LM magazine 176 - mai 2022

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N°176

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MAI

2022

ART & CULTURE

/

GRATUIT

Hauts-de-France / Belgique



© Rob Baker Ashton

SOMMAIRE magazine

LM magazine 176 - mai 2022

La Maison des Géants © Jean-François Fourtou

NEWS - 06 STYLE - 10

Marché des Modes et du Design Made in Roubaix

PORTFOLIO - 14 Naranjalidad Fruits de la passion RENCONTRE Georgio - 24 Sacré rappeur

Annette Messager - 72 Conte à rebours Hugues Duchêne - 94 Le Parti d’en rire

MUSIQUE - 24

Georgio, Los Bitchos, Rodrigo Amarante, Vive la liberté, Iggy Pop, Roy Ayers, Étienne de Crécy, PC Music Label Night, Jungle, Peter Doherty, Julien Baker, Mattiel, Wet Leg, Pet Shop Boys, Peter Hook, Macy Gray, Suede, Patti Smith, Born Bad Records, Les Paradis artificiels, Parquet Courts…

CHRONIQUES - 50 Disques : Toro y Moi, Spiritualized, !!!, Father John Misty, Belle and Sebastian Livres : Théo Lessour, Justin Fenton, Jerry Seinfeld, Mathieu Bermann, Lupano & Ohazar Écrans : I Comete, Varsovie 83 une affaire d’État, Figra, Sentinelle sud, Détective Conan, Winning Time

EXPOSITION - 64

Utopia, Annette Messager, La Chine au féminin, Tomi Ungerer, Pop Masters, Agenda

THÉÂTRE & DANSE - 90 Festival iTAK, Je m’en vais mais l’État demeure, J’ai été éduqué de manière autoritaire & francophile, Les Flandroyantes, La Constellation imaginaire, Guerrières !, Mister Tambourine Man, Le Iench, Rémi, La Chanson (Reboot), Agenda LE MOT DE LA FIN - 114 Richard Ahnert L’ours dans la peau


MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09

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Direction de la publication Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Maïssam Mezioud info@lm-magazine.com Publicité pub@lm-magazine.com

Direction artistique Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com

Graphisme Christophe Gentillon concepteur-graphic.fr

Réseaux sociaux Sophie Desplat

Couverture Naranjalidad Medusa www.naranjalidad.com www.behance.net/naranjalidad c @naranjalidad

Impression Tanghe Printing (Comines) Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Marine Durand Grégory Marouzé, Naranjalidad, Raphaël Nieuwjaer et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L’astrolab* - info@lastrolab.com L’astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours

L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM magazine est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT



LA JOURNÉE MONDIALE DU LOUVIÉROIS Ça ressemble à une blague mais c'est très sérieux. Le 15 mai, la ville de La Louvière et le centre culturel Central demanderont à l’Unesco de dédier une journée mondiale (le 15 mai, donc) au louviérois. Il s'agit là de reconnaître le patrimoine immatériel et les valeurs propres à la cinquième ville de Wallonie. La démarche est soutenue par trois jours de fête artistique, entre expositions, concerts, mais aussi hippie parade en skate ou "karaokay", histoire de convoquer l'« esprit frondeur et impertinent » qui habite les lieux.

Une foire d'art contemporain et de design où l'on peut troquer les œuvres contre… à peu près tout ce qu'on veut ? Oui, c'est possible. C'est même le principe de cet événement. Ici, le visiteur peut repartir avec les créations présentées par des artistes émergents contre la compensation de son choix - pourvu qu'elle reste honnête. Cela peut être un voyage au soleil, la réalisation d’un site web… Du "win-win", comme on dit à la Cogip. Bruxelles, 20 > 22.05, Tour & Taxis (Gare maritime), ven : 18h • sam : 14h • dim : 10h, 12€ tructroc.be

© Thibault Van Renynghe

© DR

Art Truc Troc & Design

La Louvière, 13 > 15.05, divers lieux, gratuit www.jmdl.be

Monella © Christian Hagen

STREAT FEST Tendance devenue un véritable style de vie, le street-food méritait bien son festival. Durant quatre jours, une cinquantaine de chefs issus de tout le Royaume se posent à Bruxelles pour célébrer cette gastronomie sur le pouce. Entre un burger "asian fusion" veggie de Kitsune ou une pizza fritta garnie de Monella, on se délecte aussi de quelques concerts... tout en apprenant à photographier un plat pour Instagram. Bruxelles, 12 > 15.05, Tour & Taxis, jeu & ven : 17h-00h • sam : 11h-00h dim : 11h-22h, 1 jour : 15 > 6€ (gratuit -6 ans), streatfest.be 8



© Maisons de mode

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MARCHÉ DES MODES & DU DESIGN

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Made in Roubaix

À l’occasion de la Nuit des Arts, une cinquantaine de lieux roubaisiens ouvrent leurs portes pour présenter le travail de plus de 500 artistes. La mode est évidemment à l’honneur dans le cadre d’un marché réunissant des dizaines de marques implantées dans les Hauts-de-France. Bienvenue au 35e Marché des modes et du design ! Anvers tient depuis 40 ans son rang de capitale de la mode. Pourtant, à une centaine de kilomètres de là, Roubaix n'a pas à rougir. Celle qui fut surnommée la "Manchester française" au siècle dernier, en raison de sa très riche industrie textile, n'en a pas terminé avec son histoire, abritant désormais d'audacieux créateurs, réunis sous le label incubateur Maisons de Mode. « Depuis plus de quinze ans, nous accompagnons des marques émergentes de la région à toutes les étapes de leur développement », explique Emma Tamarelle, chargée de communication. Créé en 2006, le Marché des modes, organisé deux fois pas an, demeure la vitrine de ce bouillonnement, révélant des talents uniques, à l'instar d'U-Exist. Cette entreprise fondée par Simon Colin et Amandine Labbé transforme des prothèses orthopédiques en véritables œuvres d’art, offrant aux personnes handicapées la possibilité, elles aussi, « d'exprimer leur individualité ». La brique, c'est chic Pour cette 35e édition, l'événement élargit son champ d'action, mettant également à l’honneur des designers. Soucieux de créer autrement, ils cultivent notamment une démarche éco-responsable. Citons par exemple Arthur Lenglin et Tim Defleur, du studio roubaisien Aequo, « qui travaillent exclusivement avec de la brique, prouvant qu’il est possible de produire ultra-localement ». Ou comment marier tradition et innovation, passé et présent, sans rien sacrifier au style. Maïssam Mezioud Roubaix, 14 & 15.05, Ensait, Le Vestiaire & Boutiques créateurs avenue Jean Lebas sam : 13h • dim : 10h, gratuit, maisonsdemode.com 11


3 © E. Beckman Maisons de mode

© E. Cano - Maisons de mode

La preuve par

DANIEL ESSA

CHLORE

D’origine syrienne, Daniel Essa lance sa propre marque en 2017 après avoir travaillé plusieurs années, dans son pays natal… comme animateur TV. Sa signature ? Des paires de sneakers au design épuré et aux motifs géométriques, traversées de touches de couleurs acidulées. Le petit plus ? Il fabrique ses pièces exclusivement avec du cuir recyclé.

Les nageurs méritent aussi le meilleur de la mode. C’est en tout cas la promesse de Chlore, créée par la styliste Hélène Boulanger, fille d’une championne de France de natation, et Franck Laureys, fils de navigateur. Clins d'œil aux plus belles piscines de France (tel le complexe Molitor à Paris), leurs pièces composées d’un lycra italien ultra-stretch se distinguent par des teintes sobres.

www.danielessa.com

www.chlore-swimwear.fr

© S.Van Dorpe - Marche des modes

POESIEANDSONG Après avoir côtoyé les plus grands stylistes (Emanuel Ungaro ou la costumière césarisée Édith Vespirini…), Stéphane Van Dorpe fonde Poesieandsong. Son credo : allier créativité et développement durable. Empreints d'une douce mélancolie et d'un esprit vintage, marqués par le goût du détail, ses modèles sont façonnés à partir de vêtements chinés avec soin. www.poesieandsong.com 12



Abrigo


folio

po r t

NARANJALIDAD Fruits de la passion

« Si la vie te donne des citrons, fais-en de la citronnade », dit l’adage. Beatriz Ramo, elle, tirerait plutôt son inspiration de « l’essence même de l’orange », soit une théorie développée par Woody Allen pour décrire une idée de façon originale, et qu'il a baptisée "orangeness", soit "naranjalidad" en espagnol. Voilà pour le surnom, qui dénote tout autant que l'œuvre. L'illustratrice aligne en effet des portraits de femmes singuliers, privilégiant la douceur du fusain, la vivacité des couleurs et une surabondance de motifs relatifs à la nature, confinant parfois au mystique. « Ces décors me permettent d’installer une atmosphère particulière. La palette révèle l’état d’esprit des « Rien ne vaut la personnages autant que mes sentiments qualité du crayon » du moment », indique la native d’Alicante, qui entretient un rapport fusionnel avec son art. D’aussi loin qu’elle se souvienne, Beatriz a toujours aimé dessiner. Quand d’autres s’épanouissent dans la musique ou la danse à la sortie de l’école, elle se forme auprès d’un peintre du quartier, apprend les tracés, la composition. Et si la jeune femme associe désormais le digital à la plupart de ses créations, exposées dans de grandes villes comme Madrid, Barcelone ou Shanghai, « rien ne vaut la qualité du crayon pour obtenir de subtils mélanges ». La force de ses toiles, entre rêve et réalité, ont tapé dans l’œil de nombreuses maisons d’édition mais aussi de grandes marques, telles Oysho ou Lenovo. De quoi soutenir ses projets personnels et de déployer, sur les réseaux ou dans les musées, ce qu’elle nomme son « espace de liberté ». L'essence de la réussite, sans doute. Marine Durand À visiter / c @naranjalidad / www.naranjalidad.com / www.behance.net/naranjalidad À lire / L'interview de Naranjalidad sur lm-magazine.com

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Sol en la Garganta 16


Otoño 17


Diademuertos


Windy


Lobas


Cuadros




© N. Kruma 24


mu

GEORGIO

sique

interview

Le sacre et la plume Georgio fut révélé en 2011 avec la mixtape Une Nuit blanche, des idées noires, imposant un flow mélodique, une prose léchée et une honnêteté désarmante. Dix ans plus tard, le public s’est élargi, les concerts et projets se sont multipliés. Jusqu’au quatrième opus, le mirifique Sacré, suivi de sa réédition, augmentée des 12 nouveaux titres de Ciel enflammé. La plume est plus aiguisée que jamais et les thèmes (la mort, l’amour, la solitude) tranchent avec le tout-venant rap sans rien sacrifier à l’efficacité des refrains. L’occasion rêvée d’en découvrir plus sur un style aux contours subtils… Propos recueillis par Sonia Abassi

Il y a dix ans tu sortais le morceau Homme de l’ombre. Comment juges-tu tes débuts ? Je regarde très peu dans le rétroviseur. Rien de tel que le présent pour ressentir intensément chaque chose. Les rares fois où je me surprends à penser au passé, je me trouve très chanceux. Car malgré les difficultés la passion a fini par l’emporter ! Selon toi, lequel de tes morceaux reflète le mieux ton style ? Sans doute Pas de monde imaginaire sur Ciel enflammé. Ce titre est assez complet, tout en nuances. J'y rappe les couplets sans retenue et, en même temps, je chante mon refrain en ménageant la mélodie.

C'est le genre de son hybride qui me caractérise. Sur le fond, le texte oscille entre dimension intime et revendication sociale. Ce morceau reste mélancolique, mais développe une énergie positive. C'est le "mood" global de ma musique. Tu observes le monde avec une certaine mélancolie, n'est-ce pas ? Ça me saoulerait d’être réduit à ce mot fourre-tout. Ma musique dresse différents constats… mais c’est vrai qu’ils ne sont pas toujours positifs (rires) ! Le ciel s’assombrit souvent, et le monde semble bien décidé à partir en vrille… Toutefois, je nous accorde toujours une porte de sortie, une note d’espoir. ••• 25


© N. Kruma

Je ne veux finalement pas d'une couronne. J’ai accompli mon rêve qui est de vivre entièrement de mon art. Chaque heure passée sur scène ou en studio est un régal. Je n'ai pas besoin du reste, ne désire pas être mis sur un piédestal ou devenir le roi.

Quelle est la signification de Sacré et de Ciel enflammé ? Je considère comme sacré ce moment unique où l’on ouvre les yeux sur ce qui nous entoure. Quand on les lève vers un immense ciel bleu et que le soleil nous aveugle.

« Après la phase de création vient celle du partage. » Ciel enflammé représente la fin de journée, l'instant avant la tombée de la nuit. C’était une manière pour moi de boucler Sacré : après le ciel en feu, la journée s’achève. Le titre Couronne, qui ouvre Ciel enflammé, évoque une certaine indécision, tu y avoues même avoir perdu ta boussole… C'est pour signifier que, dans la vie, rien ne se passe comme prévu.

Parlons du "banger" incontestable de l’album, le tonitruant NOONNNN qui semble taillé pour la scène et dont l’esprit rock surprend… C’est exactement pour ça que je l’ai créé ! J’avais vraiment en tête de le crier avec le public. Pour le côté rock, ça fait un bail que j’utilise de la guitare dans mes sons, car je suis sensible à pas mal de styles en dehors du rap. Cela doit être jouissif de retrouver la scène, n'est-ce pas ? Carrément, c'est un vrai plaisir de chanter devant des personnes qui nous aiment et de kiffer tous ensemble. Cela procure un sentiment unique. J'ai l’impression d’être entouré de tous les miens. Et puis c’est un aboutissement de présenter ce qu’on a peaufiné durant des heures en studio. Après la phase de création, assez intime, vient celle du partage. J’apprécie autant ces deux étapes. En plus, la saison des festivals approche, ça va être le feu ! Lille, 21.05, Le Splendid, complet ! À écouter / Sacré & Ciel enflammé (Panenka) À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com 26



© Tom Mitchell

LOS BITCHOS

Quatre filles dans le vent Avouons-le, la première mention de ce patronyme nous fit frémir. Encore un groupe de comiques troupiers, façon Marcel et son orchestre ? On a d’autant plus tiqué en apprenant qu’elles étaient londoniennes – les Anglais étant peu portés sur le jeu de mot foireux… Or, il s’avère que ce quatuor réunit une Britannique, une Uruguayenne, une Australienne et une Suédoise. Du reste, on a abandonné toutes nos réserves aux premières secondes de Las Panteras – et de l’album qui s’en est suivi. Cela faisait un bail que l’on n’avait pas entendu une synthèse impromptue entre les Ramones, Altin Gün, The Shadows et… les Spice Girls, tiens ! Bref, un foutoir savamment organisé mêlant cumbia, psych-rock anatolien, surfgarage et pop accrocheuse. Le tout produit par Alex Kapranos, âme de Franz Ferdinand. À ses débuts, celui-ci clamait vouloir « faire danser les filles ». Comme un écho lointain, Los Bitchos ("les chiennes", en VF) déclare au NME : « nous voulons jouer partout dans le monde et faire danser les foules ». Bon programme ! Thibaut Allemand Bruxelles, 03.05, Botanique, 19h30, 20,50 > 13,50€, www.botanique.be Lille, 04.05, L’Aéronef, 20h, 10 > 5€, www.aeronef.fr Amiens, 07.05, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7€, www.lalune.net Dour, 17.07, Parc éolien, 13h30, 88€, www.dourfestival.eu (Dour Festival) 28



