une en 1901, des collections du musée de Honfleur, une colline dans les tons brun-vert avec un chemin qui serpente, et l’autre en 1904, de la collection Peindre en Normandie, des falaises donnant sur une forte vague d’écume blanche : deux toiles sans aucun effet, mais avec, comme toujours chez Marquet, la force de la simplicité. On pense à Constant Permeke, à Gustave Courbet, à Emil Nolde aussi… Ces éléments simples, la terre, les plantes battues par le vent, la mer et le ciel, disent tout. En fait, cette simplicité ressemble au réel, à la sensation d’être vraiment là, avec le bruit et les odeurs… J’ai eu la chance de photographier plusieurs fois la Normandie, en noir et blanc : Honfleur, Le Havre et Rouen aussi. Mais là où j’ai vraiment communié avec cette région, c’était dans le Cotentin, sur ces sentiers sans fin où des arbres – rares – sont même inclinés par la seule force du vent. Là, j’ai pris le plus de photos, fasciné par cette ambiance qui me faisait tellement penser à Big Sur, cette superbe partie de la côte encore sauvage de Californie. Similitude inspirante et bouleversante. Là encore, Marquet, devant ces paysages de toute beauté, sait les traduire. J’oserais même qualifier sa force d’expressionniste, avec un aspect brut qui voisine avec certains expressionnistes allemands : plus proche d’eux que des impressionnistes. Qu’on me pardonne cette audace de dire cela, mais c’est ce que je ressens au plus profond de moi-même.

Mais la Normandie de Marquet, ce sont aussi les ports, les bateaux, les lignes de force, les quais, comme si tout était cadré avec l’évidence de la photographie. Fécamp et ses bateaux dont les mâts se reflètent tordus dans l’eau ; le Bassin du Havre (1906, collection MuMa) vertical, avec des personnages par-ci par-là ; Le Havre encore, juste un voilier à quai qui attend ; Le Havre à nouveau, le bassin du Roy et son ambiance silencieuse, mystérieuse d’ombre et de lumière, admirable tableau sur le temps et son odeur d’eau de mer ; puis Fécamp, avec ses petits personnages en noir sur la plage et des marins au premier plan assis sur un muret (1906, Centre Pompidou) : on dirait une photographie d’Henri Cartier-Bresson ! Puis Honfleur par beau temps (collection particulière), au calme métaphysique à la Carlo Carrà, en Italie : juste un petit voilier, un phare, une maison blanche, et tout est dit. Tout. Chef-d’œuvre sans aucun effet de séduction : Marquet n’est jamais tape-à-l’œil. Puis des tableaux des quais de Rouen (1912, collection particulière), plusieurs versions de ces embarcadères ou débarcadères, peu de gens, un petit remorqueur qui passe, des grues, là encore un silence métaphysique…

Que dire de plus ? Ce n’est pas seulement « la force de la discrétion », c’est même et aussi « l’évidence de la discrétion », cette fois-ci en Normandie, sur les quais des villes et le long des sentiers des paysages du Cotentin battus par le vent… Humblement, je dirais : « Merci Marquet », passionnément.

La Ciotat, janvier 2023

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Bernard Plossu Port-Racine, Cotentin. 2013 Tirage argentique noir et blanc sur papier 30 x 24 cm Collection de l’artiste
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Bernard Plossu Auderville, Cotentin. 2013 Tirage argentique noir et blanc sur papier 30 x 24 cm Collection de l’artiste
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Bernard Plossu Normandie. 1994 Tirage argentique noir et blanc sur papier 30 x 24 cm Collection de l’artiste
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Bernard Plossu Cotentin. 2013 Tirage argentique noir et blanc sur papier 30 x 24 cm Collection de l’artiste
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Le Havre. Mars 2014

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa

Acquisition avec l’aide du Fonds régional d’acquisition des musées (FRAM)

201
Bernard Plossu

Bernard Plossu

Le Havre. Octobre 2013

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa

Don de l’artiste, 2015

Bernard Plossu

Le Havre. Octobre 2013

Tirage argentique noir et blanc sur papier

1/30, 30 x 24 cm

Le Havre, MuMa, Acquisition avec l’aide du Fonds régional d’acquisition des musées (FRAM)

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Bernard Plossu Le Havre. Mars 2014 Tirage argentique noir et blanc sur papier 1/30, 30 x 24 cm Le Havre, MuMa Don de l’artiste, 2015
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Œuvres d’Albert Marquet conservées au MuMa

Bouquet de fleurs et pommes Vers 1898-1902

Huile sur toile, 33 x 22 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. 2004.3.45

Hist. Collection Olivier Senn (entré dans la collection à une date inconnue).

Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

Pivoines Vers 1898-1902

Huile sur toile, 33 x 25 cm

Signé en bas à gauche : marquet Inv. 2014.1.10

Hist. Collection Olivier Senn (entré dans la collection à une date inconnue).

Antoinette Rufenacht, par succession.

Donation Pierre-Maurice Mathey, 2005-2014.

Les Toits rouges Vers 1902-1904

Huile sur toile, 23,8 x 34,7 cm

Signé en bas à droite : marquet

Inv. 2004.3.47

Hist. Acquis de l’artiste par Eugène Blot, Paris, en 1904. Acquis chez Blot par Olivier Senn à une date inconnue.

Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

Balcon. Avenue de Versailles

1904

Huile sur toile, 45,9 x 55,7 cm

Signé et daté en bas à gauche : marquet 1904

Inv. 2004.3.46

Hist. Acquis de l’artiste par Georges Dussueil, Le Havre, vers 1910. Entré dans la collection d’Olivier Senn après 1937.

Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

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Vue d’Agay, les rochers rouges

1905

Huile sur toile, 5,7 x 81,5 cm

Signé en bas à droite : marquet

Inv. A473

Hist. Collection Charles-Auguste Marande (entré dans la collection à une date inconnue).

Legs Charles-Auguste Marande, 1936.

