Paperjam Plus - Transformation Digitale

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MAI 2021

Transformation digitale

«  À nous

d’être malins, innovants et aussi ambitieux que les Gafa » Emmanuel Vivier Cofondateur du Hub Institute


Strategy, made real. By real people. We are broadening our advisory business in Luxembourg through the launch of Strategy&. With Strategy&, we help you support your business from strategy through to execution, combining the strategy consulting expertise of Strategy& and the vast capabilities of the PwC network. Strategy& offers public and private clients in Luxembourg access to a global network of 3.000 strategists within all sectors that can help improve organisational effectiveness.

Contacts Andrew McDowell

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Partner, Strategy&, +352 49 48 48 2034 andrew.mcdowell@pwc.com

Partner, Strategy&, +352 49 48 48 2071 matt.moran@pwc.com

François Génaux, Advisory Leader, PwC Luxembourg +352 49 48 48 4175 francois.genaux@pwc.com

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Édito #Réflexion

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Un moyen plus qu’une fin

fondateur

Mike Koedinger ceo

Geraldine Knudson directeur administratif et financier

Etienne Velasti

Rédaction Téléphone : (+352) 20 70 70-100 Fax : (+352) 29 66 19 E-mail : press@paperjam.lu Courrier : BP 728, L-2017 Luxembourg directeur de la publication

Mike Koedinger

directrice des développements éditoriaux

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rédacteur en chef digital

Nicolas Léonard

secrétaire de rédaction

Jennifer Graglia free-lances Alex Barras, Quentin Deuxant, Sébastien Lambotte, Michaël Peiffer, Jeanne Renauld photographes

Romain Gamba, Hervé Thouroude, Matic Zorman correction

Pauline Berg, Lisa Cacciatore, Sarah Lambolez, Manon Méral, Elena Sebastiani Brand Studio Téléphone : (+352) 20 70 70-300 Fax : (+352) 29 66 20 E-mail : regie@maisonmoderne.com director brand studio

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strategic business development advisor

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directeur artistique

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manufacturing manager

Myriam Morbé mise en page

Juliette Noblot (coordination) Sascha Timplan, Stéphane Cognioul

natureOffice.com | DE-261-JYACEBD

C’est le constat qui s’impose : la pandémie a un effet accélérateur sur la transformation digitale des sociétés. Différemment appréciée. Certains y voient un nouveau capitalisme, le capitalisme numérique dont le but reste la diminution des coûts, mais qui emprunte un nouveau chemin pour y arriver : une numérisation à outrance, où l’être humain est transformé en un ensemble d’informations, de données, qui peuvent être gérées à distance plutôt qu’en face à face. Télétravail, enseignement à distance, télémédecine, autant de nouvelles manières d’interagir qui se sont imposées avec le Covid. Et qui ont un impact sur les coûts. Demandez l’avis des professionnels de l’immobilier ou de l’horeca… Pour eux, ces économies ont un coût… Et adieu la promesse humaniste de la société post­ industrielle de placer l’humain au cœur de l’économie. Une vision pessimiste réfutée par les partisans de la transformation digitale. Pour eux, les opportunités offertes par le digital sont positives. Et ils mettent en avant une démocratisation du recours au digital, « sans doute pour le meilleur ». Télétravail, enseignement à distance, télémédecine, autant d’outils pour améliorer nos systèmes d’enseignement, de santé ou combler les aspirations des travailleurs à plus de flexibilité. De quoi contribuer à l’épanouissement, à la liberté et à « l’économie humanisée ». Charge aux secteurs économiques ébranlés par la digitalisation de repenser la valeur ajoutée de l’ensemble de leurs processus et de leur chaîne de valeur. Un vaste débat ouvert. Qui appelle une réflexion : quand on parle de digitalisation, il ne faut pas se concentrer uniquement sur la technologie, sur les prouesses. Il faut aussi en penser les conséquences.

Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler ! Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxem­bourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619

Auteur MARC FASSONE

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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YOUR IT/IP LAW FIRM IN LUXEMBOURG


Transformation digitale Mai 2021

06 SUR LE RADAR

L’effet accélérateur de la pandémie 08 LE JOUR OÙ...

… Nous avons décidé d’entamer notre transformation digitale

34 Dossier

Réussir sa transformation digitale –

36 INTERVIEW AVEC

12 INTERVIEW AVEC

ARNAUD LAMBERT « Informer, inspirer et supporter la transformation digitale »

EMMANUEL VIVIER

« À nous d’être malins, innovants et aussi ambitieux que les Gafa » 18 ATTRACTIVITÉ

ET COMPÉTITIVITÉ

Le digital, moteur de la relance

44 TÉMOIGNAGE

Les champions de la transformation digitale

p.  3 4 Réussir sa transformation digitale devient crucial pour les entreprises, et la crise sanitaire a bousculé tous les agendas en 2020.

Comment optimiser la relation client digitale ?

54 TRANSFORMATION

La data, mine d’or de demain

JEAN-PIERRE FABER

56 OUTILS

« Une meilleure exploitation des données est cruciale pour la CSSF »

Cinq technologies-clés à suivre

58 FACE-À-FACE

Commerce : l’indispensable digitalisation

30 NOUVELLES TECHNOLOGIES

Ana Gaman / Hervé Thouroude

50 DÉFI CONCURRENTIEL

24 INTERVIEW AVEC

Illustration / Photo

Les 15 grands projets digitaux du pays

62 SÉCURITÉ

Le grand enjeu de la cybersécurité 66 FORECAST

p.  1 2 Emmanuel Vivier, spécialiste de l’univers digital et cofondateur du Hub Institute.

Quelles sont les technologies incontournables de 2021 ? MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Sur le radar

L’effet accélérateur de la pandémie TOP 10

L’ère des géants de la tech Entreprises technologiques avec les capitalisations boursières les plus élevées au monde (en milliards de dollars) au 1er janvier 2021 1

Apple (USA) 2.256,00

2

Microsoft Corporation (USA) 1.682,00

3

Amazon.com (USA) 1.634,00

4

Facebook (USA) 778,04

6

Tencent (Chine) 697,26

8

9

10

Impact de la pandémie sur le rythme de la transformation digitale par besoins En pourcentage de répondants au sondage (474 personnes) Source

Flexera – 2021 State of Tech Spend Report

50 %

Budget en baisse

40 %

Alphabet (USA) 1.185,00

5

7

UNE TRANSITION ACCÉLÉRÉE

5 %

30 %

18 %

Tesla (USA) 668,90 Alibaba Group Holding (Chine) 648,32

20 %

1 %

3 %

3 %

4 %

Budget en hausse

8 %

1 % 10 %

10 %

6 %

Volonté plus faible de passer au cloud

1 %

0 % 6

Préoccupations concernant la continuité des activités

19 %

Baisse de la demande dans votre secteur

Samsung Electronics (Corée du Sud) 501,16 Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (Taïwan) 488,13

Ralentissement économique général

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

2 %

9 %

13 %

7 %

7 % 3 %

6 %

7 % 4 %


Au Luxembourg, comme dans le monde entier, la pandémie de Covid-19 a eu un effet accélérateur sur la transformation digitale des entreprises. Première conséquence, le télétravail a fait son entrée même là où on ne l’attendait pas…

3 QUESTIONS À

SERGE ALLEGREZZA

Augmentation significative Légère augmentation Légère diminution Diminution significative

Directeur du Statec et président du Conseil national de la productivité (CNP)

Travail à domicile

3 %

50 % Volonté accrue de passer au cloud

Chiffre d’affaires / bénéfice plus faible

1 %

27 %

4 %

22 %

40 %

30 %

17 %

Demande accrue dans votre secteur

1 % Chiffre d’affaires / bénéfice en hausse

20 %

1 %

11 % 11 % 27 %

9 %

20 %

8 %

10 %

10 %

11 %

0 %

Que retenir de la généralisation du télétravail depuis le début de la pandémie ? Dans un sens, le télétravail est une bénédiction. Par rapport à d’autres pays, le Luxembourg a bien résisté aux conséquences de la crise sanitaire. Les services à haute valeur ajoutée, notamment financiers, ont pu continuer à travailler de façon optimale et compenser la croissance perdue ailleurs. Comme le montrent les derniers chiffres du Statec, l’activité a poursuivi son expansion au quatrième trimestre 2020. Cela étant dit, tout n’est pas parfait. Des entreprises n’étaient pas préparées au télétravail. On entend parler, dans certains cas, d’une forme de délitement de l’esprit ou de la culture d’entreprise. C’est une certitude, nous devrons tirer les enseignements de cette expérience, qui n’est pas vécue de la même manière partout. Est-on aussi productif en télétravail ? Il est trop tôt pour le dire. Le Conseil national de la productivité va produire une étude sur le sujet. Ce sont des questions qu’il faut effectivement étudier en profondeur, afin de trouver le bon équilibre à l’avenir. De manière plus générale, la transformation digitale est-elle une source de productivité accrue ? Je vais vous décevoir, mais toutes les études dont nous disposons actuellement, qu’elles viennent d’Europe ou des États-Unis, n’indiquent rien de tel. La transformation digitale, malgré les investissements engendrés, ne conduit pas à un bond de productivité. Cela reste une énigme. Par contre, on assiste à une polarisation accélérée des métiers. À l’avenir, les compétences médianes seront de moins en moins recherchées, et l’écart va se creuser entre les métiers à fort potentiel et le travail routinier, qui demande peu de compétences. Auteur M. P.

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Le jour où…

… Nous avons décidé d’entamer notre transformation digitale Dès 2013, Fujitsu a compris qu’il était indispensable de s’engager dans une transformation profonde de son activité. Marc Payal, country leader Luxembourg, se souvient de cette prise de conscience et du chemin parcouru depuis lors…

Évaluation et choix En résumé, nous devions non seulement changer notre façon de fonctionner en interne, mais également la manière dont nous étions perçus par le marché. Cela nous a un peu effrayés, mais, assez rapidement, nous avons constaté que la transformation digitale offrait également beaucoup d’opportunités. Dès le début, nous avons impliqué les équipes, de manière à éviter les craintes et résistances et à embarquer tout le monde dans ce voyage. Les trois étapes importantes sur le chemin peuvent être résumées en : adapter, adapter et adopter. En premier lieu, il a fallu adapter 8

Évolution, mais pas révolution Le dernier point était d’adopter les nouvelles technologies en interne. Ainsi, nous avons décidé de mettre en œuvre une multitude de nouvelles technologies au bureau. Il s’agit notamment de RPA (robotic process automa­ tion), de signature électronique, d’approche KYC (know your customer), etc. Depuis 2013, notre bureau a évolué énormément. Cela s’est effectué par une multitude de petits pas, le changement étant quasiment permanent. Mais il n’y a pas eu de révolution, de ‘big bang’, d’un jour à l’autre. Tous les trimestres, de nouveaux experts sont venus enrichir notre équipe, et notre offre s’est étendue au fil des années. Aujourd’hui, notre stratégie peut être résumée en quelques mots : l’interconnexion de nombreuses entreprises intelligentes. Depuis le jour où nous avons décidé d’entamer notre transformation digitale, le nombre d’employés a doublé, tout comme notre chiffre d’affaires. Notre portefeuille de solutions contient désormais tous les ingrédients indispensables à la transformation digitale des entreprises. »

Auteur M. P.

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

Marc Payal, country leader Luxembourg de Fujitsu.

Romain Gamba

À l’époque, le portefeuille de Fujitsu comptait trois activités au Luxembourg. On y trouvait notamment des produits, c’est-à-dire des PC pour le grand public et du matériel pour les data centers. On proposait par ailleurs des services en régie, ce qu’on appelle le ‘body shopping’, et, enfin, de gros ordinateurs (mainframes). La dernière activité était la plus rentable. Mais c’était aussi la plus risquée, car la plupart de nos clients avaient engagé des plans de migration. Ainsi, nous avons fait le constat que, sans changement important de notre part, le bureau luxembourgeois aurait des problèmes financiers dès 2016. Il nous restait alors trois années pour adapter notre offre.

notre culture interne. Les chefs d’équipe devaient devenir des entrepreneurs. Il nous fallait aussi attirer de nouveaux talents, leur donner la possibilité de mettre en œuvre leurs idées, leur accorder un pouvoir de décision. En deuxième lieu, il a fallu adapter notre modèle de vente. Nous devions nous intéresser davantage aux métiers de nos clients, comprendre leurs besoins, pour finalement être en mesure de générer avec eux des projets différenciateurs.

Photo

« Nous vivons une époque particulière, non seulement à cause du Covid-19, mais aussi parce que le monde des affaires s’accélère. Le public veut tout consommer instantanément. Pour répondre à cette demande, les entreprises doivent adapter leurs offres. Et très souvent, la technologie est le catalyseur de cette évolution. Mais pour accompagner au mieux les entrepreneurs dans leur parcours de transformation, les acteurs des TIC doivent, eux aussi, adopter le changement. Pour nous, cette prise de conscience remonte à 2013.


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Jean Hilger et Fred Giuliani.

Digital banking

Préparer la banque de demain Au sein de la Spuerkeess (Banque et Caisse d’Épargne de l’État, Luxembourg), Jean Hilger, Senior Vice President, Head of Information Techno­ logy Department, et Fred Giuliani, Vice President & Head of Business Unit Digitalisation, évoquent les grands enjeux de transformation de l’activ­ité bancaire. Comment imaginez-vous le contexte concurrentiel des banques à un horizon de cinq ans ? FRED GIULIANI (F. G.) Préparer la banque de demain implique 10

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

de considérer les grandes ten­dances actuelles pour mieux appréhender l’avenir. Selon nous, la banque est appelée à évoluer dans un contexte concurrentiel bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. La concurrence résidera davantage dans les Big Tech, qui auront fait évoluer leurs offres vers des produits finan­­ciers, et les néobanques que dans les banques commerciales luxembourgeoises. Il nous faut trouver les moyens d’évoluer dans ce nouvel environnement.

Photos

Avec la progression du digital, la banque va au-devant d’importants bouleversements. Il lui faut se réinventer en considérant les grandes tendances à l’œuvre.

Simon Verjus (Maison Moderne)

Contenu sponsorisé par SPUERKEESS


BRAND VOICE

JEAN HILGER (J. H.) Nos produits et services sont appelés à être distribués autrement, via des plateformes, ou encore directement par des acteurs du monde commercial, qui cherchent à offrir des packages complets à leurs clients. Si on prend l’exemple d’un concessionnaire automobile, l’offre va intégrer la solution de mobilité, mais aussi les démarches administratives, les assurances, le dépan­nage, et évidem­ment le financement.

Quels sont les grands enjeux liés à ces évolutions ? F. G. Tout d’abord, il nous faut développer des produits et services digital first, qui puissent être distribués et consommés directement à travers les canaux numériques. Cela implique une simplification de l’offre et une standardisation poussée. Les produits et services doivent en outre être accessibles 24 h/24, et les offres doivent être évolutives. Il faut pour cela atteindre un haut niveau d’automati­sation des processus au sein de

«  À l’avenir, les machines participeront au processus de prise de décision. » Fred Giuliani Vice President & Head of Business Unit Digitalisation

la banque en s’appuyant sur la robotisation, le machine learning et le cloud. Le redéploiement de l’activité nécessite aussi la mise en place de nouveaux partenariats avec des tierces parties et des fintech. J. H. Ces investissements s’accompagnent aussi d’une élévation du niveau de cyber­sécurité, indis­pen­sable pour assurer la confiance des partenaires. La banque de demain doit s’ouvrir vers l’extérieur. Il faut l’inscrire dans une approche d’open banking, en s’appuyant sur des interfaces de program­mation applicative (API) pour échanger l’information de manière sécurisée, dans le respect des contraintes réglementaires. Enfin, il est indispensable de renforcer notre capacité d’apprentissage au départ de la donnée, pour mieux comprendre les clients et anticiper leurs besoins. La banque de demain sera bien différente de celle que nous connais­sons ajourd’hui. Comment mener un tel changement ? F. G. Si l’offre doit effecti­ve­ ment évoluer, le principal changement concerne l’orga­­ nisation interne. C’est ce à quoi nous nous attelons aujourd’hui. L’ensemble des processus liés à un pro­duit, un service, ou à leur support, devront être intégralement automa­tisés, autrement dit ne plus impliquer une intervention humaine. Demain, ce sont des machines, toujours sous la supervision de l’Homme, qui seront appelées à prendre des décisions relatives, par exemple, à l’octroi d’un crédit ou à l’exécution d’un transfert d’argent, et ce en tenant compte des risques et des contraintes réglementaires. J. H. Automatiser, cela passe par le déploiement d’algorithmes pour soutenir les

« Via les plateformes, on peut atteindre une clientèle plus large. » Jean Hilger Senior Vice President, Head of Information Technology Department

décisions qui font partie des processus, la mise en place de systèmes de credit scoring, d’évaluation des risques, de vérification de conformité, ou encore traduisant des considéra­tions éthiques. Tout cela ne peut s’envisager qu’avec une maîtrise élevée de l’environnement des données, sur lesquelles on va construire de l’intelligence. L’enjeu est, en permanence, de renforcer la compréhension de la situa­tion du client. Pour cela, il nous faut aussi nous doter de nouvelles compétences, liées à la science de la donnée, à la cybersécurité, ou encore à l’amélioration de l’expérience client. Quelle attitude la banque doit-elle adopter face à ces bouleversements susceptibles d’affecter directement son modèle économique ? J. H. Au-delà de toute menace, il faut chercher à déceler les opportunités.

Pour cela, il faut pouvoir rapidement comprendre les évolutions à l’œuvre. En la matière, une banque comme la nôtre a déjà pu démontrer qu’elle pouvait agir avec agilité. On peut par exemple citer sa parti­­ci­pation à la création de LUXHUB dans le contexte de l’entrée en vigueur de PSD2. On peut regretter que le client souhaite se rendre moins en agence pour demander un crédit et chercher à négocier un taux. Mais on peut aussi envisager l’opportunité d’aller à la rencontre d’une clientèle plus large, qui dépasse de loin celle du marché domestique luxembourgeois, en se positionnant sur les plateformes. F. G. Il nous faut pour cela travailler de nouveaux leviers d’acquisition, en assurant une expérience client optimale, en mettant le client au centre de nos préoccupations. C’est une belle aven­ture qui s’annonce, et nous sommes aujourd’hui, avec notre agilité, bien outillés pour relever les défis qui se présentent.

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MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Interview Emmanuel Vivier

« À nous d’être malins, innovants et aussi ambitieux que les Gafa » Consultant, conférencier, auteur, spécialiste de l’univers digital depuis 20 ans, Emmanuel Vivier est également le cofondateur du Hub Institute, le premier think tank dédié à la transformation business. Après Le Guide de la transformation digitale, il vient de publier, avec Caroline Loisel, un nouvel ouvrage : Le Guide du futur des RH et du management.

La transformation digitale est un concept très souvent évoqué. Mais que recouvre-t-il ? Et que ne recouvre-t-il pas ? On peut en effet mettre plein de choses derrière ce concept alors que, selon moi, c’est tout simplement adapter son business et son organisation à l’univers numérique, avec des consommateurs connectés, de nouveaux comportements et de nouvelles attentes. Dans cet univers évoluent de nouveaux concurrents, des start-up très agiles, très 12

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

Expériences Emmanuel Vivier est cofondateur, depuis mars 2011, du Hub Institute, le think tank digital. C’est un expert en transformation digitale et également speaker et auteur. Il a aussi été CEO et cofondateur de l’agence Vanksen entre 2002 et 2011. Formation Il a un MBA Web marketing and E-business technologies, obtenu à la McMaster University, au Canada, et un master International marketing de la Kedge Business School à Marseille.

jeunes, très innovantes, à la pointe de la technologie, mais aussi des géants digitaux, comme les Gafa aux États-Unis ou les BATX en Asie, qui arrivent tous pour disrupter ou désintermédier nos chaînes de valeurs habituelles. Face à cela, il faut se transformer, développer une nouvelle stratégie, réfléchir à un nouveau modèle économique, mener une transformation RH et culturelle, analyser la manière d’aider ses salariés et ses managers à développer de nouvelles compétences, à devenir plus agiles, plus innovants, plus collaboratifs avec l’extérieur. L’évolution technologique concerne aussi le marketing, la production industrielle et ses composantes comme la logistique, la data… Mais ce qui est plus vital encore dans un moment de chaos, c’est la mesure. C’est-à-dire mesurer les choses mieux et plus vite que la concurrence pour pouvoir réagir et prendre les bonnes décisions plus vite. Dans votre premier ouvrage sur la transformation digitale, vous avez identifié six chantiers. Quel est le chantier le plus important de tous et est-il le même pour une PME et un grand groupe international ? Selon une étude publiée en France, les grands groupes ont entamé leur transformation digitale depuis deux, cinq ou même huit ans. Au sein des TPE ou des PME, c’est un peu la catastrophe puisque seulement 9 % ont un site d’e-commerce et 37 % un site web. Une accélération est nécessaire. Dans l’armée, les impulsions sont données par les officiers. C’est pareil ici : si la direction d’une entreprise n’a pas conscience de l’importance du digital, des changements en cours et de la nécessité d’être exemplaire dans cette transformation, il y a peu de chances que les équipes en dessous puissent avoir les budgets pour mener des projets d’accélération de la transformation. Créer un site internet ne suffit souvent pas… Il faut en effet se poser la question de ce que l’on peut faire demain autour du numérique. Par exemple, économiser de l’argent en gérant autrement ses consommations, en automatisant certaines tâches, ou au contraire en allant chercher du business additionnel…

Hervé Thouroude

Expérimenté, reconnu, de quoi pouvez-vous avoir peur ? J’ai peur de m’ennuyer… Le jour où je n’aurai plus rien à apprendre, je changerai de domaine. Mais ce n’est vraiment pas le cas pour le moment, car les technologies digitales au sens large – e-learning, e-commerce, téléconsultation, ­e-santé, divertissement – évoluent, davantage encore depuis 18 mois avec la pandémie. Sans oublier la transformation du monde du travail. Le télétravail et la collaboration en ligne étaient des mutations déjà engagées, mais elles accélèrent une recherche de sens, de transparence et une réflexion sur notre mode de vie.

BIO EXPRESS

Photo

Dans votre nouveau livre Le Guide du futur des RH et du management, vous parlez du fait que nous vivons dans un monde « VUCA », pour « volatility, uncertainty, complexity and ambiguity », mais aussi qu’il est bon d’être excité et d’avoir peur en même temps. Pourquoi ? C’était le fondateur d’Intel qui disait : « Seuls les paranos survivent. » Une manière de faire comprendre qu’il ne faut jamais s’endormir, mais ne pas paniquer non plus, rester curieux, très agile, car tout peut changer, et très vite. La solution est donc d’essayer d’anticiper au maximum pour ne pas subir, sous peine d’en payer le prix fort. Même des géants, comme Nokia ou Kodak, se sont ­écroulés alors qu’ils étaient au top du top. Le digital, c’est un des rares domaines où l’on ne peut pas dire que l’on sait tout. J’ai une assez longue expérience, mais tous les deux mois, tous les ans, tous les deux ans, les choses évoluent, bougent et changent.


PORTRAIT Si photo dans le dossier : photo / portrait sur fond decouleur

Photos

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Si photo hors dossier : photo en contexte

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Au cours des huit dernières années, Emmanuel Vivier a initié plus de 10.000 cadres via le think tank Hub Institute.


Interview Emmanuel Vivier

La réflexion peut être enrichie de plusieurs manières. Tout d’abord, échanger entre pairs. Aujourd’hui, il y a tellement de sujets différents qu’avoir l’ambition de faire tout, tout seul, prend beaucoup de temps. On peut donc capitaliser sur la courbe d’apprentissage des autres entreprises, voir ce qu’elles ont fait, ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Ensuite, on peut aussi solliciter des cabinets de conseil, des experts ou agences qui vont intervenir sur des sujets spécifiques et mener un accompagnement avec des éditeurs de logiciels, tels qu’Oracle, SAP, Microsoft, Salesforce… Et adapter ces outils à vos besoins réels. Au Hub Institute, on mène d’abord un décryptage pour comprendre les enjeux, les problématiques. C’est seulement après que l’on peut solliciter un bureau de conseil externe, car il faudra de toute façon bien lui expliquer vers où on veut aller. Ensemble, il faut alors choisir un chemin en fonction des sujets, des priorités, pour que cela se concrétise en termes de changement d’outils, ­d’expérience client, de business model.

Votre nouveau livre s’intitule Le Guide du futur des RH et du management. Pourquoi les RH doiventelles, selon vous, absolument faire partie intégrante d’une stratégie de digitalisation ? L’origine de ce second livre est le fait que, dans le précédent, les chapitres sur le leadership et la culture d’organisation étaient presque les plus gros. Changer des logiciels, acquérir du matériel, c’est important, mais, finalement, tout le monde peut le faire. Par contre, motiver toute l’entreprise, comprendre qu’il faut changer, qu’il faut travailler différemment, aider les gens à changer leurs méthodes, ça, c’est super important ! On peut dire aux gens : « Faites du digital ! » Mais si ce n’est pas pris en compte dans les objectifs définis ou écrit dans le contrat de travail, si ce n’est pas lié à l’octroi éventuel de primes, les gens ne vont rien faire. Mettre en place des formations, évaluer les compétences, anticiper les besoins en évolution trois, quatre ou cinq ans à l’avance pour former au lieu de licencier, c’est aussi là que les RH jouent un rôle-clé.

Mener une transformation digitale demande un investissement budgétaire important ? C’est très variable. Aujourd’hui, si vous êtes une TPE ou une PME, créer un site web coûte 50 fois moins cher qu’au début des années 2000. Pour des solutions basiques et simples, cela ne coûte pas forcément très cher. Évidemment, si l’on veut disposer d’une marketplace, un service entièrement transactionnel en ligne, cela va coûter un peu plus cher qu’une brochure ou que du marketing digital. Mais quand, par le passé, je devais investir beaucoup d’argent dans un spot télé, finalement très cher, je peux maintenant avoir des banners sur Paperjam, ­Facebook ou Google, avec quelques centaines d’euros. De même, si mon entreprise compte beaucoup de salariés, il va y avoir une phase de définition d’une stratégie, une autre de formation, il faudra acheter des licences, ­solliciter des cabinets de conseil pour mettre à jour la p ­ artie IT, data, marketing… Et tout cela a un prix. Mais dans le même temps, je vais économiser de l’argent en mettant à jour mes systèmes avec des solutions plus efficaces, ou en cherchant du business supplémentaire grâce au marketing que je peux désormais faire en ligne. De toute façon, si moi je ne le fais pas, les autres le feront. Le risque est donc quand même que, demain, je devienne moins efficace par rapport à eux, que je perde des parts de marché et que je sois donc moins rentable.