© Boris Rogez / ONL

VIVE LA LIBERTÉ Chaplin développe, au tournant des années 1916-17, le personnage de Charlot. Dans L'Émigrant, l’humour "slapstick" est mis au service d’un propos engagé – la misère des immigrants. On retrouve cette fantaisie pétaradante dans Charlot s’évade. Un propos pas si éloigné de Vive la liberté, mettant en scène deux fameux taulards : Laurel et Hardy. Ces trois courts films muets sont projetés sur des partitions signées Carl Davis et Jens Troester. Un sacré vagabondage ! T.A. Lille, 04 & 05.05, Nouveau siècle, 20h, 35 > 6€, www.onlille.com Orchies, 06.05, Contact Pévèle Aréna, 20h, 10€, www.onlille.com

© Eliot Lee Hazel

RODRIGO AMARANTE N’ayant hélas pas grandi dans les barrios de Rio de Janeiro, on n’a jamais écouté Los Hermanos au faîte de leur gloire, au début des années 2000. En revanche, on a découvert Rodrigo Amarante grâce à Little Joy, formation montée avec Fab Moretti, batteur des Strokes (un unique album, inusable). Depuis, Rodrigo a travaillé avec Gilberto Gil ou Norah Jones et s’est invité quotidiennement dans notre salon (le générique de la série Narcos, c’est lui). Ah, il a aussi trouvé le temps de signer deux albums solo impeccables, mêlant rock indé, folk, bossa et samba, chantés en anglais comme en portugais. L’applaudir serait la moindre des politesses, non ? T.A. Bruxelles, 05.05, Botanique, 19h, 27,50 > 19,50€, www.botanique.be Lille, 07.05, L'Aéronef, 20h, 10 > 5€, www.aeronef.fr 30



© Rob Baker Ashton

IGGY POP

Le roi lézardé Voici 53 ans que James Osterberg, alias Iggy Pop, incarne une espèce de totem du rock. Le rejeton azimuté d’un Sinatra sous électrochocs et d’un Jim Morrison qui ne se serait pas pris au sérieux. Les disques et les images d’hier révèlent encore une énergie incontrôlable, et une vie incontrôlée. Mais aujourd’hui ? Adulé, moqué, méprisé… Parfois dans cet ordre. Souvent, les trois à la fois. Tel fut le (relatif) calvaire d’Iggy Pop. Relatif, car même s’il a frisé la folie, flirté avec la mort et fricoté avec les hôpitaux psychiatriques, notre homme n’a jamais pointé au bureau quarante heures par semaine. Alors oui, c’est vrai, voici quelques années encore on ricanait de ce septuagénaire se démenant sur scène à la recherche de son temps perdu, imitant son "moi" passé. Aujourd’hui, le voilà émouvant. Est-ce nous ? Est-ce lui ? C’est l’époque, sans doute. Les frères Asheton cramés, le voilà seul survivant des Stooges. Bowie parti, Lou Reed six pieds sous terre, reste finalement celui à qui on donnait trois mois à vivre en 1970. Qu’a-t-il fait de tout ce temps ? Un peu de caricature, parfois. Des surprises (Avenue B), des disques embarrassants (ses Feuilles mortes, franchement…) et puis une fin de carrière plutôt heureuse (Post Pop Depression et Free, très dignes), plaçant sa voix ténébreuse à peu près partout où on l’invite - récemment, avec Thomas Dutronc... pourquoi pas ? Finalement, "l'iguane" aura passé sa vie à jouer au caméléon. Reconnaissons que ses derniers tours de piste ne manquent pas d'allure. Thibaut Allemand Lille, 10.05, Zénith, 20h, 85 > 56€, www.zenithdelille.com 32



© DR

LET'S GROOVE !

Nés avant-hier ou pouvant légitimement ouvrir des droits à la retraite, totalement brindezingues ou les deux pieds sur Terre, ils ont un point commun : le chic pour ambiancer un club new-yorkais comme un dancefloor londonien, la piste de danse de votre camping ou la contre-teuf dans la cuisine. Revue des troupes. Thibaut Allemand

ROY AYERS À tout seigneur, tout honneur : initié par Lionel Hampton himself, cet Américain a traversé les sixties en compagnie des plus grands avant de prendre les choses en main durant la décennie suivante. C’est alors l’âge d’or d’une certaine idée du jazz funk : citons Everybody Loves The Sunshine de Roy Ayers Ubiquity ou la BO de Coffy, monument de la "blaxploitation". Derrière, pendant que le maître travaillait avec Fela Kuti, les pionniers du rap pillaient ses plaques à la recherche de samples adéquats. Et voici comment, sans en avoir l’air, ce respectable vibraphoniste de 81 ans exerce une influence à la fois sur le jazz, la soul, le funk et le hip-hop ! Liège, 14.05, Reflektor, 21h, 27,50€, www.jazzaliege.be (Mithra Jazz) 34


ÉTIENNE DE CRÉCY Au sein de Motorbass, puis sous l'alias SuperDiscount, aux côtés de Daft Punk ou Air, il fut l’un des grands noms de la French touch. Depuis, Étienne de Crécy n’a cessé de fureter, de créer, collaborant avec, entre autres, Pos & Dave (De la Soul) et Baxter Dury ou imaginant le fameux Square Cube, ce dispositif scénique impressionnant et… cubique. Ah ! Il prit position en faveur de l’Union populaire de Mélenchon à l’occasion de l'élection présidentielle française – chose rare dans une scène électronique volontiers hédoniste, et suffisamment classe pour être soulignée. Charleroi, 06.05, Rockerill, 22h, 15/12€, www.rockerill.com

Bientôt dix ans que le collectif londonien mené par le producteur A.G. Cook triture la pop music pour en tirer un truc invraisemblable (facile) mais très accrocheur (beaucoup plus difficile). Sans doute la raison pour laquelle Charli XCX, Carly Rae Jepsen ou Caroline Polachek lui ont demandé de l’aide. Au Botanique, Hannah Diamond, Namasenda, Felicita et Ö vont jouer avec les codes, tremper des pépites pop dans la MD, sur fond de basses turbo-boostées et de voix über-vocodées. Ou comment jongler avec le racoleur et le charmant, le grotesque et le sublime. Fascinant ! Bruxelles, 07.05, Botanique, 19h, 31,50 > 18,50€, www.botanique.be

Namasenda © DR

© Marie De Crécy

PC MUSIC LABEL NIGHT

© Anna Victoria Best

JUNGLE

Les membres de Jungle ont débuté dans Born Blonde, un obscur groupe de rock comme on en ramassait à la pelle, au début de la dernière décennie. Puis nos petits Anglais ont découvert la soul, le funk et se sont réinventés. Aucun album imparable, mais quelques singles mémorables. Bien qu’un peu trop sages sur scène, Jungle ne rate jamais un concert. Normal : face à des titres tels Busy Earnin’, The Heat ou All of the Time, difficile de ne pas rendre les armes… et lever les bras. Bruxelles, 31.05, Forest National, 20h, 34€, www.forest-national.be 35


© Roger Sargent

PETER DOHERTY La résurrection

Il y a quelque chose de vertigineux à écrire sur Peter Doherty en 2022. Après tout, cela fait une vingtaine d’années qu’on pense qu’il ne la passera pas – l’année. Et puis aussi parce qu'on l’a perdu de vue, à raison (il est parfois navrant) et à tort (la flamme ressurgit régulièrement). Aujourd'hui, le plus frenchy des Anglais est-il enfin présentable ? Eh bien oui. Sa posture de poète maudit fatiguait. Or, l’homme en est revenu et, sans rien renier de son penchant pour la littérature (on ne va pas le lui reprocher) sait s’en amuser. Il évite ainsi le syndrome Nicola Sirkis – lui, en revanche, se contente de déchiffrer les quatrièmes de couverture, mais c’est un autre débat. Alors, avec "Pitou", il y eut des hauts et des bas. Dans les noms de groupe, déjà : passer des Libertines (Sade et Diderot, OK) aux Babyshambles (bébés secoués et crise d’adolescence, d’accord) et finir avec The Puta Madres (Manu Chao et bonnet péruvien ? Ah non alors !). La musique s’en est également ressentie. Moins allègre. De plus en plus pataude. Jusqu’à une reformation des Libertines pour l’argent, et assumée comme telle. Compréhensible. Mais triste. D’autant que bien accompagné, l’Anglais désormais installé en Normandie est encore capable du meilleur. En témoigne un dernier album composé par Frédéric Lo, qui voit Doherty tutoyer les cimes : timbre fragile mais en place, mélodies jaillies du ciel, arrangements soyeux… Franchement, en 2022, on n’en croit pas nos yeux. Ni nos oreilles. Quelles merveilles ! Thibaut Allemand Gand, 11.05, Handelsbeurs, 19h, 33,50/29,50€, www.handelsbeurs.be 36



© Alysse Gafkjen

JULIEN BAKER L'incandescente

Depuis quelques années émerge de l’autre côté de l’Atlantique une constellation indie-rock comme on n’en avait pas repérée depuis la décennie 1990. Une galaxie à dominante féminine, dont Phœbe Bridgers est à n’en pas douter l’astre central, suivie de près par ses consœurs du trio Boygenius : Lucy Dacus et Julien Baker. Cette dernière est probablement la plus incandescente du groupe, comme l’a démontré l’impressionnant Little Oblivions. Sur cet album la jeune musicienne (26 ans) déploie sur fond d’orages adolescents l’étendue ahurissante de ses talents. Composition, écriture, chant mais aussi production et interprétation multiinstrumentiste : Baker fait à peu près tout. Pourtant, loin d’être l’œuvre d’une solitaire, ces morceaux résolument rock appellent aussi le partage en public et sont taillés pour l’exercice de groupe. On a hâte de rencontrer cette déjà grande figure du songwriting enflammé. Rémi Boiteux Bruxelles, 14.05, Ancienne Belgique, 20h, 22/21€, www.abconcerts.be 38


Lille, 16.05, L'Aéronef, 20h, 10 > 5€, aeronef.fr Anvers, 19.05, Trix, 19h30, 19 > 15,50€ www.trixonline.be

© Hollie Fernando

MATTIEL Cela fait quelques années que ce duo américain formé par Mattiel Brown et Jonah Swilley rode dans les parages. Satis Factory (2019) fut célébré. Son successeur, Georgia Gothic transformera l'essai. Plus ambitieux, plus fouillé, plus mélodieux, le blues-rock d’autrefois soutient l'ensemble, certes, mais se pare d’atours pop synthétiques et de "hooks" mécaniques du meilleur effet. Bref, l’un des grands noms de demain… dès aujourd’hui. T.A.

© Brandon Mc Clain - @eathumans

WET LEG Elles ont débarqué l’an passé de l’île de Wight – on précise, mais vous aurez lu cette mention insulaire dans tous les articles qui leur sont consacrés. Vrai, c’est pas courant. Cette origine explique-t-elle la maestria avec laquelle les deux Anglaises maîtrisent la grammaire étrange jadis initiée par Dolly Mixture et The Au Pairs ? En tout cas, les autrices de l’un des singles les plus puissants parus ces dernières années (Chaise Longue, perfection pop punk) ont (enfin !) publié l’album qui allait avec – et l’on n’est absolument pas déçu. Reste à voir ce que tout ceci donne sur les planches, mais les échos sont déjà très, très élogieux ! T.A. Bruxelles, 15.05, Botanique, 19h30, complet !, botanique.be Charleville-Mézières, 17.08, Square Bayard 18h, 55/49€ cabaretvert.com (Cabaret vert) 39


PET SHOP BOYS

Bruxelles, 17.05 Forest National 20h, 93 > 50€ forest-national.be

Bêtes de scène C'est sans doute le duo le plus iconique de la pop britannique - en tout cas le plus vendeur. Formé en 1981 à Londres par le chanteur Neil Tennant et le claviériste Chris Lowe, Pet Shop Boys a trusté les charts du monde entier avec des titres devenus culte, enflammant les clubs (West End Girls) comme les stades (Go West). Toujours aussi mordants, auteurs de 14 albums (dont le dernier, Hotspot, est sorti en 2020), nos "garçons de l'animalerie" entament une tournée planétaire passant par Bruxelles, durant laquelle ils rejouent leurs plus grands hits. Passage en revue.

UN NOM AU POIL

quartier londonien, Neil D'abord baptisés West End, du nom d'un riche Shop Boys, clin d'œil à Pet pour te ensui t opten Lowe Chris Tennant et ait que ça sonnait trouv On « lerie. des amis travaillant dans une anima t-ils. ueron expliq » rap de e comme un group

HOMMAGE À MYLÈNE

En 1992, Neil Tennant rejoint Electronic, super groupe formé par Johnny Marr (The Smiths) et Bernard Sumner (New Order) pour composer Disappointed, un morceau influencé par... Désenchantée. « C'est mon petit hommage à Mylène Farmer », avouera le Londonien. Eh ouais. 40


pêle-mêle

MONT E LE SON

Quelque part entre le disco, la dance music, la new wave ou même le rap, Pet Shop Boys, c'est tout simplement la quintessence de la pop britannique. Soit un sens inné pour les mélodies faussement légères, des nappes de synthés envoûtantes, un peu de mélancolie ici, de romantisme par là... le tout saupoudré d'un goût "so british" imperceptiblement décade nt.

À L'OUEST

West End Girls synthétise les C'est le premier gros carton. Sorti en 1984, d'un poème de T.S Eliot, mais influences pop et hip-hop de PSB. Inspirée , cette chanson, sous ses Flash er mast aussi de The Message de Grand les à Londres, écartelée socia ices injust des traite rets, faux airs guille . orisé défav entre le West End aisé et l'East End

LA FORME ET LE FOND

GIVE ME 5

West End Girls, Being Boring, What Have I Done to Deserve it, Rent, Suburbia

© Phil Fisk

Derrière les mélodies accrocheuses , les textes entretiennent une subtile ambivalence. Rent évoque ains i les rent boys (prostitués londonie ns), brouillant les lignes morales entr e arrangements sexuels et financie rs. Avec Being Boring, l'écriture douce-a mère de Tennant est à son meilleur, il rend hommage à l'un ses amis d'adolescence décédé du sida. Un tour de force dans les années 1980.

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QUOI DE NEUF ?

© Julien Lachaussee

Si vous pensez qu’un musicien a tout dit dans son premier album, passez votre chemin. Ici, on s’intéresse aux artisans qui, dix mille fois, remettent l’ouvrage sur le métier. Ces quatre noms font partie de notre décor – de celui de nos parents, parfois. Alors, chefs-d’œuvre en péril, baudruches cent fois rafistolées ou monuments incontournables ? Thibaut Allemand

Peter Hook a joué dans deux formations qui ont révolutionné la scène musicale de leur temps et ce, à chaque fois sans le faire exprès. Lui qui a quitté New Order voici 15 ans chérit toujours la scène, mais n’a pas vraiment de nouvelles chansons à jouer. Alors ce soir, il rend hommage à Ian Curtis, chanteur de Joy Division, dont le deuil n’a pas encore été tout à fait achevé. Une affaire de famille, puisque le sexagénaire embarque son guitariste de fiston. Ainsi, sont revisités les deux albums Unknown Pleasures (1979) et Closer (1980) en intégralité. Spoiler : le meilleur morceau, c’est Ceremony… puisque repris par New Order. Lille, 12.05, L'Aéronef, 20h, 26 > 19€, www.aeronef.fr

© Steven Sebring

PETER HOOK & THE LIGHT

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MACY GRAY Lorsqu’à la fin des années 1990, fraîchement divorcée et trois enfants sous le bras, Macy Gray quitte L.A. et rentre chez sa mère, elle mit de côté ses rêves de musique. Mais un label la convainc de revenir. Bingo ! On How Life Is (1999) est un carton porté par le tube I Try. Le reste est de haute volée : des reprises de Metallica, Radiohead ou Stevie Wonder et une dizaine de disques impeccables mêlant jazz vocal, soul inspirée, R&B classieux… Le tout chanté d’un timbre éraillé reconnaissable entre mille.