Le Port de la Ponche, Saint-Tropez

1905

Huile sur toile, 51 x 61,5 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. A474

Hist. Collection Charles-Auguste Marande (entré dans la collection à une date inconnue).

Legs Charles-Auguste Marande, 1936.

Quai des Grands-Augustins

Vers 1905-1906

Huile sur toile, 60 x 73 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. 2004.3.48

Hist. Collection Olivier Senn (entré dans la collection à une date inconnue).

Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

Quai de la Seine à Paris [Quai des Grands-Augustins]

Vers 1905-1906

Huile sur toile, 60,5 x 73,5 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. A472

Hist. Collection Charles-Auguste Marande (entré dans la collection à une date inconnue).

Legs Charles-Auguste Marande, 1936.

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Le Havre, le bassin 1906

Huile sur toile, 61 x 50 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. 2019.1.1

Hist Collection Bülher

Galerie Georges Moos, Genève (n° 149).

Collection particulière Europe (acquis auprès du précédent dans les années 1960).

Par descendance et vendu chez

Christie’s Londres 24 juin 2008, n° 43. « Le Port du Havre ».

Sotheby’s 4 décembre 2014, n° 28.

Christie’s, Londres 20 juin 2018, n° 45. Galerie de la Présidence, Paris.

Achat de la Ville du Havre en 2019 avec l’aide de l’État (Fonds du Patrimoine), la Région Normandie (FRAM), l’AMAM, et les entreprises Helvetia, Chalus Chégaray & Cie, CRAM et CRIC.

Pont Saint-Michel à Paris

1914

Huile sur carton, 16 x 22 cm

Signé en bas à gauche : marquet

Inv. 2014.1.11

Hist Collection Olivier Senn (entré dans la collection à une date inconnue).

Antoinette Rufenacht, par succession

Donation Pierre-Maurice Mathey, 2005-2014.

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Notre-Dame de Paris sous la neige

1916

Huile sur toile, 81 x 64,8 cm

Signé en bas à droite : marquet

Hist Galerie Druet, juin 1916.

Collection Henri Aubry.

1918 : Galerie Druet, Paris.

Collection Charles Pacquement, Paris.

1932 : galerie Georges Petit, Paris.

Collection J. Labbé, Paris.

Collection Madame Léon Labbé, Paris. Collection privée, Neuilly-sur-Seine. Galerie de la Présidence, Paris.

Collection particulière, Paris.

Donation au MuMa sous réserve d’usufruit, 2022.

Herblay. Automne. Le Remorqueur

1919

Huile sur carton entoilé, 33 x 41 cm

Signé en bas à droite : marquet

Inv. 2020.1.1

Hist Vente Galerie Druet le 4 novembre 1919. Vente à la Galerie Bernheim-Jeune le 6 novembre 1919.

Collection Jules Siegfried. Donation de la famille Siegfried, 2020.

209

La Baie d’Alger

1921 Huile sur carton 33 x 41 cm

Signé en bas à gauche : marquet Inv. 2014.1.12

Hist Acheté à l’artiste par Druet le 10 juin 1921 (stock n° 9470). Vendu à Olivier Senn le 19 juin 1922.Antoinette Rufenacht, par succession.

Donation Pierre-Maurice Mathey, 2005-2014.

Intérieur à Sidi-bou-Saïd Vers 1923 Huile sur toile marouflée sur carton toilé, 40,7 x 32 cm

Signé en bas à droite : marquet Inv. 2004.3.49

Hist Acquis de l’artiste par Druet, le 9 juin 1923 (n° de stock 10094). Collection Olivier Senn. Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

Avant-port du Havre

1934 Huile sur toile marouflée sur carton, 33 x 40,8 cm

Signé en bas à droite : marquet

Inv. A475

Hist Achat de la Ville du Havre, 1935.

210

Œuvres graphiques

Tous les dessins cités ci-dessous, à de rares exceptions indiquées, proviennent de la donation d’Hélène Senn-Foulds en 2004. Ils sont entrés à une date inconnue dans la collection d’Olivier Senn.

Fiacre (recto)

Attelage (verso –dessin très effacé)

Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 7,7 x 12,1 cm

Inv. 2004.3.203.8

Étude de personnage avec parapluie

1904

Encre de Chine sur papier vélin

15,3 x 8,5 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.193.1

Étude de personnage avec parapluie

1904

Encre de Chine sur papier vélin

16,7 x 6,2 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.193.2

Étude de personnage avec parapluie

1904

Encre de Chine sur papier vélin

14,7 x 9 cm

Signé en bas à droite : am Inv. 2004.3.193.3

Homme à la casquette

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin

28,4 x 18,4 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.194

211

Matisse en haut-de-forme (recto)

Tête d’homme de profil fumant la pipe (verso)

Vers 1900

Encre de Chine sur papier vélin,

18,6 x 27,7 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.195

Six têtes de femme dont trois avec fichu

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin

18,6 x 28,3 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.197

Autoportrait, calèche (recto)

Femme au parapluie (verso)

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin

19 x 28,2 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.198

212

Vieux à la casquette (recto)

Double portrait de Milcendeau (verso)

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin, 17,8 x 28,2 cm

Signé en bas à droite : am Graphite

Inscription au crayon en bas au milieu : Milcendeau Inv. 2004.3.200

Femme, enfant et homme de dos (recto)

Femme nue allongée (verso)

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin (recto)

Encre noire et crayon bleu (verso)

19,5 x 27,6 cm, Inv. 2004.3.196

Femme, personnage et parapluie, bicyclette

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin, 19,5 x 27,6 cm

Signé en bas à droite : am Inv. 2004.3.199

Femme sinueuse

Vers 1904

Encre de Chine sur papier vélin

28,5 x 18,8 cm

Signé en bas à droite : am

Inv. 2004.3.201

213

Homme endormi

Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 12 x 7,7 cm

Inv. 2004.3.203.1

Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 15,1 x 9,7 cm

Inv. 2004.3.203.2

Femme aux bottines de profil (recto)

Figure (verso – dessin

très effacé)

Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 15,9 x 8,7 cm Inv. 2004.3.203.4

