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Conte 4 : Maisha, l’enfant oignon et la marâtre

Maisha, l’enfant oignon et la marâtre

Je voudrais t’o rir un cadeau pour ta bienveillance. Je l’ai mis dans l’histoire qui suit. Sauras-tu le retrouver ? Taaliyoo! Taalaatee Taliyoo… Talaateyoo

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C’est l’histoire de Maïsha, une petite lle, orpheline de mère. Sage et pleine de vie, tels étaient les adjectifs qui décrivaient cette enfant au visage angélique. Au moment où cette histoire commence, Maïsha venait d’avoir 7 ans. À chacun de ses anniversaires, elle avait droit à un cadeau que lui avait laissé sa défunte mère en héritage.

À l’âge de 5 ans, c’était une cassette où elle pouvait entendre des comptines que lui chantait sa maman.

À 6 ans, c’était le don de parler la langue des plantes.

En n, lorsqu’elle eut 7 ans, son père lui a annoncé qu’elle avait des cheveux magiques. Le pouvoir des cheveux était que si un jour, il lui arrivait quelque chose de vraiment grave, il lui su sait de couper une mèche et celle-ci irait prévenir le père, quel que soit l’endroit où il se trouvait, du danger que courait sa lle.

Maïsha aimait son père plus que tout au monde et ce dernier l’aimait à son tour, car Maïsha était la seule chose qui lui restait. Il avait trouvé consolation en cette enfant qu’il chérissait tant et elle était le centre de son univers. Les années ont passé et la petite Maïsha, dont le prénom signi e «vie» en langue africaine, avait grandi. Cette enfant était la dé nition même de la vitalité parce qu’elle débordait d’énergie. Curieuse, gaie et toujours prête à aider son prochain, on la respectait énormément. Tous les deux étaient heureux, jusqu’au jour où le père a décidé d’épouser une femme qui allait devenir la nouvelle maman de la petite. Au départ, Maïsha était ravie à la simple idée d’avoir quelqu’un avec qui jouer lorsque son père s’absentait, entre autres, pour travailler.

Hélas ! Il venait de choisir une femme qui allait le rendre malheureux. Comme pour marquer sa méchanceté, sa peau était comme celle d’un poisson et ses cheveux ressemblaient à du foin. De plus, elle avait l’esprit sombre. Terriblement méchante, elle n’aimait pas la petite qui, pourtant, béné ciait de toute l’attention et de l’amour du père. En l’absence de ce dernier, elle maltraitait l’enfant et lui demandait de faire toutes les corvées domestiques de la maison.

Un jour, le père est parti en voyage et la belle-mère a pro té de son absence pour maltraiter l’enfant avec encore plus de corvées. Elle l’envoyait même chercher des fagots de bois tard dans la nuit, sans lui donner une torche pour éclairer sa route. Pour s’assurer que l’enfant ne reviendrait pas, elle a pris la forme d’un oiseau et l’a suivie discrètement. À sa grande surprise, elle a découvert le pouvoir de ses cheveux. Ceux-ci illuminaient la route de l’enfant tout le long de la corvée.

La belle-mère n’en revenait pas ! Aucune de ses tentatives pour faire disparaître la petite n’avait fonctionné jusqu’à présent. Elle a alors décidé de la prendre par les sentiments. Un jour, elle a dit à l’enfant : « Fais-moi plaisir, laisse-moi te coi er tes beaux cheveux dorés. » Maïsha n’osait pas refuser, surtout si cela pouvait arranger les choses avec cette dernière. Après tout, elle ne demandait qu’à être aimée de sa belle-mère. — Pas si vite, s’est écriée lentement la belle-mère. J’ai besoin que tu ailles me chercher la eur de Lotus. C’est une eur parmi les plus belles au monde. Elle pousse les pieds dans la boue. Tu accepterais de te salir pour moi, puisque je suis la femme de ton père ? Va me chercher la eur, s’il te plaît. Par contre, il te faut revenir avant la tombée de la nuit. Sans cette eur, je ne te coi erai point et tu resteras enfermée pendant très longtemps, a-t-elle dit sur un ton innocent, mais ferme qui ne cachait pas ses véritables pensées.