Ah, Suede ! Les sauveurs du rock anglais (enfin, en 1992). Androgynes comme Bowie, ambigus comme Morrissey, adeptes de poses glam et de textes farfelus (Animal Nitrate, ah bon ? Metal Mickey, vraiment ?). Coming Up, troisième album paru en 1996, vit la bande de Brett Anderson contrainte de ferrailler avec Blur, Oasis, Pulp, Supergrass – la Britpop, dont Suede fut l’un des précurseurs. 26 ans plus tard, ce disque s’écoute agréablement, sans être un classique de la période. Joué ici en intégralité, il ne demande donc qu’à être redécouvert... Bruxelles, 23.05, Cirque Royal, 20h, 39€ www.cirque-royal-bruxelles.be

Anvers, 01.06, De Roma, 20h, 29/27€ www.deroma.be

© DR

© Giuliano Bekor

SUEDE

PATTI SMITH Pour être tout à fait honnête, on n’a jamais compris à quoi servait Patti Smith… Qu’a-t-elle fait ? Des albums de rock classiques et poussifs – seule la pochette du premier avait de l’allure. Alors, pourquoi elle ? Parce que Madame Smith ne jure que par Rimbaud, devenant ce que Luchini est à La Fontaine et Céline : une fan un peu encombrante. Allez, on est dur : pour beaucoup, Patti, ce sont les noces du punk rock new-yorkais et de la littérature. On peut lui préférer Lou Reed, Richard Hell ou Dee Dee Ramone. C’est ainsi ! Bruxelles, 31.05 & 01.06, Cirque Royal, 20h, complet ! 43


Label affaire

Lorsque votre ami Brice indique, extirpant de son sac en toile un vinyle tout neuf, « c’est signé chez Born Bad », plusieurs informations se télescopent dans votre esprit : il est décidément bien snob, ce Brice, mais il a bon goût. Et, surtout, ne serait-ce pas l’accomplissement pour une écurie d’artistes d’être citée comme un gage de qualité, prévalant même sur l’identité de ses poulains ? C’est la prouesse réalisée par ce label parisien fondé par JB Wizz, et qui fête ses 15 ans. Comment cette maison en est-elle arrivée là ? Que s'est-il passé entre sa première référence (un EP de Frustration en 2006) et cette reconnaissance qui s’étend jusqu'aux colonnes du Figaro ? Il y a le succès populaire du premier album de La Femme en 2013. Citons aussi ces rééditions qui consacrent Born Bad comme le conservateur en chef d’un patrimoine musical englouti. Et puis l'essentiel : des signatures remarquables, qui en font le meilleur radar de la production hexagonale à guitares. À Lille, on attend quatre de ses ambassadeurs dans un format "B2B", où les groupes jouent en alternance sur la grande scène et celle, plus intimiste, du club. Au programme ? Un hommage à la pop (Arthur Satàn), une variation glam du shoegaze (Bryan’s Magic Tears), du postpunk trempé dans le disco (Vox Low) et un cocktail de garage tropical (Cannibale). Noté, Brice ? Mathieu Dauchy

Bryan's Magic Tears © Emma Le Doyen

BORN BAD RECORDS

Bryan’s Magic Tears + Arthur Satan + Vox Low + Cannibale Lille, 28.05, L'Aéronef, 20h, 19 > 11€, aeronef.fr 44



Après deux années infernales, les Paradis artificiels remettent enfin le couvert. On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait. Autrefois dispersé aux quatre coins de la métropole, le festival initié par À Gauche de La Lune se concentre désormais sur un seul site : la Halle de glisse, à Lille, soit un skatepark couvert de 2000 m2. Côté musique, on change aussi de cap, cette 14e édition privilégiant une affiche 100% rap, ici décliné sous toutes ses (meilleures) acceptations. La preuve par quatre. J.D.

© DR

LES PARADIS ARTIFICIELS

Les feux de la rampe

LAYLOW Laylow a grandi dans la métropole toulousaine, comme Bigflo et Oli, et c'est le seul point commun qu'il partage avec ces inoffensifs frérots. Pour tout dire, notre homme fait figure d'ovni dans le rap français, creusant depuis ses débuts le sillon d'une SF dystopique et cyberpunk, tendance Matrix (ses deux derniers albums s'intitulent Trinity et L’Étrange histoire de Mr. Anderson) poussant le concept jusqu'à monter sur scène avec un vrai-faux bras bionique. Une esthétique servant des clips léchés et un « rap digital » dit-il, bardé de synthés et lorgnant vers la trap déglinguée de Travis Scott. Pas de doute : le futur, c'est mieux maintenant. Lille, 03 & 04.06, Halle de glisse, ven : 16h & sam : 13h, pass 1 jour : 45/39€ • pass 2 jours : 70 > 60€ www.lesparadisartificiels.fr Sélection / 03.06 : Laylow, Luv Resval, SDM, Zinée, Makala, Captaine Roshi, Eesah Yasuke, Sally 04.06 : Zola, Josman, Ziak, Kikesa, Lujipeka, Jäde, Zamdane, Ichon, Mara, Ben Plg et Sto…


© Awa

© RS Tour

MAKALA

ZOLA

Avec la sortie de Radio Suicide en 2019, Jordy Makala affolait les puristes avec un son old-school, nimbé de funk et de soul, et démontrait que le rap suisse n'avait définitivement rien d'un oxymore - comme Di-Meh ou Slimka avant lui. L'autoproclamé artiste « le plus méchant » de la scène hip-hop francophone fait à nouveau résonner son flow syncopé dans Chaos Kiss. La formule reste la même : production vintage, egotrip à gogo et mauvaises intentions, comme il l'annonce dans Boss : «Tout niquer, c'est le game plan…». Nous voilà prévenus.

Aurélien N'Zuzi Zola, c'est l'homme qui a dit "non" aux Américains (comme Jacques Chirac en 2003) refusant de travailler avec Jimmy Duval, le producteur du Look at Me de XXXTentacion... parce qu'il n'aimait pas ses sons. Repéré par Kore, le boss du label AWA, ce rappeur qui porte le marcel comme personne ne se distingue pas forcément par la finesse de ses écrits, comme le suggère son patronyme. Par contre, il n'a pas de leçon à recevoir lorsqu'il s'agit d'enflammer une scène avec ses mélodies trap. Authentique, en somme.

© Helmi

JOSMAN Considéré à ses débuts en 2016 comme le "meilleur espoir du rap français", Josman poursuit depuis une carrière trop discrète. À l'accueil mitigé de son deuxième album, le bien nommé Split, le Vierzonnais répondait en mars dernier avec le plus réussi M.A.N., devenant un temps l'artiste le plus écouté en France sur Spotify. Pourvoyeur d'un rap sombre et rugueux (le fameux triptyque alcool, drogue et billets verts), entre drill et boom bap poisseux, ce stakhanoviste de la rime n'a certes pas inventé la poudre, mais sait la faire parler, surtout sur scène... 47


PARQUET COURTS

© Pooneh Ghana

Non contents d’avoir signé avec Wide Awake ! (2018) l’un des plus beaux albums de leur carrière, nos Texans délocalisés à Brooklyn ont récidivé. Certes, Sympathy for Life n’est pas aussi réussi, et demeure moins homogène. Mais les pépites rythmiques s’y pressent à comme à la parade, et c’est bien sur les planches que des morceaux comme Walking at a Downtown Pace ou Plant Life prennent toute leur force. Et comme on ne garantit pas la longévité de cette formation, on ne ratera pas ce concert… T.A.

et aussi… LUN 02.05 SIMPLE MINDS

Lille, Le Zénith, 20h, 70>49,50€

MAR 03.05 MYD + PAPOOZ + LEWIS OFMAN

Anvers, 22.05, Trix, 19h, 23,50€, trixonline.be Tourcoing, 31.05, Le Grand Mix, 20h, 22 > 6€, legrandmix.com

DIM 08.05 HUBERT LENOIR

Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 14>6€ SEGA BODEGA

VEN 20.05

MER 11.05

Bruxelles, La Madeleine , 20h, 25€

CRYSTAL MURRAY + K.ZIA

BLOC PARTY + PIP BLOM

PNL

YAN WAGNER + PIERRE DE MAERE

PNL

Lille, Le Zénith, 20h, 45>40€

VEN 06.05 FRANZ FERDINAND

Lille, Le Zénith, 20h, 45/39€ IBRAHIM MAALOUF

Mons, Théâtre Royal, 20h, 59>39€

S A M 0 7. 0 5 DUA LIPA

Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 85>40€ HOOVERPHONIC

Bruges, Concertgebouw, 20h, 49,50>34,50€ BAPTISTE W. HAMON

Lille, L’Aéronef, 20h, 30>22€ Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 13/8€

VEN 13.05 FISHBACH + ZAHO DE SAGAZAN

Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12€

SAM 14.05 RAPHAËL

Hem, Zéphyr, 20h, 37/33€ NO ONE IS INNOCENT + TOYBLOÏD

Calais, C.C. G. Philipe, 20h30, 16€

DIM 15.05 IBRAHIM MAALOUF

Lille, Théâtre du Casino Barrière, 18h, 64>49€ NICK WATERHOUSE + KOKOROKO

Lille, L’Aéronef, 18h30, 26>19€

Lille, La bulle café, 20h30, 17€

JEU 19.05

KIMBEROSE

DEMI PORTION

Oignies, Le 9-9 bis, 20h30, 17/14€

Bruxelles, La Madeleine , 20h, 32€

MAR 10.05

MER 04.05

JEU 05.05

L’IMPÉRATRICE

MAXIME LE FORESTIER

KID FRANCESCOLI

Lille, Le Zénith, 20h, 45>40€

Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>44€

Bruxelles, Botanique, 21h30, 20,50>14,50€

Bruxelles, Botanique, 19h, 27,50>19,50€

Bruxelles, Bota, 19h30, 20,50>13,50€

JANE BIRKIN

Lille, Le Flow , 19h, 20€

Mons, Th. Royal, 20h, 49,50>39,50€

PLK

Lille, Le Zénith, 20h, 44>34€ KEREN ANN & QUATUOR DEBUSSY

Arques, La Barcarolle, 20h30, 20/18€ RAPHAËL

Béthune, Théâtre de Béthune, 20h30, 34>17€

DIM 22.05 WHITE LIES + CHARMING LIARS

Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 23>6€

MER 25.05 AROUND FESTIVAL : AMRK PAWLOWSKI - BASSWELL - VIPER DIVA (SHLOMO & HADONE) - TRYM…

Lille, Le Zénith, 20h30, 25€

JEU 26.05 WARPAINT + LOW HUM

Bruxelles, Ancienne Belgique, 19h, 28/29€ KEVIN MORBY

Anvers, De Roma, 20h, 23/25€

SAM 28.05 VAUDOU GAME

Hénin-Beaumont, L’Escapade, 20h, 12>8€Ven 20.05

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disques Toro y Moi Mahal

(Dead Oceans)

Le producteur préféré des designers graphiques ajoute un pixel (le septième en douze ans) à son œuvre. Pour filer la métaphore, la trajectoire de Chaz Bear est celle d’un orfèvre de la palette numérique qui découvre les arts plastiques et finit par troquer son trackpad contre des pigments et des pinceaux. Paresseusement étiquetée "chillwave" à ses débuts, la pop électronique du Californien trouve dans ce Mahal sa pleine expression. Ses compositions retrouvent le relief aperçu sur Outer Peace en 2019, avec le titre Ordinary Pleasure en guise de sommet. C’est désormais au sein de l’écurie Dead Oceans, soit l’open space de Khruangbin, Kevin Morby, Phosphorescent et Shame que l’on retrouve Toro y Moi. À 35 ans, Chazwick n’est plus un geek, et ne se contente plus d’empiler des pistes avec un logiciel. Largement marqué par le psychédélisme, qu’il soit rock (The Medium), funk (Millennium), jazz (Last Year) ou carrément Beatles (Déjà Vu), Mahal étourdit. Cette profusion d’ambiances n’est pas l'œuvre de l’architecte hésitant mais bien celle d’un homme maîtrisant son spectre sonore, qui s’élargit tout en s’affirmant. De la très haute définition. Mathieu Dauchy

Spiritualized Everything Was Beautiful (Bella Union / PIAS)

Il aura marqué les 80’s avec Spacemen3 et les 90’s avec l’un des chefs-d’œuvre de 1997, le fameux Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space, gigantesque somme de soul narcotique. Près de trente ans plus tard, Jason Pierce porte beau et n’a rien perdu de son talent. Présenté, à l’image du précité Ladies…, sous des allures de boîte de médicaments, ce huitième LP marie encore chœurs féminins soul et chant hautain et fatigué, quand guitares, batterie et synthés organisent la noce entre les Stooges, le Velvet et Hawkwind. Comme les précédents, ce disque s’écoute extrêmement fort, afin d’en saisir les reliefs, les creux et les saillies d’une matière sonore sculptée avec un soin maniaque. La meilleure prescription médicale de l’année. Thibaut Allemand 50


!!! Let It Be Blue

Father John Misty Chloë and the Next 20th Century

(Warp / Boogie Drugstore)

(Bella Union / PIAS)

On aime bien !!! (qu'on prononcera "Chk Chk Chk"). Mais, un peu snob sur les bords, on s’est toujours plu à rajouter, depuis 20 ans : « enfin, le premier EP, surtout ». Mauvaise nouvelle, on ne pourra plus le dire. Car, si au fil de leurs huit albums, les Californiens avaient su se réinventer et conserver une certaine, hum, élégance (et en short lycra, vous essaierez !), jamais la bande de Nic Offer n’avait convaincu et séduit à ce point. Ouvert par un morceau acoustique et déroutant, Let It Be Blue se débat entre bangers hard-house, electrofunk, synth punk 80's, des clins d'œil à Suicide, une reprise de REM et même de potentiels tubes radiophoniques ! Bref, indatable et singulier, ce disque pourrait envoûter pas mal de nouveaux tympans. T. A.

Longtemps, on s’est tenu à l’écart. À cause du passé (les Fleet Foxes, bâillements) et d’un pseudonyme étouffe-chrétien. Oublions le Father, c’est Misty qui compte : brumeux. Un écran de fumée. À la manière d’une Lana Del Rey, avec laquelle il a collaboré, FJM joue avec les artifices, mêlant musique et cinéma. Surpassant la rétromania de ces 25 dernières années, l’Américain remonte aux années 1930 dès l’ouverture, digne d’un big band à la Tommy Dorsey. Ailleurs, Funny Girl évoque Chet Baker ou le jeune Sinatra, quand la bossa Olvidado (Otro Momento) est entonnée en espagnol… et non en portugais. Comme pour insister sur l’aspect fake de l’affaire. Faux, mais pas dénué d’émotion ni de savoir-faire. Father John Misty nous enfume ? On s’en remplit les poumons. T. A.

