MONDEAUMETTRE
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Le choix de la vie
Amélie Adamo
Le trouble des Origines
Alors oui, il faut un zeste de courage et clairement beaucoup d’amour pour trouver les ressorts de se positionner contre cette société productiviste. Faire le choix de la vie, c’est d’abord évidemment accepter de lâcher prise face aux bouleversements qu’impliquent la parentalité. C’est faire face à un autre rapport à la réalité, à de nouvelles priorités et contingences matérielles. C’est réagencer son temps, repenser les moments à l’atelier et la vie de famille. C’est à chaque fois, réinventer un équilibre : de la gestation à l’accouchement, de l’allaitement à la petite enfance. Faire le choix de la vie, c’est accepter de se laisser traverser et transformer par les diverses phases de cette expérience. C’est éprouver la transformation du corps, l’attente, la douleur de l’accouchement. C’est prendre le temps d’aimer, d’éduquer, de voir grandir son enfant. C’est soi-même se redécouvrir, revivre sa propre enfance et trouver là-dedans la force de réinventer son art, ses sujets, sa méthode de Cartravail.d’évidence
Dans l’inconscient collectif et patriarcal, dans la culture populaire, dans les médias ou les réseaux sociaux, il subsiste clairement une perception idéalisée de la maternité : parfaite, douce, belle, pure, innocente. En art, cette représentation doit beaucoup à l’idéal qui perdure
Vue en détail de l’œuvre d’Anaïs Albar, La maison, 2013, Broderie sur soie - 120 x 160 cm
Ce que nous dit le monde du travail, de manière plus ou moins frontale ? C’est qu’il y a un sérieux risque à faire un enfant, tout particulièrement quand on est une femme : car cela signifie mettre entre parenthèse sa carrière. Au mieux la freiner, au pire l’enterrer. Et très clairement, dans notre cher milieu, même si, à l’aune du féminisme, certains changements ont eu lieu quant à l’aménagement de l’espace et du temps de travail des artistes-parents, c’est néanmoins une logique productiviste qui prédomine. Être omniprésent ou en “sur-représentation”, toujours produire, avoir du succès : voilà une course au rendement qui est aux antipodes du don de soi et du nouveau rythme qu’implique l’arrivée d’un enfant.
ce n’est pas le fait d’être parent qui fait de vous un bon artiste ! Bien sûr que l’expérience de vie ne suffit pas. C’est de métamorphose dont il est question. Sortir du quant à soi, de l’anecdote littérale, du projet idéologique, pour faire œuvre. Une œuvre qui dépasse l’intime pour interroger aussi l’histoire des autres. Une œuvre qui dérange et dépasse les tabous pour réinventer les notions de maternité, de famille, d’enfance. Et ça, c’est une autre histoire…
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Car si la société, férue d’injonctions contradictoires, nous invite à s’accomplir au foyer comme au travail, on ne peut pas dire que le monde du travail lui, soit très accueillant vis-à-vis du fait de fonder une famille. Non, le monde de l’art n’est pas fasciné par l’impact que pose l’arrivée d’un enfant dans un corps et dans une vie d’artiste. Non, être un « parent-artiste », ce n’est pas vraiment perçu comme une valeur en soi ! Pas très Glamour, pas très Funny, pas très Arty... à mille lieux de l’idée de l’”Artiste créateur inspiré”, qui préfère les affres de la solitude aux affreux cris du nourrisson.
Vivre pleinement sa vie d’artiste et sa vie de parents et dresser intelligemment des ponts entre les deux, de manière créative et décomplexée, voilà qui pour l’époque paraît un périlleux défi !
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remettre en question notre perception de la maternité. Confrontant représentations sacrées et imageries liées à l’univers de la science, Prune Nourry interroge les dérives de la sélection génétique et d’une médecine déshumanisante. Lidia Kostanek et Katharina Bosse questionnent quant à elles les multiples facettes qu’être mère et femme implique, entre instinct animal et construction sociale, sacralité, érotisme ou simple vision du corps nu, force protectrice autant que dévoratrice.
De Françoise Pétrovitch à Anaïs Albar, de Marlène Mocquet à Fiammetta Horvat ou Charlotte Salvaneix, qu’il s’agisse d’animation, de peinture, de collage, de dessin, de sculpture ou de broderie, les œuvres partagent une même tension entre des polarités. La notion de procréation est tantôt beauté, douceur, puissance de vie, métaphore de la création, tantôt douleur, répulsion, enfermement, violence, mort. Le corps et les attributs féminins, tout comme les symboles de la naissance, s’ils évoquent joie et fertilité, sont aussi douleur, larmes, chaines, déformation monstrueuse, vulves, araignée noire ou landau rouge sang et certaines des artistes, comme Prune Nourry, Lidia Kostanek ou Katharina Bosse, aiment jouer des paradoxes créés par la collision de stéréotypes divers. Manière de
Cette réalité plurielle et ambivalente de la maternité, certains regards masculins l’ont aussi captée, à leur manière. Axel Pahlavi, Fabien Mérelle, font partie d’une génération qui a choisi d’avoir des enfants et qui a participé à une vraie révolution pour les hommes. Ils ont su créer un réel espace avec leurs enfants et n’ont pas laissé strictement à leur partenaire la tâche de les élever. Chamboulés par le fait de devenir père, très investis et conscients de leur rôle à jouer, ils ne sont pas restés étrangers à ces questionnements liés à la parentalité. Un certain nombre d’œuvres, dans leurs démarches respectives, captent de manière très sensible et poignante ces expériences de vie. Il y a là un regard d’amour partagé, évidemment, mais aussi une interrogation face à ce pouvoir exclusivement féminin de porter la vie. Fabien Mérelle se représente minuscule, agrippé au ventre énorme de sa femme : l’homme demeure une bien petite chose face à la puissance de la maternité. Quant à Axel Pahlavi, il représente Florence Obrecht sa femme, enceinte, gisante sur le lit de leur chambre conjugale. Elle le regarde, comme si elle l’appelait dans son expérience qui lui demeure étrangère. Pour Axel Pahlavi, elle est reine et sacrifiée, malade et amoureuse. Dans ce regard, on peut lire l’évocation du fait que pour une femme artiste comme Florence Obrecht, l’arrivée de la vie est une difficulté qui est perçue, dans le monde contemporain, comme un frein à la carrière. Mais Axel Pahlavi n’en fait pas pour autant la
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depuis la Renaissance. Ce n’est pas un hasard, qu’à l’aune de cet idéal, on trouve un nombre incommensurable de madones, douces et parfaites, contre très peu, par exemple, de représentations d’accouchements qui en illustrerait une part bien plus violente et sombre. Tout un pan de la modernité s’est opposé à cette vision idéale, reconsidérant les représentations de la femme et de la maternité à travers d’autres modèles. Des créatures symbolistes dévoreuses d’enfants, nourries de la violence des mythes païens, aux célèbres mères-araignées de Louise Bourgeois dont la beauté est autant puissante que monstrueuse : à l’aube du XXe siècle, l’idéal de perfection classique est délaissé au profit d’une vision plus sombre et ambigüe de la féminité. Et c’est clairement dans l’héritage de cette modernité que s’inscrit la création actuelle, continuant de se libérer des tabous et des clichés réducteurs. Une évolution dont une part demeure en lien bien-sûr avec l’impact de nombreux facteurs, comme la recherche de l’égalité homme-femme, l’évolution de la place de la femme-artiste dans la société, la libération sexuelle, les avancées du féminisme, l’apport de la médecine comme la procréation assistée et la génétique.
représentation d’une mère héroïne. Il ne s’agit pas pour lui de répondre à un projet idéologique mais de faire un tableau. Lumières et perspectives trafiquées, écriture hétérogène tantôt très minutieuse tantôt très évaporée : l’étrangeté de sa peinture nous donne à contempler la maternité comme un mystère.
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L’art de Fabien Mérelle, c’est une chronique graphique de son quotidien. S’inspirant de sa vie intime, ses dessins et sculptures représentent sa femme, ses enfants et lui-même. Mais l’artiste toujours tente de s’extraire de cette dimension personnelle pour questionner l’homme en général. Il laisse aller son imagination, mêle réalité et fiction, récit autobiographique et mythologique. Par sa poésie délicate, son travail transforme l’histoire intime en métaphores de la destinée humaine. À travers ses proches, Fabien Mérelle interroge la peur, l’amour, la fragilité de la beauté. De la famille d’aujourd’hui, l’artiste nous donne à voir ce qui en fait sa force : la confiance, la complicité du jeu, la protection. Mais c’est aussi une famille fragile, ballotée et menacée par les événements de la grande Histoire : nationalisme, urgence climatique, guerre. Face à cette précarité, représenter sa famille c’est peut-être aussi chercher inconsciemment à arrêter le temps. Conserver des fragments de mémoire, des morceaux d’amour pour l’éternité vivants.
Les métamorphoses de la famille
lesquels d’autres peuvent se contempler. De cette famille contemporaine, l’œuvre de Charlotte Salvaneix en révèle les tabous et ambivalences. Ici, la famille est lien d’amour, de confiance, de tendresse, source de réconfort et de soutien. Là, elle devient lien trouble, de rivalité, de jalousie, source de souffrance et d’insécurité.
À travers sa série Everyday life in a happy Family, Charlotte Salvaneix a trouvé les moyens de réconcilier sa vie de famille et sa vie d’artiste. Avec l’arrivée de ses enfants, sans cesse tiraillée entre le temps de l’atelier et les besoins du foyer, elle doit réinventer sa pratique de la peinture. Elle délaisse les grands tableaux, et les frustrations que leur exécution engendre par manque de temps à l’atelier, pour explorer le petit format. L’humilité de l’esquisse et la rapidité d’exécution s’adaptent mieux à sa réalité quotidienne. Dans cette série, Charlotte Salvaneix prend pour sujet sa vie de famille, observant ses enfants dans des moments simples du quotidien. Mais ce regard de mère, l’artiste l’enrichit de poésie, de symbolisme, de peinture. Et les œuvres qu’elle crée dépassent l’histoire personnelle pour capter les symptômes, les symboles représentatifs de la famille contemporaine, à travers
Un artiste c’est un peu comme une éponge. Il absorbe ce qu’il voit, ce qu’il apprend, ce qu’il vit. Il se nourrit du réel. Le digère, le métamorphose. Son œuvre se situe aux carrefours de la grande Histoire et de l’intime, entre référents à l’art et observation du réel. Faire un tableau de sa vie de famille, c’est faire un tableau de toutes les familles. C’est tirer le transitoire, le personnel, le quotidien vers quelque chose d’éternel, d’universel, d’archétypal. C’est aussi capter l’envers du décor, les tabous ou noirceurs qui se cachent derrière les apparences de ce que nous vivons.
La question de la famille est intrinsèquement liée au royaume créé par Florence Obrecht et Axel Pahlavi. L’un et l’autre se représentent souvent, tout comme ils représentent leurs enfants, leurs amis, leurs familles. Très clairement, il y a pour eux un rapport affectif aux modèles, quelque chose d’intime s’incarne au cœur de leur pratique fondée sur le portrait. Ces représentations de l’intime, pour Axel comme pour Florence, entrent souvent en résonance avec l’univers du spectacle et de l’art en train de se faire. Décor, mise en scène, maquillage, costume. Et voilà que
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s’opère le jeu des métamorphoses. Le modèle, l’artiste, l’enfant, le père, la mère, le clown, l’arlequine. Tout s’entremêle dans ces représentations où d’ailleurs cohabitent toujours éléments de réel et références au monde de l’art, que cela soit par des échos à la peinture ou par des autocitations à leurs œuvres respectives. Les représentations de famille, que le couple peint à 4 mains, en sont un exemple révélateur. Sous leur regard commun, nous découvrons une famille de saltimbanques, une famille spectacle, entre l’artifice et la grâce. Cette marginalité charge aussi leur peinture d’un caractère subversif, dans une époque où le thème de la famille ne semble pas être un sujet très politiquement correct…
Parmi les démarches exposées, certains artistes s’inspirent indirectement de cet univers de l’enfance, comme Marlène Mocquet, Sarah Tritz ou Françoise Pétrovitch. Elles y puisent des motifs : figures enfantines ou issues de dessins animés, jouets… et s’inspirent plastiquement de dessins, de productions d’enfants : découpage, collage, assemblage, tracé « enfantin ». Tandis que d’autres artistes amorcent un dialogue plus direct avec leurs enfants, en réalisant des œuvres à 4 mains. C’est le cas de Fabien Mérelle, Guillaume Pinard, Jochen Gerner, David B., Anaïs Albar ou Florence Obrecht.
Il y a dans cet échange, un lien fort qui se crée entre l’artiste et son enfant : le partage d’un goût pour la bande dessinée ; la communication d’une émotion, d’une peur, qui se matérialise dans le dessin ; le plaisir de faire avec ses mains, dans l’instant, sans projection de résultat à atteindre ; la joie de créer en harmonie avec la nature en allant y puiser le matériel de sa création ; le plaisir d’être ensemble, complices et en confiance.
L’enfance créatrice
A.A
Partager du temps avec ses enfants, les regarder dessiner sur un bout de table, les voir créer des choses avec des petits riens et y trouver une grande jubilation. Ce temps partagé peut être une source d’inspiration pour un artiste qui retrouve dans le langage de l’enfance : liberté, économie de moyen, force d’expression, humilité, nécessité. Et souvent pour un artiste, ce regard porté sur l’enfance, vient résonner avec d’autres référents : art brut, cobra, arte povera, surréalisme… des champs de l’art où l’on retrouve des voies de liberté expressive et un même goût pour la métamorphose des matériaux, bruts ou Derécupérés.façongénérale, cette voie est pour l’artiste aujourd’hui une manière de s’inscrire dans une histoire qui a permis de décloisonner l’art et de le libérer de clichés réducteurs. Cette histoire redéfinit l’art de manière décomplexée, dans sa marginalité, comme ouverture à la vie, besoin primordial d’expression répondant à une humble nécessité plus qu’à un plan de carrière.
Toutes enracinées dans la jubilation et la liberté de l’enfance, les œuvres ainsi créées sont touchantes, captivantes et dérangeantes aussi parfois. Elles naviguent entre force expressive, modernité étonnante, émerveillement poétique, onirisme et trash sans limites ni tabous.
8 PRÉFACE : LE CHOIX DE LA VIE, AMÉLIE ADAMO ................................................................. p 3 SOMMAIRE ............................................................................................................................. p 6 DISCOURS INAUGURAL, LUCILE HITIER .............................................................................. p 7 LIDIA KOSTANEK ........................................................................................................................... P 9 FRANÇOISE PÉTROVITCH .............................................................................................................. P 13 CHARLOTTE SALVANEIX P 17 FIAMMETTA HORVAT .................................................................................................................... P 21 SARAH TRITZ ............................................................................................................................. P 25 DAVID B. .................................................................................................................................. P 29 JOCHEN GERNER ........................................................................................................................ P 34 GUILLAUME PINARD .................................................................................................................... P 37 ANAÏS ALBAR ............................................................................................................................. P 41 KATHARINA BOSSE ...................................................................................................................... P 45 FLORENCE OBRECHT & AXEL PAHLAVI ............................................................................................. P 49 FLORENCE OBRECHT ................................................................................................................... P 51 AXEL PAHLAVI ............................................................................................................................ P 55 MARLÈNE MOCQUET P 59 FABIEN MÉRELLE ........................................................................................................................ P 63 PRUNE NOURRY.......................................................................................................................... P 67 CRÉDITS ................................................................................................................................ P 71 REMERCIEMENTS ET MENTIONS OBLIGATOIRES .............................................................. P 72
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Quelle joie de vous retrouver tous ce soir pour vivre cette nouvelle aventure à l’arTsenal !
Dans l’imagerie populaire, on fantasme « la vie d’artiste » : bohème, instable, solitaire ou communautaire. Corvéable à merci, disponible le soir, les week-ends, les artistes se doivent de mener une vie de cigales et de vivre de peu de choses. Alors bien souvent, les parents n’encouragent pas leurs enfants à s’investir dans une voie artistique et quand finalement celui-ci l’entreprend, ils craignent pour lui et lui transmettent leurs craintes. Ainsi, à son tour et pour ne pas avoir à imposer son mode de vie à quelconque progéniture... l’artiste, finalement, ne s’autorise qu’à
Mettre au monde se conçoit avant tout comme une ode à la vie et propose de mettre en lumière des artistes qui ont dédié leur pratique - à un moment de leur vie - à leur relation à l’enfant, au corps habité, au corps nourricier ou à la pratique artistique à quatre mains. Car non, être parent quand on est artiste, ce n’est pas impossible, et c’est aussi le cas pour un père artiste et pour une mère artiste !
