Quels dessins révélez-vous ici ? Citons la série Tête à tête, qui représente 77 têtes de mort, réalisées à partir de 2019. Ce sont des vanités, un grand classique de l'histoire de l'art mais les miennes sont très ironiques, un peu dans l'esprit de Tim Burton. Il se trouve qu'à ce momentlà j'étais très malade. Mon médecin m'avait intimé de ne pas porter de choses lourdes, donc je me suis mise à dessiner. S'agissait-il alors de conjurer la mort ? Oui, pour moi l'art c'est à la fois la conspiration, la conjuration et la contradiction. Effectivement, j'ai toujours envie de faire une chose et son contraire ! Comment avez-vous conçu la parcours de cette exposition ? Je voulais donner l'impression d'une visite chez moi et non pas dans un musée d'art contemporain. L'éclairage est donc important, on joue avec l'intensité de la lumière à certains endroits. Le parcours n'est pas du tout chronologique mais tout en bifurcations. Que découvrons-nous dans la première salle ? Daily, soit une installation constituée de grands éléments suspendus en skaï noir représentant des objets du quotidien, auxquels on s’attache parfois de façon absurde comme une clé, un téléphone... De petits
êtres humains en tissu y sont accrochés avec des fils, comme des pantins. Ils semblent dérisoires à coté de toutes ces choses gigantesques. Tout ça à un petit côté sado-maso. Pourquoi accordez-vous tant d'importance aux éléments quotidiens ? Je pense qu'il n'y a rien de plus surréaliste, bizarre ou inquiétant que le quotidien. Donc j'aime bien utiliser des objets de la vie de tous les jours en les déformant, les triturant... Vous dévoilez ici une œuvre appelée Requiem pour Jeanne… Oui, à l’origine de ces dessins il y a cette image qui me fascinait lorsque j'étais petite fille, une peinture kitsch où l’on voit Jeanne d’Arc sur le bûcher, accrochée à une immense croix.
« Il n'y a rien de plus bizarre que le quotidien. » Il s’agit d’une œuvre de Lenepveu qui se trouve à Paris. J'aime beaucoup cette figure. Jeanne d'Arc est l'une des premières féministes, une guerrière au milieu de soldats masculins qui gardait son armure pour ne pas se faire violer. C'était une femme forte alors qu'elle n'avait aucune éducation, ne savait ni lire ni écrire. Son image souffre aujourd'hui d'avoir été récupérée par l'extrême droite... je voulais donc la réhabiliter. 74