Cœur + AVC - Rapport sur l'AVC 2023

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AVC et santé mentale

les effets invisibles et inéquitables sur les femmes

Rapport sur l’AVC 2023

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Crédit photo : Nadya Kwandibens, Red Works Photography

Le fardeau de l’AVC chez les femmes

Les répercussions de l’AVC au pays – et dans le monde entier – sont énormes et elles ne cessent de croître. L’incidence de l’AVC est en hausse au pays en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation du nombre de cas chez des personnes plus jeunes. D’autre part, une plus grande sensibilisation et de meilleurs traitements et soins font en sorte que de plus en plus de personnes survivent à un AVC.

En fait, de nouvelles données révèlent que plus de 920 000 personnes au pays vivent actuellement avec les séquelles d’un AVC, notamment des problèmes de santé mentale comme l’anxiété et la dépression. Bien qu’elles soient moins visibles que les effets physiques de l’AVC, ces conséquences n’en sont pas moins dévastatrices. Et malheureusement, ce sont les femmes qui sont touchées le plus durement.

N’importe qui, peu importe son âge, peut être victime d’un AVC, et ce, à tout moment. Cependant, les femmes sont touchées de manière disproportionnée. Bien qu’un AVC peut se produire à tout âge et à tout moment de la vie, les femmes présentent un risque plus élevé à trois moments importants de leur vie :

• pendant la grossesse (risque trois fois plus élevé que chez les femmes qui ne sont pas enceintes);

• après la ménopause;

• au troisième âge.

Le manque de compréhension et de sensibilisation quant à ces importants facteurs de risque d’AVC fait que les femmes ne reçoivent pas toujours des soins en temps opportun.

Comme l’âge est un facteur de risque de l’AVC et que les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, les femmes âgées subissent plus d’AVC, et ceux-ci sont plus graves. D’autre part, le taux d’AVC augmente chez les femmes plus jeunes au pays. De plus, les femmes qui subissent un AVC sont plus susceptibles d’en mourir que les hommes. En 2019, 32 % plus de femmes que d’hommes sont décédées d’un AVC. En outre, lorsqu’elles survivent à un AVC, leurs séquelles sont plus graves, tout comme les conséquences sur leur santé mentale durant le rétablissement. De nombreuses femmes ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin.

« Le fait que les femmes plus âgées sont davantage touchées par l’AVC est le point de départ de l’inégalité entre les genres. Elles sont plus susceptibles d’être célibataires ou veuves, car elles vivent plus longtemps que les hommes. Si elles ont un partenaire, celui-ci est généralement plus âgé et moins apte à les aider. Tandis que dans une situation inverse, les femmes sont plus souvent des aidantes », affirme le Dr Mark Bayley, directeur médical à l’Institut de réadaptation de Toronto du réseau universitaire de santé et chercheur subventionné par Cœur + AVC. Le Dr Bayley fait partie d’une équipe qui cherche des façons d’accroître la participation des femmes à la recherche sur le rétablissement après un AVC.

De nombreux facteurs peuvent avoir une incidence sur la santé des femmes, y compris la situation géographique, la race et l’origine ethnique. Les femmes qui ont un statut socioéconomique inférieur sont plus susceptibles de subir un AVC et de développer des maladies du cœur que celles ayant un revenu plus élevé. Parce que leur revenu est d’une manière générale moins élevé que celui des hommes, il peut être difficile pour les femmes d’obtenir des services de rétablissement. L’écart salarial entre les genres est encore plus grand chez les femmes racisées, autochtones ou handicapées. Les emplois à temps plein donnent généralement accès à une assurance-maladie complémentaire. Toutefois, selon un rapport de Statistique Canada, en 2021, 68 % des femmes âgées de 20 à 54 ans occupaient un emploi à temps plein, comparativement à 81 % des hommes. Il y a aussi des disparités entre les groupes de population puisque les femmes autochtones et immigrantes présentent de plus faibles taux d’emploi.