Cette exposition est pour Amélie comme pour moi, un point de rencontre entre deux professionnelles de l’art : une commissaire indépendante, maman et une directrice de Centre d’art, maman aussi. Avec Amélie, nous nous sommes rencontrées il y a deux ans autour de l’exposition Inspirées - Acte 1 - Peinture. J’avais appelé Amélie pour son expertise sur la peinture contemporaine afin de contextualiser l’exposition à l’arTsenal et l’inviter à produire la préface du catalogue d’exposition. Au fur et à mesure de nos échanges, nous avons partagé cette graine que nous portions chacune de notre côté sur une exposition que chacune - sans jamais l’avoir fait - souhaitait produire. Une exposition qui enfin donnerait une légitimité aux artistes hommes, comme femmes, de diffuser le travail que chacun d’eux, plus ou moins secrètement développaient au contact de leur projet de famille, ou au contact de leurs Alorsenfants.oui,
Chers artistes, élus, amis,
Discours inaugural Lucile Hitier
Comme vous le savez chaque année depuis 2018, nous vous proposons des expositions estivales tournées vers des thématiques Art et société. Vous pourrez d’ailleurs retrouver à la librairie les catalogues de ces expositions qui vous manquent !
Après Nous sommes contemporains qui proposait de traiter un panorama de problématiques contemporaines, comme un sommaire des diverses expositions à venir, Les champs des possibles abordait les liens intrinsèques entre les vivants ; comme une ode aux habitants de la planète, puis dernièrement Curiosités vagabondes posait la question de la place de l’art dans le quotidien et Pourinversement...cettenouvelle exposition intitulée Mettre au monde par Amélie Adamo et moi-même, co-commissaires de cette exposition, nous nous sommes associées pour vous proposer d’élargir la notion de création et de créativité à la sphère intime et familiale des artistes. Car oui, pour un artiste, travailler, c’est comme pour tout à chacun d’entre nous : planifier, budgéter, entreprendre, compiler, douter, se laisser surprendre, déplacer selon les opportunités, bref... créer !
Cette exposition est née du désir de montrer que depuis quelques années des espaces de résidences sont ouverts aux familles d’artistes, des Centres d’art créent des partenariats avec des crèches pour permettre aux jeunes pères et mères de se rendre en atelier/workshop avec leurs jeunes enfants. Tous les pays d’Europe s’organisent pour légiférer des conditions sociales mieux organisées et une rémunération plus juste aux artistes. On voit sur les réseaux sociaux, de plus en plus d’artistes hommes ou femmes qui dévoilent leur vie privée, leur babybump, leur enfant barbouillé de chocolat ou leur œuvre faite à quatre mains avec leur enfant, sans avoir peur d’être critiqué ou de freiner leurs carrières.
Car oui, la vie de famille, la parentalité, n’est pas ouverte qu’aux autres et que oui, lorsqu’on est artiste et parent, on peut continuer à produire, à faire des expositions, à faire des résidences en choisissant librement d’intégrer ou non cette nouvelle corde dans leur univers artistique. Car être parent, ce n’est pas une fin en soi, c’est une grande joie oui, pleine de crises et de doutes, c’est certain, un
casse-tête, une évidence ! Mais il est possible à chacun de positionner le curseur où il le souhaite, et non, devenir mère ou père, ne fait pas de nous des êtres uniquement accaparés par cette nouvelle vie qui arrive ou qui est là ; il est toujours ouvert à chacun de choisir de s’épanouir et de s’exprimer à travers ce pour quoi il est sur cette planète, en produisant, en créant et pourquoi pas, en exposant !
10 donner vie à ses propres œuvres. Heureusement, nous n’en sommes plus là !
Cette exposition donnera naissance à plusieurs rendezvous de création parents-enfants à quatre mains autant qu’à des journées portes ouvertes et de recherche sur l’équilibre juste à trouver entre vie professionnelle et vie privée et les cadres sociaux à faire évoluer pour le trouver.
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, avec de gauche à droite : Charlotte Salvaneix, Lost in pattern 4, 2018, Acrylique et huile sur papier - 41 x 31 cm ; Lidia Kostanek, La cuirasse, 2019, Céramique - 42 x 33 x 19 cm ; Charlotte Salvaneix, L’heure du bain, 2018, Encre et huile sur papier46 x 36 cm
: Vue en situation de la visite privée de l’exposition Mettre au monde à l’occasion de la journée d’accueil de “Taxi tram” et “la navette de l’art” (visites itinérantes) programmée par les réseaux arts visuels des régions Ile-deFrance et Centre Val-de-Loire
L.HCi-dessus
céramique est un terrain d’expérimentations et d’amusement. Grès, faïence, porcelaine, elle adapte son matériau à la texture souhaitée selon son propos incorporant parfois des éléments divers tels que la terre, la mousse et des matières liquides.
Née en 1975 à Tomaszow Mazowiecki en Pologne, Lidia Kostanek vit et travaille à Lambesc dans le sud de la France. Lidia Kostanek arrive en France en 2003 après un diplôme en spécialité illustration obtenu à l’École des Beaux-Arts de Varsovie. Avant de découvrir le volume et la céramique, sa pratique s’orientait sur les métiers de l’illustration et du design graphique. Aujourd’hui, elle développe un univers autour de la conscience du corps humain, de l’identité féminine et du Lidiagenre.Kostanek
Artiste graveur et céramiste, son travail prend racine dans son intimité et son enfance en Pologne où elle se positionne en regardeur d’un monde gangréné par la peur de la différence et les inégalités entre hommes et femmes. En opposition à ses expériences personnelles, elle présente à travers ses œuvres, une figuration transgressive et profondément revendicatrice. Celle d’un corps féminin libérée de sa pudeur, représentatif des bouleversements psychologiques, anatomiques et hormonaux dont chaque femme fait l’expérience lors du passage de l’enfance à l’âge adulte.
Chez Lidia Kostanek, le corps est morcelé comme pour se concentrer sur la véracité anatomique et la force iconographique d’un seul élément. Elle réalise des portraits, des bustes, des vulves, des pieds, mais ne donne jamais à voir le corps en entier. Proche des pratiques surréalistes du collage et de l’accumulation, elle n’hésite pas à démultiplier et à recomposer la forme choisie pour mieux servir son propos. Malgré leur dimension sensuelle prédominante, chaque élément du corps représenté dans l’œuvre de Lidia Kostanek est mis en tension par des effets de craquelures, mousse, moisissures, coulures sur la surface, déconstruisant ainsi peu à peu le fantasme du corps lisse, épuré, désirable. Ici, l’anatomie féminine n’est pas révélée pour faire plaisir à l’œil, elle questionne plutôt la féminité et la masculinité de manière introspective à travers un prisme plus scientifique à la limite de l’organique animal et
Lidia Kostanek
bénéficie d’une visibilité en France et à l’étranger. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions collectives et personnelles dont LANIAKEA #II qui s’est tenue début 2022 à la Fondation La RUCHE Seydoux de Paris, Mises à nu à la galerie Le Rayon Vert à Nantes en 2019, Sorcières ! la même année à l’espace d’art contemporain H2M de Bourg-en-Bresse, Polak Artysta Ceramik en 2018 lors de la triennale de Bolesławiec en Pologne, et Miroir céramique au Musée de Carouge en Suisse en 2017.
Pourvégétal.elle,la
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La Cuirasse, œuvre également présentée dans l’exposition, il s’agit d’une œuvre constituée de deux pièces en céramique, elle représente la perte de l’innocence de la fillette dans sa transition vers l’âge adulte. Enfermée dans cette nouvelle peau, elle subit le changement de regards sur son corps voué à donner la vie, sa prison devient - à la manière d’une peau de bête - sa cuirasse. Glitch, une sculpture également en grès émaillé, réalisée en 2017, représente le portrait d’une
aux céramiques funéraires. L’une, blanche cache dans sa composition de petits œufs évoquant la naissance, quand la seconde est habitée par une araignée. Dans un cas, c’est la question du potentiel fécond du sexe féminin, dans l’autre, une référence à l’Œuvre de Louise Bourgeois, où l’araignée convoque la figure tutélaire de la
Quantmère.à
13 À l’arTsenal, Lidia Kostanek présente cinq œuvres en céramique réalisées entre 2015 et 2019.
Les œuvres Jardin blanc, Jardin noir et Mandorles respectivement produites en 2015 et 2019 sont deux sculptures en bas-relief constituées respectivement l’une de deux et l’autre de trois parties. Les mandorles en forme d’amandes, font référence à l’iconographie religieuse, à l’origine, il s’agit de représentations de figures saintes qui trônaient au cœur d’un ovale pour célébrer le passage de la vie terrestre à la vie céleste. Proche de la forme de la vulve, ici, c’est bien la figure du sexe féminin qui se répète, proposant ainsi de relire le passage de la vie in utero à la vie terrestre et dans un vocabulaire plus organique que céleste. Dans Jardin blanc, Jardin noir, le propos est accentué avec la composition florale qui peut directement renvoyer
Mycélium est une installation constituée de modelages en céramique représentants une multitude de seins de plusieurs tailles qui émergent d’un monticule de terre à la manière de champignons reliés par un rhizome souterrain. À leurs extrémités, semble parfois s’écouler ou suinter du liquide. Allégorie de la fertilité de la terre comme du corps féminin nourricier, cette pièce évoque également les désagréments auxquels les femmes peuvent être sujettes en période Post-partum
Pages précédentes par ordre d’apparition : Glitch, 2017, Céramique - 42 x 33 x 18 cm ; Jardin blanc, Jardin noir, 2015, Relief floral en céramique, grès - 38 x 26 cm ; La cuirasse, 2019, Céramique - 42 x 33 x 19 cm
jeune femme, dans un effet d’onde, qui semble changer de peau, les yeux clos, sereine, elle peut nous évoquer la divinité indienne Brahmā, reconnue pour sa bienveillance et sa sagesse. L’émail brillant de cette sculpture évoque la sacralité du personnage comme la dorure qui recouvre les représentations de ce dieu. Son titre Glitch, que l’on peut traduire par ”bug” ou ”dysfonctionnement”, souligne avec humour un problème dans la matrice où la capacité créatrice de cette femme qui peut-être fera le choix d’aller à l’encontre de son rôle procréateur autant que la capacité de l’Homme moderne de s’accomplir à travers plusieurs missions conjointes : professionnelles, personnelles et sociales.
À travers ces œuvres Lidia Kostanek révèle la dualité entre la capacité quasiment sacrée de la femme à donner vie et la charge physique et mentale que représente cette responsabilité. Elle souligne ici la violence que subit l’adolescente lors du passage à l’âge adulte et sur laquelle sont soudainement transposés fantasme et maternité. Entre objet de désir et corps douloureux, l’artiste questionne ici, la possibilité ou l’impossibilité pour la femme d’échapper à son rôle créateur.
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Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Françoise Pétrovitch, Sans-titre, 2009, Lavis d’encre sur papier - 87,5 x 67,5 cm ; Charlotte Salvaneix, Maternité à l’atelier, 2016, Encre et huile sur papier - 41 x 31 cm
Ci-dessus : Mycélium, 2018, Installation, céramique et terre naturelle - Dimensions variables
Françoise Pétrovitch
Née en 1964 à Chambéry, Françoise Pétrovitch vit et travaille entre Paris et Verneuil-sur-Avre.
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Après avoir obtenu un brevet spécialité arts graphiques à Lyon, Françoise Pétrovitch intègre une école préparatoire aux arts appliqués avant d’entrer à l’École normale, puis Normale Sup’. En parallèle de sa troisième année, elle prépare une maîtrise d’esthétique à la Sorbonne. Animée par le désir de transmission, elle intègre dès la fin de ses études à l’ENS, le corps professoral de l’École d’Estienne où elle enseigne toujours actuellement. En 2010, elle reçoit le Prix MAIF pour la sculpture et en 2021, le prix de dessin de la Fondation Daniel & Florence Guerlain. Françoise est aujourd’hui représentée par la galerie Semiose à Paris. Bénéficiant ainsi d’une plus grande visibilité en France mais aussi à l’étranger. Elle a exposé entre autres en 2011, au Musée Louvre Lens en 2018, première exposition monographique du musée dédiée à une artiste contemporaine, et plus récemment à la Fondation Hélène et Édouard Leclerc à Landernau (FHEL) et à l’Abbaye Royale de Fontevraud en 2022. Ses œuvres font partie de nombreuses collections publiques et privées dont : plusieurs Fonds régionaux d’art contemporain, le Centre Pompidou, Paris (FR), le Museum Voorlinden, Wassenaar (NL), le National Museum of Women in the Arts, à Washington DC (US), le Musée Jenisch, Vevey (CH), les musées d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne et de Strasbourg, le MAC VAL à Vitry-sur-Seine (FR), ainsi que les Fondations Salomon et Guerlain, le Fonds Hélène et Édouard Leclerc et le Fonds de dotation Emerige. Son travail s’enrichit de multiples références qu’elle découvre au fur et à mesure de ses recherches. Passionnée par la peinture depuis son plus jeune âge,
c’est à travers les livres qu’elle découvre les maîtres de la peinture. Plus tard, elle se passionnera pour la littérature en lisant Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Alexandra Fuller, Joyce Carol Oates. Empruntés au roman psychologique, l’intime, l’animal, la disparition, l’effet miroir, la gémellité etc. sont des sujets qui habitent les œuvres de Françoise Pétrovitch. Entre récit collectif et anecdote personnelle, le travail de l’artiste nous plonge dans une atmosphère ambiguë entre jouissance et inquiétude qui résulte de sa propre affection pour des sujets à priori inconciliables : réel et fictif, collectif et individuel, populaire et élitiste, littérature et roman de gare, arts appliqués et arts
Françoise Pétrovitch développe sa pratique autour de la peinture, la sculpture et la vidéo. Depuis ses débuts, trouve ses racines dans la technique de l’estampe et en particulier de l’eau-forte, qui consiste à tracer d’une seule couleur les contours de ses personnages sur le papier. Pour ses grands formats, l’artiste s’autorise une plus grande liberté de geste et préfère intervenir au lavis. Elle fait naître ses sujets dans la densité d’une forme colorée aqueuse, quelques fois ton sur ton, dans
un jeu de pleins et de vides, par un système de Laréserves.céramique
17 visuels, enfance et responsabilités, nature et civilisation, etc. La démarche artistique de Françoise Pétrovitch se trouve au carrefour de plusieurs techniques de créations, entérinant sa pratique dans un univers personnel, particulièrement reconnaissable : peuplé de jeunes filles, d’adolescents, d’animaux, d’objets, dans un fond souvent monochrome, avec des rehauts de couleur occasionnels comme pour surligner un élément de la composition.
occupe également une part importante de sa pratique depuis 1997 pour les effets miroir que permettent l’émail. Ces sculptures sont pour elle l’occasion de créer avec un rapport au temps différent, avec son lot de contraintes, le modelage est constitué de matière, bien que l’artiste tente de ne pas perdre l’intuition qui occupe ses dessins, tout l’enjeu du volume est de réussir à conserver l’onirisme qui constitue son vocabulaire artistique malgré la dimension formelle de l’œuvre. Dans les années 2010, elle s’intéresse au déploiement du dessin dans l’espace et collabore à plusieurs occasions avec le photographe et vidéaste Hervé Plulmet ; plus seulement pensé comme une œuvre bidimensionnelle, le dessin est alors animé et présenté sous forme d’installation, afin de proposer une expérience immersive au spectateur.
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“J’essaie de créer, par la peinture, une zone de transformations possibles pour accueillir ce qui est en devenir ; et aborder l’enfance sans naïveté... Alice n’est plus une petite fille et tout le monde le sait.” F.P
Ces trois œuvres insistent sur la complexité du passage de l’état d’enfant à l’état d’adulte-parent et manifeste haut et fort que comme toute personne, l’artiste-parent malgré ses questionnements peut conduire de front sa carrière artistique et sa vie de famille.
Pages précédentes par ordre d’apparition : Sans-titre, 2010, Lavis d’encre sur papier - 91 x 71,5 cm ; Vue de l’exposition Mettre au monde avec de gauche à droite : Françoise Pétrovitch, L’accouchement (dédicace à Lucie), 1992, Technique mixte sur papier, dimensions variables et Anaïs Albar, In utero, 2021, Broderie, crayon et encre de chine sur tissus - 150 x 65 cm
Dans cette idée, l’artiste invite également le corps en mouvement au sein de ses expositions ; comme à la manufacture de Sèvres où Élise Ladoué avait interprété des performances dansées imaginées par Julie Desprairies. Depuis 2019, l’artiste entretient aussi un lien très fort avec le spectacle vivant où elle participe à la création de certains opéras nationaux et réalise des décors et costumes notamment pour le spectacle Adolescent qu’elle a co-réalisé avec le chorégraphe Sylvain Groud.