Quelles sont les soft skills qu’il faut avoir aujourd’hui ? Certainement la curiosité. Si l’on a autour de soi des gens qui aiment apprendre, qui voient l’opportunité dans le changement au lieu de juste voir les problèmes ou les difficultés, ils vont toujours se mobiliser. Il y a aussi la collaboration. Avant, on pouvait être expert tout seul dans son petit coin. Aujourd’hui, il faut se mettre d’accord à plusieurs entre l’IT, les RH, le marketing, travailler avec l’extérieur, les free-lances, les régies pub, des cabinets, des start-up. Et réussir cela malgré les différences de formations, de métiers et de langages. Même remarque avec les managers, qui devaient par le passé juste être « chefs » ou « experts ». Aujourd’hui, on doit être leader, être empathique, créer de la confiance, donner envie, ne pas forcer, offrir une vision, des directions, pas forcément surveiller, mais coacher, accompagner, enlever les obstacles pour laisser les équipes réussir par elles-mêmes. Dans un Luxembourg multiculturel, il faut être encore plus attentif, car tous ne vont pas comprendre la même chose de la même manière, réagir de la même façon, ­collaborer identiquement. Le Luxembourg est, selon moi, une petite Europe qui fonctionne bien, même s’il reste encore un peu cet aspect « je suis chef, faites comme je dis ».

« Le problème de l’IA est, en premier lieu, que ce n’est pas une technologie, mais un ensemble de technologies qui utilisent des algorithmes. » 14

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

Quelles sont les nouvelles grandes tendances qui ont émergé au niveau technologique avec la crise sanitaire ? Le gros sujet du moment est l’e-commerce ou l’omnicanal. C’est assez logique puisque de nombreuses entreprises, voire des secteurs entiers, étaient en retard dans ce domaine. Alors que beaucoup de gens n’avaient pas l’habitude de commander en ligne, il est apparu que cela pouvait finalement être pratique via un service drive ou click & collect. Dans l’e-commerce, il n’y a pas que le site web, ­l’interface, le panier, le paiement, mais aussi tout ce qui est en back-­ office : le stock et sa gestion, la logistique, la distribution, la livraison du dernier kilomètre… L’évolution qui se fait d’habitude en deux ou trois ans a dû être réalisée en six mois, voire en deux mois dans certains cas. Autre problématique : amener du trafic sur son site de commerce. Et en ce qui concerne le marketing digital, nous n’étions pas non plus très en avance. Enfin, la data et son appropriation font aussi partie des actualités brûlantes. Car c’est via cette data que l’on peut personnaliser


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Interview Emmanuel Vivier

les interfaces, l’e-mailing, automatiser certaines tâches et donc soulager certains collaborateurs. Et à côté de ces trois sujets, il ne faut pas perdre de vue la sustainability, le développement durable. Là a ­ ussi, les choses s’accélèrent avec une prise de conscience du grand public, des médias, des régulateurs, des marchés, et donc avec une grosse pression sur le recyclage, les conceptions, la réduction de la consommation d’énergie et de l’empreinte carbone. Le rôle que peut jouer l’intelligence artificielle est-il mieux accepté par le grand public ? Le problème de l’intelligence artificielle est, en premier lieu, que ce n’est pas une technologie, mais un ensemble de technologies qui utilisent des algorithmes. Cela mélange reconnaissance visuelle, reconnaissance du langage, automatisation des tâches dans les usines… On y associe 5G, cloud, superordinateurs. Les « machines intelligentes » ont toujours fasciné et fait peur. Terminator en est l’exemple même. À raison, car il est humain de se demander si cela va permettre d’augmenter les emplois ou d’en supprimer. Ce n’est pas nouveau : lors de la première révolution industrielle, les luddistes, qui étaient des artisans tondeurs ou tricoteurs, ont cassé des métiers à tisser car ils étaient à leurs yeux une menace. Le progrès avance, c’est un constat. Ce qu’il faut, c’est l’encadrer pour éviter des abus. On l’a aussi vu avec les Gafa et la personnalisation des publicités qui a parfois été trop loin. Il y a un rôle que doivent jouer le régulateur et le législateur. Mais demain, les sujets vont aller bien au-delà de la privacy et de la simple protection des données personnelles, il sera question d’éthique en lien avec l’intelligence artificielle. Par exemple, si un accident de voiture est impossible à éviter, que doit décider mon ordinateur de bord ? Risquer de tuer les gens dans la voiture ? Tenter une manœuvre et peut-être tuer des personnes qui sont sur le trottoir ? Estce que l’on veut que cette responsabilité appartienne à une marque, à une entreprise, à un développeur de logiciels, ou est-ce que c’est le régulateur avec les assurances qui définissent les choses ? À moins que ce ne soit finalement aux citoyens de baliser ces responsabilités via un vote ? Ce sont des sujets complexes, mais qui peuvent devenir très concrets à terme. Il est donc important d’y sensibi­liser les gens dès maintenant. C’est le cas en Finlande où l’on donne des cours gratuits de sensibilisation à l’intelligence artificielle. Le concept en lui-même peut paraître « ésotérique », mais, en réalité, cela va impacter notre vie, la démocratie, la société, la sécurité, l’égalité, notre souveraineté, donc il faut aider les politiques et les citoyens à bien comprendre les enjeux réels. Nous n’avons pas de géant européen qui puisse rivaliser avec les Gafa. Est-ce que la compétition est définitivement perdue ? Les premières batailles ont été perdues face aux géants américains, et de plus en plus sur tout ce qui est du domaine de l’intelligence artificielle. Par contre, on n’a pas forcément perdu la bataille des talents, car l’Europe dispose de beaucoup de chercheurs et développeurs, voire inventeurs ou start-upper. Malheureusement, ils sont souvent débauchés par la Silicon Valley, et par les Chinois. Il ne faut pas oublier les centres de R & D en Suisse, en France, financés par ailleurs par Facebook, Google et les autres, 16

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FAST & CURIOUS Luxembourg ou Paris ? Maintenant Paris, mais j’ai beaucoup, beaucoup aimé mes sept années au Grand-Duché. Et en termes de qualité de vie, je le regrette régulièrement. Le principal trait de votre caractère ? La curiosité : c’est la base de mon métier. En live ou en ligne ? Elle est dure, celle-là. Avec mes amis, en live, le reste du temps, en ligne. C’est quand même vraiment efficace. Votre application préférée ? J’en donnerais deux : Nuzzel et Clubhouse. Vin ou bière ? Vin, sans hésitation. Je garde mon côté latin, désolé pour le côté germanophone du Luxembourg. Votre devise favorite ? « Der will, der kann ! » : vouloir, c’est pouvoir. On n’avait jamais eu autant d’opportunités dans l’histoire de l’Humanité jusqu’à aujourd’hui.

et quelques acteurs intéressants comme Dassault S ­ ystèmes avec la 3D, Thales… On les oublie, parce que c’est un peu moins grand public, mais ce sont quand même quelques sociétés de gros calibre. L’Europe est handicapée par ce qui la constitue : des langues, des cultures et des régulations différentes. Aujourd’hui, si une start-up va aux États-Unis, elle peut toucher 300 millions de personnes sur un même marché, et en Chine un milliard. L’Europe, c’est plein de micro-pays, avec 10, 20, 30, 40, 50 millions d’habitants. Forcément, une start-up va être tentée d’aller en Chine ou aux États-Unis, parce qu’elle pourra toucher plus de monde, plus vite. J’aurais tendance à plaider pour une harmonisation continentale. Il faut une unification des taxes, des régulations, sur l’e-commerce, l’IT, les contrats de travail, pour que, demain, des entreprises européennes puissent lever des fonds en Europe, se développer en Europe et atteindre une taille critique en Europe. Vous parlez régulièrement des Gafa qui ont attaqué différents secteurs industriels, une sorte de colonisation numérique. Est-ce que cela met en cause notre souveraineté numérique ? Est-ce un problème parce qu’on l’a voulu, ou parce qu’on n’a rien fait en face ? On ne peut rien leur reprocher, c’est leur métier d’innover, de se développer. Et ce n’est pas illégal de se dire, en étant Amazon, qu’on va s’attaquer à des secteurs comme celui de la pharmacie ou des assurances. À nous d’être malins, innovants et aussi ambitieux que les Gafa. La souveraineté numérique est en tout cas une vraie question. Si vous déclariez la guerre aux États-Unis en tant que Luxembourgeois, ils n’auraient pas besoin d ­ ’envoyer un missile ou un porte-avions. Il suffirait juste d’interdire à toute société américaine de travailler avec leur contrepartie luxembourgeoise. Plus de Windows, plus d’Apple, plus de Google, plus d’Amazon, plus de Photoshop… Ce serait très compliqué d’avoir un secteur tertiaire encore en état de fonctionner. On pourrait en rire, mais nous sommes quasiment entièrement dépendants de plateformes américaines, et de temps en temps asiatiques. Le Venezuela en a fait l’expérience. Les États-Unis ont interdit aux entreprises américaines de travailler avec ce pays. Du coup, tous les graphistes vénézuéliens n’ont plus eu le droit d’utiliser Adobe. Notre dépendance est donc énorme, il faudrait que l’on accélère et que l’on se réveille pour faire bouger les lignes. Les périodes de digital detox, cela vous arrive ? J’adorerais, mais c’est compliqué, ce que vous me demandez. J’ai vécu deux éditions du Burning Man, un festival dans le Nevada où il n’y a pas de connexion internet. Et c’est assez rafraîchissant de vivre sans son téléphone pendant une semaine. Si la technologie continue à évoluer, il y aura certainement des offres pour aller à la campagne dans le nord du Luxembourg afin de se déconnecter pendant 4 ou 5 jours, et profiter de la nature, être un peu moins devant les écrans. Vous ne mettez jamais un coup de frein à vos activités ? Le digital, c’est un peu comme le vélo : si vous vous ­arrêtez, cela ne se termine jamais bien.   Auteur N. R.



Attractivité et compétitivité

Le digital, moteur de la relance Le monde post-Covid-19 sera plus numérique que jamais. Les grandes puissances mondiales sont aujourd’hui engagées dans une course technologique sans merci dans une perspective de reprise économique. L’Europe, et plus singulièrement le Luxembourg, doit dès à présent se montrer à la hauteur des enjeux.

« Les porteurs de projet peinent à trouver des interlocuteurs susceptibles d’accompagner leur développement, ainsi que des sources de financement. » 18

Stratégie publique, engagement privé Remettre sur pied l’économie passera inévitablement par une mobilisation importante de moyens publics en faveur d’investissements stratégiques. Dans ce contexte, les États-Unis et ses géants technologiques entendent préserver leur leadership numérique. Ils sont toutefois plus que jamais challengés par l’Asie, et notamment la Chine, qui mise beaucoup sur l’intelligence artificielle. Quelles sont les ambitions de l’Europe dans cette compétition ? Le plan de relance de la Commission européenne s’affiche à la fois vert et numérique. Il prévoit notamment d’allouer 20 % des 750 milliards mobilisés aux enjeux inhérents à la transformation digitale de la société. « Des actions dans ce sens doivent désor­ mais être prises au niveau de chaque État membre. Le gouvernement doit jouer un rôle-clé, de leader conduisant la digitalisation de l’économie et de la société, en définissant des projets stratégiques en la matière, poursuit Gérard Hoffmann. On commence à voir des choses, mais on attend encore un plan clair et structuré, traduisant une vision du Luxembourg digital de demain. » De leur côté, dans un environnement incertain, les acteurs privés se montrent prudents en matière d’investissements dans le numérique. En 2020, pour maintenir l’activité, beaucoup de projets, liés notamment à la généralisation du télétravail, à la dématérialisation des opérations, au déploiement de nouveaux canaux de communication ou de vente, ont été mis en œuvre. Les budgets 2021, surtout en Europe, semblent traduire des réticences à pousser plus loin la transformation. Or, cette frilosité pourrait coûter cher dans cette course à la digitalisation. « La pandémie a conduit essentiellement à la digitalisation du poste de travail. Cependant, les processus supportant le business n’ont pas pour autant été transformés. Or, c’est tout l’enjeu d’une démarche de transformation digitale, qui

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vise une refonte des processus de bout en bout, en commençant par la relation client, pour ensuite se décliner tout au long de la chaîne de valeur, commente Vincent Lekens, président d’ICT Luxembourg. Beaucoup d’entreprises ont l’im­ pression d’avoir considérablement engagé leur transformation, que 80 % du travail a été réali­ sé suite à la digitalisation du poste de travail. Or, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, qui cor­ respond en réalité à 40 % du processus de trans­ formation numérique. » Soutenir l’innovation La priorité, plus que jamais, doit être l’innovation. Pour beaucoup d’organisations, cependant, la réelle prise de conscience de cet enjeu doit encore s’opérer. « L’innovation s’initie au niveau des grands groupes, d’une part, qui tirent derrière eux l’ensemble de l’économie, ou émerge, d’autre part, au niveau des start-up, qui constituent des acteurs moteurs de l’économie de demain », poursuit Vincent Lekens. Malgré les efforts réalisés ces dernières années, Luxembourg pourrait encore considérablement renforcer son positionnement vis-à-vis des jeunes structures innovantes. « Les idées ne manquent pas, souligne le président d’ICT Luxembourg. Toutefois, les porteurs de projet peinent à trouver des interlo­ cuteurs susceptibles d’accompagner leur dévelop­ pement, ainsi que des sources de financement. » S’il faut saluer des initiatives comme le Digital Tech Fund, qui a permis de financer quelques projets depuis sa création, l’engagement des secteurs public et privé pourrait être plus prononcé. « L’esprit start-up ne fait pas encore par­ tie de l’ADN du pays, contrairement à des Places comme Israël, Berlin ou Londres, confirme Gérard Hoffmann. Il faut multiplier les outils, parvenir à positionner Luxembourg vis-à-vis des acteurs privés comme un champ fertile pour faire émer­ ger de nouvelles idées. » À côté des start-up, l’innovation peut être mise en œuvre au niveau de chaque organisation. Toutes les entreprises sont concernées. Si elles ne le font pas encore, ou pas suffisamment, c’est peut-être parce qu’elles ne se sentent

Jan Hanrion (Archives)

VINCENT LEKENS Président, ICT Luxembourg

dans une course à la digitalisation, qui implique aujourd’hui des moyens conséquents à une échelle internationale. »

Photo

Après une année pour le moins chahutée, la relance économique passera inévitablement par d’importants investissements dans le numérique. Il appartient au Luxembourg, s’il veut préserver son attractivité et sa compétitivité, de bien se positionner au cœur de cette économie digitale. « Dans un contexte de relance post-Covid-19, il est dès à présent essentiel de poursuivre les efforts déjà entrepris en matière de digitalisation, et ce à travers un plan ambi­ tieux. Il doit s’établir au niveau du gouverne­ ment et se traduire au niveau des organisations, commente Gérard Hoffmann, président honoraire d’ICT Luxembourg, la plateforme de coordination des associations représentant les acteurs du numérique. Nous nous inscrivons


pas concernées. « Innover n’est pas réservé aux grands groupes, qui ont la possibilité d’investir dans la recherche et développement afin d’obte­ nir des avantages compétitifs à l’échelle de leur marché, assure Vincent Lekens. Chacun, à son niveau, peut trouver des moyens de se démar­ quer, d’explorer de nouvelles manières de faire. Cependant, l’ensemble des structures, petites et grandes, pourraient davantage être encouragées à s’inscrire dans cette voie, grâce à la mise en œuvre d’incitants, comme des avantages fiscaux, ou encore des aides financières à l’innovation plus accessibles qu’actuellement. » Aujourd’hui, les chemins administratifs pour obtenir des aides à l’innovation, s’ils sont maîtrisés par les grands acteurs, apparaissent encore très longs et tortueux pour de nombreuses petites structures. Initier un mouvement global « Si l’ambition du Luxembourg est de se présenter comme une nation propice aux acteurs du numé­ rique, il importe que le pays devienne digital luimême, commente Vincent Lekens. L’État et ses administrations doivent montrer l’exemple et se transformer de fond en comble. Si l’on salue la possibilité offerte de pouvoir entamer des démarches en ligne via MyGuichet.lu, il est important que, derrière, le traitement des demandes soit aussi entièrement digitalisé. Si 200 imprimantes conti­ nuent à fonctionner pour assurer manuellement le suivi des dossiers, cela n’a pas de sens. » En montrant l’exemple, en engageant luimême la transformation numérique, l’État luxembourgeois peut entraîner de nombreux acteurs dans son sillage. Prenons l’exemple de la facturation électronique. L’État pourrait, par exemple, garantir un paiement plus rapide pour les entreprises qui auraient digitalisé leur facturation. On ne parle pas ici d’envoyer une facture en PDF par e-mail, mais de mettre en œuvre une gestion entièrement digitalisée de l’ensemble des flux liés à une transaction commerciale, pour un traitement automatisé et un suivi plus efficient. « C’est quelque chose que nous réclamons depuis plus de 10 ans, explique Jean Diederich, président de l’Association des professionnels de la société de l’information (Apsi). En incitant ou contraignant ses prestataires à opter pour ce mode de facturation, l’État a la possibilité d’engager un très grand nombre d’ac­ teurs dans un processus de transformation digi­ tale, au-delà des opérations de dématérialisation. » C’est un enjeu crucial. Si l’on considère le Digital Economy and Society Index de la Commission européenne, qui évalue annuellement les performances numériques des États membres, le Luxembourg accuse un réel retard en matière d’intégration des technologies au cœur des entreprises. Le Grand-Duché pointe en effet à la 19e position du classement. Les raisons pouvant expliquer cette contre-performance, alors que le pays dispose notamment d’un haut niveau de connectivité, résident dans un manque cru-

cial d’expertises ICT et digitale, et dans la trop faible importance qu’accordent certains décideurs à la digitalisation de leur organisation. « La problématique des talents n’est pas neuve. Elle est pointée depuis une vingtaine d’années. Cependant, elle est aujourd’hui plus aiguë que jamais, toutes les entreprises devant s’appuyer sur ces talents pour opérer leur transformation », détaille Jean Diederich. Sans réponse structurelle à ce problème, les organisations pourraient opter pour des solutions offshore ou nearshore, plutôt que d’investir dans le digital localement. Investir dans les compétences Si les entreprises sont invitées à innover, à digitaliser leurs processus, elles ne pourront effectivement aller de l’avant qu’en s’appuyant sur les bons profils : experts fonctionnels, analystes business, développeurs, ingénieurs, data scientists, experts de l’expérience utilisateur, ou encore spécialistes du machine learning… Or, ceux-ci manquent cruellement au Luxembourg, comme dans de nombreux autres pays d’Europe. Quelles réponses structurelles peut-on apporter à cette pénurie ? Aux yeux des représentants des acteurs du secteur numérique, une part conséquente des moyens mis à disposition à travers le plan de relance européen doit être orientée vers l’éducation et la formation. « L’ap­ prentissage du numérique, cela commence dès l’école primaire, avec une adaptation des pro­ grammes qui va au-delà de la simple introduc­ tion des tablettes comme supports de formation, commente le président de l’Apsi. Très tôt, il faut pouvoir aborder les enjeux de la program­ mation, familiariser les jeunes à diverses com­ posantes du numérique et à la création de valeur ajoutée grâce à la technologie. » Le système éducatif doit donc évoluer pour répondre aux besoins en compétences d’une société numérique. Si un tel chantier doit être mis en œuvre sans tarder, en commençant par

former les enseignants, comme le souhaitent les fédérations patronales depuis une vingtaine d’années, il faudra du temps pour produire les compétences numériques de demain. Il faut donc, par ailleurs, trouver des réponses à court et moyen termes. « L’Université, avec le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust, ndlr), attire et forme de nom­ breux étudiants. La difficulté, à ce niveau, est de les convaincre de rester sur place, en leur offrant des perspectives attractives », assure Jean Diederich. Mais malgré cela, le nombre d’étudiants qui sortent de l’enseignement supérieur au Luxembourg ne suffit pas pour répondre aux besoins en compétences du marché. « Dans un contexte de pénurie, il faut pouvoir importer massivement des profils de pays qui en pro­ duisent beaucoup. En Ukraine, par exemple, plus de 30.000 jeunes diplômés sortent chaque année des universités en pouvant faire valoir des compétences numériques, poursuit le président de l’Apsi. L’enjeu est de donner des opportunités à ces profils pour les inciter à venir au Luxem­ bourg, comme le font très bien d’autres pays européens, à l’instar de la Pologne ou de l’Alle­ magne. Il faut aussi faciliter leur installation et les accompagner. » Par ailleurs, des collaborations avec des universités européennes, du moins de la Grande Région, pourraient augmenter le pool de compétences disponibles pour l’économie nationale. Supercalculateur Plus que jamais, la transformation numérique s’envisage dans un contexte européen. « Il est important, pour le développement numérique du Luxembourg, de tenir compte des grandes tendances européennes et des opportunités qui en découlent. Nous ne pouvons plus nous consi­ dérer comme un îlot isolé au cœur de l’Europe. Le Luxembourg a tout intérêt à se positionner au cœur des grands projets envisagés à l’échelle internationale, comme Gaia-X, pour tenter de

NOMBRE QUOTIDIEN D’UTILISATEURS DE ZOOM Le télétravail a explosé durant la pandémie, ce qui a, par ricochet, plus que dopé le nombre d’utilisateurs du logiciel Zoom, qui a dépassé un pic de 300 millions d’utilisateurs au moment du confinement général.

300 300 millions 250

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0 31 décembre 2019

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31 mars 2020

22 avril 2020

Zoom

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« La problématique des talents n’est pas neuve. Elle est pointée depuis une vingtaine d’années. » L’industrie allemande, se rendant compte de l’enjeu, a souhaité apporter une réponse concrète, facilitant la valorisation des volumes croissants de données tout en assurant leur maîtrise. C’est ainsi qu’est née, dès 2018, l’initiative Gaia-X. L’année dernière, cette volonté de développer une infrastructure de données répondant aux exigences de transparence, de sécurité et de souveraineté a pris une dimension européenne. « Nous avons commencé à nous y intéresser en janvier 2020. Rapidement, la France a rejoint le programme, élevant les ambitions à un niveau européen, poursuit Yves Reding. L’Europe a raté le premier train de la digitalisation, qui a donné naissance aux géants américains de la tech. Il s’agit de ne pas rater le deuxième, celui de l’IA, qui est directement liée à l’explosion du volume de données générées. L’ambition n’est autre que de créer l’Airbus de l’intelligence artificielle. » La comparaison permet de bien rendre compte à la fois de l’ambition et de la complexité du projet. Airbus, en effet, a constitué un projet mobilisateur à l’échelle européenne au cœur des années 70. En partant de rien, des acteurs engagés sont parvenus à créer un leader mondial dans le secteur de l’aviation et une filière industrielle qui rayonne dans toute l’Europe. La volonté, désormais, est de reproduire cela dans le domaine du numérique, le tout en offrant la possibilité à tous les acteurs de l’économie de partager et de valoriser des données en disposant de toutes les garanties de gouvernance, de sécurité et d’interopérabilité. « Gaia-X est une initiative ouverte à tous les acteurs, qu’ils viennent d’Eu­ rope ou d’ailleurs, à partir du moment où ils adhèrent aux valeurs du projet, poursuit Yves Reding. Elle vise, d’une part, la création d’une infrastructure et, d’autre part, le développe­ ment de nouveaux cas d’usage autour de la donnée. La volonté est de rassembler des acteurs pour développer, au départ de cet écosystème, de nouvelles applications, des services ou pro­ duits innovants s’appuyant sur le partage et la valorisation de la donnée. »

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Faire de la contrainte une opportunité Quand on parle de transformation numérique, l’activité financière luxembourgeoise, qui représente un tiers du PIB national, fait l’objet d’une attention particulière. Ces questions sont notamment discutées au cœur du Haut Comité de la place financière, qui rassemble acteurs publics et privés représentant l’ensemble de l’écosystème pour mieux pourvoir à son avenir. Depuis quelques années, plusieurs initiatives, comme la Luxembourg House of Financial Technology, soutiennent l’émergence de nouveaux acteurs innovants dans le domaine financier. Ces sociétés de la fintech portent de nouveaux modèles, envisagent de nouvelles activités ou contribuent à faire évoluer les acteurs traditionnels. Elles agissent de manière complémentaire aux prestataires de services informatiques dédiés au monde financier luxembourgeois que sont les PSF de support. « Avec le numérique, les frontières qui préva­ laient par le passé tombent une à une, offrant la possibilité aux acteurs de la Place d’exter­ naliser beaucoup plus facilement des opérations auprès d’acteurs numériques étrangers ou de recourir plus aisément à des solutions cloud, commente Jean-François Terminaux, président de l’association Finance & Technology Luxembourg, qui fédère les PSF de support et les fintech luxembourgeois. Nos membres,

Matic Zorman (Archives)

Gaia-X : la souveraineté de la donnée Au niveau de l’Europe, un autre projet majeur réside dans la mise en œuvre de Gaia-X, une nouvelle infrastructure de données efficace et compétitive, sécurisée et fiable pour l’Union européenne. Au Luxembourg, cette initiative a été suivie de près par les représentants du secteur numérique (Cloud Community Europe – Luxembourg, l’Apsi, ICT Luxembourg et la Fedil), qui en ont été de fervents promoteurs auprès des acteurs locaux et du gouvernement. Leur conviction est aujourd’hui largement partagée, puisque, début mars, le Luxembourg était le quatrième pays européen à supporter pleinement cette initiative, en lançant son hub régional luxembourgeois Gaia-X, qui sera coordonné par Luxinnovation. « La donnée est le principal carburant de l’économie numérique. Il importe pour les acteurs qui évoluent en son sein d’en avoir la parfaite maîtrise, commente Yves Reding, président de Cloud Community Europe – Luxembourg. Or, si l’on parle du cloud, les grandes plate­ formes, de type ‘hyperscaler’, appartiennent le plus souvent à des acteurs sous juridiction non européenne, ce qui soulève des questions cru­ ciales en matière de souveraineté européenne. »

JEAN DIEDERICH Président, Association des professionnels de la société de l’information (Apsi)

Pour le Luxembourg, il était particulièrement important de prendre part à cette initiative et de porter d’autres projets dans des domainesclés pour son économie. « Sur des thématiques-clés, l’enjeu est de parvenir à construire des écosys­ tèmes de confiance, facilitant le partage de la donnée et l’innovation, poursuit le vice-président d’ICT Luxembourg. Au-delà du secteur finan­ cier, le Luxembourg, qui se positionne comme une plateforme transfrontalière au cœur de l’Eu­ rope, a une belle carte à jouer. Des projets inter­ régionaux, notamment dans le domaine de la santé ou encore de l’énergie, pourraient trouver un intérêt à se développer autour d’une plate­ forme comme Gaia-X. Au niveau du spatial, comme domaine d’activité transversal générant des quantités impressionnantes de données, le Luxembourg nourrit aussi de fortes ambitions. » La transformation numérique de l’économie ne pourra bien s’opérer que si l’on veille à garantir la confiance de l’ensemble des acteurs qui la portent. « À ce niveau, il est important de poursuivre les efforts entrepris dans le domaine de la cybersécurité, assure Gérard Hoffmann. Face à des risques croissants, nous devons nous assurer de la fiabilité des acteurs numériques qui se déploient au départ du Luxembourg. C’est un enjeu essentiel, contribuant à la confiance que l’on peut avoir, demain, dans un Luxem­ bourg digital. Il s’agit, ni plus ni moins, de se prémunir de toute propagation de virus, digi­ taux cette fois, qui nuiraient à une société de plus en plus dépendante de la technologie. »

Photo

faire valoir et de préserver son leadership dans des domaines-clés pour son économie, ajoute Jean Diederich, par ailleurs membre du board du réseau international Digital Europe. Dans ce contexte international, il faut pouvoir faire les bons choix, en connaissance de cause, et se positionner avec les bons experts. » Le Luxembourg, par exemple, a joué un rôle déterminant dans le projet de high per­ formance computing déployé par plusieurs pays européens. Le pays s’est doté d’un des plus puissants superordinateurs d’Europe : Meluxina. Cette nouvelle machine, qui doit être opérationnelle au printemps 2021, est capable de traiter de gros volumes de données et d’effectuer 10 millions de milliards d’opérations par seconde, soit une puissance de calcul de 10 pétaflops. Les applications de l’outil sont nombreuses : la modélisation, le développement de nouveaux produits, les prévisions, ou encore le big data. Au service de la communauté scientifique, il sera dédié à des applications dans le cadre de la médecine personnalisée et de projets e-health. Il répondra également aux besoins des entreprises, en particulier des PME et des start-up, en vue de renforcer l’innovation nationale et européenne. Mais Meluxina pourrait également représenter une aubaine pour la place financière, puisqu’il accompagnera la transition numérique de l’économie. Le mastodonte calculateur va contribuer à la mise en place d’une économie digitale, durable et fiable, en rendant le calcul de haute performance accessible aux entreprises de toutes tailles.