Naïve, l’enfant s’est exécutée et a marché à la recherche de la eur. Comme à son habitude, la marâtre l’a suivie. Cette fois, elle s’est transformée en une vieille femme. En n, la petite est arrivée devant un marécage et a cherché la eur. Tout à coup, la vieille femme l’a interpellée, assise sur une roche et ayant l’air d’une mendiante. — Jeune lle, où vas-tu aussi tard ? Ne sais-tu pas que c’est dangereux d’être seule à pareille heure ? Est-ce que tu as peur ? Je sais que tu es pressée, mais voudrais-tu aider une vieille et pauvre femme comme moi ? — Que puis-je faire pour vous ? a gentiment demandé l’enfant. — Jeune lle, pourrais-tu me gratter le dos ? J’ai du mal à le faire en ce moment. Vois-tu, je suis très vieille, s’est lamentée la dame.

Maïsha a accepté volontiers. Le dos de la vieille était plein de lames et de pus répugnant, mais la brave enfant n’a pas reculé pour autant. En grattant le dos, sa main saignait. Elle a poursuivi jusqu’au bout, coûte que coûte. Après avoir gratté le dos de la vieille femme, elle est repartie chercher la eur de lotus, qu’elle a cueillie, puis elle est

retournée à la maison. Ses mains lui faisaient si mal qu’elle s’est mise à pleurer et a coupé une mèche de ses cheveux pour alerter son père.

Cette mèche a délivré le message au père. Ce dernier est apparu et a soigné l’enfant immédiatement. Maïsha n’a pas osé lui dire que c’était sa belle-maman qui l’avait envoyée cueillir cette eur. Le père a demandé de l’aide au vent et ce dernier a ramené l’enfant à la maison, puis il est reparti travailler. Témoin de toute la scène, la belle-mère, irritée et frustrée, a pris la eur de lotus que lui a tendu l’enfant et l’a écrasée avec ses pieds. Elle a pris le temps de ré échir, la situation ne pouvant guère continuer ainsi. Il fallait qu’elle s’occupe de la petite sans avoir à se transformer à chaque fois.

Un jour, elle a demandé à Maïsha de l’accompagner pour aller puiser de l’eau. Le puits se trouvait à un jour de marche de leur maison. Voilà notre pauvre petite avec un seau sur sa petite tête, ce qui laissait entrevoir ses majestueux cheveux. Pour ne pas les abîmer, Maïsha a voulu attraper le seau autrement.

À cet instant, la belle-mère a saisi la paire de ciseaux qu’elle transportait dans ses poches et a coupé tous les cheveux de la pauvre enfant. Ensuite, pour éviter qu’une mèche ne puisse s’échapper pour aller demander de l’aide, elle a mis les cheveux dans un sac et les a brûlés devant l’enfant. Ce geste était cruel, mais ce n’était rien devant ce qui attendait la pauvre Maïsha. Pauvre enfant, elle aurait dû se mé er de cette horrible femme ! Lorsqu’elles sont arrivées au puits, elle a ordonné à l’enfant de véri er si la corde était bien attachée.

L’enfant s’est exécutée et la belle-mère a saisi l’occasion pour la pousser volontairement dans le puits. Un cri profond a retenti, mais, cette fois, personne ne l’a entendu ! Maïsha en est morte et, à côté du puits, une plante d’oignon a poussé.

Aux personnes qui voulaient avoir des nouvelles de la petite, la femme racontait qu’elle était en voyage d’une durée indéterminée. Le temps a passé, une semaine, deux semaines, puis un mois et le père était en n de retour de son long voyage. Constatant que sa lle

chérie était absente, il s’est adressé à sa femme : « Elle est où ma petite princesse, ma lle bien aimée…», De plus en plus inquiet, il a insisté : « Elle est où ma Maïsha ?» Hélas, à son grand regret, Maïsha n’y était plus ! La belle-mère, frustrée du fait que son mari ne se souciait point d’elle et ne parlait que de sa lle, s’est mise à crier un amer mensonge : «Ta lle, ta Maïsha, quelle gamine bien insolente! Depuis ton départ, elle n’a fait que pleurer et nous casser les oreilles… Rien à faire. Elle s’est enfuie et personne ne l’a plus jamais revue. » Pourtant, tous savaient que Maïsha était d’une douceur et d’une politesse exemplaires. Si pure, elle ne ferait aucun mal à une mouche. Si jamais sa lle avait été en danger, il l’aurait su, a-t-il pensé avec la plus grande des tristesses. Le père s’est mis à pleurer de toutes ses forces. Ensuite, il est parti à la recherche de Maïsha dans tout le village et dans toute la forêt, laissant ainsi seule sa méchante femme. Des nuits et des jours entiers lés à chercher la pauvre petite ont passé, et ses espoirs de la retrouver vivante diminuaient de plus en plus.

