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Avant-propos

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Préface

Préface

ayant eu l’expérience de la protection des réfugiés au ministère des Affaires étrangères ou à l’OIR, ou exerçant les fonctions de direction. Le directeur est un diplomate, le secrétaire général est aussi un agent du Quai d’Orsay ; Suzanne Bidault, épouse du ministre des Affaires étrangères, occupera ce poste quelques années.

Du fait du grand nombre de réfugiés déjà reconnus, la mission centrale et première de l’Ofpra est à l’époque, avant l’examen des demandes d’asile, celle de la protection administrative de ces réfugiés. Cette protection est très originale en Europe, car l’Office hérite des fonctions consulaires ou quasi consulaires des institutions dont il prend la suite. Il établit ainsi non seulement un document attestant du statut et de l’identité du réfugié, mais aussi de nombreux certificats sur sa situation de famille, son état civil, ou encore les lois de son pays d’origine qui s’appliquent aux actes de sa vie civile. C’est ce qui a permis de considérer l’Ofpra comme un « consulat des réfugiés 7 ». Cette priorité explique également le nom donné aux agents du nouvel établissement : les « officiers de protection », une appellation héritée de l’OIR, organisme dans lequel les agents en charge des réfugiés et des personnes déplacées étaient assimilés à des militaires des armées alliées et se répartissaient en officiers de protection et officiers d’éligibilité.

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Première page du formulaire de demande d’asile de l’Ofpra des années 1950, inspiré du formulaire de demande d’assistance de l’OIR. Ce document de 4 pages permettait au demandeur d’exposer son parcours et les motifs de sa demande. Il compte aujourd’hui 12 pages. Lorsque le demandeur était reconnu réfugié il se voyait délivrer un certi cat de réfugié portant sa photographie qui lui permettait d’obtenir un titre de séjour et un titre de voyage remplaçant le passeport. Ces certi cats ont été supprimés en 2004, remplacés par une mention sur la carte de résident.

L’autre mission de l’Office, l’instruction des nouvelles demandes d’asile présentées après 1952, constitue, elle aussi, un héritage. Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont marqués par une série de textes et de mesures destinés à éviter une nouvelle guerre et à réparer, autant que faire se peut, les dommages humains et matériels du conflit. La convention de Genève ne fait pas exception. Elle est conçue pour être temporaire, tout comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). La définition des nouveaux réfugiés contenue dans l’article 1A2, inspirée des travaux de l’OIR à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est tournée vers le passé : ainsi, les craintes susceptibles de justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié ne peuvent résulter que d’événements survenus avant la signature de la convention 8. Cette limite temporelle traduit le caractère avant tout réparateur d’une convention destinée à protéger des victimes du choc des totalitarismes de la première moitié du xxe siècle

7. Voir en ce sens l’exposé des motifs du projet de loi déposé au Parlement en novembre 1950 : « Il importe de créer un organe qui aurait en quelque sorte les attributions d’un grand consulat général de France. » 8. L’article 1A2 de la convention stipule que le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne « qui, par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner […] ».

Suzanne Adjémian, alias Alice Prudhomme, avec Irène Malinine, née de Miller, dans les bureaux de l’Ofpra rue La Pérouse (ancien hôtel Majestic) en 1963. et des personnes menacées du fait de l’abandon de l’Europe de l’Est à l’influence soviétique. De plus, la France, en ratifiant la convention, l’a explicitement limitée aux réfugiés provenant d’Europe, comme le permettait le texte. Ainsi, pendant les années 1950-1960, les demandes présentées à l’Ofpra sont principalement celles des Espagnols, des Polonais et autres personnes déplacées dans l’immédiat après-guerre, puis des ressortissants de pays de l’Est victimes de la répression à partir de la prise de pouvoir par les communistes dans ce qu’on appelait les démocraties populaires, que ce soit dans les années antérieures à la signature de la convention ou en 1956 en Hongrie, en 1968 en Pologne et en Tchécoslovaquie après le Printemps de Prague. En effet, quoique postérieures à la signature de la convention, ces répressions sont considérées comme provoquées par des événements antérieurs. Aux côtés de ces groupes majeurs, l’Ofpra protège aussi de petits groupes de réfugiés dits du Haut Commissaire, qui répondent à la définition donnée par la convention de Genève mais sans les limites temporelles ou géographiques de celle-ci : c’est à ce titre que seront protégés, par exemple, des réfugiés grecs fuyant le régime des colonels en 1967. Enfin, la loi de 1952 confie à l’Ofpra la protection des apatrides, et ce, huit ans avant la ratification par la France, en 1960, de la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954.

Malgré les éléments de continuité rappelés précédemment, la mission d’instruction des demandes d’asile n’en comporte pas moins une nouveauté fondamentale vis-à-vis de la période précédant la création de l’Ofpra : l’éligibilité individuelle. Ceci signifie qu’il ne suffit pas d’appartenir à un groupe pour être reconnu réfugié, mais qu’il faut faire état de craintes personnelles de persécution. Sur ce point, l’Ofpra hérite cependant d’une expertise, celle de l’OIR qui avait adopté ce principe et avait adapté en conséquence ses

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