« Nous avons révolutionné les soins de l’AVC au pays au cours des dernières décennies, mais les services de rétablissement n’ont pas suivi le rythme, affirme Patrice Lindsay, directrice, Systèmes de santé chez Cœur + AVC. Nous devons améliorer le soutien après un AVC afin d’offrir davantage de services en santé mentale. Nous devons aussi nous assurer que les femmes ont un accès équitable et qu’elles se font entendre. »

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J’étais une nouvelle maman, je souffrais d’une lésion cérébrale et j’étais tellement fatiguée. Essayer de m’y retrouver dans les différents services a été vraiment très difficile et cela m’a demandé beaucoup d’efforts de demander de l’aide. Je me sentais déprimée, vaincue et je ne pouvais pas défendre mes droits.

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Le fait que les femmes plus âgées sont davantage touchées par l’AVC est le point de départ de l’inégalité entre les genres. Elles sont plus susceptibles d’être célibataires ou veuves, car elles vivent plus longtemps que les hommes. Si elles ont un partenaire, celui-ci est généralement plus âgé et moins apte à les aider. Tandis que dans une situation inverse, les femmes sont plus souvent des aidantes.

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— Dr Mark Bayley, chercheur subventionné par Cœur + AVC

Rétablissement physique et mental après un AVC

Un AVC survient lorsque le sang cesse d’irriguer une partie du cerveau, ce qui endommage les cellules cérébrales. Le cerveau est le centre de contrôle du corps. Il gère tout ce que nous faisons, du fonctionnement de nos organes à la façon dont nous pensons et bougeons. Toutes les personnes qui subissent un AVC ont des effets différents. Un AVC peut avoir une incidence sur tout : de la capacité physique à effectuer ses tâches et activités quotidiennes, à la communication et aux interactions sociales, en passant par l’humeur et les émotions.

Absence des femmes dans la réadaptation

La réadaptation après un AVC vise à aider les gens à retrouver leurs capacités, ainsi que la plus grande autonomie et la meilleure qualité de vie possible. Cependant, parmi les patients qui ont subi un AVC et qui obtiennent leur congé de l’hôpital de soins de courte durée au pays, seulement 16 % sont transférés directement dans un centre de réadaptation en milieu hospitalier, et seulement 19 % s’y rendent au cours du premier mois après leur sortie de l’hôpital. Moins de femmes que d’hommes participent à un programme de réadaptation après un AVC.

mentale si ceux-ci sont offerts dans le cadre d’un programme de réadaptation en milieu hospitalier.

Le Dr Bayley est d’avis qu’un préjugé lié à l’âge pourrait expliquer pourquoi les femmes plus âgées sont absentes des programmes de réadaptation. En effet, puisqu’elles sont plus susceptibles de vivre seules, elles n’ont pas d’aidant pour les soutenir dans leur participation à la réadaptation. Qui plus est, les femmes qui subissent un AVC peuvent être plus frêles que les hommes, c’està-dire qu’elles sont plus âgées, moins actives physiquement et plus sujettes à l’épuisement.

Il y a probablement de nombreuses raisons qui expliquent cette situation. Tout d’abord, les femmes continuent d’être sousreprésentées dans les essais cliniques sur l’AVC, y compris dans ceux qui portent sur la réadaptation après un AVC. Un examen systématique de la littérature sur la réadaptation après un AVC a révélé que 57 % des patients participant à des études sur la réadaptation étaient des hommes, contre seulement 43 % de femmes. De plus, lorsque des femmes prennent part à des essais cliniques, les chercheurs n’analysent pas toujours les données en fonction du sexe et du genre. Par conséquent, les approches en matière de soins et de traitement ne s’appliquent pas aux femmes de façon équitable. Cela comprend aussi les recherches existantes sur la santé mentale après un AVC.

Les rôles de genre et les attentes de la société à l’égard des femmes y sont également pour quelque chose. Mme Lee-Anne Greer, psychologue à l’Île-du-Prince-Édouard, travaille auprès de patients qui ont subi un AVC. Durant ses 17 années de pratique, elle a vu des femmes exiger d’obtenir leur congé d’un centre de réadaptation plus tôt, car leurs enfants avaient besoin d’elles. Elle n’a toutefois pas observé de comportement semblable chez les hommes. Cela signifie que ces femmes n’ont pas accès aux soins en santé

L’absence des femmes au sein des programmes de réadaptation a des conséquences négatives sur leur santé physique et mentale durant leur rétablissement.

Lien entre santé mentale et santé physique

L’aspect mental et émotionnel du rétablissement après un AVC est aussi important que l’aspect physique – et il y est aussi lié. Tout cela fonctionne ensemble et est interdépendant.

