Développement de l'architecture contemporaine en pisé, freins et leviers, l'Orangerie à Lyon

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2 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Développement de l’architecture contemporaine en pisé,

Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence

Comment des projets contemporains en pisé porteur se développent-t-ils malgré les freins et les obstacles ? L’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence

3 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Remerciements

Je remercie mon directeur d’étude, Martin Rollin, architecte associé au sein de l’atelier Commune, pour m’avoir aiguillée et accompagnée dans la réalisation de ce travail de recherche. Un grand merci à Stefan Jeske, architecte chez Clément Vergély Architectes, d’avoir pris le temps de me présenter le projet de l’Orangerie et d’avoir répondu à mes questions sur la réalisation de ce bâtiment en pisé lors d’un entretien téléphonique. De même, je remercie Nicolas Meunier, associé au sein de l’entreprise Le pisé, pour les nombreuses informations sur la mise en œuvre du projet de l’Orangerie et sur la construction en pisé qu’il a pu me communiquer par entretien téléphonique. Enfin, je remercie mes parents et frères pour leur précieuse aide à la relecture et à la correction de ce mémoire. Et je remercie mes amis et mes proches pour leurs soutiens et encouragements.

4 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Résumé Le secteur du bâtiment participe au réchauffement climatique et aux autres problématiques environnementales. La prise de conscience de l’urgence écologique et climatique pousse à réfléchir à de nouvelles manières de construire et à rechercher l’utilisation de ressources et de matériaux moins polluants, moins énergivores et réutilisables ou recyclables. La terre crue, utilisée pour construire depuis des milliers d’années, est une ressource disponible, non polluante et dont la mise en œuvre ne demande que peu d’énergie. C’est pour ces nombreuses qualités qu’elle peut être un élément de réponse face à la crise écologique pour la transition du domaine de la construction. Cependant, son utilisation n’est que très peu répandue dans les constructions neuves actuelles en France. La recherche se concentrera sur la technique du pisé. Traditionnellement utilisée dans la région Auvergne Rhône Alpes, elle connaît un renouveau dans l’architecture contemporaine. L’objectif de la recherche est de comprendre les freins et les leviers existants concernant le développement de la filière terre crue et plus spécialement celui du pisé dans les projets de réalisations neuves. Le Plan national terre crue, projet de recherche collaboratif mis en place en 2018, a pour objectif de permettre à terme l’essor de la construction en terre crue. L’étude approfondie du cas de L’Orangerie, à Lyon permet d’illustrer et de mettre en perspective l’état général de la construction neuve en pisé. Le recueil des témoignages des architectes et entrepreneurs a permis de comprendre dans le détail les enjeux de la réalisation de ce bâtiment avec aux grandes arches en pisé emblématiques. La recherche met en avant les points communs et les différences face aux difficultés de la construction en pisé entre ceux énoncés par les études générales sur le développement de la filière terre crue et ceux étudiés dans le cas particulier de l’Orangerie. Abstract The building sector contributes to global warming and other environmental issues. Awareness of the ecological and climate emergency allows us to think about new ways of building and materials and resources that pollute less, consume less energy and are reusable or recyclable. Earth has been used for construction for thousands years. It is an available, non-polluting resource that requires a few amount of energy to implement. Reading these many qualities, using earth to build, is a part of the answer to the ecological crisis. However, its use is not widespread in current new constructions in France. Our research will focus on the rammed earth technique. Traditionally used in the Auvergne Rhône Alpes region (France), this technique is experiencing a revival in contemporary architecture. The objective of the research is to understand the existing obstacles and levers concerning the development of the earth sector and more specifically the case of rammed earth in new construction projects. The “Plan National terre crue” (national raw earth plan), a collaborative research project set up in 2018, aims to ultimately help the development of earth construction. The in-depth study of l'Orangerie project in Lyon illustrates and gives an overview of the general state of new rammed earth construction. The interviews with architects and contractors made it possible to understand in detail the stakes involved in the realization of this building with large rammed earth arches. The research highlights the common points and differences of the case of l’Orangerie faced with the difficulties of rammed earth construction and those stated by the development studies of the earth sector.

5 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Avant-propos

Soucieuse des enjeux de l’activité humaine sur le réchauffement climatique et l’environnement, mes études d’architecture me permettent d’acquérir des connaissances et outils pour devenir une architecte éco-responsable. Tout au long de ma formation je me suis intéressée aux enjeux de l’impact de la construction sur l’environnement. A travers différents cours et projets, j’ai été sensibilisée et attentive aux qualités des matériaux, à ce que racontent leurs mises en œuvre et à leurs impacts écologiques et sociaux. La conception d’une architecture frugale et le choix de matériaux locaux, peu polluants ou permettant de ne pas faire pression sur les ressources non renouvelables construisent mon éthique de future architecte. Dès ma première année à l’ENSA Lyon, j’ai participé à une initiation à la construction en terre crue organisée en partenariat avec l’atelier matière à construire (amàco). Cela m’a permis de considérer la terre crue comme un matériau plein de potentiels. En master 1, à l’école HTWG de Constance, c’est la participation au projet Re-use qui m’a introduite à la question du réemploi dans la construction. Le défi était de concevoir un pavillon constructible uniquement avec des matériaux issus de la déconstruction. En fin de licence, dans le cadre d’un enseignement sur la conception bioclimatique, j’ai visité le chantier de l’Orangerie à Lyon. Observer la mise en œuvre de ces arches en pisé au milieu des autres bâtiments en béton armé m’a convaincue de l’intérêt de la construction en terre crue. Ce matériau de construction répond à différentes problématiques écologiques et semble ramener du sens à des modèles constructifs mondialisés déconnectées de l’échelle locale. Pour compléter mes connaissances sur les techniques constructives en terre crue, j’ai en 2020 suivi le cours en ligne « Construire en terre crue aujourd’hui » organisé également par amàco. Cela m’a permis de comprendre l’ensemble des enjeux de la construction en terre crue et d’avoir un aperçu de la diversité des techniques et des possibilités architecturales. Dans la continuité de ma formation, ce travail de recherche est l’occasion d’approfondir mes connaissances sur la filière terre crue. Curieuse de découvrir les défis auxquels les projets construits en terre crue font face, j’oriente mes recherches vers la réalisation de projet utilisant ces techniques constructives.

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Sommaire

INTRODUCTION

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ETAT DE L’ART

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PROBLEMATISATION ET HYPOTHESES

14

METHODE ET CORPUS D’ETUDE

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PARTIE 1 : LE PISE, RENOUVEAU D’UNE TECHNIQUE TRADITIONNELLE DANS DES PROJETS D’ARCHITECTURE MODERNE

17

1_1_ PISE PORTEUR : CARACTERISTIQUES ET MISE EN ŒUVRE

17

1_1_1_ MATIERE TERRE CRUE : COMPOSITION ET COMPORTEMENTS

17

1_1_2_ MISE EN ŒUVRE : REMPLISSAGE D’UN COFFRAGE AVEC UN COMPACTAGE PAR COUCHE PUIS DECOFFRAGE

18

1_1_3_ CARACTERISTIQUES DU PISE

18

1_2_ EVOLUTION DU PISE

19

1_2_1 DISCONTINUITE HISTORIQUE DE L’UTILISATION DE LA TERRE CRUE

19

1_2_2 MODERNISATION DU PISE

20

1_2_3 REFORMULATION DU MATERIAU

21

1_3_PROJETS CONTEMPORAINS EN PISE

22

EXPRESSION ARCHITECTURALE MODERNE EN PISE : EXEMPLE DE L’ORANGERIE

25

PARTIE 2 : REALISATION DE L’ORANGERIE, LE DEFI DES ARCHES EN PISE PORTEUR

27

2_1_ PRESENTATION DU PROJET DE L’ORANGERIE

27

2_1_1_ LE PROJET URBAIN, LYON CONFLUENCE : CONTEXTE D’INNOVATION ARCHITECTURALE

27

2_1_2_ L’ORANGERIE : IMMEUBLE DE BUREAUX EN PISE

29

7 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


2_2_ LES DEFIS DE L’ASSURANCE DES OUVRAGES EN PISE

35

2_2_1 _ MANQUE DE CAPITALISATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

35

2_2_2_ SYSTEME REGLEMENTAIRE ACTUEL : LE PISE, UNE TECHNIQUE CLASSEE NON TRADITIONNELLE

36

2_2_3_ DEMANDE D’ATEX POUR LES ARCHES EN PISE DE L’ORANGERIE

39

PARTIE 3 : PALLIER AUX AUTRES FREINS DE LA FILIERE TERRE CRUE : MISE EN PERSPECTIVE DE LA SITUATION DE L’ORANGERIE

42

3_1 _L’IMAGE PEJORATIVE DE LA CONSTRUCTION EN TERRE CRUE

42

3_1_1 _ MECONNAISSANCE ET A PRIORI SUR LA TERRE CRUE

42

3_1_2_ COMMUNICATION ET VISIBILITE DE LA CONSTRUCTION EN TERRE CRUE

43

3_2 _ MANQUE DE FORMATION CHEZ LES ACTEURS DE LA CONSTRUCTION

44

3_2_1 _ OUTILS DE FORMATION ET D’ENSEIGNEMENT

45

3_2_2 _ CERTAINS ACTEURS DU PROJET DE L’ORANGERIE NON FORMES A LA CONSTRUCTION EN PISE

46

3_3_ CONSTRUIRE EN TERRE CRUE : COUT ET GESTION

47

3_3_1_ SURCOUT DE LA CONSTRUCTION EN PISE

47

3_3_2 RESEAU PROFESSIONNEL DE LA CONSTRUCTION EN TERRE CRUE

48

CONCLUSION

51

GLOSSAIRE DES ABREVIATIONS

54

TABLE DES ILLUSTRATIONS ET TABLEAUX

55

ANNEXES

56

BIBLIOGRAPHIE

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9 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Introduction

Les activités humaines ont depuis la deuxième moitié du 19ème siècle avec la révolution industrielle, entrainé des conséquences sur l’environnement et le système climatique. Théorisé par Paul Josef Crutzen, chimiste, ce phénomène est nommé l’ère de l’Anthropocène, étymologiquement signifiant « l’âge de l’Homme ».1 Le système climatique, dont l’équilibre est fragile, est transformé par les activités humaines. En effet, les émissions de gaz à effet de serre, liées à l’industrie, aux transports, à l’extraction de matières premières entre autres, sont responsables d’un réchauffement global du climat. La prise de conscience de l’enjeu et de l’urgence climatique se concrétise avec notamment l’accord de Paris, premier accord universel pour le climat, lors de la COP 21 en 2015, signé par 196 états et l’Union Européenne. L’objectif fixé par cet accord est de limiter les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique « en-deçà de 2 °C et de s’efforcer de limiter cette augmentation à 1,5 ° C »2 Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pays doivent changer leur modèle de développement. « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »3 c’est la première définition du développement durable en 1987 paru dans le rapport Brundtland publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Le développement durable correspond à un développement viable reposant sur « trois piliers » : l’environnement, l’économie et le social. Pour lutter contre le réchauffement climatique la France s’est engagée à limiter ses émissions de gaz à effet de serre avec pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le ministère de la transition écologique vise un principe d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et l’absorption de ses quantités de gaz. L’absorption de ses gaz peut être réalisée par les écosystèmes anthropiques ou par certains procédés industriels à l’échelle du territoire. Ainsi, l’objectif de la stratégie nationale bascarbone SNBC, est de réduire les émissions à l’échelle nationale pour atteindre la neutralité carbone. Les émissions de gaz à effet de serre sont comptabilisées par secteurs. Celles liées au domaine du bâtiment et de la construction le sont dans plusieurs secteurs différents. Les émissions liées à la production et mise en œuvre de matériaux et d’équipements font partie du secteur de l’industrie tandis que les émissions de gaz liées à la consommation d’énergie durant la phase d’usage du bâtiment (chauffage, ventilation,…) sont comptabilisées dans le secteur résidentiel. En 2016, le secteur du bâtiment correspond à 30 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre en France4 d’après la fiche sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, publiée sur le site du Rapport de l’état de l’environnement, REE.

1

Geo.fr/environnement Géologie qu’est-ce que l’anthropocène, 27 novembre 2018 https://www.geo.fr/environnement/geologie-quest-ce-que-lanthropocene-193622 2 COP 21, Accord de Paris, Paris, 12 décembre 2015 3 Commission mondiale sur l’environnement et le développement, rapport Brundtland, 1987 4 Rapport de l’état de l’environnement , fiche sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, 17 juin 2019

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La construction du bâtiment représente environ 60 % de l’empreinte carbone d’un bâtiment neuf contre 40 % liée à l’exploitation du bâtiment (résultats du test HQE Performance pour l’échantillon 2012-2013 bureaux et logements collectifs réalisé par l’association BBCA, bâtiment bas carbone)5. Dans le bilan carbone de la construction, on retrouve les empreintes carbone des différents matériaux utilisés. La structure du bâtiment est le lot ayant le plus important impact carbone en moyenne. Il y a donc un enjeu pour réfléchir à des solutions constructives employant des matériaux plus économe en carbone pour la structure. Le domaine de la construction est également à l’origine d’une importante quantité de déchets en France chaque année, soit 46 millions de tonnes par an6. Une part de ces déchets est de la matière inerte dont de la terre. La loi de transition énergétique visait un objectif de recyclage et revalorisation de 70 % des déchets du BTP pour 2020. Cet objectif étant loin d’être atteint, des mesures continuent d’être mises en place. « Le secteur du BTP produit la moitié des déchets de l’Union Européenne et parmi ces déchets environ 75 % en masse sont des terres et des pierres. »7 L’architecture et la construction innovent de différentes manières pour tendre vers un développement durable et limiter leur impact sur l’environnement. La conception bio climatique, est par exemple, une manière de construire cherchant à allier le confort de l’habitant et le respect de l’environnement. L’enjeu est de réduire les consommations d’énergie lors de l’usage du bâtiment mais aussi lors de la construction et production des matériaux. Les choix de conception permettant de réduire la consommation d’énergie sont multiples. L’implantation du bâtiment et le placement des ouvertures peuvent être réfléchis pour profiter au maximum de l’énergie solaire en hiver et de s’en protéger en été. Le choix des matériaux de construction est également déterminant pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment. L’un des critères de choix des matériaux peut être leur empreinte écologique, renseignée par leur énergie. L’énergie grise d’un matériau est la somme des énergies consommées pendant tout le cycle de vie d’un matériau (extraction, production, transformation, transport, mise en œuvre, entretien et enfin recyclage de ce matériau). Construire avec des matériaux locaux demandant peu d’énergie de transformation, soit à faible énergie grise est donc une piste à privilégier pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments. L’utilisation de ressources locales disponibles permet aussi de consolider les dynamiques d’économies et d’échanges locaux. On observe un essor de l’utilisation de matériaux biosourcés stockant du carbone et à faible énergie grise. La terre crue fait partie des matériaux comportant ces caractéristiques et répondant aux problématiques environnementales. Ce matériau est une ressource naturelle locale et disponible qui est 100 % recyclable. Sur tous les continents on observe des constructions vernaculaires et un patrimoine bâti en terre crue. Les techniques de construction traditionnelles sont multiples et adaptées à différentes contraintes climatiques (climats tempérés, humides, secs). En France, on trouve différentes techniques traditionnelles de construction en terre crue qui constituent le patrimoine bâti et le paysage. Les maisons à colombages construites avec une structure porteuse en bois remplis par un mélange de terre et de paille, sont un motif du paysage du Nord et de l’Est de la France. Dans la

5

Site web Bâtiment bas carbone BBCA, https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/ Ecologie.gouv.fr Déchets du bâtiment, 28 septembre 2020 7 Ibid. 6

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région Rhône Alpes la terre crue est traditionnellement mise en œuvre pour les murs porteurs, cette technique est le pisé. La terre est compactée dans un coffrage pour réaliser des murs monolithiques. A Lyon, le quartier historique de la Croix-Rousse est par exemple composé de hauts immeubles construit en pisé.8 La terre crue est un matériau par définition qui ne se cuit pas : la terre va sécher à température ambiante, à 20°C, et il n’y a donc pas besoin de dépenser de l’énergie pour la cuire. Par comparaison pour produire du ciment, les matériaux doivent être chauffés à une température supérieure à 1400° C. La performance énergétique de la terre crue n’est pas le seul avantage de ce matériau, dont les autres qualités sont : sa forte inertie thermique, sa résistance au feu, sa capacité à réguler l’humidité et ses propriétés d’isolant acoustique. C’est donc un matériau comportant des avantages autant pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre que pour le confort d’usage des bâtiments. C’est pour toutes ces qualités et avantages que ce matériau commence à être de nouveau utilisé dans des constructions neuves et que les chercheurs, constructeurs et architectes s’y intéressent. La terre crue est un des éléments de réponse aux enjeux de la crise écologique. Il est important de rappeler que la situation est si complexe qu’il n’existe pas de solution unique et miracle. « Nos sociétés ont suffisamment souffert des illusoires promesses successives du ”tout charbon“, du ”tout pétrole“, du ”tout électrique “, puis du ”tout nucléaire“ pour ne pas adopter ces schématismes redoutables et inadaptés aux réalités. Un quelconque ”tout terre“ serait tout aussi absurde. »9 La terre crue est encore dans de nombreux projets non envisagée comme une solution constructive alors qu’elle pourrait répondre aux contraintes des bâtiments. Il ne faut pas omettre que la construction en terre crue a des limites et ne peut pas être utilisé pour tout. Ce ne sont pas les limites qui posent questions dans cette étude mais les freins soit « ce qui ralentit ou met un terme au développement de quelque chose »10.

