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Livres

CHELSEA GIRLS D’Eileen Myles — Éditions du sous-sol

Le portrait d’Eileen qui tient lieu de couverture est signé Robert Mapplethorpe, on lit dans ce regard toute la défiance de l’autodétermination nécessaire à l’exploitation d’une brèche ardente et sensible : « Tout va bien. Je suis pleine de poèmes. » Années 1970, Eileen Myles a fui l’Amérique catholique et ouvrière pour croquer à pleines dents la vie new-yorkaise : galère, défonce, désir et art font le quotidien de la poétesse qui va devenir parmi les plus célèbres des États-Unis. Addictif et magistral, ce texte fondateur pour nombre d’artistes contemporains, dont Maggie Nelson, trace le récit inoubliable d’une romancière, universitaire et candidate à l’élection américaine de 1992. Il est son premier roman traduit en France. (V.B.)

LES PRESQUE SŒURS De Cloé Korman — Seuil

Entre 1942 et 1944, le gouvernement de Vichy a avec zèle orchestré la séquestration, le déplacement et la déportation de milliers d’enfants juifs (dont les parents étaient quelquefois en fuite, le plus souvent déportés). C’est par l’histoire de six petites filles que Cloé Korman nous plonge dans ce pan méconnu de la collaboration française : trois sont les cousines de son père – et mourront à Auschwitz –, les trois autres sont leurs amies – et survivront en s’évadant. S’appuyant sur un solide et rigoureux travail de recherche et d’enquête ; se fondant, aussi, sur des échanges avec certaines des concernées, Les Presque Sœurs offre un geste d’une puissance rare. Avec pudeur et délicatesse, Cloé Korman puise dans le réel pour témoigner depuis la fiction, et (re)donner une enfance, des corps et des émotions, une histoire, en somme, à ces six fillettes. (C.C.)

LE PRODIGE De Juan Pablo Meneses — Éditions Marchialy

Pour le deuxième volet de sa trilogie du « journalisme cash » (dans le premier, il achète une vache, dans le troisième un dieu), Juan Pablo Meneses part à la recherche d’un jeune talent du ballon rond dans le but de l’acheter et le revendre à un club européen. Il parcourt l’Amérique du Sud, consulte divers intermédiaires et rencontre un tas de personnages qui gravitent autour des terrains avec le même objectif que lui. Le plus choquant n’est pas qu’un gamin rêve de devenir footballeur et que les parents espèrent en profiter, c’est que les gens auxquels il s’adresse ne s’indignent jamais et qu’ils soient prêts à l’aider. En devenant lui-même « acteur » de ce business, avec les dilemmes que cela engendre (« Qu’on refuse de te vendre un enfant te désespère. Qu’on veuille bien te le vendre te désespère également. »), il illustre par l’absurde l’une des nombreuses dérives de l’industrie du foot. (N. Q.)

FIN D’AUTOMNE D’Olivier Kervern — Soft Copy

Après La mort en été – livre antonioniesque mais dont le titre (partagé avec Yukio Mishima) nous mettait déjà sur la voie du Japon, le photographe Olivier Kervern reconstitue en un récit bref et laconique les fragments de son rapport amoureux au Pays du Soleil-Levant. Sur une photographie, la blancheur graphique d’un habit de funérailles – un kimono banc – semble éclabousser le fond noir d’encre. Le regard attentif découvrira qu’un enfant s’y cache, visiblement interloqué par la présence de la jeune veuve, à moins que ce ne soit par celle du photographe qui capte la scène. Comme dans un film d’Ozu, il est question de temps faibles, de gosses de Tokyo, de lignes et de courbes dessinant une métaphysique sensorielle et urbaine. Comme dans un film de Mizoguchi, il est question d’une femme aimée, regardée, désirée – à la fin de l’automne. (N.B.)

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