Belle and Sebastian A Bit of Previous (Matador / Beggars)

Un dixième album comme un bilan après pas loin de 30 ans de carrière. Pas mal, pour ce qui avait commencé comme un projet de fin d’études dans lequel les intéressés, timides et complexés, avaient jeté leurs dernières forces sans oser y croire. Sans tourner le dos au passé (Young and Stupid et Do It for Your Country renvoyant à la simplicité des précieux premiers EP) les Écossais poursuivent leur chemin, entre blue-eyed soul (Come on Home) et pop volontiers synthétique (A World Without You, Prophets on Hold…). On peut regretter, évidemment, la fragilité des débuts, ces mélodies célestes jouées de façon un peu gauche. On peut aussi attendre la suite, la curiosité piquée par un morceau comme l’étrange valse country Deathbed of My Dreams. Thibaut Allemand 51


livres Théo Lessour Berlin Sampler (Le Mot et le Reste)

Initialement parue en 2009 chez la petite, précieuse et hélas disparue maison Ollendorff et Desseins, Berlin Sampler est une somme (ici augmentée) retraçant plus d’un siècle de musique à Berlin, de 1904 à nos jours. Kolossal, d’autant que l’auteur n’élude rien : Schönberg, Weill et Brecht, Dietrich, Bowie, Ash Ra Tempel, Einstürzende Neubauten, Brian Eno, Nick Cave, le Berghain… Un vrai catalogue ? Non, et c’est là tout l’intérêt. Divisé en quatre parties, l’essai présente d’abord l’ErnsteMusik (les musiques classique et contemporaine). Puis s'intéresse à l’Unterhaltungsmusik – en gros, la pop au sens large, de la chanson allemande traditionnelle à la pop "à l’américaine", du cabaret au jazz. Suit l’A-Musik, pour les créations bruitistes, sonores, plutôt que mélodiques. Et enfin, last but not least, la techno, évidemment. L’auteur se penche généreusement sur chaque œuvre et, à l'opposé d'un bête commentaire factuel et sans vie, offre un point de vue personnel, éclairé et étayé, s’appuyant sur le contexte politique, culturel, économique et social. On peut, dès lors, le butiner au hasard, ou le lire d’une traite, comme une véritable histoire. Genau ! 384 p., 25€. Thibaut Allemand

Justin Fenton La Ville nous appartient (Sonatine éditions)

Considérée comme un modèle par la hiérarchie policière qui saluait son impressionnant rendement, la brigade spéciale menée par Wayne Jenkins s'adonnait en réalité à l'intimidation, au racket, au vol ou encore au recel de drogues. Journaliste au Baltimore Sun, Justin Fenton raconte cette histoire sidérante avec une précision et une limpidité remarquables. Ce qu'il dépeint n'est pas seulement la déroute morale de quelques hommes. C'est le résultat, extrême, d'une politique du chiffre et d'une organisation sociale qui criminalise volontiers la partie noire de la population. S'il fallait une preuve de la qualité de cette enquête au long cours, on indiquera qu'elle vient d'être adaptée en minisérie par le grand David Simon (The Wire,...). 416 p., 22€. Raphaël Nieuwjaer 52


Mathieu Bermann Un Début dans la vie

Jerry Seinfeld Et c'est tout ? (H&O éditions)

(P.O.L)

Diffusée entre 1989 et 1998, la sitcom Seinfeld a largement contribué à populariser le stand-up. À la fin de chaque épisode, Jerry se retrouvait sur scène pour un petit numéro. Au fil des 180 épisodes, sa voix et son rythme sont devenus si familiers qu'on croirait encore l'entendre en lisant ce recueil rassemblant l'essentiel des histoires qu'il a écrites entre les années 1970 et aujourd'hui. S'il n'est peut-être pas le plus féroce ou audacieux des comedians, Jerry Seinfeld a un génie évident pour triturer le quotidien. Qui d'autre pourrait faire rire avec le dernier morceau de savon ou le destin d'une éponge utilisée au-delà du raisonnable ? Complété par quelques notes autobiographiques, ce livre est des plus réjouissants. 448 p., 23€.

Empruntant son titre à Honoré de Balzac, Mathieu Bermann poursuit ici dans la voie de l’autofiction. Le narrateur est ainsi un écrivain, invité à passer un week-end chez les parents d’un proche. Et le romancier s’y rend le cœur en branle, excité et anxieux à l’idée de rencontrer "Malo la terreur", dont on lui a dépeint un portrait peu reluisant. Malo, le neveu de son ami qui, à quatre ans et demi, n’a jamais connu de vraies règles, et ne comprend pas pourquoi sa maman vient de prendre la tangente... En contant l’émotion qui saisit son personnage face à cet enfant avide d’attention, en imaginant un autre destin pour cette famille dysfonctionnelle, l’auteur livre un texte où l’élégance de la plume rencontre la brutalité de la vie. 176 p., 18€.

Raphaël Nieuwjaer

Marine Durand

Lupano & Ohazar Vikings dans la brume. Tome 1 (Dargaud)

On ne présente plus le scénariste prolixe Wilfrid Lupano, derrière la saga à succès Les Vieux Fourneaux mais aussi et surtout Un Océan d’amour ou, plus récemment, la brillantissime Bibliomule de Cordoue. Pour la première fois, il s’associe avec le dessinateur Ohazar, qui n’est autre que son jeune frère. Ici, le tandem renoue avec une tradition du neuvième art typique de Goscinny et Uderzo ou Karibou (Salade César) : découper l’Histoire en grandes tranches de rires. Dans des strips relativement courts (trois ou quatre cases) sont contées la vie d’un village viking et les mésaventures de leurs guerriers partis à l’assaut de… le savent-ils vraiment, au juste ? Certains gags font mouche, d’autres sont plus attendus, mais l’ensemble demeure de très bonne tenue. 64 p., 13€. T. Allemand 53


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© 5A7 Films - Lotta Films


I COMETE

Temps de parole Premier long métrage du Corse Pascal Tagnati, I Comete saisit les langueurs et les crispations rythmant la vie estivale d'un petit village à flanc de colline. Des familles, des amis se retrouvent, les générations se côtoient… Surtout, cette suite de saynètes suscite une interrogation : pourquoi n'y a-t-il pas davantage de films tournés sur l'Île de beauté ? Caméra fixe, cadre large : la mise en scène ne dérogera guère à ces principes. Cela pourrait étouffer toute vitalité, c'est le contraire qui se produit. Car ce qui circule avant tout, c'est la parole. Longue introspection au bord du lit, joute violente sur la place publique, conversation graveleuse sur fond de fête... tous les registres y passent. Et les acteurs de se mêler aux habitants, sans que l'on sache toujours très bien qui est qui. Le plaisir du film naît d'abord de cette verve largement partagée. Mais bientôt on s'interroge sur ce qui lie ces fragments. Quelques figures se détachent (le fils adoptif d'un ancien maire tout-puissant, un ex-taulard en quête d'insertion ou un enfant du pays revenu après une déception amoureuse), sans que la mosaïque forme véritablement un tableau achevé. Moment présent Pascal Tagnati préfère en réalité les béances et l'opacité, laissant au spectateur le soin d'imaginer là une vieille querelle de pouvoir, ici un amour déçu. L'été est évidemment propice à cette manière de privilégier l'intensité du moment à une quelconque efficacité dramatique. I Comete n'en est pas moins un film d'une grande tenue, dont chaque plan impressionne à la fois par sa maîtrise et sa liberté. Rares sont les œuvres capables de faire entendre, avec une égale justice, la parole de chaque génération. Plus qu'un joli décor, ce bout de Corse devient un lieu que Tagnati nous permet d'habiter. Raphaël Nieuwjaer De Pascal Tagnati, avec Jean-Christophe Folly, Pascal Tagnati, Cédric Appietto... En salle

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Tomasz Ziętek © Łukasz Bąk

VARSOVIE 83, UNE AFFAIRE D'ÉTAT Mémoire vive Prix du public et de la critique lors du dernier Arras Film Festival, ce thriller politique retrace l'assassinat, en 1983, d'un jeune homme par la police du général Jaruzelski, dernier dirigeant du régime communiste polonais. La tentative d'étouffement de cette affaire par les autorités entraînera un soulèvement populaire et, in fine, annoncera la chute du pouvoir en place. Varsovie 83, une affaire d'état de Jan P. Matuszynski, rend hommage à Grzegorz Przemyk, fils de Barbara Sadowska, une poétesse et militante anticommuniste. Arrêté avec quelques camarades parce qu’il n’avait pas ses papiers, le jeune homme est battu avec sauvagerie par la milice citoyenne (la police de Jaruzelski). Il décèdera 48 heures plus tard, à l'aube de ses 19 ans. Pour contrer l’engagement de sa mère et le combat de son ami Jurek, le gouvernement et les renseignements polonais font pression sur des proches, travestissent la vérité, traînent la victime dans la boue, organisent une parodie de procès… Filmé avec l’efficacité du cinéma d’action, le récit réveille une époque pas si lointaine : le soulèvement de Solidarność face au régime totalitaire polonais des années 1980. Porté par l’interprétation sidérante de Tomasz Ziętek, galvanisé par la musique d’Ibrahim Maalouf, Varsovie 83, une affaire d'état, est un grand thriller politique, dressant un pont entre passé et présent. Comme le déclare le cinéaste : « en ravivant la mémoire nous espérons que l'histoire ne se répète pas ». Puisse-t-il être entendu… Grégory Marouzé De Jan P. Matuszynski, avec Tomasz Zietek, Agnieszka Grochowska, Tomasz Kot... Sortie le 04.05

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© Arte Distribution

FIGRA En prise directe Le 22 mars dernier, Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka étaient les derniers journalistes à quitter la ville de Marioupol, en Ukraine. Sur France 2, la reporter Stéphanie Perez craignait alors un « trou noir de l’information », nous rappelant à quel point ce travail est essentiel, surtout à l'heure de la propagande et des "fake news", où les faits valent moins que les croyances. Voilà justement 29 éditions que le FIGRA* met à l'honneur les reporters ou documentaristes œuvrant sur le terrain, témoignant avec justesse de l’état du monde. La guerre dont souffre l’Est de l’Europe occupe évidemment une place importante cette année. Dans Poutine, le retour de l’ours dans la danse, Frédéric Tonolli analyse ainsi la politique expansionniste du maître du Kremlin – car oui, l’Ukraine n’est qu’une étape. On découvre aussi l'enquête menée par Ksenia Bolchakova et Alexandra Jousset dénonçant les crimes de la société paramilitaire russe Wagner. D’autres productions remettent également sur le devant de la scène des horreurs n'occupant plus la "une" des journaux, mais qui hélas perdurent. Citons le film Les rêves brisés des Afghanes, dans lequel Pierre Monégier donne la parole à ces femmes dont les espoirs ont été réduits à néant par le retour des talibans… Il s'agit de montrer, et dire, pour ne pas oublier. Maïssam Mezioud * Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société Douai, 31.05 > 05.06, Cinéma Majestic, pass festival : 12€ (une séance offerte puis chaque séance à 2€) • 1 séance: 4€, www.lefigra.fr Sélection / Frédéric Tonolli - Poutine, le retour de l’ours dans la danse Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova - Wagner, l’armée de l’ombre de Poutine Pierre Monégier - Les rêves brisés des Afghanes

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Alors qu’une opération a décimé son unité en Afghanistan, le soldat Christian Lafayette revient en France pour renouer avec une vie normale. À son retour, il est mêlé malgré lui à un trafic d’opium. La mission dont ses frères d’armes et lui sont les seuls survivants n’était pas celle qu’ils imaginaient… À la croisée du polar et du cinéma d’action, social et politique, ce premier long-métrage de Mathieu Gérault offre des rôles sur-mesure à deux des acteurs les plus doués de leur génération : Niels Schneider (Diamant noir) et Sofian Khammes (La Nuée). Ce dernier bouleverse dans la peau d’un jeune homme d’origine maghrébine, brisé, mutilé par la guerre, qui a cru à l’armée comme moyen d’intégration. Un film "viril" mais pas dénué de sensibilité ni de pertinence. On aime ! Grégory Marouzé

© UFO Distribution

De Mathieu Gérault, avec Niels Schneider, Sofian Khammes, India Hair, Denis Lavant... En salle

© Susumu Mitsunaka

SENTINELLE SUD

DÉTECTIVE CONAN : LA FIANCÉE DE SHIBUYA Dans le quartier de Shibuya, à Tokyo, le détective Conan doit enquêter sur une affaire complexe, mêlant terrorisme, vengeance, personnages mystérieux et inquiétants… Véritable institution au Japon (où le petit héros créé par Gosho Aoyama est décliné sous forme de séries TV, produits dérivés, jeux vidéo…), Détective Conan connaît avec La Fiancée de Shibuya sa 25e (!) adaptation au cinéma. Cette aventure signée Susumu Mitsunaka (aussi derrière l’anime de volley-ball Haikyū!!) s’adresse, comme ses prédécesseurs, aux publics adolescents et adultes. Naviguant entre action, comédie et drame, cet épisode aux styles graphiques variés impressionne pour ses séquences d’action au découpage impeccable, ses plans de ville vertigineux, que Michael Mann ou Christopher Nolan ne renieraient pas. Grégory Marouzé De Susumu Mitsunaka. Sortie le 18.05 59


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WINNING TIME La main au panier

En 1979, les Los Angeles Lakers sont dans le creux de la vague, distancés par les Boston Celtics et boudés par le public. Un ancien chimiste et investisseur immobilier rusé en profite pour racheter la franchise. Sous sa direction, le basketball va entrer dans l'ère du spectacle... Produite par Adam McKay (auteur du récent Don't Look Up : Déni cosmique), Winning Time est un tourbillon narratif qui ne néglige rien de son sujet. Didactique mais toujours séduisante, la série envisage le club comme entreprise capitaliste, le jeu comme stratégie et l'équipe comme collectif humain. L'entrée dans les années 1980 marque aussi un passage de relais entre la génération impliquée dans la lutte pour les droits civiques et celle qui se laissera portée par les plaisirs de la célébrité et de la consommation. L'opposition pourrait être caricaturale entre l'austère Kareem AbdulJabbar (Solomon Hughes) et le fougueux Earvin "Magic" Johnson (Quincy Isaiah). Mais la relation se révèle plus subtile, sortant Abdul-Jabbar de sa raideur physique et morale, et soulageant Johnson de sa naïveté adolescente. Portée par l'euphorie du changement, la série est profondément travaillée par l'insatisfaction et la décrépitude. Fugaces, les triomphes sportifs se révèlent moins un acquis qu'une hantise. S'appuyant sur un casting brillant (notamment le toujours formidable John C. Reilly, et le trop rare Jason Segel), cette première saison pose ainsi les fondations d'une fresque qui s'annonce absolument passionnante. Raphaël Nieuwjaer De Max Borenstein et Jim Hecht, avec John C. Reilly, Quincy Isaiah, Jason Clarke, Gaby Hoffmann… Dix épisodes disponibles sur OCS. 60


EMPRESS OZOUA, Roubaix 2022 © YZ

La Condition Publique Place Faidherbe, Roubaix 31.03 — 24.07 20 22




événe

ment

UTO

The doctor, 2021 © Kim Simonsson

Chimère nature

Après s'être lancé à la conquête de l'Eldorado, en 2019, lille3000 inaugure sa sixième édition thématique, et nous invite cette fois à repenser notre rapport à la nature et au vivant. Durant six mois, la métropole lilloise et ses 95 communes accueillent des artistes du monde entier, se métamorphosant ici en jardin d'Eden, là en forêt magique, pour stimuler notre imagination et l'action écologiste. À l'heure du bouleversement climatique et d'enjeux environnementaux de plus en plus prégnants, il s'agit là d'inventer le monde de demain, tout en s'émerveillant. C'est un rendez-vous désormais très attendu dans le nord de la France - et bien au-delà. Capitale européenne de la culture en 2004, Lille vibre depuis lors au rythme

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PIA d'un événement artistique et festif unique dans l'Hexagone (environ tous les trois ans), mêlant grands cycles d'expositions, spectacles vivants, projets participatifs...