Les femmes – et plus particulièrement les femmes plus âgées –sont moins susceptibles que les hommes de retourner à la maison après un AVC. En fait, près de deux fois plus de femmes que d’hommes s’en vont dans des établissements de soins de longue durée. La recherche a démontré que les femmes sont 60 % moins susceptibles que les hommes de retrouver leur autonomie dans leurs activités quotidiennes après un AVC. Par conséquent, c’est sans surprise que les femmes disent avoir une qualité de vie moindre après un AVC. Une mauvaise qualité de vie affecte le bienêtre mental, et vice versa.

« J’aimerais que la santé mentale et la santé physique ne soient pas considérées comme deux choses opposées. Les aspects émotionnel et psychologique du rétablissement devraient d’emblée faire partie de la réadaptation », affirme la Dre Treena Blake, neuropsychologue en milieu hospitalier à Vancouver.

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Nous avons révolutionné les soins de l’AVC au pays au cours des dernières décennies, mais les services de rétablissement n’ont pas suivi le rythme.
— Patrice Lindsay, directrice, Systèmes de santé chez Cœur + AVC

La dépression est fréquente après un AVC et il existe deux prédicteurs importants. Le premier est les antécédents de dépression avant l’AVC. Le deuxième est la dépendance fonctionnelle, ce qui signifie qu’une personne a besoin d’aide pour accomplir les activités de la vie quotidienne, comme manger, s’occuper de son hygiène personnelle, s’habiller et se déplacer.

Environ 60 % des personnes qui subissent un AVC présenteront des limites fonctionnelles et plus de 40 % conserveront une incapacité modérée ou grave. Ces personnes requièrent une réadaptation plus intensive et ont besoin de davantage de soutien dans la communauté, et bon nombre d’entre elles sont à risque de faire une dépression. Chez les femmes, ce risque est plus grand, car elles présentent plus de limites fonctionnelles après un AVC. En fait, lorsque des femmes subissent un AVC, leurs niveaux généraux de bien-être mental et physique sont plus bas.

L’histoire de Janet

Entourée, mais isolée

Janet Millen avait pris sa retraite de l’enseignement et dirigeait une entreprise de théâtre jeunesse lorsqu’elle a subi un AVC. Elle avait 58 ans. Heureusement, elle a reçu beaucoup de soutien. Son mariage était solide, elle entretenait une relation étroite avec ses deux fils (de jeunes adultes) et elle avait de nombreux amis – principalement des enseignants retraités qui l’ont aidée activement durant son rétablissement.

Cependant, le changement de son rôle au cœur de sa famille après son AVC a été difficile à accepter, tout comme la perte de son rôle au sein de la compagnie de théâtre. Il lui arrive de se sentir isolée en raison de son aphasie – un trouble du langage qui affecte la capacité à parler, à comprendre les autres, à lire et à écrire. L’aphasie de Janet est légère et passe souvent inaperçue, mais Janet ne peut pas suivre ni participer à des conversations avec plus d’une personne à la fois. Elle trouve aussi que la plupart des gens parlent trop vite. Elle a parfois de la difficulté à trouver les bons mots et doit souvent se retirer de situations sociales ou de conversations avec des membres de sa famille. « Les gens ne comprennent pas vraiment ce qu’est l’aphasie. Même mes très bons amis ne comprennent pas encore », mentionne Janet.

« Il a été établi que la gravité des limites fonctionnelles après un AVC est l’un des nombreux facteurs de risque de dépression. Ainsi, toutes les personnes qui en présentent ont un risque plus élevé de subir une dépression », affirme la Dre Gayla Tennen, une psychiatre à l’hôpital Sunnybrook Health Centre à Toronto qui travaille de près avec des personnes ayant subi un AVC.

D’autre part, la dépression post-AVC peut avoir des incidences néfastes sur les gains et les résultats fonctionnels, selon le Dr Bayley. « Si vous êtes atteint de dépression post-AVC, vous avez moins de chance de retrouver votre autonomie et de vivre de manière indépendante, et votre risque de mourir augmente », affirme-t-il.