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Attractivité et compétitivité

banking, soutenu par PSD2, qui facilite, par exemple, l’accès à des comptes bancaires depuis des applications tierces grâce aux API, est une réelle opportunité pour l’ouverture du secteur financier. Sa diversification passe en effet par la création de liens privilégiés avec les fintech et l’écosystème des start-up émergentes dans ce domaine », complète Jean Diederich. Au niveau du secteur financier, il est essentiel que le régulateur, comme les pouvoirs publics, soutienne les nouveaux développements en faisant preuve d’ouverture, tout en restant intransigeant en matière de respect des règles en vigueur. « Tout évolue à une vitesse folle. Si la place financière veut rester compétitive et pré­ server son leadership, il faut entretenir une culture de l’innovation et faciliter les nouveaux déve­ loppements, commente Jean-François Terminaux. Nous devons évoluer en restant à l’écoute des exigences des clients, en faisant preuve d’une grande agilité à tous les niveaux et en renforçant notre attractivité vis-à-vis des acteurs qui feront la finance de demain. C’est en travaillant ensemble, en bonne collaboration, que nous pourrons faire grandir la Place en profitant des possibilités qu’offre le numérique. »

qui ont longtemps principalement servi le mar­ ché luxembourgeois, doivent aujourd’hui faire face à une nouvelle compétition internationale. Dans cette perspective, il est important de moder­ niser le statut de professionnel du secteur finan­ cier, en cherchant à saisir les nouvelles opportunités qui se présentent. » Les acteurs du numérique luxembourgeois dédiés à l’accompagnement des acteurs financiers ont longtemps dû opérer dans un cadre contraignant, garantissant la sécurité et la confidentialité des données. « Aujourd’hui, l’Union européenne, à travers son Digital Operational Resilience Act (DORA) dédié aux activités finan­ cières, est occupée à renforcer les exigences enca­ drant la sous-traitance d’opérations. Dans ce contexte, les acteurs du numérique luxembour­ geois, et particulièrement les PSF de support, peuvent faire valoir une maîtrise de ces contraintes, une expertise forte en matière de gestion des risques. Nous disposons d’une réelle avance en la matière. Ce cadre réglementaire luxembour­ geois, qui a pu être considéré comme un frein à la digitalisation de l’activité au départ du Luxem­ bourg, s’avère être aujourd’hui un atout sur lequel on peut capitaliser. » À condition, pour les acteurs du numérique luxembourgeois dédiés aux activités financières, de s’ouvrir vers l’extérieur et de nourrir des ambitions européennes.

Industrie 4.0 Si la transformation digitale de l’activité financière est un enjeu majeur, le Luxembourg mise aussi beaucoup sur les opportunités liées à l’émergence de l’industrie 4.0. À travers son Digital Innovation Hub porté par Luxinnovation, le ministère de l’Économie, avec ses divers partenaires, veut engager les acteurs industriels dans une démarche de transformation profonde. « Un des enjeux est de faire prendre conscience aux acteurs des possibilités liées à une meilleure exploitation des données dont ils disposent ou qu’ils peuvent générer, assure Georges Santer, head of digital and innovation à la Fedil et responsable de l’initiative Digital4Industry. S’ins­

Esprit de corps Considérant les nombreuses évolutions réglementaires à l’étude, le Luxembourg doit faire preuve d’agilité pour explorer de nouvelles opportunités liées au numérique. C’est notamment ce que plusieurs acteurs de la Place sont parvenus à faire en créant Luxhub, dans le contexte de la nouvelle directive de paiement (PSD2), pour lancer une plateforme d’open banking, aujourd’hui leader en Europe. « Le Luxembourg doit s’engager dans cette économie numérique ouverte liée à l’API economy. L’open

CHANGEMENTS DES DÉPENSES DANS L’INFORMATIQUE EN EUROPE À CAUSE DU COVID-19 En pourcentage des répondants (152 personnes) SaaS

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Importante augmentation

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crire dans une démarche de valorisation de la data doit en effet conduire à l’émergence de nou­ veaux business models, produits et services. » Avec le numérique, une industrie d’un nouveau genre est appelée à se développer. L’exploitation des données doit permettre un suivi de la production en temps réel, faciliter les prises de décision et permettre d’opérer une maintenance prédictive des installations. « Grâce aux possibilités de connecter des objets, un acteur comme le groupe sidérurgique Paul Wurth peut, par exemple, suivre en continu les paramètres d’un de ses hauts fourneaux, exploité par un de ses clients en Corée du Sud, évoque Georges Santer. De cette manière, il peut contribuer à améliorer les performances de l’installation et soutenir son client dans l’amélioration de la pro­ duction. À travers cet exemple, on voit comment la technologie et une meilleure exploitation des données permettent d’améliorer le suivi des clients et de proposer des services supplémentaires asso­ ciés à l’expertise dont dispose un industriel. » Quel que soit le secteur, la connectivité des objets ouvre un vaste champ à explorer, avec de nouvelles opportunités à saisir. « Pour les acteurs existants, les possibilités de renforcer leur offre de valeur sont immenses, assure Georges Santer. Les industriels, notamment, ont la possibilité de créer un lien direct avec le client, en partageant avec lui une information utile liée aux produits qu’il utilise. » Un pneu connecté, par exemple, offre la possibilité de donner une indication utile en temps réel sur l’usure du produit, sur les risques de sécurité ou sur les habitudes de conduite. Les données produites par le composant peuvent aussi être directement valorisées auprès des constructeurs. « Aujourd’hui, les grands acteurs sont déjà engagés dans cette voie, avec divers projets de recherche et d’innovation menés au Luxembourg avec les acteurs de la recherche publique, comme le List ou encore le SnT de l’Université, ajoute le conseiller de la Fedil. Au-delà de cela, il faut convaincre les plus petites structures de leur emboîter le pas, à leur échelle, en les invitant à profiter des aides existantes, à l’instar de Fit4Digital et Fit4Innovation. » Nouvelles perspectives Au niveau de l’industrie, le numérique permet d’innover, mais aussi d’envisager de nouveaux modes de production, moins gourmands en ressources naturelles et en énergie. Il permet d’inscrire le pays dans une démarche de réindustrialisation en tenant compte des contraintes propres au Luxembourg, au foncier limité. De manière globale, le Luxembourg et les divers acteurs de son économie doivent renforcer leur capacité d’adaptation pour bien appréhender le changement. À eux de prouver une nouvelle fois que, malgré leur taille, en faisant du numérique leur meilleur allié, ils sont en mesure de faire toute la différence. Auteur S. L.


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JEUDI

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D ÉC E M B R E

18H30 G O L D S P O N SO RS

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Interview Jean-Pierre Faber

« Une meilleure exploitation des données est cruciale pour la CSSF » Véritable colonne vertébrale de l’économie luxembourgeoise, le secteur financier a lui aussi entamé sa transformation digitale. Cela a évidemment des implications concrètes pour son régulateur, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Le directeur de l’établissement, Jean-Pierre Faber, nous explique sa vision de ce que sera la CSSF 4.0.

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RGPD : AUCUNE AMENDE ADMINISTRATIVE Depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, le nombre de réclamations déposées à la CNPD (Commission nationale pour la protection des données) a augmenté en 2018 (environ 450, soit plus du double de l’année précédente) et en 2019 (plus de 600). Il en va de même pour les contrôles en entreprise (12 en 2018, et 33 en 2019). 526 violations de données ont, en outre, été notifiées à la CNPD depuis le 25 mai 2018. Si 140 réclamations ont conduit à l’adoption de « mesures correctrices », aucune amende administrative n’a été délivrée au Luxembourg depuis l’entrée en vigueur du RGPD.

Au-delà des ressources humaines, quelles sont les nouvelles technologies à l’étude au sein de la CSSF ? D’importants efforts ont déjà été réalisés au niveau de la collaboration interactive en temps réel avec les acteurs du secteur financier. Cela prend forme, par exemple, au travers de la mise en place d’une Dropbox CSSF, de ­l’intensification de l’implémentation de guichets digitaux. e-Prospectus est notre guichet destiné au traitement des final terms ; eDesk concerne la vie d’un agrément OPC (organisme de placement collectif, ndlr), le registre des comptes bancaires est destiné à l’AML (anti-money ­laundering, ndlr) pour différents organismes gouvernementaux. En parallèle de ceci, nous menons des projets nous permettant d’aller encore plus loin dans l’innovation. Avec le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust de l’Université du Luxembourg), nous menons un projet qui vise à analyser des dizaines de milliers de prospectus autorisés afin de nourrir un système de machine learning qui nous permettrait d’automatiser l’autorisation de certains fonds d’investissement standards. Au final, notre idéal pour une CSSF 4.0 serait de parvenir à une surveillance en temps réel des entités régulées, avec l’aide des nouvelles technologies. Cellesci nous aideraient à l­ imiter le coût de la surveillance, aujourd’hui assumé en partie par les acteurs de l’industrie. Aujourd’hui, la digitalisation et l’automatisation nous permettent de rendre nos contrôles plus rapides, efficaces

Matic Zorman

Concrètement, comment vous organisez-vous pour atteindre ces objectifs ? Nous visons, ensemble, à travailler sur les qualités professionnelles de nos collaborateurs, au développement de nos « talents intrinsèques ». Il s’agit d’un travail de longue haleine, que nous avons articulé autour de plusieurs axes. Le premier est lié aux ressources humaines. La CSSF a 30 ans et a connu une importante évolution au cours des dernières années, avec plus de 300 engagements en l’espace de cinq ans. Nous comptons aujourd’hui près de 1.000 collaborateurs, qui ne sont pas tous des digital natives. Il faut donc mettre en place un plan d’upskilling,

qui permette à la fois d’identifier les compétences indispensables aujourd’hui et demain, et de former les personnes qui doivent l’être. Plus largement, il faut que nos collaborateurs puissent comprendre les évolutions du marché dans le domaine des nouveaux outils et services qui y sont proposés. Par ailleurs, il est crucial pour nous de parvenir à exploiter au mieux les données transactionnelles, la « data pure », dans le respect des règlements européens, évidemment. Pour mener cette tâche à bien, nous aurons besoin de développer nos compétences dans le domaine des  data scientists, en nous formant, mais également en ayant recours à des recrutements externes.

Photo

La transformation digitale des acteurs financiers a connu une importante accélération au cours des dernières années, et plus encore suite au Covid-19. En quoi est-ce important pour la CSSF de suivre le mouvement ? Comme vous le mentionnez, le marché lui-même a vu éclore dernièrement un nombre important de nouvelles solutions digitales : la blockchain, les cryptomonnaies, les tokens, etc. Nous devons donc nous adapter par rapport à cette évolution, pour servir à la fois de facilitateur de la transformation digitale pour les entités régulées, mais aussi de garde-fou. Les attentes du marché sont en effet élevées : les acteurs attendent de nous une grande réacti­ vité et une réelle transparence, ils ne veulent pas voir leur croissance commerciale entravée. Pour eux, la digitalisation, notamment l’automatisation de certains processus, est en effet une nécessité, car elle leur permet certes de réduire leurs coûts dans un contexte de diminution des marges, mais surtout d’être plus dynamiques, plus agiles, tout en maintenant un niveau de qualité élevé. D’un autre côté, la société civile et les pouvoirs publics souhaitent que nous jouions notre rôle de protecteur par rapport aux éventuelles dérives que cette digitalisation pourrait ­entraîner. Notre priorité reste en effet de garantir la stabi­lité du m ­ arché et la réputation de la Place luxembourgeoise. Nous devons donc trouver le bon équilibre entre ces deux ­exigences.


Jean-Pierre Faber, directeur de la CSSF.


Interview Jean-Pierre Faber

«  Au début de la période de confinement, le texte de loi sur le télétravail n’avait absolument pas pris en compte le cas des fonctionnaires. » et évolutifs en étant « agiles ». En effet, grâce à ces technologies, nous pouvons recevoir et ­stocker de façon sécurisée des quantités importantes de données provenant de nos entités surveillées et les analyser en un temps optimisé. Plus on traitera de données, plus notre outil d’analyse, grâce au machine learning, sera capable de les interpréter finement pour repérer les risques éventuels qui se présenteraient. L’humain restera essentiel dans ce processus, notamment en définissant ces modèles mathématiques « métier », ainsi que les tests associés. Notre volonté, pour l’avenir, est d’être plus efficients à effectifs constants. Considérant le caractère sensible de votre activité, faites-vous appel à des prestataires externes pour le développement de nouvelles technologies ? Nous avons aujourd’hui, au sein de nos effectifs, des ­personnes compétentes dans le domaine des nouvelles technologies, que ce soit en matière d’infrastructure informatique, de développement de solutions « métier », ou encore de gestion de la data. Néanmoins, nous souhaitons rester en contact avec la société civile, et nous mettons donc en place de nombreuses collaborations avec des prestataires externes – collaborations qui revêtent, la plupart du temps, la forme de « partenariats ». Par ailleurs, nous voyons également les collaborations de façon positive, comme un moyen à la fois d’aider certaines start-up à se développer et d’acquérir de nouvelles compétences. À travers notre division Innovation financière, nous cherchons à initier la communication avec les nouvelles fintech, à challenger leur approche, à les guider, pour faire en sorte que leurs services soient compatibles avec le cadre réglementaire. Une fois autorisées, nous les aidons à se développer, et, enfin, nous pouvons devenir leurs clients, car nous avons aussi besoin de certains des services qu’elles proposent. C’est une forme de win-win. Quel rôle a joué la crise du Covid-19 dans la digitalisation de la CSSF ? Elle a servi d’accélérateur pour toute une série de processus que l’on ne pensait pas pouvoir digitaliser aussi rapidement, et qui l’ont finalement été dans un délai très court. Le meilleur exemple est sans doute le télétravail dans la fonction publique. Au début de la période de confinement, le texte de loi sur le télétravail n’avait absolument pas pris en compte le cas des fonctionnaires, qui sont obligés de respecter le principe de territorialité, c’est-à-dire de ­prester sur le territoire luxembourgeois. Il semblait donc, a p ­ riori, 26

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impossible de le mettre en place. Mais nous nous sommes finalement basés sur la loi relative au travail à distance – créée pour encadrer les missions à l’étranger – pour permettre à nos employés d’avoir accès à des données confidentielles, même depuis leur domicile, en dehors des frontières luxembourgeoises. Rappelons, en effet, que près de 50 % de nos collaborateurs sont originaires d’un autre pays de l’Union européenne, et que 23 % d’entre eux sont non-résidents. Les accords entre pays ont permis de régler ce problème, et, aujourd’hui, nous fonctionnons toujours avec des rotations d’effectifs : un tiers du personnel est présent au bureau, en alternance. Par ailleurs, nous avons également accompagné certaines entités surveillées dans la mise en place et la gestion du télétravail, ainsi que dans l’ensemble de leur business continuity plan (BCP). Vos projets de digitalisation ont-ils été freinés par la crise ? Malgré le recours au télétravail, nous constatons que nos objectifs en la matière ont été atteints. Au niveau du lean management (gestion allégée, ndlr), nous avons lancé une vingtaine de projets en l’espace de trois ans, et une douzaine devraient encore être réalisés cette année. Nous avons, par ailleurs, mis en œuvre de nouvelles méthodes de travail. En ce qui concerne les ressources humaines, nous avons élargi notre offre de formations en ligne, afin de continuer à répondre à l’impératif de se former, tout en restant à distance. Les outils de travail se sont également adaptés, avec le recours aux solutions de communication à distance, comme, par exemple, la refonte de notre site internet et le développement de portails électroniques permettant des échanges sécurisés et transparents avec les différents acteurs du secteur. En outre, nous avons implémenté le registre centralisé des banques, dont la CSSF a été nommée gestionnaire. Pensez-vous que le télétravail sera appelé à perdurer dans votre secteur après la crise ? Comment l’encadrer ? Nous avons vu, pendant la crise, que le télétravail pouvait fonctionner. Il s’imposera également après la crise. Nous ne parlons bien sûr pas d’un télétravail généralisé, mais d’une situation où des collaborateurs du secteur financier travailleront depuis leur domicile un ou deux jours par semaine. Par contre, nous savons également déjà que le cadre réglementaire devra être adapté, car certaines mesures d’exception appliquées actuellement ne seront pas éternelles. Je pense ici, notamment, aux accords fiscaux bilatéraux négociés par le Luxembourg avec ses pays voisins, permettant aux travailleurs frontaliers de dépasser les seuils généralement prévus en matière de jours de travail qu’ils peuvent prester à partir de leur pays de résidence. Nous travaillons donc en ce moment sur une circulaire encadrant le télétravail pour les entités régulées, et qui tiendra compte des contraintes de sécurité et de confidentialité propres au secteur financier, des exigences en matière de substance relevant du droit des sociétés, mais également de la situation atypique des fonctionnaires. Vous évoquiez tout à l’heure l’exploitation de la donnée comme un élément crucial de la transformation digitale de la CSSF. Pourquoi ? Aujourd’hui, « data is the new oil ». Nous surveillons chaque année des millions de transactions. Cette a ­ ctivité


LARGE SCALE TESTING

Se faire tester, même vacciné(e), reste important pour surveiller l’évolution des anticorps qui nous protègent contre la COVID-19.

www.covid19.lu


Interview Jean-Pierre Faber

nous permet de rassembler une quantité importante de données. Celles-ci peuvent nous être utiles à plusieurs titres. Tout d’abord, elles peuvent nous aider à améliorer nos capacités de surveillance en identifiant des comportements typiques et atypiques, en matière de blanchiment ou de financement du terrorisme, par exemple. Ensuite, la CSSF peut exploiter la donnée qu’elle détient en l’analysant, la formatant et la restituant au marché, ce qui permettrait aux entités régulées de réduire un peu leurs efforts liés au reporting. Nous ne disposons malheureusement encore ni du cadre légal ni des outils technologiques pour concaténer toutes les données en notre possession et en faire bon usage. Mais considérant les initiatives de ce type qui se multiplient au niveau international, le Luxembourg – et la CSSF – doit avancer sur ce sujet. Il en va de la compétitivité du pays. Un des impératifs étant cependant que les parties prenantes du traitement de ces données le fassent uniquement dans l’intérêt public, et non en poursuivant un intérêt commercial. Pour mieux exploiter les données, ne faudrait-il pas que les différentes entités régulées consentent à partager plus largement celles qu’elles possèdent ? Dans les faits, des échanges de données ont déjà lieu – en tout cas, entre la CSSF et les entités régulées. Ils ont été renforcés à la suite de la mise en place de nos différents guichets digitaux destinés à faciliter les transferts d’infor­ mations et la collaboration en temps réel sur les opérations dédiées dans nos guichets. La question sous-jacente que tout le monde se pose est la suivante : Qui peut aller consulter ces données ? À la CSSF, nos agents doivent suivre une procédure très stricte pour pouvoir le faire sur base du principe need-to-know (besoin de savoir, ndlr). En ce qui concerne l’externe, l’accès aux guichets se fait via des tokens Luxtrust. Nous sommes donc sur de l’authentification forte, que ce soit en interne ou en externe. Malgré le fait que le cadre réglementaire à lui seul nous donne le droit et les pouvoirs, dans l’exercice de nos missions de surveillance, d’accéder aux données relatives à notre domaine d’activité possédées par une entité régulée, nous attachons une importance toute particulière à la dimension collaborative et à la transparence de nos échanges. Ainsi, la question d’un non-partage des données ne se pose plus vraiment. Nous espérons avoir une adhésion naturelle quant à la question de l’accès à la donnée. La possession de données implique aussi une responsabilité, celle de ne pas se les faire dérober. Comment vous protégez-vous contre les cyberattaques ? Nous cherchons en permanence à améliorer nos capacités de défense contre les cyberattaques, notamment grâce à la mise en place d’une red team – qui tente d’attaquer le système – et d’une blue team – qui le défend. Nous demandons aussi à des spécialistes externes de simuler des attaques, afin d’être toujours prêts à faire face aux dernières menaces, qui sont en constante évolution. Un volet important de notre stratégie de cybersécurité réside dans la formation, notamment par rapport aux risques de phishing (technique illégale de piratage d’informations en ligne, ndlr). Ce type d’attaque est en effet de plus en plus sophistiqué, et il faut vraiment un œil averti pour le repérer. Rappelons toutefois 28

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OÙ LES DONNÉES PEUVENT-ELLES ÊTRE STOCKÉES ? De nombreux professionnels du secteur financier ont aujourd’hui recours à la soustraitance, notamment en matière informatique. Cela signifie que certaines données, parfois hautement confidentielles, se retrouvent hébergées hors du Luxembourg. Plusieurs circulaires de la CSSF encadrent toutefois la pratique et obligent notamment les sociétés qui sous-traitent à l’étranger à obtenir l’accord du client pour transmettre des données confidentielles. Celles-ci doivent en outre être cryptées.

que ce travail est appliqué par la CSSF à elle-même, et que c’est aux entités surveillées d’appliquer les mêmes préceptes de prudence. Cela fait d’ailleurs partie de leurs obligations professionnelles. Vous évoquez souvent le facteur humain. Finalement, quelles devront être les qualités des collaborateurs de la CSSF dans sa version 4.0 ? Notre volonté, grâce à la digitalisation, est que nos colla­ borateurs libèrent une partie de leur temps, accaparé par des tâches administratives et répétitives, pour le consacrer à des missions à plus haute valeur ajoutée. Si on prend l’exemple du projet que nous menons avec le SnT, nous pourrions aboutir à une situation dans laquelle nos colla­ borateurs ne seraient amenés à analyser que les points de divergence que l’IA (intelligence artificielle, ndlr) aurait fait ressortir par rapport à des prospectus standards ou des données préexistantes déjà en notre possession. Ce temps gagné servirait aussi à mieux faire certaines choses que nous avons lancées, mais qui peuvent encore être améliorées, et doivent assurément l’être. Comment faire en sorte que les particuliers s’intéressent plus largement aux marchés financiers ? La directive PSD2 est un pas dans la bonne direction. Elle renforce la sécurité des transactions et la confiance des investisseurs. Je crois que la technologie peut également être utile pour rapprocher investisseurs et professionnels de la finance. Elle pourrait en effet nous permettre d’avertir chaque entité lorsqu’un profil de client souhaite investir dans un type de produit auquel il ne devrait pas forcément avoir accès. Faciliter ce type de process cadre complètement avec notre mission, qui est d’offrir la sécurité nécessaire à la société civile par rapport aux marchés financiers, mais aussi de garantir la stabilité de ces derniers et la réputation de la place financière luxembourgeoise. Il ne faut pas oublier que le secteur financier rapporte, de façon indirecte, près de 30 % du PIB du pays. Pour le gouvernement, il est donc essentiel que cette industrie reste forte et fiable. Comment les entités que vous régulez réagissentelles à vos efforts en matière de digitalisation ? La plupart d’entre elles sont plutôt demandeuses, et sont donc satisfaites de nos efforts. Notre Dropbox a par exemple été rapidement adoptée par les acteurs du secteur. Nous avons bien conscience qu’il est possible de faire mieux en matière d’expérience utilisateur. Nous nous inscrivons dans un processus d’amélioration continue. Aussi, notre volonté est de rester à hauteur de l’indus­trie et de l’inciter, plus encore, à multiplier les déve­loppements digitaux. L’un des prochains grands chantiers qui l­’attendent est d’ailleurs la mise en place d’un « e-euro », qui est rendue nécessaire par les initiatives qui sont lancées ailleurs dans le monde. La création d’un « e-yuan » aurait en effet un impact considérable sur l’économie mondiale. Il faut donc être prêt pour cette éventualité… voire la prendre de vitesse.

Auteur Q. D.


Tackling bias in artificial Table ronde intelligence, and eventually Luxembourg Recovery in humans

Ann-Elise Delbecq AI Elite team EMEA (IBM)

TRANSLATION INTO ENGLISH PROVIDED

T HJUERS U DDAY I Artificial intelligence awakens great hopes, by allowing us to make decisions more quickly and objectively than human judgments alone. While it holds out the promise of competitiveness, it also has a dark side, that of undesirable biases. AI is dependent on the social and cultural context of its designers and the data that feeds them. During this Club Talk, Ann-Elise Delbecq, AI Elite team EMEA at IBM, will discuss the emergence of tools and methodologies to deal with these new algorithmic biases.

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18H30 18:30


Nouvelles technologies

Les 15 grands projets digitaux du pays Fin 2018 était créé un ministère dédié à la digitalisation, afin d’accélérer son déploiement dans le pays. Zoom sur 15 de ses projets, qui visent à développer l’eGovernment, faire avancer la réforme administrative, promouvoir l’inclusion numérique et intégrer les nouvelles technologies.

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De nouveaux outils pour les citoyens

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Plusieurs nouvelles fonctionnalités ont été développées ou sont en cours de développement sur MyGuichet.lu. Depuis 2019, les citoyens peuvent prendre rendez-vous auprès de plusieurs administrations. L’application mobile GouvCheck offre, quant à elle, la possibilité de vérifier en temps réel l’authenticité d’un document officiel – par exemple, un certificat de vaccination contre le Covid-19 – et l’intégrité de ses données grâce à un code QR. L’eTracking, de son côté, permet de suivre le parcours d’un formulaire envoyé par courrier à une administration. À terme, MyGuichet.lu se positionnera comme une boîte aux lettres électronique gouvernementale. Les usagers pourront continuer à recevoir le courrier étatique au format papier ou préférer la version électronique en s’abonnant à l’eDelivery. Et avec l’app MyGuichet.lu, en préparation, chacun pourra profiter des fonctionnalités de la plateforme depuis n’importe où.

