Sophie Caruelle
« C’EST LUI LE CHOUCHOU ! » MYTHE OU RÉALITÉ DE L’ENFANT PRÉFÉRÉ « Tu l’aimes plus que moi ! », « C’est lui le chouchou ! », « C’est toujours ma faute ! »… Combien de parents ont entendu ces douces ritournelles ? Rivalité infondée ou induite par nos comportements ? Découvrons comment réagir pour rassurer nos enfants sur la place unique qu’ils occupent. Préférer l’un de ses enfants serait honteux, inconcevable, inadmissible. Telle est la version ferme et sévère proposée par notre société. Bercés par une norme sociale idéalisant un modèle familial ou l’égalité et la justice règnent, les parents doivent partager leur amour et leur temps de façon équitable. La rivalité entre frères et sœurs se développerait donc sur un sentiment infondé de jalousie, une impression erronée que l’autre est plus aimé que soi. La réalité est pourtant plus nuancée. Dans son livre L’enfant préféré, chance ou fardeau, la psychologue clinicienne et sociologue Catherine Sellenet révèle que 80 % des parents qu’elle a interrogés au cours d’une
cinquantaine d’entretiens ont une préférence pour l’un de leurs enfants1. Pourtant, « beaucoup n’osent pas le dire, ni même l’entendre ».
D’OÙ VIENT LA PRÉFÉRENCE ?
Les relations humaines sont complexes et la préférence va souvent à l’identique, aux personnes qui nous ressemblent. Dans un contexte familial, « l’enfant préféré » pourra être celui duquel on se sent le plus proche, d’un point de vue physique, psychique ou comportemental. Il s’agit du rejeton qui possède nos traits de caractères, qui partage nos centres d’intérêts, ou dont le visage est notre miroir. Identifier le reflet de soi dans l’autre ne serait cependant qu’un élément parmi d’autres. Le « choix » parental peut inconsciemment se porter sur l’enfant qui incarne nos rêves : celui qui réussit le mieux à l’école, une fille tant attendue après avoir mis au monde 3 garçons, l’enfant au caractère le plus doux et facile, etc. L’enfant préféré peut être celui qui nous a fait devenir parent (l’aîné) ou, au contraire, celui qui prolongera nos instants de parentalité (le petit dernier). Tous les évènements 70 ::: Psycho des petits
exceptionnels et uniques de la grossesse, de la naissance ou du début de vie influencent également la relation parent-enfant. Une question d’affinités donc, mais aussi d’histoire, de parcours, et de liens tissés à travers le temps.
LA PERCEPTION DES ENFANTS
Se sentir plus proche d’un enfant que d’un autre ne signifie pas que l’on manque d’amour pour le reste de la fratrie. Cependant, certains de nos comportements (se manifestant souvent de façon inconsciente) sont perçus par nos bambins comme de véritables signes de préférence : une plus grande proximité physique avec l’un d’eux, plus de câlins, un surnom affectueux, davantage de temps consacré le soir au coucher, plus de tolérance envers ses faux pas, des louanges récurrentes… Ce favoritisme, aussi minime et anodin puisse-t-il nous paraître, est immédiatement décelé par nos chers petits. Dès lors, le « chouchou » de la tribu est désigné, et toutes les attitudes parentales positives à son égard confortent son statut.