Le Dr Abe Snaiderman, directeur de la clinique de neuropsychiatrie de l’Institut de réadaptation de Toronto du réseau universitaire de santé, souligne que l’AVC et la dépression sont tous deux des troubles neurologiques. « Il s’agit du même ensemble de circuits, du même cerveau », dit-il. Il insiste aussi sur le fait que les aspects physique et mental du rétablissement ne peuvent pas être séparés. Un AVC peut endommager des régions du cerveau associées à la régulation des émotions et entraîner des troubles de l’humeur, sans compter les conséquences psychologiques et sociales causées par l’apparition soudaine d’incapacités physiques et de déficits cognitifs. Le Dr Snaiderman souligne aussi qu’une personne qui a subi un AVC et qui est en dépression aura beaucoup plus de difficultés à poursuivre avec succès un programme de réadaptation et à avoir une bonne qualité de vie. Bon nombre des effets physiques de l’AVC sont visibles, mais les effets cognitifs et ceux liés à l’humeur ou à la communication peuvent être plus difficiles à reconnaître. Ces déficits « invisibles » peuvent être ignorés ou incompris, et les personnes qui en sont atteintes peuvent se sentir frustrées et isolées. Les craintes liées à la stigmatisation peuvent également entraîner d’autres difficultés.

Janet a souffert de dépression et a vécu un deuil pendant son rétablissement. « Après m’être battue contre la frustration, une faible estime de soi et une légère dépression pendant des années, j’ai compris que les difficultés de communication font désormais partie de ma vie », raconte-t-elle.

Il s’est écoulé 16 ans depuis son AVC. Elle a de bonnes et de mauvaises journées, mais elle se porte très bien en général. Elle a même écrit un livre sur son expérience avec l’AVC. « Depuis que j’ai subi mon AVC, je ne suis plus la même. Mais dans la vie d’une femme, il y a des choses que vous pouvez faire et d’autres que vous ne pouvez pas changer. Nous pouvons tous apprendre et grandir, malgré les circonstances. La croissance personnelle permet toujours de donner un sens à sa vie. Vous devez simplement vous concentrer sur les choses qui vous tiennent à cœur. Vous devez trouver ce qui est important et significatif pour vous », explique Janet.

J’aimerais que la santé mentale et la santé physique ne soient pas considérées comme deux choses opposées. Les aspects émotionnel et psychologique du rétablissement devraient d’emblée faire partie de la réadaptation.
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— Dre Treena Blake, neuropsychologue en milieu hospitalier à Vancouver

L’histoire de Lisa

Guérir à la maison et trouver son équilibre

Lisa Meeches a subi un AVC en 2016 alors qu’elle participait, avec son mari et leur jeune fille, à un pow-wow de la Première Nation Siksika, en Alberta. Les premiers répondants l’ont conduite en ambulance à l’hôpital Foothills Medical Centre où, grâce à des soins de calibre mondial de traitement de l’AVC en phase aiguë, elle a eu la vie sauve.

Le partenaire d’affaires de Lisa, Kyle Irving, a immédiatement pris un vol en direction de Calgary avec les deux fils de Lisa et l’un de ses conseillers spirituels. Kyle savait que Lisa devait retourner dès que possible chez elle, la communauté de la Première Nation Long Plain, au Manitoba, pour se rétablir. Cela n’a pas été facile, mais il y est parvenu.

« Je n’allais pas accepter qu’on me dise “non”, ça, c’est certain », affirme Kyle. « Lisa possède un lien très fort avec la terre. Je savais qu’elle devait rentrer à la maison, là où se trouvaient tous ceux qui pouvaient l’aider à se rétablir : ses aînés et les personnes spirituelles sur qui elle avait pu compter toute sa vie », ajoute-t-il.

« J’avais besoin d’être sur mon territoire traditionnel, entourée de mes objets traditionnels et de mes aînés afin de pouvoir guérir, dit Lisa. Je ressentais non seulement le traumatisme de l’AVC, mais aussi le traumatisme des générations précédentes pour les Autochtones, le fait que des femmes autochtones nous ont quittés beaucoup trop tôt et la découverte de petits corps partout au pays. Tout cela a une incidence émotionnelle et mentale néfaste pour notre santé. »

Lisa a puisé la force de se rétablir dans de nombreuses sources. Elle était motivée par son désir de brosser les longs cheveux de sa fille et de danser de nouveau à un pow-wow. Elle était déterminée à reprendre sa carrière gratifiante de productrice de cinéma et de télévision. Elle a réussi à accomplir tout cela. Elle a été inspirée par les athlètes paralympiques, ainsi que par les autres survivants d’un AVC avec lesquels elle a discuté dans le cadre du programme de réadaptation auquel elle participait et qui étaient, pour la plupart, beaucoup plus âgés qu’elle.

