13 minute read

Conte 5 : la femme du futur

La femme du futur

Je voudrais t’o rir un cadeau pour toutes ces fois ou tu as gardé espoir.

Advertisement

Je l’ai mis dans l’histoire qui suit. Sauras-tu le retrouver ?

Écoute donc.

Taali -yoo! Taalaatee

Taali -yoo… Talaateyoo

C’est l’histoire d’une femme et d’un village qu’on appelait le village Maudit. Ce village avait été maudit autrefois par des acheteurs à qui les pauvres villageois avaient refusé de vendre leurs terres. Le gardien du village avait les yeux aussi gros que des pamplemousses, passait ses journées assis, car lorsqu’il se levait, il avait deux fois la taille d’une girafe.

Cet homme était le seul à connaître la raison pour laquelle son village était maudit et la raison pour laquelle aucune femme enceinte ne pouvait enfanter dans le village. Il fallait donc que l’enfant demeure dans le ventre de sa mère au lieu de venir au monde dans un milieu si pessimiste que celui qui se présentait devant lui. Quelle drôle d’histoire ! N’est-ce pas? Un endroit où les femmes enceintes gardent leurs enfants dans leur ventre et ne peuvent pas donner naissance. Que c’est étrange. Pourtant, c’est ce qui se passait là-bas. Depuis, les habitants du village se réunissaient tous autour du gardien mystérieux du village, celui qui voyait tout avec ces yeux de pamplemousse. Parfois, il chantait des phrases où on pouvait entrevoir de l’espoir : « Bientôt, l’espoir de cette communauté naîtra. En fait, bientôt, tout changera. La joie et la paix seront à nouveau au rendez-vous.»

Hélas ! Vivant dans la grande pauvreté depuis des lustres, personne ne croyait à ce changement radical. À cette même période, une des femmes du village est tombée enceinte. Cette femme avait pour habitude d’aller puiser de l’eau tard le soir. Pourtant, elle savait qu’il était désormais interdit à toute femme enceinte de sortir après le coucher du soleil. On disait que le bruit risquerait de perturber le sommeil des ancêtres, ce qui porterait malheur à l’enfant qui allait naître.

Un soir, tandis qu’elle était assise sur la natte, le pagne, un vêtement africain qu’elle portait, s’est mis à la provoquer. Oui, il parlait… Cela était tout à fait normal chez elle. Dans ce village africain, les habits parlaient aux femmes. Chacun avait un nom. Celui de la femme s’appelait Petit-Piment. Le vêtement qu’elle portait s’appelait ainsi, car il était le plus vilain de tous, s’était-elle dit en le surnommant. Il n’était pas aussi coloré que ceux des autres. Cela piquait aux yeux, tout comme la sensation que le piment procure en bouche. Petit-Piment aimait le bavardage. Peut-être même un peu trop. Il pouvait parler pendant des jours sans s’arrêter. Ce jour-là, il a dit à la femme : « Hé toi là, avec ton gros ventre ! Voilà le soleil

qui est parti se coucher. Tu veux me dire que tu n’as pas envie d’aller puiser de l’eau!»

La femme n’a rien dit et le pagne a continué de plus belle : «Tu as peur de quoi? Le village est déjà maudit et même si tu restes assise ici, tu n’accoucheras jamais!»

Finalement, la femme, furieuse, a pris la calebasse près d’elle et s’est dirigée vers le puits. Lorsqu’elle y est arrivée, elle a puisé son eau et s’est assurée que personne ne l’ait vue. Sur le chemin du retour, le pagne s’est à nouveau mis à discuter avec elle : «Eh toi là! Tu es courageuse! Oh ! Avec ce courage-là, c’est sûr que l’espoir naîtra très bientôt. Le miracle que tu as en toi est l’espoir de tout notre village, de tout un pays, de tout un peuple et de toute une génération. Cet enfant viendra au monde pour rebâtir les cœurs et les espérances.»