Etat de l’art Nous aurons ici un bref aperçu des travaux et recherches au sujet de la terre crue au cours de ces dernières années. L’exposition en 1981 au centre Georges Pompidou : Des Architectures de Terre ou l’avenir d’une tradition millénaire est le premier événement en France qui s’intéresse à la construction contemporaine en terre crue après le mouvement moderne. Il est révélateur du nouvel intérêt pour ce matériau. Le laboratoire de recherche CRAterre à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble l’ENSAG, travaille depuis 1979 à la reconnaissance de la terre crue et à son développement. CRAterre est devenu

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ALEX (Dorothée), Petit guide des architectures en pisé à Lyon, CRAterre, mai 2012 DETHIER (Jean), CENTRE GEORGES POMPIDOU / CCI, Des Architectures de Terre ou l’avenir d’une tradition millénaire, Paris, Imprimerie moderne de Lion, 1981, p.15 10 Définition dictionnaire CNRTL 9

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une référence incontournable et mondiale pour l’architecture de terre. Ce laboratoire est à l’origine du manifeste « Habiter la terre » qui défend le droit de construire en terre crue, revendique la valeur des architectures de terres dans le monde et met en avant la construction en terre comme une des solutions pour un développement durable. Nous allons nous appuyer pour notre recherche sur une des études réalisées au sein de ce laboratoire : celle d’Elvire Leylavergne, sur la filière terre crue en France, ses enjeux, freins et perspectives. Ce mémoire, écrit en 2012, met en lumière à travers des cartes mentales, diagrammes et tableaux l’état actuel de la filière, les problèmes et les perspectives d’évolution. Sur le même sujet, nous avons le rapport d’étude de l’association Asterre Construire en terre crue : étude sur les obstacles au développement de la construction en terre crue en France publié en janvier 2013. Plus largement, d’autres études traitent du développement des matériaux et produits biosourcés, dont fait partie la terre crue. C’est le cas du rapport du réseau écobâtir sur Les obstacles aux développement économique des filières de matériaux et produits de construction bio-sourcés qui comporte une étude comparative des systèmes d’assurance de construction en Europe. Plusieurs mémoires d’étudiants en architecture portent sur différents aspects de la construction en terre crue, signe que les nouvelles générations d’architectes ont été sensibilisées à la construction en terre crue et s’y intéressent : - Mehdi Grosjean, 2012 : La terre crue : du passé au renouveau de nos techniques constructives, mémoire s’intéressant à la place de la terre crue dans le patrimoine et la manière dont la terre crue répond aux enjeux environnementaux et sociaux. - Nicolas Berenbach Taylor, 2018 : Construire en terre crue aujourd’hui : vers un développement local et durable réalisé sur la construction en terre crue et la question de proximité et de développement durable. - Laura Brasé, 2019 : Architecture de terre crue pour une diffusion en milieu urbain, traitant les notions de ressources locales et de nouveaux modèles d’architecture en ville en terre crue. Plus récemment, les publications sur la terre crue traitent d’avantage du sujet des travaux du Grand Paris, et en particulier de l’avenir des terres excavées dans le domaine de la construction. On trouve différentes recherches notamment : - la publication du pavillon de l’Arsenal, Terre de Paris, de la matière au matériau en 2016 en lien avec l’exposition du même nom - l’exposition Cycle terre, catalogue d’exposition, production de matériau terre crue en cycle cours : terres excavées du Grand Paris Express revalorisées en matériau à La Fabrique situé à Sevran. - Du déchet au matériau, au socle de paysage. Quel cycle économique pour les terres du Grand Paris Express ? article et travail de Paola Vita en 2020, qui traitent aussi la question de l’utilisation des terres pour la création de paysage en Ile-de-France. Compte-tenu du développement de la construction en terre crue et du pisé, on trouve maintenant des ouvrages couvrant les aspects techniques et pratiques de sa mise en œuvre : par exemple la thèse de l’ingénieur génie civil Bui Quoc-Bao publié dès 2008 sur la stabilité des structures en pisé : durabilité, caractéristiques mécaniques. Sous la demande de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages, les principaux acteurs de la filière terre crue ont élaboré six guides des bonnes pratiques de la construction en terre crue, publiés en décembre 2018 et téléchargeables en libre accès sur le site de chaque structures ayant participé.11 L’objectif de ces guides est de donner des recommandations et des spécifications pour la réalisation et

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Site web Asterre, Le guide des bonnes pratiques, https://www.asterre.org/les-guides-de-bonne-pratique/

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l’entretien d’ouvrages en terre crue. Ils constituent une première étape pour un « consensus normatif de la profession » comme l’indique l’association AsTerre. Pour organiser la filière terre crue les professionnels et les associations de la construction en terre crue se sont rassemblés en Confédération de la construction en Terre Crue (CCTC) en 2019. Dans la suite de la publication de ces guides, le Plan national terre crue s’est fixé pour objectif « le déploiement à plus grande échelle, de la construction en terre crue »12 en développant des outils pour répondre aux freins de la réglementation et répondre aux besoins du développement de la filière terre crue. Organisé au départ par un groupe restreint de personnes, il est ensuite validé en 2018 par le Comité d’Orientation de la Recherche (CODOR) du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (MTES). Le premier objectif permettra de faciliter les garanties et assurances d’un ouvrage en terre crue soit de lutter contre les freins rencontrés actuellement par les projets.

Problématisation et hypothèses Comment des projets en pisé porteur contemporain se développent-t-ils malgré les freins et les obstacles ? L’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence Les principales hypothèses formulées en réponse à cette question sont les suivantes : - Pour surmonter les freins, l’équipe portant le projet doit déployer beaucoup d’énergies et les relations entre les acteurs doivent être bonne pour assurer une cohésion. - Des moyens économiques importants sont nécessaire au bon aboutissement des projets en terre crue. - Certains freins ne sont pas entièrement surmontés et il y a des concessions entres les acteurs du projets et certains détails de la conception originale sont modifié. La réalisation n’est parfois pas fidèle aux premières volontés des concepteurs dus aux freins.

Méthode et corpus d’étude Pour répondre à notre question et vérifier les hypothèses, nous allons faire dialoguer 2 études sur les freins que rencontrent la filière terre crue et les perspectives existantes avec une étude de cas. Le but est de mettre en perspective les résultats généraux et théoriques des études de CRAterre de E. Leylavergne sur les freins de la construction en terre crue et l’étude de montage du Plan Nationale terre crue avec l’exemple précis du projet de l’Orangerie à Lyon Confluence, construite en pisé porteur. Ainsi le corpus est constitué de : -

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l’étude de E. Leylavergne au sein du laboratoire CRAterre : la filière terre crue en France : enjeux, freins et perspectives 2012 l’étude de montage du Plan Nationale terre crue, datant du 17 octobre 2020

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p.8

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projet de l’Orangerie, îlot B2, architectes Clément Vergély Architectes et Diener & Diener, entreprise Le pisé, à Lyon Confluence, 2015 - 2020, ( sources principales d’informations exploités : l’ entretien avec Stefan Jeske, architecte chez Clément Vergély Architectes et l’entretien avec Nicolas Meunier, maçon piseur chez l’entreprise Le pisé

Dans un premier temps, le travail sera d’étudier le contexte de la construction en terre crue et spécialement l’évolution du pisé en France. Puis, nous nous intéresserons aux études de CRAterre et du Plan national terre crue : lecture analytique, analyse de documents graphiques, synthèse des informations et comparaisons des deux études. Ainsi, il s’agit d’identifier les freins principaux au développement de la constructions terre crue et de comprendre leurs enjeux et les leviers. De ces analyses, nous extrairons les notions principales, pour les organiser et s’en servir pour réinterroger l’étude de cas. D’autre part, pour étudier le projet de l’Orangerie, il s’agit dans un premier lieu de réunir les informations sur le contexte de la réalisation de ce projet dans le cadre du projet urbain de Confluence. La lecture des différents articles au sujet de la réalisation de l’Orangerie et l’analyse des documents graphiques (plans, coupes, élévations, photos de chantier, photos du projet fini) permettent de comprendre le projet dans ses détails et d’éveiller des questionnements. Pour aller plus loin dans la compréhension du bâtiment et la manière dont sa réalisation s’est déroulée, interroger des acteurs du projets était la meilleure solution. La méthode fût de préparer des questions pour réaliser des entretiens semi-directifs avec Stefan Jeske, l’architecte chef de projet de l’agence Clément Vergély architecte, et Nicolas Meunier maçon piseur de l’entreprise le pisé ayant réalisé le gros œuvre en pisé. Ces entretiens ont pour but d’identifier les motivations des acteurs, de comprendre les difficultés qu’il y a pu avoir, les facilités et tous les processus pour mener à bien le projet de l’Orangerie. Pour finir, il s’agit de comparer les éléments de réponses trouvés dans l’exemple de l’Orangerie avec les notions énoncées dans les deux études générales. Cela permet de nuancer la situation du projet de l’Orangerie, et de le resituer dans un contexte plus global. De plus, l’étude est un moyen de pouvoir illustrer les freins principaux de la filière terre crue à travers un cas concret. Certains aspect liés au développement de la construction en terre crue ne seront pas traités en profondeur dans cette recherche. L’étude se concentrera sur les sciences et techniques de la matière première et de sa mise en œuvre : choix du matériau, déroulé du chantier et évaluation technique des ouvrages vis-à-vis des réglementations. Le domaine politique et le domaine économique ne font pas l’objet principal de la recherche mais ils seront évoqués notamment à travers les jeux d’acteurs et le problème des surcoûts de la construction en terre crue. La recherche consiste à étudier un cas très précis pour pouvoir faire sens en remontant en généralité par la suite. L’étude de cas du projet de l’Orangerie est un moyen d’entrer dans le détail d’une situation de la construction en pisé en France. Cependant, étudier précisément un objet spécifique laisse dans l’ombre d’autres éléments, comme lorsque l’on regarde le ciel avec un télescope. Le contexte d’étude est restreint au contexte français et à une étude de cas localisé à Lyon. Cette hyper-localisation de l’étude de cas et sujet est traitée dans un contexte défini, restreint géographiquement à la France. L’étude s’inscrit dans la réalité d’un temps t : année 2020-2021, le contexte réglementaire et normatif de la construction en terre crue ayant des perspectives d’évolution, la recherche effectuée perdra justesse d’ici quelques années. 15 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


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Partie 1 : Le pisé, renouveau d’une technique traditionnelle dans des projets d’architecture moderne

1_1_ Pisé porteur : caractéristiques et mise en œuvre La terre crue est une matière première qui, suivant sa teneur en eau, sa composition et sa mise en œuvre, permet de réaliser différents types d’ouvrages. Il existe 4 types de techniques constructives en terre crue :13 - les techniques monolithiques qui permettent de réaliser des éléments porteurs, - les techniques de petits éléments qui assemblés, forment des éléments porteurs, - les techniques de remplissage, - les techniques d’enduits. Le pisé est l’une des techniques monolithiques permettant de réaliser des murs porteurs.

1_1_1_ Matière terre crue : composition et comportements

La matière première utilisée pour le pisé est une terre minérale se trouvant dans le sol au-dessous de la couche de terre organique. Cette ressource est donc disponible facilement, au contraire de produits miniers par exemple. La composition de la terre, sa couleur, ses caractéristiques varient d’un endroit à l’autre mais certains critères communs permettent de définir une terre à construire. Cependant il n’y a pas de standard officiel pour la matière terre. Selon François Cointreaux (1740-1830), auteur de nombreux traités sur le pisé fin 18ème et début 19ème siècle, les meilleures terres à pisé sont constituées de 0 à 20 % de graviers, de 40 à 50 % de sable, de 20 à 35 % de limon et de 15 à 25 % d’argile.14 Pour expliquer le fonctionnement du pisé, il faut comprendre les caractéristiques de la terre crue et l’importance de sa mise en œuvre. La terre crue est un mélange d’éléments minéraux de différentes échelles : graviers, sables, limons et les argiles. Les argiles de forme plates à l’échelle microscopique assurent avec la présence de l’eau et de l’air, une cohésion entre les grains. En ce sens la terre fonctionne comme un béton : un mélange de grains de différentes tailles et un liant qui colle tous les éléments. Dans le béton, le liant est le ciment, pour la terre crue, c’est l’argile. La terre est un matériau dont la particularité est que l’air soit défini comme un constituant du matériau. En effet, les actions exercées sur la matière première, terre, agissent sur l’air compris dans la matière et influent sur sa résistance. Une terre compactée, à laquelle donc on retire de l’air, est plus solide.

13

AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, Techniques monolithiques, 2020, FUN MOOC COINTREAUX (François), L’école d’architecture rurale, ou Leçons par lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages, avec la terre seule ou autres matériaux les plus communs et du plus vil prix, 1790 14

17 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


1_1_2_ Mise en œuvre : remplissage d’un coffrage avec un compactage par couche puis décoffrage

La terre utilisée pour réaliser du pisé est argilo-graveleuse et à l’état humide. La terre est mise dans un coffrage par couche successive. Après chaque couche, la terre est compactée à l’aide d’un outil nommé pissoir, fouloir ou dame. A la fin du compactage de toutes les couches, le mur peut être directement décoffré.

© Arnaud Misse Figure 1 : Préparation de la terre et coffrage d’un mur en pise de manière traditionnelle

1_1_3_ Caractéristiques du pisé Caractéristiques mécaniques : le pisé résiste très bien en compression, il peut reprendre une charge de 0, 9 à 1,7 MPa avec une moyenne à 1,3 MPa (valeur dans le cadre du projet ACSCNI)15. A titre de comparaison le béton à une résistance moyenne comprise entre 20 et 50 MPa (valeur Eurocode). Cependant il faut éviter les poinçonnements et privilégier la répartition des charges verticales. Le pisé travaille mal en traction. Les ouvertures dans les parois doivent donc être adaptées pour éviter les effets de poinçonnements et le travail en traction du matériau. Les ouvertures en arcs sont l’une des solutions car le matériau ne travaille alors qu’en compression. Caractéristiques physiques : La terre crue a des qualités d’inertie thermique due à son importante masse volumique dépassant les 1 500 kg/m3. La terre crue emmagasine la chaleur des rayonnements et la retransmet avec un déphasage. Cette qualité de la terre permet par exemple d’assurer un confort en été. Pour profiter au maximum de cette inertie, il est possible de réaliser des murs trombes : des murs non structurels placés à l’intérieur derrière une surface vitrée. Leur utilité est de restituer, pendant la nuit, la chaleur absorbée lors de la journée. La terre est aussi connue pour ses qualités hygrométriques : sa capacité de réguler l’humidité de l’air en l’absorbant. L’un des ennemis de la terre crue et du pisé est l’humidité constante. Des dégâts peuvent être causés par l’eau si l’ouvrage en terre crue ne peut pas sécher. Ainsi, les murs en pisé doivent être protégés de l’humidité des sols : eaux stagnantes, capillaires et rejaillissantes, par des murs de sous-bassement. Le pisé doit également être protégé en tête de mur. Dans les constructions traditionnelles des débords de toiture importants protègent le mur des intempéries. Les murs en pisé peuvent être laissés apparents. 15

COLLECTIF (ARESO / ARPE Normandie / AsTerre / ATOUTERRE / CAPEB / Collectif Terreux Armoricains / FFB Fédération des SCOP du BTP / Maisons Paysannes de France / Réseau Ecobâtir / TERA) , Guide des bonnes pratiques de la construction terre crue, décembre 2018

18 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Ils sont alors reconnaissables par les rayures horizontales, traces du processus de mises en œuvre qui leurs confèrent une esthétique brute et minérale.

Photo personnelle Figure 2 : Détail de la texture du pisé

1_2_ Evolution du pisé 1_2_1 Discontinuité historique de l’utilisation de la terre crue

L’évolution de l’utilisation de la terre crue dans la construction est étudié sous l’angle socioculturel par le Plan National terre crue. En effet, la terre crue a longtemps été invisibilisée, ce matériau était traité à la marge par les chercheurs en sciences humaines notamment, jusque dans les années 80. Le Plan National terre crue identifie 3 phénomènes qui ont conduit à cette invisibilisation et à l’oubli de ce matériau16: -

16

un « déni d’existence » de ce matériau; la terre crue n’a pas tout de suite était repéré comme un matériau de construction à part entière

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020 p.16 et p.17

19 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


-

-

un matériau « traité à la marge » ; l’intérêt pour les monuments prestigieux ou remarquables dans l’histoire de l’architecture (d’abord prise en charge par l’histoire de l’art) a laissé de côté les constructions plus ordinaires (dont les constructions en terre crue) « matériau disqualifié sur le plan social » ; considéré comme le matériau du pauvre, avec une mise en œuvre « facile » ne faisant pas appel à des savoirs spécifiques, la terre crue ne faisait donc pas l’objet de recherches scientifiques

La discontinuité de l’utilisation de la terre crue en France est également due à la rupture de transmission des savoirs sur la terre crue en Europe du nord au 20ème et 21ème siècle. L’exode rural a conduit à un abandon de ces techniques constructives dans les villages et villes où des techniques constructives industrialisées sont privilégiées pour créer des logements. La 1ère guerre mondiale a eu entre autre pour conséquence la mort de nombreux « maçons piseur, mobilisés pour le boisage des tranchées »17. Ces phénomènes expliquent la rupture de la transmission des savoir-faire de la construction en terre crue. L’industrialisation et les choix de reconstruction après 1945 ont participé à l’essor de nouveaux matériaux, notamment le béton, et de techniques de mises en œuvre industrialisable. Les techniques constructives vernaculaires comme la terre crue ont été peu à peu moins utilisées en France et oubliées autant de la population que des institutions. « Les années 1950 ont marqué un tournant dans la culture de la construction vernaculaire »18 car les solutions constructives en terre crue n’étaient plus enseignées, explique Elvire Leylavergne, architecte. « Pour Martin Rauch, du point de vue des méthodes et de la théorie, la construction en terre est une friche abandonnée il y a un siècle environ, avec l’irruption de la modernité dans les territoires, et dont les possibilités sont restées largement inexploitées en dépit d’un regain d’intérêt et de recherches importantes ces trente dernières années. »19 En effet, depuis ces 40 dernières années, on observe le retour de ce matériau dans les nouvelles constructions et dans certaines recherches scientifiques.

1_2_2 Modernisation du pisé Le pisé, comme les techniques constructives, évolue et se pour être plus efficace et rapide. Martin Rauch fait partie des personnes innovant avec la terre crue en développant des projets en pisé. Son entreprise Lehm Ton Erde, en Autriche, réalise,entre autres, des projets expérimentaux de recherche à l’échelle 1/1. Ces réalisations de formes nouvelles et modernes se veulent la démonstration de la possibilité de l’utilisation contemporaine du pisé dans l’architecture.

17

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020 p.16 et p.17 LEYLAVERGNE (Elvire) , La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, (2012) 19 FREY (Pierre), Terre à terre, L’Architecture d’aujourd’hui, n°439 Juillet 2015, p. 62-71 18

20 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


©Lehm ton Erde Figure 3 : Earth dome, Dome de terre réalisé en 2014, à l’occasion d’un Workshop à Zürich par des étudiants de l’Ecole Polytechnique de Zürich (ETH) accompagné de Martin Rauch.