Elle attribue aussi son rétablissement à son équipe de professionnels de la santé, à sa famille, à sa communauté, à ses aînés, ainsi qu’aux conseillers spirituels de Turtle Island qui ont participé à une longue chaîne de prières pour elle. « Je crois vraiment en la prière. Chaque jour est un signe du Créateur, mentionne Lisa. Et personne ne m’a laissée tomber. J’avais vraiment une excellente équipe de soutien. »

Lisa consulte encore un thérapeute autochtone. Elle aimerait que l’on parle davantage de santé mentale et émotionnelle lorsqu’il est question de rétablissement après un AVC. Elle presse les autres femmes qui ont subi un AVC de prendre soin d’elles, d’avoir la force d’arrêter et de se reposer, de trouver leur équilibre et de dire « non » au besoin.

« J’ai appris à vivre pleinement chaque jour. Je délègue davantage, dit Lisa. Je prends vraiment bien soin de moi, je m’entoure de gens positifs et je passe du temps avec ma famille et mes amis. J’ai également appris à ne pas entreprendre des combats que je sais que je ne gagnerai pas. »

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Les femmes sont plus à risque d’être atteintes de dépression et d’anxiété

« Les effets de l’AVC sur la santé mentale expliquent en partie pourquoi les femmes présentent de moins bons résultats globaux après un AVC en phase aiguë », affirme la Dre Tennen. La dépression et les changements cognitifs post-AVC sont fréquents. Les études démontrent que ces effets apparaissent chez 30 % à 60 % des personnes dans l’année suivant l’AVC.

Les femmes présentent un risque encore plus grand. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes a révélé que les femmes présentent des taux plus élevés de troubles de l’humeur que les hommes, et cette différence est particulièrement marquée dans le groupe des 18 à 34 ans. Plus de femmes que d’hommes estiment que leur santé mentale est mauvaise ou passable. Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), les femmes ont des taux de troubles de l’humeur et d’anxiété plus élevés que les hommes, ce qui les rend plus susceptibles de subir une dépression post-AVC. D’après les résultats d’une étude sur les symptômes dépressifs post-AVC pour laquelle une analyse comparative fondée sur le sexe et le genre a été effectuée, les femmes sont de 20 % à 70 % plus à risque que les hommes d’être atteintes d’une dépression post-AVC. Certaines études révèlent que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de développer de l’anxiété après un AVC.

Un problème de santé majeur, comme un AVC, peut provoquer de nombreuses réactions émotionnelles, notamment un sentiment de tristesse, de l’anxiété et une dépression clinique. Il est important de reconnaître les signes et d’intervenir tôt pour s’assurer que les personnes reçoivent un soutien adéquat dans tous les aspects de leur rétablissement.

Âge et étapes de la vie

Selon leur âge et l’étape de la vie à laquelle elles sont rendues, les femmes font face à différentes difficultés qui peuvent affecter leur santé mentale pendant qu’elles se rétablissent d’un AVC. Les femmes âgées sont touchées d’une manière plus importante par l’AVC. Elles représentent une grande proportion de la population totale ayant subi un AVC et elles ont plus difficilement accès aux traitements, aux soins et à la réadaptation.

« De nombreuses femmes octogénaires sont encore incroyablement fonctionnelles. La dépression ne fait pas partie du processus normal du vieillissement. L’anxiété et la dépression postAVC ont des conséquences très importantes sur les femmes de ce groupe d’âge », affirme la Dre Tennen.

Les femmes plus jeunes sont également à risque puisqu’un plus jeune âge ainsi qu’une dépression ou un trouble d’anxiété antérieur sont des prédicteurs d’anxiété post-AVC.