La femme a décidé de l’ignorer. Arrivée chez elle, elle a posé la calebasse par terre et s’est couchée. Le pagne a respecté son silence et s’est tu. Cette nuit-là, quelque chose d’étrange s’est produit. C’était la première fois qu’une eau s’adressait à une femme. L’eau de la calebasse s’est mise à crier : « Femme ! Réveille-toi ! Ton enfant mourra s’il voit le jour dans ce village. Ce lieu a été maudit par des acheteurs à qui nous n’avions pas voulu vendre nos terres. Par contre, écoute bien ceci. Si tu réussis à lui donner naissance dans un endroit qui respire la paix, tu auras délivré, grâce à cette opportunité, ton village de ce sort malé que.»

Cette fois, la femme a répondu, en sanglot : — Hélas ! Je n’ai nulle part où aller ! a répliqué la femme, à la fois honteuse et désespérée. — Il te faut partir sans que personne ne te voie. L’enfant que tu portes est l’espoir qu’ont les villageois de retrouver leur joie de vivre d’autrefois. De plus, il est la certitude qu’auront toutes ces autres femmes de donner naissance aux enfants qu’elles portent depuis maintenant des mois et des mois.

— Mais où dois-je donc me rendre pour accoucher? a demandé la pauvre femme, de plus en plus inquiète. — Tu devras trouver derrière la forêt un endroit qui n’a jamais été habité, donc un espace qui respire la pureté.

Tu le trouveras en marchant vers là, mais sache qu’à aucun moment, tu ne devras te retourner. Femme ! La route sera longue, mais par la force qui t’anime, tu réussiras, a conclu la voix de l’eau.

Elle a pris aussitôt la route et seuls le silence de la nuit et la mélodie orchestrée par les crapauds ont accompagné les pas de la jeune femme, qui pleurait tout ce qu’elle venait de laisser derrière elle pour aller mettre au monde son enfant en toute sécurité. Certes, son village avait tous les problèmes du monde, mais elle l’aimait, car elle y était chez elle. Faire ce premier pas vers l’inconnu était nécessaire, mais inquiétant.

Malgré la taille énorme de son ventre et les douleurs physiques engendrées par la n de grossesse, elle parcourait la forêt le jour et se reposait la nuit. Dès le début de son voyage, elle décrivait tout ce qu’elle voyait à l’enfant qu’elle portait dans son ventre. Le plus étrange, c’était bien la manière dont elle décrivait son environnement. On aurait dit qu’elle voulait que l’enfant imagine le monde autrement. Entre autres, elle a expliqué : « Mon enfant, la terre sur laquelle je marche depuis quelques jours n’a pas de couleurs. Ce sera à toi d’y mettre de la couleur quand tu y marcheras à ton tour.»

Des fois, lorsqu’elle pensait à son village et qu’elle se mettait à pleurer, son habit, Petit-Piment, n’hésitait pas à rajouter un peu d’humour pour la réconforter, lui qui devenait ainsi son compagnon de route. Par exemple, devant certains animaux tels que le lion et que la femme gardait son calme, il disait : « Wuèèèèèèè, tu pleures quoi encore? Wuèèèè, veux-tu que les animaux de la forêt nous mangent? Si tu continues, moi-même je vais te fuir ! » La femme s’est arrêtée immédiatement de pleurer tout en reprenant ses esprits.

Les animaux de la forêt, eux, prenaient tant de plaisir à écouter Petit-Piment qu’ils ont décidé de ne pas manger la femme.

Sous le soleil accablant, on pouvait entendre les craquements des branches au sol lorsqu’elle marchait. En chemin, elle s’était faite plein d’amis.

Elle avait fait la connaissance d’un escargot du nom de Djadja. Ce dernier lui avait o ert une séance de manucure pour la relaxer. La femme commençait à prendre plaisir dans son voyage qui devenait trop long et l’épuisait. Elle sentait que son enfant allait bientôt naître. Elle a donc décidé de mettre un terme à son aventure lorsqu’elle est arrivée au bord d’une falaise qui lui permettait de voir tout ce qu’elle avait décrit à son enfant jusque-là.