« Oui, c'est un peu ovni dans le paysage culturel national », s'enthousiasme Caroline Carton, responsable des arts visuels à lille3000. Et qui dit ovni dit ?... petits hommes verts, pardi ! Enfin, ceux façonnés par Kim Simonsson culminent tout de même à cinq mètres de haut... Entre autres métamorphoses urbaines jalonnant la ville, ce Finlandais dévoile sur la "Rambla", rue Faidherbe, ses fameux Moss People, soit des sculptures représentant des enfants couverts de mousse verte, comme s'ils ne faisaient plus qu'un avec le monde végétal. •••

Memory, 2021 © Kim Simonsson

« Éveiller les consciences grâce à l’art »

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Jaider Esbell, Snakes

Spécialement déclinés dans un format XXL pour l'occasion, ces personnages dignes d'un conte de fées illustrent parfaitement la thématique défendue dans la métropole lilloise durant six mois. L'enfance de l'art Baptisée Utopia, cette sixième édition s'intéresse en effet aux liens qui unissent l'être humain à la nature. Il s'agit « d'éveiller les consciences grâce à l’art et à la création », selon la maire de Lille, Martine Aubry. Les artistes n'ont pas été choisis pas hasard, démontrant tous un engagement certain. « Il faut aussi qu'ils nous racontent

une histoire pour que le public apprécie pleinement leurs œuvres », poursuit Caroline Carton, pour qui cette grand fête artistique doit être avant tout synonyme d'« émerveillement ». Parmi les chocs esthétiques promis dans le Nord, citons Les Vivants, exposition organisée au Tripostal invitant à décaler notre regard anthropocentré, tandis qu'à la Gare Saint Sauveur, on joue plutôt la carte de la dystopie avec des installations souvent monumentales, annonçant l'avènement du "Novacène", nouvelle ère qui doit succéder à l’Anthropocène (période caractérisée par les effets de l'activité humaine sur la planète). ••• 66


Joanna Rajkowska, The Hatchling Blackbird, 2019 © Justyna Scheuring

FÊTE D'OUVERTURE « Depuis 2004 et le Bal Blanc, nous sommes très attendus sur ce sujet », sourit Charles Bonduaeux, chargé de coordination à lille3000, qui précise : « cette année, nous organisons une fête majestueuse, pas simplement une parade ». Le programme s'étale de midi à minuit, en particulier dans trois zones : les parcs Matisse et François Mitterrand accueillent concerts et happenings, le square Foch prend des allures de guinguette quand la Grand'Place nous téléporte dans Alice au Pays des Merveilles, sous la baguette d'Art Point M. À partir de 19h30, la grande parade s'élance du pont Le Corbusier avec ses chars, gonflables représentant des animaux chimériques et ses 300 participants habillés des ponchos de Tom Van der Borght. Lauréat du prix mode du Festival de Hyères, en 2020, ce créateur belge s'est fait connaître avec des vêtements composés de matériaux recyclés. Il donne le ton de cette thématique, entre audace et respect de l'environnement. Pour le reste ? Vous avez quartier libre. Lille, 14.05, dès 12h, divers lieux 67


Ce squelette de chien se tenant debout, comme un humain, censé avoir été retrouvé des siècles après notre époque, n'augure ainsi rien de bon quant à notre avenir… Un peu secoués par cette projection, on pourra toujours se requinquer dans le labyrinthe de fleurs lumineuses conçu par la Portugaise Joana Vasconcelos, transformant la maison Folie Wazemmes en Jardin d'Eden. Ou alors se réfugier dans la Maison du Maxitos que JeanFrançois Fourtou a posée sur l'îlot Comtesse. Soit un espace où la taille des objets et du mobilier a été démultipliée, nous renvoyant illico en enfance, âge propice à toutes les utopies… Julien Damien •••

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UTOPIA / Métropole lilloise & Hauts-de-France 14.05 > 02.10, divers lieux, www.lille3000.eu

JEAN-FRANÇOIS FOURTOU Ce sont de petits personnages à tête de légumes. La légende dit qu'ils vivent sous terre et poussent dans les potagers avant de devenir de sacrés jardiniers. Sortis de l'imagination de Jean-François Fourtou, ces petits êtres hybrides (appelés "Nanitos" ou "Minitos", selon leur taille) s'épanouissent un peu partout dans la métropole. En regardant bien, vous en croiserez du côté de l'Hospice Comtesse… Lille, musée de l'Hospice Comtesse

Nanitos, Jean-François Fourtou © Maxime Dufour photographies

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Joana Vasconcelos, Ostfriesland, 2017 © Rudi Feuser

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© Joana Vasconcelos, Valkyries

JOANA VASCONCELOS

Première femme à exposer au Château de Versailles, cette artiste portugaise s'est révélée avec ses Valkyries, soit de gigantesques sculptures gonflables qu’elle habille de broderies, soieries, paillettes, fleurs ou perles. Elle a installé une de ces œuvres tentaculaires dans la Gare Lille Flandres et une autre à la maison Folie Wazemmes - où l'on découvrira aussi sa monumentale théière en fer forgé et habillée de jasmin. Lille, Gare Lille Flandres & maison Folie Wazemmes

LES VIVANTS

Tony Oursler, Mirror Maze (Dead Eyes Live), 2003

Monté par la Fondation Cartier, ce parcours nous invite à réinventer une nouvelle cohabitation avec la faune et la flore, à l'instar du Grand orchestre des animaux de Bernie Krause. Ce bioacousticien a passé 50 ans à enregistrer les sons de la nature. Cette installation nous immerge littéralement dans ce chant produit par des espèces, qui pour beaucoup ont disparu… À découvrir aussi, les œuvres d’artistes amérindiens (et un peu chamanes) encore jamais vues sous nos latitudes. Lille, Tripostal 70



Annette Messager, La Revanche des animaux, 2019-2021. Peluches, dessins, sculptures recouvertes de papier noir, lumière électrique ; h. 300 x l. 500 x p. 440 cm. Courtesy Marian Goodman Gallery, Paris, Londres, New York. © Rebecca Fanuele 72


© Atelier A. Messager

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expos

interview

ANNETTE MESSAGER Conte à rebours

Figure majeure de l'art contemporain, Annette Messager investit le LaM de Villeneuve d'Ascq avec des pièces emblématiques (notamment Dessus-dessous) et surtout nombre d'œuvres inédites, réalisées durant la crise sanitaire. Intitulée Comme si, cette exposition rassemble dessins, installations ou sculptures. Elle témoigne aussi de son obsession pour le quotidien, dont elle a fait son principal matériau de réflexion, auquel elle ajoute une pincée d'humour noir et une bonne dose de fantastique. Entretien avec une observatrice avisée de notre temps, où il sera question de féminisme, de mort ou d'une humanité brinquebalante. Que verra-t-on lors de cette exposition ? Quelle est sa particularité ? Elle rassemble des dessins, des installations, des assemblages... Des œuvres anciennes mais aussi très récentes, comme La Revanche des animaux, créée spécialement pour Villeneuve d'Ascq. C'est une installation figurant une cité en partie détruite : la Tour Eiffel est cassée, Notre-Dame très abîmée... Tout est recouvert de papier noir, le sol paraît calciné. Par contraste, des têtes de peluches colorées grimpent sur ces éléments, envahissent la ville,

comme si les animaux prenaient leur revanche sur l'humanité. Vous dévoilez aussi beaucoup de dessins ici, n'est-ce pas ? Oui, j'adore dessiner, c'est un vagabondage, un exercice proche de la poésie. Ces dessins se présentent tels des haïkus, simples, jetés comme une petite phrase, et tant mieux si c'est un peu maladroit. On redevient d'ailleurs un enfant en dessinant. Disons que j'ai une main de petite fille et une autre de vieille ••• dame ! 73


Quels dessins révélez-vous ici ? Citons la série Tête à tête, qui représente 77 têtes de mort, réalisées à partir de 2019. Ce sont des vanités, un grand classique de l'histoire de l'art mais les miennes sont très ironiques, un peu dans l'esprit de Tim Burton. Il se trouve qu'à ce momentlà j'étais très malade. Mon médecin m'avait intimé de ne pas porter de choses lourdes, donc je me suis mise à dessiner. S'agissait-il alors de conjurer la mort ? Oui, pour moi l'art c'est à la fois la conspiration, la conjuration et la contradiction. Effectivement, j'ai toujours envie de faire une chose et son contraire ! Comment avez-vous conçu la parcours de cette exposition ? Je voulais donner l'impression d'une visite chez moi et non pas dans un musée d'art contemporain. L'éclairage est donc important, on joue avec l'intensité de la lumière à certains endroits. Le parcours n'est pas du tout chronologique mais tout en bifurcations. Que découvrons-nous dans la première salle ? Daily, soit une installation constituée de grands éléments suspendus en skaï noir représentant des objets du quotidien, auxquels on s’attache parfois de façon absurde comme une clé, un téléphone... De petits

êtres humains en tissu y sont accrochés avec des fils, comme des pantins. Ils semblent dérisoires à coté de toutes ces choses gigantesques. Tout ça à un petit côté sado-maso. Pourquoi accordez-vous tant d'importance aux éléments quotidiens ? Je pense qu'il n'y a rien de plus surréaliste, bizarre ou inquiétant que le quotidien. Donc j'aime bien utiliser des objets de la vie de tous les jours en les déformant, les triturant... Vous dévoilez ici une œuvre appelée Requiem pour Jeanne… Oui, à l’origine de ces dessins il y a cette image qui me fascinait lorsque j'étais petite fille, une peinture kitsch où l’on voit Jeanne d’Arc sur le bûcher, accrochée à une immense croix.

« Il n'y a rien de plus bizarre que le quotidien. » Il s’agit d’une œuvre de Lenepveu qui se trouve à Paris. J'aime beaucoup cette figure. Jeanne d'Arc est l'une des premières féministes, une guerrière au milieu de soldats masculins qui gardait son armure pour ne pas se faire violer. C'était une femme forte alors qu'elle n'avait aucune éducation, ne savait ni lire ni écrire. Son image souffre aujourd'hui d'avoir été récupérée par l'extrême droite... je voulais donc la réhabiliter. 74


 Annette Messager, Vagin ailé, 2018. Acrylique liquide sur papier; 54 x 40 cm. Courtesy Marian Goodman Gallery, Paris, Londres, New York. Photo: Atelier Annette Messager. © Adagp, Paris, 2022  Annette Messager, Daily, 2015-2016. 21 éléments en skaï noir et tissus, 9 rats en black wrap et peinture noire, filets; dimensions variables. Courtesy Marian Goodman Gallery, Paris, Londres, New York. Photo: Atelier Annette Messager.© Adagp, Paris, 2022

La figure féminine et le rapport au corps traversent aussi votre travail. Vous montrez par exemple ici un vagin ailé… Oui, on a représenté d'innombrables phallus dans l'histoire de l'art, alors pourquoi pas des vagins ? Je vais aussi montrer pour la première fois en France un papier peint de petits utérus tout à fait charmant ! Qu'aimeriez-vous que le public ressente en quittant le LaM ? C'est difficile de se mettre à la place des gens. Une fois, à Beaubourg, je me suis promenée au sein de

ma propre rétrospective. Et puis quelqu'un derrière moi m'a dit : "mais poussez-vous, vous me dérangez, je ne vois rien !". Cette personne avait raison : d'une certaine façon mes œuvres appartiennent à tout le monde... Propos recueillis par Julien Damien

Villeneuve d'Ascq, 11.05 > 21.08, LaM mar > dim : 10h-18h, 10/7€ (gratuit -12 ans) www.musee-lam.fr À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com 75


Femme han, peinture d’exportation, gouache sur papier de riz, Chine, 19e siècle, © Musée royal de Mariemont 76


LA CHINE AU FÉMININ

ition

expos

Droit de cité

Tout au long du xxe siècle, entre guerres et révolutions, l’empire du Milieu a connu de nombreux bouleversements politiques et sociaux. Si l’on retient généralement les noms de Tchang Kaï-chek, Mao Zedong ou Deng Xiaoping, le Musée royal de Mariemont a choisi de mettre en lumière les femmes, figures exceptionnelles ou anonymes, qui ont bâti l’histoire moderne de la Chine. « Dans le monde, une femme sur cinq est chinoise, affirme Lyce Jankowski. Pourtant, on ne sait pas grand-chose d’elle ». Longtemps, les Occidentaux furent fascinés par ces inconnues, qu’ils imaginaient discrètes et dociles. « Nous voulions dépasser ces fâcheux stéréotypes », poursuit la conservatrice du Musée royal de Mariemont. À Morlanwelz, parures, tableaux, extraits de films ou objets du quotidien révèlent des personnages féminins puissants, combatifs. Une photographie datant du début du xxe siècle montre ainsi l’impératrice Cixi qui a régné sur la Chine durant plus de 40 ans ! L'émancipation Au fil de ce parcours chronologique, le public découvre aussi comment les Chinoises ont surgi dans l’espace public ces dernières décennies. De nombreuses affiches de

propagande révèlent des "femmes d’acier", fidèles au parti communiste, (forcément) souriantes, fortes et indépendantes. Il est vrai que le xxe siècle a favorisé leur émancipation. « Elles ont acquis des droits fondamentaux comme celui du vote, une réduction des inégalités salariales ». Mais, ne nous y trompons pas, si leur condition s'améliore à la faveur du développement économique et au renforcement du sytème juridique, il reste beaucoup à faire. Le musée en a bien conscience. « On ne prétend certainement pas que les Chinoises sont libres, on tient à leur offrir un espace pour exister ». En cela, le pari est réussi. Maïssam Mezioud

Morlanwelz, jusqu’au 23.10, Musée Royal de Mariemont, mar > dim : 10h - 18h, gratuit musee-mariemont.be

>>> œuvres commentées page suivante >>> 77


PLANS RAPPROCHÉS Les femmes portent la moitié du ciel sur leurs épaules

© Musée départemental des arts asiatiques, Nice

Parmi les œuvres exposées, on découvre des affiches de propagande issues de la collection Jasmine Nour. Le titre de celle-ci emprunte à une déclaration de Mao Zedong lors de l’avènement de la République populaire de Chine. Trois figures sont ici représentées. La première tient une clé plate, la deuxième un marteau et la dernière réajuste son casque militaire. Elles incarnent les différentes fonctions valorisées par la société communiste. Cette image s’inscrit dans le cadre de vastes campagnes menées durant la seconde moitié du xxe siècle pour libérer les femmes de l’espace domestique.