Finalement, il a abandonné et s’est fait à l’idée que sa femme avait probablement raison. Tout cela lui a laissé le cœur vide, car il venait de perdre ce qu’il avait de plus précieux au monde. Ne voulant pas perdre celle qui lui restait, il s’est dit qu’il arrêterait de voyager et qu’il accorderait son temps aux corvées de la maison pour aider sa femme à laquelle il était attaché malgré tout. Il lui a fait la promesse qu’il irait puiser de l’eau tous les jours puisque le puits se trouvait à une journée de marche de leur maison. Au fond de lui, il souhaitait que cela puisse combler le vide qu’avait laissé le départ de Maïsha dans sa vie.

Le premier jour, il n’a pas fait attention à la plante d’oignon qui s’y trouvait. Il n’a remarqué cette dernière que le lendemain. Attristé, il a senti une profonde tristesse l’envahir quand il l’a regardée de près. Cette plante lui rappelait sa petite lle qui aimait beaucoup les plantes. Le père s’est souvenu, entre autres, qu’elle disait souvent : « Papa, viens m’aider à arroser les plantes pour qu’elles ne partent pas

comme maman. » C’est ainsi qu’il a pris l’engagement de l’arroser en souvenir de sa lle, tous les jours où il irait puiser de l’eau fraîche. Le temps a passé et le père prenait du plaisir à arroser la plante d’oignon. Il développait même un lien indescriptible avec cette plante. « Comme c’est étrange, a-t-il pensé, cela semble combler le vide qu’a laissé le départ de mon enfant. » Vint en n le jour où l’oignon fut mûr. Son feuillage était complètement fané et sec. Avec un pincement au cœur, lorsque le père a voulu le cueillir, quelque chose d’étrange s’est produit. La plante s’est mise à chanter. En réalité, c’était l’âme de Maïsha qui était logée à l’intérieur de la plante. Elle chantait la barceuse qu’elle avait heritée de la cassette que sa defunte mère lui avait laissée.

«Tutu gbovi»

Allez, petit cabri,

«Tutu gbovi»

Allez, petit cabri,

«Dada me le afea me o»

Ta maman n’est pas à la maison,

« Papa me le afea me o»

Ton papa n’est pas à la maison,

«Ao dzedze vinye»

Mon pauvre petit,

«Bonu bonu kpoo»

Fais dodo paisiblement,

L’enfant chantait chaque début de phrase et le père répétait après elle. Le père n’en revenait pas. Il en était très ému et, complètement dévasté par la douleur, il a pleuré de toutes ses forces, ne sachant quoi faire et dire pour se faire pardonner de l’avoir laissée avec cette terrible femme. Une fois de retour chez lui, il a chassé sa femme qui refusait de reconnaître les faits pour lesquels elle était accusée. Jusqu’aujourd’hui, personne ne sait ce qui s’est réellement passé avec la belle-mère de Maïsha. Le père a fait tout ce qu’il pouvait pour que son enfant reprenne sa forme originale. Pour cela, il fallait d’abord que le père accepte de pardonner à sa femme tout le mal qu’elle avait fait subir à l’enfant. Il savait que cela allait prendre beaucoup de temps. Il continuait tout de même à passer du temps avec l’oignon et à lui apprendre des choses de la vie, comme il l’aurait fait avec sa propre lle. Le père et la lle n’ont plus jamais été séparés depuis.

C’est pour cette raison que l’on pleure lorsqu’on épluche un oignon. Savez-vous pourquoi? C’est l’âme de Maïsha qui, à travers sa triste chanson, continue de nous faire pleurer. Elle nous rappelle que les morts ne sont jamais partis. Ils sont dans chaque sourire, chaque réussite, les applaudissements du public, les pleurs d’un nouveau-né et ainsi de suite. Ils ne partent que lorsqu’on les oublie.

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