L’enjeu de la modernisation du pisé est de permettre de réduire la pénibilité et le temps du travail des artisans. Les outils sont perfectionnés et mécanisés par exemple les fouloirs pneumatiques ou automatiques permettent de tasser les couches de terres. D’après Nicolas Meunier, maçon piseur dans l’entreprise Le pisé, c’est aussi la mécanisation du transport de la terre dans le coffrage qui permet un gain de temps dans la mise en œuvre. Ainsi, il faut 4 à 6 heures pour l’entreprise le pisé pour réaliser 1m3 de pisé en comptant la préparation de la terre, le coffrage, damage et la manutention du décoffrage.20 La préfabrication de blocs de pisé est l’une des évolutions principales de la mise en œuvre de cette technique. La préfabrication permet de limiter les déplacements de matière sur les chantiers, de vérifier la qualité de l’élément avant sa pose et de faciliter le traitements des détails du bâtiment. Les blocs une fois décoffrés sont levés et directement posés sur le mur. Des nouvelles possibilités de formes se sont développées grâce à la préparation de coffrage aux géométries plus complexes. Les pièces de coffrages peuvent être modélisées en 3D et les pièces du coffrages découpées au laser pour réaliser des formes particulières.

1_2_3 Reformulation du matériau

La matière première terre peut faire l’objet de mélanges et d’ajustements ce qui est appelé reformulation. Les terres crues naturelles n’ont pas forcément les proportions en grains, en sables et en argiles idéales pour une certaine technique constructive. Il est possible pour avoir un matériau idéal de corriger la terre, en y ajoutant des graviers, du sable ou de l’argile pour atteindre les qualités de matériaux voulues. Par exemple, Martin Rauch travaille avec un mélange de terre précis où les proportions des différents grains sont calculées et choisies pour construire en pisé. L’un des enjeux est également celui de l’ajout de matières non naturelles à la terre naturelle. L’ajout d’une proportion trop élevée d’adjuvants ou de matières transformées, (non naturelles, comme du 20

Site web entreprise le pisé http://www.construction-pise.fr/#

21 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


ciment) compromet la capacité de la terre à être réversible. La réversibilité de la terre peut soit être sa capacité à « reprendre sa place dans les flux naturels »21 soit à retrouver ses propriétés initiales et qu’elle puisse de-nouveau être utilisée pour construire. La terre est dite stabilisée, lorsqu’elle est mélangée à du ciment ou de la chaux, ces matériaux permettent une meilleure résistance à l’humidité stagnante. L’ajout de ces adjuvants est utilisé pour la technique de la terre coulée. Cette technique nouvelle est le résultat de recherches, mises en œuvre à l’état liquide, la terre est coulée dans un coffrage puis elle est vibrée. Le procédé est le même que celui du béton coulé. Pour que la terre puisse sécher dans le coffrage, la présence de ciment ou de chaux est primordiale.

Ainsi, le pisé, bien qu’ayant était oublié et disqualifié pendant un temps, connaît un renouvellement. Les techniques de mises en œuvre et les outils sont en partie transformés et permettent de faciliter le travail et de nouvelles possibilités architecturales. La reformulation des terres naturelles permet également d’améliorer les qualités des ouvrages en pisé et permet de développer d’autres techniques constructives.

1_3_Projets contemporains en pisé En France, 15 % du patrimoine bâti actuel est en terre crue 22 et 0,01 % des nouveaux projets sortis en France 2015 à 2020 intègrent la terre crue23. Des projets en pisé porteurs voient le jour, davantage dans la région Auvergne Rhône Alpes, où la culture constructive en pisé est traditionnelle. Cependant le pisé est également utilisé aujourd’hui ailleurs, comme c’est le cas à Orléans avec la réalisation du Conservatoire Européen des échantillons de Sol, (CEES) par les agences Design & Architecture et Le Tiec + Misse en 2013 . Le projet Terre Contemporaine, porté par deux architectes, recense les réalisations neuves en terre crue de 1980 à 2016 en France. Parmi les résultats de leur recherche, le pisé apparaît comme la technique de construction en terre la plus répandue. Elle représente 39,7 % des nouvelles constructions en terre crue sur la période. Le premier prix national des architectures en terre crue est organisé par les associations CRAterre, AsTerre et le magazine Ecologik pour valoriser les projets modernes en terre crue en 2013 dans le cadre du 12ème festival architectures de terre crue. Plusieurs projets ont été primés pour leur utilisation de la terre crue qui renoue avec une esthétique moderne.

21

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p.12

22

CENTRE GEORGES POMPIDOU / CCI, Des Architectures de Terre ou l’avenir d’une tradition millénaire, Paris, Imprimerie moderne de Lion, 1981 23 AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, 2020, FUN MOOC

22 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Figure 4 : Carte de la répartition des techniques de construction en terre crue sur le territoire français et emplacement des projets en pisé porteur contemporain.

Différents événements et démarches ont ainsi pour objectif de valoriser les nouvelles réalisations en terre crue pour davantage communiquer sur ce matériau et rendre plus visible ces architectures auprès des acteurs de la construction et du grand public. Sur le plan international, le prix Terra Fibra award 2021, organisé par les Grands Ateliers et amàco, en partenariat avec CRAterre et l’ETH de Zurich a pour but de récompenser des bâtiments en terre crue et/ou en fibres végétales et de valoriser ces techniques, leurs esthétiques et leurs intérêts environnementaux. Cette édition du prix est le regroupement du prix Terra award (2016) et du prix Terra Fibra (2019).24 Les projets mettent en avant l’esthétique et les propriétés du pisé. Dans certains projets, le pisé est utilisé pour matérialiser le socle alors que les volumes supérieurs appartiennent à un autre langage architectural. Le pisé est également utilisé pour rythmer les façades par la conception de murs trumeaux comme dans le projet du groupe scolaire à Veyrins-Thuellin. Les murs porteurs en pisé alternent avec des baies vitrées sur toute la hauteur du bâtiment. Cela permet de simplifier la mise en œuvre du mur en pisé qui n’est pas percé et ne travaille, donc, qu’en compression. L’une des utilisations modernes de la terre est également de concevoir des murs trombes pour profiter des propriétés d’inertie thermique. L’ouvrage en terre crue est laissé apparent et capte les radiations solaires derrière un élément vitré. Grâce à sa capacité de stockage thermique le mur trombe assure un déphasage thermique

24

Ordre des architectes, Soyez candidat au Terra fibra award 2021, 1er décembre 2021

23 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


particulièrement intéressant pour le confort d’été. C’est un système de chauffage passif profitant de l’énergie gratuite du soleil. Les principes de conception de projet en terre crue sont mis à profit et considérés comme des opportunités de créations de nouvelles possibilités architecturales.

Figure 5 : Tableau d’échantillons de projet contemporain en pisé porteur

24 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Expression architecturale moderne en pisé : exemple de l’Orangerie Comme nous l’avons vu la construction en pisé est en pleine évolution. La recherche par le projet permet d’explorer de nouvelles possibilités avec cette technique constructive. Le bâtiment de l’Orangerie est l’un des projets contemporains construits en pisé porteur en France. Ce bâtiment terminé en 2020, est l’un des derniers projets réalisés. Il est l’objet de l’étude de cas de ce mémoire car il est un exemple de projets en pisé porteur à la fois représentatif et différent des autres projets. Plus grand et plus haut que les autres projets en pisé contemporains, le bâtiment de l’Orangerie par le dessin de la structure en arches proposent une nouvelle image du pisé. C’est la singularité et la complexité du projet qui motivent le choix de cette étude de cas.

Photo personnelle Figure 6 : Photo du bâtiment de l'Orangerie

25 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


26 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Partie 2 : Réalisation de l’Orangerie, le défi des arches en pisé porteur

2_1_ Présentation du projet de l’Orangerie 2_1_1_ Le projet urbain, Lyon Confluence : contexte d’innovation architecturale L’Orangerie, située dans la partie sud de la presque-île lyonnaise, est un bâtiment faisant partie du projet urbain Lyon Confluence. Le sud de la presque-île, isolée du reste du centre-ville par la gare de Perrache, a depuis la canalisation du Rhône fait l’objet d’une planification urbaine. Au 19ème siècle, c’est un espace investi par des activités industrielles et portuaires qui s’y développent jusqu’à la deuxième moitié du 20ème siècle, avec notamment l’ouverture du marché de gros en 1961. A la fin du 20ème siècle le déclin de ces activités industrielles et la relocalisation des activités portuaires en aval laissent de grandes friches dans le sud de la presque-île. En 1999, la création de la SEM, société d’économie mixte, Lyon Confluence annonce le début du grand projet de la transformation de ces quartiers. Les objectifs de ce projet urbain sont la revalorisation des friches industrielles, l’agrandissement du centre de Lyon, et la création d’une « ville durable pour le bien être des habitants. »25 Le projet urbain est divisé en 3 secteurs d’aménagements : la ZAC 1 (zone d’aménagement concertée première phase), le quartier Perrache Sainte Blandine et la ZAC 2 (cf. annexe 1 : Cartographie de La Confluence). Cet espace urbain connait des transformations importantes avec des architectures innovantes qui participent à l’identité du quartier, comme le Musée des Confluences, dessiné par les architectes Coop Himmelb(l)au, et achevé en 2014. La première phase de la transformation de ce quartier se concentre sur la revalorisation des quais de Saône au sud de Perrache. Les rives de Saône sont un nouvel espace de promenade urbaine, de Perrache jusqu’à la confluence, aménagées pour permettre différents usages. En 2010, c’est la place nautique qui est inaugurée. La création de ce bassin qui communique avec la Saône façonne les espaces publics dans les environs comme l’esplanade François Mitterrand. La ZAC 2, conçue par Herzog & de Meuron et Michel Desvigne, traite le côté Rhône de la confluence. Elle comporte les quartiers du Marché et du Champ qui sont en cours de transformation. Le long de l’esplanade François Mitterrand, l’îlot B2, aujourd’hui nommé Ydeal par Lyon Confluence et le maitre d’ouvrage mise sur les principes de réversibilité et d’autoconsommation collective d’électricité des bâtiments. Parmi les consignes du concours pour cet îlot, se trouvent la présence d’un bâtiment bas

25

Site web Lyon Confluence, https://www.lyon-confluence.fr/fr/les-grands-principes-damenagement , consulté le 27/01/2021

27 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


carbone et la demande d’une matérialité extérieure minérale. Les agences Diener & Diener Architekten et Clément Vergély Architectes se sont associés pour répondre au concours et l’ont remporté en 2015.

© Asylum Figure 7 : Site du projet de l'Orangerie dans le projet urbain Lyon Confluence (Fond : plan masse du projet urbain 2015 SPLA confluence

Cet îlot est donc dessiné par cinq bâtiments s’alignant chacun sur la rue. Les architectes ont travaillé à exprimer la mixité et la richesse urbaine, en donnant à chaque bâtiment son identité propre, sans pour autant que cela devienne des objets autonomes. L’objectif des concepteurs est également de proposer des immeubles dont l’usage pourrait changer. C’est ainsi que le principe commun à la conception des bâtiments était que « l’organisation spatiale veille à ne pas sceller le bâtiment à sa vocation initiale, ni affaiblir son caractère sensible »26.

26

Site web Lyon Confluence, https://www.lyon-confluence.fr/fr/les-grands-principes-damenagement , consulté le 27/01/2021

28 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


© association 1000 & 1 choses Figure 8 : l'Ilôt B2 vu du ciel, situation urbaine de l'Orangerie

La stratégie structurelle adoptée dans chacun des cinq bâtiments répond aux défis de la possibilité de mutations des usages des bâtiment dans le temps. Leur structure se résume aux façades et aux noyaux, permettant une liberté d’aménagement des espaces. La façade, étant porteuse a une véritable épaisseur et s’exprime suivant différents principes dans les cinq immeubles. D’après ces principes, l’immeuble B03, par exemple, faisant face à l’esplanade François Mitterrand est conçu pour être réversible : avec une hauteur sous-plafond de 3,3 mètres, les plateaux peuvent accueillir aussi bien des bureaux que des logements.

PROGRAMME 181 logements, bureaux (2339 m²) commerces et crèche SURFACE DE PLANCHER 12 040 m² MONTANT DES TRAVAUX 20 600 000 € HT Figure 9 : Tableau Ilot B2 en chiffre27

2_1_2_ l’Orangerie : immeuble de bureaux en pisé Les architectes ont choisi de développer une démarche d’éco-conception pour le bâtiment B05 donnant sur la rue Jacqueline et Rolland de Pury. Pour répondre au défi de la construction bas carbone, les architectes ont choisi de construire avec une structure en pisé et en bois. Leur but était, en travaillant avec la terre crue, de pousser la technique du pisé pour qu’elle s’exprime dans une architecture

27

Site web Clément Vergély Architectes, http://www.vergelyarchitectes.com/ilot-b2-lyon-confluence/ , consulté le 31/01/2021

29 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


contemporaine. Le projet fait honneur aux arches des orangeries du parc de la Tête d’Or et lui emprunte son nom. Les dessins, plans et élévations des architectes se trouvent en annexe. Conception et matériaux Le volume est organisé en un rez-de-chaussée et deux niveaux. Les façades les plus longues sont percées par une répétition de 5 arches en pisé, chacune faisant 9 mètres de haut et ayant une portée de 4 mètres. Le pisé ne travaillant qu’en compression le dessin des arches a été étudié pour fonctionner structurellement comme des voûtes en encorbellement. Les façades reprennent les charges des planchers en bois. Le travail du bureau d’études structure Batiserf a permis de vérifier les performances de la structure.

Figure 8 : L'Orangerie, vue depuis le cœur d'ilot

Pour minimiser l’empreinte carbone du bâtiment, les matériaux ont été choisis pour leur proximité. La terre en pied d’œuvre ne pouvait pas être utilisée pour le pisé car c’était une terre de remblai polluée. L’approvisionnement en terre s’est fait dans un rayon de 30 km. L’entreprise Le pisé a choisi d’utiliser la terre d’un terrassement d’un chantier à Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Pour cela, la terre est testée d’abord par l’entreprise pour déterminer si elle est bonne à construire puis à nouveau vérifiée avec des tests en laboratoire à l’ENTPE. Le bois de sapin des planchers et des escaliers vient des forêts des Vosges

© Clément Vergély architectes Figure 9 : Arche en pisé, phase de chantier

30 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


à 300 km de Lyon. Aux deux matériaux principaux du bâtiment s’ajoutent le sous-bassement en pierre, provenant des carrière du plateau d’Hauteville dans l’Ain, les fondations en béton armé, les menuiseries en bois etc… L’épaisseur des arches en pisé évolue suivant la hauteur : 80 cm au rez-de-chaussée, puis 65cm au 1er étage et enfin 50 cm au second(cf. annexe 3 : coupe schématique de la paroi en pisé). Les blocs de pisé servent d’appui au solivage du plancher. Ce principe constructif permet de simplifier la descente des charges ainsi que l’interface entre le mur et les planchers. Le pisé est laissé apparent à l’extérieur comme à l’intérieur, cela permet de profiter de son inertie thermique qui apporte un réel confort d’été grâce aux déphasages thermiques. Les parois en pisé ne sont pas isolées, cela permet également d’éviter les risques de condensation de la vapeur d’eau qui peuvent dégrader le pisé. Les pertes thermiques en hiver sont de l’ordre de 10 % et restent minimes comme l’indique l’architecte Stephan Jeske pour l’usage du bâtiment. Les atouts de la terre crue permettent donc que l’immeuble ne soit pas équipé de climatisation ni de système de ventilation à l’exception des brasseurs d’air. Mise en œuvre et chantier La mise en œuvre du pisé a été dirigée par Nicolas Meunier de l’entreprise Le pisé. Les arches sont composées de blocs de pisé préfabriqués. La mise en œuvre a été aidée par la préparation d’une maquette au 1.20ème du bâtiment avec des blocs de terre cuite et une maquette numérique du bâtiment comportant les étapes du chantier et le dessin numérique de chaque bloc en 3D. L’entreprise a préfabriqué les blocs de pisés qui sont ensuite mis en œuvre sur chantier pour former les arches. Les blocs sont préfabriqués sur place à l’aide de la « station de préfabrication », machine mise au point par Nicolas Meunier et son entreprise qui permet de fabriquer les blocs de pisé au fur et à mesure sur chantier. Le processus est mécanisé pour réduire la pénibilité du travail des ouvriers comme l’explique Nicolas Meunier. « Deux personnes travaillent en même temps à la station. La terre est amenée en grande quantité (6 m3) sur un tapis roulant motorisé. Elle est déposée dans le malaxeur où la teneur en eau est corrigée et ajustée. Des tiroirs sont remplis de la quantité exacte nécessaire à une couche de terre puis acheminés par l’un des ouvriers au niveau du coffrage. Là, le deuxième ouvrier s’occupe de diriger les masses qui compactent la terre : 4 poids, de 30 kg chacun, montent et descendent pour compacter les couches de terre. »28 « Nous fabriquons entre 2 et 5 blocs par jour, pas selon leur taille, mais par rapport à leur complexité (forme, positionnement de réservations, ou d’inclusions du genre appui de poutre ou autre. »29 Les blocs de pisé reprenant le plus de charges (ceux du rez-de-chaussée et des voûtes) ont dû être préfabriqués un an à l’avance pour leur permettre de sécher plus longtemps et être ainsi plus résistants. Ils ont donc été stocké sur une parcelle à côté du chantier, chaque bloc était surélevé du sol et protégé des intempéries.

28 29

MEUNIER (Nicolas), entretien, 20 janvier 2021, retranscrit en annexe Ibid.

31 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


© Clément Vergély architectes Figure 10 : Séchage des blocs de pisé préfabriqués

Après avoir mis en place les blocs ayant séché un an, les autres blocs de pisés étaient préparés et décoffrés juste après leur compactage puis levé et posé sur les murs. Pour assurer la jonction entre les blocs de pisé un mortier de terre de 1cm est déposé entre les blocs. Ce mortier est fait à partir de la même terre que celle des blocs de pisé mais celle-ci est tamisée pour enlever les grains les plus gros.30

© Amélie Luquain Figure 11 : Positionnement d'un bloc de pisé sur le mur, sur un lit de mortier de terre

En plus, de la technicité de la mise en œuvre des blocs, la création des coffrages a également été un travail de précision. L’entreprise Le pisé a fait appel à un chaudronnier pour créer des coffrages en métal. Les coffrages devaient avoir des géométries très précises pour répondre aux dessins des blocs comportant une feuillure et permettre la superposition parfaite des blocs. Chaque pièce des coffrages a été découpée au millimètres près au jet d’eau ou au laser puis assemblée. Les 15 coffrages nécessaires

30

MEUNIER (Nicolas), entretien, 20 janvier 2021, retranscrit en annexe

32 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


à la réalisation d’une arche ont été réutilisés pour former les blocs de chacune des 14 arches. Au total, 286 blocs de pisés ont été préfabriqués sur le chantier.31 Pour la réalisation de la structure, l’entreprise du gros œuvre en pisé et celle de charpenterie ont travaillé simultanément. La mise en œuvre des murs et celle de la pose des solives, des planchers étaient coordonnées. Nicolas Meunier, témoigne d’une « bonne entente entre les entreprise,s ce qui est important pour le bon déroulé du chantier »32. En effet, la mise en œuvre des blocs de pisé d’un étage sur un côté du bâtiment était suivie par le charpentier, qui posait les poutres du plancher et couvrait le haut des blocs de pisé pour les protéger des intempéries. La mise en œuvre a été organisée en segments de bâtiment et en alternant la pose des blocs de pisé et de la charpente. D’abord le centre du bâtiment : les blocs de pisé du RDC sont mis en place puis pendant que le charpentier couvre les murs et fait le solivage du centre, les blocs de pisé du RDC de la partie gauche sont mis en place, puis le charpentier vient travailler sur cette partie gauche du bâtiment etc. Les deux équipes travaillaient donc en même temps en continu mais pas au même endroit du chantier. Au final, le coût de construction de l’Orangerie est de 2100 € par m² pour une surface de 1000 m² ce qui est plus élevé que le prix moyen pour un bâtiment de bureau. 33 Jeu d’acteurs La réalisation d’un projet architectural fait appel à de nombreux acteurs et corps de métiers. Les trois grandes catégories d’acteurs sont : la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et les constructeurs.34 Dans le cadre du projet urbain de Lyon Confluence, la SPL (société publique locale) Lyon Confluence est l’aménageur. Il a pour rôle de choisir le maître d’ouvrage et veille à ce que l’amménagement corresponde aux orientations générales du projet urbain. Le maître d’ouvrage, OGIC est un promotteur imobilier. Il paie et fait construire le projet. Il a donc un lien contractuel avec chacun des autres acteurs. Dans le cas de l’Orangerie on retrouve les mêmes acteurs principaux que pour n’importe quel autres projet en marché public. Cependant pour la construction en terre crue et la technique du pisé il n’existe pas de texte réglementaire et de règles de calcul pour évaluer la structure. Les architectes ont donc été épaulés d’experts de la construction en pisé pour mener à bien le projet. Le bureau d’étude structure Batiserf a notamment travaillé sur tous les calculs de structure des arches en blocs de pisé préfabriqués. Le bureau d’étude HQE (haute qualité environnementale) a étudié le confort thermique et hygrométrique du bâtiment dû aux propriétés de la terre crue. Les tests en laboratoire de la terre crue ont fait intervenir des chercheurs notamment Antonin Fabbri et Jean Claude Morel. L’appel à ce type d’acteurs pour la réalisation d’un projet est très rare, comme l’indique Nicolas Meunier, dont tous les autres projets réalisés en pisé porteur se sont déroulés sans le travail de scientifiques.

31

MEUNIER (Nicolas), entretien, 20 janvier 2021, retranscrit en annexe Ibid. 33 JESKE (Stefan), entretien, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe 34 DEHAN (Philippe), Acteurs & déroulement d’un projet architectural ou urbain, UR 04 –A16 32

33 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Pour que le projet se déroule au mieux et que la réalisation aboutisse dans les meilleures conditions les relations entre tous ces différents acteurs sont très importantes. Réaliser un projet architectural est un travail d’équipe et « il est nécessaire que l’ensemble des acteurs d’un projet intégrant de la terre crue soient informés et travaillent en collaboration étroite dès la conception du projet »35 d’après les architectes chercheurs de l’association Amàco.

Figure 12 : Organigramme des acteurs pour réaliser l'Orangerie

Réception médiatique du projet Le projet de l’Orangerie a fait l’objet de nombreux articles dans les revues d’architectures et dans la presse. Le travail des architectes et des entreprises a été félicité pour la modernité de l’utilisation du pisé dans la forme innovante des arches et pour les techniques de préfabrication et de mise en œuvre. Les publications permettent de visibiliser la construction en pisé et, avec ce projet de l’Orangerie, de renouveler son image.

35

AMACO, Une équipe projet engagée, Cours, Construire en terre crue aujourd’hui, , 2020, FUN MOOC

34 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


2_2_ Les défis de l’assurance des ouvrages en pisé Il est question ici non plus de la technicité du pisé et de l’innovation de sa mise en œuvre mais des difficultés à assurer un ouvrage en pisé. C’est la principal difficulté rencontré pour la réalisation de l’Orangerie. Cette situation concerne également les autres techniques constructives en terre crue. Il s’agit des freins principaux aux développement de la construction en terre crue actuellement. Le phénomène et les liens de causes à effets sont explicités dans le schéma suivant.

Figure 13 : Schéma des principaux freins de la filière terre crue et liens causes/conséquences liés à la réglementation et l’assurabilité des projets

2_2_1 _ Manque de capitalisation scientifique et technique Le terme ‘capitalisation’ est dans ce mémoire utilisé dans le sens suivant : Capitaliser des connaissances : c’est l’action d’extraire, formaliser et sauvegarder les connaissances acquises et détenues dans la pratique quotidienne d’une activité, essentiellement les savoir-faire et retours d'expérience. (Définition du CNRS 36) La filière de la construction en terre crue souffre de l’absence de capitalisation des savoirs scientifiques à propos de ce matériau et de sa mise en œuvre. Il y a une faible diffusion, accessibilité et validation des 36

CNRS, Capitalisation des connaissances, octobre 2013

35 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


études et des données existantes sur la terre crue et ses techniques de mise en œuvre. En conséquence, « les données, modèles et méthodes de calcul adaptés à la terre crue sont quasi inexistants »37 indique le plan national terre crue. Cette absence de référentiel rend difficile la conception des ouvrages pour répondre aux réglementations (thermiques, incendie, sismique et acoustique). Il n’y a pas non plus de règle de calcul structure38 pour dimensionner les ouvrages en terre crue notamment les ouvrages en pisé. Des études spécifiques sont réalisées pour les projets d’envergures nécessitant une validation par un bureau de contrôle. La capitalisation technique permettrait la création de référentiel et de méthodes scientifiques de caractérisations des matériaux.39 C’est aujourd’hui le travail engagé par le Plan National terre crue pour faciliter l’utilisation de la terre crue dans la plupart des contextes de projet. Dans le cas de l’Orangerie, pour pallier le manque de référentiel et de modèle de calcul, plusieurs acteurs ont travaillé à caractériser et calculer cet ouvrage en pisé. Le bureau d’étude Batiserf a travaillé au calcul de la structure et des performances thermiques du bâtiment. Pour caractériser la matière première utilisé, des tests à l’ENTPE au laboratoire de tribologie et de dynamique des systèmes (LBTDS) ont permis d’établir des données scientifiques sur un échantillon de terre. Ces travaux reviennent à créer des données spécifiques au projet qui pourraient, elles-mêmes, être capitalisées par la suite et participer à la création de modèle de référence pour la construction en pisé.

2_2_2_ Système réglementaire actuel : le pisé, une technique classée non traditionnelle Les matériaux et les techniques de construction en France sont encadrés par un système réglementaire et normatif. Le respect de ces normes et réglementations est vérifié par le bureau de contrôle puis permet la réception des travaux. La construction est alors garantie et assurée. Le respect des normes et la validation par le bureau de contrôle conditionne l’assurabilité de l’ouvrage pour les projets en marché publics. Il existe des normes pour tous les aspects de la construction : des normes de produits de construction, des normes de conception ou de dimensionnement des équipements, des normes d’ouvrages et des normes de mise en œuvre de produit concernant l’exécution des travaux. De nombreuses techniques de construction, dite « traditionnelle », comme le béton, sont encadrées par ce ensembles de normes dans des documents techniques unifiés (DTU). Les techniques et matériaux non traditionnels, comme la terre crue et la technique du pisé, font appel à d’autre système pour valider les ouvrages et permettre leur assurabilité. Les procédures possibles sont les suivantes : - La demande d’un ATE (agréments techniques européens), remplacé aujourd’hui par l’ETE (évaluation technique européenne) pour un produit non traditionnel est une démarche volontaire permettant d’établir une déclaration de performance et d’obtenir le marquage CE. 37

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p. 11 Ibid. 39 LEYLAVERGNE (Elvire) , La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, (2012) p. 37 38

36 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


- Certains procédés peuvent être visés par une enquête de technique nouvelle, ETN. Cette procédure effectuée par un bureau de contrôle n’est à priori pas reconnu par le contrôle technique. N’étant reconnue donc qu’au cas par cas, il est important de s’assurer de la reconnaissance de l’ETN avant les travaux pour l’assurabilité du bâtiment. - Les ATEx (Avis Technique d’Expérimentation) type A ou B, sont une procédure d’évaluation technique délivrées par un groupe d’experts, le comité d’ATEx. Cette procédure permet de valider un produit, une technique constructive ou un équipement non renseigné par un avis technique. L’ATEx de type B n’est valable que pour un « projet de réalisation identifié » selon les mots du site officiel du CSTB40. Cela veut dire que pour un même type d’ouvrage réalisé par la même entreprise mais sur un projet différent, une nouvelle ATEx de type B est requise. Monter le dossier pour une ATEx de type B est une procédure aux coûts économiques important et qui ajoutent une lourde charge de travail. La validation des techniques de construction par l’une de ces procédures (ATE, DTA, ATEx, ETN) permet de bénéficier des mêmes conditions d’assurance que les techniques courantes. Les outils normatifs permettent aux assureurs d’engager des procédures contractuelles. Les entreprises s’engagent à garantir pendant 10 ans leur ouvrage de gros œuvre et pendant 2 ans pour le second œuvre.

Figure 14 : Tableau schématique du système assurantiel français

Les constructions nouvelles doivent répondre aussi à un certain nombre de réglementations spécifiques comme la réglementation thermique, RT 2012, réglementation parasismique, réglementations sécurité et protection contre l’incendie. Les textes réglementaires concernant la construction en terre crue en France se résument aux règles professionnelles pour enduits sur supports composés de terre crue et la norme sur les briques de terre crue stabilisée ou non à la chaux. Depuis décembre 2018, le guide des bonnes pratiques de la construction en terre crue est validé par l’ensemble des structures du comité de direction. Ce document normatif fait consensus chez les professionnels de la construction en terre crue. Il met « à disposition des recommandations et 40

Site web du CSTB, Demander une ATEx, https://evaluation.cstb.fr/

37 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


spécifications permettant la réalisation et l’entretien d’ouvrages en terre crue conformes aux attentes en termes de stabilité, d’usage, de pérennité, etc. »41 mais n’a ni la valeur et ni la reconnaissance d’une norme. Il existe six guides des bonnes pratiques pour chacune des pratiques courantes : pisé, enduits, torchis, terres allégées, brique de terre crue et bauge. Les guides sont accessible en ligne par tous et s’adressent autant aux praticiens expérimentés, qu’aux professionnels non encore sensibilisés aux techniques utilisant la terre crue.42 De par ce manque de textes réglementaires et l’absence de normes, les projets en terre crue passent par des procédures comme les ATEx pour faire valider au près du CSTB les performances de matériaux et/ou procédés d’une technique constructive. Cette absence de norme pour la construction en terre crue et la difficulté de l’assurabilité des projets font partis des freins principaux du développement de la filière terre crue. Le travail de recherche du Plan Nationale terre crue a pour objectif de pallier aux freins majeurs de l’assurabilité des ouvrages en terre crue. Une piste de solution proposée est l’adaptation de la logique de réglementation aux particularités de la construction en terre crue : ce ne serai pas le matériau qui serait analysé et normé mais la performance de l’ouvrage. « Cette démarche ne valide pas, a priori, un élément d’ouvrage en fonction du matériau employé, mais un élément d’ouvrage en fonction d’essais de chantier ou de laboratoire réalisés sur l’élément constructif fini et en fonction des contraintes réelles qui seront appliquées à l’élément d’ouvrage durant la vie du bâti. »43 Le guide des bonnes pratiques explique que « Le matériau terre étant multiple de par la diversité des terres et les techniques de mise œuvre »44 l’approche règlementaire ne peut pas se baser sur la définition des caractéristiques unique du matériau mais doit prendre en compte les savoir-faire et la mise en œuvre. Le « permis de faire », issu de la loi LCAP 2016, permet également de déroger à certaines réglementations de sécurité dans un certain cadre. 45 Cette souplesse dans la réglementation permet une recherche par la réalisation de projets innovants. Bien que des solutions soient possibles aujourd’hui avec notamment les procédures d’ATEx pour valider une construction en pisé, le développement de la filière terre crue serait facilité par la création d’un système normatif pouvant couvrir ces types d’ouvrages.

41

Site web : Asterre, Les guides des bonnes pratiques https://www.asterre.org/les-guides-de-bonne-pratique/

42

COLLECTIF (ARESO / ARPE Normandie / AsTerre / ATOUTERRE / CAPEB / Collectif Terreux Armoricains / FFB Fédération des SCOP du BTP / Maisons Paysannes de France / Réseau Ecobâtir / TERA) , Guide des bonnes pratiques de la construction terre crue, décembre 2018, p. 3 43 COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p. 8 44 COLLECTIF (ARESO / ARPE Normandie / AsTerre / ATOUTERRE / CAPEB / Collectif Terreux Armoricains / FFB Fédération des SCOP du BTP / Maisons Paysannes de France / Réseau Ecobâtir / TERA) , Guide des bonnes pratiques de la construction terre crue, décembre 2018, p. 4 45

l’Ordre des architectes, Permis de faire" : la voie est ouverte, 12 mai 2017

38 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


2_2_3_ Demande d’ATEx pour les arches en pisé de l’Orangerie Les arches en pisés de l’Orangerie sont considérées par le système réglementaire français comme une technique non traditionnelle. Le bureau de contrôle a demandé la réalisation d’une ATEx de type B pour évaluer les arches en pisé. L’entreprise Le pisé et le bureau d’étude structure Batiserf ont monté le dossier pour présenter le système constructif, le matériau, ses performances et justifier ses aptitudes à l’emploi. La demande d’ATEx a ensuite été examinée à Paris par un comité d’ATEx. « Mais malgré la préparation et tout le travail qui a été réalisé en amont, en fait l’ATEx on ne l’a pas obtenue. Parce que la commission a jugé que les conditions de sécurité n’étaient pas suffisantes. On nous a demandé des conditions de sécurité sur ce pisé porteur qui étaient juste exorbitantes. »46 Cette procédure non validée a engendré d’autres complications et des tensions entre les acteurs. L’ATEx défavorable pour les arches en pisé de la commission a été accompagné de réserves et prescriptions de la part du bureau de contrôle, notamment le rajout de poteaux en bois de précautions. Si les murs en pisé venaient à s’affaisser de quelques centimètres, ces poteaux « béquilles » plus court de 2cm et placés non loin des façades, auraient ainsi repris le poids des planchers. Cette condition aurait transformé l’architecture du projet. C’est pourquoi l’équipe de maîtrise d’œuvre et l’entreprise Le pisé se sont battus pour trouver un autre terrain d’entente avec le bureau de contrôle. Cette situation a généré beaucoup de tensions entre les différents acteurs, d’autant plus que la non-validation de la structure pose problème pour l’assurabilité du bâtiment à sa livraison. Il y a donc eu de fortes dissentions entre la maîtrise d’ouvrage et la maitrise d’œuvre à propos de la livraison du bâtiment sans avoir obtenu l’accord positif du bureau de contrôle. L’alternative trouvée a été une l’accumulation de mesures compensatoires qui a permis finalement de livrer le bâtiment tout en n’altérant pas les choix architecturaux. Un protocole de surveillance a ainsi été mis en place pour vérifier le bâtiment tout au long de son utilisation. Un géomètre réalise des mesures tous les 3 mois pour signaler un éventuel changement.47 « Voilà enfin on a obtenu le bâtiment qu’on avait dessiné à la bas ! Mais c’était effectivement une procédure assez longue très conflictuelle qui nous a gâché un peu le plaisir de construire cet immeuble, qui reste malgré tout une vraie réussite »48 Ainsi la réalisation d’un ATEx et l’obtention de celui-ci pour un bâtiment en pisé n’est pas une procédure facile. Nous pouvons rapprocher le cas de l’Orangerie avec celui du projet de l’agence TOA à Nanterre, où l’ATEx pour les murs en pisé porteur n’a pas non plus été validé. Sous le poids du bureau de contrôle, les architectes ont dû aussi réadapter leur projet et les murs en pisé sont renforcés par une structure en béton. Leur projet du groupe scolaire Miriam Makeba à Nanterre a été ainsi transformé pour obtenir la validation du bureau de contrôle.Avec ces modifications imposées, les murs en pisé du sousbassement et le mur d’enceinte ne sont pas porteur.49

46

JESKE (Stefan), entretien, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe Ibid. 48 Ibid. 49 LUQUAIN (Amélie), La terre crue change d’échelle, Le Moniteur, 19 novembre 2019 47

39 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


L’association Amàco rappelle qu’« une étroite collaboration avec le bureau de contrôle en charge du projet permet une meilleure justification des attentes réglementaires » 50. Pour la réalisation de projets en terre crue le travail dès la conception avec le bureau de contrôle permet d’anticiper et de préparer la validation finale des matériaux et de leur mise en œuvre. « Cette validation (par le bureau de contrôle) en amont évite le passage par des certifications expérimentales des performances, relativement coûteuses pour des projets de tailles réduites »51.

Bilan Les projets en pisé porteur se confrontent donc à un système normatif et réglementaires dans lesquels les techniques constructives « non traditionnelle » ont recours à des procédures de validation n’aboutissant pas toujours à un avis favorable et à des conditions d’assurances avantageuses. L’une des perspectives principales pour le développement de la filière terre crue reste donc l’élaboration d’un moyen d’évaluation des ouvrages en pisé accepté par la C2P (Commission prévention Produits) en tant que techniques courante et la création de modèle référentiel pour répondre aux réglementations.

50 51

AMACO, Une équipe projet engagée, Cours, Construire en terre crue aujourd’hui, , 2020, FUN MOOC Ibid.

40 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


41 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Partie 3 : Pallier aux autres freins de la filière terre crue : mise en perspective de la situation de l’Orangerie

3_1 _L’Image péjorative de la construction en terre crue La perception d’un matériau de construction par une population est déterminante pour son utilisation et son développement. Il est question ici de l’aspect socioculturel de la terre crue. L’image de la construction en terre crue que peut avoir le grand public est négative : non durable dans le temps, peu solide et pas moderne. Cette perception constitue l’un des freins au développement de la filière. Le Plan nationale terre crue comprend parmi son programme de recherche un volet sur la « socioculture de la terre crue »52 qui s’intéresse à comprendre et documenter l’évolution de la perception de la construction en terre crue et les raisons d’invisibilité du matériau et de renouveau de ces techniques constructives.

3_1_1 _ Méconnaissance et à priori sur la terre crue La construction en terre crue a longtemps été sous-investiguée par les chercheurs. Le Plan national terre crue a pour mission d’étudier le phénomène « d’invisibilisation historiographique » 53 de la terre crue. Ce phénomène contribue à une perception négative de la construction en terre crue chez le grand public. La représentation disqualifiante du matériau contribue à l’oubli de la construction en terre crue. Ce matériau était peu reconnu et identifié comme le matériau du pauvre et correspond à un « savoir obsolète ». Par ailleurs la perception des habitants du matériau terre crue, est due à l’absence de connaissances des propriétés de la terre crue et de sa mise en œuvre. Cela peut conduire à des rénovations non adaptées qui détériorent ses propriétés et peuvent être à l’origine de sinistres. « les maçons, les architectes, les habitant.e.s bricoleurs ne baignant plus dans la culture de la rénovation de ce type de bâti, en viennent à « bousiller » la terre par des mélanges inappropriés, à la dissimuler sous du ciment, et à lui faire perdre ses atouts thermiques et plastiques, lui conférant alors le statut de « mauvais » matériau »54 La terre crue est étanche à l’air mais pas à la vapeur d’eau. L’une des règles de conception pour la construction et rénovation de paroi en terre crue est que la migration de la vapeur d’eau soit possible à travers tous les matériaux de la paroi. Si un matériau très étanche à la vapeur d’eau est mis en œuvre avec la terre crue comme un enduit de ciment, la vapeur d’eau, ne pouvant plus migrer, risque de condenser. L’humidité ne pouvant plus s’évaporer, le mur en terre peut être endommagé et l’enduit de

52

COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p.119

53

Ibid. p.16 Ibid. p.120

54

42 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


ciment se décollé.55 Pour accompagner les travaux de rénovations, les guides de bonnes pratiques décrivent méthodes, systèmes pour entretenir et rénover le patrimoine bâti en terre crue. La région Auvergne-Rhône-Alpes-, région où la construction en pisé est traditionnelle, est depuis les années 1980, un lieu privilégiés pour la diffusion de la culture de la construction en terre crue et en pisé. Le laboratoire CRAterre à l’ENSA de Grenoble a notamment permis une meilleure connaissance des techniques constructives en terre crue. Dans ce contexte , la réalisation du projet de l’Orangerie, a été possible car les acteurs du projets connaissaient et estimaient la construction en terre crue. Stephan Jeske, architecte, souligne que la réalisation du projet a été possible grâce à la collaboration avec des experts de la terre crue et du pisé et que le seul acteur qui n’avait pas confiance dans ce matériau était le bureau de contrôle.56 La méconnaissance du pisé et de la construction en terre crue concerne également des professionnels de la construction. Cette situation illustre le manque de formations à la construction en terre crue que nous traiterons dans la suite du mémoire. Le développement de la filière terre crue n’est possible qu’avec un changement de perceptions de ce matériau. L’une des perspectives est la valorisation de travaux de recherches sur la construction en terre crue et de projets architecturaux réalisés en terre crue par des actions de communications.

3_1_2_ Communication et visibilité de la construction en terre crue La communication joue un rôle important pour la revalorisation des cultures constructives. De nombreuses actions pour rendre visible la terre crue ont été menées à différentes échelles, dans différents cadres et pour différents publics. Elvire Leylavergne, architecte, thématise dans son étude, ces actions de communications dans 3 secteurs : la sensibilisation, les échanges interprofessionnels et les projets exemplaires.57 L’exposition Des architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire au centre Georges Pompidou en 1981 marque le début du regain d’intérêt pour la terre crue auprès des chercheurs. Ce premier évènement de sensibilisation retentit à l’échelle nationale mais également internationale. Cette action de communication à grande échelle a eu de grandes conséquences pour le renouveau de la construction en terre crue. Le travail des chercheurs et l’augmentation du nombre de nouvelles réalisations en terre crue sont accompagnés aussi par davantage d’événements de sensibilisation à la terre crue et de valorisation des travaux de recherches et projets. Ces projets de sensibilisation visent tous les publics, pour diffuser la culture de la construction en terre crue. Les nouvelles réalisations en terre crue sont valorisées dans des projets de communication comme Terre Contemporaine portée par les deux architectes, Anne-Lyse Antoine et Elisabetta Carnevale. Ce travail de mise en valeur des projets réalisés permet aux prochains projets d’avoir des références et de diffuser une image actuelle de la construction en terre crue. Une démarche visant le même objectif avait été réalisée à la suite de l’exposition du Centre George Pompidou avec la réalisation du « Domaine 55

AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, une équipe de projet engagée, FUN MOOC, 2020 JESKE (Stefan) entretien, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe 57 LEYLAVERGNE (Elvire), La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, (2012) p. 32 56

43 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


de la Terre » en Isère, en 1985. Ce projet fait partie de la stratégie culturelle du Centre National d’Art de la Culture Georges Pompidou. Ce quartier d’habitat social est constitué de bâtiments expérimentant différentes techniques de construction en terre crue. Le « Domaine de la terre » est un projet reconnu qui a servi de support par la suite à des recherches scientifiques. Aujourd’hui, c’est dans cette même optique de sensibiliser à l’architecture en terre crue par le biais de projets exemples qu’est construite l’Orangerie. Ce projet à Lyon Confluence s’inscrit dans la volonté de créer un projet pouvant faire référence comme l’explique Stefan Jeske, architecte. « L’un des objectifs aussi de notre projet c’était de pousser plus loin un projet en terre, pour créer effectivement une sorte de référence qui permettra aussi à d’autres projets qui vont suivre de se baser dessus.»58 Le projet est une preuve construite, que le pisé peut être utilisé comme structure porteuse d’un projet innovant à l’expression contemporaine. « On voulait effectivement prouver qu’aujourd’hui on peut construire avec du pisé de façon contemporaine, même en ayant un langage [architectural] assez poussé les grandes arches, qui perforent le mur ( il y a 40% d’ouvertures).»59 L’Orangerie dispose d’une visibilité médiatique dans la presse architecturale. Plusieurs articles écrits sur le projet décrivent les intérêts de la terre crue et de la construction en pisé. La communication autour de ce projet est l’un des moyens pour pallier à la déconsidération de la construction en pisé. La diffusion d’une image moderne de la construction en pisé permet de faire évoluer la perception culturelle de cette technique constructive. La communication est l’une des clés pour revaloriser les techniques constructives en terre crue et transformer l’image qu’a le grand public de ce matériau. Mais la méconnaissance de la terre crue dans les corps de métiers de la construction doit être prise en charge par la formation.

3_2 _ Manque de formation chez les acteurs de la construction L’enseignement référence des différentes professions de la construction n’aborde que très peu les techniques avec des matériaux naturels et les techniques non conventionnelles. Le Plan nationale terre crue définit la formation des différents corps de métiers de la construction aux techniques non conventionnelles et aux matériaux bio- et géo-sourcés comme l’un des besoins de la filière.60 En effet, il existe aujourd’hui peu d’agence d’architecture travaillant avec la terre crue, car peu d’architectes ont été formés à l’utilisation de matériaux non conventionnels et connaissent les principes de conception en terre crue et sa mise en œuvre. Les entreprises compétentes pour construire en terre crue sont également peu nombreuses.

58

JESKE (Stefan), entretien, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe Ibid. 60 COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020, p. 11 59

44 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


3_2_1 _ Outils de formation et d’enseignement Les formations initiales des professionnels de la construction, architecte, artisans, ingénieurs, maçons et maîtres d’ouvrage ne préparant que très peu à la construction avec des matériaux et techniques non conventionnels, des formations complémentaires se sont développées pour enseigner la construction en terre crue. La formation et l’enseignement de la construction en terre crue s’appuient sur des outils pédagogiques d’expérimentation et de compréhension de la matière par la pratique.61 Différents organismes comme des associations ou entreprises organisent des stages de formation à la construction en terre crue. Parmi eux l’atelier matières à construire, amàco propose un large type de formation. L’élaboration de référentiel pour la formation des professionnels est réalisé et financés dans des cadres européens ou nationaux.62 On compte notamment les projets sur la construction en terre crue développés dans le cadre du programme européen Leonardo da Vinci visant à améliorer le niveau de qualification tout au long du parcours professionnel. Ces projets permettent la production de matériels pédagogiques, de documents à destination de formateurs et des référentiels de compétences sur des techniques constructives. Amàco est une organisation œuvrant pour aider les professionnels et futurs professionnels dans la conception et transformation de matière en matériaux. 63 Basé sur une pédagogie de l’expérience, la stratégie d’amàco est de faire découvrir les techniques de constructions en matériaux géo- et biosourcés par la pratique et l’expérimentation de la matière permettant de développer un esprit de recherche chez les participants aux formations. Les formations se déroulent avec l’aide des Grands Ateliers à Villefontaine et sont destinés aux professionnels, aux étudiants et aux formateurs. Il existe également les MOOC, des formations théoriques en lignes. Amàco travaille avec plusieurs enseignants d’ENSA pour proposer des modules d’enseignements, mettre à disposition du matériel pédagogique et réaliser aux Grands Ateliers des ateliers créatifs d’expérimentation pour les étudiants en architecture. A l’ENSA Lyon est organisé le cours « Transformer la matière en matériau », qui permet une initiation à la construction en terre à travers des ateliers d’expérimentation et des conférences. L’enseignement des techniques de construction en terre crue se développe et touche des professionnels bénévoles et la jeune génération d’architecte. Cependant, encore une grande majorité des professionnels de la construction n’ont aucune connaissance de la terre crue, de ses propriétés et de sa mise en œuvre.

61

LEYLAVERGNE (Elvire) , La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, 2012, p.34 62 Ibid. p.33 63 Site web amàco.org https://amaco.org/activites/formation/

45 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


3_2_2 _ Certains acteurs du projet de l’Orangerie non formés à la construction en pisé Les professionnels de l’équipe ayant participés à la réalisation de l’Orangerie étaient inégalement connaisseurs des caractéristiques de la construction en pisé. Pour un certain nombre d’acteurs c’était la première fois qu’ils réalisaient un projet en pisé. L’architecte, Stefan Jeske, n’avait par exemple, jamais été formé à la construction en terre crue dans son parcours professionnels et confie que « C’est le projet qui m’a formé ».64 Mise à part une introduction à la terre crue avec des conférences d’amàco aux Grands Ateliers de l’Ile D’Abeau, l’équipe d’architecte a été initié à la construction en pisé lors de la coconception avec l’entreprise Le pisé. Les maçons piseur ont partagés à l’architecte leur savoir du matériau, les principes de mises en œuvre. Nicolas Meunier explique que « le travail et la discussion se sont bien passés car, il y avait une écoute de la part de l’architecte qui n’était pas formé à la construction en pisé ».65 La réalisation du projet a été accompagné par des acteurs maîtrisant totalement le pisé : Nicolas Meunier, maçon piseur et les chercheurs Antonin Fabbri et Jean Claude Morel. La maîtrise d’œuvre bien que non formée à la construction en terre crue était donc aidée par des experts du pisé et le bureau d’étude Batiserf. Le bureau de contrôle, Socotec a pour mission d’assister la maîtrise d’ouvrage dans les projets de constructions en contrôlant le bon respect des normes de constructions. Cependant, les acteurs de Socotec chargaient de l’Orangerie n’étaient pas formés à la construction en pisé et n’avaient pas confiance en cette technique constructive, ce qui a posé des problèmes pour la réalisation de l’Orangerie : « On avait toujours ce décalage entre les experts de pointe d’un côté et les gens qui savent faire, comme Nicolas Meunier, il a un vrai savoir-faire, et de l’autre côté le bureau de contrôle qui n’était pas à la hauteur justement de tout ça, (…) on n’est pas censé être là pour leur faire une formation dans ce domaine»66 Cette situation de décalage entre le bureau de contrôle et l’équipe de maîtrise d’œuvre n’a pas pu être résolue et le bureau de contrôle était contraignant et n’a pas, comme expliqué plus tôt, validé l’Avis technique d’expérimentation concernant les arches en pisé. Alors que le bureau de contrôle, choisi par le maître d’ouvrage, est un acteur déterminant pour un chantier avec des techniques non conventionnelles comme le pisé. Nicolas Meunier conseille de choisir le bureau de contrôle en se renseignant sur les projets sur lesquels il a déjà travaillé et de connaître ses motivations pour un projet en pisé.67 Si le maître d’ouvrage souhaite réaliser un ouvrage en pisé il a tout intérêt à s’entourer des bonnes personnes notamment un bureau de contrôle formé à cette technique constructive. Le projet de l’Orangerie a souffert du manque de formation des professionnels aux techniques constructives en pisé. Développer l’enseignement de la construction en terre crue à tous les corps de métiers de la construction dans les formations initiales est donc un enjeu important pour assurer le développement de la filière terre crue et permettre la réalisation de projet en pisé.

64

JESKE (Stefan), entretien personnel, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe MEUNIER (Nicolas), entretien personnel, 20 janvier 2021, retranscrit en annexe 66 JESKE (Stefan), entretien personnel, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe 67 MEUNIER (Nicolas), entretien personnel, 20 janvier 2021, retranscrit en annexe 65

46 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


3_3_ Construire en terre crue : coût et gestion Les différentes techniques constructives en terre crue relèvent de savoir-faire artisanaux. Cette culture constructive permet de valoriser la main d’œuvre. En effet, les artisans et constructeurs détiennent un savoir qui donne à leur métier un rôle important et de la valeur. Un chantier réalisé en terre crue fait appel à une main d’œuvre qualifiée et plus nombreuse que pour un chantier de construction employant des techniques conventionnelles. La main d’œuvre étant cher en France, cela représente un surcoût : « Cette main d’œuvre est souvent considérée trop onéreuse par rapport au modèle actuel du bâtiment. Pourtant, des économies substantielles sont faites sur la transformation des ressources naturelles, l’énergie et le transport. Du fait de l’augmentation du coût de l’énergie, cela tendra à compenser un éventuel surcoût de construction. »68 Le coût d’un bâtiment dans le modèle actuel comprend essentiellement les coûts de construction, (matériaux, transports, main d’œuvre) et néglige les coûts durant l’usage du bâtiment (dépenses pour chauffer, ventiler…) et les coûts liés à la fin de vie du bâtiment (démolition, recyclage…). Construire en terre est avantageux économiquement si toutes les étapes du cycle du bâtiment sont prises en compte. Pénalisée vis-à-vis des techniques constructives conventionnelles aujourd’hui moins chères, la filière terre crue se développerait d’avantage si le prix d’un bâtiment révélait les économies d’énergies et l’ensemble les étapes de son cycle de vie.

3_3_1_ Surcoût de la construction en pisé Construire le gros œuvre d’un bâtiment en pisé peut entrainer différents surcoûts par rapport à une réalisation d’un gros œuvre avec une technique constructive conventionnelle. La mise en œuvre du pisé fait appel à une main d’œuvre qualifiée. Le nombre d’artisans est plus important pour mettre en œuvre du pisé que pour couler du béton par exemple. Le coût de la main d’œuvre est l’un des premiers potentiels surcoûts. Par exemple la mise en œuvre des blocs de pisé préfabriqués de l’Orangerie demande une équipe de cinq artisans. Deux artisans s’occupent de la préfabrication des blocs à la station de préfabrication, et les autres artisans effectuent, le levage des blocs et leur mise en place sur les blocs précédemment posés. Comme expliqué plus tôt, le pisé ne fait pas encore l’objet de normes et est considéré comme une technique non traditionnelle dans le système réglementaire français. Pour les projets en marché public et les ERP, les ouvrages en pisé doivent être validé par le contrôleur technique pour être livrés et assurés. La réalisation d’un ATEx est l’une des procédures possibles pour faire valider un ouvrage en pisé pour un chantier en particulier. Le coût d’une ATEx de type B peut aller de 8 000 à 11 000 € HT selon la taille du projet69. Dans le cas de l’Orangerie la réalisation de l’ATEx n’a pas abouti à la validation du bureau de contrôle. L’investissement dans la réalisation de l’avis technique ne garantit pas que le 68

AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, La terre crue, moteur de la transition écologique et sociale, FUN MOOC, 2020 69

Chiffre indicatif du CSTB, Demander une ATEx, https://evaluation.cstb.fr/, 2017

47 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


bâtiment bénéficie des tarifs du régime assurantiel des techniques courantes70. L’ATEx est donc un important surcoût, pouvant jouer en défaveur du choix de la construction en pisé. Les tests scientifiques pour caractériser et choisir la terre crue en amont du chantier sont également des dépenses supplémentaires qu’on ne retrouve pas avec des techniques de constructions conventionnelles où les matériaux sont normés. La terre utilisée pour les blocs de pisé de l’Orangerie a été testée en laboratoire. Ainsi, la réalisation de l’Orangerie a entrainé un certains nombres de surcoûts au frais de la maitrise d’ouvrage. La filière terre crue est pénalisée par ces surcoûts qui sont liés en parti à l’absence de normes pour le matériau et sa mise en œuvre et l’absence de méthode de calcul pour répondre aux réglementations. Pour surmonter ces contraintes économiques liés à la réglementation, les solutions à l’échelle des projets doivent être complétées par les créations de normes et de modèles de références. La réalisations de projets en pisé serait facilitée et gage du développement de la filière terre crue.

3_3_2 Réseau professionnel de la construction en terre crue Les réseaux de la construction en terre crue se sont développés inégalement sur le territoire. Les cultures constructives vernaculaires en terre crue sont adaptées aux terres naturelles locales. Le renouveau de la construction en terre s’est déroulé avec la redécouverte du patrimoine et des savoirfaire locaux. Il en résulte aujourd’hui une organisation d’un réseau dispersé avec des spécificités de savoir-faire locaux reliés au patrimoine régionale.71 On trouve notamment des bassins de compétences, comme pour le pisé en région Auvergne-Rhône-Alpes. Le réseau professionnel s’est coordonnée que très récemment à l’échelle nationale avec la création de la Confédération de la Construction en Terre Crue (CCTC) en 2019. Cette structure mise en place pour le Plan nationale terre crue représente aujourd’hui la filière terre crue. Bien que le réseau professionnel s’organise, l’offre du réseau reste peu lisible et les acteurs de la construction en terre crue peu nombreux. Dans le cas de l’Orangerie, l’équipe de maîtrise d’œuvre a d’abord eu du mal à trouver une entreprise compétente pour répondre à la technicité du projet. Stefan Jeske souligne que l’entreprise Le pisé grâce aux savoir-faire en préfabrication de Nicolas Meunier et de son équipe font parmi des « seuls à pouvoir réaliser un projet de cet ampleur-là »72. A la rareté des constructeurs en pisé s’ajoute une organisation faible et inégale de l’approvisionnement de proximité73. Il peut être difficile pour les entreprises de trouver des fournisseurs en matière première. Cet approvisionnement en terre est parfois pris en charge par l’entreprise de construction. Les

70

Site web du CSTB officiel, assurance et évaluation https://evaluation.cstb.fr/fr/vous-accompagner/evaluation/assurance/ 71 LEYLAVERGNE (Elvire) , La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, 2012, p. 24 72 JESKE (Stefan), entretien personnel, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe 73 l’association ASTERRE, Construire en terre crue : étude sur les obstacles au développement de la construction en terre crue, rapport final, janvier 2013

48 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


entreprises réalisant du pisé font face à différentes difficulté liées aux spécificités de la construction en terre crue. Comme l’explique Nicolas Meunier, le pisé ne pouvant être mis en œuvre qu’en période hors gel : de début avril à fin octobre, cela demande beaucoup d’organisation et de coordination pour mener à bien les chantiers.74 La mise en œuvre du pisé n’offre que peu de souplesse et rend la gestion de l’entreprise et de son calendrier de chantier rigide. Nicolas Meunier met en évidence les contraintes qu’il peut y avoir dans l’organisation des chantiers et le peu de marges de manœuvre disponibles. Par exemple, si le planning d’un chantier vient à être modifié et l’intervention de l’entreprise pour le gros œuvre en pisé est reportée, toute l’organisation et le planning des différents chantiers de l’entreprise doivent être adapté et sont modifié. Les problématiques actuelles de gestion en entreprise des chantiers sont en partis dus à l’isolement des acteurs de la filière terre crue. Le développement du réseau des professionnels de la terre crue de tous les corps de métiers permettrait une meilleure organisation au niveau locale notamment à l’échelle du chantier entre fournisseur, transporteur et constructeur.

Bilan La filière terre crue rencontre donc différentes difficultés dans les domaines de la communication, de la formation et celui économique. Le cas d’une construction en pisé avec le projet de l’Orangerie met en évidence ces obstacles et esquisse les moyens de pallier à ces freins. La construction de projets en pisé serait facilité par : une meilleure connaissance de cette technique constructive du grand public, le développement des formations à cette technique à tous les corps de métiers de la construction, une réduction des surcoûts liés au contraintes réglementaires et un réseau professionnel plus fort. Toutes ces pistes profiteraient non seulement aux projets en pisé mais concernent l’ensemble de la filière terre crue.

74

MEUNIER (Nicolas), entretien, 21 janvier 2021, retranscrit en annexe

49 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


50 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Conclusion

Comment les projets contemporains en pisé porteur se développent-t-ils malgré les freins et les obstacles ? L’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence Cette question pose plus globalement celle de la situation actuelle de la filière terre crue dans son ensemble en France. L’étude de la technique du pisé apporte en effet des éléments concernant l’ensemble des techniques constructives en terre crue. Pour aborder le fonctionnement de la filière terre crue en France et comprendre les freins et les obstacles auxquels elle est confrontée, la réflexion se concentre sur la réalisation de projets en pisé, de la conception à la construction. Cette démarche permet d’identifier de manière concrète les freins et les leviers de la filière terre crue plutôt que de lister ces derniers de manière trop générale. Dans ce travail de recherche nous avons abordé la question selon les axes d’analyses suivants : dans un premier temps, la présentation de la technique du pisé et de son utilisation dans les réalisations neuves, dans un second temps l’identification des freins à la réalisation des arches en pisé de l’Orangerie et pour terminer les perspectives de développement de la filière terre crue malgré les freins actuels. Dans un premier temps, les recherches permettent de définir la construction en pisé, le processus de mise en œuvre du matériau et ses caractéristiques. L’enjeu est de mettre en lumière aussi bien l’évolution des techniques de mise en œuvre que la création de nouveaux savoir-faire. Les projets en pisé ne sont plus obligatoirement réalisés avec une mise en œuvre traditionnelle et font appel désormais à des procédés innovants voire mécanisés. Les innovations des techniques de mise en œuvre comme la préfabrication de blocs de pisé ouvrent de nouvelles portes dans la conception avec des utilisations et des esthétiques de forme renouvelée. Cette question est illustrée dans l’étude par un échantillon de projets en pisé récemment construits choisis à partir des travaux de valorisation de la construction en terre crue. La suite du travail s’attache à l’étude de cas et à identifier les caractéristiques du projet de l’Orangerie à partir des articles, des écrits des architectes et d’entretiens menés avec deux acteurs du projet. Il s’agit de retranscrire les composantes du projet. Le contexte du projet urbain Lyon Confluence est un cadre propice aux innovations architecturales. Il ressort des entretiens avec l’architecte et le maçon piseur que les principales difficultés rencontrées pour la réalisation du projet sont liées au système réglementaire et à la difficulté de certifier un ouvrage en pisé porteur pour qu’il soit couvert par les sociétés d’assurance. Il s’agit donc d’identifier les possibilités de surmonter ce frein à court terme à l’échelle du projet et à long terme pour l’ensemble de la filière terre crue. Si la procédure d’avis technique expérimental (ATEX) de type B peut permettre de faire valider une construction en pisé pour un projet donné elle demeure néanmoins incertaine car en plus de se révéler plus coûteuse elle n’aboutit pas forcément à un avis favorable. Il est donc important pour le développement de la filière terre crue qu’un système normatif puisse couvrir ce type de construction. En dernier lieu, le projet de l’Orangerie met en évidence les autres freins à la construction en pisé. L’image péjorative (en grande partie due à la méconnaissance des techniques constructives et de leurs qualités) de la construction en terre crue et la perception commune de la terre comme un matériau non 51 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


noble rend le développement de nouveaux projets en terre compliqué. Pour y remédier de nombreuses actions de communication et de sensibilisation des citoyens sont organisées par le réseau des acteurs de la construction en terre crue. L’un des objectifs de l’Orangerie est d’être un projet exemple, une preuve construite des performances comme du côté esthétique du pisé pouvant servir à la fois de référence à d’autres équipes voulant réaliser des projets en pisé et également d’outil pédagogique pour contrecarrer la méconnaissance de la terre crue et résister aux idées reçues à son égard. Ce projet permet également d’illustrer certaines problématiques cruciales comme le manque de formation des acteurs de la construction aux techniques constructives en terre crue. La réalisation de l’Orangerie aurait été bien plus simple avec un bureau de contrôle formé à la construction en pisé et reconnaissant les performances du pisé. Le projet est aussi plus généralement démonstrateur de la rareté des acteurs compétents dans le domaine de la construction en pisé. Le développement à grande échelle de la formation des différents corps de métiers à la construction en terre crue et en pisé permettrait de renforcer le réseau professionnel et de faciliter la réalisation de projets en terre crue. Le choix de construire en pisé représente aujourd’hui un surcoût par rapport à un choix de technique conventionnelle lié essentiellement aux coûts de la main d’œuvre et des processus pour répondre à la réglementation. Si certains freins à la filière terre crue transparaissent directement dans la réalisation d’un projet architectural comme l’Orangerie, d’autres appartiennent à une échelle plus globale du développement de la filière. Progresser et combler les manques dans les domaines de la formation, de la réglementation et de la communication permettra aux futurs projets de se développer plus facilement et en plus grand nombre. Les perspectives de réponses aux freins existants sont nombreuses, le travail est en cours avec le Plan National terre crue pour relever un certain nombre de problèmes et proposer un cadre propice au développement de la construction en terre crue. A terme l’ambition du Plan National est de permettre l’utilisation de la terre crue comme un matériau commun. Mener à bien le projet de l’Orangerie était « une vraie bataille »75 comme le décrit Stefan Jeske. L’équipe portant le projet a déployé beaucoup d’énergie pour surmonter les difficultés. Dans tout projet de construction les bonnes relations entre les acteurs sont très importantes mais elles deviennent primordiales pour la réussite d’un projet de construction utilisant des techniques non conventionnelles. Le travail pourrait être enrichi et poursuit de plusieurs façons. D’une part, pour compléter la méthode d’analyse de projets construits en pisé, il faudrait diversifier les acteurs interrogés. Un entretien avec la maitrise d’ouvrage permettrait de comprendre ses motivations, d’approfondir la question économique de la construction en pisé et l’influence des surcoûts dans les choix ainsi que d’étudier le poids de la décision politique pour le développement de cette filière. Le bureau de contrôle est également un acteur qui apporterait une vision différente du projet et des détails sur les enjeux de la validation des ouvrages en pisé. D’autre part, pour élargir la vision du développement de la filière terre crue, il est nécessaire de s’intéresser aux autres techniques constructives en terre crue. La recherche pourrait être poursuit sur des études de cas de projets construit en bauge, adobe, terre coulée ou brique de terre comprimé. Les projets en terre crue contribuent à développer une économie locale et s’inscrivent dans une logique de développement durable. L’élimination des obstacles actuels dépend d’une volonté commune de tous 75

JESKE (Stefan), entretien personnel, 14 décembre 2020, retranscrit en annexe

52 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


les acteurs de la construction et des décisions des pouvoirs publics. La prise de conscience de la crise écologique va-t-elle mener à des décisions politiques permettant le développement de la filière terre crue ? D’ores et déjà et pour encore quelques années, les travaux d’aménagement du Grand Paris express produiront une grande quantité de terre excavée. Quid de l’utilisation possible de ces ressources pour les constructions à venir ? La situation en Ile-de-France permettra-t-elle de proposer un nouvel espace de développement significatif de la filière terre crue ou restera-t-elle seulement l’occasion de réaliser quelques projets de manière épisodique ? La recherche gagnerait également à être poursuivie par la comparaison des situations de réalisation de projets en pisé dans d’autres pays. Cela pourrait mettre en évidence les similitudes et les différences ainsi que de repérer les leviers effectifs dans d’autres contextes pour développer des solutions efficaces.

53 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Glossaire des abréviations

Amàco : Atelier terre à construire ATE : Agréments techniques européens ATEx : Appréciation technique d’expérimentation C2P : Commission prévention produits CCTC : Confédération de la construction en terre crue ENSA : Ecole nationale supérieure d’architecture ERP : Equipement recevant du public ETE : Evaluation technique européenne SEM : Société d’économie mixte SNBC : société nationale bas carbone SPL : Société publique locale ZAC : Zone d’aménagement concertée

54 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Table des Illustrations et tableaux

Figure 1 : Préparation de la terre et coffrage d’un mur en pise de manière traditionnelle _________ 18 Figure 2 : Détail de la texture du pisé _________________________________________________ 19 Figure 3 : Earth dome, Dome de terre réalisé en 2014, à l’occasion d’un Workshop à Zürich par des étudiants de l’Ecole Polytechnique de Zürich (ETH) accompagné de Martin Rauch. ______________ 21 Figure 4 : Carte de la répartition des techniques de construction en terre crue sur le territoire français et emplacement des projets en pisé porteur contemporain. _______________________________ 23 Figure 5 : Tableau d’échantillon de projet contemporain en pisé porteur _____________________ 24 Figure 6 : Photo du bâtiment de l'Orangerie ____________________________________________ 25 Figure 7 : Site du projet de l'Orangerie dans le projet urbain Lyon Confluence (Fond : plan masse du projet urbain 2015 SPLA confluence __________________________________________________ 28 Figure 8 : L'Orangerie, vue depuis le cœur d'ilot _________________________________________ 30 Figure 9 : Arche en pisé, phase de chantier _____________________________________________ 30 Figure 10 : Photo du séchage des blocs de pisé préfabriqués _______________________________ 32 Figure 11 : Photo du positionnement d'un bloc de pisé sur le mur, sur un lit de mortier de terre ___ 32 Figure 12 : Organigramme des acteurs pour réaliser l'Orangerie ____________________________ 34 Figure 13 : Schéma des principaux freins de la filière terre crue et liens causes/conséquences liés à la réglementation et l’assurabilité des projets ____________________________________________ 35 Figure 14 : Tableau schématique du système assurantiel français ___________________________ 37

55 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Annexes

Annexe 1 : Cartographie de La Confluence

p.58

Annexe 2 : Plans et élévations de l’ilot B2 et de l’Orangerie

p. 59

Annexe 3 : Coupe schématique de la paroi en pisé

p. 60

Annexe 4 : Retranscription de l’entretien avec Stefan Jeske

p.61

Annexe 5 : Retranscription de l’entretien avec Nicolas Meunier

p. 66

56 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Annexe 1 : Cartographie de La Confluence (novembre 2015) © Alexandre Nicolas Localisation des secteurs d’aménagements du projet urbain

© Alexandre Nicolas

57 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Annexe 2 : Plans et élévations de l’ilot B2 et de l’Orangerie, © Clément Vergély Architectes

58 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Annexe 3 : Coupe schématique de la paroi en pisé

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Annexe 4 : Retranscription de l’entretien avec Stefan Jeske, architecte chef du projet de l’Orangerie, chez Clément Vergély Architectes, 14 décembre 2020. Entretien enregistré et réécrit depuis l’écoute Je suis un architecte allemand et j’ai travaillé pendant longtemps pour l’agence Lin à Berlin J’ai commencé à travailler en France en 2006 pour cette agence par chance, puis j’ai continué sur d’autres projets à Paris. En 2011, je me suis installé à Lyon et j’ai intégré l’agence Clément Vergély en 2012. Avec Clément Vergély, nous avons répondu en 2015 au concours de l’îlot B2 de la Confluence 2, nommé aujourd’hui Ydeal par les promoteurs. Nous nous sommes associés aux architectes suisses Diener et Diener. Nous avons fait une co-conception par les des deux agences pour les cinq bâtiments de l’îlot en ayant une approche globale de l’éco-conception avec des matériaux durables et surtout une empreinte carbone minimisée. Nous avons choisi lors du concours de cibler essentiellement deux bâtiments : -

-

Le bâtiment principal, côté place, avec une approche de construction mixte bois-béton, (les planchers sont en bois). Et surtout avec des plateaux réversibles grâce à leur hauteur sous plafond. A l’image de l’immeuble de rapport, cela permet en effet d’installer des bureaux ou des logements, donc, à long terme, d’avoir une certaine réversibilité. Donc sur ce bâtiment-là, nous avons privilégié plutôt l’approche de la programmation et des matériaux. Le bâtiment de l’Orangerie, pour lequel , nous avons poussé un peu plus loin avec le choix d’une construction en pisé, un matériau local, avec initialement la volonté de le trouver en pied d’œuvre. Ce n’était pas possible parce qu’à la Confluence, c’est du remblai et en plus, c’est une terre polluée.. Le défi, a été de trouver la terre à moins de 30 km, dans la métropole de Lyon en gros. Plus précisément, c’est une construction mixte pisé-bois puisque toute la structure intérieure est en bois et la structure porteuse extérieure, les murs, est en pisé, en terre. D’autres matériaux interviennent aussi dans la construction comme les socles en pierre massive qui viennent des carrières de Hauteville dans l’Ain à 80 km d’ici, et qui forment les sous-bassements et les couvertines qui protègent les murs en pisé. C’est donc cette approche-là : dès le départ on a proposé pour le concours une construction en pisé, en se basant sur le fait qu’on voulait du pisé porteur et pas du pisé pour de la décoration ou juste du parement. L’idée d’avoir la structure., Donc le pisé, c’est la structure. On voulait effectivement prouver qu’aujourd’hui on peut construire avec du pisé de façon contemporaine, même en ayant un langage [architectural] assez poussé les grandes arches, qui perforent le mur ( il y a 40% d’ouvertures). Dès le départ, il y avait cette approche poussée avec pisé porteur avec des grandes ouvertures et un langage assez contemporain.

Donc, c’est bien en concours que nous nous sommes décidés pour un pisé porteur. On s’est, dès le départ, entouré des spécialistes, avec un bureau d’études, BATISERF, qui nous a encouragés à nous ’engager dans cette voie. Nicolas Meunier, lui, a rejoint l’équipe un peu plus tard, en phase étude, parce qu’effectivement, il fallait le dénicher d’abord. On est content de l’avoir trouvé ! C’est l’un des seuls qui soit capable de réaliser des bâtiments de cette ampleur-là. Et, surtout, avec des techniques de pisé préfabriqué qu’il maitrise parfaitement aujourd’hui : une station de préfabrication qui est sur place avec laquelle il fabrique les blocs à pied d’œuvre ou à proximité et un séchage de ces blocs pendant quelques mois pour qu’au moment de la pause, ils soient déjà secs et puissent porter des charges assez importantes.

60 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


Quels délais en phase chantier ont entrainé la préfabrication des blocs et leur séchage ? des complications ? Non, on n’ a pas eu de complications parce que c’était bien prévu. On avait bien programmé la période de séchage. Il faut savoir que nous avons construit le gros œuvre, le pisé donc, sur 2ans. Nicolas Meunier, vu qu’il travaille en extérieur, est soumis aux conditions météorologiques, il peut faire des blocs uniquement sur la période printemps-été-automne. Normalement il démarre en avril et s’arrête en octobre, même si à Lyon on a des périodes en hiver assez chaudes. Il travaille pendant 6 mois. Et pendant les 6 mois d’hiver, on a laissé dehors une centaine de blocs, protégés mais laissés dehors, pour le séchage,. ; C’était surtout les blocs qui étaient très sollicités : ceux où les poutres des planchers arrivent dans le pisé, ceux des premières rangées les plus sollicités évidemment en pied de l’Arche, et les blocs spécifiques, comme les clés de voûte, également extrêmement sollicitées. Donc on a effectivement présélectionné cette centaine de blocs qu’il fallait vraiment présécher, pour qu’ils aient leur portance déjà acquise au moment de la pose. Pour tous les autres, on les a fabriqués directement en bas de l’immeuble et on les a posés une fois décoffrés directement sur les étages supérieurs pour les mettre en place. Certes, on a travaillé en deux temps, mais, c’était planifié comme ça, donc, il n’y’avait vraiment pas de complications. Tout était préconisé comme ça et on avait inscrit dans le planning cette période de séchage bien en amont., Donc ça s’est très bien passé. Il faut aussi savoir qu’avec Nicolas Meunier, on a été accompagné également par le laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes de l’ENTPE, qui est juste à côté de l’école d’Archi à Lyon. Il nous a fait des tests en amont, justement pour bien sélectionner la terre au départ et ensuite ils ont accompagné le chantier. A tout moment, on a fait des échantillons de chaque bloc pour être sûr de la qualité de la terre, de la granulométrie, des cailloux, des niveaux de séchages. On peut donc dire que ce chantier a été accompagné par des scientifiques tout du long. Vis-à-vis d’un projet avec des matériaux plus traditionnels y’a-t-il davantage d’acteurs, de personnes ? Non, pas tant que ça en fait. C’est juste plus long., Nicolas Meunier, travaille avec une équipe de 5 personnes., Pas en permanence, mais quand c’est en pleine activité sur le chantier, pour les moments clés, ils étaient 5 et il n’ y’avait pas besoin de plus de personnes.. A partir du moment où on a commencé à poser les blocs, il y avait 2 ou 3 personnes sollicitées et pour la logistique, 1 ou 2 personnes : , une équipe de 5 personnes, donc. C’est le mode constructif qui est parfaitement différent : on est sur une préfabrication qui demande un travail vraiment dans la précision, mais ce n’est pas pour autant un mode constructif industriel, ce n’est pas comparable avec du béton. Donc il faut prendre le temps, mais si c’est bien planifié, ça se déroule comme il faut. Le choix du pisé porteur a-t-il entrainé un allongement du temps en amont, en phase de conception, de la préparation ? Oui, mais là, c’était un projet, qui était assez complexe entre parenthèse ! En effet, comme le pisé était porteur, notre bureau de contrôle SOCOTEC nous a demandé un ATEx. Même si c’est un matériau traditionnel, il considérait que la mise en œuvre du pisé porteur était par définition quelque chose d’expérimentale et non traditionnelle. Bien qu’il y ait des bâtiments à Lyon et ailleurs qui sont faits en pisé porteur et avec des grandes hauteurs (on a des bâtiments historiques beaucoup plus hauts que l’Orangerie). Il fallait donc préparer cet avis de chantier spécifique technique expérimental, ATEx, qui passe devant une commission qui se passe à Paris. C’est un dossier assez complexe de 700 pages pour 61 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


lequel, heureusement, on avait BATISERF à nos côtés pour nous aider à préparer ce dossier pour l’entreprise. C’est en effet l’entreprise exécutant, -Le pisé- qui dépose le dossier ATEx. Il faut qu’il s’entoure d’un bureau d’études assez performant pour préparer ce dossier. Mais malgré la préparation et tout le travail qui a était réalisé en amont, on n’a pas obtenue l’ATEx, parce que la commission, a jugé que les conditions de sécurité n’étaient pas suffisantes. On nous a demandé des conditions de sécurité sur ce pisé porteur qui étaient juste exorbitantes. Donc à ce moment-là, un conflit s’est créé entre notre bureau d’étude et SOCOTEC, qui n’est toujours pas é résolu aujourd’hui. On est en train de signer un protocole avec SOCOTEC qui consiste à mettre en place une surveillance permanente sur le bâtiment. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en fait, vu cette nonobtention de l’ATEx, ils nous ont demandé de mettre des poteaux supplémentaires en bois à proximité des façades, des poteaux qui ne servent à rien. Ils ont demandé à ce qu’ils soient plus courts de 2 cm avec l’idée qu’ils se mettront en charge au cas où le bâtiment se tassent au-delà de 2 cm. Ce qui ne va jamais arriver. Mais voilà, ça c’était leur argumentation qui, d’une certaine façon, tend à modifier la conception non pas seulement au niveau structurel mais aussi au niveau architectural parce qu’effectivement ces poteaux n’ont jamais été dessinés. Donc c’était un conflit qui a duré jusqu’à la semaine dernière., Si vous voulez, on a livré le bâtiment il y a deux semaines mais ce conflit a perduré. Car cela a généré aussi des dissensions entre nous et la maîtrise d’ouvrage, parce qu’on a livré le chantier alors que,, sans l’accord positif du bureau de contrôle, on ne peut pas livrer un bâtiment. Et donc, la solution alternative qui a été trouvée pour résoudre ces désaccords, c’est de mettre en place un protocole de surveillance avec un géomètre qui va mesurer tous les 3 mois les déplacements du bâtiment et ainsi que d’autres mesures qui avaient déjà étaient mises en place : notamment des sangles qu’on a mises dans le pisé etc., etc. Grâce à toutes ces mesures compensatoires é mises en place, ça nous permet de livrer le bâtiment sans ces poteaux. Voilà enfin on a obtenu le bâtiment qu’on avait dessiné à la base. Mais c’était effectivement une procédure assez longue, très conflictuelle, qui nous a gâché un peu le plaisir de construire cet immeuble, malgré tout, c’est une vraie réussite. On est quand même très content du résultat même avec les menuiseries mises en place. , Vous n’aviez vu que le gros œuvre qui était très beau parce qu’il n’y avait encore rien dedans. C’’était juste les plateaux, c’était une « ruine ». Maintenant, on a fermé le bâtiment mais même avec ces grandes fenêtres, ça reste extrêmement joli, et puissant comme geste. Voilà les problèmes qu’on a rencontrés pour ce mode constructif. Dès le départ on a choisi et voulu que le pisé soit un pisé porteur donc structurel., Il y a pas mal de projets qui sont aujourd’hui avec des pisés plutôt en parement donc les questions ne se posent pas de la même façon. Donc voilà c’était surtout ce problème-là de l’absence des réglementations, donc la nécessité de passer en commission, d’obtenir des ATEx, des avis techniques expérimental pour des modes constructifs traditionnels. Donc on n’a effectivement pas encore des règles reconnues comme on l’a avec d’autres matériaux qui ont des normes. Vis-à-vis de la règlementation thermique et incendie est ce que c’était plus facile ? Non, c’est vrai que pour le feu, il y avait une question sur le bois. Mais ça, on sait faire aujourd’hui : il y a des peintures [ignifuges] incolores pour le bois. Mais sur le pisé, là encore, il n’y’a pas d’informations qu’on trouve dans la littérature., Mais on considère que le pisé, au vu des projets de pisé qui ont brulé, c’est toujours les murs qui sont restés alors que tout le reste est parti. Donc on a considéré qu’il n’y 62 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


avait pas de problème pour le feu. D’autant plus qu’on a des murs quand même très épais : on a 80 cm en bas, 65 cm au milieu et 50 en dernier. C’est quand même des murs massifs ! Donc e pisé se comporte plutôt bien avec le feu contrairement à d’autres matériaux qui lâchent plus vite. Pour les aspects concernant la thermique, on a été accompagné par Etamine, un bureau d’étude énergie et développement durable qui a poussé assez bien son expertise, et dans le bon sens avec la SPL, l’aménageur, pour trouver une solution qui nous permettent vraiment de laisser apparent le pisé à l’intérieur. Les murs ne sont pas isolés. Il y a des grandes menuiseries quand même qui assurent une partie des murs intérieurs, mais on a pu quand même laisser le pisé apparent sur certaine partie sans isolation. L’argumentation qui a été trouvée repose sur l’inertie du pisé en période estivale. C’est donc surtout le confort que le pisé offre pendant les mois d’été qui a joué. On ne voulait pas justement se priver de ses avantages en mettant un isolant devant. On a pu admettre quelques pertes mais elles restent minimes de l’ordre des 10 % de pertes thermiques en période d’hiver par rapport à un vrai gain pendant la période estivale. Donc ça s’est plutôt bien passé parce que là tout le monde avait effectivement les mêmes attentes et on a pu très vite obtenir l’abandon de l’isolation. Isolation qui générait même des problèmes pour le pisé parce que dès qu’on l’isole, il y a toujours un risque de condensation, or le grand ennemi du pisé, c’est toujours l’humidité. Donc si on le double en isolant, on ne sait pas ce qu’il se passe. Dans notre projet, on a réussi à garder accès au pisé des deux côtés, intérieur et extérieur. La culture générale de la construction en terre y’avait-il certains acteurs peu informés ou réticents à l’idée que le pisé puisse être porteur ? C’était surtout le bureau de contrôle qui avait du mal avec ce matériau. Nous, on avait des acteurs impliqués car on est quand même dans une région où historiquement on trouve pas mal de pisé. Il y a tous ce qui se développe aujourd’hui autour de CRAterre et Grenoble où on trouve pas mal de compétences qui sont bien réunies. Donc, nous, on a travaillé avec Nicolas Meunier, avec Antonin Fabbri le de ENTPE qui nous a fait tous les tests scientifiques et qui connaît très, très, bien le matériau et qui a accompagné toutes les thèses qui se font actuellement sur le pisé. Et aussi avec Jean Claude Morel, un vrai expert français sur la construction en terre qui aujourd’hui enseigne à Coventry. Donc, en travaillant avec ces gens-là, des chercheurs reconnus au niveau international et qui font des conférences sur ce matériau, on était bien entouré et on avait confiance en ce matériau. Non, c’est plutôt côté bureau de contrôle où le matériau est très peu connu et d’ailleurs, ils nous l’ont dit : ce n’est pas leur spécialité., Donc ils manquaient de compétence dans le domaine et malheureusement, n’étaient pas à la hauteur des experts qui étaient à nos côtés. On avait toujours ce décalage entre les experts de pointe d’un côté et les gens qui savent faire, comme Nicolas Meunier, il a un vrai savoir-faire, et de l’autre côté le bureau de contrôle qui n’était pas à la hauteur justement de tout ça, même s’il s’agit d’un très grand bureau de contrôle, SOCOTEC, de stature internationale., on n’est pas censé être là pour leur faire une formation dans ce domaine. Mais au final, c’est avec des arrangements que ça marche ? Donc après c’est surtout au niveau réglementaire, ce n’est pas l’objectif principal hein mais c’est vrai qu’un des objectifs aussi de notre projet c’était pousser plus loin un projet en terre, pour créer effectivement une sorte de référence qui permettra aussi à d’autres projets qui vont suivre de se baser là-dessus. Le fait de réussir sans les poteaux pour nous c’était important, on était prêt à tous pour ça quoi. 63 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


A propos des projets de références, est ce que vous avez dû vous-même en utiliser pour convaincre certains acteurs, comme le maître d’ouvrage ou la SPL ? Pour les matériaux, tout le monde était convaincu dès le départ. De notre côté, on ne savait pas ce que ça impliquait. Il y avait un côté assez naïf, mais bon, tant mieux, sinon on l’aurait pas fait ! Quant au maître d’ouvrage et la SPL, ils étaient quand même assez raccords là-dessus. Après effectivement, on a pu rencontrer des difficultés pour la maîtrise d’ouvrage : c’était pas évident ce décalage, les frais, ce n’est pas neutre bien évidemment Ce qui me paraît le plus gros frein, c’est vraiment la réglementation. Et je pense, que pour les futurs le plus importants ce sera de s’entourer d’un bureau de contrôle qui a déjà une certaine expérience, enfin, qui peut entendre les arguments. Justement il y a certains bureaux de contrôle qui ont déjà réalisé des projets en terre. Après, pour relier à des références, on en a pas mal si on regarde au-delà des frontières françaises., Il y a notamment Martin Rauch qui a réalisé pas mal de projets de référence pour nous. Il est autrichien et a beaucoup travaillé en Suisse avec des grands architectes, comme Herzog et De Meuron etc... Il a fait des projets en pisé très dessinés donc ça fait une énorme publicité pour ce matériau. Il a réalisé des prototypes en voute, des projets assez poussés. Et oui, on s’en sert au début pour avoir des références, pas pour convaincre mais plutôt pour démontrer les possibilités du pisé. On a pu consulter Martin Rauch. On l’a rencontré parce qu’il donnait une conférence à Villefontaine dans les Grands Ateliers il y a 3-4 ans. On lui a alors montré notre projet et on l’a invité à concourir pour l’appel d’offre. Donc il s’est associé avec un maçon du coin, mais bon il n’a pas voulu venir lui-même travailler à Lyon. Il a voulu, encadrer une équipe qui serait sur place. Bon finalement, il n’a pas gagné l’offre. Financièrement, il était beaucoup plus cher. Nous, on a fait confiance à Nicolas Meunier qui, par ses projets, ses références, avait démontré sa capacité à maîtriser ce projet. On a donc aussi rencontré Martin Rauch qui a même donné son avis, son point de vue sur ce projet. C’était la référence principale. Sur le pan historique et sur le plan international, on trouve pas mal d’exemples avec du pisé stabilisé, donc du pisé avec un peu de la chaux ou un peu de ciment. Mais ça ne pouvait pas vraiment servir comme référence car Nicolas Meunier travaille avec un pisé non stabilisé, donc c’est vraiment que de la terre. , En plus, il travaille avec de la terre qui a été trouvée, c’est-à-dire qu’il ne mélange pas comme Martin Rauch, qui fait toujours une sorte de mélange savant. Au contraire de Nicolas Meunier qui prend de la terre qu’il trouve en enlevant uniquement les gros cailloux et c’est tout. Dans votre parcours d’architecte, avez-vous déjà été formé à la construction en terre ? Non, c’est le projet qui m’a formé. On a fait 2-3 conférences à Villefontaine, mais non, je n’avais jamais construit en terre. C’est une première et vraiment, c’est plaisant enfin, c’est sympa. Et est-ce que vous seriez prêt à refaire un projet en terre crue, cela ne vous a pas « dégoûté » ? Non, c’est difficile mais ça ne m’a pas dégouté. On a même proposé sur d’autres concours le pisé ! Mais effectivement, ça a couté beaucoup d’énergie, il faut le dire, on y a laissé des plumes. Il faut voir dans quel contexte on propose cette solution. C’est vrai que c’était une maitrise d’ouvrage privée, et peut être que ce serait plus simple de travailler la prochaine fois avec une maîtrise d’ouvrage publique sur ce genre de projet. Parce qu’il y a toute cette histoire d’ATEX. , C’est une histoire d’assurance en fait, d’obtenir une assurance. Donc, dans un contexte public, effectivement, ou même privé, la maîtrise 64 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


d’ouvrage peut très bien décider d’accepter le bâtiment tel quel. Mais effectivement, avec les pouvoirs publics, c’est peut-être plus simple. Enfin non, non, enfin on va prendre un peu d’air et profiter des publications, mais non, non, ça reste compliqué, c’est une vraie bataille quoi, une vraie bataille. Est-ce que le fait que ce soit un macro-lot avec 5 autres bâtiments pour, par exemple, absorber les coûts par rapport à la maîtrise d’ouvrage, a pu aider ? Ça, je ne peux pas le dire, mais a priori, oui. Il y a un coût global de l’opération mais chaque bâtiment est différent car on a vraiment fait en sorte que chaque bâtiment ait son propre caractère. Il y a aussi la partie architecturale et la partie financière, mais le bâtiment n’est pas si cher que ça : il coute 2 100 euro par m², et il y a 1000 m² de surface utile. Du coup, c’est légèrement au-dessus d’un bâtiment de bureaux classique. En général, pour un bâtiment tertiaire, donc avec des bureaux, ce n’est pas hors de prix non plus. Certainement ça peut aider qu’il y en ait qui se soient très bien vendus… Après, je ne peux pas vous dire parce que je n’ai pas les chiffres. Il faudrait bien que la filière de la terre arrive à rédiger un jour de vraies réglementations qui permettent effectivement de ne plus passer par ces procédures ATEx. Ça va peut-être arriver un jour , mais je sais qu’en Allemagne ils ont déjà plus d’avance là-dessus : il y a des guides constructions qui sont en train de s’officialiser. On a pas mal de littérature sur le pisé, mais effectivement sur des questions assez basiques on n’est pas encore vraiment prêt. Il y a bien sûr des thèses et beaucoup de documents etc…, mais avant que ça se traduise en réglementations euro normes, je pense qu’il va falloir attendre un petit moment. Mais bon, en attendant je pense qu’il faut créer des projets comme ça et avancer comme ça. Là, c’est déjà une expérience et le prochain projet, ce sera déjà un peu plus facile, et encore plus facile par la suite. Et je pense c’est comme ça qu’on va avancer

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Annexe 5 : Retranscription de l’entretien avec Nicolas Meunier, maçon piseur de l’entreprise le pisé réalisant le gros œuvre du chantier de l’Orangerie, 20 janvier 2021, entretien retranscrit à partir d’une prise de note Idée sur le plan nationale terre crue : L’une des critiques existantes est de dire que ce plan national est une appropriation par les scientifiques et le domaine de la recherche d’un savoir-faire artisanal et traditionnel. Nicolas Meunier s’oppose à cette critique et considère, au contraire, que la construction en terre crue a besoin de s’adapter au système d’aujourd’hui : on ne peut plus construire comme au 19ème siècle. La construction en terre crue doit s’adapter au système actuel.

Question générales : Comment dans votre parcours professionnel avez-vous été formé à la construction en terre crue et au pisé ? En choisissant de réaliser un service civil de 2 ans dans une association au Mali de 1981 à 1984, N. Meunier a construit en terre crue pour la première fois. C’est en participant à la construction d’un équipement de santé en briques de terre comprimée qu’il apprend les spécificités de la terre crue et comment construire avec. Etant stéphanois, il connaissait déjà la terre crue à travers le patrimoine en pisé de sa région. Il continue à se former en France en participant à la construction du projet de l’Isle d’Abeau puis en autodidacte. Lors de son premier chantier réalisé en pisé en 1988, il avait alors, grâce à ses expérimentations, une bonne connaissance de la matière mais pas encore celle de la mise en œuvre.

De manière générale, quelles difficultés rencontre votre entreprise de pisé porteur ? Il faut bien distinguer les deux secteurs de la construction en pisé : la restauration, donc la remise en état du patrimoine bâti en pisé et la construction neuve dont la demande augmente actuellement. Il faut aussi distinguer les projets de marchés publics et les projets de marchés privés. Dans les deux cas, l’ouvrage doit forcément être assuré à la fin., Cependant, dans les projets de marchés publics, le contrôle technique est obligatoire et conditionne l’assurabilité du projet. Il y a donc plus de difficultés dans le marché public. Il en est de même quand le projet est un ERP, équipement recevant du public. La validation de l’ouvrage dépend de la connaissance du pisé par le contrôleur technique et de son ouverture d’esprit à des techniques constructives non conventionnelles. Pour le projet de Confluence, le dialogue avec le bureau de contrôle n’a pas été très facile. L’une des difficultés de l’entreprise de pisé qui est souvent négligée, est celle de la gestion d’entreprise. La construction en pisé est , en effet, assez contraignante et offre peu de souplesse d’organisation car le pisé ne peut être mis en œuvre que de début avril à fin octobre. Cela demande donc beaucoup d’organisation et peu de marges de manœuvres s’il y a des changements de planning sur l’un des différents chantiers.

