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Almine Rech L’art des liens
Retour sur La Ronde 2020 Entretien avec la galeriste, mené par Camille Gross
• Comment êtes-vous devenue galeriste ? Après un stage de quelques mois chez un commissaire-priseur, essentiellement centré sur l’évaluation des œuvres chez des collectionneurs, je me suis rendu compte que je préférais être en contact avec les artistes ou leurs héritiers directs plutôt que seulement avec les œuvres et les collectionneurs souhaitant faire réaliser des évaluations. • Quelles rencontres - avec les œuvres, avec les artistes, avec les collectionneurs - ont forgé votre goût pour l’art contemporain ? La rencontre avec James Turrell a été essentielle. C’était à Nîmes lors de son exposition à l’époque au Carré d’art, son travail est devenu limpide simplement en partageant avec lui certains moments durant l’installation de son exposition. • Le positionnement d’une galerie est différent de celui d’un musée, mais ce sont des entités très complémentaires. Comment envisagez-vous l’articulation entre les deux ? Pour un marchand, le dialogue avec des directeurs de musée ou des commissaires d’expositions muséales est à mon avis très important car on peut beaucoup s’apporter. Un musée peut obtenir pour une exposition des œuvres que le marchand ne pourra pas obtenir et réciproquement. Le marchand peut savoir que certaines œuvres sont conservées à l’atelier et les obtenir si son lien amical est fort avec l’artiste, ou bien auprès de certains collectionneurs possédant les œuvres. Le marchand peut plaider la cause de l’importance de l’exposition et de la nécessité du prêt auprès de son collectionneur qu’il connaît bien. Un marchand peut aussi s’investir selon les cas pour la production d’une œuvre.
Portrait d'Almine Rech Photographie de Léa Crespi
• Pourquoi avez-vous pris la décision de soutenir la 5e édition de La Ronde ? La collection du Musée des BeauxArts de Rouen elle l’une des plus belles de France. Les œuvres des artistes contemporains invités seront bénéficiaires de la confrontation avec des œuvres de cette qualité. Le sujet est parfaitement illustré par les chefs-d’œuvre de la collection et le public pourra se rendre compte d’une continuité dans les préoccupations des artistes et de leur traitement contemporain. Alors que souvent l’art contemporain est perçu plus brutalement par une forme de rupture qui en fait n’est pas réelle à mon avis. • Comment choisissez-vous les artistes avec lesquels vous travaillez ? Je crois que l’on se choisit mutuellement. Si je suis attirée par une œuvre vue dans une exposition monographique ou collective dans des galeries ou des musées, ou encore à travers des images imprimées dans un magazine ou sur internet, j’essaye de contacter l’artiste pour une visite d’atelier. La vision des œuvres entraîne la décision de mon côté si les œuvres me convainquent mais aussi l’impression ressentie avec l’artiste lui-même. Dans ce métier l’intuition compte évidemment et je crois que les artistes en ont beaucoup également. Si la visite se passe très bien, c’est déjà la moitié du chemin qui est parcourue pour une future collaboration. La décision de commencer un travail ensemble se fait souvent très rapidement après la visite d’atelier et la rencontre. Car tout a été ressenti positivement des deux côtés.
• Le travail de Jean-Baptiste Bernadet entre naturellement en résonance avec la peinture impressionniste. Comment appréhendez-vous ce rapprochement au sein du musée ? Je suis très intéressée de voir ce qui va se passer entre les peintures des grands impressionnistes et celles de Jean-Baptiste Bernadet, c’est évidemment un ‘défi’ de taille pour l’artiste. Ses œuvres devront « tenir » et convaincre. Je le lui souhaite. • Claire Tabouret est l’une des figures montantes de l’art contemporain. Que pensez-vous de la place des femmes sur cette scène ? Les femmes ont une place énorme à prendre. C’est un moment très propice. L’histoire vient de se rendre compte de beaucoup d’injustices envers les artistes femmes, les artistes africains et aussi les Afro-Américains notamment aux USA où cette minorité est importante. Je pense que Claire a le talent et la force intellectuelle nécessaires pour s’imposer.