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde avec de gauche à droite et de haut en bas en haut : Anaïs Albar, L’accouchement, 2020, Broderie et encre de chine sur tissus 40 x 33 cm ; Lidia Kostanek, Glitch (détail), 2017, Céramique 42 x 33 x 18 cm ; Charlotte Salvaneix, Sur ses épaules, 2016, Encre et huile sur toile - 41 x 31cm ; Lidia Kostanek, La cuirasse, 2019, Céramique - 42 x 33 x 19 cm
À l’ar[T]senal, Françoise Pétrovitch expose trois œuvres dont deux lavis et une œuvre bidimensionnelle faite de dessins et de collages, pratique plus singulière dans l’Œuvre de l’artiste.
L’accouchement (dédicace à Lucie) est un ensemble de 15 dessins–collages qui date de 1992. À l’origine de cette série particulièrement intime, une liste d’une cinquantaine de questions qui passent par la tête d’une future maman pendant la grossesse : Faut-il manger plus ?, Comment voyager ?, Dois-je mettre ma ceinture de sécurité ?, Dois-je jeter mon chat ?, Aurai-je l’esprit maternel ?, etc. Dans la continuité de ces questions, une série de dessins et de matériaux collés illustrent - à la manière d’un journal intime dessiné - ses émotions et représentent les situations et les objets qui l’entourent lors de son passage à la maternité pour son premier enfant. Cette œuvre par le caractère introspectif qu’elle présente illustre à quel point le passage à l’état de parent peut être à la fois source de doutes autant que désir de création pour l’artiste.
Les deux lavis à l’encre rouge présentés dans le hall, représentent chacun une petite fille tenant une poupée. Faussement ingénues, les fillettes que nous présente l’artiste possèdent déjà en elles les signes annonciateurs de la femme adulte, cheveux longs, chaussures à talons, port d’un bambin entre les mains. Cette apparition de la poupée entre les mains de l’enfant, au-delà de la dimension ludique, fait écho à un thème récurrent dans la pratique de l’artiste : la cruauté. Ici la poupée qu’elle soit choyée ou malmenée est, dans tous les cas, soumise au bon vouloir de celle qui la tient. Motifs très présents dans l’Œuvre de Françoise Pétrovitch, la fillette comme la poupée représentent l’intérêt qu’elle entretient pour la représentation des différents âges de la vie et du devenir adulte. Par une recherche autour de la notion du double, on retrouve la poupée tantôt entre les mains d’une petite fille ou d’un petit garçon (série Tenir), tantôt démantibulée en compagnie d’un petit animal dont elle est maîtresse à son tour (série Poupée - 2005/2010).
Charlotte Salvaneix
Charlotte Salvaneix, née en 1984, vit et travaille à AprèsIvry-sur-Seine.uneannée en Hypokhâgne, elle étudie aux Ateliers de Sèvres de 2003 à 2004 avant d’intégrer l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Elle développe dès lors un intérêt prononcé pour la morphologie, les techniques et l’histoire du dessin et développe sa pratique de la peinture dans les ateliers de Pat Andréa et JeanMichel Alberola. Son travail est représenté en France par la galerie Mariska Hammoudi.
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Imprégnée par sa vocation pédagogique ,Charlotte Salvaneix développe un vocabulaire et des techniques chargés de références à l’histoire de la peinture et de l’art en général. Ainsi on peut lire dans son travail un attachement certain aux portraits de la Renaissance, à la peinture flamande ou encore à la photographie contemporaine et à la peinture d’illustration de la première moitié du XXème siècle. Chez Charlotte Salvaneix, la citation d’une œuvre de l’histoire de l’art, son contexte et la technique de peinture qu’elle emploie dans la composition a une place tout aussi importante que la thématique à aborder.
Dans ses œuvres, en plus de s’intéresser à la représentation du corps et de la figure en situation, ou au choix du motif répété - sur les vêtements ou en arrièreplan - chacun pourra faire l’expérience de sa capacité à donner à comprendre l’état psychologique de ses protagonistes à travers une représentation presque chirurgicale des visages. Dès ses premières séries, Grand Tribunal, Éducations et plus récemment ses Pénélope Lying l’artiste présente systématiquement des compositions dans lesquelles un protagoniste seul est affairé à une besogne, ou un personnage central est en interaction avec un ou plusieurs individus. Charlotte raconte les différentes relations entretenues entre un sujet
En parallèle de sa pratique artistique, Charlotte s’investit dès 2007 dans la recherche pédagogique en développant son propre enseignement du dessin et de la peinture. Elle co-fonde le collectif d’artistes - enseignants “d’un atelier à l’autre” et en 2021 l’atelier en ligne et la chaîne youtube “un autre atelier” .
Oscillant entre la peinture à l’huile, l’encre, la marbrure à la cuve, l’acrylique, Charlotte Salvaneix s’intéresse aux procédés techniques qu’elle emploie dans ses œuvres sur toile ou sur papier et les donne à voir de plus en plus
adepte des grands formats, Charlotte Salvaneix fait partie de ceux qui ont dû changer leur rapport à la peinture en devenant parents. Le temps de production, la technique de production, le format, chacun de ces éléments ont été revus pour permettre à l’artiste de retrouver une sincérité dans la création. Dans son nouveau mode de production, comme dans les thèmes qu’elle aborde, Charlotte Salvaneix cherche à transmettre la réalité du quotidien d’une artiste-mère tiraillée entre le temps à dédier chaque jour à l’éducation de ses enfants et celui voué à la création.
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Ce texte de l’artiste sur une série réalisée entre 2018 et 2021 soit juste à la suite de la série dont sont issues les six œuvres présentées à l’ar[T]senal ironiquement appelée Everyday life in a happy Family permet également de comprendre le moteur de création de Charlotte Salvaneix qui en tant qu’artiste, enseignante et mère, doit chaque jour jongler entre toutes ces casquettes qui impliquent une multitude de tâches plus ou moins reluisantes, afin de maintenir cet équilibre qui pour elle est source d’épanouissement et d’équilibre.
« Cette série, […] se veut également une allégorie des tâches domestiques répétitives qui ne s’achèvent jamais, le travail quotidien et invisible non récompensé ni rémunéré, titanesque à l’échelle d’une vie. Tel le tissage de Pénélope qui recrée ce qu’il détruit et détruit ce qu’il a recrée. Il s’agit donc plus profondément pour moi d’une métaphore de ma démarche picturale. En défaisant la nuit ce qu’elle a fait le jour, Pénélope raconte son travail comme « praxis », une pratique sans aboutissement mais dont le temps passé à l’ouvrage donne lui seul son sens. Une pratique non productive, condition absolue de la réalisation de soi. Le tissage de Pénélope naît pourtant d’un mensonge. En simulant une réalisation qui tend vers l’aboutissement, elle parvient à sauvegarder sa liberté de faire...» C.S
exclusivement dans des formats plus raisonnables d’environ 30 x 40 cm avec parfois le souhait d’assumer des œuvres d’apparence non aboutie, pour transmettre l’importance du rapport au temps dans la création d’une Autrefoisœuvre.
et le groupe auquel il appartient, ou au sein duquel il évolue : famille, couple, parenté, enfance, groupe social.
Au sujet de la série Pénélope Lying (le mensonge de Pénélope), l’artiste exprime que :
série Everyday life in a happy Family, on peut voir : un homme, le regard dans le vide portant son bébé dans un fond vert qui semble évoquer les moments où malgré la maladie et la fatigue, le parent doit se surpasser pour prendre soin de sa progéniture. Juste à côté, nous sommes témoins d’une scène où, tantôt une mère nous tourne le dos, en train de peindre, imperturbable, avec au
Pages précédentes par ordre d’apparition : Maternité à l’atelier, 2016, Encre et huile sur papier - 41 x 31 cm ; L’agenda, 2018, Encre et huile sur toile - 46 x 36 cm ; L’heure du bain, 2018, Encre et huile sur papier - 46 x 36 cm
Ainsiobéissance.dansla
Ci-contre : Sur ses épaules, 2016, Encre et huile sur toile40 x 30 cm
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pied d’elle une coque berçant un nouveau-né qui semble babiller gentiment, ou bien, une mère, visiblement la même - car c’est bien Charlotte qui est représentée dans cette série - qui nous fixe avec un regard interrogatif et tente malgré l’enfant qui joue dans les rideaux derrière elle, de travailler sur son ordinateur à la page “Google agenda” se vouant désespérément à la technique pour emmagasiner tout son planning de la semaine. Toutes ces scènes de la vie quotidienne dans une famille heureuse, comme nous le dit l’artiste en nommant ainsi sa série, présentent sans artifice et au même plan des moments complexes traversés par les membres d’une famille et des moments de complicité dans la fratrie et entre parent et Cesenfant.sujets,
À droite, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Charlotte Salvaneix, L’agenda (détail), 2018, Encre et huile sur toile - 46 x 36 cm ; Fiammetta Horvat, Ventre pleureur, 2018, Vidéo couleur, 2 minutes
complètement absents dans l’histoire de la peinture et de l’art en général prennent avec la peinture de Charlotte, leurs lettres de noblesse et sont érigés en sujet noble à peindre, au même titre qu’une peinture d’histoire, une scène de genre ou un paysage.
D’apparences sages, ne cherchant pas à transgresser les codes de la peinture, mais non moins critiques, les œuvres de Charlotte Salvaneix, mettent en scène les personnages issus de son cercle intime, familial ou amical dans un vocabulaire sans détour pour véhiculer un message contemporain en filigrane : la place de la femme active, de l’homme contemporain post-patriarcal, ainsi que celle des enfants dans le cercle familial, partagés entre liberté et
Fiammetta Horvat
Fiammetta Horvat est née en 1979, elle vit et travaille à Paris. Familière des shootings de la mode depuis sa plus tendre enfance en suivant son père photographe Franck Horvat, elle développe peu à peu une passion pour l’art et l’envers du décor des plateaux de photo. Se refusant à un parcours d’études “classique”, elle part s’installer à Londres en 1998 alors qu’elle vient d’avoir dix-huit ans. Près de chez elle, elle travaille pour une petite branche de la maison de vente aux enchères Sothebys spécialisée dans la photographie ; encore assez discrète sur le marché de l’art à ce moment-là. Elle découvre par la suite l’univers du théâtre et en particulier l’art de la mise en scène britannique. Elle étudie alors à la Central School of Speech and Drama de Londres et débute une carrière de vingt-cinq ans en tant que designer, costumière et scénographe. En 2016, la perspective du Brexit la conduit à rentrer en France avec son époux et ses enfants. Elle dirige aujourd’hui le fond de photographies de son père et souhaite faire de son ancien studio de 300m², un lieu de diffusion dédié à la photographie contemporaine.
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le support, elle répond surtout à l’urgence d’extérioriser une émotion personnelle ou simplement une idée.
j’étais enceinte, j’ai instinctivement eu cette impression d’appartenir à un cycle, d’être complètement devenu un élément mythologique, c’est un sentiment très animal, très essentiel, et l’on a l’impression de ne plus appartenir à une époque, à un pays, mais juste d’appartenir à quelque chose d’universel, et c’est ce sentiment-là, ce cycle qui m’est venu. J’avoue, il n’y a pas beaucoup de réflexions quand je fais ces œuvres, elles me viennent vraiment […] Elles sont innées. […]
Dans son parcours de designer, Fiammetta Horvat a toujours pratiqué le dessin et la mise en espace. Le théâtre étant un espace où le temps se joue différemment que partout ailleurs ; constitué de moments de fortes tensions suivis de périodes plus calmes ; lui a permis de développer en parallèle une recherche artistique personnelle basée sur le dessin et le collage. À partir du matériel disponible en arrièrescène, l’artiste crée de courts récits imprégnés du style irrévérencieux et de l’humour britannique, pop-up, livre d’art, objets hybrides, à la fois didactique et ludique : dépliant, sculpture en papier, stop motion. Fiammetta Horvat crée avec beaucoup d’intuition, peut lui importe
Passionnée depuis sa propre expérience de la grossesse par des questionnements autour de la fécondité, Fiammetta Horvat s’intéresse aux mythes et légendes et en particulier aux figures féminines en lien avec ces sujets : Perséphone, Willendorf, Isis, Baubo, etc. En effet, toutes les civilisations ont tenté d’expliquer le mystère de la création ainsi que le pouvoir bienfaiteur de la femme. La question du cycle de la vie étroitement liée à la question de la mort habite la pratique de cette «artiste.Quand
Dans Ventre Pleureur, l’artiste présente ses propres craintes face aux enjeux de la procréation, la joie d’être enceinte, la peur de perdre l’enfant qu’elle porte, l’admiration entremêlée de la peur de cet autre être qui grandit en elle, quel patrimoine génétique sera transmis à l’embryon à travers ce cordon ombilical ? Pourquoi la naissance de l’enfant est-elle vécue comme une violence par son corps ? Sera-t-elle une bonne mère ? À la manière d’une thérapie salvatrice l’artiste présente à travers cette vidéo en stop motion, sa propre expérience de la maternité, bien consciente que chaque femme vit ce processus à sa propre manière. Cette œuvre, sans le vouloir, questionne le genre humain sur sa propre expérience d’une grossesse, passée, présente et future et cherche à faire relativiser le regardeur face à l’assaut d’émotions complexes non-conformes à l’idée idéalisée que la société véhicule autour de la maternité.
Particulièrement marquée par l’animalité qui habite la femme enceinte, par les bouleversements physiques du corps qui se métamorphose, voir se déforme, mais également psychologiques, avec son lot d’émotions qui tiennent davantage de la survie animale que des problématiques de l’Homme contemporain : faim, fatigue, protection, peur, etc. Le travail de Fiammetta Horvat se trouve empreint d’une portée revendicatrice. Pour elle, la grossesse ne devrait pas être un tabou, car malgré le caractère intime et personnel de cette expérience, il s’agit avant tout d’un phénomène naturel qui lie les femmes entre elles de manière universelle et intergénérationnelle, avec plus ou moins de joie et d’enthousiasme. À travers ses œuvres, Fiammetta ouvre un espace de dialogue autour de la sexualité, de la transformation du corps, de la maternité et de la parentalité extrait de tout jugement.
Ces moments très forts, liés à l’intime, ne devraient pas être un tabou. » F.H
épisodes : Victoria 4 Albert, qui présente les débuts de l’histoire d’amour entre la reine Victoria et le prince Albert en 1839.
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En 2014, elle remporte un concours de livre d’art lancé par la Wiener Library (La plus ancienne institution du monde consacrée à l’étude de l’Holocauste) sur le thème “Displaced” en français “Déplacé”. Alors qu’elle revenait de Vienne, l’histoire de sa famille ressurgit, la famille de son père qui vit en Autriche, son propre père né en Italie, elle-même vivant en France et sa fille née en Angleterre, elle prend conscience qu’en trois générations la culture d’un pays peut être complètement évincée au profit du pays d’immigration. C’est ce qui la pousse à participer à ce concours, elle investit pour l’occasion le livre The rise and fall of the house of Ullstein, un roman de Hermann Ullstein dont le personnage principal fait le choix de changer de pays laissant derrière lui l’héritage de l’entreprise familiale. La même année, elle reçoit une commande du Kensington Palace, réalisé sous la direction de Chiara Ambrosio pour une série d’animation qui compte cinq
Dans le cadre de l’exposition Mettre au Monde, Fiammetta Horvat présente deux vidéos réalisées en 2018 qui abordent de manière particulièrement intime la question de l’enfantement sur le plan des bouleversements psychologiques qu’elle implique.
Ci-dessus : Ventre pleureur, 2018, Vidéo couleur - 2 minutes Pages précédentes par ordre d’apparition : Moon, 2018, Vidéo noir et blanc - 27 secondes
La seconde vidéo, Moon, en plus de rappeler à nouveau le lien imposé par les cycles menstruels entre tous les mammifères féminins, illustre poétiquement le cycle solaire et lunaire auquel l’artiste a eu intuitivement la sensation d’appartenir pendant son expérience de la grossesse. Ici, la figure se mue, se répète et se renouvelle à travers elle-même, soumise aux rythmes de la nature et ainsi, faisant partie intégrante du cycle universel et séculaire des espèces vivantes génération après génération.
Ces deux œuvres témoignent de l’expérience personnelle de la maternité de l’artiste qui se sert de son vécu comme d’une matière pour créer et au-delà, tisse allégoriquement le lien entre création et procréation applicable à tout artiste qui cherche à transmettre une idée ou une émotion personnelle ou universelle tout comme sa propre légitimité à créer et surtout exposer son travail au regardeur.