« Les femmes plus jeunes peuvent avoir un emploi ou s’occuper de leurs enfants, ou les deux, et elles ont souvent plusieurs rôles et responsabilités. Elles éprouvent parfois de la difficulté à concilier leurs activités après un AVC et cela peut être éprouvant sur le plan émotionnel. Très peu de gens de leur âge ou de leur cercle social savent ce que c’est de subir un AVC, et il n’est pas rare qu’elles se sentent déconnectées et isolées », indique la Dre Tennen.

Les rôles de genre pèsent dans la balance

En plus de les tenir à l’écart des services de réadaptation, les attentes à l’égard des femmes affectent aussi leur santé mentale alors qu’elles apprennent à gérer les changements qui surviennent dans leur vie après un AVC, y compris ceux en lien avec leurs rôles et leurs relations. Les femmes ne font pas toujours passer leur santé en premier et elles jouent souvent un rôle d’aidant plus important que les hommes.

Mme Greer a constaté une disparité quant aux rôles des femmes et aux attentes à leur égard. « J’ai vu à quel point des mères qui subissent un AVC peuvent se battre pour continuer de faire tout ce qu’elles faisaient auparavant, et parfois même essayer de retourner au travail en même temps », dit-elle.

Une part importante du travail de la Dre Blake consiste à aider les femmes à accepter que se concentrer sur leurs propres besoins et faire preuve de compassion envers elles-mêmes n’est pas un signe d’indulgence ni d’égoïsme. « J’essaie de leur faire comprendre qu’en faisant passer leurs besoins en premier durant leur rétablissement, elles aident leur famille. Tenter de retrouver une plus grande autonomie peut réduire le fardeau et le stress perçus dans l’ensemble du système. Les femmes se rallient généralement à cette idée, car cela ne nécessite pas une modification importante de leur façon de penser », affirme-t-elle.

La dépression est l’un des facteurs qui expliquent pourquoi les femmes se rétablissent moins bien et déclarent avoir une qualité de vie moindre en matière de santé après un AVC.
— Dre Gayla Tennen, psychiatre à l’hôpital Sunnybrook Health Centre à Toronto
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L’histoire de Megan

Des défis pour une nouvelle maman

En 2018, Megan Snook était enceinte d’environ 30 semaines de son deuxième enfant lorsqu’elle a remarqué que quelque chose n’allait pas. Elle a passé la semaine suivante à chercher de l’aide par rapport à ses inquiétudes. Elle a appelé son médecin. Elle s’est rendue à l’hôpital, mais on l’a renvoyée à la maison. Sa pression artérielle est montée en flèche, elle avait un gros mal de tête et sa vision est devenue trouble. Elle est retournée à l’hôpital, mais on l’a encore renvoyée chez elle. À son retour à la maison, elle a été frappée par deux AVC qui ont provoqué une paralysie de son côté gauche et une perte de vision. Elle a été conduite de Campbell River (en ColombieBritannique) à Victoria en ambulance, où elle a subi une césarienne d’urgence et a reçu un traitement pour son AVC.

Megan a dû surmonter de nombreuses difficultés durant son rétablissement. « J’étais une nouvelle maman, j’avais une lésion cérébrale et j’étais tellement fatiguée. Je suis atteinte du syndrome douloureux post-AVC. C’est épuisant physiquement et mentalement de ressentir de la douleur tout le temps », dit-elle.

Les sources de soutien, comme la physiothérapie, une garderie, un congé pour proche aidant et une aide financière, ont été difficiles à trouver. De plus, il était ardu d’y avoir accès et elles étaient souvent insuffisantes. Son jeune âge a joué contre elle, car on s’attendait à ce qu’elle se rétablisse plus rapidement. En outre, certains services lui ont été refusés, car ils étaient uniquement offerts aux personnes âgées. « Essayer de m’y retrouver dans les différents services a été vraiment très difficile et cela m’a demandé beaucoup d’efforts de demander de l’aide, indique Megan. Je me sentais déprimée, vaincue et je ne pouvais pas défendre mes droits. »

Megan et sa famille ont déménagé dans une ferme en Saskatchewan, ce qui leur a permis d’adopter un mode de vie plus sain et plus facile à gérer. Ils ont des chiens, des chats et des chevaux. Une véritable source de thérapie pour elle. « Je vais mieux ici. Ma santé mentale est meilleure et je ressens moins de douleur physique », ajoute-t-elle.