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Un portail internet pour les enquêtes publiques En janvier 2021 a été lancée une plateforme (www. enquetes-publiques.lu) centralisant les procédures d’enquêtes publiques de manière digitale. Jusqu’alors, les informations concernant les enquêtes publiques étaient diffusées sous forme d’avis officiels publiés dans la presse et par le biais des canaux de chaque entité (ministères, administrations, établissements publics, communes). Le ministère de la Digitalisation y a ajouté un moyen numérique. À travers ce portail, les citoyens peuvent s’informer des enquêtes en cours, ainsi que consulter les documents et les avis officiels qui y sont liés. Dans une approche participative, ils ont aussi la possibilité de déposer leurs commentaires directement par voie électronique lorsque la base légale de l’enquête le permet. Grâce à cette plateforme, les services publics peuvent, quant à eux, gérer les enquêtes plus facilement et plus rapidement.

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Des adaptations pour permettre le télétravail La crise sanitaire a accéléré le déploiement du télétravail. Pour que les agents de l’État continuent à être totalement intégrés et tenus au courant des décisions prises durant leur absence physique au bureau, une nouvelle organisation a dû être mise en place. Les infrastructures du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE) ont été adaptées, afin d’autoriser et garantir un plus grand nombre de connexions à distance en parallèle, permettant ainsi aux agents de travailler depuis leur domicile tout en assurant la protection des données. Les outils ont également évolué. Les échanges par e-mail et téléphone ne suffisant pas, ils ont été complétés par des communications multidirectionnelles, en temps réel. L’offre de plateformes collaboratives de messagerie électronique, communication audio et visioconférence a été élargie, tandis qu’un cadre standardisé a été défini pour le développement de sites intranet.

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Une première blockchain du secteur public… Désireux de jouer un rôle pionnier dans ce domaine, le gouvernement a créé en 2019 une blockchain du secteur public, une première en Europe. Celle-ci sert à imaginer et expérimenter de nouvelles applications blockchain dédiées au secteur public ou impliquant des échanges entre secteur public et secteur privé. Cette blockchain doit contribuer à améliorer la transparence, la fiabilité et la sécurité des systèmes d’information et des processus numériques du secteur public. Le CTIE a d’ores et déjà déployé une première solution de notarisation de certains logs d’accès d’informations pour pouvoir mieux garantir l’intégrité de ces données. Un projet de collaboration entre le ministère de la Digitalisation, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et une banque a également été initié en 2020 pour digitaliser et simplifier l’accord et l’octroi de prêts étudiants.


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… et un projet de blockchain européenne

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En matière de blockchain, le gouvernement s’implique aussi au niveau européen à travers l’European Blockchain Partnership. Ce projet vise à mettre en place une blockchain européenne – European Blockchain Services Infrastructure (EBSI) –, afin de mettre sur pied des services inter­ opérables et transfrontaliers, tels que le support pour une identité digitale. L’an dernier, un premier nœud EBSI, hébergé au sein du CTIE et rejoignant les 28 nœuds déjà opérationnels dans divers pays européens, a été établi. Le ministère de la Digitalisation a aussi instauré un consortium avec Infrachain, le Luxembourg Institute of Science and Technology (List) et le Centre interdisciplinaire pour la sécurité, la fiabilité et la confiance (SnT), afin de soumettre un projet d’implémentation d’un cas d’utilisation EBSI au Luxembourg.

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Un GovTech Lab pour digitaliser les services publics

Le ministère de la Digitalisation entend encourager la digitalisation et l’innovation dans le secteur public en promouvant des technologies telles que l’intelligence artificielle. Ainsi, le comité AI4Gov, dont fait partie le ministère, a lancé en novembre 2019 un appel à idées aux administrations, afin de recueillir des propositions d’initiatives innovantes basées sur l’IA. Après analyse d’un jury, six projets ont été sélectionnés. Quatre ont été entamés, tandis que les deux autres étaient encore en phase de développement du cahier des charges. Ils ont bénéficié, tout au long de l’an dernier, d’un accompagnement de prestataires, afin de créer un prototype fonctionnel et exploitable à la fois auprès d’utilisateurs internes et externes. En décembre 2020, un nouvel appel à projets a été initié.

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Fin 2020, le ministère de la Digitalisation et le CTIE ont annoncé la création du premier GovTech Lab luxembourgeois. Son objectif ? Accélérer le développement et le perfectionnement des services publics numériques de l’État grâce à des solutions innovantes proposées par l’écosystème TIC du pays. Concrètement, le GovTech Lab lance des appels à solutions auprès d’acteurs externes – start-up, entreprises, indépendants, chercheurs, étudiants, etc. –, afin d’imaginer de nouvelles solutions technologiques permettant de faire avancer la transformation digitale du secteur public. In fine, le GovTech Lab a pour ambition d’améliorer la qualité, la sécurité, l’accessibilité, la convivialité et l’efficience des services offerts aux citoyens et aux entreprises.

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Un comité interministériel pour la digitalisation Afin d’accélérer le passage au gouvernement numérique, une gouvernance digitale a été mise en place. Le comité interministériel pour la digitalisation a ainsi pour vocation de renforcer l’eGovernment et la digitalisation des services publics au sens large et de manière transversale. Dans ce contexte, le comité, présidé par le ministère de la Digitalisation et le CTIE, a pour objectif de rendre les ministères attentifs à l’offre qui existe en matière de solutions digitales. Il veille aussi à les sensibiliser à l’intérêt et l’importance d’adopter une approche de simplification administrative dans leur digitalisation. De leur côté, le ministère de la Digitalisation et le CTIE appréhendent, par le biais de ce comité, les projets envisagés par les différents ministères, et ce en vue de coordonner les besoins à long terme.

Des projets basés sur l’intelligence artificielle

Une plateforme pour aider à la décision Une plateforme d’informatique décisionnelle (business intelligence) étatique a été déployée, afin de faciliter les analyses de données au sein de l’Administration publique et de les visualiser, dans le but de livrer des rapports réguliers sur une situation précise. Grâce à cette plateforme, les décideurs disposent de connaissances approfondies de leurs données. Ils peuvent ensuite s’en servir, afin de prendre des décisions stratégiques et de simuler, a priori, ou d’évaluer, a posteriori, les impacts de celles-ci. De premiers projets ont d’ores et déjà été mis en production sur la plateforme d’informatique décisionnelle, véritable outil d’aide à la décision. Celle-ci a, par exemple, soutenu la cellule de crise Covid-19, dès le début de la pandémie, en faisant le suivi de son évolution.

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La facturation électronique sera bientôt la norme Le projet de loi modifiant la loi du 16 mai 2019 « relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession » est en cours de procédure législative. Celui-ci introduit une obligation, pour les entreprises, d’émettre et de transmettre, dans le cadre des marchés publics, leurs factures au format électronique. Le texte précise également qu’un seul et même réseau de livraison devra être utilisé par les entités et les pouvoirs demandeurs pour recevoir les e-factures, et ce afin d’éviter toute fragmentation du marché. Il s’agit d’une étape décisive dans l’évolution vers une utilisation généralisée de la facture électronique au Luxembourg, entre les entreprises et le secteur public, d’abord, entre les entreprises elles-mêmes, ensuite, et envers les particuliers, enfin. MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Nouvelles technologies

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Améliorer l’e-gestion des documents

SOUTENIR LA DIGITALISATION DES ENTREPRISES Pour encourager le développe­ ment de la digitalisation dans le pays, le gouvernement luxem­ bourgeois soutient également des programmes d’aide dévelop­ pés par Luxinnovation et dédiés aux entreprises. Fit 4 Digital consiste, par exemple, en un accompagne­ment à la transition digitale des PME. Concrètement, après acceptation du dossier de candidature, un consultant agréé par Luxinnovation réalise un diagnostic complet de l’entreprise. Il évalue sa maturité digitale et son potentiel d’amélioration à l’égard de l’usage des TIC. Le consultant formule ensuite des recommanda­ tions en matière de digitalisation.

En 2019, le CTIE a débuté un programme ambitieux pour remplacer l’outil de gestion électronique de documents (GED), actuellement utilisé, par une plateforme de nouvelle génération. Solution informatique incontournable pour le développement d’une administration digitale efficiente, cette nouvelle plateforme de GED, baptisée « Hive » en interne, viendra soutenir l’État dans la gestion de ses affaires courantes, telles que la gestion du courrier entrant et sortant, des flux comptables ou encore des dossiers. Elle favorisera aussi l’échange électronique des dossiers entre organismes. L’administration publique pourra ainsi optimiser ses procédures internes, réduire ses coûts et délais de traitement, tout en améliorant la gestion de la relation avec les citoyens et les entreprises.

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Signer de manière digitale Parallèlement au nouvel outil de gestion électronique de documents, le ministère de la Digitalisation et le CTIE travaillent à l’implémentation d’une plateforme de signature numérique : eSign. Actuellement en phase de test auprès des agents de l’État uniquement, celleci doit leur permettre de signer facilement et rapidement des documents électroniques sans utiliser de logiciels commerciaux. Cet outil d’e-signature pourra par la suite être intégré à celui de GED, permettant ainsi de renforcer encore la digitalisation des flux administratifs au sein de l’État. Le ministère de la Digitalisation prépare par ailleurs un projet de loi permettant d’apposer une signature électronique sur des actes administratifs, afin d’étendre l’eSign aux documents à destination des citoyens.

Échanger des données de manière automatisée Une plateforme d’échange automatisé de données (API Gateway) est en cours de développement, afin de mettre à disposition de divers interlocuteurs des ressources et des informations étatiques de façon continue, automatique, uniformisée, rapide et sécurisée. Cette API Gateway permettra à l’État d’échanger des données, issues de registres au départ cloisonnés, avec les citoyens, les entreprises ou encore les organismes (para)étatiques selon des règles de protection strictes. Source de nouvelles opportunités, la plateforme permettra, par exemple, la conception d’applications mobiles pour les citoyens et pour les agents de l’État grâce à un échange sécurisé de données entre ces apps et l’infrastructure étatique. Un premier projet consiste à définir les interfaces pour la future application mobile MyGuichet.lu.

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Celles-ci peuvent alors être mises en œuvre au sein de l’entreprise. À l’issue du diagnostic, une aide publique forfaitaire de 5.000 € est allouée à la société, tandis qu’au terme de la phase de mise en œuvre, un maximum de 50 % des frais engagés peut être rem­ boursé. Le programme Fit 4 Digital Packages s’adresse, quant à lui, aux TPE. En fonction de ses objectifs, l’entreprise peut choisir de mettre en place un package de solutions concernant le marketing digital, la gestion de la relation client ou la gestion de l’organisa­ tion. Une subvention de 5.000 € est également prévue.

Anonymiser et pseudonymiser les données L’analyse de données nécessite de respecter des règles précises en matière de protection. Pour pouvoir utiliser les données disponibles de manière efficace, il est donc souvent nécessaire de recourir à des technologies permettant de les anonymiser et de les pseudonymiser. Dans cette optique, le ministère de la Digitalisation vient de lancer un marché public destiné à mettre en place une telle infrastructure d’anonymisation et de pseudonymisation des données. L’objectif est de se doter d’outils techniques et d’une analyse juridique, afin d’encourager l’échange de données de façon sécurisée et dans le respect de la vie privée. Au 31 décembre 2020, l’appel à candidatures pour élaborer un cahier des charges était en cours.

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Une plateforme participative Le Luxembourg s’est engagé dans un projet de réforme et de simplification administratives, afin de rendre l’Administration publique plus efficace et plus adaptée aux besoins des citoyens. Dans une démarche participative, chacun est invité à contribuer à cette évolution en soumettant ses idées et suggestions en la matière. Afin de renforcer cette participation citoyenne, les sites web existant jusqu’à présent dans ce domaine – www.einfach.lu et www.vosidees.lu – vont être adaptés. Le ministère travaille ainsi actuellement à la mise en ligne d’une nouvelle plateforme digitale d’échange. Les fonctionnalités qu’elle intégrera doivent faciliter la participation active des citoyens privés et professionnels à l’amélioration des services publics. Auteur J. R.


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Ana Gaman

Dossier

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TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021


Réussir sa transformation digitale Après plus d’un an de Covid, toutes les entreprises, des TPE aux multinationales, ont compris que réussir leur transformation digitale est un enjeu majeur. Les acteurs soutenant les entreprises dans leur processus de changement et d’innovation ne manquent pas au Luxembourg. L’un d’eux est le Luxembourg Digital Innovation Hub, qui encadre notamment toutes les entreprises industrielles soucieuses d’améliorer leur business model, peu importe leur degré de maturité digitale. Dans ce dossier, vous trouverez le témoignage de quatre champions de la transformation digitale qui partagent leurs best practices et les leçons apprises lors de leurs différentes missions. L’optimisation de la relation client digitale en fait impérativement partie, tout comme la bonne gestion de la data. La maîtrise de la collecte, du traitement et de l’utilisation des données récoltées est devenue une mine d’or pour tous ceux qui savent s’en servir. La grande tendance étant d’offrir une expérience totale non seulement à ses clients, mais également à ses partenaires et ses employés. Rester à la pointe du progrès, résilient et flexible, tout en embarquant ses équipes, nécessite également la maîtrise de certaines technologies-clés. Telle est la recette du succès. Qu’elles soient réticentes ou non, réussir leur transformation digitale devient crucial pour les entreprises, si elles ne veulent pas rater le train de l’innovation et de la numérisation, qui n’est plus un nice-to-have, mais définitivement un must.

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Interview Arnaud Lambert

« Informer, inspirer et supporter la transformation digitale » Le Luxembourg Digital Innovation Hub (L-DIH) a pour mission d’engager les acteurs industriels, et plus particulièrement les PME, dans une démarche de transformation numérique. Arnaud Lambert, son nouveau directeur, évoque les grandes ruptures technologiques qui doivent inviter ces organisations à évoluer.

Ces attentes correspondaient-elles à la réalité de terrain ? Pas tout à fait. Si l’on prend notre cœur de cible, les PME manufacturières au Luxembourg, on peut identifier envi36

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

« On a toujours fait comme cela » Il faut développer une capacité à continuellement remettre en cause le statu quo. Ignorance et surinformation Elles conduisent à l’immobilisme. On préférera le pragmatisme. Manquer de compétences La transformation digitale implique de s’appuyer sur les bonnes compétences en interne. Commencer trop grand S’il faut développer une vision ambitieuse, il est recommandé d’engager la transformation une étape après l’autre. Éviter de digitaliser pour digitaliser La transformation digitale, c’est un enjeu business, qui doit placer l’humain au centre de cet enjeu. La technologie n’est qu’un moyen mis au service des objectifs poursuivis.

ron 500 acteurs. 77 % d’entre eux comptent moins de 50 personnes, et environ 10 % seulement ont plus de 1.000 collaborateurs. On a donc un vrai tissu de petites et moyennes industries. Dès le départ, ce constat doit nous inviter à adapter l’approche, le message, les solutions à apporter. Ces nombreux petits acteurs, en effet, n’ont pas forcément d’équipes dédiées à la numérisation de l’activité, et encore moins à l’innovation. Ce qui est intéressant néanmoins, c’est que tous ont entamé une réflexion autour du numérique, principalement autour des enjeux de production. Si l’on parle de transformation digitale, toutefois, l’enjeu est de pousser la réflexion au-delà des outils de production et d’envisager des approches plus globales. Le concept de transformation digitale, en effet, peut recouvrir de nombreuses réalités. Comment le définiriez-vous ? Il importe de distinguer transformation digitale et numérisation. La numérisation, c’est l’acte de transformer un élément d’information détenu sur un support physique en données numériques. La transformation digitale réside dans la transformation d’un processus en s’appuyant sur le numérique, en connectant les systèmes et les données, en recourant à des systèmes de stockage performants et en opérant des traitements efficients. Innovation et digital sont-ils forcément liés ? Non. Innover, c’est apporter quelque chose de nouveau ou envisager l’existant en considérant une nouvelle façon de faire. L’innovation, c’est avant tout une culture à mettre en place à l’échelle de l’organisation et qui doit se gérer activement. Innover, c’est aussi essayer, en acceptant le risque que cela ne fonctionne pas. Au pire, si cela rate, on aura appris quelque chose, qui nous permettra d’aller plus loin. L’innovation peut se traduire dans de nouveaux produits ou encore de nouveaux processus de fabrication. Notre rôle, au sein du hub, est de favoriser cette innovation par la transformation digitale.

Matic Zorman

En entamant votre mission, vous êtes directement parti à la rencontre des PME industrielles. Quels premiers constats pouvez-vous établir ? En acceptant ce poste, je m’attendais à ce que le niveau de digitalisation des acteurs manufacturiers luxembourgeois se traduise suivant une courbe de Gauss. Dans ma perception, on allait retrouver à une extrémité de la courbe des acteurs très avancés – environ 10 % – , comme Arcelor­ Mittal, Goodyear, Husky, avec un haut niveau de numérisation des processus et des équipes dédiées à la transformation digitale. À l’autre bout du spectre, on devait avoir des entreprises – 10 à 20 % – qui n’avaient pas été beaucoup plus loin que le recours à l’e-mail, la mise en ligne d’un site web de présentation ou l’utilisation de tableaux Excel. Entre les deux, de nombreux acteurs devaient présenter des niveaux de maturité digitale plus ou moins avancés.

FREINS ET PIÈGES À LA DIGITALISATION

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Pouvez-vous nous rappeler le rôle du Luxembourg Digital Innovation Hub (L-DIH) ? Cette plateforme a été mise en place en septembre 2019 dans le contexte de la stratégie Data-Driven Innovation Strategy du ministère de l’Économie. L’objectif poursuivi est d’accélérer la transformation numérique des PME industrielles luxembourgeoises. Des études menées à l’échelle européenne ont en effet révélé qu’il existait d’importantes opportunités dans l’amélioration de la compétitivité de ces acteurs, en misant sur leur transformation digitale, mais aussi sur l’innovation. Ce hub luxembourgeois, en outre, s’inscrit dans un réseau européen de hubs similaires créés dans d’autres pays. L’idée est de favoriser l’échange de connaissances et de contribuer à l’évolution des compétences pour soutenir le développement de ce tissu économique très riche.


Arnaud Lambert, directeur du Luxembourg Digital Innovation Hub (L-DIH).


Interview Arnaud Lambert

« Pour engager la transfor­ mation, il faut repartir de zéro, en commençant par digitaliser la relation client, pour garantir une expéri­ ence à valeur ajoutée. » Quelles sont, à vos yeux, les grandes ruptures technologiques qui doivent pousser les entreprises à évoluer ? En premier lieu, on peut évoquer une tendance générale, qui concerne l’ensemble de l’activité business. Aujourd’hui, chacun de nous accède à des solutions numériques au quotidien, au niveau de nos expériences de consommation. En tant qu’utilisateurs, nous souhaitons désormais pouvoir profiter d’expériences similaires dans le cadre professionnel, au cœur d’un environnement B2B. L’entreprise amenée à contracter avec une autre, tout comme le consommateur lambda, souhaite pouvoir effectuer des démarches en ligne, veut avoir le choix, commander et payer facilement, disposer d’une information en temps réel relative au statut de ses demandes. Il y a un enjeu important, pour les entreprises manufacturières, à repenser l’expérience client, et ce même si celui-ci est une entreprise. Quelles sont les autres évolutions technologiques qui doivent inviter les entreprises à se repenser ? Dans cette logique d’amélioration de l’expérience, il faut considérer la manière dont la connectivité, l’interopérabilité et la mobilité évoluent. À l’avenir, il faut que les acteurs parviennent à s’intégrer plus facilement à des plateformes, pour échanger avec une diversité d’acteurs membres d’un même écosystème et aller à la rencontre de nouvelles opportunités. Une autre grande tendance réside évidemment dans la valorisation des données, à travers le big data, le high performance computing (calcul de haute performance, ndlr), le cloud ou encore la visualisation des données. Comment, concrètement, ces structures manufacturières peuvent-elles mieux tirer profit de la donnée ? La donnée est au cœur du processus de transformation numérique. Elle est partout et se multiplie. Au cœur d’une chaîne de production, la diversité des capteurs et des points de contrôle permet de disposer d’une information riche, qu’il convient de mieux exploiter. Cela peut s’envisager en temps réel, pour savoir comment se porte la production, pour tracer les demandes, pour s’inscrire dans des logiques de maintenance prédictive des outils. Mais la donnée peut aussi être stockée, afin d’en faire quelque chose plus tard, en s’appuyant par exemple sur l’impressionnante capacité de calcul aujourd’hui accessible, via le cloud ou encore le high performance compu­ ting, notamment pour établir de nouveaux modèles. 38

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

L’EXPÉRIENCE CLIENT : UN ENJEU MAJEUR La transformation digitale doit servir un objectif prioritaire  : l’amélioration de l’expérience client et la valeur qui lui est apportée. Chaque amélioration apportée tout au long de la chaîne de valeur doit contribuer à cet objectif. Mieux comprendre le client et ses attentes est donc essentiel si l’on souhaite parvenir à mieux le servir. À l’inverse, si un projet ne génère pas de valeur pour le client, il ne vaut sans doute pas la peine d’être mis en œuvre.

Quel sera le rôle de l’intelligence artificielle dans cette logique de transformation ? L’intelligence artificielle est une technologie essentielle. On parle ici d’algorithmes qui se nourrissent de la donnée, que l’on entraîne pour obtenir en permanence des résultats plus précis. En s’appuyant sur des éléments analytiques, l’intelligence artificielle permet d’accéder à des gains de performance supplémentaires, d’améliorer la qualité des produits proposés, mais aussi l’efficacité du service qui y est associé. Elle est un support à une production optimisée, à une planification plus dynamique et à un suivi plus précis des attentes et besoins du client. Quand on parle d’industrie, aujourd’hui, la 5G et l’internet des objets apparaissent-ils aussi comme des vecteurs de changement incontournables ? Déjà aujourd’hui, dans une chaîne de production, on trouve de nombreux capteurs. Un des défis, à l’avenir, sera de les interconnecter pour enrichir l’information disponible. Les technologies 5G et IoT viennent élargir le champ de la connectivité des objets, en permettant d’intégrer de nombreux capteurs mobiles à la démarche. Cela va générer un nombre impressionnant de données supplémentaires, qu’il faut pouvoir inscrire dans un flux de production, mettre au service de la qualité des produits et prestations offertes aux clients. Ce sont aussi des vecteurs d’optimisation des coûts. Grâce aux capteurs, les contrôles peuvent s’effectuer sans intervention humaine. Ces évolutions vont être soutenues par une dernière grande rupture technologique liée à l’amélioration des batteries et de la gestion de l’énergie en général. Les gains d’autonomie des accumulateurs permettent de développer des applications indépendantes de tout réseau et d’envisager de nouveaux processus. L’exploitation de la donnée est donc au cœur de ce processus de transformation. Comment peut-elle être mise à profit dans ce contexte par les entreprises ? Elle est en effet à la base de tout projet de transformation, et son exploitation constitue un levier de développement majeur. Pour engager la transformation, il faut repartir de zéro, en commençant par digitaliser la relation client, pour garantir une expérience à valeur ajoutée. Dès la première prise de contact avec le consommateur, lorsque celui-ci visite un site web, remplit un panier d’achats ou valide une commande, de la donnée est créée. L’enjeu est de parvenir à bien utiliser ces informations tout au long de la chaîne de valeur, pour permettre par exemple une gestion plus dynamique de la production. Plus l’entreprise va maîtriser la donnée, plus elle pourra faire preuve d’agilité. Une donnée enregistrée au début de la chaîne de valeur, avant même la prise de commande, peut entraîner des actions diverses tout au long du processus, sur l’approvisionnement, la distribution ou encore la tarification. Le tout n’est pas d’accumuler la donnée. Celle-ci doit être partagée, sans quoi elle n’a aucune valeur. Les acteurs, tout au long de la chaîne de valeur, doivent pouvoir s’en saisir pour gagner en efficience, prendre les bonnes décisions et améliorer le service. Si la plupart des acteurs ont aujourd’hui compris qu’il était important de se digitaliser, orchestrer un projet de transformation reste complexe. Par où commencer ? Pour s’engager dans un tel processus, il faut commencer par développer une vision. Plus que « par quoi démarre-


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Interview Arnaud Lambert

t-on ? », il faut se demander « pourquoi démarre-t-on ? ». C’est là où nous jouons un rôle : celui d’élargir le champ de vision des acteurs luxembourgeois. Et, pour cela, il faut commencer par considérer le client, l’évolution de ses attentes, pour ensuite envisager la transformation de toute la chaîne de valeur, jusqu’aux relations avec les partenaires et les fournisseurs. Comme je le disais, actuellement, la plupart des acteurs cherchent à optimiser le processus de production. Or, 65 % de la création de la valeur ne dépendent pas directement de la production. Elle se crée au cœur de l’expérience client, dans le service que l’on peut apporter à ce niveau, ainsi qu’avec les partenaires et fournisseurs, en considérant les canaux de distribution, les plateformes d’échange commerciales. L’industrie 4.0, appelée à émerger, implique une transformation qui inclut le client et les fournisseurs, pour permettre à de nouveaux modèles d’émerger. Comment comptez-vous inspirer cette ou ces visions ? Les acteurs ont besoin d’information, d’inspiration et d’un support à l’engagement. Nous allons donc à leur rencontre, pour les écouter, les informer. Nous cherchons aussi à mettre les entreprises et les prestataires susceptibles d’accompagner la transformation en réseau, et ce à l’échelle européenne. Le Digital Innovation Hub au Luxembourg s’intègre dans un réseau de hubs européens, poursuivant la même démarche et permettant à des acteurs de trouver des interlocuteurs, des sources d’inspiration autour de diverses thématiques, susceptibles de les aider à avancer. Nous menons aussi des DIH Talks, des moments d’échange et de rencontre autour de mégatendances, pour susciter l’émulation. L’enjeu est de permettre à chacun de s’ouvrir. Dans la société actuelle, dans l’économie numérique, on ne peut plus rester seul dans sa bulle. Toute entreprise est maintenant connectée dans une chaîne de création de valeur, au sein de laquelle l’information doit circuler. Au-delà de la vision, comment engager concrètement la transformation ? La transformation, la concrétisation de la vision, doit pouvoir s’envisager de manière incrémentale. Il faut pouvoir mettre rapidement en œuvre des petits projets qui contribueront à sa réalisation et qui généreront directement de la valeur pour le client ou l’entreprise. De cette manière, la structure peut progressivement gagner en maturité. Une des premières choses que nous réalisons, en allant à la rencontre des acteurs du terrain, réside dans l’évaluation de leur niveau de maturité digitale. À partir de là, on peut déjà envisager les premières actions à entreprendre. Une fois que nous avons mis le pied de l’entreprise à l’étrier, nous restons à ses côtés, en la mettant en relation avec les prestataires les plus à même de l’aider à naviguer dans son projet de transformation, à la poursuite de la mise en œuvre de sa vision stratégique. D’une entreprise à l’autre, selon la maturité, l’accompagnement peut donc considérablement varier ? Oui, c’est pour cela que l’idée est de faire une évaluation dès l’entame de l’accompagnement. Pour cela, on peut suivre divers modèles. On peut toutefois faire un premier état des lieux autour de trois questions simples : est-ce que l’organisation emploie une personne en charge de l’informatique à temps plein ? Est-ce que cette personne rapporte directement à la direction ? Est-ce que cette 40

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE PROFITE DE LA CRISE La crise sanitaire a contraint les entreprises à entretenir des relations à distance. Dans ce contexte, pour maintenir l’activité, elles ont eu recours à de nouvelles solutions technologiques. On a notamment assisté à un recours important à la signature électronique, pour valider des transactions entre l’entreprise et ses clients ou partenaires, mais aussi au cœur de l’entreprise, pour notamment accélérer certains processus.

personne a moins de 40 ans ? Il apparaît aujourd’hui évident que l’on ne peut pas se lancer dans un projet de transformation numérique de l’activité si l’on ne dispose pas d’une personne qui puisse l’accompagner et qui bénéficie du soutien entier de la direction. Mettre en œuvre un tel projet, en outre, implique un certain état d’esprit, très présent chez ceux qui ont grandi avec le numérique. Le responsable des projets numériques, au-delà de la maîtrise technique, doit aussi disposer d’une expérience et d’une bonne connaissance du métier afin de soutenir son évolution. Comment convaincre les acteurs de s’engager dans cette transformation ? Il faut d’abord leur dire que la transformation digitale est l’affaire de tous. Elle doit être appréhendée de manière active, intégrer la stratégie de l’entreprise et contribuer à son développement, en cherchant en permanence à apporter quelque chose, de manière directe ou indirecte, au client. On peut alors s’inscrire dans de nouvelles approches, à la rencontre de nouvelles opportunités. Un fabricant de pièces de radiateur, au Luxembourg, en présentant ses produits sur des plateformes commerciales numériques, suivant une approche multicanale, peut, par exemple, voir son marché s’ouvrir. D’autre part, le grand risque de ne pas s’engager dans une dynamique de transformation digitale est de se mettre hors marché. L’ensemble des acteurs, au sein des divers écosystèmes, évoluent, se transforment et peuvent exiger de leurs partenaires actuels ou à venir d’évoluer avec eux. Si, par exemple, un acteur n’est pas en mesure de mettre son catalogue à disposition sur un canal numérique ou de partager des données permettant de suivre l’évolution d’une commande, il risque de voir sa clientèle se tourner vers la concurrence. À cela s’ajoutent aussi des aides accessibles. Quelles sont-elles aujourd’hui ? En effet, des efforts budgétaires sont réalisés par le gouvernement ainsi que par l’Europe pour soutenir les acteurs dans leurs démarches de transformation digitale ou d’innovation. Les programmes Fit4Digital et ­Fit4Innovation sont les plus connus, mais il en existe de multiples autres auxquelles les entreprises peuvent accéder, en fonction de leurs activités et de leurs projets. Ces aides peuvent se traduire dans des accompagnements ou encore dans des subventions et financements plus ou moins importants, dans le soutien de projets de recherche. C’est aussi là le rôle du DIH d’aiguiller les entreprises vers les aides les mieux appropriées à leurs projets de transformation digitale. Quelles nouvelles ambitions les acteurs voulant peser dans cette économie numérique doivent-ils se donner ? Ils doivent avoir pour ambition de devenir les meilleurs ou de le rester. L’économie digitale fait tomber les frontières, permettant à chacun d’aller au-devant de nouvelles opportunités, d’accéder à de nouveaux marchés. Toutefois, la concurrence est aussi plus importante. Il importe donc en permanence de chercher à se distinguer en faisant le meilleur usage des possibilités offertes par la technologie. Auteur S. L.


