4 minute read
Disques
WEYES BLOOD And in the Darkness, Hearts Aglow / Sub Pop
Avec ses airs diaphanes et mélancoliques, la Californienne Natalie Mering dévoile une odyssée orchestrale à l’atmosphère complexe. La composition de ce diamant pur trouve son origine dans les débuts confidentiels de cette jeune artiste investie brièvement dans la scène noise expérimentale de Portland, Oregon : elle part d’un mélange folk bruitiste et intransigeant pour progressivement laisser briller de son éclat une pop riche et déroutante. Agrémenté de violoncelles, violons, flûtes et harpes, un piano scintillant laisse s’envoler la voix ample et puissante de la chanteuse, dans le cadre d’une œuvre qui constitue un merveilleux écrin pour cette multi-instrumentiste au parcours unique. (V.B.)
ARCTIC MONKEYS The Car / Domino
Personne n’aurait parié sur l’évolution du célèbre groupe de Sheffield. Ni imaginé cette orientation si glamour. Son leader fascinant, Alex Turner, se prendrait pour Marvin Gaye que personne n’oserait le lui reprocher, tant il se prête au jeu d’une forme soul aventureuse. Le propos est grave avec des récits de trahison, de mensonge et d’espionnage domestique, dans un cadre inquiétant dont on ne sort indemne que grâce à son orchestration riche et ample. Ne feignons cependant pas la surprise, les Arctic Monkeys ont toujours su dérouter leur public. Ils le font cette fois-ci avec une maturité déconcertante, qui les situe au firmament de la pop. (E.A.)
BROKEN BELLS Into the Blue / Awal
À raison on a tendance à se méfier des comeback, surtout quand le dernier disque en date n’avait pas convaincu les foules. Cela étant dit, 12 ans après leur premier album dont la pochette constitue une madeleine de Proust pour quiconque écoutait de la musique dans les années 2010, Broken Bells signe un retour sans tache. Brian Burton (Danger Mouse) et James Mercer (The Shins), délivrent un fantastique Into the Blue tantôt psychédélique, soulful ou pop, ne lésinant pas sur les envolées prog et atmosphériques. Un mélange savamment orchestré qui vient contredire nos inquiétudes sur les come-back. (C.J.)
OKAY KAYA, SAP / Jagjaguwar
Cela fait déjà quelques années que le talent d’Okay Kaya n’est plus à prouver. La magnifique artiste norvégienne, aussi à l’aise dans un studio que dans les musées, a profité des confinements pour produire un concept album sur la conscience. Se considérant elle-même plus proche de la sève d’arbre que de l’être humain, le bien nommé SAP serpente dans les chemins tortueux de l’esprit décalé de Kaya. Si elle a composé et produit seule SAP, elle conserve de la place à des amis comme Adam Green (Moldy Peaches). Chanter les points de vue d’autres personnages, c’est ce qui fait son originalité. On y retrouve Jolene, l’ennemie de Dolly Parton, qui répond enfin aux accusations de la blonde, mais aussi une déesse de la mythologie non contente de son sort dans Origin Story. (C.J.)
ÉPILOGUE
Par Philippe Schweyer
© Photo de Francis Hillmeyer parue dans le journal L’Alsace du 3 janvier 1992 à retrouver dans le livre Les 30 ans du Noumatrouff coédité par Médiapop.
Pour finir en beauté, on évitera de remuer le couteau dans la plaie en parlant de l’augmentation du prix du gaz et des coupes budgétaires qui font très mal à tout l’écosystème culturel. On évitera également de parler des morts (ça commence à faire beaucoup). Citons simplement deux amis artistes partis brutalement beaucoup trop tôt : André Maïo et Olivier Metzger. On évitera de parler de la guerre en Ukraine et de tout ce qui rend notre monde insupportable. Par contre, on continuera de fêter les anniversaires. Il y a trente ans, une bande de jeunes rockers manifestaient en organisant un concert sauvage sous les fenêtres de la mairie de Mulhouse pour réclamer « Une salle avant d’être vieux ». Sur les banderoles, on pouvait lire « De la thune pour notre projet » ou « Assez de culturel au rabais ». Trente ans plus tard, les jeunes rockers sont devenus vieux, mais ils bougent toujours. Beaucoup d’entre eux savent ce qu’ils doivent à Joe Strummer, le chanteur de The Clash disparu il y a déjà… vingt ans. Avec un abécédaire concocté par Emmanuel Abela et un portrait de Richard Dumas, Novo lui rend un magnifique hommage. Sur « All the Young Punks », un des morceaux de l’album « Give ‘Em Enough Rope », Strummer chantait : « Droit devant nous avons l’avenir / Brillant comme une pièce d’or. Mais je jurerais, quand on s’approche / Qu’il ressemble plus à un morceau de charbon. » Quatre décennies plus tard, on se demande s’il est encore possible d’agir pour que l’avenir se remette un jour à briller.