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Lacunes dans le dépistage et le soutien

Selon les Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC, toutes les personnes qui ont subi un AVC doivent être considérées comme étant à risque de développer des problèmes de santé mentale post-AVC, lesquels peuvent survenir à n’importe quelle étape du rétablissement. Cependant, le dépistage n’est pas effectué aussi souvent qu’il devrait l’être.

« Lorsque Cœur + AVC a réalisé un sondage auprès de cliniques de prévention de l’AVC de partout au pays, nous avons découvert que seulement 54 % d’entre elles effectuaient systématiquement le dépistage de la dépression post-AVC », indique Mme Lindsay.

La Dre Tennen croit que le manque de sensibilisation et de ressources fait partie du problème. « Je pense que les médecins travaillent très fort pour gérer les aspects physiques de l’AVC et du rétablissement, mais bien souvent, il n’y a pas de systèmes ni de ressources en place pour dépister les problèmes de santé mentale et les prendre en charge. Je suis d’avis que nous devrions effectuer un dépistage chez tous les patients et les informer des troubles de santé mentale qui peuvent survenir après un AVC, particulièrement chez les femmes. Les patients souffrent parfois en silence jusqu’à ce qu’on s’en aperçoive et qu’on leur pose des questions », affirmet-elle. En prenant en charge systématiquement les troubles de l’humeur, nous pourrons les normaliser et les déstigmatiser.

Si les femmes ne font pas l’objet d’un dépistage et que leurs problèmes ne sont pas diagnostiqués, elles ne peuvent pas être orientées vers les services dont elles ont besoin. Toutefois, d’autres difficultés surviennent même lorsqu’un dépistage est effectué. « Le dépistage est important, mais il est aussi difficile, car il n’y a pas beaucoup de ressources disponibles. Vous posez les questions et ensuite vous êtes coincé », dit la Dre Blake. Dans son centre de réadaptation, des soins psychologiques sont offerts par toutes les équipes de soins de santé, mais elle sait que ce n’est pas le cas pour la majorité des programmes.

Un manque de services partout au pays

Il est difficile d’avoir accès aux services en santé mentale dans l’ensemble du pays. Selon Statistique Canada, en 2018, près de 5,3 millions de personnes au pays ont affirmé avoir eu besoin

Trouver de la compassion et du soutien

Lilli Law travaillait comme commis comptable à son compte lorsqu’elle a subi un AVC, en 2019. Elle avait 46 ans. Elle a passé trois mois au centre de réadaptation G.F. Strong à Vancouver, ce qui lui a permis d’avoir accès à un vaste éventail de professionnels pour la soutenir dans son rétablissement physique et mental. Lilli dit qu’elle était dans une « bulle de soutien » au centre de réadaptation. Elle n’avait pas réalisé l’importance du soutien psychologique qu’elle avait reçu jusqu’à ce qu’elle obtienne son congé. « Je naviguais dans des eaux sombres et profondes, et je me trouve très chanceuse d’avoir reçu ce soutien. Je sais que les personnes qui subissent un AVC ne sont pas toutes sur un pied d’égalité et qu’elles n’ont pas toutes cette possibilité, mais cela devrait être l’un des piliers du rétablissement après un AVC », déclare Lilli.

Poursuivre les consultations psychologiques n’était pas une option, car les services sont à la fois limités et dispendieux. Cependant, Lilli a trouvé plusieurs sources de soutien : son médecin de famille de longue date, un programme de physiothérapie à l’Université de la Colombie-Britannique, son partenaire et son groupe de bonnes amies, qui l’ont soutenue physiquement et mentalement durant son rétablissement. Elle s’est également jointe à un groupe de soutien destiné aux jeunes survivants d’un AVC, qu’elle a trouvé extraordinaire.

Voici son conseil pour les autres femmes qui subissent un AVC : « Faites preuve de compassion envers vous-même. Ne regardez pas la montagne devant vous. Faites votre possible et avancez à votre rythme. Gardez votre famille et vos meilleurs amis près de vous. Vous avez besoin d’eux et ils veulent vous aider. Trouvez un groupe de soutien, il vous aidera à vous réintégrer dans la communauté. Nous, les femmes, nous voulons tout faire, mais rien ne nous y oblige. »

L’histoire de Lilli
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d’aide pour leur santé mentale durant l’année précédente; et près de la moitié d’entre elles ont indiqué que leurs besoins n’avaient pas été satisfaits ou ne l’avaient été que partiellement. Les raisons expliquant le manque de soutien comprennent le fait que les gens ne savaient pas où aller pour obtenir de l’aide, qu’ils étaient trop occupés ou qu’ils n’avaient pas les moyens de payer les services.