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Digitalisation : innover avec des fintech

Loïc Le Foll, CEO de La Mondiale Europartner

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La digitalisation des acteurs du secteur permet d’améliorer l’expérience client / partenaire et les processus opérationnels. Loïc Le Foll (CEO) et Pascal Bughin (Chief Operating & Compliance Officer) nous expliquent la stratégie de La Mondiale Europartner : devenir une plateforme patrimoniale phygitale de référence, notamment en coconstruisant des outils en collaboration avec des fintech. Contrairement au secteur, vous n’avez pas attendu la crise pour vous digitaliser. Investir de manière constante dans ce domaine était-il une priorité ? LOÏC LE FOLL  Notre ambition : être au Luxembourg, et en Europe, une plateforme patrimoniale phygitale de référence pour nos partenaires et leurs clients. Pour ce faire, nous investissons depuis de nombreuses années de manière conséquente dans la digitalisa­ tion et l’automatisation des processus opérationnels d’une part, et des parcours clients / partenaires d’autre part. Chaque axe stratégique de la compagnie a totalement intégré une composante digitale. PASCAL BUGHIN  Nous avons accéléré fortement nos investis­ sements digitaux dès 2017 en nous attaquant dans un premier temps au socle de base : la chaîne de production. Nous avons ensuite rapidement élargi les ambitions à l’ensemble des processus internes et externes, comme le traitement des datas financières. Nous avons également compris, il y a 42

plusieurs années, que les solutions digitales et d’intelli­ gence artificielle permettent d’augmenter sensiblement le niveau de sécurité et de contrôle des opérations internes et externes. LA MONDIALE EUROPARTNER EN QUELQUES CHIFFRES

2.075.000 €

Collecte brute affichée pour l’exercice 2020.

17 milliards € sous gestion

5 %

de progression des encours totaux fin 2020

2e

place du classement des compagnies d’assurance-vie luxembourgeoises en 2020

100

partenariats établis avec des banques dépositaires en Europe

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

Cette digitalisation a-t-elle également pour objectif d’agir sur l’humain ? L. L. F.  Chaque axe stratégique de la compagnie est concerné par la digitalisation. Ainsi, lorsque vous évoquez la notion « d’agir sur l’humain », je pense en priorité à la transformation culturelle et humaine de nos équipes. En effet, la montée en puissance du digital et de l’intelligence artificielle a, et aura encore plus à l’avenir, des impacts forts sur de nombreux métiers et sur notre organisa­ tion. Nous anticipons ces impacts afin que nos équipes évoluent, notamment par le biais de bilans de compétences et de programmes de formation. Nous souhaitons absolument accompagner et valoriser le capital humain. La seconde thématique qui s’impose est celle des relations avec nos partenaires et leurs clients. Les évolutions sont rapides, et la crise sanitaire a accéléré la transformation. À titre d’exemple, afin de surmonter l’impossibilité de mettre en place des événements

QUELQUES COLLABORATIONS FRUCTUEUSES Finologee : La Mondiale Europartner et la fintech ont collaboré sur le process KYC (connaissance du client) permettant, dès l’entrée en relation avec les clients, d’examiner leurs transactions, leurs comportements et leur niveau de risque, en collectant et analysant les données liées à ces clients.

Hokus : Cette fintech offre des plateformes d’agrégation pour assurer et standardiser l’échange de données entre les compagnies d’assurances et les intermédiaires (banques).

Lifeware : Grâce à cette fintech, La Mondiale Europartner a digitalisé sa chaîne de production et a apporté des briques d’échange de données, comme le workflow, qui peut être ouvert aux partenaires, ou l’outil de scoring des clients, qui s’interface avec un fournisseur de données.

Upsideo : La Mondiale Europartner s’est associée avec la fintech pour la gestion des rétrocessions perçues par les maisons de fonds et rendues ensuite aux distributeurs. Toutes deux ont développé un outil central pour récolter les données, paramétrer les factures / paiements et sécuriser la relation avec les partenaires.


PETIT LEXIQUE

POC (proof of concept) : Cette méthode de validation de projet entrepreneurial consiste à administrer à sa cible un « avant-prototype » simplifié au maximum et ainsi tester concrètement le projet.

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Simon Verjus (Maison Moderne)

Pascal Bughin, Chief Operating & Compliance Officer

en présentiel depuis mars 2020, nous avons organisé ces 12 derniers mois plusieurs dizaines de webinaires avec des thématiques patrimoniales et plus de 4.000 partenaires ont participé à ces sessions. P. B.  La notion de partenariat est l’un des piliers du dévelop­ pement du groupe AG2R La Mondiale. Dans le cadre des relations avec nos partenaires, nous souhaitons accompagner les besoins liés à la révolution digitale, mais surtout ne pas négliger les relations classiques. C’est dans ce contexte que la notion reprise précédemment par Loïc est clé : La Mondiale Europartner doit être une plateforme patrimoniale phygitale de référence pour couvrir l’ensemble des besoins de nos partenaires. Pour quelles raisons avoir fait appel à des fintech dans le cadre de ce partenariat ? P. B.  Nous avions expérimenté sur les principaux outils des modes de gestion de projets classiques. Les durées d’implé­ mentation se sont cependant

révélées longues. En termes d’innovation, nous ne sommes jamais certains que l’idée va être la plus efficiente ou acceptée. Il nous fallait trouver des acteurs agiles pouvant proposer rapidement des solutions, notamment grâce à des POC (preuves de concept) et MVP (minimum viable product). Les fintech sont capables de développer en très peu de temps de nouvelles solutions, qui peuvent être testées en interne et avec des partenaires. La ligne temps, les budgets et les ressources humaines mobilisées sont optimisés lorsque nous travail­ lons avec une fintech. Enfin, il faut noter que les échanges avec les fintech nous alimentent en termes de pistes d’améliora­ tion et d’innovation grâce à leur rayonnement sur un environnement plus large que celui de l’assurance. L. L. F.  Les solutions développées par les fintech permettent à une compagnie de notre taille de gagner du temps et de la compétence. Nous avons la chance ici d’avoir une

KYC (know your customer) : Consiste, pour une grande entreprise, à vérifier l’identité et l’intégrité des clients afin de prévenir la corruption, le blanchiment d’argent, la fraude fiscale, etc.

formidable pépinière de fintech. Nous sommes toujours heureux chez La Mondiale Europartner d’échanger avec elles et de nous ouvrir à leurs solutions. Quelles réactions la découverte des méthodes agiles a-t-elle suscitées ? L. L. F.  Cette méthode peut surprendre, mais l’équipe y a adhéré. Il est nécessaire de lancer plusieurs POC pour retenir quelques idées, mais il ne faut pas voir cela comme un échec. Nous observons un changement d’état d’esprit, les équipes comprennent les bénéfices des méthodes agiles. Nous sommes vus par notre groupe comme un laboratoire : nous pouvons rapidement lancer un POC et faire un retour d’expérience pour tester l’idée à grande échelle. P. B.  Une difficulté que nous avons identifiée est l’ap­ propriation. Il faut également ­ accepter de ne pas avoir le produit complet quand il est mis en production. Il faut avoir une approche pragmatique et adapter une « politique

des petits pas ». Cela peut être perturbant pour des équipes opérationnelles, mais cela permet de corriger et d’évoluer plus rapidement. Les équipes ont souvent besoin d’une première concrétisation pour comprendre l’intérêt. De quelle manière ces collaborations vous permettent-elles également de répondre aux besoins réglementaires ? L. L. F.  Pour vous répondre, nous pouvons mettre en avant notre partenariat avec Finologee, avec qui nous avons implémenté un processus digital de mise à jour des dossiers KYC de clients existants (notamment pour la collecte de copies de documents ou d’informations). La méthode classique consiste à demander ces éléments par courrier, souvent ignorée ou mal comprise par le client. Cette démarche courrier est très administrative et, par ailleurs, sans valeur ajoutée pour nos équipes. Nous avons donc, grâce à Finologee, créé un canal digital sécurisé avec le client et le partenaire pour envoyer et recevoir ces données et documents. Les taux de retour et la qualité des réponses sont très satisfaisants ! P. B.  Le client est guidé et bénéficie d’un accom­pagne­ ment adapté à sa situation. Nos partenaires ont également besoin d’énormément de données pour répondre à leurs obligations réglementaires. Nous avons ainsi mis en place des API (interfaces de program­ mation), c’est-à-dire de petits moteurs qui pemettent aux partenaires de venir chercher l’information et qui facilitent ainsi leur travail.

emble z l’ens sur e v u o Retr tions s solu de no

lu diale.

lamon

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Dossier

Les champions de la transformation digitale La transformation digitale n’est pas une « tendance », mais une nécessité. Au Luxembourg comme ailleurs, certaines entreprises y consacrent toute leur énergie et affichent de nouvelles ambitions, tandis que d’autres restent à la case départ…

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Faire sauter les cloisons Digitaliser, c’est donc être capable de faire sauter les cloisons entre les services et les métiers d’une même société, entre les entreprises et leurs clients. L’amélioration de la qualité, l’adaptation des produits et services, l’anticipation des actions à privilégier en matière de marketing, de distribution, ou encore la personnalisation des offres sont les atouts qui découlent d’une nouvelle organisation, plus transversale. La transformation digitale n’est pas uniquement liée au développement des capacités des ordinateurs et autres smartphones. Tous les systèmes informatiques sont touchés. On pense, par exemple, à l’imprimante 3D, aux logiciels de CRM (customer relationship management) et aux applications CMS (content

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

management system). Les services dématérialisés, les outils de gestion en ligne et les services de messagerie participent à la croissance. Au-delà des solutions, la transition digitale répond avant tout à des enjeux stratégiques majeurs. Par son intermédiaire, c’est toute la chaîne de production ou de services qui s’en trouve modifiée. En tant qu’outil d’accélération de l’innovation, elle permet de réinventer les relations avec les clients et les partenaires. Elle favorise l’autonomie et le confort des collaborateurs, elle décloisonne les services. Grâce à elle, les performances opérationnelles de l’entreprise s’accroissent, la rentabilité de la société augmente, les clients sont plus que jamais satisfaits. Ana Gaman

fois réticents au changement, ceux-ci doivent être informés, rassurés, concernés. L’innovation vient parfois de là où on ne l’attend pas, et qui mieux que les gens du terrain pour apporter de nouvelles idées ?

Auteur M. P.

Illustration

Au 21e siècle, impossible, pour toute entreprise qui se respecte, d’éluder la question de la nécessaire transformation numérique de son activité. Tout commence par une prise de conscience qui s’accompagne d’une volonté d’inscrire le changement dans la stratégie globale de l’entreprise. C’est en premier lieu au dirigeant, à l’entrepreneur, de prendre la mesure du challenge à relever. Ensuite, il s’agit d’une course de fond, d’une évolution continue et permanente, comme en témoignent les différentes entreprises interrogées dans les pages qui suivent. Chacune à leur manière, elles ont compris que, sans remise en question profonde, rien n’est possible… Que nous apprennent-elles ? Que la transformation digitale doit avoir pour objectif principal la satisfaction accrue du client. Dans un univers hyper concurrentiel et plus connecté que jamais, être le meilleur, c’est être celui qui place ses clients et leur satisfaction au cœur de son business. Deuxième enseignement : rien ne peut se faire sans l’adhésion forte de l’ensemble des collaborateurs. Par-


Témoignage

Maximilian et Stefan Chorus, Streff

Connue pour ses activités de déménagement, de stockage et d’archivage, l’entreprise Streff s’est engagée dans une profonde modernisation de ses métiers historiques, tout en veillant à étoffer son offre de services pour répondre aux besoins de demain.

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Streff

Société de la famille Chorus, Streff n’en finit pas de grandir. Les petits locaux du boulevard Grande-Duchesse Charlotte qu’elle occupait dans les années 70 ne sont plus qu’un lointain souvenir. « Quand je suis arrivé dans l’entre­ prise, en 1982, le siège de la société était déjà à Strassen, dans notre premier entrepôt de 600 m2 construit en 1973. Aujourd’hui, nous disposons de plus de 20.000 m2 de dépôt, ce qui représente un volume de stockage d’environ 250.000 m3…, détaille Stefan Chorus, dirigeant de l’entreprise. En 1995, nous avons commencé le ­sto­ckage en conteneurs maritimes, du jamais-vu à l’époque. Aujourd’hui, plus de 1.000 conteneurs sont gérés sur nos différents sites, en toute sécurité. » En complément du déménagement, Streff a développé d’autres services, comme l’archivage de documents, la collecte et la destruction de documents papier et de supports de données, le recyclage et, plus récemment encore, le scanning, par exemple du courrier journalier pour le mettre à la disposition des clients au format électronique. La fin des processus papier Aujourd’hui, la cinquième génération s’installe petit à petit, porteuse de nouvelles idées et ambitions. « Si notre métier a fortement évolué au cours des 40 dernières années, l’innovation était avant tout logistique, avec des halls tou­ jours plus grands et des manipulations simpli­ fiées grâce à la technologie. Désormais, nous nous engageons dans une véritable transforma­ tion digitale », explique Stefan Chorus.

« Une nouvelle génération à la manœuvre »

5 LEÇONS APPRISES 1 S’entourer des bonnes personnes. Un projet de transformation digitale est trop complexe pour pouvoir identifier et maîtriser soi-même toutes les dimensions.

Faire preuve de patience. Mais le temps, c’est de l’argent. Il faut donc y consacrer un budget important.

2

3 Ne pas aller trop vite en besogne. Avant d’opter pour un développement supplémentaire, ne peut-on pas simplement adapter les process à la nouvelle solution choisie ? 4 Dès le début, vous devez impliquer les employés, écouter leurs idées, leurs questions, leurs réflexions. L’objectif est de leur faciliter la vie, ils doivent le comprendre. 5 La transformation digitale permet de renforcer le socle de la société, le rendre plus solide pour permettre aux nouvelles générations de rester à l’avant-garde.

Maximilian Chorus Membre de la direction Streff

Cette tâche de grande ampleur a été confiée à Maximilian Chorus, fils de ­Stefan. « Nous participons depuis fin 2019 au programme Fit4Digital. Le but est d’im­ plémenter un nouvel ERP (Enterprise Resource Planning, ndlr) afin de digitaliser l’ensemble de nos processus en interne. Le papier est encore très présent et nous voulons le supprimer. Nous allons créer un portail client pour une meilleure traçabilité et un contrôle renforcé des droits d’accès. Ce portail permettra à chaque client de disposer d’une vue précise et détaillée sur ses archives stockées chez nous, sur les mouvements, les consultations, etc., analyse Maximilian Chorus. De manière plus générale, nous allons digi­ taliser les fiches de travail ou de livraison, les inventaires. Nous pourrons partager les infor­ mations en direct entre les équipes présentes sur le chantier et le back-office. Cela représente un gain de temps important. » Nouvelle infrastructure dans le cloud À l’avenir, un seul système assurera la gestion de la flotte, de la maintenance, des achats, des ventes, des finances, de la comptabilité, jusqu’au suivi des clients. « Notre infrastruc­ ture IT évolue en conséquence. Nous avons fait le choix du private cloud hébergé chez un pres­ tataire PSF cloud au Luxembourg, ajoute Maximilian Chorus. Avec le choix de l’héber­ gement en private cloud chez un PSF, nous évaluons la possibilité d’offrir des services d’ar­ chivage électronique. » Si le numérique va permettre à l’entreprise de simplifier les tâches et de mieux servir le client, sur le fond, rien ne change vraiment. « Notre métier de base reste iden­ tique : déménager, transporter et stocker. Le client sait ce qui est dans la boîte entreposée chez nous et nous savons où est posée cette boîte, au milieu d’une forêt de conteneurs… », conclut Stefan Chorus.

Auteur M. P.

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Dossier Témoignage

Alessandra Nonnweiler, CFL

Des idées innovantes à faire éclore Au cours de ces dernières années, des dizaines de projets ont vu le jour, selon un processus d’amélioration continue. Un comité de pilotage digital fait régulièrement le point sur les sujets à tenir à l’œil et sur l’avancée des travaux. « Dix thématiques principales ont été identifiées. On y trouve le monde du tra­ vail 4.0, la collecte, la gestion et la valorisa­ tion de la donnée, l’automatisation des processus de préparation des rames, l’autono­ misation des flux de passagers et de marchan­ dises, le voyage digital du passager ou encore la surveillance du trafic en temps réel grâce à 46

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

1 Développer une approche participative. Il faut emmener les collaborateurs, les impliquer, écouter leurs idées. 2 Utiliser un langage que tout le monde comprend. Les termes « UX », « IoT », « IA » doivent être expliqués clairement pour être compris par tous. 3 Penser « out of the box ». L’innovation n’est pas toujours synonyme de projets immenses et très techniques. De petites idées peuvent amener de belles améliorations.

Placer l’innovation au centre de toute réflexion. Se poser des questions en permanence, réfléchir à ce que l’on peut améliorer… 4

5 L’innovation n’est pas toujours liée à la digitalisation. Il faut partir des métiers et voir quelles sont les améliorations que l’on peut apporter pour le client, mais aussi pour les collaborateurs.

Alessandra Nonnweiler Chef du service Communication CFL

Vers une conduite semi-automatisée Aujourd’hui, l’innovation se décline d’une multitude de façons. Très bientôt, les trains seront équipés de systèmes automatiques de comptage des voyageurs. La réalité virtuelle commence à s’inviter dans les séances de formation initiale et continue des conducteurs. Un système de « track and trace » va permettre de savoir où se trouve chaque wagon en temps réel. Grâce aux objets connectés et à l’intelligence artificielle, de nouvelles solutions vont améliorer la disponibilité du matériel pour une meilleure ponctualité et une réduction des coûts de maintenance. La conduite autonome, connue par les experts sous le nom d’ATO (automatic train opera­ tion), prend également de plus en plus d’ampleur dans le secteur. « On parle de conduite semi-automatisée. Il reste toujours un conduc­ teur à bord. Le système est là pour l’assister, l’aider à adopter une conduite plus régulière, plus économe, ajoute Alessandra ­Nonnweiler. Tout est fait pour mieux servir nos clients, assurer leur sécurité et l’efficience de nos ser­ vices. » CFL

Depuis 2015, la digitalisation est inscrite au cœur du plan stratégique des CFL. « Depuis 75 ans et la création de l’entreprise, nos métiers ont évolué au rythme des innovations techno­ logiques. Cette évolution s’est accélérée au cours des dernières années avec la volonté de placer le client au centre de tous les développements », partage Alessandra Nonnweiler, chef du service Communication. Cette ambition se traduit par une recherche active de potentielles innovations au service des clients et des collaborateurs. « Pour y parvenir, nous assurons la promotion de l’esprit entrepreneurial au sein de nos équipes. Nous poussons à l’expéri­ mentation de nouvelles idées, sans craindre l’échec. »

5 LEÇONS APPRISES

l’IoT », détaille Alessandra Nonnweiler. Tous ces chantiers sont traités de manière transversale, afin que chaque service et que tous les collaborateurs apportent leurs idées innovantes. Dès 2019, l’application mobile insideCFL, outil de communication et d’échange, a par exemple été mise à la disposition de tout le personnel, plus de 4.800 collaborateurs dispersés à travers tout le pays. « Les collabora­ teurs sont partie prenante de toutes ces évolutions. Il faut qu’ils se sentent concernés et impliqués. Ils sont nos relais sur le terrain. Pour aider notre personnel d’accompagnement dans les trains et les chefs de surveillance, nous avons déployé 800 appareils mobiles qui leur permettent d’in­ former les voyageurs en temps réel. Nous déve­ loppons également une application à destination des voyageurs avec davantage de services et d’in­ formations. » En parallèle, des sujets comme le digital workplace et la digitalisation des processus administratifs occupent les services.

Auteur M. P.

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Pour la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois (CFL), l’innovation est un catalyseur pour atteindre d’autres priorités : sécurité et qualité des services. De multiples projets sont actuellement en cours dans le but d’améliorer en permanence l’expérience client, sans laisser personne à quai.

« Une évolution continue et accélérée »


Dossier Témoignage

Joël Schons, Stugalux

Depuis plus de 20 ans, l’entreprise de construction Stugalux mise sur l’innovation pour améliorer la qualité du travail fourni et se distinguer de la concurrence. En septembre 2020, elle marquait encore un grand coup en étant l’une des premières sociétés au monde à intégrer deux robots Spot, développés par Boston Dynamics, sur ses chantiers…

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Stugalux

Stugalux est une entreprise qui se classe aujourd’hui dans la catégorie des « early adopters », parmi les premières à tester des nouvelles technologies avant même que le grand public n’en entende parler… En juin dernier, l’arrivée dans la discrétion la plus totale de deux robots quadrupèdes Spot, développés par la société américaine Boston Dynamics, en est sans doute le meilleur exemple. « C’est en 2019, lors d’un événement organisé à Las Vegas, que j’ai rencontré celui qui est aujourd’hui devenu le vice-président de Boston Dynamics, Michael Perry, explique Joël Schons, CEO de Stugalux. Nous avons beaucoup discuté et nous sommes restés en contact au fur et à mesure des développements, au point aujourd’hui de faire partie des premiers utilisateurs de cet outil robotisé. Il est intéressant de noter que si l’on veut véritablement participer à l’innova­ tion, l’image de marque compte pour beaucoup. Plutôt que de courir après les opportunités, elles finissent par venir à vous. » Des robots pour aider les ouvriers Désormais, ces robots circulent aux côtés des ouvriers. Leur rôle est de scanner les chantiers, à la recherche de la moindre erreur. «  C ela nous permet de relier facilement la

« Une évolution de tous les instants »

5 LEÇONS APPRISES 1

Il ne faut pas avoir peur de l’échec. Il faut tester, se tromper, et parfois réussir.

Le seul et unique objectif doit être de simplifier la vie de l’utilisateur. Il doit être au centre de toute innovation. 2

Les solutions clés en main sont rares. Pensez à vos propres développements.

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4 L’innovation demande des investissements continus. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. 5 Il faut parfois investir dans un développement qui ne servira que peu de temps, mais qui apportera un gain de temps et un confort très appréciables.

Joël Schons CEO Stugalux

théorie à la pratique et d’automatiser le contrôle qualité. Si, lors du gros œuvre, une porte est déplacée de 40 centimètres, cela aura un impact sur l’ensemble des corps de métier qui vont suivre, entraînant des retards et des coûts supplémentaires. Ces robots nous font gagner un temps précieux », détaille Joël Schons. Chez Stugalux, la transformation digitale n’est pas un nouveau sujet. Tout a commencé voici 20 ans avec l’introduction des premiers plans en 3D. « Aujourd’hui, on appelle cela le ‘BIM’, pour ‘building information modeling’. Tous nos plans de chantier sont totalement digi­ talisés, dans le moindre détail. Cela fait trois ou quatre ans que le digital est entré sur les chantiers avec l’arrivée des tablettes et des logi­ ciels mobiles plus performants, mais, dès 2007, nous avons travaillé dans l’ombre afin de faire évoluer notre infrastructure et d’y ajouter au fur et à mesure de nouvelles solutions. La digi­ talisation est un travail continu, qui demande une attention de tous les instants. Si l’on se relâche, demain, quelqu’un le fera plus vite et mieux que nous. Il ne faut pas avoir peur de l’échec. Il ne faut pas hésiter à imaginer ses propres développements pour coller à ses besoins. Nous avons par exemple été amenés à réfléchir à une solution pour éliminer toutes les distor­ sions, les objets qui traînent sur un chantier, lorsque les robots sont sur le terrain. » Éliminer les tâches pénibles Au centre de toute transformation digitale, Joël Schons place l’humain. « L’objectif sera toujours de simplifier la vie de l’utilisateur. La réflexion doit englober toutes les dimensions de l’entreprise. À l’avenir, notre volonté est d’aider l’ouvrier, d’éliminer les tâches les plus pénibles. Le but n’est pas de le remplacer, mais d’améliorer son confort et la qualité du travail qui en découle. Des innovations, comme les exosquelettes, sont à tenir à l’œil. Aujourd’hui, nous regardons avec attention l’univers des drones. Les scanners 3D sont encore trop lourds, mais l’évolution des capteurs offre des oppor­ tunités qui n’existaient pas voici deux ans encore… Qui sait où cela va nous mener ? »

Auteur M. P.

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Dossier Témoignage

Filip Volders et Sébastien Proye, Bâloise Luxembourg

Un socle pour préparer l’avenir Au sein de Bâloise, la digitalisation est en cours, à un rythme soutenu. « Depuis le Luxembourg, nous servons à la fois une clientèle internatio­ nale avec nos solutions d’assurance-vie élabo­ rées sur mesure et une clientèle locale avec des produits d’assurance plus traditionnels. Ce marché luxembourgeois, avec des offres souvent très standardisées distribuées en grands volumes, se prête bien à une certaine automatisation. Cela nous a notamment conduits à investir dans des solutions métier qui doivent nous permettre de traiter les dossiers de la façon la plus auto­ matique possible », poursuit Filip Volders. Depuis 2019, l’assureur propose des solutions en direct à ses clients. « Notre plateforme en ligne est le socle de base sur lequel nous allons construire nos offres digitales dans les années à venir, confie Sébastien Proye, program mana­ ger en charge de la transformation digitale. 48

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

La transformation digitale s’intègre dans une stratégie plus large orientée vers le client. Question centrale : qu’estce qui est important pour mon client ? 1

La transformation digitale n’est pas qu’un projet IT. Elle prend en compte toutes les dimensions de l’entreprise.

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3 Le digital doit rendre la vie de mon client la plus simple possible.

L’appétence pour le digital augmente très vite. Nous ne pouvons pas nous permettre de rater ce virage, mais il faut aussi accompagner le client dans cette transition digitale.

4

Nos partenaires font partie intégrante de l’aventure. Il faut les embarquer avec nous dans celle-ci.

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Filip Volders Head of IT et membre du comité exécutif Bâloise Luxembourg

Un nouvel état d’esprit à insuffler En 2020, la volonté a été de rassembler toutes les initiatives en cours afin d’en faire un ensemble plus cohérent et plus homogène. « Nous en sommes encore aux premières étapes d’une transformation plus profonde. Pour mener à bien cette mission, nous devons insuf­ fler un nouvel état d’esprit en interne ainsi qu’auprès de nos agents. Ces derniers font par­ tie intégrante du parcours et avec l’arrivée des interactions digitales directes avec les clients, il est important qu’ils restent au centre », explique Filip Volders. « Bâloise Assurances a pour ambition d’ac­ quérir de nouveaux clients grâce à la recom­ mandation et à l’expérience unique offerte sur le marché. Cette transformation digitale doit également nous permettre de fidéliser la clien­ tèle existante, de simplifier l’accès à l’informa­ tion et d’apporter de la transparence dans les échanges. Le but ultime est de faciliter la vie du client comme des intermédiaires et d’opti­ miser les processus internes afin de permettre au gestionnaire de mieux accompagner le client quand il en a le plus besoin, notamment lors d’un sinistre », conclut Sébastien Proye. Bâloise Luxembourg

« À quand remonte votre dernière visite dans une banque ?, lance Filip Volders, head of IT et membre du comité exécutif de Bâloise Luxembourg. Pour ma part, cela doit remon­ ter à trois ou quatre ans. Or, dans notre secteur, moins de 10 % des interactions se font de façon digitale aujourd’hui, mais nous sommes per­ suadés que le changement est en route. À nous d’accompagner nos clients sur ce nouveau che­ min, en veillant à simplifier leur vie. »

5 LEÇONS APPRISES

Nous avons développé un portail pour les agents et les brokers ainsi qu’une appli mobile pour les clients. Nous avons mis en place la signature électronique à dis­ tance, mais aussi un CRM (Customer Relationship Management, ndlr) destiné à mieux connaître et servir nos clients. En parallèle, nous avons travaillé sur la refonte du parcours client afin de rendre l’expérience la plus fluide et simple possible. Pour cela, nous avons passé en revue toutes les interactions existantes avec nos intermédiaires et nos clients afin de voir ce que nous pouvions améliorer. » À l’avenir, peu importe le canal choisi par le client, nous devons traiter sa demande avec le même niveau de qualité et de simplicité.

Auteur M. P.

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Depuis deux ans environ, le groupe Bâloise Assurances à Luxembourg a entamé un grand chantier de digitalisation de ses ser­ vices, tant au Luxembourg qu’à l’international. Derrière les nouvelles plateformes et autres solutions en ligne, c’est l’amélioration de l’expérience client qui guide l’ensemble des développe­ ments en cours et à venir.

« Une nouvelle expérience de l’assurance »


08 ROUND 3 T U E S DAY

SPONSOR

28 ROUND 4

JUNE

TUESDAY

PARTNER

SPONSOR

W E D N E S DAY

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D EC E M B E R

MORE INFORMATION ON CLUB.PAPERJAM.LU

SEPTEMBER

PARTNER


Défi concurrentiel

Comment optimiser la relation client digitale ? L’impact du digital sur la relation client est conséquent. Et c’est encore plus vrai depuis que l’année 2020 a vu les habitudes d’achat des consommateurs être totalement bouleversées. Face à cet enjeu, les entreprises doivent redoubler d’efforts pour optimiser leur relation client digitale.

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TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

Le chatbot est un logiciel programmé pour simuler une conversation en langage naturel. Il en existe différents types. Certains fonctionnent grâce à l’utilisation de motsclés et sont faciles à implémenter ; d’autres, plus complexes, se fondent sur une utilisation plus poussée de l’intelligence artificielle. Ces systèmes sont utilisés par de plus en plus de sociétés pour la relation client. L’implémentation d’un chatbot efficace peut être une opportunité pour les entreprises, quelle que soit leur taille, car il présente de nombreux avantages : il permet d’automatiser certaines tâches, de dégager du temps, de réaliser des économies et d’obtenir de nouveaux clients. Son efficacité et sa rentabilité peuvent facilement être analysées grâce à des indicateurs-clés de performance, ou KPI (key performance indicators).

Un équilibre subtil à trouver Pour offrir une expérience optimale et personnalisée aux consommateurs, il est nécessaire pour les entreprises de comprendre leurs clients et leurs besoins. Pour y parvenir, elles doivent se mettre à leur place. « Pour proposer aux clients un conseil ou un produit qui cor­ responde réellement à leurs besoins à un moment précis, les entreprises doivent disposer d’une connaissance suffisante de leurs clients, et notam­ ment de leurs contraintes, qui peuvent être personnelles ou professionnelles. L’enjeu, pour les entreprises, est d’être proactives dans la proposition, sans être intrusives, explique

Ana Gaman

CHATBOT : POUR QUI ET À PARTIR DE QUAND ?

les gens commencent à se rendre compte que c’est une réalité. Dans le secteur bancaire, notamment, cela amène un certain degré d’in­ quiétude de la part du grand public, explique Laurent Moscetti, consulting leader chez EY Luxembourg. Le fait que le client attende de son prestataire de services un conseil ou un produit qui soit le meilleur pour lui montre aussi combien la confiance lui importe. »

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Dans la relation client, le digital occupe aujourd’hui une place de plus en plus grande. En imposant de la distance entre le client et le vendeur et en favorisant le commerce en ligne, la crise sanitaire a profondément bouleversé les habitudes d’achat et accentué l’importance du digital dans la relation client. Elle a également fait émerger de nouvelles tendances. Pour se démarquer de la concurrence et offrir une expérience client rapide et fluide, les entreprises développent des projets de transformation digitale de plus en plus ambitieux. L’enjeu pour les entreprises est important, car une mauvaise relation client a un impact conséquent sur leur réputation, et donc sur leur croissance. Dès lors, il est devenu capital d’optimiser cette relation client digitale. « Le premier élément qui me vient à l’es­ prit, lorsque l’on évoque les enjeux de la relation client digitale, c’est la confiance. Il y a aujourd’hui de plus en plus de battage média­ tique autour des attaques informatiques et de la cybersécurité. On note une véritable recrudes­ cence d’informations à ce sujet et, forcément,


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Laurent Moscetti. Dans la recherche de cet équilibre subtil, il est impératif d’avoir une approche très rigoureuse. »

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Matic Zorman (archives)

L’importance de la donnée Pour connaître les besoins de leurs clients, les entreprises doivent aujourd’hui maîtriser habilement l’art de la collecte, du traitement et de l’utilisation de la donnée, véritable mine d’or de notre société actuelle. « Aujourd’hui, la relation client digitale passe en effet par la mise en œuvre de programmes de transforma­ tion interne portant sur la donnée, sur son exploitation et sur la rigueur dans son utilisa­ tion, afin d’être certain que l’on ait le droit d’utiliser la donnée récoltée. C’est un paramètre fondamental dans la relation client digitale. On en revient à cette notion de confiance entre les parties. Le client peut se détourner s’il per­ çoit que l’on tente de lui soutirer des informa­ tions qu’il n’avait pas vraiment voulu donner, explique le consulting leader. De nombreuses initiatives de transformation interne vont aujourd’hui dans ce sens : trouver un socle d’uti­ lisation de la donnée qui soit sain et utile, et construire une exploitation de cette donnée pour s’enrichir d’une meilleure compréhension de son client. Le tout dans un cadre conforme aux réglementations. » Le point de départ de la transformation digitale Dans une société où la collecte de la donnée revêt un intérêt de plus en plus grand, Laurent Moscetti rappelle qu’il est fondamental, au moment d’opérer sa transformation digitale, de cibler précisément l’objectif poursuivi en collectant les informations sur ses clients. « Il s’agit du point de départ. Si l’on n’a pas la moindre idée du résultat que l’on veut atteindre, le chemin est très long, explique le consulting leader d’EY Luxembourg. Il est important de faire ce travail de retour à l’essentiel : que veut-on proposer à ses clients ? Comment se différencier par rapport aux concurrents ? Ensuite, lorsque l’on sait quelle valeur on veut apporter, on se questionne sur ce qui ferait sens, réellement, compte tenu de ses propres forces et de son posi­ tionnement de marché. Une fois ces points sou­ levés, on peut construire une plateforme de traitement de la donnée. En résumé, je pense que la transformation autour de la donnée doit s’appuyer sur les fondamentaux que sont les valeurs métier. Les solutions technologiques n’arrivent qu’en second plan, en appui à l’hu­ main », poursuit Laurent Moscetti. La disponibilité, un enjeu de taille Pour les entreprises, la disponibilité à tout moment est également un enjeu de taille. Aujourd’hui, les clients ne se contentent plus d’attendre sagement l’ouverture des commerces pour passer commande ou demander conseil. Ils souhaitent obtenir des réponses

3 QUESTIONS À

Sven Clement Député (Piraten), CEO d’AccountTech, managing partner Clement & Weyer

Les journées de Sven Clement, député et cofondateur du Parti Pirate Lëtzebuerg, sont bien remplies. En plus de son rôle à la Chambre, le jeune politicien de 33 ans doit jongler entre ses postes de CEO d’AccountTech et de managing partner au sein de son cabinet de conseil en communication numérique Clement & Weyer, sans oublier sa vie privée. Pour l’aider à gérer un calendrier chargé, il s’est doté d’un assistant virtuel. Il nous explique comment cela fonctionne. Vous vous êtes doté d’un assistant virtuel. Qu’est-ce que cela signifie concrètement, et comment cette technologie fonctionne-t-elle ? Mon assistant virtuel me permet principalement de ne pas m’occuper personnellement de la coordination de mes rendez-vous. J’indique les noms et les adresses mail des personnes à rencontrer dans les jours, semaines ou mois à venir, et l’assistant virtuel se charge de regarder des disponibilités afin de trouver le meilleur créneau. Lorsqu’il a analysé le moment idéal, l’assistant virtuel contacte alors l’interlocuteur pour lui proposer la date, l’heure et le lieu du rendez-vous. J’ai quatre calendriers à gérer entre mon travail à la Chambre, mon poste de CEO d’AccountTech, celui de managing partner au sein de Clement & Weyer, et, évidemment, mon agenda privé. Si je devais coordonner ces quatre calendriers manuellement, je pense que je ne ferais que cela. Quels avantages rencontrez-vous en utilisant cette technologie ? C’est rapide et aisé. Elle me permet d’épargner beaucoup de temps passé à trouver des créneaux et à planifier mes journées. Je ne perds plus des heures à coordonner plusieurs calendriers. Nous avons tous déjà dû repousser un rendez-vous et le programmer à un autre moment de la journée. Pour cela, il faut parfois empiéter sur un autre rendez-vous, voire en déplacer un. C’est souvent un véritable casse-tête.

En automatisant cette tâche, on évite tous ces soucis. Je recommande réellement à toutes les personnes qui gèrent leurs calendriers par voie digitale d’opter pour cette solution. C’est vraiment adapté à tous les profils et à toutes les structures. Qu’est-ce qui freine le déploiement de ce genre de technologie actuellement ? Je cible principalement deux facteurs qui font que cette technologie peine à se généraliser. Premièrement, la disponibilité des calendriers en ligne. Trop souvent, les calendriers ne sont pas entièrement gérés en ligne. On possède par exemple un calendrier familial sur papier et un calendrier professionnel sur Outlook. Pour des raisons de sécurité, parfois, on n’a pas le droit de connecter son calendrier en ligne à un des outils existants. Cela aussi peut être un frein à l’adoption de ce genre de technologie. Deuxièmement, les personnes qui ont le plus besoin de ce genre de solution sont justement celles qui possèdent plusieurs calendriers. Aujourd’hui, les outils ont encore parfois du mal à gérer plusieurs calendriers en même temps pour une même personne. Mais heureusement, on a déjà fait énormément de progrès en ce sens, et cela va continuer.

« Mon assistant virtuel me permet de ne pas m’occuper de la coordination de mes rendez-vous. »

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Défi concurrentiel

immédiatement, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il est donc capital pour les entreprises de pouvoir répondre à leur clientèle 24 h / 24 et 7 j / 7, sous peine de la voir se tourner vers leurs concurrents. Pour parvenir à relever ce défi dans un environnement toujours plus concurrentiel, elles sont de plus en plus nombreuses à se doter d’outils technologiques permettant d’automatiser certaines tâches. « En plus de pouvoir fournir des infor­ mations à toute heure du jour ou de la nuit, l’automatisation des processus permet de répondre plus rapidement aux demandes du client. La RPA (robotic process automation, ndlr) revêt aujourd’hui un intérêt capital pour les entre­ prises », assure Laurent Moscetti. Parmi ces technologies, on retrouve par exemple le chatbot, un programme informatique paramétré pour répondre automatiquement aux requêtes les plus courantes des utilisateurs. En plus de permettre aux clients d’obtenir des réponses instantanément, ces systèmes automatisés offrent aux employés davantage de temps pour réaliser des tâches à plus haute valeur ajoutée. « C’est un produit mature, mais qui a eu des résultats assez miti­ gés. En effet, lorsque l’on s’écarte des questions fréquemment posées (FAQ), le chatbot a du mal à offrir un service aussi précis et utile qu’espéré. La raison est que, souvent, cette technologie a été adossée à une intelligence artificielle pauvre », explique le consulting leader. Bien qu’elle représente une voie d’avenir pour la relation client digitale, l’intelligence artificielle, si elle veut offrir un service optimal aux entreprises, se doit en effet d’être intégrée avec rigueur et de manière… intelligente. « L’IA doit être vue comme une intel­ ligence qui acquiert de l’intelligence. Dans les premiers instants, elle a besoin d’être formée, mise en situation et entraînée avec une rigueur importante avant de produire des résultats proches de ceux que l’on espère au niveau de la valeur ajoutée. En la soumettant à de nom­ breuses mises en situation, l’IA pourra réali­ ser des tâches de plus en plus complexes. Mais cela n’arrive pas du jour au lendemain, ça demande du temps et du travail », explique Laurent Moscetti. La technologie en soutien à l’humain S’ils réalisent aujourd’hui des tâches de plus en plus précises et techniques, les outils digitaux tels que les chatbots ou les assistants virtuels ont leurs limites, notamment face aux questions plus complexes. La présence de l’humain reste donc malgré tout essentielle dans la relation avec le client. « L’humain a une capacité d’adaptation que la machine n’a pas encore. Il sera par exemple compétent pour basculer vers un expert adapté s’il n’est pas à même de répondre à la problématique du client. On s’aperçoit d’ailleurs que les chatbots qui obtiennent les résultats les plus 52

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

LES ACRONYMES DE LA TRANSFORMATION DIGITALE SEO, CRM, ERP, Atawadac… Derrière ces acronymes barbares et complexes se cachent en réalité des concepts parfois simples. Voici un petit lexique des acronymes de la transformation digitale. SEO Qui, en 2021, n’a pas entendu parler de SEO (search engine optimisation) ou de référencement naturel ? Cette approche permet d’améliorer le positionnement d’une page, d’un site ou d’une application web dans les moteurs de recherche sans passer par l’achat de campagnes. Pour optimiser cette visibilité, il faut intervenir au niveau des contenus et sur la structure des pages en ajoutant des mots-clés, des sous-titres, des liens, etc. En apparaissant dans les premiers résultats, l’enjeu est évidemment de s’assurer un trafic plus important sur son site web. CRM Il s’agit de customer relationship management, ou gestion de la relation clientèle en français. Cela désigne l’ensemble des opérations ayant pour objectif d’optimiser la qualité de la relation client, de fidéliser et de maximiser le chiffre d’affaires. Le CRM regroupe notamment des techniques de collecte et d’analyse des données client, ainsi que des opérations marketing et de support. Il permet de maximiser la connaissance du client, et ainsi de mieux comprendre, anticiper et gérer ses besoins. ERP Un ERP (enterprise resource planning), ou PGI (progiciel de gestion intégré), est un système informatique qui centralise l’ensemble des outils nécessaires à la gestion d’une entreprise. La particularité de ce logiciel est de regrouper, en un seul endroit, les fonctionnalités nécessaires à la gestion de l’entreprise : gestion comptable, gestion commerciale, gestion des stocks, etc. ATAWADAC Le concept anytime, anywhere, any device, any content est un dispositif qui permet de rendre les contenus ou services accessibles tout le temps, partout et sur tous les supports digitaux. On peut notamment citer Spotify, qui permet à ses utilisateurs d’accéder à l’ensemble de ses contenus quand et où ils le souhaitent (en streaming et en téléchargement) et sur tous les supports (smartphone, logiciel, web…).

probants sont ceux qui ont été capables d’in­ tégrer l’expert adéquat à un instant T du pro­ cessus, souligne Laurent Moscetti. Et là où les équipes d’implémentation ont bien travaillé, c’est quand on voit que l’intelligence artifi­ cielle parvient à basculer non seulement la situation, mais aussi le contexte de discussion avec le client afin que l’expert puisse repartir d’une base de compréhension qui lui permette de ne pas redemander au client tout ce qu’il vient d’expliquer au chatbot. Il est donc impor­ tant de positionner l’intelligence artificielle sur les bons processus. Souvent, on imagine que l’intelligence artificielle peut remplacer à peu près tout, mais c’est une erreur. » De plus en plus de sociétés font également le pari du commerce conversationnel. Cette approche permet au client de pouvoir discuter en temps réel sur une plateforme comme WhatsApp ou Messenger avec un agent ou un chatbot, voire les deux. En adoptant cette solution, les entreprises s’adaptent aux usages des consommateurs. Au-delà de l’instantanéité de l’échange, cette technique permet de profiter de tous les avantages des applications de messagerie classiques : historique des conversations, envoi de fichiers, géolocalisation… Quid de la conformité ? Laurent Moscetti met également en lumière un autre aspect sur lequel des efforts doivent encore être réalisés, et qui pourrait considérablement aider les chargés de relations dans leur métier. « Il faudrait que le chargé ait accès, à un moment donné, à un support sur les ques­ tions réglementaires. La conformité est de plus en plus aiguë et technique. Cela nécessite, pour le chargé de relations, d’être appuyé. En mobi­ lisant les bonnes plateformes technologiques pour épauler le chargé de relations au sujet de la réglementation, il est indéniable que la rela­ tion clientèle sera optimisée grâce au digital. » En 2020, les clients ont adopté de nouvelles habitudes d’achat, et la plupart des entreprises ont su répondre à ce changement de paradigme en accélérant leur transformation numérique. Dans cet univers davantage tourné vers le digital, les consommateurs ont désormais des attentes de plus en plus exigeantes en matière de relation client. Ce n’est qu’en trouvant un subtil équilibre entre la technologie et l’humain que les entreprises parviendront à optimiser cette expérience client.

Auteur A. B.


RH : les nouvelles façons de travailler

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JEUDI

24 JUIN

18H30 Le développement de l’ère digitale avait déjà initié une mutation des manières de travailler dans certaines entreprises. La crise du Covid-19 a forcé le recours à de nouvelles pratiques (et notamment au télétravail) dans toutes les entreprises qui en avaient les moyens techniques. Ce changement brutal, imposé, dans un premier temps, ouvre des perspectives sur de nouvelles façons de travailler et de concevoir le travail. Qu’est-ce que cela veut dire pour les entreprises ? Le cadre législatif est-il prêt ? Quels sont les enjeux pour le Luxembourg ?

Avec la participation, notamment, de : Troy Bishop, KPMG Nathalie Bourdeau, AXA Luxembourg Christelle Brignoli, Great Place to Work Nathalie Mège, TNP Luxembourg Romain Muller, Firce Capital

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Dossier

La data, mine d’or de demain Depuis des années maintenant, des volumes importants de données sont collectés par les entreprises, tous secteurs confondus. Il est à présent essentiel de faire parler cette donnée afin de créer une expérience utilisateur enrichie.

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Un travail sur la valeur de la donnée Ceci étant dit, avant d’utiliser et de partager ces données, il s’agit tout d’abord d’en établir la valeur. En effet, si l’on ne s’assure pas de la véracité de la donnée collectée, on risque non pas d’améliorer l’expérience client, mais bien de la détériorer. « Concrètement, une donnée qui est exploitée alors qu’elle n’est pas correcte peut par exemple conduire à l’envoi d’e-mails sur des sujets qui ne concernent abso­ lument pas le client, ou, pire, à refuser une demande de crédit ou de service de manière injustifiée, et donc à perdre du business  », illustre Cédric Jadoul. Dans un second temps, il s’agit de faire parler la donnée, de la rendre signifiante pour un métier particulier. Le but est toujours le même : proposer une expérience client fluide, enrichie, qui apporte à l’entreprise un réel gain de compétitivité. Les sociétés qui sont nées avec le digital ont d’ores et déjà intégré cette pratique. Il suffit de penser à des entreprises comme Zalando ou Amazon, qui, grâce à des mécaniques bien huilées, ont conquis la planète entière. Mais d’autres acteurs, dans des secteurs plus traditionnels, sont plus en peine. « On peut par exemple penser au secteur ban­ caire, à l’exception des ‘nouvelles banques’, qui, elles aussi, ont ces fondations d’exploitation de la donnée dans leur ADN, explique Cédric Jadoul. Les banques traditionnelles ont pour­ tant tous les atouts en main pour mieux exploi­ ter la data : elles ont les outils nécessaires et drainent déjà un volume important de données. À travers nos paiements quotidiens, elles savent déjà beaucoup de choses sur nous. » Mais pour vraiment tirer parti de la data, il faut parvenir

Ana Gaman

c’est-à-dire une expérience end-to-end connec­ tée. Par exemple, il serait assez logique, lorsque le client d’une banque demande un crédit pour une voiture, qu’on lui propose aussi une assu­ rance, voire d’autres services liés à la mobilité. Aujourd’hui, ce n’est pas encore systématique­ ment le cas, car chacun a tendance à conserver ses données de son côté. »

Illustration

La transformation numérique n’est pas neuve. ment. Face à des clients de plus en plus habiÀ vrai dire, elle peut déjà occuper une place tués à pouvoir tout faire de chez eux, toutes dans nos livres d’Histoire. Les racines (mili- les entreprises ont, petit à petit, entamé un taires) d’internet remontent à la fin des processus de digitalisation de leurs activités. années 60, tandis que le web – cet ensemble « Pour entrer dans le digital, les banques, par de pages HTML qui constituent sa face la exemple, ont commencé par proposer des solu­ plus visible – s’est réellement développé dans tions numérisées  : mobile banking, outils de les années 90. La numérisation de tous les paiement, solutions qui permettent d’améliorer supports physiques, qui, autrefois, recelaient l’interaction avec le client, etc., détaille Cédric l’information, a accompagné cette évolution Jadoul, service director chez Fujitsu Luxemdu World Wide Web. Aujourd’hui, rares sont bourg. La plupart du temps, l’axe choisi pour les informations qui ne sont pas disponibles initier la transformation numérique était d’ordre en ligne. Chacun s’est habitué à cet état de purement technologique. À travers l’ensemble fait. D’autant plus les jeunes générations, qui de ces solutions, les entreprises ont ainsi pu n’ont pas connu l’époque des compact-discs, recueillir une masse importante de données. » tout comme nous n’avons pas connu l’époque Ces sociétés ont, la plupart du temps, conserprécédant l’avènement de l’enregistrement, vé ces précieuses données en silo, sans en lorsque la musique devait être jouée en live faire profiter l’ensemble des services de l’enpour exister. treprise, voire les partenaires externes. Pour le service director de Fujitsu Luxembourg, c’est Des masses de données déjà collectées justement là que le bât blesse. « La grande Évidemment, la transformation numérique tendance est de proposer une ‘total experience’ ne concerne pas que le secteur du divertisse- à ses clients, ses partenaires et ses employés,


Transformation

à s’ouvrir à tout un écosystème, à mener un bien moins souvent en contact avec ses clients délicat travail d’intégration des données avec que celui de la banque, pourrait par exemple des partenaires externes. « Grâce à des don­ tirer profit des véhicules connectés, en proponées collectées ailleurs, la banque pourrait sant des assurances dont la prime est calculée savoir que je vais bientôt acheter une nouvelle au kilomètre près, ou en adaptant cette prime voiture. Elle pourrait donc prendre les devants en fonction de la façon de rouler de l’assuré. pour me proposer une série d’options finan­ « Dans ce cas, c’est un vrai changement de business cières, en collaborant, par exemple, avec des model qu’il faut engager », ajoute le responsable garages », indique le service director de Fujitsu de Fujitsu Luxembourg. Quant aux ressources humaines pointues, Luxembourg. La bonne nouvelle, à ce titre, est que les technologies d’intégration de la elles ne sont pas forcément impératives. « Il donnée ont beaucoup évolué, par exemple au faut que des équipes dédiées travaillent avec le travers de la data virtualisation, qui permet business pour savoir quelles sont les données les à ces entreprises de facilement et rapidement plus précieuses pour le métier. Mais le traite­ rattraper leurs concurrents digital natives. ment de la donnée en lui-même est aujourd’hui de plus en plus automatisé. À l’exception des cas L’IA pour prédire les comportements complexes, on pourrait donc presque se passer Ce travail de prédiction ne peut être mené à de data scientists. Ce sera encore plus vrai dans bien qu’en ajoutant une dernière couche au un avenir proche, où 80 % des modèles pourront millefeuille qui permet l’exploitation totale de être traités de façon automatisée », indique la donnée : la couche cognitive, matérialisée Cédric Jadoul. Pour permettre aux sociétés qui par l’intelligence artificielle. Les géants du web n’ont pas les moyens ou les compétences de comme Facebook et Google sont sans doute développer ce type de plateforme en interne, les premiers à avoir poussé si loin cette logique, Fujitsu et le List ont d’ailleurs mis au point un en nous proposant une série de produits et outil très puissant qui permet à ces entreprises services en fonction de nos parcours sur le web, de voir en quoi l’exploitation de la donnée pourrait être utile pour leur business. Un test tracés par la collecte constante de données. Aujourd’hui, une entreprise pourrait aussi peu coûteux, qui peut ensuite ouvrir la voie au en profiter, notamment en utilisant un agré- développement d’un outil interne. gateur de réseaux sociaux, qui lui permettrait de tout connaître d’un client. « Un assureur Un volume de données qui explose pourrait par exemple détecter qu’un client sou­ Si les données sont aux entreprises actuelles haite partir en vacances, et, proactivement, ce que les pépites d’or étaient aux orpailleurs proposer une assurance adéquate. Cela permet­ d’antan, doit-on dès lors concentrer nos efforts trait de fidéliser et de faciliter la vie du client, sur la diversification des sources permettant relève Cédric Jadoul. Le tout est de trouver la de récolter cette data ? Bien que certains secbonne mesure, de ne pas pousser trop loin le teurs soient plus défavorisés à cet égard, la curseur, ce qui risquerait d’irriter le client plus donnée est une denrée bien plus courante que qu’autre chose. Cela doit aussi poser la ques­ ne l’était tout l’or du Far West. « Aujourd’hui, tion de ce que l’on choisit, en tant que consom­ on a tellement de données qu’on ne sait déjà plus mateur, de céder comme données personnelles, quoi en faire. Je ne pense donc pas qu’il faille considérant les bénéfices que l’on peut obtenir. chercher à en récolter beaucoup plus, tant que Si une application qui monitore en permanence celles que l’on collecte sont de bonne qualité, en mes paramètres vitaux me permet d’éviter une phase avec les besoins du métier. C’est d’autant crise cardiaque, je pense que cela vaut le coup plus vrai que, dans les prochaines années, le de partager ces données sensibles, moyennant volume de données va exploser, notamment grâce la sécurité qui va avec… » au développement de nouvelles technologies, comme les assistants personnels », affirme Cédric Jadoul. Et vous, avez-vous votre data scientist ? À n’en pas douter, les vainqueurs de demain Ce véritable tournant que représente l’exploi- seront donc ceux qui auront mis en place tation accrue des données conduit également l’organisation et les outils permettant de à s’interroger sur les ressources humaines et mieux exploiter la donnée. Celle-ci permet l’organisation des entreprises, quel que soit à la fois de mieux servir le client, et ainsi de leur secteur d’activité. Si l’exploitation de la le fidéliser, mais aussi d’augmenter son chiffre donnée, notamment à travers l’intelligence d’affaires en lui proposant de nouveaux proartificielle, devient la règle, cela veut-il dire duits et services au moment même où il comque chaque structure devra se doter de colla- mence à en ressentir le besoin. Dans un monde borateurs aux compétences pointues en la aux ressources finies, la donnée dispose d’un matière ? « L’essentiel est d’abord de changer les autre atout de taille : contrairement aux mines mentalités, estime Cédric Jadoul. Chaque pro­ d’or, le gisement de données exploitables jet doit à présent intégrer une data governance, par les entreprises du monde entier ne devrait qui permettra d’enrichir la base de données exis­ jamais se tarir. tante, notamment en utilisant les nouvelles technologies. » Le secteur de l’assurance, qui est Auteur Q. D.