Ci-contre : Vue in situ de l’oeuvre de Sarah Tritz, Jeanne-Sara (mood 2), 2022, Technique mixte - 30 x 20 x 10 cm
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Artiste passionnée par les “formes”, Sarah Tritz, se nourrit de la profusion de motifs et de styles issus de la grande Histoire de l’art autant que par la culture populaire (BD, manga, cartoon, jeux d’enfants). À travers son travail, elle glane, recense, accumule, digère
Attentive aux enjeux de couleurs, d’agencement, de formes et de matières, sa pratique artistique se déploie entre le dessin, le collage, la peinture, la sculpture et l’installation. Son moteur de création : expérimenter les possibles de la matière à partir de matériaux simples, déjà présents dans l’atelier. Par cet assemblage de formes et de concepts Sarah Tritz, propose une lecture des paradoxes de notre époque contemporaine. Prenant l’apparence d’ex-voto, de reliques ou encore de jouets, de taille réduite ou monumentale, ses œuvres bousculent notre conception de l’objet précieux et nous ouvrent les portes de l’enfance où le peu devient objet de fascination, car porteur de sens ou d’une situation à raconter à celui qui voudra bien l’entendre ou l’observer.
figurent dans plusieurs collections publiques dont celles du CNAP, du FMAC (Ville de Paris) et de nombreux FRAC (Limousin, Île-de-France, Pays de la Loire et Aquitaine).
Sarah Tritz
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Née en 1980 à Fontenay-aux-Roses, Sarah Tritz vit et travaille entre Paris et Ivry-sur-Seine.
et confronte de multiples univers pour donner naissance à une nouvelle forme. « Copier, c’est faire sa propre histoire de l’art, ses propres agencements de formes, mais aussi dessiner un autoportrait en creux.
Diplômée de l’École Nationale Supérieure des BeauxArts de Lyon. Elle enseigne actuellement à l’ENSAD à Paris. Son travail fait régulièrement l’objet d’expositions personnelles, parmi les dernières : J’ai du chocolat dans le cœur s’est tenue en 2017 au FRAC Limousin et J’aime le rose pâle et les femmes ingrates au Credac d’Ivry-sur-Seine en 2019. Elle participe également à de nombres expositions collectives notamment à Bétonsalon à Paris en 2008, à la Fondation d’entreprise Ricard à Paris en 2015 ou encore au Palais de Tokyo en Ses2019.œuvres
Pour Mettre au monde, Sarah Tritz présente quatre pièces réalisées entre 2017 et 2022. Allo Savigno, une sculpture haute de 250 cm représentant une jeune femme vêtue d’une robe courte et de chaussures à talons. Dans une position dynamique, celle-ci pourrait prendre l’attitude d’une personne se baladant, en pleine conversation téléphonique. Dans son dos, un sac à dos en tissus bleu chatoyant, arborant un arc-en-ciel qui
« Je commence par mettre en confrontation deux formes précisément choisies, dont les origines et les identités sont éloignées (par exemple une peinture rupestre et un personnage de cartoon). Je les recopie avec plus ou moins de fidélité. La copie permet de les comprendre et d’introduire une dialectique. »
surface de gravures et peintures d’arc-en-ciel et de licornes réalisées par Sarah Tritz. À la manière d’un coffret à bijoux posé sur un socle bleu layette, cette œuvre laisse entrevoir plusieurs éléments, dessins, modelages en pâte à sel, jouets en carton. Chacun de ces éléments simulent de multiples “madeleines de Proust” chères à l’univers de l’enfance, herbier et dessins plastifiés, calculatrice en carton, pilulier en pâte à sel, pantin articulé en carton, bonhomme de pain d’épice en pâte à sel. Réalisés par Sarah Tritz, ces éléments simulent les trésors qui peuvent être accumulés secrètement à tout âge, autant qu’ils éveillent chez le regardeur un sentiment nostalgique face aux choses simples.
Cette sélection d’œuvres révèle un intérêt prononcé de l’artiste pour la notion de contenant et de contenu autant que pour la citation d’objets à double identité. Celle-ci implique un engagement de la part du regardeur
semble être customisé par une jeune main. Celui-ci contient un bouquet de fleurs et d’une baguette de pain qui contrastent par leur présence concrète avec le reste du personnage très stylisé, constitué d’un assemblage de formes réalisées en bois. À la manière d’un acteur de One-Man-Show, les personnages de Sarah Tritz occupent une place centrale pour nous donner à lire une histoire tantôt personnelle, tantôt fictive, mais toujours universelle ou tout au plus, collective.
Dorothy, s’inscrit dans la série des Theater Computer d’une série développée par l’artiste en 2019 pour l’exposition au Crédac d’Ivry sur Seine. Réalisée en papier et en carton, cette “forme” pour reprendre le vocabulaire de l’artiste - représente un écran d’ordinateur ainsi qu’un clavier réalisé avec le souci de l’économie de moyen qui contraste avec son socle usiné sur mesure dans un matériau noble. Particularité de cette œuvre, l’écran est réversible d’un côté un dessin abstrait qui pourrait être celui d’un enfant, de l’autre un personnage féminin et deux personnages masculins sexualisés, autour de la répétition d’une photographie d’un buste féminin.
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Le train rouge, associé à l’univers de l’enfance et au jeu, cette œuvre représente une locomotive ainsi que deux wagons réalisés en carton mis en couleurs. Évoquant l’émerveillement face aux technologies et en particulier l’attrait des enfants pour les véhicules, camions de pompier, avions, tracteurs... C’est aussi un symbole fort repris régulièrement dans la littérature, soit pour évoquer le voyage et le renouveau, soit pour évoquer la monstruosité inéluctable (Cf. Emile Zola, La Bête Humaine).
Jeanne-Sara (mood 2) est une œuvre réalisée en 2022. Cette “forme” se matérialise par un coffre en bois de merisier, réalisé sur mesure par un ébéniste. Cette boîte ouvrable sur la partie supérieure est rehaussée sur la
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Extrait de la série de Katharina Bosse, Portraits d’enfants, série photographique, 2014 - 2022, Inkjet30 x 40 cm ; Sarah Tritz, Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - 44 x 40 x 31 cm ; David B., L’homme dans le Labyrinthe, 2018, Encre de chine et feutre sur papier, 39 x 49 cm et Étoiles garde à vous !, 2018, Encre de chine et feutre sur papier, 39 x 49 cm
Pages précédentes par ordre d’apparition : Le train rouge, 2019, Carton et matériaux divers, dimensions variables ; Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - 44 x 40 x 31 cm
Ci-dessus : Jeanne-Sara (mood 2), 2022, Technique mixte30 x 20 x 10 cm
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dont la curiosité est attisée par un jeu de caché/dévoilé que l’on retrouve dans chacune des œuvres, les wagons du Train Rouge, le Sac à dos de Allo Savigno, la boite à jeux de Jeanne Sara et l’ordinateur de Dorothy.
du Haut Mal, une série de Bandes Dessinées autobiographiques constituées de six tomes réalisés entre 1993 et 2003, aborde le sujet de la
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Né à Nîmes en 1959, David B. (Pierre-François Beauchard) est un dessinateur et scénariste de Bandes Dessinées. Il vit et travaille entre Paris et Bologne (Italie) et son travail est représenté par la galerie Anne Barrault, AprèsParis.
maladie de son frère aîné, atteint de crise d’épilepsie, ainsi que les répercussions de cette maladie sur l’ambiance familiale. Largement récompensée au sein de la profession (Prix International de la Ville de Genève en 2003 pour le sixième volume et deux fois prix Töpffer en 2000 et en 2003, Prix Max et Moritz en 2008, Prix Urhunden du meilleur album étranger en 2016), cette œuvre est reconnue comme l’une des références de la Bande Dessinée moderne.
David B.
En 1990, il cofonde la maison d’édition indépendante l’Association, aux côtés six autres auteurs et prend alors la signature de David B. En 1992, il s’installe à l’Atelier Nawak avec Lewis Trondheim, Christophe Blain, Jean-Christophe Menu, Didier Tronchet suivi de Joann Sfar, et Fabrice Tarrin. La même année la parution du Cheval blême marque un tournant dans son parcours artistique et lui vaudra l’Alph’art du meilleur premier album au festival de Bande dessinée d’Angoulême en 1993. Cet album est l’une des parutions fondatrices de EnL’Association.1995,ilparticipe
des études en Arts Appliqués à l’École supérieure Duperré (Paris), il entame en 1985 une carrière dans le domaine de la Bande Dessinée avec Pas de samba pour capitaine Tonnerre. Ses scénarios et dessins sont alors publiés dans les revues : Okapi, (A SUIVRE), Tintin Reporter et Chic.
L’AscensionDessinée.
L’œuvre de David B. se caractérise par la dominance du noir et du blanc. Il présente un travail de dessins très contrastés réalisés pour la plupart à l’encre et au crayon. Issus de parents professeurs de dessin dont un père pratiquant la peinture, il regarde très tôt les livres d’art de la bibliothèque familiale, développant un goût prononcé pour l’iconographie des civilisations égyptiennes, aztèques et de Nouvelle-Calédonie. Touché par l’immédiateté des représentations figuratives, dépouillées de perspective, il leur emprunte la représentation stylisée des corps ainsi que certains motifs : créatures fantastiques (notamment le Quetzalcóatl, divinité du serpent à plumes issus de la
à la fondation de l’Atelier des Vosges avec la plupart des auteurs de l’Atelier Nawak ainsi que Frédéric Boilet, Emmanuel Guibert, Marjane Satrapi et Marc Boutavant. Cette mouvance d’auteurs est nommée dans les années 1990, la Nouvelle Bande
science-fiction. On y ressent l’influence des surréalistes dans la pratique du collage et de l’écriture automatique. Dans une démarche d’auteur engagé, David B. est désireux de s’affranchir des codes de la BD traditionnelle et s’engage dans la création de nouveaux récits collectifs à partir de son expérience individuelle tour à tour, fils, frère, artiste et père. L’évocation de son travail dans l’exposition Mettre au monde, montre ô combien les relations à la famille évolue en fonction de chaque artiste-parent et démontre qu’un artiste peut évoluer entre espace intime et espace universel, témoignant de son état de parent, sans pour autant chambouler l’ensemble de son univers artistique.
À l’ar[T]senal, David B. présente deux dessins à quatre mains réalisés en 2018 : Étoiles, garde à vous ! et L’homme dans le Labyrinthe. Ces deux œuvres ont été produites dans le cadre de l’exposition : Mon enfant peut en faire autant, qui s’est tenue à la galerie Anne Barrault la même année. Cette exposition proposait aux artistes de la galerie d’expérimenter la création à quatre mains, partant du constat que la naissance d’un enfant pouvait parfois entraîner une évolution dans la pratique des artistes, ceux-ci adoptant un nouveau point de vue sur la création à travers le regard de leur(s) enfant(s).
Page précédente : Étoiles garde à vous !, 2018, Encre de chine et feutre sur papier - 39 x 49 cm
Par-delà la citation littéraire, ces œuvres révèlent son goût à la fois pour la culture populaire et la
Son œuvre dessinée compte aujourd’hui une soixantaine d’œuvres. Le travail de David B. est reconnu en France et à l’étranger et il participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives, il a notamment exposé au Musée de l’Abbaye à Sainte-Croix, au Museum of American Illustration à New York, au Centre Culturel de Chicago et au FRAC Aquitaine.
À l’origine du dessin Étoiles, garde à vous ! - dont le titre est issu du roman de science-fiction de Robert A. Heinlein, - son fils Ulysse avait dessiné à l’aide de feutres colorés une fusée. David B. est intervenu ensuite en y ajoutant un cosmonaute évoluant dans un ciel étoilé. L’homme dans le Labyrinthe a été réalisé d’après le même processus créatif, empruntant cette fois son titre au roman Best Seller de Robert Silverberg dont le nom apparaît au centre du dessin.
Ci-dessus : L’homme dans le Labyrinthe, 2018, Encre de chine et feutre sur papier - 39 x 49 cm
mythologie aztèque), masques de Nouvelle-Guinée, etc. Motifs qu’il enrichit dans un vocabulaire de matières/ textures “non-nobles”, pierres, boue, poils et d’un style graphique très affirmé. Son univers parfois grave, mais toujours onirique mêle émotions personnelles, histoires collectives et mythes universels.
Sur la double page suivante, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Guillaume Pinard, La hantise du bonhomme bâton, 2021, Acrylique sur toile, 40x 40 cm et La rencontre du sage Crâne d’œuf aux confins de la Raccoon academy, 2020, Acrylique sur toile, 80x80 cm ; Katharina Bosse, Portraits d’enfants, extrait de la série photographique, 2014 - 2022, Inkjet, 30 x 40 cm ; Sarah Tritz, Allo Savigno, 2017, Bois, sac à dos, fleurs et baguette de pain, 259 x 116 x 43 cm et Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - dimensions variables.
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Auteur de nombreuses publications, l’œuvre plastique de Jochen Gerner fait également l’objet d’expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger. Il a notamment exposé au Musée des Beaux-Arts de Nancy, au Musée d’art et d’histoire de Bastia, au Musée d’Art Moderne du Luxembourg, au Centre Pompidou de Metz, au Musée d’Art Contemporain de Nîmes, au Lieu Commun à Toulouse, à l’Institut du Monde Arabe et à la Maison Rouge de Paris, au Musée d’Art Moderne de Moscou ainsi qu’au musée Berardo de Lisbonne. En 2009, il a reçu le prix de l’École Internationale de l’Image à Angoulême et en 2016, le prix Drawing Now au Carreau du Temple à Paris. En 2017, le Centre Pompidou lui passe commande de la série d’animation Voulez-vous un dessin ?, qui aborde l’histoire des mouvements artistiques du XXe siècle. En
Artiste, illustrateur et auteur de Bande dessinée, Jochen Gerner est né à Nancy en 1970 où il vit et travaille aujourd’hui. Il est diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy où il étudie de 1988 à 1993. En 1990, il est remarqué par les membres de la maison l’Association. En 1993, il rejoint l’Ouvroir de Bande dessinée potentielle (OuBaPo), collectif d’auteurs qui prône une pratique expérimentale de la Bande dessinée basée sur la définition de contraintes appliquées au processus de création. C’est en 2001 qu’il est sollicité par la nouvelle maison d’édition L’Ampoule pour la publication de TNT en Amérique, ouvrage majeur dans la pratique de l’artiste, c’est alors qu’il développe sa technique du recouvrement. Entre 1994 et 2004, l’artiste vit et travaille successivement à Paris, New-York puis Lille avant de revenir dans sa ville natale, Nancy. Il est représenté à Paris par la galerie Anne Barrault.
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Jochen Gerner
2018, il est invité par l’agence d’architectes Encore Heureux au pavillon français lors de la 16ème Biennale internationale d’architecture de Venise. Ses œuvres font partie des collections publiques et privées : du Musée National de Monaco, du Fonds municipal d’Art contemporain de la ville de Paris, de la collection Antoine de Galbert en 2009, du Musée d’Art Moderne du Luxembourg, du Fond National d’Art Contemporain. Artiste polymorphe, Jochen Gerner se définit avant tout comme un dessinateur. S’il intervient dans différents domaines d’expression plastique tels que : l’illustration, l’édition, les arts visuels, le commissariat d’exposition,
Les dessins Herbie Hancock et Le discours de l’angoisse sont quant à eux le résultat d’une série débutée un peu par hasard lorsque l’artiste met à la disposition de son fils Caspar - âgé alors de 6 ans - des journaux et du matériel pour dessiner. Ce dernier recopie et illustre des extraits de phrases tirées du journal libération. Des années plus tard, l’artiste sans doute conscient du potentiel créatif et de la force narrative du dessin d’enfant, applique sa technique du recouvrement aux dessins de son fils. Son attachement
présente deux dessins de la série Ikea, home réalisés entre 2008 et 2009 et deux dessins à quatre mains qu’il a produit en recouvrant un dessin réalisé une dizaine d’années auparavant par son fils Caspar.
Une grande partie de sa production est liée à la technique de recouvrement qu’il a développée pour l’édition TNT en Amérique, un ouvrage expérimental qui propose une lecture inédite de l’album d’Hergé, Tintin en Amérique. Cette méthode consiste à recouvrir à l’encre noire ou à l’acrylique blanche ou grise les pages d’ouvrages existants, ne conservant que - par le biais d’une technique de réserve - certains mots ou motifs pour en donner un sens nouveau. Sans intervention colorée de sa part, il révèle l’existant, trace les contours d’un motif sur un aplat de couleur imprimé. Ce protocole strict lui a permis de développer l’identité graphique qui lui est propre, à la frontière entre l’abstraction et la figuration.