À l’Île-du-Prince-Édouard, là où travaille Mme Greer, les ressources en santé mentale sont limitées, sauf pour les personnes qui possèdent une assurance-maladie complémentaire complète. Et même cela ne garantit pas un soutien adéquat. « De nombreux psychologues du secteur privé ont des listes d’attente aussi longues que celles des services communautaires en santé mentale. En plus de cette difficulté, il faut trouver un thérapeute qui comprend vraiment l’AVC », dit-elle.

La Dre Blake, qui travaille à Vancouver, un grand centre urbain à l’autre bout du pays, énumère bon nombre des mêmes obstacles. « Même si vous avez les moyens de payer pour les services, vous pouvez être sur une liste d’attente pendant 6 à 12 mois », affirme-t-elle.

Que faut-il faire?

De plus, ce ne sont pas tous les thérapeutes et conseillers qui comprennent l’AVC et les déficits qui peuvent en découler, comme les changements cognitifs ou l’aphasie.

Obtenir du soutien en établissant des liens

Outre les services professionnels d’aide en santé mentale après un AVC, les réseaux sociaux, comme les groupes de soutien par les pairs, peuvent jouer un rôle important dans le rétablissement des femmes. « Communiquer avec les autres concorde avec la façon dont bon nombre de femmes font face aux difficultés », dit Mme Greer.

La Dre Blake a constaté qu’il est souvent bénéfique pour les jeunes femmes de se joindre à un groupe de jeunes survivants dans la communauté. « Pouvoir parler avec d’autres femmes qui ont vécu ces changements de responsabilités joue un rôle inestimable dans le rétablissement. Certaines femmes peuvent être rendues plus loin dans leur rétablissement et cela peut donner de l’espoir aux autres », affirme-t-elle.

Cœur + AVC s’engage à collaborer avec des partenaires pour s’assurer que toutes les femmes reçoivent les soins et le soutien dont elles ont besoin dans le cadre de leur processus de rétablissement après un AVC. Pour y parvenir, elle prend les mesures ci-dessous :

Fournir des renseignements sur la santé à la population générale, ainsi qu’aux personnes ayant subi un AVC et à leurs aidants. Visitez le https://www.coeuretavc.ca/avc/ retablissement-et-soutien

Accroître ses capacités de soutien par les pairs. La communauté de survivants et la communauté d’aidants naturels de Cœur + AVC sont des groupes fermés sur Facebook. L’un est réservé aux personnes ayant subi un AVC ou qui sont atteintes d’une maladie du cœur, et l’autre, à celles qui procurent des soins ou du soutien à un proche. Les membres y trouvent un soutien social et émotionnel au sein d’une communauté inclusive et respectueuse.

Améliorer les systèmes de soins de l’AVC en :

º militant pour un meilleur accès aux services de réadaptation et de rétablissement après un AVC, y compris davantage de services communautaires en santé mentale;

º dirigeant l’élaboration des Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC et en fournissant des données probantes à jour et des recommandations pour la pratique en matière de santé mentale après un AVC. Selon les Recommandations, les personnes ayant subi un AVC et leurs familles devraient être bien renseignées sur les effets potentiels de l’AVC sur leur humeur. Elles devraient aussi avoir la possibilité de parler des conséquences de l’AVC sur leur vie à toutes les étapes des soins;

º fournissant des ressources et de l’information aux personnes ayant subi un AVC et aux professionnels de la santé;

º collaborant et en établissant des partenariats avec d’autres organisations pour améliorer les services offerts aux personnes ayant subi un AVC.

La vision de Cœur + AVC est celle d’un monde où toutes les femmes reçoivent les soins dont elles ont besoin en matière de santé cardiaque et cérébrale. En collaboration avec des partenaires de tous les secteurs, Cœur + AVC adoptera une approche qui tient compte de l’équité en matière de santé et du bien-être des Autochtones, et qui favorise le changement dans trois domaines clés : la recherche; la sensibilisation et l’éducation du public; et le parcours de soins de santé.

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