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La protection des premiers réfugiés apatrides russes

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Introduction

Introduction

José caBrero arnal, un inconnu célèBre

Aline Angoustures

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José Cabrero Arnal est un illustrateur et dessinateur espagnol qui a fait une première carrière espagnole dans la presse jeunesse où il a créé, notamment, le personnage de Top el perro (Top le chien). Il traverse la frontière en 1939, lors de la Retirada. Interné dans les camps du Roussillon, il intègre ensuite une Compagnie de travailleurs étrangers. Il est fait prisonnier et envoyé au camp de Mauthausen (Autriche). Libéré en 1945, ayant survécu aux privations et mauvais traitements, il est embauché à L’Humanité et à Vaillant, organe du Parti communiste destiné à la jeunesse, où il crée le personnage de Pif le chien. Celui-ci, ressemble étonnamment à Top, mais en moins juvénile, moins maigre. Près de vingt ans ont passé…

Certificat de réfugié des années 1960-1963 de José Cabrero Arnal.

Le 21 novembre 1945, il s’adresse à l’Office central des réfugiés espagnols (OCRE-OIR) pour demander à bénéficier du statut de réfugié Nansen qui venait d’être étendu aux républicains espagnols. Le 21 février 1957, il adresse à l’Ofpra, qui a pris la suite de l’OCRE et de l’OIR dans la protection des Espagnols, une « demande de renouvellement » de son titre de réfugié.

Il dépose en même temps une demande pour bénéficier des indemnités prévues par la loi allemande pour les victimes du régime national socialiste. Il évoque alors sa déportation en Allemagne. L’Ofpra lui délivre un certificat destiné aux autorités consulaires de la de la République fédérale d’Allemagne (RFA) en France, attestant qu’il est un réfugié statutaire. Il lui délivre aussi un certificat pour le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre.

Bien que peu médiatisé, José Cabrero Arnal occupe une place importante dans la bande dessinée française, non seulement grâce à ses nombreux personnages qui ont éveillé et amusé des générations d’enfants (Hercule, Placid, Muzo, Roudoudou…), mais également pour le rôle qu’il a joué dans la révélation de nouveaux dessinateurs pour Vaillant et Pif. Le plus célèbre d’entre eux est sans nul doute Gotlib (voir page 85), fils de réfugiés hongrois, dont le personnage de Gai Luron n’est pas sans rappeler Pif avec qui il a un air de famille.

28 mars 1948. Première apparition de Pif dans L’Humanité.

Buvard offert par le magazine Vaillant dans les années 1960 présentant plusieurs des personnages créés par José Cabrero Arnal. Dessin sans date paru en Catalogne (Espagne) : « Hitler et Staline, deux idéologies opposées avec un dénominateur commun : des milliers de victimes innocentes. »

PARTIE III

LES NOUVEAUX RÉFUGIÉS ET APATRIDES : CRISES EN EUROPE DE L’EST (ANNÉES 1950-1960)

La protection des apatrides Une image de l’arrivée des réfugiés hongrois en 1956 Kiraz, l’apatride qui inventa les “Parisiennes” Le timbre de l’Année mondiale du réfugié en 1960 Rudolf Noureev, la course vers la liberté Carte des réfugiés protégés en France en 1963 Ara Jean Papazian dit Jean Pape (1920-2002) l’un des plus talentueux dessinateurs de Zorro Léonid Pliouchtch, des droits de l’Homme à l’Ukraine, un dissident de tous les combats

la protection des apatrides

Magali Andry

La notion de nationalité, au sens de lien juridique qui rattache une personne physique à un État et qui consacre l’appartenance de cette personne à la population de cet État, s’est peu à peu forgée au cours des siècles. Ce lien se traduit notamment par une protection diplomatique et par la jouissance de droits dont est privée, de fait, toute personne qui ne peut revendiquer aucune nationalité – situation qui est celle de l’apatride.

Or, chaque État est libre de déterminer, par la loi, qui sont ses nationaux. Certains appliquent le jus soli, droit du sol, d’autres le jus sanguinis, droit du sang, ou, le plus souvent, une combinaison des deux. Certains excluent de l’accès à leur nationalité des catégories entières de leur population.

Attestation du consulat de Grèce relative à sa nationalité (1961) et certifi cat d’apatride de Mathilde Bodenheimer (1961).

Les lois de citoyenneté telles qu’édictées au xixe siècle, bien plus restrictives que la plupart des lois actuellement en vigueur, étaient nombreuses, sur l’ensemble des continents, à prévoir la perte automatique de la nationalité pour une femme qui épousait un étranger. Dans un monde où les mouvements de populations étaient encore restreints et les unions binationales rares, il s’agissait avant tout de protéger l’État de possibles collusions avec un ennemi potentiel. Pour les femmes allemandes, cette situation durera jusqu’en 1949.

Dans une même logique, de nombreux nationaux autrichiens, espagnols, grecs ou encore turcs entrés au service d’une armée ennemie se voyaient déchus de leur nationalité. De telles dispositions sont d’ailleurs toujours en vigueur dans de nombreux pays.

Dans les années 1920 à 1930, on constate de premières évolutions dans de nombreuses législations, les femmes ne perdant désormais leur nationalité d’origine qu’à la condition expresse de se voir automatiquement attribuer celle de leur mari.

Ces restrictions juridiques ne sont pourtant pas la cause du développement croissant de l’apatridie dans la première moitié du xxe siècle. Le génocide arménien, le premier conflit mondial et la révolution russe d’octobre 1917 ont, en quelques années, provoqué les déplacements forcés de nombreuses populations, dont beaucoup se sont retrouvées privées de leur nationalité et de la protection de leur État. Ce fut notamment le cas de nombreux immigrés russes qui ont vu leur nationalité révoquée par décret en 1921.

Duplicata du certificat d’apatride de Jean Pauchard, 1954. Remarquer que la mention « ancien Légionnaire » est portée sur le certificat de réfugié à côté de la nationalité d’origine, ce qui indique la relative fréquence de cette situation.

Extrait du formulaire de demande d’asile de Jean Pauchard, 1954.

Extrait de la décision de l’Ofpra, 17 janvier 1954.

C’est pour répondre aux besoins nouveaux créés par cette situation que le diplomate norvégien Fridtjof Nansen a créé, le 5 juillet 1922, un certificat d’identité et de voyage qui a pris son nom et est resté célèbre dans l’histoire des réfugiés, le passeport Nansen. Dans la pratique, les porteurs de ce document sont tout autant réfugiés qu’apatrides, déchus de leur nationalité d’origine, victimes de mouvements de population favorables au développement de l’apatridie. Apatride et réfugié se superposent et ne font alors souvent qu’un. Ce premier « passeport » protégera jusqu’en 1945 environ un demi-million de personnes. Parmi eux, des réfugiés et apatrides russes, des ex-Arméniens ou Assyro-Chaldéens. En 1924, trente-huit États, dont la France, avaient adopté ce document.

La confusion qui entoure le terme « apatride », à la définition mouvante, est alors grande, mais n’a pas pour autant totalement disparu aujourd’hui.

Il faudra attendre la convention de New York relative au statut des apatrides, signée le 28 septembre 1954, entrée en vigueur le 6 juin 1960 puis ratifiée par la France, pour que soit fixée la définition de l’apatride :

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