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Pusha Petrov Bobine d’Ariane
présenté au Musée industriel de la Corderie Vallois, Notre-Dame-de-Bondeville au travers du regard d’Ami Barak
Pusha Petrov utilise l’image photographique à bon escient : en observant adroitement l’intimité des personnes, en mettant en exergue les détails de leur existence quotidienne et leurs attitudes spécifiques qui aboutissent à préserver la singularité de chacun. Ses arrêts sur image d’objets, de personnes ou d’espaces habités ou censés l’être dénotent symboliquement l’ordinaire des gens et offrent une lecture sociologique et esthétique des modes de vie. Pour la série Cousu au fil blanc réalisée lors d’une résidence à la Cité internationale des arts de Paris, Pusha Petrov a réussi à se faire accepter dans l’intimité des salons de coiffure africains du quartier de Château d’eau en questionnant les fonctions sociales et communautaires des coiffes tressées. Pour leur donner une forme, les nattes et les tresses sont attachées avec des fils, ensuite cachés. L’artiste les a laissées tel quel, comme reliquat analytique personnel. Le projet que l’artiste propose pour La Ronde, intitulé Bobine d’Ariane, est présenté au musée de la corderie Vallois, premier musée industriel de France. Pusha Petrov a voulu y ressusciter les archives photographiques de l’établissement en tirant les portraits des ouvrières de l’époque sur des bobines de coton, comme s’il s’agissait de « dérouler » à nouveau une histoire humaine, confrontée, au moment de la révolution industrielle, à la puissance productive des machines, à la perte des valeurs humaines et à un savoir-faire perpétuellement remis en cause par la
technologie. C’est donc un hommage à ces femmes qui avaient tant le souci du détail et de la perfection du geste, et qui furent sacrifiées, en fin de compte, sur l’autel du capitalisme triomphant. Dans l’histoire d’Ariane, le fil est conducteur et sauve Thésée qui retrouve son chemin dans le labyrinthe et échappe aux griffes du Minotaure. Mais il oubliera sa promesse d’épouser Ariane et l’abandonnera à son sort, un peu comme le destin de ces ouvrières qui, après avoir sacrifié leur destin, ont été laissées pour compte. L’artiste roumaine Pusha Petrov a été en 2017 la révélation de la deuxième édition de la Biennale d’art contemporain Art Encounters à Timișoara. Elle a participé ensuite à Daegu Photo Biennale, puis a été invitée en résidence à la Kunsthalle Mulhouse et a bénéficié une exposition personnelle au Granit à Belfort, tout ceci en moins de deux ans, ce qui dénote une énergie et une créativité remarquables. Dans sa plus récente exposition, Causal Loop à la Galerie Charim à Vienne dans le cadre du festival Curated by 2019, sa participation a été là aussi accueillie élogieusement.
Pusha Petrov Hadja de la série Cousu au fil blanc 2019 Photographie numérique, tirage Epson cold press 300 g, retouché à la main par l’artiste (ponçage) 195 x 152 cm