© Zhou Wenjing

affiche de propagande, Chine, 1974

Red Series No.3, Zhou Wenjing, 2019 Cette œuvre de l'artiste chinoise Zhou Wenjing fait partie d’une série de sculptures réalisées en plâtre blanc. Plongée dans un liquide vermillon, la statue se colore progressivement, le corps vire au rougeâtre inquiétant. « Elle renvoie aux menstruations, à la grossesse, à l'écoulement de sang rythmant la vie du corps féminin », analyse Lyce Jankowski. Ce n’est pas la première fois que Zhou Wenjing se penche sur l'intimité voire les souffrances physiques endurées par les femmes. En 2014, sa première création s'intéressait au stérilet, que beaucoup de Chinoises ont utilisé durant la politique de l’enfant unique, mais sans en connaître la date d’expiration. Une fois périmé, celui-ci a provoqué des maux abdominaux, des lésions ou infections… « Mon travail montre à quel point la douleur est une partie essentielle de nos vies », confirme l'artiste. 78



TOMI UNGERER Une vie de brigand

Que connaît-on de Tomi Ungerer ? Assurément ses albums pour enfants, des Trois Brigands à Jean de la Lune, références absolues de la littérature jeunesse. Un peu moins ses illustrations caustiques, ses dessins érotiques ou son œuvre férocement engagée. Séance de rattrapage à la Fondation Folon.

Eat, affiche contre la guerre du Vietnam, 1967 80


Black Power / White Power Affiche contre le ségrégationnisme, 1967

On trouve entre l’aquarelliste belge Jean-Michel Folon (1934-2005) et l’auteur et illustrateur alsacien Tomi Ungerer (1931-2019) bien des points communs. « Ils ont quitté la France pour trouver la reconnaissance aux États-Unis après la guerre, avaient pour modèle le dessinateur américain Saul Steinberg, portaient un regard critique sur notre société », énumère Pauline Loumaye, responsable des expositions à la Fondation Folon. Il était donc naturel pour le musée du Brabant wallon d’accueillir cette exposition, soit 80 dessins sélectionnés dans un fonds foisonnant de 14 000 pièces. Un engagement sans faille Bien sûr, le parcours en dix thèmes s’arrête sur ses ouvrages jeunesse drôles et émouvants aux personnages atypiques, tel ce mutilé de guerre dans Le Chapeau volant. Mais on découvre aussi 60 ans de recueils satiriques, dont le savoureux The Party, moquant les soirées mondaines de New York, une vie de globe-trotteur, entre l’Amérique, la Nouvelle-Ecosse et l’Irlande, et une grande variété de techniques (gouache, collage, encre de Chine). Parce qu’on « ne peut comprendre

les combats d’Ungerer sans connaître son enfance sous occupation allemande », un volet de l’exposition revient sur ses dessins de jeunesse, des caricatures de nazis. Ses affiches politiques, contre la guerre du Vietnam ou le ségrégationnisme, avec le poster choc Black Power / White Power (1967), racontent aussi un défenseur enragé (parfois incompris) des droits humains, et de la liberté d’expression. Marine Durand La Hulpe, jusqu'au 26.06, Fondation Folon mar > ven : 9h-17h • sam & dim : 10h-18h, 15 > 5€ (gratuit -6 ans), fondationfolon.be

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© Exhibition Hub - 2022

POP MASTERS En haut de l'affiche

Courant artistique majeur de la seconde moitié du xxe siècle, né avec la société de consommation et la communication de masse, le pop art n'a peut-être jamais été aussi en vogue - et pour cause. Installée sur la Grande-Place, cette exposition dévoile 150 affiches originales des trois maîtres du genre : Andy Warhol, Roy Lichtenstein et Keith Haring. Ces pièces d'exception sont issues des collections du Musée des arts et métiers de Hambourg, en Allemagne, et certaines n’ont jamais été montrées en Belgique. Des images culte, comme les célèbres Campbell's Soup Cans de Warhol ou Crack is Wack de Keith Haring, fresque dénonçant les ravages de la cocaïne, côtoient des créations moins connues. Au fil de ce parcours thématique (un espace, un artiste) sont ainsi révélées des œuvres commandées par des institutions culturelles dès les années 1960 (théâtres, festivals de cinéma, opéras...) ou des mouvements politiques. On découvre par exemple une série de posters aux couleurs acidulées signées Keith Haring à l’occasion du Montreux Jazz Festival, ou un ticket géant demandé par le Lincoln Center for the Performing Arts à Andy Warhol. Enfin, ce Tintin Reading, réalisé par Roy Lichtenstein en 1993 selon la fameuse technique du point Ben-Day, fait figure de joli clin d'œil à la patrie d'Hergé. Maïssam Mezioud Bruxelles, jusqu’au 29.05, Grand-Place tous les jours sauf mardi : 10h-17h, 12,50 > 7,50€ (gratuit -4 ans), expopopmasters.be 82



Merci de déranger ! Pendant que certaines pièces du Musée de Picardie voyagent au Louvre-Lens, l’institution amiénoise (qui a rouvert ses portes après trois ans de travaux) accueille les céramiques contemporaines de la Piscine de Roubaix, pour un dialogue avec ses propres collections. Cela donne des rencontres humoristiques et incongrues au sein d’une même vitrine entre Astro Boy et des céramiques gallo-romaines, illustrant des thèmes comme l’alimentation ou la religion – qui, eux, traversent toutes les époques. Amiens, jusqu'au 28.08, Musée de Picardie mar > ven : 9h30 - 18h • sam > dim : 11h - 18h 7 /4€ (gratuit -26 ans), amiens.fr

Sol LeWitt

Créatures, bestiaires fantastiques de la bande dessinée

Des lignes, des figures isométriques, des aplats de couleurs vives. Solomon "Sol" LeWitt (1928-2007) a construit durant la deuxième moitié du xxe siècle une œuvre identifiable au premier coup d’œil, oscillant entre graphisme, dessin mural et sculpture. Dès lors, comment éclairer d’un jour nouveau le travail d’un artiste mondialement célèbre ? Ce défi est ici brillamment relevé. Les incontournables (Wall Drawings) s’y mêlent à l’inédit (son rapport à la spiritualité) pour révéler les obsessions de ce pionnier du mouvement conceptuel.

Le Musée des beaux-arts de Calais ouvre toujours plus ses portes à la culture pop. Après le street art, place à la bande dessinée. Montée en partenariat avec l’association On a Marché sur La Bulle (qui organise les RendezVous de la BD d'Amiens), cette exposition célèbre le neuvième art à travers un sujet bien particulier : les créatures fantastiques. Où l’on croisera toutes sortes d’elfes, de lutins, centaures, krakens, licornes, animaux-robots, d’orques… et bien sûr de dragons !

Bruxelles, jusqu’au 31.07, Musée Juif de Belgique, mar > ven : 10h-17h • sam > dim : 10h-18h, 12/7€ (grat. -12 ans), mjb-jmb.org

Calais, jusqu’au 06.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans) www.mba.calais.fr

Déesse © Charlotte Beaudry

Teen Spirit « L’adolescence est la seule période où l'on puisse parler de vie au plein sens du terme », selon Michel Houellebecq. Sans doute, mais quelle adolescence ? Le BPS22 réunit une centaine d’œuvres contemporaines signées d’illustres noms (de Teresa Margolles à Nan Goldin, en passant par Larry Clark) pour mieux ausculter cet âge empli de mystères et de contradictions. Derrière ce titre empruntant à un hymne universel de Nirvana sur le mal-être de la jeunesse, se cache une exposition dénuée de clichés - mais pas d’émotion. Charleroi, jusqu'au 22.05, BPS22, mar > dim : 10h-18h 6 > 3€ (gratuit -12 ans), bps22.be 84



© Michel Vanden Eekhoudt

Michel Vanden Eeckhoudt Cofondateur de l’agence VU, Michel Vanden Eeckhoudt (1947- 2015) fut connu pour ses photographies en noir et blanc d’animaux aux faux airs d'êtres humains, mais aussi pour les quidams saisis dans les interstices du quotidien. Le Bruxellois capturait des situations a priori banales (ici la promenade d'un chien, là une équilibriste en plein échauffement) pour en révéler toute leur étrangeté, humour ou mélancolie. On se délecte de ces improbables télescopages à Charleroi à travers une sélection de quelque 250 clichés. Charleroi, jusqu'au 22.05, Musée de la Photographie mar > dim : 10h-18h, 8 > 4€ (gratuit -12 ans), museephoto.be

Beyrouth. Les Temps du design

Gaillard & Claude. A Certain Decade

Place forte du design, la scène libanaise a connu son véritable essor à l'aube des années 2000. De l'atelier de lustres fondé par César Debbas en 1934 au projet Minjara, qui redonne vie à l’artisanat du bois de Tripoli en soutenant les victimes de l’explosion qui dévasta la capitale, cette exposition retrace les grandes étapes de cette histoire artistique. Où l'on découvre comment cette cité, située à la croisée de l'Orient et de l'Occident, a transformé son multiculturalisme en une force créatrice unique.

Depuis leur rencontre à l'aube des années 2000, les Français Gaillard et Claude produisent des pièces protéiformes, entre sculpture en plâtre, impression textile ou musique électronique. D'apparence hybride, ces créations s'apparentent à des accidents poétiques croisant tout et son contraire. Cette exposition rétrospective (la première en Belgique) célèbre une œuvre souvent drôle, curieuse et propice aux doubles sens et sous-entendus.

Hornu, jusqu'au 14.08, Centre d'innovation et de design, mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans), www.cid-grand-hornu.be

Hornu, jusqu'au 18.09, MACS mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans) www.mac-s.be

Aline Bouvy Aline Bouvy n’a que faire du politiquement correct ni du "bon goût". Cette plasticienne s’attaque aux sujets de société (la sexualité, le genre, la violence…). Elle conteste toute forme d'entrave au désir, les normes qui empêchent les corps. Entre « vagabondage sexuel » et « batifolages queer », cette exposition intitulée Cruising Bye convoque matériaux dépréciés ou postures décadentes, défilé de policiers androgynes et sorcières pour mieux dézinguer le patriarcat et l’hétéronormativité. Hornu, jusqu'au 18.09, MACS, mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans), www.mac-s.be 86



Rome, la cité et l'empire La dernière fois que les salles romaines du Louvre ont fermé pour travaux, c’était… pendant la Seconde Guerre mondiale ! Autant dire que l’occasion de délocaliser quelque 300 chefs-d'œuvre de l’Antiquité ne se représentera pas de sitôt. À Lens, cette exposition rassemble statues, reliefs, portraits, bijoux, tablettes ou objets d’art, et ausculte aussi bien la construction de la "ville éternelle" comme cité-État que la vie quotidienne de ses habitants. Un parcours inédit, balayant cinq siècles d'Histoire. Lens, jusqu'au 25.07, Louvre-Lens, ts les jours sauf mardi, 10h-18h, 11 > 6€ (gratuit -18 ans), louvrelens.fr

Urbain.es

Lorsqu’il s’agit d’évoquer de grands artistes belges, les noms de Magritte, Brueghel ou Van Eyck reviennent immanquablement. Mais connaissiezvous Anto Carte ? Ce Montois trop discret en France demeure l’un des plus grands peintres du Royaume. Naturalistes, teintés de symbolisme, ses tableaux célèbrent le monde paysan et la vie dans le Borinage via le prisme de l’iconographie chrétienne. Le BAM lui consacre une exposition exceptionnelle, réunissant 80 toiles à découvrir au fil d'une déambulation méditative.

Vous avez aimé Street Generation(s) ? Alors vous adorerez Urbain.es. Après le succès d'une première exposition célébrant 40 ans d’art urbain, en 2017, la Condition Publique remet le couvert. Ce nouveau parcours interroge cette fois la place de la femme dans la ville, toujours sous le regard avisé de Magda Danysz. La célèbre galeriste réunit à Roubaix œuvres iconiques et créations in situ, signées d'une vingtaine de street artistes du monde entier, et pour qui l’engagement n’est pas un vain mot.

Mons, jusqu’au 21.08, BAM mar > dim : 10h-18h, 9/6€ (gratuit -12 ans) www.bam.mons.be

Roubaix, jusqu'au 24.07, La Condition Publique mer > dim : 13h30-19h, 8 > 3€ (gratuit -18 ans) laconditionpublique.com

Eugène Leroy, Maternité - Bambara, huile sur toile © collection particulière, photo Sophie Delmas

Anto Carte. De terre et de ciel

Eugène Leroy. À contre-jour Ses toiles denses, recouvertes de multiples couches de peinture sont reconnues dans le monde entier. Vingt-deux ans après sa mort, Eugène Leroy nous réserve encore bien des surprises. Cette exposition ausculte son œuvre fascinante à travers deux approches. À la lumière de ses rencontres et inspirations artistiques (citons Eugène Dodeigne ou James Ensor) puis au regard de la scène contemporaine et des artistes que le Tourquennois a influencés (comme Bernard Plossu ou Philémon Vanorlé), dans un contre-jour inédit. Tourcoing, jusqu'au 02.10, MUba Eugène Leroy tous les jours sf mar : 13h-18h, 5,50/3€ (gratuit -18 ans) 88


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R E G N A R DÉ

10/21 - ©Raphaël Chipault ©Alain Leprince

26 mars >>28 août 2022

CÉRAMIQUES CONTEMPORAINES LA PISCINE DE ROUBAIX S’INVITE AU MUSÉE DE PICARDIE

LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL


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Ubu Cabaret © DR


théâtre & danse

iTAK

Les possibilités d'une île C'est une tradition dans la cité du Clair de Lune, qui a toujours agrémenté le printemps d'un grand festival. Il y a eu les Inattendus, puis les Folies, Via, Supervia... Voici maintenant iTAK. À Maubeuge, mais aussi Bruxelles, Mons ou Valenciennes, en salle ou à l'extérieur, cette programmation célèbre le spectacle (bien) vivant, entre danse, cirque, théâtre, musique… et parfois tout cela en même temps. Le choix du nom n'est pas anodin. « J'avais envie de quelque chose qui sonne comme une onomatopée », débute Géraud Didier, le directeur du Manège de Maubeuge, à la baguette de ce nouveau rendez-vous. L'intitulé renvoie aussi à Ithaque, cette île qu'Ulysse quitte avant de la retrouver après un long périple initiatique. « Comme les meilleurs spectacles finalement, synonymes de voyages émotionnels et intellectuels ». Soit 35 propositions soulevant de sérieuses questions (le genre, la politique, le climat) « mais dans un esprit plutôt joyeux ». À l'instar d'Ubu Cabaret, relecture déjantée de la farce sur le pouvoir signée Alfred Jarry, ici interprétée par des drag queens, entre coups de revolver et courses de bicyclettes ! Du rap qui dérape Au rayon décalage, citons aussi Métagore Majeure, où deux duchesses nous donnent rendez-vous dans une friche industrielle, en pleine nuit, pour déclarer leur flamme à Booba. Eclairées par les phares d'une voiture, habillées en costume d'époque, ces dames que B2O prend pour des "biatchs" démontrent elles aussi un sens certain de la punchline. Enfin, Michel Moglia donne un tout autre sens à la notion de feu d'artifice. Ses "chants thermiques" racontent une humanité soumise aux aléas climatiques... avec des orgues à feu, soit d'immenses sculptures sonores crachant des flammes de plusieurs mètres. En somme, le show et l'effroi. Julien Damien

