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Joe Strummer 62-67, Nadine Khouri 68-71, David Demange

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DAVID DEMANGE, DIRECTION LA RODIA

Par Aurélie Vautrin ~ Photo : JC Polien

DIRECTEUR DU MOLOCO PENDANT PLUS DE DIX ANS, DAVID DEMANGE VIENT TOUT JUSTE DE POSER SES CARTONS À LA RODIA, PRENANT AINSI LA SUCCESSION DE MANOU COMBY À LA TÊTE DE LA SMAC DE BESANÇON. ON FAIT LE POINT AVEC LUI.

Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans cette nouvelle aventure ?

En arrivant au Moloco, je m’étais fait la promesse de n’y rester que dix ans. Selon moi, c’est la limite de temps à passer à la tête d’une structure culturelle, après il y a forcément un phénomène d’essoufflement, ou en tout cas un besoin de revivification. J’ai donc simplement appliqué cette promesse… Mais je n’aurais pas postulé dans n’importe quelle salle ni ville. Je suis co-président du réseau régional des musiques actuelles en Bourgogne-Franche-Comté, je suis donc très attaché à cette région qui a un tissu culturel et associatif très développé.

Tu as vraiment ressenti cette « inéluctable lassitude des dix ans » ?

Alors non pas du tout, pas de lassitude - aussi parce que la crise sanitaire avait rebattu un peu les cartes, il avait fallu se réinventer, rester actif. Par contre, je pense que j’aurai probablement fait les années de trop sans m’en rendre compte. Là, mon départ correspondait aux dix ans du Moloco, c’était la fin d’un cycle, tout concordait. Ça aurait été beaucoup plus facile pour moi de rester là-bas où tout fonctionnait bien, mais j’avais besoin de me remettre en danger. Et de laisser la place.

Te voilà donc à la direction de la Rodia. Faut-il s’attendre à une révolution ?

Pas une « révolution » non, car c’est une structure qui marche bien, mais à une vraie évolution, oui sans aucun doute. Car comme dans la nature, tout organisme qui n’évolue pas finit par disparaitre… L’idée n’est pas de terminer en fossile intégré à la Citadelle de Besançon ! Mon ambition centrale, c’est de faire rentrer la Rodia dans la vie de chaque habitant de la métropole. Nous sommes au cœur d’un territoire dynamique, que ce soit d’un point de vue social, sportif, culturel ; je voudrais donc multiplier les portes d’entrée, mais pas dans une logique d’accès à la culture, plutôt dans une logique de faire de la culture ensemble. Tisser du lien. La Rodia a toujours travaillé avec les assos, les producteurs privés, les centres sociaux, mais je pense que je peux approfondir tout cela avec une forme de partenariat un peu global sur le territoire et des opérations un peu fortes et structurantes. N’oublions pas que nous sommes situés dans un quartier très dynamique culturellement parlant, avec la Cité des Arts, le FRAC, le Conservatoire, le Bastion… Il y a quelque chose à faire avec toutes ces structures-là, et avec les habitants. Pour ce faire, nous allons multiplier et expérimenter les formats, notamment sur la diffusion, et proposer

— Comme dans la nature, tout organisme qui n’évolue pas finit par disparaitre… L’idée n’est pas de terminer en fossile intégré à la Citadelle ! —

des événements un peu atypiques, insolites - des vraies expériences dont les gens se souviendront, peut-être même plus que du concert lui-même. Une rencontre au lever du jour à la Citadelle, un atelier de percussion aquatique dans une piscine, un mix musiques actuelles-musiques classiques… Sortir des formats habituels, aussi dans l’action culturelle, voilà ce que j’ai envie d’amener. Parce que sur les projets classiques d’une SMAC, la Rodia fonctionne très bien, il n’y a donc pas de raison de changer - même s’il y a sans doute plus de transversalités à avoir, des choses à inventer. L’idée est donc d’instaurer des projets qui vont dénoter, mais qui s’inscrivent dans une forme de continuité.

Tes actions passées au Moloco nous ont appris que tu es quelqu’un de passionné, avec mille idées à la seconde et l’envie de porter des projets un peu fous. Est-ce que ce sera la même chose ici ou estce que tu penses te « calmer » un peu ?

(Rires) Je ne pense pas que je me calme, non ! En ce moment, j’ai l’idée d’un concert de black métal avec un orchestre symphonique et ça ne me fait pas peur du tout ! J’ai toujours envie de tenter des choses, parce que la musique est plurielle, qu’il faut casser les frontières, casser les codes. Et pour être franc avec toi, j’ai la conviction que pour faire rentrer une SMAC dans « le 21e siècle », il faut aussi qu’on aille sur les questions de transition écologique, et j’aimerai que la Rodia devienne un modèle sur ces questions-là. À présent, je crois beaucoup aux plus petites formes, au retour des relations de proximité entre les artistes et le public. Le côté grandiloquent et grandiose, les événements surdimensionnés m’intéressent aujourd’hui un tout petit peu moins que de retisser cette relation après la crise sanitaire. J’aimerais travailler sur des choses un peu low-tech, acoustique, des expériences organiques de proximité. L’envie et l’énergie sont là, maintenant les contraintes sont également plus nombreuses avec une grosse structure comme la Rodia, qui a un modèle économique à tenir : 50% de recettes propres, donc en grande partie basées sur la billetterie, le bar, le mécénat. Il faut tenir ce modèle-là, composer, jouer un rôle d’équilibriste entre la logique de la demande, la logique de l’offre, et la sphère DIY du territoire.

Ton équipe est au courant que tu ne restes que dix ans ?

(Rires) Oui, oui, je leur ai dit ! Je me suis fait une promesse, il faut que je la tienne jusqu’au bout ! Et puis je ne sais même pas si dans dix ans je serai encore directeur de SMAC, peut-être que j’élèverai des chèvres à Marnay ! Mais pour le moment, l’énergie est là, j’ai toujours la même conviction que c’est possible - d’ailleurs, c’est le territoire qui me nourrit, la rencontre avec les gens, l’équipe de la Rodia… Ce sont les autres qui me donnent cette énergie. larodia.com

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