Si sa pratique flirte avec le conceptualisme pour sa dimension intellectuelle à la lisière entre le texte et l’image, elle se nourrit de l’influence de ses prédécesseurs, expressionnistes abstraits et surréalistes - par l’emploi de l’écriture automatiquenotamment dans les éditions Branchages, Grande vitesse et dernièrement Atelier. Ici, il applique la technique du “All over”. Ainsi aux portes de son inconscient, par un système de “points d’intensité” le regardeur est parfois conduit dans sa découverte par l’artiste et parfois laissé libre de naviguer à travers son propre système de référence.
Dans le cadre de l’exposition Mettre au monde au Centre d’art contemporain l’arTsenal, Jochen Gerner
Les œuvres Working et Cook and Eat de la série Ikea home, sont constituées d’un assemblage de pages d’un catalogue Ikea sur lesquelles l’artiste a appliqué sa technique du recouvrement à la peinture acrylique blanche et grise. L’artiste a cherché ici à rendre compte des volumes des pièces dans lesquels les meubles étaient installés, plus foncés les meubles surgissent par endroit dans une succession de formes fantomatiques. Géométriques ou abstraits, la profusion d’aplats dans des tonalités grisonnantes n’est pas sans rappeler la peinture suprématiste. Préservant certains éléments des pages d’origine, Jochen Gerner fait ressortir les encarts jaunes et bleu de la composition ainsi que certains mots, provoquant un décalage comique entre un texte précis décrivant l’article et l’absence de représentation de l’objet assorti d’un prix. Avec humour, l’artiste questionne ici nos modes de consommation et l’architecture même du foyer, dans ses aberrations et ses incohérences notre “Home Sweet Home” se trouve vidé de toute individualité ou peut-être est-il à considérer plutôt comme un potentiel patrimoine universel, recomposable selon chaque famille ?
c’est bien le dessin qui reste le fil conducteur de ses différents projets. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est le potentiel créatif et narratif du rapport entre l’écrit et l’image. Il prend plaisir à détourner les codes de la représentation, en plaçant tout sur un même niveau de lecture : la typographie, le sens d’un mot - qu’il soit isolé ou au contraire associé à un autre - un pictogramme, ou un personnage.
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38 à l’univers graphique “naïf” de l’enfance et la valeur que revêtent ces créations aux yeux d’un père sont ainsi révélés. Jochen Gerner conserve précieusement les créations de ses trois enfants, réalisés à l’école, dans leur chambre, ou encore dans l’atelier de leur père. Il se refuse néanmoins à leur apprendre le dessin.
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Anaïs Albar, La maison, 2013, Broderie sur soie120 x 160 cm ; Guillaume Pinard, La hantise du bonhomme bâton, 2021, Acrylique sur toile, 40x 40 cm ; Katharina Bosse, Portraits d’enfants, extrait de la série photographique, 20142022, Inkjet, 30 x 40 cm ; Guillaume Pinard, La rencontre du sage Crâne d’œuf aux confins de la Raccoon academy, 2020, Acrylique sur toile, 80x80 cm ; Sarah Tritz, Allo Savigno, 2017, Bois, sac à dos, fleurs et baguette de pain, 259 x 116 x 43 cm et Dorothy (Theater computer), 2019, Carton, papier, crayon de couleur, corian - dimensions variables
Présenté ainsi à l’arTsenal, ces trois œuvres viennent communiquer que la démarche d’un artiste-parent peut être certaines fois modifiée par la présence de l’enfant dans sa vie, comme avoir sa propre écriture, éloignées des thématiques de l’enfance ou de la famille.
Pages précédentes par ordre d’apparition : Herbie Hancock, 2009 (Caspar), 2017, Crayons de couleur et encre de Chine37 x 30 cm
Ci-dessus : Working (Série Ikea, home), 2008 - 2009, Acrylique sur support imprimé (catalogue Ikea USA 2008)100 x 144 cm
Extrait du documentaire sur Guillaume Pinard réalisé par Jérôme Cassou, dans l’émission Télé matin, France 2 (Disponible sur Youtube)
En parallèle, l’artiste développe depuis longtemps une pratique de “copiste” qui frénétiquement, l’entraîne à dessiner des œuvres du passé en se les réappropriant souvent par un jeu d’échelle et de déformation des figures à travers des muraux monumentaux au fusain. Cette face de sa pratique longtemps cachée, vient peu
« L’humour dans l’art contemporain, c’est aussi facile que ça ? « Je ne sais pas si c’est facile… Ce n’est pas, en effet, le meilleur moyen d’avoir l’air sérieux ou intelligent. L’ironie ou l’humour, c’est une façon comme ça de se débarrasser des choses graves, des choses un peu pesantes. Pour moi l’espace de mon travail, c’est vraiment un espace de liberté, c’est-à-dire que toutes les contraintes que j’ai dans la vie courante s’évaporent et là je peux tout me permettre. » G.P
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Guillaume Pinard
Né à Nantes en 1971 où il vit et travaille, Guillaume Pinard a fait ses études à l’École Européenne Supérieure d’art de Bretagne à Rennes, où il enseigne depuis 2012. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles notamment : La Raccoon Academy à l’Artothèque de Caen en 2020 ; Où la ronce croissait, on a planté des roses à l’Artothèque de Pessac en 2017 ; Du Fennec au Sahara à la Chapelle du Genêteil à Château-Gonthier en 2015. Il a également participé à de nombreuses expositions collectives en France et à l’étranger, au FRAC Bretagne ; au Musée des Beaux-Arts de Rennes ; au Musée des Beaux-Arts de Brest ; au Musée International des Arts Modestes à Sète ; au Musée des Beaux-Arts d’Angers ; au FRAC Limousin ; au BBB : Centre d’art de Toulouse ; à la TEAM Gallery de New York ; ainsi qu’à l’Atlanta College of Art Gallery. Il est représenté par la galerie Anne Barrault à Paris.
Non dénué d’humour et de provocation dans la vie comme dans son œuvre, Guillaume Pinard se place comme un observateur averti de l’art et des artefacts culturels dont il scrute les occurrences et les significations cachées. La peinture et le dessin, la sculpture ainsi que l’animation vidéo sont ses médiums de prédilection. Ses peintures, multitudes de figures en petit format ou parfois monumentales, sont riches de références à l’histoire de l’art autant qu’à la culture populaire. Son univers artistique, est constitué d’une sémantique qui se réfère à une vision ironique de la société qu’il a lui-même constituée à travers ses pièces. Cherchant à réinterroger l’ordre établi, son univers cherche à repenser tout ce qui se conforme à la bienséance, à la bien-pensance.
Pinard s’inscrit constamment dans le monde fantastique qu’un enfant traverse chaque jour dans son imaginaire. Ici, l’artiste convoque toute l’amplitude de son champ lexical et de ses techniques picturales. À travers elle, il nous invite à rejoindre sa mythologie qui au premier regard nous semble commune tant les stimuli convoqués nous renvoient à d’autres images ; mais qui pourtant, est créée de toute pièce pour nous laisser évoluer dans un tout autre monde. Là encore, l’artiste se représente au centre de la composition comme le héros principal d’une bande dessinée, au bout de son voyage initiatique. Il s’impose là, revendiquant la liberté dans la création, l’imaginaire propre à l’enfance - manière de s’émanciper des conventions - et encore une fois, bousculant les règles de “la grande peinture”.
Le film d’animation Youki est le fruit d’une collaboration entre Guillaume Pinard et sa fille Sasha. Il présente de manière stylisée (à la manière d’un comics), l’histoire d’une licorne, tuée découpée puis cuite par un enfantchasseur. À la fois humoristique et cruelle, l’ensemble
À l’ar[T]senal, Guillaume Pinard présente deux acryliques sur toile ainsi qu’une vidéo. Ces œuvres illustrent la diversité des thématiques et des techniques convoqués par l’artiste ainsi que son intérêt pour l’univers de l’enfance. Son tableau, La hantise du bonhomme bâton convoque encore une fois dans l’exposition le dessin d’enfant en même temps qu’il révèle la difficulté pour les artistes de développer leur propre langage ou identité, au milieu d’une histoire de l’art déjà bien fournie. Tandis qu’il acquiert de la technique, l’artiste perd un peu de l’intuition et de l’audace propre à l’enfance, cet apprentissage conventionnel de la peinture remis en cause à travers cette œuvre nous évoque les considérations au cœur de la naissance de l’art brut. La présence de l’œuvre : La rencontre du sage Crâne d’œuf aux confins de la Raccoon academy, présente ô combien Guillaume
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à peu épouser les cimaises des Centres d’arts et musées des Beaux-Arts de France. C’est ainsi qu’en 2009, les murs de la galerie Iconoscope se voient investies par cette matière profonde et intense. Se sont ensuite enchaînées les expériences aux abattoirs de Toulouse en 2011, puis à la galerie Vera Gliem à Cologne, au MAMAC de Nice (autour de l’œuvre de Matisse), puis au Musée des Beaux-arts de Rennes et à l’institut des Beaux-arts de Besançon en 2013. Son choix de se réapproprier l’art de la fresque, inscrite dans l’histoire des peintures rupestres autant que dans les muraux narratifs égyptiens, ceux de la Grèce antique, de l’empire romain, du moyen-âge et de la renaissance. Le choix d’utiliser le fusain comme instrument de dessin à part entière inscrit également son travail dans la vaste histoire de l’utilisation de cette technique. En effet, de la Grèce antique à la renaissance, en passant par Rome et le Moyen-âge, le fusain servait à esquisser de vastes compositions murales à main levée, technique qui se verra renouvelée au XIXe siècle.
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Pages précédentes par ordre d’apparition : La hantise du bonhomme bâton, 2021, Acrylique sur toile - 40 x 40 cm et La rencontre du sage Crâne d’œuf aux confins de la Raccoon academy, 2020, Acrylique sur toile - 80 x 80 cm
Ces œuvres ont pour point commun : la recherche d’un équilibre entre technicité, pureté du trait essentiel affirmation d’une identité picturale et liberté de l’imagination au contact de l’enfance.
Ci-dessus : Youki, 2010, Vidéo - 1 minute et 48 secondes, ed 1/3
des éléments visuels ainsi que le scénario ont été réalisés par l’enfant. À la manière d’un chef opérateur, Guillaume Pinard a permis la mise en forme de ce projet en réalisant l’animation, parce qu’il percevait ici : “un langage et un imaginaire, une langue étrangère dont je reconnaissais la singularité et dont je voulais absolument saisir l’éclat avant qu’il ne se métamorphose”. En arrière-plan, en créant ce massacre de la licorne, cette œuvre propose de rompre avec une société (de consommation ?) qui entraîne les enfants à se fasciner pour les mêmes personnages fantastiques au profit d’un univers plus personnel. Après douze ans pendant lesquels cette vidéo est restée confidentielle, Mettre au monde est la première exposition à présenter cette œuvre.
Ci-contre : Anaïs Albar, La maison (détail), 2013, Broderie sur soie - 120 x 160 cm
Anaïs Albar
Initiée à la broderie par sa grand-mère maternelle, elle apprend à son contact la technique du point et une maxime de vie : rien ne se perd, tout se répare. Si elle pratique également le dessin et la sérigraphie, le fil revêt une capacité quasi-magique à relier des éléments entre eux qu’ils soient physiques ou allégoriques. C’est dans cette logique qu’Anaïs Albar se passionne très vite pour ce média et pour ses capacités réparatrices et narratives. Fortement influencée par les figures mythologiques de Pénélope ou d’Ariane, elle s’approprie ce savoir-faire traditionnellement féminin, à la fois objet de filiation et d’asservissement. Son œuvre revêt alors une démarche quasi-militante aux antipodes de la logique de production dictée par les modes de consommation actuels.
l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, de l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, puis de la School of Visual Arts de New York après avoir entrepris des études aux ateliers de Sèvres. Co-fondatrice de l’atelier d’architecture Quantic Studio elle en est la directrice artistique. Le travail d’Anaïs Albar a fait l’objet de plusieurs expositions collectives à Paris dont L’envers et l’endroit au 104 à Paris, Vestiges à l’Atelier Beau Travail ou encore Broderie d’Intérieur à la Galerie Arsenic. Elle a également exposé chez ABCD art brut à Montreuil à Venise et à Bourg-en-Bresse dans le cadre de l’exposition Les 7 démons.
En réaction à l’idée de cette aliénation de la femme par les travaux d’aiguille, Anaïs Albar choisis de porter un
propos autour de la sexualité féminine. Elle développe dans ses broderies un univers habité par le désir et la sensualité. En effet, son travail fait émerger un flot d’images sensuelles de couples enlacés, de végétation fertile suggestive et de figures féminines aux allures de divinité. Tantôt enfant, mère puis déesse, le motif du corps féminin et de la féminité semble se répéter d’une composition à une autre et révèle une démarche introspective, visant à proposer une multiplicité de féminités et de sexualités viables sans a priori ni jugement. La profusion des couleurs et des détails, la maîtrise et la délicatesse de la narration positionne son travail en dehors du temps et nous ouvre les portes d’un monde onirique quasi sacré.
Née en 1985, Anaïs Albar vit et travaille dans les
DiplôméeCévennes.de
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À l’ar[T]senal Anaïs Albar présente trois broderies réalisées entre 2013 et 2022 ainsi qu’une installation réalisée à quatre mains avec ses enfants en céramique et fleurs séchées.
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La maison, une broderie amorcée en 2013 et retravaillée pour l’exposition, représente un personnage féminin stylisé. À la manière du personnage Alice au pays des merveilles du Roman de Lewis Caroll, la jeune femme est beaucoup trop grande par rapport à la maison. Elle semble ainsi avoir un regard omniscient sur ce qui se passe dans chaque pièce. Des effluves d’eau émanent d’elle et s’écoulent dans toute la maison. Ce personnage malgré les larmes qui roulent sur ses joues semble être en symbiose avec tous les vivants, animaux, végétaux, minéraux, qui composent l’œuvre. Cette maison, c’est la maison fantasmée de son enfance, constituée d’objets issus de son décor domestique d’origine et d’autres, que de son imagination d’enfant sont venus enrichir. Cette œuvre comporte également de multiples références liées à la fertilité, au passage de l’enfance à l’âge adulte, avec les doutes et les choix de vie de cela comporte.
In utero est une œuvre récente achevée en 2022. Représentation d’une femme enceinte vue en coupe, cette œuvre peut faire référence à l’imagerie médicale où l’on aperçoit une vision interne du corps féminin. À l’extérieur de ce corps, neuf vagues brodéescorrespondent aux neuf mois de gestation - telles des vibrations de ce corps qui accueille la vie. Ici, le fœtus occupe le centre de la composition, il s’agit de la partie la plus colorée tandis que les canaux lactifères sont minutieusement brodés au fil blanc. Le personnage au yeux clos - sorte d’autoportrait de l’artiste - semble être à l’écoute du fœtus et de la vie qui prend corps dans son ventre qui devient alors le réceptacle de l’enfant.
L’accouchement, quant à elle, représente une femme coiffée d’une auréole dorée en train d’accoucher dans un bassin d’eau, représentant la sacralité de ce moment qui dans le même temps ou l’enfant vient au monde fait naître une mère. Il est à noter que cette œuvre a été réalisée par l’artiste avant même qu’elle ne fasse
Pages précédentes par ordre d’apparition : Sans-titre, 2021, Céramique et fleurs séchées - Dimensions variables ; La maison, 2013, Broderie sur soie - 120 x 160 cm ; In utero, 2021, Broderie, crayon et encre de chine sur tissus150 x 65 cm
À droite : Extrait de la série de Katharina Bosse, Portraits de l’artiste en jeune mère, 2008, C-Print, 56 x 46 cm vue de l’exposition Mettre au monde
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À travers ces œuvres, on perçoit à quel point la maternité est chez Anaïs Albar source d’inspiration jusqu’à épouser l’ensemble de son corpus d’œuvre depuis plusieurs années.
l’expérience de l’enfantement, ce qui montre sa fascination pour ce sujet.
De petites céramiques réalisées en 2021 en pleine période de confinement sont disséminées en deux endroits dans le hall de l’arTsenal. Entre l’herbier et la relique, ces petits objets incrustés de fleurs séchées ou de mots tendres représentent la douceur des moments de qualité que partage l’artiste avec ses enfants notamment lors de balades dans la nature.