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La preuve par

© kvde.be

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iTAK

POQUELIN II (tg STAN) Plus qu'un spectacle, une grande fête théâtrale… à la sauce flamande ! C'est-à-dire baroque, loufoque et jubilatoire. Le collectif tg STAN (soit "Stop Thinking About Names") célèbre comme il se doit les 400 ans de la naissance de Molière. Après une première relecture de l'œuvre de Jean-Baptiste Poquelin au début du millénaire, les Anversois récidivent en se réappropriant cette fois L’Avare et Le Bourgeois gentilhomme. Sur une grande estrade en bois, pile dans la tradition originelle du théâtre de tréteaux, sept comédiens incarnent durant près de trois heures tous les personnages des deux pièces, avec un sens inégalé du ridicule et de l'autodérision. Qu'il s'agisse de railler l'avidité du pouvoir, le mensonge, la cupidité ou la volonté de puissance, les Belges rendent grâce à un répertoire immortel avec force mimiques et regards évocateurs, tandis que les répliques fusent comme des balles de fusil jusque dans les coulisses - où même le souffleur se prend une soufflante. Un jeu sans artifice, mais terriblement efficace. La comédie à l'état pur. Maubeuge, 06 & 07.05, La Luna, 20h

Maubeuge, Bruxelles, Mons & Valenciennes, 05 > 25.05, Le Manège, La Luna & divers lieux 1 spectacle : 9€ • 1 soirée (plusieurs spectacles) : 12€ • Pass festival (accès à tous les spectacles) : 50€, www.lemanege.com Et aussi / 05.05 : Clinic Orgasm Society - George // 07.05 : Jean Lambert-wild & Lorenzo Malaguerra - Ubu Cabaret, Claudio Stellato - Performance // 09 & 10.05 : Christoph Marthaler - Aucune idée // 11.05 : Superamas - L'Homme qui tua Mouammar Kadhafi // 13 & 14.05 : Augustin Rebetez & Niklas Blomberg - Voodoo Sandwich // 14.05 : Hugues Duchêne - Je m'en vais mais l'État demeure (voir p. 94) // 18.05 : Cie Canicule - Métagore Majeure // 19.05 : Alain Damasio & Yan Péchin - Entrer dans la couleur, Joël Pommerat - Contes et légendes // 21.05 : Michel Moglia - Aléas climatiques, Groupe F - Insomnie // 24 & 25.05 : Gurshad Shaheman - Les Forteresses… 92


AUCUNE IDÉE

(Christoph Marthaler)

© Simon Gosselin

Dans cette succession de saynètes poético-absurdes, le comédien Graham F. Valentine et le violoncelliste Martin Zeller s'interrogent sur un étrange phénomène : la lacune. D'ou vient-elle ? Où se niche-t-elle ? "Aucune idée" répond le duo, dans un spectacle empruntant à Buster Keaton comme à Jacques Tati.

© Laura Morales

Maubeuge, 09 & 10.05, Le Manège, 20h

THIS IS NOT A LOVE SONG (Lola Giouse / La Division de la joie)

Derrière ce titre rappelant un hymne punk de Public Image Ltd se cache une pièce fiévreuse. Simon Hildebrand et Géraldine Dupla y racontent l'incandescence de leur nuit d'amour, la décrivant dans le détail en se posant mille questions sur l'acte charnel. Où il sera question de désir, de complicité et de légèreté. Maubeuge, 13.05 Jardin des Cantuaines, 22h30

L'HOMME QUI TUA MOUAMMAR KADHAFI (Superamas)

Familier des pièces mêlant fiction et réalité, le collectif Superamas pousse son art toujours plus loin. Dans ce spectacle documentaire, et pour la première fois en France, un ancien officier de la DGSE révèle à visage découvert ce qu'il sait des véritables causes de la mort de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011. Interrogé sur scène par le journaliste Alexis Poulin, ce témoin rare fait toute la lumière sur l'assassinat du dictateur libyen, et répond même aux questions du public. Une plongée exceptionnelle dans les eaux troubles de la géopolitique. Feignies, 11.05, Espace Gérard Philipe, 20h 93


© Simon Gosselin

théâtre

& danse

interview

HUGUES DUCHÊNE Reality show

C'est une aventure aussi ambitieuse que jubilatoire. Depuis 2016, Hugues Duchêne et ses complices de la compagnie le Royal velours résument le premier quinquennat d'Emmanuel Macron sur scène… à raison d'une heure par année. Quelque part entre le théâtre documentaire et la comédie, Je m'en vais mais l'État demeure revisite avec un humour mordant les événements qui ont marqué l'actualité, depuis l’avènement d’En Marche ! jusqu'à l'accession au second tour de Marine Le Pen, en passant par la crise des gilets jaunes ou la gestion de la pandémie. À la veille de la présentation de l'intégralité de ce spectacle évolutif à Valenciennes, rencontre avec un metteur en scène disruptif. 94


© Simon Gosselin

Quand et comment cette pièce estelle née ? En 2016, on avait débuté l'année persuadés qu'Alain Juppé serait le prochain président de la République, et qu'Hillary Clinton serait élue de l'autre côté de l'Atlantique, mais rien ne s'est passé comme prévu. Ça promettait pas mal de bouleversements, une recomposition du paysage politique. J'ai donc écrit une pièce d'une heure racontant l'année qui venait de s'écouler, soit cinq minutes par mois, pour retracer les faits les plus marquants : la démission d'Emmanuel Macron du ministère de l'Économie, le démantèlement de la "jungle" de Calais, l'élection de Trump...

Que s’est-il passé ? Ça a très bien marché ! On m'a donc demandé la suite. Il fallait alors imaginer la production au long cours d'une pièce s'écrivant en permanence et qui, à la fin du quinquennat, durerait six heures, abordant chaque fois un thème différent (l'année parlementaire, l'année médiatique...) avec des personnages récurrents, comme une série théâtrale. Six heures, c’est à la fois très long et très court... Le zapping est assumé. J'essaie de faire en sorte que le public ne s'ennuie jamais, au risque de céder aux travers de l'époque comme la surinformation. ••• 95


Pour autant, nous présentons tout cela avec beaucoup plus de distance et d'humour qu'une chaîne d'info en continu.

« Une pièce conçue comme une série théâtrale. » premiers épisodes sont une bonne piqûre de rappel, pour comprendre ce qui a changé et comment on est revenus au point initial, avec ce duel Macron-Le Pen (un peu décevant d'un point de vue narratif...). Sinon, vous n'avez pas manqué de matière avec ce quinquennat, entre la pandémie, les gilets jaunes, la guerre en Ukraine… C'est vrai, d'un point de vue très cynique, on a eu beaucoup de chance ! On aurait été bien plus embêtés s'il avait fallu livrer six heures de spectacle sur le quinquennat de François Hollande, assez plat mis à part les attentats ou l'affaire Leonarda. Qu'en est-il de la mise en scène ? C'est vraiment du théâtre d'acteur. À part un écran en fond de scène, sur

© Simon Gosselin

Prenez-vous en compte les derniers rebondissements de ce quinquennat ? Oui, pour Valenciennes on écrit un passage évoquant le second tour. Les dernières scènes sont toujours très fraîches. Pour cette représentation on apprend nos textes durant les deux jours précédents ! Les cinq lequel sont projetées mes photos et des vidéos, puis quelques chaises, le plateau est nu. Il y a aussi une batterie et un piano. On interprète quelques reprises, par exemple de Juliette Armanet, des chansons en rapport avec l'année évoquée. Vous parlez aussi beaucoup de vous, n'est-ce pas ? Oui, j'entremêle ma petite vie et celle du pays. Dès le premier épisode, une actrice joue le rôle de ma sœur m'annonçant qu'elle est enceinte. L'enfant grandit au fil du spectacle, qui lui est adressé. Mon neveu aura cinq ans en août 2022 et ne se souviendra pas de ces années-là. C’est donc comme si on lui disait : "voilà comment ça s'est passé, et comment on en est arrivé là"… Propos recueillis par Julien Damien Valenciennes, 14.05, Le Phénix, 14h, 25 > 10€ www.lephenix.fr (festival iTAK, voir page 90) À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com 96



Belgium Remix - LABO Marni mars 2021 © Cloe Brockmann

J'AI ÉTÉ ÉDUQUÉ DE MANIÈRE AUTORITAIRE ET FRANCOPHILE Lignes de fracture

C'est un petit pays traversé de grandes contradictions. Une nation composée de frontières intérieures invisibles, où l'on parle plusieurs langues, et parfois même en anglais pour s'entendre… Dans cette pièce, Laurent Plumhans regarde la Belgique pour mieux ausculter nos fractures intérieures, et celles du monde. Raconter la grande histoire à travers la petite. Telle est l'ambition de Laurent Plumhans. Dans C'est quand la délivrance ?, l'auteur et metteur en scène observait l'impact du chômage de masse sur le quotidien des jeunes générations. Pour sa nouvelle pièce, il s'intéresse cette fois à « la situation explosive contemporaine du monde », entre crises migratoires, environnementales et politiques, et prend pour point d'ancrage la situation de son pays, la Belgique, écartelée entre deux cultures pas franchement enclines au rapprochement. « C'est d'autant plus cocasse et paradoxal que Bruxelles est la capitale de l’Europe » précise-t-il. Sur scène, nous suivons ainsi la vie d'un couple "mixte" : elle est francophone, lui néerlandophone, avec ce que cela suppose d'incompréhensions. Le spectacle, écrit en plusieurs langues, est entrecoupé « de moments de conférence », convoquant quelques apôtres du "vivre ensemble", comme Thomas Piketty ou Cynthia Fleury. Et s'apprécie comme une allégorie de la fracture, à plusieurs échelles, de l'individu à l'Europe voire à celle de la planète. Tout un monde qui, à l'image de la patrie de Magritte, « pourrait être d’une grande richesse » mais demeure un « incompréhensible chaos… ». Julien Damien Bruxelles, jusqu’au 04.05, Théâtre Marni, 20h (+ 13h30 le 03.05), 17 > 6€, theatremarni.com 98



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(V)îvre © Ian Grandjean


LES FLANDROYANTES Le sens de la fête

Comme une envie de convoquer la devise belge (l'union fait la force) face au joli projet des Flandroyantes. Pourtant, c’est bien du côté français de la frontière que s’épanouit ce festival pluridisciplinaire, mis sur pied par le Vivat d’Armentières et le Bateau Feu de Dunkerque. Cette deuxième édition pose ses valises à Bollezeele et Esquelbecq, pour un week-end artistique célébrant la danse et le cirque. Réjouissant ! Six mois à peine après leur baptême du feu, revoilà les Flandroyantes. Déjà ? « En octobre, nous avons misé sur un programme polymorphe et très riche, avec des spectacles dans des collèges, des maisons de quartier, une escale à Malo-les-Bains…, rappelle Ludovic Rogeau, le directeur du Bateau Feu. Le bilan que nous en avons tiré était à la fois enthousiaste et critique : l’éclatement ne favorise pas l’engouement », reconnaît-il. Pour ce deuxième volet, les équipes ont donc recentré le festival sur un lieu, qui restait à définir. Et c'est le village de Bollezeele, à 20 km au sud de Dunkerque, qui a emporté la timbale, avec une escale à Esquelbecq. « On souhaite changer d’endroit chaque année, et impliquer nos voisins belges », suivant l’esprit de partage qui anime la manifestation. Tous en selle Durant trois jours, les voltigeurs-musiciens du collectif Cheptel Aleïkoum et de Circa Tsuïca nous accueillent à bras ouverts sous leur chapiteau. Entre fanfare et vélo-acrobatique, leur spectacle, le bien nommé (V)îvre, nous emmène dans une ville imaginaire à travers une succession de scènes poétiques et burlesques. Le samedi soir, l’Orchestre Grand'Mix donne à la Grand place de Bollezeele des allures de dancefloor à ciel ouvert. Balades, marché de producteurs et autres "impromptus" complètent le tableau d'un week-end… flandroyant. Marine Durand Bollezeele et Esquelbecq, 13 & 15.05, divers lieux, 1 spectacle : 10 € > gratuit www.levivat.net / www.lebateaufeu.com Sélection / 13 > 15.05 : Collectif Cheptel Aleïkoum et fanfare-cirque Circa Tsuïca - (V)îvre 14.05 : Cie Circonvolution et Crac de Lomme - Hypo, glisse & Mi / Crac de Lomme et Cie Afuma du Togo - Les Acrobates du ciel… // 15.05 : Crac de Lomme - Cirque en folie, Marché de producteurs locaux, Balades nature 101


Capuche © Fleas Picture

LA CONSTELLATION IMAGINAIRE Sur la route des arts

Un festival itinérant qui, chaque jour, fait halte dans une nouvelle commune ? Un rendez-vous qui invite les arts des mots et du cirque à se déployer dans l’espace public ? Ne cherchez plus, la Constellation imaginaire rayonne dans les rues, parcs et jardins du bassin minier avec un programme empli de poésie et de surprises. On embarque dans le petit village d'Houchin, où la compagnie de cirque contemporain Jusqu’ici tout va bien imagine les sentiments de celui qui se dandine sous le corps en mousse d’une mascotte. À peine le temps de profiter de l’initiation offerte par Cirqu’en cavale, que l’attelage repart direction Calonne-Ricouart. Entre buvette et représentation de batucada, on ne manque pas le drôle de vêtement mouvant de Capuche (Cie Luz), un solo mixant cirque, danse et marionnettes pour sonder notre besoin de se soustraire au regard des autres. Prochain arrêt ? Haisnes, où les deux équilibristes de La Mondiale générale s’installent sur un poteau et entament un dialogue intimiste et murmuré. Le terminus en forme de bouquet final est annoncé à la Cité des Provinces de Lens, avec deux jours d’animation sans contrôle des billets. Là, Seb et Blanca, duo de danseurs-acrobates, se jouent des différences culturelles entre Mexique et Etats-Unis en s’inspirant d’un style de catch aztèque, la "Lucha Libre ". Une belle façon de renvoyer tous les clichés dans les cordes. Marine Durand Houchin, Calonne-Ricouart, Haisnes et Lens, 31.05 > 04.06, divers lieux, gratuit, www.culturecommune.fr Sélection / 31.05 > 04.06 : Cie Jusqu’ici tout va bien – Mascotte // 31.05 > 03.06 : Cie La Mondiale générale - Rapprochons-nous // 01.06 : Cie LuZ – Capuche // 04.06 : Seb et Blanca – Borderless… 102


opéra

SAINT-SAËNS

La Princesse jaune Djamileh

Direction musicale FRANÇOIS-XAVIER ROTH Mise en scène GÉRALDINE MARTINEAU de la Comédie-Française

jeu 19.05.2022 – 20 h sam 21.05.2022 – 17 h dim 22.05.2022 – 15 h 30 TOURCOING Théâtre Municipal R. Devos