Elle a senti son cœur battre et la paix que dégageait cet endroit lui a inspiré con ance. Cette fois-ci, lorsqu’elle a voulu parler, ce fut la voix de l’enfant qui a surpris ses pensées. — Mère, a-t-il dit avec tendresse. — Oui, mon enfant ? a-t-elle répondu naturellement. — Depuis le début du voyage, tu m’as décrit tout ce que tu aurais voulu que j’imagine alors que je suis dans ton beau ventre. Tu as fait plusieurs rencontres, mais j’aurais voulu que tu me parles aussi de ces animaux qui m’ont aidé et protégé au cours de ton voyage. Pourrais-tu à présent répondre à ces trois questions pour moi? — Parle mon enfant. — Quel est l’animal le plus fort de la forêt? — Ils sont tous forts. Tu sais, chacun a son niveau d’excellence. Mais cette fois, c’est le lion mon enfant, car il n’a reculé devant aucun autre animal lorsqu’il était question de me défendre.

La petite voix à l’intérieur du précieux ventre de la mère a poursuivi cette conversation importante : — Quel est l’animal le plus intelligent que tu as rencontré? — Ne m’as-tu pas entendu ? Ils sont tous intelligents, mais chacun à son degré. Pour ma part, c’est l’éléphant qui m’a le plus impressionné. Il possède une énorme mémoire. Il a même réussi à se souvenir de toute l’histoire de mon village.

En tapant des pieds à l’intérieur du ventre, comme signe de joie, il a poursuivi discrètement — Quel est l’animal le plus rapide? — Comment? — Ne t’inquiète pas, mère. Je sais qu’ils sont tous rapides et que chacun a sa propre vitesse. — Bien, mon enfant, tu as bien écouté mes enseignements. Tu comprends vite et cela te sera utile dans ce monde que je juge comme étant immonde. — Mais mère, pourquoi parles-tu ainsi ? Tu seras à mes côtés et nous changerons le monde ensemble. Tu verras, tout ira bien… — Ah mon enfant! a-t-elle continué, l’air songeur. — Alors, mère, tu n’as toujours pas répondu à ma dernière question, a insisté l’enfant.

Après avoir pris un long soupir, elle a poursuivi : — C’est le guépard, l’animal le plus rapide, car il a réussi très bien à me transporter jusqu’à cette falaise en si peu de temps. Cet endroit est précieux pour moi, car c’est là où j’ai pu découvrir ta douce voix. — Mère? a continué l’enfant de plus belle. — Oui, mon enfant… — Je serai plus forte que le lion, plus intelligente que l’éléphant et plus rapide que le guépard. Je serai la femme du futur.

À cet instant, quelque chose s’est produit, les couleurs de son vêtement se sont mises à changer. Le pagne, Petit-Piment, qui était de couleur sombre, est devenu coloré. Des poussières d’étoiles en tombaient.

Elle a alors su qu’elle portait en elle un véritable miracle rempli d’optimisme…

Le regard lointain, la mère a souri alors que l’espoir, lui, renaissait dans ses yeux, car elle portait celle qui deviendra la femme du futur.

Vous êtes la personne la plus importante de votre vie. Peu importe quelle partie de la planète vous habitez, le bonheur est aussi en vous.

Remerciements

Aux ancêtres qui me guident, me sou ent des sagesses africaines avec lesquelles je me réveille chaque matin.

Nene et baba, vous êtes une paire de chaussures. Je suis honorée de porter ces belles valeurs que vous m’avez transmise. Le respect, le partage et l’humilité sont devenus les accessoires de ses chaussures que je porte èrement. Jamais l’un sans l’autre. Vous avez été plus que des parents. Au l du temps, vous êtes devenu mes piliers et meilleurs amis.

À Baidy tu es un cadeau de l’univers. Si i tu étais un livre. Tu serais celui que je voudrais lire tous les matins du monde.

À mes frères et sœurs, Hadi, Djoumo, Djogo et Rougui. Je suis honorée d’avoir partagé mon enfance avec des êtres à la fois créatifs, drôles et talentueux que vous. Je vous aime.

À ma ma mère mexicaine, Monica Morales et mes 5 frères, merci de m’avoir accueilli dans vos vies et de m’avoir permis de découvrir une si belle et riche culture avec des valeurs d’amour et de bonté. Merci de m’avoir permis d’être cette lle que tu as toujours tant désirée.

À Guidioni, johanne, Merry, Géraldine, plus que des coachs, vous êtes les premiers à m’avoir entendu conter. Vous avez cru en ce projet, quand il m’arrivait moi-même d’en douter. Merci tellement.