Ci-contre : L’accouchement, 2020, Broderie et encre de chine sur tissus - 40 x 33 cm
Katharina Bosse
Née en 1968 à Turku en Finlande, Katharina Bosse est une artiste photographe. À ses cinq ans, ses parents et elle, emménagent dans un village près de Fribourg (en Allemagne), elle part ensuite à Essen pour ses études. Elle y effectue un stage en agence de presse, après quoi elle décide d’étudier la photographie et le cinéma à Bielefeld, puis s’engage dans sa propre pratique artistique lorsqu’elle part vivre à Cologne, puis à New York en 1997. C’est à cette période qu’elle créé sa série New Burlesque qui lui a permis d’exposer dans des institutions à l’international. En parallèle, elle réalise de nombreuses commandes pour la plupart des magazines américains et allemands, tels que : New Yorker, New York Times Magazine, Geo ou Der Spiegel. En 2003, elle revient en Allemagne pour enseigner la photographie à l’Université des Sciences Appliquées de Bielefeld et profite de ce contexte plus favorable pour accueillir et élever ses deux enfants.
du concours photo ZEIT pour jeunes journalistes en 1989, puis en 1992 le Panorama européen Kodak de la jeune photographie professionnelle, le prix Reinhart Wolf en 1993. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions collectives et personnelles en particulier en France, en Allemagne et aux États-Unis. Ses œuvres font partie des collections publiques en France : de la Maison Européenne de la Photographie, du Fonds National d’Art Contemporain et du FRAC Ile-de-France et à l’étranger : du Museum of Modern Art de New York, du Musée Ludwig (L. Fritz Gruber) à Köln, du Museum für Kunst und Gewerbe et de la Fondation F.C Gundlach
Pour son engagement artistique toujours au cœur des problématiques sociales contemporaines, elle a reçu en février 2022 le titre de City Artist NRW. Avant lui, elle a reçu de nombreux prix et bourses dont le deuxième prix
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Katharina Bosse développe dans sa pratique artistique autant que dans sa vie privée, un propos engagé en faveur des artistes émergeant et en particulier des femmes artistes. Elle a créé en 2019 l’espace d’exposition Elsa, en plein centre de Bielefeld, où elle présente six expositions par an. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, elle “marraine” et accompagne le dispositif Photo Friends in Ukraine qui accueille des familles ukrainiennes réfugiées au cœur d’un ancien studio de photographie de mode situé à Lviv dans l’ouest du pays.
À l’ar[T]senal, Katharina Bosse expose deux séries de photographies réalisées à partir de la naissance de son premier enfant et la grossesse du second.
d’Hambourg en Allemagne ; ainsi que du Canadian Center for Achitecture de Montréal.
qui semble à l’aise, épanoui, presque aguicheur, mais qui pourtant cache une réalité plus cruelle.
que Katharina Bosse, identifiables par l’instantanéité de la pose de ses sujets, baignés entre lumière solaire et zone d’ombre, pourrait s’apparenter à une esthétique documentaire, captée sur le vif. Paradoxalement, ses modèles tiennent la pose, fièrement et semblent avoir tout le temps, face caméra, quasiment en présence réelle, ils nous prennent à témoin autant qu’ils cherchent à engager une conversation. Le sentiment particulier d’intimité que provoquent ses photographies est donné par sa manière de pousser le modèle à adopter une pose, un regard, une expression pour favoriser la relation avec le futur regardeur et permettre à ce dernier d’entrer, dès le premier regard dans le décor au côté du modèle. Ce procédé engagé, vise à questionner le regardeur sur ses préjugés pour le confronter au cadre de vie du modèle,
La série Portrait of the artist as a young mother a été exposée en France pour la première fois à la Galerie Anne Barrault en 2009. Le titre de cette série photographique fait référence à la nouvelle de James Joyce : A Portrait of the artist as a young Man. À la naissance de ses enfants, l’artiste réalise que l’art occidental se désintéresse de la maternité. En réaction, elle se met en scène nue en pleine nature, incarnant l’allégorie de la fertilité et de la charité. Elle témoigne à travers ses autoportraits du changement identitaire que constitue pour une femme l’expérience de la grossesse.
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Le travail de Katharina Bosse s’articule autour des notions du vrai et du faux, de la réalité et de l’apparence et du passage à l’âge adulte. Fascinée par l’approfondissement de la recherche autour de thématiques définies, elle travaille par séries photographiques, s’attachant à déconstruire l’artificialité des images et les stéréotypes de la culture populaire américaine. Les photographies de l’artiste sont constituées la plupart du temps d’un personnage seul siégeant au centre de l’image, entouré d’un décor reconnaissable foisonnant de détails et d’un dernier plan qui répond toujours à une construction géométrique. Ses protagonistes incarnent l’ensemble d’une classe sociale, mis en tension par certains détails vestimentaires ou objets présents dans l’environnement. Ainsi, une narration s’installe et participe à la remise en question de nos idées reçues en vue de s’intéresser plus en profondeur à l’histoire du Lesmodèle.photographies
Ci-contre : Florence Obrecht & Axel Pahlavi, Peinture de genre, 2020, Huile sur toile - 130 x 160 cm, vue de l’exposition Mettre au monde
Son audace et sa persévérance lui valent aujourd’hui la reconnaissance de ces travaux comme constituants d’une évolution sociale sur le plan artistique et féministe.
Citant photo après photo, la louve (mère de Romulus et Rémus), la madone, Vénus, Tengu (l’esprit japonais de la montagne) ou encore Ophélie d’Hamlet... Elle convoque, au sein de ses photographies, l’iconographie de différentes cultures et périodes artistiques pour restituer la pluralité de ces changements qui accompagnent la maternité tout en rendant ce propos légitime au regard de l’histoire de l’art et plus largement de l’histoire universelle.
À partir de 2014, Katharina Bosse débute la série Portraits d’enfants, malgré la portée autobiographique de cette nouvelle série, l’artiste fait le choix de sortir du cadre de l’objectif pour laisser place à ses enfants devenus adolescents. En faisant ce choix, elle met de côté la relation à son corps de mère gestatrice, pour assumer pleinement son statut de mère éducatrice et d’artiste créatrice.
Ci-dessus : Portraits d’enfants (détail), série photographique, 2014 - 2022, Inkjet - 30 x 40 cm, vue de l’exposition Mettre au monde
Pages précédentes par ordre d’apparition : Portraits de l’artiste en jeune mère (détail), série de 7 photographies, 2008, C-Print - 56 x 46 cm, vue de l’exposition Mettre au monde ; Portraits d’enfants (détail), série photographique, 2014 - 2022, Inkjet - 30 x 40 cm
fait de cette injustice, un moteur de création sans pour autant se dédier exclusivement à cette thématique, souhaitant simplement l’aborder au même titre que d’autres séries comme Cinematic portraits, 2017 ou encore Thingstätten, 2021, qui abordent des thématiques sociales attachées à une géographie politique autre.
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Ces deux séries sont représentatives d’un tournant majeur dans la pratique de l’artiste. En faisant l’expérience de la maternité, elle a fait également l’objet de critiques de la part de certains acteurs du monde de l’art envers la parentalité des artistes. En réaction, elle a
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Florence Obrecht, Autoportrait, 2015, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Axel (mercredi-des-cendres), 2016, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Liselotte, 2017, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Siméon, 2015, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Patchwork 1 et Patchwork 2 (d’après deux dessins de Camilla-Thérèse), 2020, Feutrine, corde et fil - 21 x 29.7 cm (chacun)
Peinture de genre est une citation au Grand intérieur W.11 de Lucian Freud inspiré lui-même par le tableau Pierrot Content de Jean Antoine Watteau réalisée vers 1712. Il s’agit à l’origine d’une peinture de 35 x 31 cm, de style rococo et qui représente une fête galante en plein-air faisant écho à la peinture italienne de paysage du XVIIe siècle et à la commedia dell’arte. D’après ce tableau, Lucian Freud réalise une scène de genre dans une pièce délabrée ou une famille reconstituée comptant cinq jeunes individus profitent d’un moment de poésie mélancolique, serrés sur un canapé de fortune ou allongés sur le sol.
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L’œuvreMontpellier.
Florence Obrecht & Axel Pahlavi
Peindre une famille en 2020, qui plus est une famille d’artiste, témoigne d’un véritable engagement de la part de ce couple qui propose avec humilité et authenticité un exemple de vie et d’harmonie au sein du foyer familial. Une leçon d’équité laissant à l’homme comme à la femme, la possibilité de s’exprimer sur un même projet artistique, autant qu’une réconciliation possible entre l’histoire de l’art et la création contemporaine.
douceur et bienveillance au sein du foyer familial. Axel représenté dans son habit de peintre, porte une collerette autour du cou en référence à Watteau. Florence regarde d’un air complice le visiteur et arbore un costume folklorique. Quant à chacun des enfants, ils sont montrés dans les tenues de leur choix, Liselotte et Siméon en habits contemporains et Camilla-Thérèse en robe de fête. À l’arrière-plan à gauche, on devine un costume de clown. Malgré leurs traits légèrement accentués les personnages de cette scène ne sont pas grimés, comme ils le sont souvent dans les autres œuvres de Florence et d’Axel. Pour cette œuvre, les deux artistes ont mis en place un protocole de travail précis, intervenants l’un comme l’autre sur l’ensemble des motifs du tableau, l’intervention de chacun des artistes étant chronométrée afin qu’ils aient le même temps de travail et que les préférences de peinture et les touches de l’un ne prennent pas le dessus sur celles de l’autre.
Florence Obrecht et Axel Pahlavi se sont réappropriés ce tableau dans l’œuvre Peinture de genre, transposant leur propre famille et leur atelier au sein de la composition. Ici, les artistes dépouillent l’œuvre citée de son propos misérabiliste et invite le regardeur avec
Les deux artistes se sont rencontrés lorsqu’ils étaient étudiants à l’école Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris dans les années 1990. Mariés et parents de trois enfants, ils habitent à Berlin où ils travaillent dans le même atelier. Cette proximité, nourrie d’une profonde admiration pour leur travail respectif, les conduit depuis 2015 à travailler à quatre mains. Depuis un peu plus de quinze ans de cohabitation dans la vie et dans l’art, ils développent un propos axé autour de leur rapport à l’histoire de l’art, au couple, à la famille, convoquant à la fois, le sacré, le gothique, l’art brut, le kitsch et le grotesque. Développant une pratique de la peinture à quatre mains, les œuvres issues de cette collaboration artistique sont exposées à la galerie Samira Cambie à
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Née en 1976 à Metz, Florence Obrecht est une artiste plasticienne qui vit et travaille à Berlin. Son travail est représenté à Paris par la galerie Valérie Delaunay et à Nice par la galerie Lola Gassin.
Florence Obrecht convoque à travers ses œuvres les “grands sujets de la peinture» tels que le portrait, l’autoportrait et la scène de genre. Elle intègre à ses œuvres une profusion de références iconographiques empruntées à la culture populaire et au folklore autant qu’à l’iconographie religieuse. Dans son protocole de création, elle emploie dans un premier temps la photographie. Celle-ci lui permet de capter ce qu’elle nomme “des instants de grâce”, qui deviendront matières à créer. Au sein de ses compositions, on retrouve les membres de sa famille ainsi que ses proches. Autant de modèles qui, une fois mis en scène dans un décor, costumés et maquillés créent une ode au travestissement, très présent dans la vie et dans la peinture de Florence.
Diplômée de l’École Nationale Supérieure des BeauxArts de Paris en 2001, elle a obtenu de nombreux prix et bourses d’étude tout au long de son parcours. En 1997, une bourse ERASMUS lui permet d’étudier à l’école d’art Kunsthochschule Berlin-Weißensee puis en 1999, elle obtient la bourse Colin-Lefrancq pour l’Hunter College de New York. En 2000, elle reçoit le 1er prix de peinture de la fondation Coprim et l’année suivante la bourse bilatérale d’étude et de recherche EGIDE qui lui offre l’opportunité de partir étudier à l‘Académie des Beaux-Arts de Sofia en Bulgarie. En 2003, elle reçoit le Prix du comité de soutien de l’AIAP/UNESCO de Monaco.
Florence Obrecht bénéficie d’une visibilité en France et à l’étranger. Son travail fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives principalement, en France et en Allemagne. Parmi les dernières, l’exposition The circus, we are, qui se tient au musée Félicien Rops de Namur en Belgique regroupe 22 artistes du 19ème Siècle et 24 artistes contemporains autour de la représentation clownesque de l’artiste ; encore aujourd’hui en marge de la société selon son statut social, tantôt admirable, tantôt misérable, souvent ridiculisé et trop peu respecté.
Citant comme source d’inspiration les maîtres de la peinture classique et moderne dont Velasquez, Manet, Picasso, Matisse ou encore Bacon, autant que les arts
dits populaires : naïfs, bruts et singuliers ; elle développe une pratique picturale figurative laissant place à l’expérimentation et à l’intuition. Tissu, peinture, poterie, collage, installation, etc. son processus de création pluridisciplinaire se nourrit des mouvements, évolutions et dynamismes de sa progéniture et donne la part belle à l’émerveillement et au hasard.
Florence Obrecht
À l’ar[T]senal Florence Obrecht expose six petits formats réalisés entre 2015 et 2020. On y retrouve les thèmes chers à l’artiste tels que les portraits des membres de sa famille ; ses trois enfants, Camilla-Thérèse, Siméon et Liselotte, un portrait d’Axel Pahlavi et un autoportrait, grimée à la manière de Pierrot le clown. Ces tableaux sont en réalité destinés à être exposés dans son atelier. Elle explique que chaque fois que l’un de ces portraits est vendu elle en peint un nouveau, dans d’autres poses et d’autres vêtements, mais il faut que la famille reste toujours au complet.
L’exposition présente également quatre œuvres bidimensionnelles réalisées en 2020 lors du confinement, fruits d’une collaboration avec sa fille Camilla-Thérèse, ces travaux questionnent à la fois le lien créatif qui peut exister entre l’artiste/parent et son enfant, le savoir-faire technique de l’artiste et finalement la notion même d’art brut, en regard du contexte familial : Les Patchwork 1 et 2 ont été réalisés en feutrine par l’artiste d’après deux dessins de CamillaThérèse réalisés à la règle. L’Autoportrait (d’après Folklore) est quant à lui une interprétation dessinée par Camilla-Thérèse de la peinture Folklore que sa mère a peint d’elle en 2018 et qui a été réalisée à partir d’une photographie d’Axel Pahlavi, lors de la participation d’un atelier “costumes de tradition” en Italie.
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Cette sélection d’œuvres est représentative de l’importance des questions de filiation et de vie de famille dans la démarche artistique de Florence Obrecht. Autant de moteurs de création qui place son travail au cœur des enjeux de société actuels : Comment concilier vie professionnelle et vie de famille ? La parentalité, est-elle un frein à la carrière de l’artiste ? Florence Obrecht tente de répondre à ces doutes avec toute l’authenticité, la bienveillance et l’amour dont ses œuvres sont empreintes.
L’œuvre Rose-Marie (trois générations) est issue d’une série de “livres trouvés” sur lesquels est intervenue Florence Obrecht. Ici, elle a choisi d’intervenir sur la page d‘un nouveau chapitre intitulé : Zeittafel qui signifie Chronologie en allemand. Cette œuvre a la particularité de convoquer trois générations de femmes issues d’une même famille. Le portrait en noir et blanc de Rose-Marie Louise Chrétien, réalisé par Florence à partir d’une photo de sa grand-mère sur un fond aux motifs de roses choisi et réalisé par sa fille Camilla-Thérèse.
Le personnage du Pierrot, clown triste emprunté à la commedia dell’arte, motif récurent au sein des tableaux de Florence Obrecht, est loin d’être anecdotique. Cet emprunt souligne une prise de position forte vis-à-vis de la représentation sociale de l’artiste encore trop souvent associé à la vie de bohème. L’omniprésence des motifs issus du quotidien de l’artiste affirme, à la manière d’un manifeste, le témoignage d’un modèle familial viable et de l’équilibre possible au sein d’un couple d’artistes qui fait le choix de la parentalité.