Billetterie : +33 (0)3 20 70 66 66 atelierlyriquedetourcoing.fr Fondation

info@lastrolab.com | Photo © Neal Grundy | Licence 2 -134374

BIZET


Un coup de poing… © Stephen Vincke

GUERRIÈRES ! Dames de pique

Marche salope !, Ruuptuur, Un coup de poing dans la gueule vaut mieux qu’un long discours… Les titres des spectacles affichent la couleur : c’est aussi dans les arts vivants que se joue le combat contre le « patriarcat ronflant » et pour les droits des femmes. Un vent de révolution souffle sur les planches de ce jeune festival. En témoigne Viril, sélection de textes signés de grandes pourfendeuses du sexisme et incarnés ici par Virginie Despentes, Béatrice Dalle et la rappeuse Casey - qui savent frapper là où ça fait mal… Toutefois, ce rendez-vous dépasse la seule pensée féministe pour dénoncer les oppressions étouffant notre société. Exposés au Manège, les portraits de l'"artiviste" Nora Noor magnifient la beauté et le courage de personnes queer et racisées. De leur côté, Céline Estenne et Jean-Baptiste Polge, « peau blanche, bonnes écoles, dents bien alignées », interrogent leurs privilèges sur scène, pour mieux souligner les injustices dont souffrent les minorités. Guerrières ! suggère enfin de passer à l’action via une série d’ateliers, pour aborder « l’autodéfense » ou la façon d’être « un.e bon.ne allié.e ». Le changement c'est maintenant ! Marine Durand Mons, 09 > 14.05, divers lieux, 20€ > gratuit, www.surmars.be Sélection / 10.05 : David Bobée - Viril // 10 & 12.05 : Céline Estenne & Jean-Baptiste Polge - Un coup de poing dans la gueule vaut mieux qu’un long discours // 10 > 14.05 : Exposition de Nora Noor Queernass // 11.05 : Cie de La Bête noire - Les Yeux noirs // 11 & 12.05 : Céline Chariot - Marche salope ! // 12.05 : Mercedes Dassy - Ruuptuur // 12 & 13.05 : Cie Canicule - Métagore Majeure, Amandine Laval - Domenica // 14.05 : Camille Husson - Let’s talk about sex 104



© Michel Cavalca

MISTER TAMBOURINE MAN L'un est acteur, l'autre circassien. Les deux sont assurément poètes. Les voici réunis dans un spectacle empruntant à un hymne du "clochard céleste" Bob Dylan. Concrètement, nous voici à Hamelin, bar désertique tenu à bout de bras par un garçon de café pas franchement causant, soit l'immense clown et jongleur Nikolaus Holz. Surgit soudain Denis Lavant, dans la peau de l'homme-orchestre lassé par l'humanité et son métier. Ces deux-là vont peu à peu s'apprivoiser, et refaire le monde à leur sauce. La verve de l'un répond aux pirouettes de l'autre, entre tables et chaises renversées, lors d'un numéro de déséquilibre mené tambourbattant, évidemment. J.D. Lille, 11 & 12.05, Le Prato, 20h, 15> 5€, leprato.fr

© Arnaud Bertereau

LE IENCH Un chien. C'est ce dont rêve Drissa, 11 ans. Ce garçon d'origine malienne a grandi dans une HLM, avant que sa famille s'installe dans un pavillon, comme celui des blancs. Ne manque plus qu'un "iench" pour compléter le tableau, soit le symbole de l'intégration. Un soir il croise des policiers, et disparaît… Dans une mise en scène très cinématographique, au rythme du plateau tournant, Eva Doumbia signe une allégorie sensible du rejet des minorités. J.D. Lille, 17 > 20.05, Théâtre du Nord, mar, mer & ven : 20h jeu : 19h, 25 > 10€, www.theatredunord.fr 106



© Marc Domage

RÉMI Sans famille racontait l'histoire d'un petit garçon rejeté par son père adoptif et confié à un bonimenteur qui l’initiera à l’art du spectacle. Jonathan Capdevielle transpose ce classique de la littérature jeunesse (signé Hector Malot en 1878) à notre époque, mais ne sacrifie en rien l'essence du récit : un voyage initiatique et artistique. Le Tarbais met en scène un Rémi devenu pop-star et sortant son album (Sans famille). Notre héros croisera ici des personnages incarnés par des acteurs masqués ou de grandes marionnettes… et poursuit même son histoire chez le spectateur, grâce à une fiction audio distribuée au terme de la représentation. J.D. Douai, 17 & 18.05, Hippodrome, 19h, 22 > 5€, www.tandem-arrasdouai.eu Béthune, 15 > 18.06, La Comédie (Le Palace), mer : 19h • jeu : 14h30 • ven : 14h30 & 19h sam : 18h30, 20 > 6€, www.comediedebethune.org

© Simon Gosselin

LA CHANSON (REBOOT) Tiphaine Raffier a grandi à Val d'Europe, ville édifiée dans les années 1990 à la lisière de Disneyland Paris. C'est dans cette cité nouvelle, bâtie sur l'imitation et la copie, qu'elle met en scène un trio d'amies un peu paumées. Celles-ci répètent le morceau S.O.S. pour un concours de sosies d’ABBA. Mais un jour, l’une d’elles décide d’écrire sa propre chanson, s’émancipant de ce simulacre d’existence grâce à l’art, en quête de vérité et de liberté. J.D. Béthune, 31.05 > 02.06, La Comédie (Le Palace), 20h, 20 > 6€ www.comediedebethune.org 108



Un Petit jeu sans conséquence (J. Dell et G. Sibleyras / M. Willequet)

Claire et Bruno sont ensemble depuis 12 ans. Au cours d'une journée à la campagne, ils vont prétendre à leurs proches qu'ils se séparent. Drôle ? Peut-être, mais ils n’imaginent pas à quel point ce petit jeu sera lourd de conséquences… Composée par Jean Dell et Gérald Sibleyras, cette comédie aux cinq Molières (en 2003) s’est imposée comme une valeur sûre du théâtre moderne, et n’a pas pris une ride. En témoigne cette adaptation de Martine Willequet, parfaitement à l’aise dans ce genre de répertoire. © DR

Bruxelles, jusqu'au > 22.05, Théâtre royal des Galeries 20h15 (matinée : 15h), 26 > 10€, trg.be

To Tube or not To Tube

Sentinelles

(Bernadette Gruson / Cie Zaoum)

(Jean-François Sivadier)

Un(e) adolescent(e) sur deux aurait déjà vu des images pornographiques avant 14 ans, et l’âge moyen de la découverte de ces contenus serait de… 9 ans. Que faire ? En parler, simplement. C’est tout l’objet de la nouvelle pièce de Bernadette Gruson, qui met en scène un groupe de collégiens. Lors d’une sortie au Louvre-Lens, la nudité des statues antiques offre l’occasion de (joyeusement) causer sexe, de dézinguer les tabous et de porter un regard intelligent sur le corps et le désir.

Voici trois amis inséparables, tous pianistes virtuoses. Ils passent trois ans ensemble dans une prestigieuse école de musique. Aussi différents que complémentaires, ils s’admirent, s’épaulent, avant de se présenter à un concours international à l’issue duquel ils ne se verront jamais plus. Pourquoi ? Mystère… Inspiré par le roman de Thomas Bernhard, Le Naufragé, J.-F. Sivadier signe une fresque intimiste, dessinant en filigrane le rapport que chacun entretient à l’art.

Lille, 03.05, maison Folie Wazemmes, 20h 10/6€, maisonsfolie.lille.fr Hénin-Beaumont, 12.05, L'Escapade, 20h gratuit, www.escapadetheatre.fr

Amiens, 04 & 05.05, Maison de la Culture, mer : 20h30 • jeu : 19h30, 20 > 8€ Béthune, 11 > 13.05, La Comédie, 20h, 20 > 6€ www.comediedebethune.org

Nyx (Fabrice Melquiot / Théâtre du Centaure) Depuis près de 30 ans, le Théâtre du Centaure vit en symbiose avec les chevaux, à la ville comme à la scène. Pour cette nouvelle création, Camille est portée par Sombre, son étalon frison, et se mue en Nyx, la déesse de la nuit. Armée d'une grande lance blanche, cette amazone erre dans un Paris nocturne et sauvage, sous la neige et dans la brume, tandis qu'une voix off nous raconte son histoire. Celle d'un combat allégorique contre elle-même et pour la liberté des femmes. Roubaix, 04 > 06.05, La Condition Publique, mer & jeu : 20h • ven : 19h, 21 > 8€, www.larose.fr 110


Le Songe d'une nuit d'été

(Shakespeare / Benjamin Britten / Laurent Pelly) Une forêt mystérieuse peuplée de fées, des amoureux ensorcelés, des elfes facétieux et autres sortilèges… cet opéra en trois actes signé Benjamin Britten en 1960, et adapté de la pièce de Shakespeare, marie romantisme et conte fantastique avec maestria. Et qui mieux que Laurent Pelly pour lui rendre grâce ? Après Le Roi Carotte, en 2018, le metteur en scène fait une nouvelle fois parler sa science de la fantasmagorie, entre ballets lumineux, jeux de reflets et joutes aériennes. Lille, 06 > 22.05, Opéra, 20h (sauf dim : 16h), 72 > 5€, www.opera-lille.fr

Booder is Back

Reporters de guerre

« Les mecs bourrés me prennent pour un pélican, les bébés pour de la pâte à modeler ». Passé maître dans l'art de l'autodérision, Booder est plus en forme que jamais. Dans son nouveau one-man-show, et au sein d'un décor reproduisant sa chambre d'enfant, l'homme au débit mitraillette s'amuse de son physique, nous raconte son père « crevard » ou les aléas de la technologie - comme la reconnaissance faciale de son smartphone qui « bugue »... allez savoir pourquoi. Surtout, il réussit l'exploit d'être aussi drôle que touchant.

Que peut le théâtre face à l’horreur de la guerre ? Raconter, pour ne pas oublier. Complice de Milo Rau, le Belge Sébastien Foucault met en scène des acteurs et des témoins du siège de Sarajevo, des massacres de Srebrenica et de Tuzla. Les journalistes Françoise Wallemacq et Vedrana Božinović, Nikša Kušelj (survivant devenu cinéaste) ou Michel Villée (ex-attaché de presse à MSF-Belgique) convoquent leurs souvenirs sur scène, d’autant plus sensibles à l'heure du conflit en Ukraine…

Hem, 08.05, Le Zéphyr 18h, 30€, www.zephyrhem.fr

(Sébastien Foucault)

Bruxelles, 10 > 15.05, Théâtre les Tanneurs mar, jeu, ven & sam : 20h30 • mer : 19h15 dim : 15h, 16/10 €, www.lestanneurs.be

Almataha

Figure du hip-hop, Brahim Bouchelaghem a toujours aimé les pas de côté. Pour cette pièce destinée au jeune public, le chorégraphe roubaisien s'associe au marionnettiste Denis Bonnetier, de la compagnie valenciennoise Zapoï. Entre danse et théâtre d'objets, cette pièce revisite le mythe du Minotaure. Sur la musique d'Usmar, trois danseurs-manipulateurs content le voyage initiatique de Shorty, qui apprendra à bouger seul pour trouver son propre chemin vers la liberté. Arques, 11.05, La Barcarolle, 18h, 5€, www.labarcarolle.org Valenciennes, 17 & 18.05, Le Phénix mar : 19h • mer : 15h & 19h, 15 > 6€, www.lephenix.fr

© Julie-Cherki

(Brahim Bouchelaghem & Denis Bonnetier)

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Toutes les choses géniales

(Duncan Macmillan / Théâtre du Prisme)

© Simon Gosselin

Le Théâtre du Prisme s'est fait une spécialité de dénicher des textes contemporains étrangers. En l'occurrence, la compagnie nordiste nous révèle Toutes les choses géniales, de l’Anglais Duncan Macmillan. Au milieu du public, disposé en cercle autour de lui, un homme nous raconte le suicide d'un être cher. À la façon d'un stand-upper, il dresse la liste de "toutes les choses géniales" qui existent dans le monde, des glaces aux batailles d'eau. Où comment parler de la mort avec une humanité vivifiante. Villeneuve d'Ascq, 17 > 25.05, La Ferme d'en Haut mar & mer : 20h • lun, jeu & sam : 19h • dim : 16h, 21 > 6€, larose.fr

Les Élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce (Édouard Baer)

Élucubration : production déraisonnable, extravagante. La définition sied plutôt bien à Édouard Baer. Dans son nouveau spectacle, ce funambule de la tchatche se glisse dans la peau d’un comédien en cavale, quittant le théâtre où il jouait pour se retrouver dans… le nôtre. Que fuit-il ? Son métier ? La notoriété ? Lui-même peut-être… En incarnant un homme en proie au doute, c’est notre condition qu’il interroge. Que signifie réussir sa vie ? Sommes-nous à la bonne place ? Dans cette salle, avec lui, on n’en doute pas. Bruxelles, 19.05, Cirque royal, 20h, 60 > 35€ cirque-royal-bruxelles.be // Roubaix, 20.05 Le Colisée, complet !, www.coliseeroubaix.com

Prise directe

(Théâtre du Prisme) Tous les deux ans, ce festival itinérant se déploie dans la métropole lilloise pour proposer des lectures théâtralisées de textes en prise directe avec notre époque. Organisée dans le cadre d'Utopia (voir page 64) cette édition s'annonce singulière. Pour cause, les spectacles se jouent au grand air, dans la nature. D'excursions littéraires en promenades poétiques, on vogue notamment dans les hortillonnages d'Amiens en compagnie, entre autres, du collectif On a slamé sur la Lune. Une grande bouffée d'art. Lille, Roncq, Amiens, Seclin, Villeneuve d'Ascq, Seclin, 21.05 > 19.06, divers lieux gratuit (sauf hortillonnages d'Amiens : 10/7€) www.prisedirecte-festival.fr

Jérôme Commandeur Contrairement à ce qu'annonce le titre de son nouveau spectacle, Jérôme Commandeur n'est pas du genre à faire les choses "toujours en douceur". "Caustique" ou "vachard" seraient des termes plus appropriés à son humour. Tant mieux ! Ici, notre homme s'en prend à peu près à tout, avec une égale mauvaise foi, qu'il évoque ses rondeurs ou le régime de Kim Jong-un : « Les Nord-Coréens ont un avis mais n’ont pas le droit de le donner... alors que nous on n’en a pas et on le donne tout le temps ». Bien vu. Lille, 22.05, Casino Barrière, 18h, 49/42€, www.casinosbarriere.com 112


31 MAI HOUCHIN RT ER GRATUIT NNE-RICOUA HIN UCLO HOCA I IN 311 MAJU E-RICOUART NES NN JUIN LOIS 2 IN CAHA 1ER JU ES NS JUIN ISN 4 IN HALE 3 ET 2 JU COM W.CULT WWIN NS MUNE.FR S D’IN LEURE PLU3 ETFO4: JU

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Licences : Catégorie 1 n° PLATESV-R-2021-004205, Catégorie 2 n° PLATESV-R-2021-004206, Catégorie 3 n° PLATESV-R-2021-004207 : validité 08 mai 2026 | Visuel © Elza Lacotte – L’Atelier du Zef | Conception graphique :

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La n o i t a l La l e t Consstellation CIomnaginaire #8 Imaginaire #8 RTS érant DES A FESTIVAL itin E L’ESPACE PUBLIC D RTS DE LA RUE ET érant DES AUBLIC FESTIVAL itin E L’E4SPA P E 2022 DI AU JUCIN ET A E U M R 1 3 A L U D E D 4 JUIN 2022 U A I A M 1 3 U D




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