Quelle est votre vision de la filière terre crue aujourd’hui ? son évolution ? ses faiblesses et potentiels ? 66 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


La faiblesse principale est le fait qu’il n’y ait pas assez de professionnels de la construction en terre crue, pas suffisamment d’entreprises., Il y a davantage d’architectes qui s’y intéressent mais qui n’ont pas forcément toute la maîtrise du matériau. Les potentiels sont dans la mobilisation grandissante des jeunes architectes qui s’intéressent à l’environnement et dans la réflexion sur l’aspect social de la construction. Est-ce en parti dû à la prise de conscience de la crise écologique ? Sentiment optimiste que depuis quelques années la dynamique des acteurs changent et que leur motivation pour construire en terre crue augmente.

Questions projet de l’Orangerie :

Comment s’est déroulée la préfabrication des blocs ? A quel point leur mise en œuvre est-elle mécanisée ? Le but de la préfabrication est d’alléger la pénibilité du travail des ouvriers. Pour compacter les couches de terre dans les coffrages, un fouloir pneumatique peut être utilisé. Utiliser cet outil tous les jours pendant 3 mois est très pénible : cela équivaut à des journées de marteau-piqueur ! Ce travail manuel mécanisé est donc peu attractif car il est fatiguant. L’outil est violent pour les articulations et les muscles, car le corps suit le mouvement de l’outils. Au contraire, à l’époque des fouloirs en bois maniés à la main, c’était le corps qui donnait le rythme à l’outil. Donc, dans le but de minimiser la pénibilité du travail du compactage des couches de terre, une machine dite « station de préfabrication » est élaborée par l’entreprise -Le pisé-. Deux personnes travaillent en même temps à la station. La terre est amenée en grande quantité (6 m3) sur un tapis roulant motorisé, la terre est déposée dans le malaxeur où la teneur en eau est corrigée et ajustée. Des tiroirs sont remplis de la quantité exacte nécessaire à une couche de terre puis acheminés par l’un des ouvriers au niveau du coffrage. Là, le deuxième ouvrier s’occupe de diriger les masses qui compactent la terre : 4 poids de 30 kg chacun montent et descendent pour compacter les couches de terre. Les efforts des 2 ouvriers sont donc réduits vis-à-vis d’une technique avec un fouloir pneumatique par exemple. Les blocs étant soumis à trop de charges ont été préfabriqués un an avant leur mise en place sur le chantier. Ce long temps de séchage permet l’augmentation de leur résistance mécanique. Tous les blocs du rez-dechaussée et des voûtes, soumis à une concentration de charges trop importante, ont donc été préfabriqués à l’avance et stockés non loin du chantier. « Nous fabriquons entre 2 et 5 blocs par jour, pas selon leur taille, mais par rapport à leur complexité : forme, positionnement de réservations, ou d’inclusions du genre appui de poutre ou autre. »

Comment s’est déroulée la demande de l’ATEx ? Quand l’ATEx est-il déposé et passe en commission ? Est-ce que cela conditionne le chantier ? L’ATEx a été demandé pour les arches en pisé car cela n’avait jamais était fait. C’est le fait que ce soit des arches qui a justifié aux yeux du bureau de contrôle le besoin de l’ATEx. L’ATEx est un dossier monté par le bureau d’études structure. Leur but est de montrer dans leur langage d’ingénieur avec une démonstration théorique que la structure du bâtiment tient. En principe, l’ATEx est demandé par le bureau de contrôle avant l’ouverture du chantier. Mais on trouve 67 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


plein d’exemples de projets qui obtiennent l’ATEx en cours de chantier, l’ATEx ne conditionne donc pas le démarrage du chantier. L’ATEx est demandé par le bureau de contrôle au Maître d’ouvrage qui le finance et délègue à l’entreprise concernée le fait de faire la demande au CSTB. C’est le bureau d’études structure et l’entreprise qui sont chargés de monter le dossier et de le soutenir devant la commission. Malheureusement, dans le cas de l’Orangerie, l’ATEx n’a pas été délivrée. Le bureau de contrôle et la commission d’ATEx n’ont pas été à l’écoute du travail de la technique en pisé et le point d’entente a été difficile à trouver. Au final, l’équipe du projet a été suffisamment opiniâtre pour relever le défi et gagner le pari contre le bureau de contrôle. L’une des demandes du bureau de contrôle était de mettre des poteaux de précaution, un peu comme des béquilles, par manque de confiance dans le pisé. Le but d’une ATEx est de confronter une nouvelle idée,/technique constructive à des confrères. La discussion permet de valider une technique innovante. Pour clarifier, le bureau de structure est celui qui calcule et le bureau de contrôle celui qui vérifie.

Y’a-t-il d’autres possibilités que les ATEx pour valider le pisé porteur aux yeux des bureaux de contrôle et assurance ? Dans quel cas la réglementation est-elle moins contraignante ? Les projets où le cadre est le moins contraignant, sont les projets réalisés en marché privé qui n’accueillent pas du public. Car il n’y a besoin ni d’ATEx ni de bureau de contrôle pour assurer l’ouvrage.

Y’a-t-il des bureaux de contrôles avec qui vous préférez travailler pour faciliter le dialogue autour du pisé ? On n’est pas là pour donner des noms de société qui ont ou non bien travaillé sur des projets en pisé. Il y a des bureaux de contrôle qui s’intéressent au pisé., D’ailleurs, certains ont participé à la rédaction du Guide des bonnes pratiques, qui sont des règles professionnelles voulant se rapprocher au maximum des texte normatifs. C’était d’ailleurs très important que des bureaux de contrôle y participent, leur vision a permis d’ajuster les textes pour que ce cela convienne. C’est au maître d’ouvrage de choisir le bureau de contrôle. Ce choix n’est pas anodin quand il s’agit d’assurer une technique de construction non conventionnelle comme le pisé. Il est donc conseillé de choisir le bureau de contrôle en se renseignant sur les projets sur lesquels il a déjà travaillé et de connaître ses motivations pour un projet en pisé.

Comment s’est déroulée l’interface avec les autres entreprises sur le chantier ? Avaient-elles déjà travailler avec un gros œuvre en pisé ? L’interface avec le charpentier et son équipe s’est super bien passée. L’équipe était compétente et l’ambiance sur le chantier était bonne. Il y avait une bonne entente entre les entreprises ce qui est important pour le bon déroulé du chantier. En effet, la mise en œuvre du pisé était suivie par le travail de charpente et de solivage pour former les planchers. La mise en œuvre était organisée par étape et par segment de bâtiment. D’abord, le centre du bâtiment : les blocs de pisé du RDC sont mis en place puis, pendant que le charpentier couvre les murs et fait le solivage du centre, les blocs de pisé du RDC de la partie gauche sont mis en place, puis le charpentier vient travailler sur cette partie gauche du bâtiment etc. La bonne entente des entreprises est donc primordiale car le travail doit être coordonné 68 Construction en pisé porteur : freins et leviers à travers l’exemple de l’Orangerie à Lyon Confluence


surtout que le haut du mur en pisé doit être couvert pour éviter qu’il se dégrade s’il y a des intempéries. Les autres entreprises sont intervenues plus tard sur le bâtiment. Le travail n’est donc pas simultané avec le pisé mais doit être bien préparé en amont. La préparation des détails est très importante car le pisé ne peut pas être repris sur le chantier, tout doit être prévu avant. Les détails constructifs sont dessinés, les dessins d’ateliers de l’entreprise du pisé peuvent être repris par la maîtrise d’œuvre pour assurer la justesse de la mise en œuvre sur chantier de chaque entreprise.

Comment s’est déroulé le travail avec le laboratoire de l’ENTPE ? Cette situation est-elle spécifique au projet de l’Orangerie ? Le travail avec le laboratoire de tribologie et de dynamique des système de l’ENTPE et les chercheurs s’est bien déroulé. Nicolas Meunier travaille avec eux depuis 2000. Cependant, c’est la première fois qu’il a besoin de faire contrôler sa terre avant un projet car la maitrise d’ouvrage exige la vérification. Le laboratoire ne fait que confirmer le choix de terre de l’entreprise. Les essais en laboratoire d’un échantillon de terre sont intéressants pour comparer deux terres et choisir suivant leur aspect hydrique et mécanique. Ces tests ne caractérisent pas la performance de l’ouvrage en terre, car d’autres paramètres entrent en compte (intempéries, …). Deux campagnes de test ont été menées pour caractériser la terre utilisée pour l’Orangerie. Puis un essai complémentaire a été demandé par le bureau de contrôle concernant les joints en mortier de terre de 10mm de haut entre les blocs de pisé. Ces joints sont composés de la même terre que les blocs mais celle-ci est tamisée. Les essais ont prouvé que les joints résistent à une très grande compression. Les coûts des essais et essais complémentaires en laboratoires, s’ils sont anticipés, sont indiqués dans le CCTP (cahier des clauses techniques particulières) et de toute façon sont payés par le maître d’ouvrage.

En quoi le projet de l’Orangerie diffère-t-il ou non d’autres de vos projets ? L’une des différences est la taille du projet de L’Orangerie, c’est dans les dimensions du projet : 35 m de long, 15 m de large et 11 m de haut ! Il est bien plus grand que d’autres projets. Une architecture trop particulière par rapport à la technique du pisé. Généralement les projets réalisés par l’entreprise ont une architecture plus classique avec des formes de murs en pisé stables en L ou en T (vue en plan) et des ouvertures simples pour des portes ou fenêtres plus adaptées à la mise en œuvre du pisé. Les arches de l’Orangerie montent en encorbellement, la clé de voûte peut donc être posée sans qu’il y ait besoin de coffrage au-dessous. Ceci simplifiait la mise en œuvre et réduisait les coûts : il n’il n’y a pas eu besoin d’étais pour maintenir les arches avant qu’elles ne soient terminées. Le bureau de contrôle n’avait pas confiance en la construction en pisé. C’est loin d’être le cas sur tous les chantiers. Alors que l’équipe est en permanence en auto-contrôle sur le chantier : par exemple, pour vérifier la terre et sa teneur en eau avant de la compacter. Si la terre préparée n’a pas la bonne teneur en eau, l’artisan ne va pas la compacter dans le bloc de pisé. Pour chaque bloc, son volume et sa densité étaient connus et devaient être vérifiés. Les 286 blocs sont 69 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


pesés avant leur mise en place pour vérifier leur teneur en eau. La pesée des blocs préfabriqués est spécifique à ce chantier. C’était une demande du bureau de contrôle, cette vérification fait perdre beaucoup de temps. Ce projet diffère aussi car il est situé dans le centre-ville d’une métropole. Mais finalement, il n’y a pas eu de manque d’espace, il y avait suffisamment de place. Ce qui diffère enfin, c’est la présence d’un bureau de contrôle contraignant mais jamais présent sur le chantier. Cela a entrainé de nombreux échanges de mail et de tensions surtout avec le bureau d’études. « C’est le bureau d’études qui en a bavé. »

Comment s’est déroulé le travail avec la maîtrise d’œuvre ? Il y a eu un travail en amont avec la maîtrise d’œuvre. Le but a été de respecter l’avant-projet, les modifications sont des adaptations, des ajustements de dimensionnements. Il y avait une bonne entente avec S. Jeske (l’architecte chargé du projet). Le travail et la discussion se sont bien passés car il y avait une écoute de la part de l’architecte qui n’était pas formé à la construction en pisé. L’entreprise a expliqué les caractéristiques du matériau et ses spécificités de mise en œuvre. Il n’y a pas eu de tensions avec l’équipe de maîtrise d’œuvre.

Comment ont été réalisés les coffrages des blocs ? Les coffrages métalliques ont été dessinés avec des outils numériques en 3D. Leur géométrie est complexe car il y a un cintre et une feuillure dans dimensions différentes. Les pièces du coffrage ont été découpées au millimètre prêt au jet d’eau ou au laser et assemblées par un chaudronnier. Ce travail était très précis pour que les dimensions ne changent pas même lors de l’assemblage où les plaques métalliques sont chauffées et peuvent se déformer. La géométrie des coffrages devait être précise pour permettre la parfaite superposition des blocs. 15 coffrages ont été réalisés pour former l’arche : 7 moules pour le côté gauche, 7 moules pour le côté droit et 1 pour la clé de voûte. Ces mêmes moules ont été réutilisés pour chacune des arches. Au début, il y avait la question de faire ces coffrages en ossature bois mais les coffrages n’auraient peut-être pas autant résister. En effet, le compactage de la terre exerce de lourdes charges et pressions sur les coffrages. La réutilisation des moules pour chaque arche, s’ils avaient été en ossature bois, n’aurait donc pas été garantie. C’est l’entreprise Le pisé qui fait appel au chaudronnier pour la création des moules. Cette technique n’est pas très écologique dans le sens où les moules ne peuvent pas être réutilisés sauf dans un projet reproduisant les mêmes formes.

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71 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


Bibliographie

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Mémoires et rapports d’études - COLLECTIF, Plan National terre crue, étude de montage, 17 octobre 2020 - LEYLAVERGNE (Elvire) , La filière terre crue en France, enjeux, freins et perspectives, mémoire de diplôme de spécialisation et d’ approfondissement : architecture de terre, 2012 - ANTOINE (Anne-Lyse) et CARNEVALE Elisabetta, Terres Contemporaines : architectures et techniques constructives en terre crue aujourd'hui, support de la conférence intervention, dans le cadre du 2ème RDV d'été du Pôle Innovations Constructives. 7 juillet 2016 - ANTOINE (Anne-Lyse), CARNEVALE Elisabetta. Architectures contemporaines en terre crue en France de 1976 à 2015 : pourquoi et comment les acteurs construisent avec ce matériau aujourd’hui ?. Architecture, aménagement de l’espace. 2016 - l’association ASTERRE, Construire en terre crue : étude sur les obstacles au développement de la construction en terre crue, rapport final, janvier 2013 - REE, Rapport de l’état de l’environnement , fiche sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, 17 juin 2019 - COP 21, Accord de Paris , Paris, 12 décembre 2015 - BUI (Quoc-Bao), Stabilité des structures en pisé : durabilité et caractéristiques mécaniques, Thèse, novembre 2008 - CNRS, Capitalisation des connaissances, octobre 2013 - Commission mondiale sur l’environnement et le développement, rapport Brundtland, 1987

Cours - AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, La terre crue, moteur de la transition écologique et sociale, 2020, FUN MOOC - AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, Une équipe projet engagée, 2020, FUN MOOC - AMACO, Construire en terre crue aujourd’hui, Techniques monolithiques, 2020, FUN MOOC - DEHAN (Philippe), Acteurs & déroulement d’un projet architectural ou urbain, UR 04 –A16

Site internet - Site web Clément Vergély Architectes, http://www.vergelyarchitectes.com/ilot-b2-lyon-confluence/ , - Site web Lyon Confluence, https://www.lyon-confluence.fr/fr/les-grands-principes-damenagement , - Site web de l’association Bâtiment bas carbone BBCA, https://www.batimentbascarbone.org/carbone-batiment/ 73 Calliope Trouillet _ mémoire de master en architecture _ février 2021


- Site web du gouvernement sur l’écologie : Ecologie.gouv.fr Déchets du bâtiment, https://www.ecologie.gouv.fr/dechets-du-batiment 28 septembre 2020 - Site web de l’association Asterre, Le guide des bonnes pratiques, https://www.asterre.org/les-guidesde-bonne-pratique/ - Site de l’association Amàco, amàco.org https://amaco.org/activites/formation/ - Site Web du CSTB centre scientifique et technique du bâtiment, Demander une ATEx, https://evaluation.cstb.fr/

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Le secteur du bâtiment participe au réchauffement climatique et aux autres problématiques environnementales. La prise de conscience de l’urgence écologique et climatique pousse à réfléchir à de nouvelles manières de construire et à rechercher l’utilisation de ressources et de matériaux moins polluants, moins énergivores et réutilisables ou recyclables. La terre crue, utilisée pour construire depuis des milliers d’années, est une ressource disponible, non polluante et dont la mise en œuvre ne demande que peu d’énergie. C’est pour ces nombreuses qualités qu’elle peut être un élément de réponse face à la crise écologique pour la transition du domaine de la construction. Cependant, son utilisation n’est que très peu répandue dans les constructions neuves actuelles en France. La recherche se concentrera sur la technique du pisé. Traditionnellement utilisée dans la région Auvergne Rhône Alpes, elle connaît un renouveau dans l’architecture contemporaine. L’objectif de la recherche est de comprendre les freins et les leviers existants concernant le développement de la filière terre crue et plus spécialement celui du pisé dans les projets de réalisations neuves. Le Plan national terre crue, projet de recherche collaboratif mis en place en 2018, a pour objectif de permettre à terme l’essor de la construction en terre crue. L’étude approfondie du cas de L’Orangerie, à Lyon permet d’illustrer et de mettre en perspective l’état général de la construction neuve en pisé. Le recueil des témoignages des architectes et entrepreneurs a permis de comprendre dans le détail les enjeux de la réalisation de ce bâtiment avec aux grandes arches en pisé emblématiques. La recherche met en avant les points communs et les différences face aux difficultés de la construction en pisé entre ceux énoncés par les études générales sur le développement de la filière terre crue et ceux étudiés dans le cas particulier de l’Orangerie.

The building sector contributes to global warming and other environmental issues. Awareness of the ecological and climate emergency allows us to think about new ways of building and materials and resources that pollute less, consume less energy and are reusable or recyclable. Earth has been used for construction for thousands years. It is an available, non-polluting resource that requires a few amount of energy to implement. Reading these many qualities, using earth to build, is a part of the answer to the ecological crisis. However, its use is not widespread in current new constructions in France. Our research will focus on the rammed earth technique. Traditionally used in the Auvergne Rhône Alpes region (France), this technique is experiencing a revival in contemporary architecture. The objective of the research is to understand the existing obstacles and levers concerning the development of the earth sector and more specifically the case of rammed earth in new construction projects. The “Plan National terre crue” (national raw earth plan), a collaborative research project set up in 2018, aims to ultimately help the development of earth construction. The in-depth study of l'Orangerie project in Lyon illustrates and gives an overview of the general state of new rammed earth construction. The interviews with architects and contractors made it possible to understand in detail the stakes involved in the realization of this building with large rammed earth arches. The research highlights the common points and differences of the case of l’Orangerie faced with the difficulties of rammed earth construction and those stated by the development studies of the earth sector. TERRE CRUE / PISE / MISE EN ŒUVRE / REGLEMENTATION EARTH / RAMMED EARTH / CONSTRUCTION / RULES

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