Rose-Marie (trois générations), 2020, Encre et aquarelle sur livre trouvé - 20 x 25 cm
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Ci-dessus : Folklore, 2018, Huile sur Bois - 60 x 50 cm ; Autoportrait (d’après Folklore), dessin de Camilla-Thérèse, 2020, Aquarelle et crayon sur papier - 21 x 29.7 cm
Pages précédentes, vues d’exposition par ordre d’apparition et de gauche à droite : Autoportrait, 2015, Huile sur bois30 x 24 cm, Axel (mercredi-des-cendres), 2016, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Liselotte, 2017, Huile sur bois - 30 x 24 cm, Siméon, 2015, Huile sur bois - 30 x 24 cm
Ci-contre : Axel Pahlavi, L’œuvre muette, 2019 – 2020, Huile sur toile - 130 x 100 cm, vue de l’exposition Mettre au Monde
LeRoussev.travail
Axel Pahlavi
Étudiant à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles de 1994 à 1995, il intègre alors l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris au sein de l’atelier de Vladimir Veličković. En 1998 il obtient la bourse d’étude Colin Lefranc pour aller étudier à l’Hunter College of the City University of New-York, puis la bourse DAAD pour la Hochschule der Künste de Berlin. En 2001 il sort diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris avec les félicitations du jury à l’unanimité. Il intègre de 2001 à 2002 le parcours post-diplôme de l’Académie des Beaux-Arts de Sofia en Bulgarie au sein de l’atelier de Svetline
celles-ci, deux personnage récurrent, Axel lui-même ou Florence, sa femme, qui occupe souvent la composition à la manière d’une muse. Selon les moments ou les sujets de création, la touche de l’artiste évolue. D’un geste parfois nerveux, la figuration au sein de ses tableaux est éclatée dans une veine néoexpressionniste pour réinterpréter des sujets de société ou d’histoire de l’art. Puis sa touche s’adoucit lorsqu’il s’agit de peindre des scènes religieuses ou des scènes de genre intimistes. L’artiste joue avec les codes de la représentation, le flou et le net, la perspective, la lumière. Il donne à voir des compositions complexes avec toujours beaucoup d’authenticité et un certain humour. Fasciné par le Christ, il fait de l’incarnation un thème majeur de sa peinture. Certains motifs religieux se retrouvent - sans pour autant être le sujet premier au sein de la composition et d’autres fois, il fait le choix de les peindre, puis de les recouvrir de peinture pour n’être révélés que par l’emploi d’un scanner aux
L’œuvre muette, une huile sur toile de 130 x 100 cm, réalisée entre 2019 et 2020, représente Florence, assise sur un fauteuil ancien dans un décor constitué d’éléments iconographiques significatifs. La femme nous regarde de face, elle est vêtue d’une robe aux broderies d’inspiration folklorique qui, accentuée par le choix de sa coiffure et de son éventail, contrastent avec le choix de ses bottines. Un mouvement étonnant provoqué par l’angle de la chaise donne au corps du modèle, une torsion remarquable. La perspective quant
Dansrayons X.lecadre
Il travaille à l’aide de peinture à l’huile, d’acrylique et d’aérographe. Ses références artistiques trouvent leurs racines tant dans la peinture dite classique, le gothique, l’expressionnisme allemand et la culture populaire. L’amour, le morbide et le sacré se rencontrent au sein de ses peintures souvent en grands formats. Parmi
d’Axel Pahlavi fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives, en France et à l’étranger. Ses peintures font partie de nombreuses collections privées et publiques. Parmi lesquelles on peut citer : la Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence, la Fondation Salomon, Annecy, la collection Jerry Speyer, New York, la collection du Frissiras museum, Athènes et de la Bibliothèque Nationale de France.
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de l’exposition Mettre au monde, Axel Pahlavi présente deux grands formats.
Né à Téhéran (Iran) en 1975, Axel Pahlavi vit et travaille à Berlin. Son travail est représenté notamment par les galeries Isabelle Gounod à Paris et Lola Gassin à Nice.
moment où Axel peint cette toile, ainsi que les sculptures de leur ami artiste Franz J. Hugo. Autant de détails choisis selon les souhaits de Florence, habits, détails, citation d’artistes, etc. Ils nous indiquent que la scène se situe dans l’intimité des artistes au sein de l’atelier qu’ils partagent et témoignent de l’importance du contexte familial dans la création de l’artiste. Cette toile a été peinte par Axel à la demande de Florence, qui se montre ici pour la première fois en tant que peintre tout autant que comme modèle.
59 à elle, est troublée par un jeu d’alternance de détails, de repentirs et de parties esquissées. La composition de cette peinture fait référence à un portrait d’Olga Khokhlova réalisé par Pablo Picasso en 1917. Ici, une multitude de figures attirent l’attention comme l’autoportrait de l’artiste accroché au mur juste au-dessus de sa femme. Ce même autoportrait est surplombé par le dessin d’une croix réalisée par son fils Siméon, d’un dessin d’enfant, qui semble être un autoportrait de sa fille Camilla-Thérèse, d’un tableau de Florence Notre-Dame des sept douleurs, (portrait de Klo Pelgag), en cours de réalisation dans l’atelier au
Car je suis malade d’amour est une toile plus ancienne réalisée en 2013, il s’agit d’un grand format qui présente une femme enceinte, partiellement nue allongée sur le dos dans un lit. C’est encore Florence qui est représentée. Le titre de ce tableau est extrait de La Bible verset 2.5 du Cantique des Cantiques. Dans une atmosphère bleu-vert énigmatique, on comprend que la scène se tient dans l’intimité de la chambre du couple. Aucun élément n’est masqué, chacun a accès à l’envers du décor. Le linge reste jeté sur une chaise à l’arrière-plan, la commode arbore un brouillon d’images religieuses installées aléatoirement. Les lampes braquées vers le modèle et donc vers le regardeur viennent perturber la composition et transmettre la réalité d’un instant présent, comme à l’atelier. Malgré une attention particulière apportée aux détails, les traits de pinceaux sont marqués en particulier en bas de la composition où le lit devient une succession de nervures de couleurs dégoulinantes. Tout suggère une scène captée sur le vif dans un moment d’abandon du modèle. On assiste ici à la démonstration de l’amour proche de la fascination que l’artiste entretien pour sa femme. Ce moment précis, semble touché par la grâce dans l’intimité de la chambre à coucher et communique qu’au-delà du mal-être et de l’inconfort provoqué par la grossesse, l’artiste voit en son modèle, un sujet empreint de sublime et de tendresse.
Cette œuvre marque également une étape particulière franchie par la création contemporaine par-delà l’histoire de l’art. En effet, le sujet de la grossesse, à l’origine invisible, car sujet trop délicat pour être représenté n’était pas pratiqué car pouvant marquer à jamais l’image d’une grossesse qui pourrait mal se terminer. Avec Axel, ce sujet trouve ici une place particulière, qui plus est dans un format permettant de découvrir le corps à échelle 1 et donnant l’impression d’une femme en présence réelle face au visiteur.
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Ci-contre : Marlène Mocquet, Corrélation, 2015, Technique mixte - 162 x 130 cm, vue de l’exposition Mettre au Monde
Page précédente : Axel Pahlavi, Car je suis malade d’amour, 2013, Huile sur toile, 165 x 220 cm
comme une manière salvatrice d’extérioriser ses émotions Marlène Mocquet dessine depuis l’âge de quinze ans. Elle a suivi des cours d’arts appliqués option tapisserie contemporaine avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris où elle a obtenu son diplôme avec les félicitations du jury en 2006. Alors qu’en 2004, elle participait déjà au Salon de Montrouge. En 2007, elle reçoit le Prix de l’Académie des Prix Beaux-Arts et en 2008, les Prix Pierre Cardin et Alphonse Cellier. De 2013 à 2015, elle bénéficie de deux résidences à la Cité de la Céramique, Sèvres.
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Marlène Mocquet bénéficie d’une reconnaissance et d’une visibilité en France et à l’international. Elle a notamment exposé au Musée d’Art Contemporain de
Lyon en 2009, à la Maison des arts de Malakoff en 2013 et à la Maison Rouge en 2015, puis à l’occasion d’une monographie en 2017 : au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris puis pour n’en citer qu’une, l’exposition Graviter en 2016 à l’Armory show de New-York. Son travail fait notamment partie des collections du Musée d’art contemporain de Lyon, de la Fondation Galerie Lafayette à Paris, du Fonds National d’Art Contemporain, de la Collection François Pinault, de la Manufacture Royale de Sèvres.
Son processus de création se constitue comme une recette de cuisine en laboratoire. Au début, l’artiste réalise des tâches colorées sur un support, par l’acte de plonger la matière (toile, papier, etc.) dans une émulsion douteuse constituée d’un corps gras et d’un corps maigre non miscibles. Lorsqu’elle utilise le support aluminium, elle emprunte la technique du Dripping (Cf Jackson Pollock). Ensuite, à la manière du test de Rorschach elle révèle par le dessin, la peinture ou l’usage d’autres matériaux, des zones de l’œuvre qui
Reconnue pour son univers à part entière, ses peintures et ses céramiques, Marlène Mocquet entretient un monde foisonnant à la lisière du surréalisme. À travers ses toiles, elle convoque les notions du hasard et de l’inconscient. Ses œuvres revêtent également une dimension introspective multipliant et dissimulant ses autoportraits dans la composition, ses autoportraits se résument à deux gros yeux écarquillés une paire de pommettes saillantes et un petit nez, souvent constitué de matière, en surplomb de l’œuvre, suggérant une figure qui s’extirperai du support.
Née en 1979 à Maisons-Alfort, Marlène Mocquet vit et travaille à EnvisageantParis.lacréation
Marlène Mocquet
par les objets et les images qu’elle emploie ne manque pas se réapproprier des références à l’histoire de l’art et à la culture populaire. Ainsi, l’œuf, lorsqu’il est représenté avec sa coquille suggère la vie et la fécondité, tandis qu’éclaté en “œuf au plat” il représente la mort. Constituée d’un bestiaire particulièrement dense : oiseaux, chats, cerfs, serpents, tortues, etc. son iconographie et sa sémantique nous entraîne dans un univers fantastique, mythologique et Dansfabuleux.lecadre
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Selon son propos et son inspiration, l’artiste n’hésite pas à mélanger les matières et les techniques, l’expérimentation occupe une place primordiale dans son travail et permet la rencontre entre l’aérosol, la glycéro, les paillettes, la résine, l’émail, la peinture à
lui évoquent une image, un élément connu. Enfin révélés, ces figures et motifs forment un tout où une narration se construit peu à peu sur l’espace de l’œuvre. Ce protocole lui permet par une superposition de couches, de passer de l’abstraction à la figuration, mais également de donner vie à plusieurs degrés de lecture pour ainsi former un propos qui se déroulera selon le cheminement de pensée du regardeur.
l’huile et l’inclusion d’éléments organiques ou d’objets du quotidien. Par endroit, la matière est à tel point dense, qu’elle revêt une forme hybride à la limite du tableau et du bas-relief. L’emploi du volume dans son travail lui permet de répondre à une frustration qu’elle éprouvait face à l’impossibilité de développer un personnage dans son intégralité sur un objet bidimensionnel trop conditionné et dont elle cherchait à se Marlènelibérer.Mocquet,
de l’exposition Mettre au monde, Marlène Mocquet présente quatre peintures réalisées entre 2015 et 2021.
Corrélation est une toile de grand format, réalisée en 2015. Presque un récapitulatif de l’ensemble des vocabulaires entrepris par Marlène Mocquet, cette peinture tendue en “tondo” présente sur l’ensemble de la composition tantôt abstraite, tantôt figurative, une multitude de formes ovoïdes blanches sur l’ensemble de la surface. Puis, entre les accidents de couleurs et de paillettes dorées, une forme blanche s’insinue au centre de l’œuvre. Cette silhouette, d’où se dégage des yeux, puis une bouche, puis un nez est un autoportrait d’elle en avatar façon Marlène Mocquet.
Pages précédentes par ordre d’apparitions : Je suis ce que je suis, 2018, Grés émaillé - 47 x 30 x 10 cm et vue de l’exposition Mettre au monde avec par ordre d’apparition de gauche à droite Corrélation, 2015, Technique mixte - 162 x 130 cm, Fratrie aux pommes d’amour et fatales, 2021, Technique mixte sur aluminium - 60 x 80 cm
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Je suis ce que je suis est un tableau de 2018 en grés émaillé. Il s’agit d’une œuvre en relief qui représente le visage d’un bambin surgissant de derrière un rideau. Tandis que le titre fait référence à l’Ancien testament, lorsque Dieu annonce à Moïse qu’il sera son messager ; l’iconographie des éléments en volume, les deux colombes, la chouette et le cerf convoquent tour à tour l’amour, la dimension cyclique de la vie et la figure parentale protectrice. Cette œuvre, nous parle de l’arrivée surprise de l’enfant qui s’accompagne de son lot de bonheur, de doutes, de légèreté, mais également de responsabilités.
La délivrance et Fratrie aux pommes d’amour et fatales, sont deux œuvres réalisées par l’artiste au moment du confinement de 2021, en préparation de l’exposition De l’autre côté de la scène, qui s’est tenue à l’Espace Julio Gonzales d’Arcueil. Réalisées sur des plaques d’aluminium pour répondre aux contraintes scénographiques définies par l’artiste pour cette exposition, ces œuvres bidimensionnelles surprennent dans le corpus habituel de l’artiste. Composée de signes récurrents, comme les fruits, les formes abstraites et les silhouettes blanches, ces œuvres flirtent avec une imagerie populaire surprenante dans son travail. En plus de citer des œuvres en abîme par le procédé du transfert de photographies, technique inhabituelle chez Marlène Mocquet, l’omniprésence des Barbapapa questionne... Pourtant, en plus de manifester un contexte de production à l’instant T, où l’atelier de l’artiste est jonché des livres de son fils, ces personnages viennent manifester dans une naïveté apparente, la dureté d’un milieu qui cherche à s’éloigner des réalités de la vie d’un artiste-parent travaillant au côté de sa progéniture qui tente de patienter pendant que son parent travaille.
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Fabien Mérelle, La guérite, 2017, Encre et Aquarelle sur papier - 30 x 42 cm et Papa sous l’orage et la pluie (dessin de Laura et Fabien), 2015, Encre, aquarelle et crayon sur Papier31.5 x 46 cm
Fabien Mérelle
Né en 1981 à Fontenay-aux-Roses, Fabien Mérelle vit et travaille à Tours. Formé à l’École préparatoire des Ateliers de Sèvres, puis à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris au sein de l’atelier de Jean-Michel Alberola, il obtient en 2005 une bourse d’études pour aller étudier à l’Academy of Fine Arts de Xi’an en Chine et obtient son DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique) l’année suivante. Entre 2009 et 2010, il est sélectionné pour participer à la résidence de la Casa de Vélasquez en Espagne. Il a reçu plusieurs prix de dessins dont le Prix de David-Weill en 2003, le Prix Diamond en 2006, le Prix Keskar de la Fondation de France l’année suivante, le Prix Canson en 2010, le Prix Sanofi en 2014. Il est représenté par les galeries Wilde à Genève, Keteleer à Anvers, Soskine à New-York et Malingue à Hong Kong, Hadrien de Montferrand à Londres et SonPékin.travail
Attaché au figuratif et au réalisme, Fabien Mérelle pratique le dessin à l’encre noire et à l’aquarelle sur papier. Il rend hommage aux maîtres de la renaissance par la minutie dont il fait preuve dans ses œuvres et la précision anatomique de ses dessins, la plupart du temps des scènes réalisées à la loupe pendant de longues heures de travail. Comme en témoigne sa manière de s’arrêter de respirer pour produire un trait minutieux, c’est l’ensemble de son corps qu’il implique dans son processus artistique, au service de l’œil et de la main.
fait partie de la collection de Daniel et Florence Guerlain à Paris. Il bénéficie d’une visibilité en France et à l’étranger. Parmi ses dernières expositions personnelles, Abri, pierre, bois, encre, papier s’est tenue en 2019 au CCCOD de Tours. Ses œuvres ont également été présentées à la Kunsthalle Tübingen en Allemagne, au Centre d’Art Contemporain Les Tanneries d’Amilly, à la Collection Mesdag aux Pays-Bas), au Mu.ZEE de Belgique, au Drawing Center de New York et au Centre Pompidou à FascinéParis.
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par le potentiel narratif du dessin depuis son plus jeune âge, Fabien Mérelle débute sa pratique alors que ce médium n’est pas encore considéré comme une finalité en soit en regard de la peinture, du volume ou de la photographie.
Papa sous l’orage et la pluie est un dessin à quatre mains, réalisé par l’artiste et sa fille Laura. Il explique qu’un jour, elle est revenue de l’école avec un dessin représentant un personnage sous des nuages et de la pluie. Questionnée par son père, la petite fille a expliqué que le personnage, c’était lui. Plus tard, il lui a demandé de dessiner l’orage et la pluie sur l’un de ses autoportraits. Un jeu d’allers-retours s’initie alors entre le parent-artiste et l’enfant,
Autant intime qu’universelle, une partie de ses compositions sont inspirées de ses errances au bord de la Loire. Arpenteur toujours équipé de son appareil photo, Fabien Mérelle se met en scène dans le paysage à l’aide du retardateur. De ses photographies, il ne garde en dessin qu’une partie des éléments minéraux ou végétaux flottants dans une surface blanche où souvent, il se représente en pyjama pour la faculté de ce vêtement à nous faire entrer dans la sphère privée et personnelle. À travers ses œuvres Fabien Mérelle prend à témoin le regardeur, conjuguant humour, scène de vie, bestiaire animalier et onirisme. Ses compositions, légères au premier abord, mais ouvrant à des réflexions foisonnantes portent en elles une réflexion autour de sujets plus “graves”, au cœur des enjeux contemporains : Qu’est-ce que partager sa vie avec quelqu’un d’autre ? Qu’est-ce qu’être père ? Qu’est-ce que la solitude, la vieillesse ou la pauvreté ?