Enfant (recto)

Homme de profil (verso- dessin très effacé)

Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 12 x 7,4 cm

Inv. 2004.3.203.3

214
Homme bedonnant

Femme marchant (recto)

Esquisse (verso – dessin très effacé) Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 15,2 x 8,9 cm Inv. 2004.3.203.6

Homme barbu au chapeau Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 12 x 7,4 cm Inv. 2004.3.203.5

Femme à la capeline (recto)

Femme à la capeline de dos (verso – dessin très effacé) Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 12 x 7,3 cm Inv. 2004.3.203.9

Nourrice poussant un landau (recto)

Homme qui marche vers la gauche (verso- dessin très effacé) Vers 1900-1904

Encre noire et pierre noire sur papier, 12 x 7 cm Inv. 2004.3.203.7

215

Audierne, la passerelle et la jetée

1928

Graphite, encre noire et aquarelle sur papier vélin, 17 x 25 cm

Signé et daté en bas à droite : marquet 1928

Inv. 2004.3.99

Hist Sans doute acquis par Olivier Senn à la galerie Druet, Paris, le 20 octobre 1930 (Audierne), n° 12339.

Donation Hélène Senn-Foulds, 2004.

Le Pont des Arts Vers 1946

Fusain sur papier vélin, 17,8 x 28,2 cm

Inv. 2004.3.202

216

Rouen, le pont transbordeur

1912

Dessin à l’encre de Chine sur papier, 9,3 x 17,5 cm

Signé en bas à droite : a marquet

Inv. AD99.2

Hist. Collection Charles-Auguste Marande (entré dans la collection à une date inconnue).

Legs Charles-Auguste Marande, 1936.

La Passante Sans date

Gravure sur bois, 20 x 12,5 cm

Signé en bas à gauche : marquet

VI/LX

Inv. E56.48

Hist. Don de M. Giacometti au nom de la Guilde de la gravure, Zurich, 1956

217

Bibliographie sélective

Georges Besson, Marquet, Collection « Les Cahiers d’Aujourd’hui », Ed. Crès et Cie, Paris, 1929.

George Besson, « 19, Quai SaintMichel » in Marquet, Dessins, Le Point, XXVII, Lanzac par Souillac, décembre 1943.

George Besson, Marquet. La cordialité pour le réel, Skira, Genève 1948.

Georges Besson, Marquet, Collection des maitres, Edition Braun et Cie, Paris 1949.

Gustave Coquiot, Cubistes, futuristes, passéistes : essai sur la jeune peinture et la jeune sculpture, Ollendorf, Paris, 1914.

Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’occident et le désir de rivage, Paris, Champs Histoire, 2018.

Bruno Delarue, Marquet au Havre, coll. Monographies citadines, Éd. Terre en vue, Fécamp, 2015.

François Fosca, A. Marquet, Éditions de la Nouvelle Revue française, « Les Peintres nouveaux », n° 12, Paris, 1922.

Claudine Grammont, Matisse-Marquet : correspondance 1898-1947, La Bibliothèque des arts, Lausanne, 2008.

Francis Jourdain, « Chronique artistique – Réflexions d’un vieil artiste à propos des exigences de la « phynance » et à propos de l’exposition Marquet », in La Pensée : revue du rationalisme moderne, novembre 1948, pp. 103-111.

Francis Jourdain, A. Marquet, éd. Cercle d’art, Paris, 1959.

Géraldine Lefebvre, « Albert Marquet » in cat. exp. Le Cercle de l’art moderne. Collectionneurs d’avant-garde au Havre, Paris, musée du Luxembourg, 19 septembre 2012-6 janvier 2013, p. 142 et suiv.

Marcelle Marquet, Marquet, Paris, Robert Laffont, 1951.

Marcelle Marquet et François Daulte, Marquet, Éditions SPES, « La Bibliothèque des arts », Lausanne, 1953.

Marcelle Marquet, Albert Marquet, Paris, Hazan, 1955.

Marcelle Marquet, Marquet. Voyages, Skira, Lausanne, 1968.

Jean-Claude Martin et Guy Wildenstein, Guy, Marquet. L’Afrique du Nord. Catalogue de l’œuvre peint, Paris/Milan, Wildenstein Institute/Skira, 2001.

Claude Roger-Marx, « Marquet », in Gazette des Beaux-Arts, n° 905, mars 1939, pp. 175-193.

Marius Mermillon, Marquet, « Les Artistes nouveaux », Éditions Georges Crès & Cie, Paris, 1929.

Pierre Sanchez, Les expositions de la galerie Eugène Druet, répertoire des artistes exposants et liste de leurs œuvres, 1903-1938, Dijon, Éd. L’échelle de Jacob, 2009.

Emil Szittya, Marquet parcourt le monde, « Portraits contemporains », Paris, 1950.

Louis Vauxcelles, « Les Fauves. A propos de l’exposition de la Gazette des Beaux-Arts », in Gazette des BeauxArts : courrier européen de l’art et de la curiosité, juillet 1934, pp.274-282.

Léon Werth, Éloge d’Albert Marquet, illustré de 11 gravures originales dont 5 hors-texte d’Albert Marquet, Paris, Éditions Manuel Bruker, 1948.

218

Expositions récentes

1998

Marquet, Lodève, musée de Lodève, hôtel du Cardinal de Fleury, 27 juin-1er novembre 1998.

2000

Painters in Paris : 1895-1950, New York, The Metropolitan Museum of Art, 8 mars-31 décembre 2000.

2001

Albert Marquet, Bilbao, Museo de Bellas Artes, 26 janvier-16 avril 2001.

Albert Marquet. Journal de bord en Méditerranée, Saint-Tropez, musée de l’Annonciade, 2 juin-1er octobre 2001.

Eaux en couleurs. Camoin, Manguin, Marquet, Matisse, L’Isle-sur-laSorgue, centre d’art Campredon, 7 juillet-14 octobre 2001.