CINQ PLATEFORMES DE DATA MANAGEMENT Dans le secteur du marketing, les data management platforms (DMP), permettant de bien mieux connaître et d’élargir son audience, sont de plus en plus populaires. Nous vous en présentons cinq, parmi les plus connues. LOTAME Lotame permet de centraliser les données issues de plusieurs sources (CRM, blogs, e-mails, réseaux sociaux, etc.). Elle offre un fonctionnement complètement automatisé, ainsi qu’une série d’outils d’optimisation. Particulièrement adaptée aux spécialistes du marketing et aux agences digitales, Lotame est une solution idéale pour les sociétés qui souhaitent rassembler l’ensemble de leurs données en un seul lieu. NIELSEN DMP Nielsen s’est déjà fait un nom dans l’analyse de données. Avec une extension DMP, la société offre à présent une solution permettant de gérer, personnaliser, activer et analyser les données d’audience. Les utilisateurs peuvent ainsi choisir parmi plus de 60.000 segments d’audience, obtenir des contenus personnalisés en fonction de leur cible et effectuer des analyses des parcours de leurs clients. Un outil qui bénéficie déjà d’une très bonne réputation. ORACLE DMP Oracle, société américaine spécialisée dans la gestion de bases de données, les serveurs d’applications ou le cloud, s’est elle aussi lancée dans le secteur du data management. À travers sa plateforme Oracle DMP, les utilisateurs peuvent créer des profils enrichis en données propres ou issues de sources comme les réseaux sociaux ou les téléphones mobiles. L’analyse des données sur base des cookies des sites web y est particulièrement poussée. SALESFORCE DMP Salesforce, ce n’est pas seulement le CRM que tout le monde connaît. L’entreprise américaine a aussi développé sa propre DMP, qui fait partie du Salesforce Marketing Cloud. Permettant de rassembler les données issues de plusieurs sources en un seul point, cette solution utilise par ailleurs l’intelligence artificielle et le machine learning afin d’enrichir les profils de données des clients. Elle donne aussi la possibilité de trouver de nouveaux clients. RELAY42 Peut-être moins connue que ses concurrentes, Relay42 est pourtant parvenue à se faire une place dans le milieu concurrentiel des DMP. Sa solution, reposant sur l’intelligence artificielle, permet d’unifier les données issues de sources propres ou tierces. Elle permet de trouver de nouveaux clients ou prospects, tout en offrant des capacités de protection des données client qui garantissent la propriété de la marque en matière de stockage et d’utilisation.

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Dossier

Cinq technologies-clés à suivre Pour faire face aux défis majeurs d’aujourd’hui et de demain, les entreprises devront se doter d’outils technologiques leur permettant d’être résilientes et flexibles. Gartner, société de recherche et de conseil en solutions digitales, a identifié lors du Gartner IT Symposium/ Xpo™ 2020 virtuel les 9 tendances technologiques pour 2021. Nous en avons sélectionné 5, qui font particulièrement écho au Luxembourg.

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Auteur A. B.

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TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

AMÉLIORATION

L’expérience totale L’expérience totale combine l’expé­ rience client, l’expérience employé et l’expérience utilisateur et vise à améliorer l’expérience globale. L’idée fondamentale de cette approche est de cesser de traiter chaque com­ posante d’une stratégie commerciale comme un silo individuel. « En reliant étroitement toutes ces expériences, une entreprise se différencie de ses concurrents d’une manière qui est difficile à reproduire, créant ainsi un avantage concurrentiel durable, a expliqué l’analyste de Gartner, David Cearley, lors du Gartner IT Sympo­ sium/Xpo™ 2020 virtuel. Par exemple, durant la crise sanitaire, une entreprise de télécommunications a transformé l’ensemble de son expérience client dans le but d’améliorer la sécurité et la satisfaction. Elle a d’abord déployé un système de rendez-vous via une application existante. Lorsque les clients arrivaient pour leur rendez-vous et se trouvaient à moins de 25 mètres du magasin, ils recevaient deux choses. Premièrement, une notification pour les guider dans le processus d’enregistrement. Deuxièmement, une alerte leur faisant savoir combien de temps il leur faudrait attendre avant de pouvoir entrer en toute sécurité dans le magasin et maintenir une distance sociale. » Cette entreprise de télécommuni­ cations a également mis à disposition de ses employés des tablettes pour co-naviguer sur les appareils des clients, sans avoir à toucher physique­ ment le matériel. « Le résultat a été une expérience globale plus sûre, plus transparente et plus intégrée pour les clients et les employés », explique l’analyste.

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PSYCHOLOGIE

L’internet des comportements

L’internet des comportements, ou IoB (internet of behaviour), consiste à utiliser les données pour modifier les compor­ tements. Cette technologie permettrait aux entreprises de créer et de commer­ cialiser de nouveaux produits, dans une perspective de psychologie humaine. Et ce grâce à la compréhension et à la bonne utilisation des données. « L’IoB peut rassembler, combiner et traiter des données provenant de nombreuses sources : celles des clients commerciaux, celles des citoyens, traitées par les agences du secteur public et des gouvernements, celles issues des réseaux sociaux, mais aussi les données de localisation ou obtenues grâce au déploiement de la reconnaissance faciale dans le domaine public. La sophistication croissante de la technologie qui traite ces données a permis à cette tendance de se développer », détaille David Cearley. Grâce à l’augmentation du nombre de technologies capables de recueillir cette « poussière numérique » de la vie quotidienne, ces informations peuvent être utilisées pour influencer les com­ portements par le biais de boucles de rétroaction. « Par exemple, pour les véhicules professionnels, la télématique peut surveiller les comportements de conduite, du freinage brusque jusqu’aux comportements agressifs au volant. Les entreprises peuvent ensuite utiliser ces données pour améliorer les performances, les itinéraires et la sécurité des conducteurs et des passagers », explique l’analyste de Gartner. L’IoB a des implications éthiques et sociétales qui dépendent des objectifs et des utilisations de chacun. Certaines compagnies d’assurances proposent d’équiper leurs clients de vêtements bardés de capteurs pour suivre leur activité physique afin de réduire le montant de leur prime d’assurance. « On peut imaginer que ces mêmes vêtements puissent également être utilisés pour surveiller les achats en magasin : trop d’articles mauvais pour la santé pourraient par exemple conduire à une augmentation des primes. Ceci dit, les lois sur la protection de la vie privée, qui varient d’une région à l’autre, auront un impact considérable sur l’adoption et l’ampleur de l’IoB », assure David Cearley.


Outils

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VIE PRIVÉE

La « privacyenhancing computation »

La crise sanitaire actuelle a profon­ dément changé nos habitudes de travail. Les grandes entreprises ont notamment dû revoir l’ensemble de leurs processus pour se doter, du jour au lendemain, d’un environnement favorisant le travail à distance. Dans ce contexte, avec des équipements et une énorme quantité de données hors site, ainsi que la migration des applications vers le cloud, comment les entreprises peuvent-elles garantir la sécurité de leurs données ? C’est là qu’intervient la privacy-enhancing computation.

« Cette tendance permet aux organisations de collaborer en toute sécurité à des recherches entre régions et avec des concurrents, sans sacrifier la confidentialité. » DAVID CEARLEY Vice president & Analyst Gartner Research

« L’informatique respectueuse de la vie privée repose sur trois technologies qui protègent les données pendant leur utilisation. La première fournit un environnement de confiance dans lequel les données sensibles peuvent être traitées et analysées. La deuxième effectue le traitement et l’analyse de manière décentralisée. La troisième crypte les données et les algorithmes avant le traitement ou l’analyse », explique David Cearley. Cette approche est conçue spécifiquement pour répondre au besoin croissant de partager des données tout en préservant la confidentialité ou la sécurité. « Cette tendance permet aux organisations de collaborer en toute sécurité à des recherches entre régions et avec des concurrents, sans sacrifier la confidentialité », poursuit l’analyste.

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TÉLÉTRAVAIL

Anywhere operations

La crise du Covid-19 a façonné l’environnement de travail et l’a fait évoluer vers une stratégie du travail à distance. Et cette tendance perdurera sans aucun doute au-delà de ce contexte de crise. Selon une enquête de Gartner menée auprès de plus de 300 directeurs financiers, 74 % des personnes interrogées comptent déplacer au moins 5 % de leur personnel auparavant présent sur site vers des postes à distance permanents après la pandémie. Pour poursuivre cette nouvelle stratégie, elles vont devoir développer l’intégration de solutions permettant d’améliorer la collaboration virtuelle. Dans ce contexte, Gartner prévoit que de nombreuses entreprises adoptent une stratégie « anywhere operations ». « Un modèle d’exploitation ‘anywhere’ sera vital pour que les entreprises sortent avec succès de la crise du Covid-19. Il permet essentiellement d’accéder aux activités, de les fournir et de les mettre en œuvre n’importe où, même si les clients, les employeurs et les partenaires commerciaux opèrent dans des environnements physiquement éloignés », a souligné l’analyste de Gartner lors de son intervention. Le modèle pour les opérations en tout lieu « est numérique d’abord, et à distance dans un premier temps ». « On peut prendre l’exemple des banques uniquement mobiles qui gèrent tout, du transfert de fonds à l’ouverture de comptes, sans interaction physique. Le numérique devrait être la solution par défaut à tout moment. Cela ne veut pas dire que l’espace physique n’a pas sa place, mais il doit être amélioré par le numérique. La caisse sans contact d’un magasin physique est l’illustration parfaite de cette démarche », souligne David Cearley. Ce modèle d’exploitation facilite l’intégration d’outils digitaux et en sécurise l’accès à distance pour les utilisateurs. En outre, il permettra de simplifier la vie de l’employé et d’offrir un support client constant.

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PROCESSUS

L’hyperautomatisation

L’hyperautomatisation est l’idée que tout ce qui peut être automatisé dans une entreprise devrait l’être. « L’hyperautomatisation est motivée par le fait que les organisations ont des processus métiers hérités qui ne sont pas rationalisés, ce qui crée des problèmes immensément coûteux et étendus pour les organisations, ex­ plique David Cearley. De nombreuses organisations sont soutenues par un ‘patchwork’ de technologies qui ne sont pas optimisées, connectées, propres ou explicites. Dans le même temps, l’accélération des activités numériques exige efficacité, rapidité et démocratisation. Les organisations qui ne se concentrent pas sur l’efficacité, l’efficience et l’agilité commerciale seront laissées pour compte. » Grâce à l’automatisation des processus par la robotique enrichie par l’IA et le machine learning, il est désormais possible d’automatiser des processus métiers complexes, qui nécessitaient auparavant l’intervention d’experts. L’hyperautomatisation permet une transformation numérique significative à tous les niveaux de l’entreprise.

« Les organisations qui ne se concentrent pas sur l’efficacité, l’efficience et l’agilité commerciale seront laissées pour compte. » DAVID CEARLEY Vice president & Analyst Gartner Research

C’est notamment grâce à cette technologie qu’il est aujourd’hui possible d’avoir des jumeaux numé­ riques (digital twins) plus faciles à créer et à utiliser. Le List (Luxembourg Institute of Science and Technology) travaille d’ailleurs depuis plusieurs années sur la création d’un jumeau numérique pour le Luxembourg. Cette copie conforme numérique ferait du Luxem­bourg un pôle d’excellence en termes de développement numérique et d’attractivité.

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Face-à-face

Commerce : l’indispensable digitalisation Comment se porte l’e-commerce au Luxembourg ? Où se situent les commerces dans leur processus de transformation digitale ? Nicolas Henckes, directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce, et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de commerce du Luxembourg, dressent un état des lieux.

Comment l’e-commerce est-il aujourd’hui déployé au Luxembourg ? Et comment le Grand-Duché se positionne-t-il à ce sujet, au regard des autres pays européens et de ses voisins ? CARLO THELEN Le dernier rapport Digital Eco­ nomy and Society Index (DESI) d’Eurostat nous livre des informations intéressantes à cet égard. Cet indice, qui évalue l’évolution des pays de l’Union européenne vers une économie et une société numériques, place le Luxembourg à la 10e position du classement sur les 28 pays analysés, devant l’Allemagne (12e) et la France (15e), mais derrière la Belgique (9e). Si nous nous attachons à l’usage qui est fait d’internet au Luxembourg, nous remarquons que l’e-commerce est aujourd’hui ancré dans les pratiques des résidents, notamment grâce à l’importante utilisation d’internet dans le pays et à sa forte connectivité. Ainsi, 93 % des habitants du pays déclarent utiliser internet, contre 85 % en moyenne dans l’Union européenne, 87 % en France, 89 % en Belgique, et 91 % en Allemagne. Trois quarts de ces utilisateurs réalisent des achats sur le web. En 2018, les résidents grand-­ ducaux ont ainsi dépensé quelque 800 millions d’euros en ligne, selon Statista. Les résidents luxembourgeois achètent donc davan-

« On a trop longtemps opposé vente physique et vente en ligne. » NICOLAS HENCKES Directeur CLC

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tage sur internet que la moyenne européenne (71 %) et que les Belges (72 %). Cette pratique est cependant moins présente au Luxembourg qu’en France (77 %) et qu’en Allemagne (84 %). Mais ce que nous constatons également, c’est qu’il existe un déséquilibre entre la pratique des commerçants et les attentes des consommateurs. En effet, seulement 16 % des utilisateurs d’internet vendent leurs produits ou services sur le web, contre 23 % en moyenne au sein de l’UE. Et seuls 7 % à 9 % des commerçants ont une offre en ligne. 87,5 % des achats en ligne sont effectués sur des sites étrangers, d’après Cross-Border Commerce. Nous n’en sommes donc encore qu’aux balbutiements du commerce électronique et de la transformation digitale des commerces sur le territoire luxembourgeois. Il est toutefois important de préciser que ce rapport 2020 se base sur des données récoltées en 2019, avant la crise sanitaire, donc… Cela signifie-t-il que la situation a désormais changé et que la crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur à l’e-commerce au Luxembourg ? NICOLAS HENCKES Effectivement. La crise sanitaire, et surtout le premier confinement, a obligé bon nombre de consommateurs, mais surtout de vendeurs, à investir le web. Avant la pandémie, les entreprises commerçantes ne ressentaient pas forcément le besoin de proposer leurs biens en ligne, ni même, pour certaines, d’y être actives, ou tout simplement présentes. Même si la situation commençait un peu à se tendre, la plupart des commerces luxembourgeois avaient la chance de se trouver dans une situation relativement confortable, et ils pouvaient se contenter de « faire comme ils ont toujours fait ». Il en résultait une grande méconnaissance de l’e-commerce, de son fonctionnement, de sa valeur ajoutée pour les clients et pour l’entreprise, des mécanismes de communauté que cela implique de mettre en place, etc. La crise a exacerbé l’intérêt et l’importance du digital. S’ils voulaient


E-commerce

continuer à vendre leurs produits et leurs services et maintenir le lien avec leurs clients, les commerçants n’ont pas eu d’autre choix que de se tourner vers le numérique. On a trop longtemps opposé vente physique et vente en ligne. Or, ces deux canaux sont davantage complémentaires que concurrents. Et, à cet égard, le confinement a constitué une sorte d’électrochoc. Beaucoup ont pris conscience de la convergence de ces deux moyens de vente et de la nécessité, aujourd’hui plus encore, d’adopter une stratégie multicanale.

Photos

Matic Zorman

Pour l’écosystème luxembourgeois, quels sont les avantages de miser sur l’e-commerce ? N. H. Vendre ses produits ou services en ligne augmente le champ des possibles. Le commerce électronique contribue à financer ses frais fixes, il permet de toucher d’autres cibles, sur des localisations et à des horaires bien différents et bien plus larges que ceux d’un magasin. Un site internet vitrine ou une visibilité sur les réseaux sociaux peuvent constituer une première approche et permettre de se faire connaître auprès de potentiels clients. Une présence sur une plateforme e-commerçante permet de toucher des clients qui ne seraient jamais venus en magasin, de leur donner envie de se rendre en boutique et d’acheter d’autres produits, ou encore de commander, la prochaine fois, sur le site d’e-commerce propre à l’entreprise. Ce sont des opportunités qu’il faut désormais saisir. Certains perdent de vue que l’e-commerce, c’est avant tout du commerce. Ce n’est pas une démarche stand-alone. Tout comme le commerce physique, le commerce électronique doit être maîtrisé de bout en bout, de l’acquisition de clients à la politique de retour, en passant par le service aprèsvente. Tout doit être cohérent. C’est à chaque entreprise de sentir ce dont elle a besoin, en fonction de son activité, de ce qu’attendent ses clients, de leurs intérêts. Nous pouvons fournir les grandes lignes, présenter les outils qui existent, aider les entreprises à les maîtriser et à en comprendre le potentiel. Mais c’est à chacune d’entre elles, ensuite, de décider comment elle souhaite les mettre en œuvre, au service de son business et de sa clientèle. À cet égard, Letzshop, la plateforme e-commerçante « made in Luxembourg », rencontre un franc succès depuis le début de la pandémie… N. H. On peut dire que nous (le ministère de l’Économie, la Direction générale des classes moyennes, la Chambre de commerce et la CLC, ndlr) avons eu le nez creux en lançant Letzshop en septembre 2018. Au début de ce projet, la CLC n’était pas vraiment convaincue de l’apport d’une telle plateforme nationale pour accompagner l’écosystème local dans son développement vers l’e-commerce, mais elle

« Beaucoup ont encore une appréhension ou une méconnais­ sance des aides qui existent. » CARLO THELEN Directeur général Chambre de commerce

s’est finalement ralliée au projet et l’a soutenu fortement. Le confinement a permis de renforcer la notoriété de la plateforme et lui a donné un vrai coup d’accélérateur. Durant cette période, on y a enregistré des records d’inscriptions et de fréquentation. C. T. Au cours du premier confinement, 131 nouvelles entreprises s’y sont inscrites, et environ 15 % de produits supplémentaires y ont été achalandés. Nous avons aussi connu une augmentation fulgurante des pages consultées et du nombre d’utilisateurs. Entre les mois de juin et octobre 2020, par exemple, plus de 450.000 personnes ont visité le site, et plus de 3 millions de pages ont été vues. À la fin de l’année, 350.000 euros de chèques-­ cadeaux ont été commandés en seulement six semaines. Aujourd’hui, nous recensons 500 commerces sur la plateforme pour plus de 400.000 références. C’est une véritable success-story. Mais il est important de ne pas se reposer sur ses lauriers. Il faut continuer à investir dans ce type de plateforme, car la concurrence est rude. Face aux géants internationaux, y a-t-il de la place pour les PME ou les plateformes e-commerçantes luxembourgeoises ? N. H. Letzshop n’est qu’une première marche, qui est là pour accompagner les entreprises locales sur le chemin de l’e-commerce, leur permettre de faire leurs premiers pas plus facilement dans ce domaine. Au-delà de Letzshop, les entreprises doivent bien sûr identifier d’autres plateformes porteuses pour elles et s’y déployer, c’est indispensable. Quels sont les freins au développement de l’e-commerce qui existent encore au Luxembourg ? C. T. Nous pouvons encore réaliser des progrès en ce qui concerne les infrastructures et la logistique liées à l’e-commerce. Mais ce à quoi nous devons surtout travailler, c’est à MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

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Face-à-face E-commerce

sensibiliser les commerçants à l’importance de se digitaliser. De nombreux acteurs, dont la House of Training, la House of Entrepreneurship ou encore Luxinnovation, mènent déjà un gros travail de sensibilisation, d’information et de soutien à la transformation digitale des entreprises. La Chambre de commerce a, de son côté, édité le guide pratique E-commerce : démarrer une activité de com­ merce électronique au Luxembourg, disponible gratuitement sur notre site. Ces démarches de sensibilisation doivent se poursuivre si nous ne voulons pas manquer le train. N. H. Dans les prochains mois, dans les prochaines années, l’e-commerce ne va faire que se renforcer. Face aux nouveaux défis auxquels ils sont confrontés – je pense notamment au changement d’habitudes des consommateurs et à la croissance des achats en ligne, à la transformation des centres-villes et de leurs commerces, ou encore à la pratique plus répandue du télétravail –, les commerçants doivent réagir rapidement : il faut investir dans l’avenir, accroître ses capacités d’innovation, aller chercher les clients là où ils sont désormais. Les commerçants luxembourgeois sont-ils conscients de cette nécessité d’investir dans le digital ? C. T. Si les entreprises sont, pour la plupart, effectivement conscientes de l’importance d’évoluer face à l’e-commerce et à la digitalisation, beaucoup ont encore une appréhension ou une méconnaissance des aides qui existent pour les accompagner dans cette voie. Certaines se sentent démunies. Le Baromètre de l’économie de la Chambre de commerce réalisé au second semestre 2019 révélait ainsi que 91 % des entreprises connaissent le concept de transformation digitale, et que 64 % mènent un processus de transformation digitale. Mais seulement 23 % d’entre elles sont déjà bien avancées dans cette démarche. Pour près de la moitié des entreprises (44 %), le principal défi de la digitalisation concerne le besoin de qualifications, de connaissances et de formations. Pour près d’un tiers (27 %), la difficulté consiste à trouver les bonnes solutions externes pour entamer leur transformation digitale. Or, il existe une panoplie d’acteurs au Luxembourg – que l’on retrouve d’ailleurs dans notre guide – qui peuvent les soutenir dans cette voie. C’est pourquoi le travail d’information et de promotion est essentiel. Quels sont les outils et les aides à disposition des PME commerçantes qui souhaitent mettre en place ou accélérer leur transformation digitale ? C. T. La Chambre de commerce et ses différentes entités, en collaboration avec le ministère de l’Économie, ont mis sur pied, ces dernières années, plusieurs initiatives en la matière. Parmi elles, le programme Go Digital 60

CES E-COMMERCES NÉS PENDANT LA CRISE SANITAIRE Depuis le début de la pandémie de Covid-19, de nombreux commerces se sont lancés dans le développement de la vente en ligne au Luxembourg. On peut notamment citer l’initiative de vignerons indépendants de la Moselle, qui ont développé une plateforme d’e-commerce commune, Wäistrooss.lu, tout comme La Provençale, grossiste alimentaire spécialisé dans la fourniture aux professionnels, qui, à travers son webshop, désire attirer aussi les particuliers. Dans un autre registre, l’opérateur Orange propose désormais du « live shopping » pour faire ses achats sur internet tout en étant accompagné par un conseiller. Pour s’adapter à la situation actuelle, Voyages Emile Weber vient, quant à elle, de lancer www.webcamper.lu, un service de réservation de camping-cars et de vans.

a pour vocation de sensibiliser et d’accompagner les entreprises dans leur digitalisation. Il leur permet de tester leur maturité digitale, d’échanger avec des pairs qui sont déjà passés par un tel processus de transformation, et de suivre régulièrement des workshops très pratico-pratiques pour améliorer leur visibilité et leur e-réputation, acquérir de nouveaux clients, découvrir d’autres canaux de distribution ou encore optimiser leur gestion interne. Les programmes Fit 4 Digital et Fit 4 Digital Packages, portés par Luxinnovation et subventionnés par le ministère de l’Économie à hauteur de 5.000 euros, permettent ensuite de bénéficier de conseils personnalisés pouvant aller jusqu’à l’implémentation, au sein de l’entreprise, d’outils digitaux tels qu’une plateforme d’e-commerce. La House of Training, de son côté, propose une multitude de formations autour de la thématique, pour créer sa présence en ligne ou sa boutique virtuelle, utiliser les réseaux sociaux, vendre sur plusieurs canaux, gérer des communautés de clients en ligne, etc. Et ce ne sont là que quelques exemples des aides qui existent dans le pays… N. H. Personne n’a dit que la transformation digitale était simple ou rapide. Mais il ne faut pas non plus en faire une montagne. Beaucoup de ressources sont disponibles pour apprendre et déployer déjà pas mal de choses soi-même. Il existe aussi de nombreuses aides en la matière, le tout est de pousser les portes pour les trouver et de ne plus avoir peur de commencer le voyage... Car, ce qui est certain, c’est que la transformation digitale du commerce est devenue aujourd’hui essentielle pour perdurer. Quels sont les défis et enjeux soulevés par cette transformation digitale des commerces ? Comment encourager la montée en puissance de l’e-commerce auprès des entreprises luxembourgeoises ? C. T. Comme nous l’avons dit, disposer des compétences nécessaires à cette transforma-

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

tion au sein de l’entreprise n’est pas toujours évident. Or, elles sont de plus en plus essentielles. Une étude du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), menée sur les offres d’emploi entre septembre 2018 et septembre 2019, a ainsi révélé que 68 % d’entre elles demandent de maîtriser des compétences digitales de base, et 59 %, des compétences digitales plus avancées. Et ces exigences n’ont certainement pas diminué depuis le début de la crise sanitaire, bien au contraire. C’est pourquoi nous devons mettre en place un système de formation optimal au Luxembourg, qui puisse créer les compétences et les talents dont nous avons besoin. Pourquoi, par exemple, ne pas mettre davantage l’accent, dans le cursus scolaire classique, sur les digital skills ? N. H. Face aux évolutions technologiques constantes, il est également important de permettre à chaque personne qui est déjà sur le marché de l’emploi d’acquérir des compétences digitales et de les maintenir à jour en se formant en continu, dans une démarche d’upskilling ou de reskilling, et ce dans le but de préserver son employabilité. En quoi la transformation digitale des PME commerçantes est-elle essentielle pour l’attractivité du pays ? N. H. C’est un facteur de compétitivité à ne pas négliger. La transformation digitale permet en effet d’aller chercher d’autres clients, de préserver les clients existants, de répondre à leurs nouveaux besoins, de mieux les servir, et donc de faire progresser le chiffre d’affaires. La digitalisation permet aussi aux entreprises – y compris les petites et les très petites entreprises, contrairement aux idées parfois reçues – d’optimiser les processus en place et, par conséquent, d’augmenter leur productivité, de réaliser des économies d’échelle, d’accroître leurs marges et de potentiellement libérer du personnel pour l’affecter à des tâches à plus haute valeur ajoutée. Et c’est précisément un effort de pédagogie, pour faire comprendre ces différents éléments, qu’il est encore essentiel de fournir afin d’accélérer la transformation digitale de nos commerces.