Réalisé en 2011, Aimant représente l’artiste accroché au ventre de sa femme enceinte. Elle géante, relève son T-shirt pour laisser apparaître son ventre et se penche avec bienveillance pour regarder son conjoint. Dans Refuge, l’artiste s’abrite sous une couette avec sa petite fille. Dans ce motif récurent chez Fabien Mérelle, il témoigne de l’univers de l’enfance, où le protagoniste cherche à
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construire et se lover dans un petit espace-cabane, en quête d’un havre de paix. Dans La guérite, on retrouve l’iconographie de la cabane et le champ lexical du jeu. Perchés en haut d’un mirador, deux enfants de part et d’autre d’un homme pointant un fusil factice, arborent des visages grimaçants, cherchant à provoquer un sujet hors cadre, comme pour mimer une scène de chasse, de traque ou de guerre. Cette œuvre manifeste ô combien un sujet grave peut vite être détourné par l’imaginaire d’un enfant qui réussit toujours à vivre l’instant comme dans un jeu.
En parrallèle de ses dessins, l’artiste développe un travail de sculptures monumentales hyperréalistes dans lesquelles il met son corps en scène, en tension le plus souvent avec, comme pour le dessin, un élément végétal, animal ou architectural. Conçues à l’occasion d’expositions dans l’espace public, ces œuvres questionnent les lois de la physique et la possibilité pour l’homme d’entrer ou non en symbiose avec son environnement et les êtres qui le
Fabien Mérelle présente quatre dessins réalisés entre 2014 et 2017.
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Ci-dessus : Refuge, 2014, Encre et Aquarelle sur papier42 x 30 cm
une expérience du dessin à quatre mains, chère à Fabien Mérelle qui dès les Beaux-Arts, entretenait déjà une relation de relecture de ses propres dessins d’enfant.
Profondément marquées par une recherche introspective autour de la relation de la parentalité, les œuvres de Fabien Mérelle racontent la condition d’un homme aimé, aimant et père de famille avec son lot de joies, de jeux et de questionnements. Il évoque ici la place importante que son contexte familial et son rôle de père occupent dans sa démarche artistique et nous donne à voir une image peu commune dans notre société : la représentation d’une paternité positive.
Page précédente : Aimant, 2011, Encre et Aquarelle sur papier - 28.2 x 21 cm
Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, de gauche à droite : Prune Nourry, Milk Pool, 2009, béton - 128 x 86 x 54 cm et Standing Holy Daughter, 2010, bronze, yeux en verre170 cm x 70 cm x 50 cm
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le démographe Christophe Guilmoto estime une perte de 163 millions de filles à cause d’avortements sélectifs consécutifs à l’annonce du genre féminin au moment de l’échographie, Prune Nourry se saisit de ce sujet particulièrement brûlant en Chine et en Inde. En réponse, elle réalise une armée de femmes en terre cuite, intitulée Terracotta Daughters (cf. les guerriers en terre cuite de Xi’an) ; elle réalise huit sculptures de petites filles, associés en 108 combinaisons uniques par des artisans copistes de Xi’an. Travaillant in-situ à partir des matériaux présents, il n’est pas rare que l’artiste collabore avec les artisans de la région lors de la réalisation de ses œuvres monumentales en vue de soutenir la création locale. Les Terracotta Daughters ont été exposées à Shanghai, Paris, Zurich, New York et Mexico entre 2013 et 2015, avant de retourner en Chine pour être enfouie dans un lieu secret jusqu’en 2030.
Par des effets de dualité : maladie et guérison, féminin et masculin, organique et minéral, érotisme et engendrement, art et maternité, Prune Nourry développe un langage universel, qui parfois ne manque pas de contenu autobiographique. Suite à un cancer du sein, l’artiste réalise Serendipity en 2018 - un documentaire relatant son combat et ses projets - et réalise en 2019 une série d’œuvres qui traite de la maladie et de la guérison, intitulée Catharsis.
Née en 1985 à Paris, Prune Nourry vit et travaille entre New York et Paris.
Après une formation en sculpture sur bois à l’École Boulle à Paris, au contact de Patrick Blanchard et de Yorane Lebovici, elle obtient son diplôme en 2006 avec les félicitations du jury et décroche le Prix AEEB. Depuis 2010, elle bénéficie d’un atelier au sein du centre d’art The Invisible Dog situé à Brooklyn, New York. En 2013, elle est invitée à la Biennale de Venise, pour la première présentation de son projet Genesis, une performance filmée issue d’un partenariat avec des danseurs professionnels. À travers cette œuvre, elle parle du processus de création et de la mise en mouvement de la sculpture. En 2018, elle est nommée à l’ordre de Commandeur des Arts et des Lettres du ministère de la Culture. Prune Nourry bénéficie d’une visibilité importante en France et à l’étranger. Elle est représentée par la galerie Templon à Paris, Bruxelles et New York, ainsi que par Simon Studer Art en Suisse.
Prune Nourry
académique qui s’adresse quant à lui, à un auditoire plus Ainsi,restreint.lorsque
Si son œuvre est principalement sculpturale, Prune Nourry a souvent recours à l’installation, la performance, la photographie ou encore la vidéo, afin de servir son propos ou de documenter son travail. Elle questionne les possibles dérives que les techniques de médecine contemporaine peuvent entraîner sur la génération d’humains à venir. À mi-chemin entre le vocabulaire scientifique et artistique, sa pratique est enrichie de ses rencontres avec des spécialistes : psychanalystes, généticiens, anthropologues ou chercheurs. D’après leurs travaux de recherches, elle effectue une transposition sculpturale engagée, envisageant l’art comme vecteur de transmission et d’enseignement populaire en complément du discours
Dans le cadre de l’exposition Mettre au monde, Prune Nourry présente trois sculptures produites entre 2009 et 2010.
En septembre 2010, Prune Nourry positionne plusieurs sculptures dans les rues de New Delhi et documente les réactions des habitants bien conscients des dérives occasionnées. Les hommes interviewés livrent autant leur peur de ne pas trouver d’épouse dans ce contexte, que leur regret de ne pouvoir garder leur fille au regard des conditions de vie accordée aux individus de ce
C’estsexe.
toujours dans le cadre de cette série des Holy Daughters que l’artiste a également créé l’œuvre Milk Pool, une sculpture en béton de 170 cm présentée à la verticale. Comme émergeant d’un bain de lait, seuls quelques éléments du corps émergent de la surface blanche du mur : le visage, les seins, le ventre rond
Squatting Holy Daughter et Standing Holy Daughter sont issues de la série Holy Daughters, réalisées en 2010. Issue d’une recherche de plusieurs années en Asie, elle porte ici une réflexion sur le déséquilibre des sexes et le détournement des technologies médicales à des fins de maîtrise du processus d’enfantement. Ce projet précède son travail en Chine qui a donné lieu aux Terracotta Daughters évoqué plus haut. Ces créatures hybrides en bronze, associent la représentation de la vache, animal sacré et symbole de fertilité, avec celle de la jeune fille, également vouée à porter la vie, pourtant moins désirée par la société. Dans l’espace d’exposition, ces deux figures aux attributs féminins naissants, attendent le regard vers le ciel. En effet, la sélection du sexe de l’enfant provoque un déséquilibre des naissances garçon/fille qui entraîne de graves conséquences sur la condition des filles et des femmes dans la société indienne : corruption, commerce d’êtres humains, enlèvement, prostitution, polyandrie forcée.
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Page précédente : Milk Pool, 2009, béton et projection, 128 x 86 x 54 cm
72 d’une femme enceinte, les cuisses et le coude gauche. Très épurée, cette œuvre suggère le calme et la sérénité d’une femme qui porte la vie. Comme pour Squatting et Standing, le titre évoque la dimension féconde et nourricière de la femme. Deux versions de cette œuvre existent, l’une avec projection d’une échographie sur le bas-ventre et l’autre sans. Lorsqu’elle est présentée, cette échographie convoque le registre médical dans sa beauté comme dans ses dérives et laisse transparaître les questions relatives à la procréation assistée. Mettre au monde présente l’œuvre sans la projection en regard d’une œuvre de Lidia Kostanek qui aborde elle la question des métamorphoses du corps liées à la grossesse.
Ci-contre : Squatting Holy Daughter, 2010, bronze, yeux en verre, 120 x 70 cm
Tandis que l’iconographie de la fille fébrile dans l’attente, convoquait la responsabilité des adultes, détenteur du droit de vie ou de mort, mais aussi possibles agresseurs, Milk Pool présente quant à elle une féminité forte, qui assume l’entièreté de son potentiel créatif, à la fois baignée dans l’héritage de toutes celles qui l’ont précédées et détentrices ellemême de ce pouvoir de création, de transmission.
Fabien Mérelle : p.63 ; p.64 ; p.65 ; p.66
Courtesy de l’artiste - Crédits photo de l’artiste et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
Courtesy de l’artiste et de la galerie In Arte Veritas Crédits photo du Centre d’art contemporain l’arTsenal
Collection privée
Anaïs Albar : p.1 ; p.15 ; p.21 ; p.41 ; p.42 ; p.43 ; p.44
David.B : p.29 ; p.30 ; p.31
Collection privée (Squatting Hokly Daughter)
Katharina Bosse : p.45 ; p.46 ; p.47 ; p.48
Sasha et Guillaume Pinard : p.40
Courtesy de l’artiste - Crédits photo et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
Courtesy de l’artiste - Crédits photo de l’artiste (p.54) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
Courtesy de l’artiste - Crédits photo de l’artiste et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo + p.65)
Françoise Pétrovitch : p.13 ; p.14 ; p.15 ; p.16 ; p.17
Courtesy et crédits photo de l’artiste et de la galerie Anne Barrault
Courtesy de l’artiste et de la galerie Anne Barrault - Crédits photo du Centre d’art contemporain l’arTsenal
Collection Frac Île-de-France (Dorothy)
Courtesy de l’artiste et de la galerie semiose - Crédits photo A. Mole (p. 14) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (p.14 ; p.15 ; p.16 ; p.19)
Collection privée, Montpellier
Guillaume Pinard : p.37 ; p.38 ; p.39 ; p.40
Sarah Tritz : p.25 ; p.26 ; p.27 ; p.28 ; p.29 ; p.30 ; p.32-33
Courtesy des artistes et de la galerie Samira Cambie - Crédits photo du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
Courtesy de l’artiste - Crédits photo du Centre d’art contemporain l’arTsenal
Marlène Mocquet : p.59 ; p.60 ; p.61 ; p.62
Courtesy de l’artiste et de la galerie Anne BarraultCrédits photo de l’artiste (p.46 ; p.47) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vues d’expo p.45 ; p.48)
Courtesy de l’artiste - Crédits photo André Morin (p.26), Frac Île-de-France (P.27), Aurélien Mole (p.28) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
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Courtesy de l’artiste - Crédits photo Thibault Hazelzet (p.60), Rebecca Fanuele (p.61) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo p.59 et p.62)
Prune Nourry : p.67 ; p.69 ; p.70
Florence Obrecht & Axel Pahlavi : p.49
Fiammetta Horvat : p.21 ; p.22 ; p.23 ; p.24
Courtesy de l’artistes - Crédits photo de l’artiste et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo)
Florence Obrecht : p.51 ; p.52 ; p.53 ; p.54
Charlotte Salvaneix : p.9 ; p.10 ; p.13 ; p.17 ; p.18 ; p.19 ; p.20
Courtesy de l’artiste et de la galerie Mariska HammoudiCrédits photo de l’artiste (p.18 ; p.19 ; p.20) et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vue d’expo p.9 ; p.10 ; p.13 ; p.17)
Jochen Gerner : p.34 ; p.36
Collections privées, Paris
Collections privées, Paris - © ADAGP 2022
Courtesy et crédits photo de l’artiste (p.29 ; p.30), de la galerie Anne Barrault et du Centre d’art contemporain l’arTsenal (vues d’expo p.31)
CRÉDITS
Lidia Kostanek : p.9 ; p.10 ; p.11 ; p.12
Axel Pahlavi : p.55 ; p.57
Nous remercions également pour le prêt des œuvres : Le Plateau, Frac Île-de-France, les galeries semiose galerie, Anne Barrault, Samira Cambie, In Arte Veritas, Valérie Delaunay, ainsi que les collectionneurs privés.
Technique : Mélanie Robiolle, Chargée de la régie du Centre d’art, Cyril Boucher et son équipe, John Louette et son équipe
Communication :
Lucile Hitier, Directrice du Centre d’art contemporain, l’ar[T]senal et Estelle Lutaud, Chargée de la communication du Centre d’art
Nous remercions tout particulièrement, Monsieur PierreFrédéric Billet, Maire de Dreux, Madame Fouzia Kamal, Ajointe à la culture, Madame Mélanie Meghrate, Directrice générale adjointe, ainsi que les services à la population pour leur engagement à rendre toutes formes de cultures accessibles à tous les drouais et plus largement.
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Commissariat d’exposition : Amélie Adamo, Commissaire d’exposition, critique d’art et enseignante en histoire de l’art Lucile Hitier, Directrice du Centre d’art contemporain, l’ar[T]senal
Service des publics : Clémence Hugnet, Chargée des publics du Centre d’art
Conception graphique et édition : Patricia Nino, graphiste du service communication de la Ville de Dreux
REMERCIEMENTS
Dépôt légal, octobre 2022 - ISBN : 978 2 9581509 1 4
Accueil des publics : Clémence Hugnet, Chargée des publics du Centre d’art et Stéphane Auvard , Chargé d’accueil du Centre d’art
Achevé d’imprimer en Septembre 2022 sur les presses de l’imprimerie Corlet, 21 rue Vox - 14110 Condé-sur-Noireau (France)
Maison d’édition : Centre d’art contemporain l’arTsenal, 13 place Mésirard 28100 Dreux (France)
Nous adressons nos remerciements aux artistes participants : Lidia Kostanek, Françoise Pétrovitch, Charlotte Salvaneix, Fiammetta Horvat, Sarah Tritz, David B., Jochen Gerner, Guillaume Pinard, Anaïs Albar, Katharina Bosse, Florence Obrecht, Axel Pahlavi, Marlène Mocquet, Fabien Mérelle et Prune Nourry.
Régie, scénographie et logistique : Mélanie Robiolle, Chargée de la régie du Centre d’art
La direction de la communication de la Ville de Dreux : Yves le Calvez, Julie Cassiau, Julie Malherbe, Cécile Ménager, Virginie Ruffin et EstellePatricia NinoLutaud, Chargée de la communication du Centre d’art
Textes :
Cette exposition a été réalisée par l’équipe du Centre d’art contemporain l’ar[T]senal, équipement culturel municipal de la Ville de Dreux. Elle a été financée par la Ville de Dreux avec le soutien de l’État à travers la Direction Régionale des Affaires Culturelles Centre-Val de Loire, l’Agence nationale pour la cohésion des territoires et du Conseil Régional Centre-Val de Loire. Que chacun des acteurs de ces institutions ayant contribué à la défense de nos actions en soient particulièrement remerciés.
Cet ouvrage est une réalisation de la Ville de Dreux et de la maison d’édition du Centre d’art l’ar[T]senal. Il est publié à l’occasion de l’exposition Mettre au monde présentée au Centre d’art contemporain l’ar[T]senal du 23 juin 2022 au 08 janvier 2023 sous le commissariat d’Amélie Adamo, critique d’art et commissaire invitée et de Lucile Hitier, directrice du Centre d’art.
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SARAHCHARLOTTEGUILLAUMEFRANÇOISEAXELFLORENCEPRUNEMARLÈNEFABIENLIDIAFIAMMETTAGERNERHORVATKOSTANEKMÉRELLEMOCQUETNOURRYOBRECHTPAHLAVIPÉTROVITCHPINARDSALVANEIXTRITZ MONDEAUMETTRE SUIVEZ-NOUS SUR > arTsenal.Dreux
ANAÏS ALBAR DAVID KATHARINAB. BOSSE JOCHEN
76 9 782958 150907 15€ CENTRE D’ART CONTEMPORAIN 13, Place Mésirard - 28100 02visitesalartsenal@ville-dreux.frDreux37388754 > DU 23 JUIN 2022 AU 08 JANVIER 2023 Lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 10h30 à 12h30 Et du mercredi au dimanche de 14h à 19h