2002

Albert Marquet, du fauvisme à l’impressionnisme dans les collections du Centre Pompidou/MNAM et du musée d’Art moderne de Troyes, Columbia, Columbia Museum of Art, 13 octobre-13 décembre 2001 ; Fort Lauderdale, Museum of Art, 20 janvier-7 avril 2002 ; Athens, Georgia Museum of Art, 27 avril-7 juillet 2002 ; Memphis, Dixon Gallery and Gardens, 28 juillet-29 septembre 2002 ; San Antonio, Mc Nay Art Museum, 8 octobre 2002-5 janvier 2003.

Albert Marquet. Peintures et dessins, collection du musée des Beaux-Arts, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 31 mai-15 septembre 2002.

2003

Collection du Centre Pompidou, musée national d’art moderne, et du musée d’Art moderne de Troyes, Troyes, musée d’Art moderne, 31 janvier-31 mars 2003. Marquet au fil de l’eau, Québec,

musée national des Beaux-Arts, 29 mai-7 septembre 2003.

Albert Marquet, l’intelligence du trait, Paris, galerie Antoine Laurentin, 6 juin-11 juillet 2003.

2004

Marquet : frühe Zeichnungen, Munich, Staatliche graphische Sammlung, 12 mars-28 avril 2004.

Albert Marquet. Vues de Paris et de l’Îlede-France, Paris, musée Carnavalet, 20 octobre 2004-23 janvier 2005.

2005

Albert Marquet. Images d’une petite ville arabe and Other Works, Londres, Wolseley Fine Arts, 9 novembre-17 décembre 2005.

2007

Désirs d’Orient, de Delacroix à Dufy, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, 28 janvier-28 mai 2007.

2008

Albert Marquet et ses amis en Algérie. Artistes et mécènes, 1920-1947, Saint-Raphaël, centre culturel, 21 mars-2 août 2008.

Albert Marquet. Itinéraires maritimes, Paris, musée de la Marine, 15 octobre 2008-2 février 2009.

2009

De Courbet à Picasso. musée Pouchkine Moscou, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 19 juin-22 novembre 2009.

2011

De Delacroix à Marquet. Donation Senn-Foulds, dessins, Le Havre, musée Malraux, 12 mars-22 mai 2011.

2012

Le Cercle de l’art moderne. Collectionneurs d’avant-garde au Havre, Paris, musée du Luxembourg, 19 septembre 20126 janvier 2013.

2013

Albert Marquet. Les bords de Seine, de Paris à la côte normande, Pontoise, musée Tavet-Delacour, 13 octobre 2013-16 février 2014.

2016

Albert Marquet, peintre du temps suspendu, Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mars-21 août 2016.

Albert Marquet, fenêtre grande ouverte, Moscou, musée Pouchkine, 27 septembre 2016-8 janvier 2017.

2019

La Méditerranée, d’une rive à l’autre Marquet, Sète, musée Paul Valéry, 29 juin-3 novembre 2019.

Raoul Dufy au Havre, Le Havre, MuMaMusée d’art moderne André Malraux, 18 mai-3 novembre 2019.

Marquet, la Méditerranée d’une rive à l’autre, Sète, musée Paul Valéry, 29 juin-3 novembre 2019.

2021

Rendezvous der Freunde. Camoin, Manguin, Marquet, Matisse, Münster, Kunstmuseum Pablo Picasso, 8 octobre 2021-16 janvier 2022.

Marquet. Paris mon amour, Paris, galerie de la Présidence, 22 novembre 2021-29 janvier 2022.

219

Chronologie

Cette chronologie s’appuie pour l’essentiel sur celle publiée dans le tome I du catalogue raisonné de l’œuvre peint d’Albert Marquet (L’Afrique du Nord), édité en 2001 par le Wildenstein Institute.

1875

Naissance le 26 mars à Bordeaux de Pierre Léopold Albert Marquet, dans un milieu modeste : son père est employé des chemins de fer.

Peu porté sur l’étude, d’un tempérament timide et affecté d’un pied bot qui l’empêche de se mêler aux jeux des autres enfants, le jeune Marquet se réfugie dans le dessin.

1890

Installation rue Monge, à Paris, où la mère de Marquet, convaincue des talents artistiques de son fils, achète une petite boutique, « Jours et Broderies ». Le père reste à Bordeaux dans l’attente de sa retraite.

Le garçon s’inscrit à l’École nationale des arts décoratifs, où il rencontre Henri Manguin.

1892

Rencontre avec Henri Matisse, avec qui il noue une amitié solide.

1894

Entrée à l’École nationale des beaux-arts, où il retrouve Matisse dans l’atelier de Gustave Moreau. Il copie les maîtres dans les galeries du Louvre : Titien, Véronèse, Poussin, le Lorrain ou Chardin.

1898

Suite au décès de leur maître Moreau, Marquet et Matisse s’inscrivent dans une académie privée, rue de Rennes, où Eugène Carrière enseigne. Marquet se lie avec Charles Camoin.

1899

Premières expositions du jeune peintre : en mai au salon de la Société nationale des beaux-arts, à Paris, puis en juillet-août au Salon de Grenoble.

À Paris, Manguin s’installe au 61, rue Boursault, dans le quartier des Batignolles, où il dispose d’un atelier démontable et invite ses amis à venir y peindre. Marquet expérimente avec Matisse, dans des toiles réalisées à Arcueil et dans la banlieue parisienne, une manière qui annonce le fauvisme.

1900

Tout en continuant le travail en atelier, Marquet travaille avec Matisse pour le décorateur Marcel Jambon aux frises du Grand Palais à l’occasion de l’Exposition universelle.

220
Marquet enfant, vers 1860 L’atelier de Gustave Moreau aux Beaux-Arts en 1897 Marquet agé de dix ans environ Classe de l’école des Beaux-Arts. Marquet est le 4e en haut en partant de la gauche

1901

Première participation au Salon des indépendants.

1902

Première exposition commune de Marquet et Matisse à la toute jeune galerie Berthe Weill, rue Victor-Massé, à Paris. Marquet loue une chambre au 25, quai de la Tournelle, d’où il peint une série de l’abside de Notre-Dame.

1903

La famille Marquet déménage au 211 bis de l’avenue de Versailles, à proximité de la porte de Saint-Cloud. Le jeune artiste peint des vues sur les toits depuis les fenêtres de l’appartement. Deux de ces vues sont aujourd’hui conservées au MuMa.

Il passe l’été en Normandie. Sillonnant la côte, il peint avec Manguin à la Percaillerie. Ce lieu-dit de la commune des Pieux l’émerveille par sa nature sauvage. Matisse, retenu dans l’Aisne pour cause de maladie, ne peut les rejoindre. Participation au premier Salon d’automne, où Marquet expose trois de ses œuvres normandes : Une Falaise (nº 381), En Normandie (nº 382) et La Barrière (nº 383).

1904

Il réalise à la demande de l’écrivain Charles-Louis Philippe une série de lavis pour illustrer Bubu de Montparnasse, finalement refusés par l’éditeur. Le MuMa conserve plusieurs de ces dessins de rue, achetés par Olivier Senn puis donnés au musée par Hélène Senn-Foulds en 2004. Au Salon d’automne, l’État achète Les Arbres à Billancourt, œuvre aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

1905

Marquet emménage au 25, quai des Grands-Augustins, où il commence une série de vues du quai en direction du pont Saint-Michel et de Notre-Dame.

Invité par Manguin sur la Côte d’Azur, il s’installe dans le port de Saint-Tropez, où Camoin le rejoint. Il participe à l’exposition de la Société des amis des arts du Havre avec Paysage à Saint-Tropez et Port de SaintTropez. Un contrat d’exclusivité signé avec la galerie Druet, à Paris, lui assure un certain confort financier. Au Salon d’automne, il participe au scandale des Fauves suscité par les toiles aux grands aplats de couleur pure présentées par Camoin, Derain, Dufy, Manguin, Matisse ou Vlaminck. Marquet est le plus modéré de ces artistes. Au Salon des indépendants, l’État lui achète Notre-Dame au soleil, tableau aujourd’hui déposé au musée des Beaux-Arts de Pau.

1906

Eugène Druet ne peut garder l’exclusivité de son contrat avec Marquet et doit le partager avec la galerie Bernheim-Jeune. L’artiste expose au Salon des indépendants. Le 13 mai, mort de son père.

Marquet participe à la première exposition du Cercle de l’art moderne, au Havre, avec deux œuvres : Quai des

221
Portrait de G. Jean-Aubry, vers 1919. Photographies, New York, the Pierpont Morgan Library Marquet devant une statue de Matisse

Grands-Augustins, temps gris et Quai des Grands-Augustins, brouillard. Logé chez le critique G. Jean-Aubry, cofondateur et secrétaire du cercle, il visite l’exposition. Il revient au Havre en juillet, où il séjourne à l’hôtel du Ruban-Bleu. Il y retrouve Raoul Dufy, avec qui il peint. Sensiblement du même âge, les deux artistes parcourent la Normandie de Trouville à Fécamp en passant par Honfleur. Participation au Salon d’automne avec huit toiles, dont cinq réalisées en Normandie cette année-là : 14 juillet ; Trouville ; Bassin du Havre ; Port de Fécamp et Plage de Fécamp (cat. 20). Le 29 décembre, Le Port de Fécamp (cat. 21) est acquis par l’État et déposé, à la demande de l’artiste, au musée du Havre. Le conservateur, Alphonse Lamotte, qui s’est déjà farouchement opposé à l’acquisition trois ans plus tôt des deux toiles de Camille Pissarro, trouve là un nouveau cheval de bataille et n’a de cesse de s’en débarrasser. Cédant aux injonctions de Lamotte, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts demandera en 1913 la restitution de la toile avant de l’attribuer au musée de Quimper, privant le musée du Havre d’une belle œuvre fauve.

1907

En février, première exposition monographique à la galerie Druet, avec trente-neuf œuvres dont neuf vues normandes : Port du Havre ; deux Bassin du Havre ; Bassin du Havre, 14 juillet ; Le Havre ; Rue du Havre ; Plage du Havre ; Trouville et Port de Fécamp

En avril, Marquet visite Londres en compagnie de Camoin et de Friesz. Il y retourne en juillet.

En mai-juin, il participe à la 2e exposition du Cercle de l’art moderne, au Havre, avec Dessus de toits et Notre-Dame

Il vend ses deux toiles grâce à Jean-Aubry.

Le 25 août, décès de sa mère, qui a toujours cru en son talent et a tout mis en œuvre pour encourager sa carrière artistique.

En novembre, il expose Étude avec le groupe des XXX, artistes et littérateurs indépendants, à la galerie Legrip, à Rouen, où il côtoie Derain, Dufy, Friesz, Matisse et Prunier.

1908

Début janvier, Marquet emménage dans l’atelier quitté par Matisse, au 19, quai Saint-Michel, à Paris.

En juin, il présente deux peintures, Quai Bourbon et Pont-Marie, et deux dessins, Barques et Nu, à la 3e exposition du Cercle de l’art moderne. En juin-juillet, il voyage en Italie avec Manguin.

1909

En juin, 4e exposition du Cercle de l’art moderne, avec Pont Saint-Michel, neige et Pont Saint-Michel, fin de neige Séjour en Allemagne (Hambourg et Berlin).

1910

Le collectionneur russe Sergueï Chtchoukine achète plusieurs œuvres de Marquet à la galerie Druet. Rencontre avec George Besson, qui devient l’un de ses collection-

neurs et critiques. Exposition à la société Manès, à Prague, puis, en mars, à la Libre Esthétique, à Bruxelles.

1911

Installé à la ferme Saint-Siméon, à Honfleur, Marquet peint plusieurs vues du petit port normand. Il envoie le 22 juin une carte enthousiaste à Camoin. Il expose au Salon d’automne plusieurs toiles, dont Le Port de Honfleur.

1912

En mai, séjour à Rouen. Installé à l’hôtel de Paris, sur le quai de Paris, l’artiste étudie les effets de pluie. Après être rentré à Paris, il repart à Rouen fin juin. Il y est rejoint par Matisse en juillet. Il revient à Rouen en octobre pour finir les toiles entreprises durant l’été. Au Salon des indépendants, il expose deux toiles, dont Honfleur (le port). Arthur Hahnloser achète un Port du Havre peint vers 1911.

1913

Du 31 mars au 12 avril, exposition à la galerie Druet de quarante-sept œuvres, dont quinze vues normandes réalisées à Honfleur en 1911 (Soleil ; Marée basse ; Bateaux de pêche ; Marée basse et Bassin) et à Rouen en 1912 (Pont Boïeldieu, pluie ; Quai de Paris, pluie ; Quai de Paris ; deux Pont transbordeur ; Quai de Paris, temps gris) et 1913 (deux Quai de Paris, temps gris ; Quai de Paris, pluie et Quai de Paris, soleil).

1914

Séjour aux Pays Bas. Mobilisation générale. Marquet est réformé.

222
Albert Marquet en 1913

1917

À la suite d’une vente de tableaux au profit de la Fraternité des artistes, Marquet est invité avec Matisse à déjeuner chez Claude Monet à Giverny.

1918

Il expose au Salon de Rouen Quai de Rive-Neuve (Marseille) et deux Quai de Marseille.

1920

Premier séjour en Algérie.

1921

Il expose au Salon de Rouen Paysage à Samois

1923

À Alger, mariage avec Marcelle Martinet, écrivaine, qui publiera sous le pseudonyme de Marcelle Marty. Le couple partage son temps entre Alger, où il passe l’hiver, et la France ou l’étranger.

1925

Séjour en Norvège à l’invitation de Walther Halvorsen, peintre, ancien élève de Matisse et critique d’art, qui organise des expositions de peintres français en Suède et en Norvège.

1926

Marquet est célébré à la XVe Exposition internationale de Venise, avec quinze de ses œuvres.

1927

Croisière en Méditerranée (Italie, Sicile, Grèce, Constantinople et Beyrouth).

De juin à août, séjour en Normandie où, conseillé par Paul Signac, le couple Marquet s’installe dans une pension de Vieux-Port, en bordure de Seine. Camoin et Besson lui rendent visite. Il pleut beaucoup et le couple se déplace à Rouen. Pour changer de point de vue, l’artiste va jusqu’à Canteleu, où il peint des vues presque identiques, qui se distinguent toutefois par la luminosité ou par la présence humaine plus ou moins importante. Lassés de la pluie, les Marquet rejoignent Saint-Jean-de-Luz. Court séjour à Honfleur.

Marc Vaux, Portrait d’Albert Marquet au balcon de son immeuble 1 rue Dauphine, Paris, 1945 Paris, Centre Pompidou-MNAM/ CCI-bibliothèque Kandinsky

223

1928

Voyage en Égypte.

Du 30 avril au 11 mai, exposition à la galerie Druet de soixante-deux œuvres, dont dix vues réalisées dans les environs de Rouen : Vieux-Port. La terrasse ; deux VieuxPort La Seine ; Vieux-Port. L’église ; Vieux-Port. Le matin ; Canteleu. Après-midi de soleil ; Canteleu. Brouillard ; Canteleu. Temps gris ; Vue de Rouen dans la brume ; La Seine et la forêt de Brotonne

1931

En mars, exposition commune de Marquet et Camoin au musée de Rouen.

Acquisition d’un appartement au 1, rue Dauphine, à Paris, « à cause des fenêtres » donnant sur le Pont-Neuf, l’île de la Cité et Notre-Dame.

1933

Croisière sur la Méditerranée, la mer Noire et le Danube, d’où Marquet rapporte nombre de dessins et aquarelles.

1934

Voyage en URSS.

À la mi-septembre, arrivée des Marquet au Havre. Madame Druet leur écrit : « Je vous rappelle que M. O. Senn pourrait donner à votre mari des facilités de travail dans le port. » Le couple s’installe durant trois semaines à l’hôtel Continental, face à l’avant-port.

1935

Acquisition par le musée du Havre de la toile Avant Port du Havre (cat. 40). Le musée de Strasbourg achète à l’artiste l’année suivante une toile de la même série (cat. 41). Il expose à la Société des artistes rouennais Canteleu (brouillard)

À l’hiver, départ pour la Suisse, où il passe plusieurs mois.

1936

Entrée de quatre œuvres de Marquet dans les collections du musée du Havre grâce au legs Marande : Quais de la Seine à Paris ; Le Port de la Ponche, Saint-Tropez  ; Vue d’Agay, les rochers rouges (fig. 9) et un dessin, Rouen, le pont transbordeur (cat. 28).

1937

Séjour à Dieppe.

1938

Séjour de deux mois à Stockholm. Une exposition des œuvres réalisées à cette occasion est organisée à la Svensk Franska Konstgalleriet.

1940-1945

Inquiété après avoir signé la protestation des artistes et intellectuels contre le nazisme, Marquet part en Algérie en septembre 1940 et demeure durant tout le conflit entre Alger et Djenan Sidi-Saïd. Les toiles de son atelier parisien sont sauvées par Louis Martinet, oncle de Marcelle Marquet, et réparties chez des amis.

1945

Retour des Marquet en France. Le peintre adhère au Parti communiste français. Le 4 août, un décret le nomme « peintre honoraire du département de la Marine ».

1947

Diminué par la maladie mais ne pouvant résister à la vue de Paris sous la neige, Marquet peint ses dernières toiles en février. Il meurt à Paris, son « port d’attache », le 14 juin.

1949

Exposition Marquet au musée de Rouen.

2004

Entrée de vingt-sept œuvres (vingt-deux dessins et cinq peintures) de Marquet dans les collections du MuMa grâce à la donation par Hélène Senn-Foulds de la collection héritée de son grand-père, Olivier Senn.

2015

Le don Pierre-Maurice Mathey fait entrer dans les collections du MuMa trois nouvelles peintures issues de la collection d’Olivier Senn : Pivoines, Pont Saint-Michel à Paris et La Baie d’Alger

2019

Acquisition par le MuMa de Le Havre, le bassin (cat. 1), deuxième œuvre de Marquet achetée par le musée sur les trente-sept que comptent ses collections.

2020

Don par M. Jean Siegfried, au nom de la famille Siegfried de Herblay. Automne. Le Remorqueur, peint en 1919.

2022

Don au MuMa sous réserve d’usufruit de Notre-Dame de Paris sous la neige, tableau peint 1916.

224
Anonyme, Canteleu, Hôtel « Au rendez vous de la chasse », vers 1900
Anonyme, Rouen, les quais et le pont transbordeur, vers 1912
Anonyme, Le Havre, L'Anse des pilotes et le Grand Quai, 1902 Le Havre, archives municipales Marcel Maillard, Le Steamer « Versailles » au port de Dieppe, 1931 Paris, BNF

Crédits photographiques

Besançon : © Bibliothèque municipale de Besançon : p. 28 ; © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – P. Guénat, p. 136

Bordeaux : © Mairie de Bordeaux, musée des Beaux-Arts/Frédéric

Deval : p. 14 ; p. 51 ; p. 88 ; p. 120 ; p. 154 (détail) ; p. 171

Boston : Museum of Fine Arts : p. 39 (haut)

Brest/Lorient : © Thierry-Lannon et associés : p. 124 (détail) ; pp. 128-129

Caen : © Musée des beaux-arts de Caen/Patricia Touzard : p. 60 (détail) ; p. 69 ; © Région Normandie/ Inventaire général/Patrick Merret : p. 75 ; p. 115

Chaville : Courtoisie Chaville

Enchères : p. 101

Cherbourg-en-Cotentin : musée

Thomas Henry p. 20 ; Archives de la Manche/conseil départemental : p. 62-63

Coll. part : p. 16 ; p. 54 ; p. 98-99 ; p. 112 ; pp. 126-127 ; 140-141 ; p. 156-157 ; p. 175 ; p. 189 ; p. 224

Dinard : galerie Winston : p. 67

Florence : ©The Morgan Library & Museum/Art Resource, NY/Scala : p. 221 (bas)

La Ciotat : © Bernard Plossu pp. 194-205.

Lausanne : © musée cantonal des beaux-arts, p. 49 (haut) ; © Giorgio Skory : p. 165

Le Havre : Archives municipales : pp. 78-79 ; p. 174 ; p. 188 ; pp. 228-229 ; MuMa : p. 213 (bas) ; p. 217 (haut) ; Le Havre, bibliothèque municipale : pp. 22-23 ; p. 24 (détail) ; p. 180  ; MuMa/David Fogel : p. 206 (milieu) ; p. 207 (en bas à gauche) ; MuMa/ Charles Maslard : p. 10 ; p. 30 (haut) ; p. 76 (détail) ; p. 91 ; p. 142 ; p. 206 (en haut à droite et en bas) ; p. 207 (en haut à gauche) ; p. 208 ; p. 209 (haut à gauche) ; p. 212 (en haut à droite) ; p. 213 (en haut à droite et milieu à droite) ; p. 214 (en bas à droite) ; p. 215 (droite) ; MuMa/Florian Kleinefenn : p. 30 (bas) ; p. 34 ; p. 37 (bas) ; p. 45 ; p. 183 ; p. 206 (en haut à gauche) ;

p. 207 (à droite) ; p. 209 (haut à droite et bas) ; p. 211 ; p. 212 (en haut à gauche, au milieu et en bas) ; p. 213 (en haut à gauche et milieu à gauche) ; p. 214 (en haut et en bas à gauche) ; p. 215 (colonne de gauche et du milieu) ; p. 216 ; p. 217 (bas) ; Liège : ©Musée des Beaux-Arts de Liège/La Boverie : p. 31 ; p. 172 (détail) ; p. 177.

Lyon : © Lyon MBA – Photo Martial Couderette : p. 33 ; p. 153.

Paris : © Courtoisie Aguttes : p. 181 ; © Courtoisie Artcurial : p. 186 (détail) ; pp. 192-193 ; © Bibliothèque nationale de France : pp. 6-7 ; pp. 230-231 ; © Museum of Fine Arts, Houston/ Museum purchase funded by Audrey Jones Beck/Bridgeman Images : p. 25 ; © Fine Art Images/ Bridgeman Images : p. 49 (bas) ; p. 130 ; © Bonhams, London, UK/ Bridgeman Images : p. 179 ; © Bridgeman Images : p. 46 (en bas à gauche) ; p. 52 ; p. 100 ; p. 107 ; p. 135 ; p. 163 ; p. 166 ; © Christie's Images/Bridgeman Images : p. 65-66 ; pp. 26-27 ; p. 39 (bas) ; p. 103-104 ; p. 137 ; p. 143 ; p. 159 ; p. 167 ; p. 170 © Sotheby's/Bridgeman Images : p. 46 (haut à droite) ; p. 93 ; p. 105 ; p. 133 ; p. 191 ; Dallas Museum of Art/ Bridgeman Images : p. 47 ; Galerie Cazeau-Béraudière : p. 29 (haut) ; p. 94 ; Galerie Bérès, p. 160 ; Galerie de la Présidence : pp. 122-123 ; p. 138 (détail) ; p. 144 ; p. 147 ; p. 210 ; © The Wildenstein Plattner Institute, Inc : p. 190 ; p. 220, p. 221 (haut), p. 222 ; RMN : ©RMN-Grand Palais/ Philipp Bernard : p. 110 (détail) ; p. 116 ; © Photo RMN - Gérard Blot : p. 41 (haut) ; © Photo RMN - Hervé Lewandowski : p. 42 ; © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais/Philippe Migeat : p. 92 ; p. 108 ; © Photo CNAC/MNAM Dist. RMN - Jean-Claude Planchet : p. 44 ; © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais/Jean-Claude Planchet : p. 85 ; p. 149 ; © Centre Pompidou, MNAM-CCI/ Bertrand Prévost : p. 37 (haut) ; p. 46 (en bas à droite) ; © RMN-Grand Palais/ Mathieu Rabeau : p. 168 ; © RMNGrand Palais - Benoit Touchard : p. 29 (bas) ; p. 95 ; © RMN - Grand Palais -

Michel Urtado : p. 41 (bas) ; © Centre Pompidou, MNAM-CCI Bibliothèque Kandinsky, Dist. RMN-Grand Palais/ Fonds Marc Vaux : p. 223 ; © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais/image of the MMA : p. 46 (en haut à gauche) ; © SuperStock/Leemage : p. 40 (bas) ; p. 86 ; Quimper : © MBA Quimper/ Bernard Galéron : p. 119, p. 121

Rouen : © C. Lancien, C. Loisel/ Réunion des Musées Métropolitains

Rouen Normandie : p. 32 ; ©Archives départementales de la Seine-

Maritime : pp. 8-9 ; p. 113 ; pp. 226-227

Saint-Louis : © Saint-Louis Art

Museum : p. 151

Strasbourg : © Musées de Strasbourg : p. 38 ; p. 73 ; p. 185

Trouville-sur-mer : © Illustria, p. 21 ; p. 71 ; p. 134

Villeneuve-les-Avignon : © Fabrice

Lepeltier, p. 74

Wikimedia Commons : p. 48

Zurich : © Fondation collection

Emil Bührle, Zuich/ISEA/Kunsthaus

Zürich : p. 40 (haut) ; © Reto Pedrini, Zurich : p. 49 (milieu) ; p. 97 ; Kunsthaus Zürich : p. 80 ; 82 ; © Hans Humm, Zürich : p. 131

Éditions Octopus

Oissel-sur-Seine

ISBN : 978-2-900314-38-8

Achevé d’imprimer sur les presses de PBTisk en avril 2023.

Titre composé en Boutique, créé par Timo Gaessner pour la fonderie Milieu Grotesque. Texte composé en Freight display créé par Joshua Darden.

© MuMa, Le Havre, 2023

© Éditions Octopus, 2023

© Pour leurs textes : les auteurs © Adagp, Paris, 2023 pour les œuvres de Raoul Dufy reproduites p. 26, 29, 45, 92, 94, 100, 104, 108.

232

MARQUET en Normandie

Voyageur infatigable, Albert Marquet sillonne la côte normande de 1903 à 1937 au cours de sept séjours (Flamanville, Le Havre, Fécamp, Trouville, Honfleur, Rouen, Vieux-Port et Dieppe) où il est entraîné par Henri Manguin puis Raoul Dufy, Henri Matisse, Paul Signac et Félix Vallotton.

Il y trouve un terrain d’expérimentation pour son travail sur la couleur et les motifs qu’il ne cessera de peindre toute sa vie bien au-delà de la Normandie : le monde maritime, le port et ses activités humaines, la plage, les bateaux et avant tout l’eau dont il a gardé le goût depuis son enfance bordelaise.

« Plein-airiste d’atelier », Marquet peint depuis sa fenêtre et invente en Normandie la formule d’un paysage vu en surplomb, à l’abri des regards indiscrets, avec un sens du cadrage, de la synthèse des formes et un goût très sûr de la couleur.

« Je ne sais ni écrire ni parler mais seulement peindre et dessiner. Regardez ce que j’ai fait. Ou je suis arrivé à m’exprimer ou j’ai échoué, en tout cas, que vous ne compreniez pas, par votre faute ou par la mienne, je ne peux pas faire plus ».

Albert Marquet

30 € 978-2-900314-38-8
OCTOPUS éditions

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Articles inside

Chronologie

13min
pages 222-226, 231, 233-234

Expositions récentes

2min
page 221

Bibliographie sélective

1min
page 220

Merci monsieur Marquet

2min
pages 197-201, 203-206

Dieppe 1937

1min
pages 190-193, 195-196

Le Havre 1934

4min
pages 176-178, 180, 182-184, 186, 188

1927 Vieux-Port Canteleu La Mailleraye

6min
pages 158-160, 163-164, 166-169, 171-172

Rouen 1912

6min
pages 142-145, 147-148, 150, 152-154, 156

Honfleur 1911

2min
pages 128-130, 132-140

Fécamp 1906

5min
pages 114-116, 119-120, 122-124, 126

1906 Le Havre Trouville

6min
pages 80-81, 83, 85-86, 89, 91-92, 94-96, 98, 102-104, 106-108, 111-112

La Percaillerie 1903

3min
pages 64-66, 68-70, 72, 74, 76-78

Marquet ou la poésie du banal Itzhak

11min
pages 57-59, 62

Carnets de voyage Marquet en Normandie

19min
pages 37-43, 45-53, 55-56

Marquet au MuMa, comme une évidence

10min
pages 19-23, 27-29, 31-36

Remerciements

3min
pages 14-16

Préface Édouard Philippe

1min
page 13

Chronologie

13min
pages 222-226, 231, 233-234

Expositions récentes

2min
page 221

Bibliographie sélective

1min
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Merci monsieur Marquet

2min
pages 197-201, 203-206

Dieppe 1937

1min
pages 190-193, 195-196

Le Havre 1934

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pages 176-178, 180, 182-184, 186, 188

1927 Vieux-Port Canteleu La Mailleraye

6min
pages 158-160, 163-164, 166-169, 171-172

Rouen 1912

6min
pages 142-145, 147-148, 150, 152-154, 156

Honfleur 1911

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pages 128-130, 132-140

Fécamp 1906

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1906 Le Havre Trouville

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La Percaillerie 1903

3min
pages 64-66, 68-70, 72, 74, 76-78

Marquet ou la poésie du banal Itzhak

11min
pages 57-59, 62

Carnets de voyage Marquet en Normandie

19min
pages 37-43, 45-53, 55-56

Marquet au MuMa, comme une évidence

10min
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Remerciements

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Préface Édouard Philippe

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