Auteur J. R.


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Sécurité

Le grand enjeu de la cybersécurité Alors que nos sociétés dépendent de plus en plus du numérique, il devient plus indispensable d’intégrer les enjeux de sécurité à tout projet de transformation.

La technologie s’immisce dans toutes les commente Koen Maris, cybersecurity leader dimensions de la société, au cœur de nos vies. au sein de PwC Luxembourg. Elles sont d’au­ Elle est présente dans notre environnement tant plus nombreuses que la transformation professionnel, à la maison, au cœur de l’es- numérique s’appuie sur des systèmes et des pro­ pace public. Elle facilite nos déplacements, cessus de plus en plus interconnectés. Quand, nous encourage à maintenir une activité phy- hier, les systèmes pouvaient fonctionner en étant sique régulière, nous aide à manger plus sai- isolés d’internet, désormais, ils sont en perma­ nement. Via les canaux numériques, nous nence tournés vers l’extérieur, et donc exposés. » accédons désormais à une offre culturelle pléthorique. Les échanges sociaux, comme Cyber-risques, incidences opérationnelles la gestion des finances de chacun, se font Les exemples de sociétés mises à mal par un désormais essentiellement en ligne. La tech- incident cyber, quelle que soit leur nature, nologie soutient l’éducation des enfants et la sont légion. Une fuite de données personformation tout au long de la vie. Elle contri- nelles peut nuire à la réputation d’un acteur, bue à une gestion optimisée de l’énergie et et surtout exposer l’utilisateur concerné à de constitue une des réponses aux enjeux clima- fâcheux désagréments. On ne compte plus le tiques. Bref, le numérique est partout et, si nombre d’hôpitaux qui, victimes d’une attaque, l’on en croit de nombreux observateurs, ce se sont retrouvés en état de paralysie totale. n’est que le début. De nombreux services commerciaux ont été considérablement affectés par des attaques. Nouvelles possibilités, nouveaux risques Par exemple, l’été dernier, les utilisateurs des « L’activité humaine est aujourd’hui largement services connectés de Garmin se sont retroudépendante de la technologie. Dans de très vés perdus plusieurs jours durant suite à une nombreux domaines, l’accès aux services numé­ attaque du géant américain du GPS. Un exemple riques est devenu critique, commente Cédric Mauny, head of cybersecurity services au sein de Proximus Luxembourg. Avec la pandémie, ces derniers mois n’ont fait que révéler plus DÉTECTER LES INTRUSIONS encore cette dépendance. Comment aurionsGRÂCE À L’IA nous fait, en 2020, si ces solutions numériques Au cœur d’un monde de plus en plus n’avaient pas été disponibles ? Mais, plus encore, numérique, les responsables de la sécurité informatique doivent affronter de nombreux comment ferons-nous, demain, si nous n’avons pirates au quotidien. Lutter efficacement plus accès à tous ces outils numériques ? » contre les tentatives de compromission Difficile, en effet, d’imaginer un monde des systèmes implique de comprendre les modes opérateurs de ces acteurs sans ces solutions informatiques et, surtout, malveillants, désormais très organisés sans ces très nombreux échanges et flux numéet capables de développer des attaques riques qui sous-tendent désormais l’activité très sophistiquées. Pour faire face, les organisations peuvent aussi s’appuyer humaine. Prendre conscience de l’importance sur les technologies les plus récentes. du numérique au cœur de nos vies nous oblige L’intelligence artificielle, par exemple, aussi à considérer les risques et vulnérabilités permet d’identifier des comportements anormaux au cœur des systèmes de liés à l’usage de la technologie. « La transfor­ l’entreprise, comme la connexion d’un mation numérique du business, et plus large­ utilisateur à une heure inhabituelle, ment de la société, présente de grandes des transferts de données inhabituels, des comportements suspects. En recourant opportunités. L’exploration de ce potentiel s’ac­ au machine learning, une organisation peut compagne toutefois de nouvelles possibilités, accroître sa capacité de détection des tout aussi importantes, pour les cybercriminels, intrusions et mieux lutter contre la fraude. 62

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

parmi de nombreux autres. Plus récemment, de nombreux sites internet et autant de boîtes mail connaissaient de sérieux problèmes dus à l’incendie qui a affecté l’acteur majeur du cloud français OVH. À la lumière de ces exemples, on comprend l’importance de la gestion du risque informatique pour toute organisation qui s’engage dans une démarche de transformation digitale. « Plus que de cybersécurité ou de risques informatiques, il faut parler de risques opéra­ tionnels, financiers ou réglementaires inhérents à une situation de crise dépendant des systèmes informatiques, poursuit Koen Maris. Dans ce contexte, chaque entreprise doit se demander combien de temps elle peut survivre en cas d’in­ terruption de service. À partir de là, il lui appar­ tient de prendre les mesures qui s’imposent pour préserver son activité. » Vieux systèmes, nouveaux risques Aujourd’hui, la prise de conscience des dirigeants semble réelle. En quelques années, les enjeux inhérents à la cybersécurité ont gagné en importance au sein des organisations. « Tous les ans, Allianz réalise un baromètre des risques auxquels sont exposées les entreprises, selon la perception qu’en ont leurs dirigeants, commente Cédric Mauny. En janvier 2020, pour la première fois, le risque cyber arrivait en pre­ mière position des préoccupations des dirigeants, et ce devant le risque d’interruption d’activité. En 2021, l’interruption d’activité reprenait la tête du podium, suivie de très près par le risque d’une pandémie, à égalité avec le risque d’in­ cident cyber. Il apparaît toutefois aujourd’hui qu’un incident cyber peut conduire à l’indis­ ponibilité des outils de télétravail et à une interruption des activités. » La transformation numérique de la société s’accompagne d’une forte complexification des systèmes, de plus en plus interconnectés, avec une multiplication des flux de données. « Cette complexité offre un terrain de jeu de premier choix pour les attaquants, qui cherchent en permanence des vulnérabilités à exploiter,


assure Pascal Steichen, directeur de Securitymadein.lu. Le problème est que, dans beaucoup de structures, la technologie en place n’a pas évolué depuis parfois 10-15 ans. Avec la digi­ talisation, quand on parle d’industrie 4.0 ou encore de véhicules autonomes, des systèmes qui n’ont pas été conçus pour cela se retrouvent connectés à des réseaux extérieurs, sans forcé­ ment avoir été mis à jour. De plus en plus, on voit réapparaître des vulnérabilités que l’on pensait corrigées depuis longtemps. » Des systèmes anciens, protégés uniquement au moyen d’un mot de passe par défaut, sont exposés sur internet sans aucune précaution. Du pain bénit pour les cybercriminels. Garantir la confiance S’engager dans un processus de transformation digitale exige, préalablement à tout développement, de gagner en maturité vis-à-vis de la gestion de ces risques liés à l’usage de la technologie. « C’est un enjeu de confiance, ni plus, ni moins, commente Cédric Mauny. Sans confiance, pas de business, pas de trans­ formation numérique. Investir dans la sécuri­ té doit avant tout servir à protéger l’utilisateur, la vie privée du client, à préserver l’activité de l’entreprise durablement. » Longtemps perçue comme un poste coûteux et un frein à l’utilisation des technologies, la cybersécurité doit désormais être considérée comme une alliée. « La sécurisa­ tion des systèmes doit aller de pair avec la transformation numérique. Elle doit être consi­ dérée comme faisant partie intégrante du pro­ cessus, commente Pascal Steichen. Et l’on peut se réjouir de voir les acteurs prêter de plus en plus d’attention au sujet. Depuis trois ou quatre ans, au Luxembourg, c’est devenu un sujet cen­

Photo

Matic Zorman (archives)

PASCAL STEICHEN Directeur, Securitymadein.lu

«  Le problème est que, dans beaucoup de structures, la technologie en place n’a pas évolué depuis parfois 10-15 ans. »

tral, avec une meilleure prise de conscience du risque et une meilleure compréhension des impacts sur l’activité. » Sécurité intégrée Évoluer dans un environnement numérique implique une capacité à évoluer toujours plus rapidement. Cependant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. « Sécurité et vitesse de développement se marient difficilement, reconnaît Koen Maris. Cependant, dans une approche durable, ces considérations liées à la sécurité sont indispensables et doivent être intégrées dans chaque projet, dès l’entame de celui-ci. De cette manière, on peut renforcer la qualité de chaque développement, gagner en efficacité, en garantissant à la fois la qualité du projet et une meilleure maîtrise des coûts. » Le fait de considérer les enjeux de cybersécurité tardivement dans un projet de développement ou de transformation numérique entraîne le plus souvent des surcoûts conséquents, bien plus importants que s’ils avaient été intégrés dès le départ. Corriger une vulnérabilité si elle est décelée une fois le projet bien avancé ou presque terminé s’avère bien plus compliqué et entraîne irrémédiablement des retards conséquents. « Oui, la cybersécurité constitue toujours un coût. L’enjeu est de déterminer où et comment bien investir. Pour cela, il faut par­ tir d’une analyse de risque, afin de bien se pré­ parer au risque ou de déterminer comment réagir, assure Cédric Mauny. En procédant de cette manière, on peut faire des choix éclairés, en considérant les risques et les bénéfices, et trouver les moyens d’optimiser ses coûts mais aussi ses investissements. » Risque digital, conséquence physique Une bonne gouvernance de la sécurité, permettant à chaque organisation d’élever son niveau de maturité en la matière, semble être un préalable indispensable à tout projet de transformation numérique. En la matière, les défis sont conséquents. À l’avenir, les objets connectés vont se multiplier. De nouveaux services devraient aussi naître de la rencontre entre des acteurs complémentaires au cœur de plateformes. Pour rendre compte des enjeux et des risques, rien ne vaut un bon exemple. Il n’y a pas si longtemps, une voiture était principalement constituée d’éléments essentiellement mécaniques assemblés autour d’un moteur. Désormais, le bon fonctionnement du véhicule dépend surtout d’éléments électroniques, produits par une diversité d’acteurs, connectés en permanence via les réseaux mobiles. « Avec la multiplication des objets connectés ou encore des technologies opérationnelles, on voit que le risque informatique peut entraîner un risque physique, commente Pascal Steichen. Quand on parle de mobilité autonome ou encore de ville connectée, il est important de prendre en consi­ dération les incidences d’une attaque sur la réa­

CYBERSÉCURITÉ : 10 BONNES PRATIQUES ENSIBILISER, ENCORE ET ENCORE 1 S

La cybersécurité est l’affaire de tous. Il est important de régulièrement rappeler aux collaborateurs les mesures d’hygiène en la matière, notamment autour des accès et mots de passe.

2 EFFECTUER DES SAUVEGARDES

RÉGULIÈRES Pour restaurer vos systèmes, à la suite d’une attaque, il faut pouvoir disposer d’une sauvegarde récente. Il est recommandé de faire plusieurs back-up, en local, sur un site distant ou encore dans le cloud.

3 L IMITER LES ACCÈS

Tous les employés n’ont pas besoin d’avoir accès à l’ensemble des données. Limitez les accès aux données les plus sensibles ou stratégiques.

SSURER LA MISE À JOUR 4 A

DES SYSTÈMES Il est important de rester au fait des vulnérabilités et de les corriger dès qu’elles sont révélées, à travers la mise à jour des systèmes.

E PRÉPARER À L’INCIDENT 5 S

L’enjeu n’est plus de savoir si oui ou non on fera l’objet d’une attaque, mais de déterminer comment répondre à tout incident.

OCUMENTER LES PROCÉDURES 6 D

DE SÉCURITÉ Les procédures établies doivent être documentées, partagées et accessibles par les personnes qui veillent sur la sécurité de l’entreprise et sont appelées à réagir en cas d’incident.

MÉLIORER SES CAPACITÉS 7 A

DE DÉTECTION Des mois peuvent s’écouler entre une intrusion et le moment où elle est détec­ tée. En renforçant sa capacité à détecter rapidement une anomalie, on peut rapidement et efficacement y remédier.

RÉVOIR UN « DISASTER 8 P

RECOVERY PLAN » Un plan de reprise d’activité a pour objectif de planifier le rétablissement, dans les meilleurs délais, d’une infrastructure informatique.

9 I NSCRIRE LA SÉCURITÉ

DANS UN CYCLE VERTUEUX Protéger les systèmes, détecter l’intru­ sion, répondre à l’incident, reprendre l’activité, améliorer la sécurité. La gestion de la cybersécurité doit s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.

10 L A CYBERASSURANCE POUR LES

RISQUES RÉSIDUELS Le risque zéro n’existe pas. L’enjeu est de mitiger ou limiter les risques au maximum. Pour les risques résiduels, il existe des solutions de cyberassurances.

MAI 2021 TRANSFORMATION DIGITALE

63


Sécurité

lité physique.  » Le piratage d’un véhicule connecté pourrait, en effet, conduire à des accidents et porter atteinte à la vie des utilisateurs ou d’une personne tierce. On peut se demander quelles seraient les conséquences associées aux défaillances d’un immeuble connecté victime d’un incendie, dont les issues pourraient se retrouver bloquées. « La trans­ formation numérique n’est pas exempte de risques. Or, c’est pourtant la direction que l’on emprunte, sans forcément réfléchir à toutes les implications liées à l’usage de la technologie, commente Koen Maris. Les véhicules connectés sur le marché ne sont actuellement pas secured by design (garantis par la conception, ndlr). Les éléments élec­ troniques contribuent avant tout à la sécurité des passagers. Par contre, on a encore trop sou­ vent tendance à négliger la sécurité de ces com­ posants vis-à-vis des tentatives de piratage. » Le maillon faible En matière de sécurité informatique, le niveau d’une chaîne de valeur correspond à celui du maillon le plus faible. Alors que les services numériques s’appuient de plus en plus sur un ensemble de prestataires variés, de softwares tiers ou encore de plateformes cloud, il faut pouvoir s’assurer du niveau d’exigence de chaque intervenant. « C’est là toute la diffi­ culté liée au développement d’environnements de plus en plus complexes, poursuit Cédric Mauny. Il appartient à chaque acteur de s’as­ surer du niveau de sécurité des solutions exté­ rieures sur lesquelles il s’appuie, que l’on parle de connectivité, de solutions cloud, ou encore de capteurs connectés. » Trop souvent, malheureusement, de nombreux acteurs font preuve d’une trop grande naïveté vis-à-vis des solutions sur lesquelles ils s’appuient, que ce soit dans un contexte professionnel ou encore au quotidien. « À l’approche du château fort, auquel on recourait pour sécuriser des systèmes par le passé, il faut privilégier celle de l’aéroport, souligne Cédric Mauny. Il faut se demander com­ ment sécuriser un espace où une grande variété d’acteurs sont amenés à collaborer et où les flux sont multiples. Dans cette perspec­ tive, le concept du Zero Trust prévaut. Autre­ ment dit, il ne faut pas faire aveuglément confiance à autrui et, lorsque l’on fait le choix d’une solution extérieure ou que l’on établit un partenariat, il convient d’exiger des garanties et de mettre en place des contrôles adéquats. » De cette manière, chaque partenaire exerçant un pouvoir de contrôle sur l’autre, il est possible d’avancer ensemble, en confiance, tout en garantissant la sécurité. Pression réglementaire La régulation a aussi un rôle important à jouer, notamment pour garantir la protection des utilisateurs et s’assurer de la disponibilité des services critiques. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) a par exemple 64

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

PROTECTION DES DONNÉES, UNE APPROCHE EN 7 ÉTAPES Chaque organisation doit répondre à diverses obligations liées à la protection des données personnelles. Ces devoirs sont établis par le règlement général sur la protection des données. La CNPD propose une approche en 7 étapes pour se mettre en conformité.

1 S’INFORMER SUR VOS OBLIGATIONS Les personnes-clés doivent être au courant du RGPD et pouvoir évaluer les conséquences du cadre légal sur l’organisation.

2 IDENTIFIER LES TRAITEMENTS DES DONNÉES PERSONNELLES Les organismes doivent tenir une documentation interne complète sur leurs traitements de données personnelles et s’assurer que ces traitements respectent bien les nouvelles obligations légales.

3 DÉSIGNER UN DÉLÉGUÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES Il est important qu’une personne de l’organisation ou un conseiller externe soit en charge des questions relatives à la protection des données. Cette personne doit disposer des connaissances, des ressources et des compétences pour le faire. Dans certains cas, la désignation du délégué doit répondre à des obligations précises.

4 ÉTABLIR UN PLAN D’ACTION Après avoir identifié les traitements des données personnelles mis en œuvre, il est nécessaire, pour chacun d’eux, d’identifier les actions à mener pour vous conformer aux obligations actuelles et à venir.

5 IDENTIFIER ET GÉRER LES RISQUES Pour les traitements susceptibles d’engendrer des risques élevés pour les droits et libertés des personnes concernées, une analyse d’impact relative à la protection des données doit être réalisée.

6 ORGANISER LES PROCESSUS INTERNES Il est nécessaire de mettre en place des procédures internes qui garantissent la protection des données à tout moment, en prenant en compte l’ensemble des événements qui peuvent survenir (faille de sécurité, gestion des demandes de rectification ou d’accès, modification des données collectées, changement de prestataire).

7 DOCUMENTER LA CONFORMITÉ Tout ce qui implique des données personnelles au niveau de l’entreprise doit être documenté. Les actions réalisées doivent être réexaminées et actualisées régulièrement.

fixé un cadre, établissant que l’entreprise demeure responsable de ses données et des traitements qui en sont faits, même si ceuxci sont confiés à des tiers. « D’autres législa­ tions contribuent à élever le niveau de sécurité informatique, explique Pascal Steichen. La directive NIS impose par exemple une série de mesures à des opérateurs de services essentiels, comme les fournisseurs d’énergie, les hôpitaux, les opérateurs de réseau, pour garantir la pro­ tection de leurs systèmes et la disponibilité des services. Une nouvelle version de la directive, attendue pour le milieu de l’année prochaine, devrait élargir le spectre des structures concer­ nées par la réglementation. » Dans le secteur financier, le Digital Operational Resilience Act (Dora) établit le cadre dans lequel peuvent être sous-traitées certaines opérations auprès d’acteurs du secteur numérique. Au-delà, la Commission européenne a établi une stratégie européenne de cybersécurité qui inclut une série de règlements et de directives devant contribuer à élever la sécurité des systèmes. Celle-ci prévoit aussi le développement d’un centre de compétences en cybersécurité, dont la mission sera d’accompagner le développement des bonnes pratiques en travaillant avec les acteurs de la recherche, le monde de l’éducation, ainsi qu’avec les entreprises pour assurer des développements de plus en plus sécurisés. Le Luxembourg, pour sa part, travaille déjà depuis plusieurs années sur les enjeux de sécurité. Cette année devrait être publiée la quatrième version de la stratégie nationale en la matière. « Aujourd’hui, on recense plus de 300 entreprises proposant des solutions et des services en cybersécurité sur le territoire, assure Pascal Steichen. Cet écosys­ tème riche ne cesse de grandir et contribue à l’attractivité du pays et à la confiance que les acteurs peuvent porter au Luxembourg. » Prévenir avant tout Toute entreprise, toutefois, a intérêt à mettre en œuvre une approche solide de la sécurité sans attendre d’y être contrainte. « La prise de conscience des risques est la première étape essentielle à la mise en œuvre d’une approche d’amélioration continue de la sécurité », assure Cédric Mauny, qui rappelle que c’est l’affaire de tous. « Aujourd’hui, pour être efficaces, plu­ tôt que de s’attacher à la protection des sys­ tèmes, nous recommandons aux organisations de réfléchir en premier lieu à la réponse sur incident, ajoute Pascal Steichen. Désormais, il ne s’agit plus de se demander si l’on est sus­ ceptible d’être victime d’une attaque ou non, mais plutôt quand celle-ci interviendra, et comment y faire face. Si l’on considère le risque et la meilleure manière de réagir pour limiter les impacts, on peut alors mieux considérer les moyens de prévenir les incidents. » C’est bien connu, mieux vaut prévenir que guérir. Auteur S. L.


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Forecast

Quelles sont les technologies incontournables en 2021 ? Cloud computing, chatbot, IA, plateformes collaboratives… Après une année marquée par la crise sanitaire, quelles sont les technologies à ne pas zapper en 2021 ?

OLIVIER VANSTEELANDT CIO AXA Luxembourg & AXA Wealth Europe

Les outils de collaboration se sont révélés incontournables depuis le début de la crise et ils restent en tête de liste pour 2021. Le défi est désormais d’intégrer différentes applications – téléphonie, visioconférence, e-mails ou gestion de documents partagés – dans un concept de « digital workspace » pour l’utilisateur. Quant au contact avec la clientèle, l’intelligence artificielle sera l’élément différenciateur, car tout en respectant les principes de protection des données, elle permet de générer une expérience personnalisée non intrusive. Les domaines d’application vont du marketing ciblé à des services personnalisés intégrés dans les applications mobiles, les sites web, et même des live chat. Dans un processus de transition numérique, il faut toujours rechercher la complémentarité, non seulement avec les multiples canaux digitaux, mais aussi avec les points de contact physiques. Et puis, la sécurité informatique doit épouser ces avancées technologiques. Les systèmes de surveillance en temps réel ne sont plus un luxe, mais deviennent la norme. Les solutions de type SOAR (Security Orchestration, Automation and Response) permettent ainsi une protection semi-­ automatisée des réseaux informatiques. 66

TRANSFORMATION DIGITALE MAI 2021

« Priorité aux technologies qui améliorent l’expérience des employés. »

DAVID GRAY Directeur général CK Group Luxembourg En réaction à la crise du Covid, bon nombre d’entreprises ont initié ou accéléré la tran­­sition vers plus de digitalisation. À présent, cette approche réactive devient un enjeu stratégique, considérant que le monde post-Covid ne sera plus tout à fait le même. Cette prise de conscience met logiquement le sujet de la transformation digitale au centre, et plus particulièrement les technologies gravitant autour de l’office management, qui sont devenues clés. Autour de cette thématique, on trouve l’impression sans contact, ou encore le mobile printing. Les entreprises deviennent plus flexibles en ce qui concerne les heures et lieux de travail, et il est nécessaire de pouvoir gérer tout ce que vous pouvez faire au bureau depuis n’importe quel autre endroit, avec un appareil connecté. On peut également cibler le BYOD (Bring Your Own Device) qui, s’il n’est pas neuf, devient un sujet commun en cette période de flexibilité accrue, ou encore le cloud computing, rendant possible l’accès aux ressources numériques sans la gestion directe et active de l’utilisateur. Enfin, on pointera du doigt les systèmes de collaboration virtuelle. La présence partielle au bureau et les réunions impliquant un grand nombre de personnes requièrent aujourd’hui des technologies modernes.

Post, AXA Luxembourg, CK Group Luxembourg

PIERRE ZIMMER Directeur général adjoint et chief strategy officer Post Luxembourg

« Les technologies gravitant autour de l’office management sont devenues clés. »

Photos

« L’intelligence artificielle sera l’élément différenciateur dans la relation client. »

Après une année 2020 unique, l’heure est venue d’améliorer ce qui a été déployé dans l’urgence. Alors, quelles technologies incontournables pour une sortie de crise ? La priorité doit être donnée à celles qui améliorent l’expérience des employés. Après Teams ou Zoom, il faut passer à la vitesse supérieure avec des plateformes collaboratives comme Mural, Trello ou Klaxoon. Sans oublier les outils de formation et de recrutement en ligne. Les clients ne sont pas en reste, et chaque structure devra veiller à soigner le service offert. Au-delà des marketplaces, le focus sera mis sur le conseil à la clientèle, avec, par exemple, Surfly, qui permet d’améliorer la relation digitale avec ses clients. Pour compléter le dispositif, il s’agit de penser « touchless », avec des solutions de signature électronique. Les processus ayant été mis à rude épreuve, les entreprises se concentreront sur leur efficacité avec des outils de type RPA (robots), OCR (reconnaissance optique) et de l’IA pour automatiser au maximum les nouveaux flux digitaux. Sans oublier la résilience et la sécurité de nos infrastructures. Attention donc aux outils d’authentification, de chiffre­ment, aux VPN et autres composants critiques, car toute cette vie digitale est fragile !


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