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Préface

L’Ofpra, histoire d’une administration originale en charge d’une mission essentielle

Créé par une loi du 25 juillet 1952 en tant qu’« établissement public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière et administrative », l’Ofpra est depuis lors en charge (avec la Commission des recours des réfugiés, actuelle Cour nationale du droit d’asile) de la protection des réfugiés et apatrides, une mission essentielle à laquelle la France est très attachée, comme en témoigne la valeur constitutionnelle qu’elle reconnaît au droit d’asile, et dont elle a été l’un des acteurs majeurs dans le monde. Aline Angoustures Pascal Baudouin

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Depuis soixante-dix ans, l’histoire de cet établissement public est celle d’une administration profondément originale et d’une adaptation permanente aux crises et aux évolutions du monde.

« EN 1952, ON A DÉMÉNAGÉ… »

C’est par cette phrase qu’Alice Prudhomme, née Suzanne Adjémian 3, évoque sa nomination à l’Ofpra après quelques années de travail à l’Office des réfugiés arméniens. Ce raccourci a le mérite de souligner l’importance des héritages qui influencent durablement l’organisation et les caractéristiques de l’Ofpra.

En effet, en application de la loi et de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 4 , l’établissement doit tout d’abord poursuivre la protection des réfugiés et apatrides reconnus avant 1952. Au moment de sa mise en place, l’Ofpra a donc déjà 350 000 réfugiés sous sa protection : d’une part, les réfugiés-apatrides russes et arméniens reconnus par les arrangements de la Société des Nations (SDN) dans les années 1920 sur l’impulsion de Fridtjof Nansen qui,

3.Alice Prudhomme, née en 1927 à Bagneux, est fille de réfugiés arméniens de Turquie ayant fui leur pays après le génocide, par bateau affrété par la France. Après avoir débarqué et vécu quelque temps à Marseille, ils se sont installés à Bagneux. Elle a travaillé à l’Ofpra de 1952 à 1987. Entretien filmé Ofpra-BDIC-La contemporaine-Archives départementales du Val-de-Marne, 2 avril 2009, 1 AV 334. 4.Dans son article 1A1, la convention définit comme réfugiés ceux qui ont été reconnus comme tels au titre des arrangements et conventions signés entre 1926 et 1939 ou de la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR, 1946-1951). Fridtjof Nansen, explorateur et délégué norvégien à Genève pour une réunion de la Société des Nations, le 5 septembre 1924.

Enveloppes de correspondance adressées au 7, rue Copernic, dans le 16e arrondissement de Paris, siège de la délégation française de l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) puis de l’Ofpra, de son ouverture le 22 septembre 1952 à son transfert en février 1959 dans l’ancien hôtel Majestic, 23, rue La Pérouse, dans le même arrondissement. le premier, a occupé le poste de Haut Commissaire aux réfugiés de la SDN de 1920 à 1930 et qui donnera son nom au statut, puis par la convention du 28 octobre 1933 relative au statut des réfugiés ; d’autre part, les réfugiés allemands, autrichiens et espagnols d’avant la Seconde Guerre mondiale qui ont été, pour les premiers, reconnus réfugiés après la ratification par la France de la convention de 1938 et, pour les Espagnols,intégrés dans la convention de 1933 sur décision du ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, en avril 1945 ; enfin, des personnes déplacées pendant la Seconde Guerre mondiale reconnues réfugiées soit pour avoir été victimes des régimes fascistes et nazis, soit pour craindre des persécutions de la part des régimes communistes imposés dans les pays d’Europe orientale, abandonnés à l’influence soviétique à la fin de la guerre ; ainsi que divers petits groupes de réfugiés ou apatrides.

Dans la protection de ces réfugiés déjà reconnus, l’Ofpra prend la suite de structures nationales, intergouvernementales et internationales – services du ministère des Affaires étrangères, délégations ou consulats transformés en offices de réfugiés sous la tutelle du Quai d’Orsay, ou encore délégations françaises de la SDN et du Comité intergouvernemental pour les réfugiés (CIR) puis de l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR). Du lendemain de la Grande Guerre à la sortie de la Seconde Guerre mondiale 5, ces institutions ont protégé des réfugiés au titre de différents textes internationaux et, dans le cas des services du ministère des Affaires étrangères, ont mis en œuvre un asile spécifique à la France dont le caractère constitutionnel a été consacré en 1946. L’établissement ouvre d’ailleurs ses portes le 22 septembre 1952 dans les anciens locaux de la délégation française de l’OIR, 7 rue Copernic, dans le 16e arrondissement de Paris. Mais cet héritage institutionnel a une influence bien plus fondamentale sur l’organisation de l’Office, et ce, pendant plusieurs décennies, notamment la spécialisation par nationalité 6, accompagnée de l’implication des réfugiés dans la protection de leurs compatriotes. L’établissement est donc structuré en sections nationales composées de réfugiés ou d’anciens réfugiés parlant la langue et connaissant la situation des pays d’origine des demandeurs. Ces acteurs sont souvent d’anciens diplomates qui ont déjà travaillé dans les instances ayant précédé l’Ofpra, notamment les offices nationaux de l’époque Nansen. La quasi-totalité des 74 personnes qui travaillent à l’Ofpra en 1952 sont donc étrangères et réfugiées ; c’est le seul organisme public, avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à comporter du personnel non français. Ces effectifs sont complétés par des Français

5. Le régime de Vichy et l’occupation de la France sont une période de suspension de l’application des accords Nansen et de l’activité des offi ces de réfugiés. 6. Le critère de la nationalité a été central pendant la période 1945-1952 pour les réfugiés des pays de l’Est, car de cette nationalité dépendait souvent la possibilité d’échapper à la demande de l’URSS de rapatriement de tous ses ressortissants.

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