À ma meilleure amie d’enfance, Meryam Mansar pour qui j’ai écrit des contes sur l’amitié. Un jour, je partagerais avec le monde notre conte:

« la princesse de casablanca. » Merci de m’avoir accepté comme j’étais au secondaire et de m’avoir appris que la di érence s’avère être une richesse.

À Suzie, la complice des auteurs. Ce titre n’est pas un hasard. Merci de m’avoir accompagnée durant la n de cette grossesse et l’accouchement de ce premier cadeau : L’enfant derrière le miroir.

À mes amis que j’aime tant. Vous êtes des inspirations vivantes. Dans ce livre plusieurs se reconnaîtront dans certains passages. Vous m’inspirez tellement. Merci de me tolérer, d’accepter de me suivre dans mes aventures et nos mille et un projets. Sans vous, je ne serais pas celle que vous appréciez et qui vous aimes chacun à un degré di érent. Vous êtes les plus belles plantes de mon jardin de vie. Je suis véritablement et totalement comblée.

En n, a toi, Bobo djina, l’enfant qui sommeille en moi. Comme un beau souvenir, tu as réussi à te tailler une place de choix dans ma vie. Sans toi, je n’aurais pas été capable de nir ce livre. Tu as su me rappeler ce que j’avais oublié. Tu m’as réconciliée avec mes origines. Tu ne seras plus l’enfant derrière le miroir, car tu es en moi à présent. Tu inspires chacune de mes créations. À chaque scène, c’est toi qui raconte l’histoire. Grâce toi, je sais quoi espérer du bonheur.

Puisqu’il est en chacun de nous. Alors je sais que c’est toi. Merci de me tenir compagnie dans ce long et beau voyage qu’est celui de la vie. Je t’aime.

Merci à toi, cher lecteur, d’avoir vécu ce voyage avec moi. Puisses-tu trouver, à ton tour, l’enfant qui sommeille en toi!

Tôt ou tard, on reçoit l’appel de l’enfant…

À l’intérieur de la personne que nous sommes, vit un enfant à redécouvrir. Qu’il soit enfermé derrière un miroir, ou de tout autre objet, tôt ou tard, la personne que nous sommes reçoit l’appel de cet enfant, qui sommeille en chacun d’entre nous… Celui-ci reste le même pendant que nous grandissons. Enfermé au plus profond de nos souvenirs, il nous accompagne en toute innocence, avec la force et l’amour nécessaires à notre bien-être. C’est le re et de nous-mêmes, de nos rêves avant que la vie et les expériences ne nous changent peu à peu. Tantôt sérieux, tantôt souriant, tantôt triste, tantôt rigolo, il nous raconte, telle une magni que histoire, nos souvenirs lointains… En ce qui me concerne, l’enfant intérieur s’est pointé le bout du nez, dans l’écriture de ce livre, mais surtout, dans ma quête du bonheur… Ce livre est le résultat de ma double mission, celle de l’adulte qui veut écrire des contes pour tenir compagnie à sa mère, et celle de l’enfant que j’étais et qui a promis de partir à la recherche du bonheur à lui o rir. Ce récit ne laissera personne indi érente de par sa profondeur, les sagesses qu’il enseigne ; un véritable voyage à travers les contes a n de découvrir l’Afrique, berceau de l’humanité, sous un nouvel angle. En cours de route, tisserez-vous des liens avec votre propre enfant ou restera-t-il enfermé derrière le miroir? Permettrez-vous à cet enfant de participer à votre quête du bonheur ? Le voyage commence ici et maintenant...

Crédit photo: BEN C.K Mariana Djelo Baldé cumule 10 années d’expériences dans le domaine des arts de la scène, l’animation de groupe et l’accompagnement par le biais de l’action artistique. Amoureuse de l’expression culturelle, formée en art-thérapie, elle crée, anime et produit du contenu axé sur le bien-être et la croissance personnelle a n de maximiser le capital humain de chacun. Elle est reconnue par sa créativité et, à ce jour, elle inspire plusieurs milliers de personnes sur les médias sociaux. Elle trace sa vie en s’inspirant de la philosophie africaine Ubuntu : celle de l’entraide, du partage, de la solidarité, la reconnaissance de l’autre et l’acceptation de soi.

This article is from: