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La marche et le regard pour appréhender le territoire
Quel avenir commercial pour les centres-villes ?
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305
Décembre 2021 Bimestriel
La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon
Densification du territoire
Comment les agriculteurs brabançons tentent de résister à la pression foncière
sommaire
4 en bref
respirer 15 Quand l’art contemporain enlace le territoire
apprendre 6 Comment les
agriculteurs tentent de résister à la pression foncière
respirer 10 Des villes
apprendre 16 Comment appréhender le territoire du Brabant wallon ?
enfants admis
répondre 11 Quel avenir
Zoom sur la créativité
rencontrer 20 Traverser le Brabant
wallon dans les pas de l’artiste et de l’urbaniste
le fruit de l’époque coloniale »
Espace-vie est la revue bimestrielle de la Maison de l’urbanisme – Centre culturel du Brabant wallon ( janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre). Elle traite de sujets relatifs à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et aux enjeux culturels en Brabant wallon. Créée en 1989, Espace-vie est indépendante de tout parti politique et dispose d’une entière liberté éditoriale.
Suite à la pandémie, nous vous avons proposé ces derniers mois des Mini Midi de l'urbanisme qui consistent en une interview d’acteurs clés de l’aménagement du territoire du Brabant wallon. On a notamment évoqué le logement de nos ainés, la biodiversité dans nos bâtis ou encore l’impact de la crise sanitaire sur nos communes. À revoir sur mubw.be
commercial pour les centres-villes ?
explorer 12 « Nos paysages sont
Redécouvrez tous nos Mini Midi
dessin 2 4 À quoi ressemblera le Brabant wallon en 2030 ?
Découvrez le prolongement en vidéo du corpus de fiches relatif à la créativité urbanistique en Brabant wallon. Trois capsules relatent la genèse des projets primés par le Prix de l'Urbanisme et de l'Architecture en 2017 (Maison VC à Grez-Doiceau, AGC Glass Europe à Louvain-la-Neuve et Centre du visiteur de l'abbaye de Villers-la-Ville). À retrouver sur mubw.be
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Éditeur responsable : Nicolas Van der Maren - Rédacteur en chef : Xavier Attout (x.attout@ccbw.be) - Rédactrices : Caroline Dunski (c.dunski@ccbw.be), Karima Haoudy (k.haoudy@ccbw.be), Frédérique Hupin - Avec la contribution de : Joëlle Rigaux, Agnès Chevalier et Maureen Schmetz - Équipe de la Maison de l’urbanisme : X. Attout, A. Chevalier, K. Haoudy, M. Schmetz - Présidente de la Maison de l'urbanisme : Sophie Keymolen - Maquette : Louise Laurent (www.louiselaurent.be) - Mise en page : Louise Laurent - Dessins : Marco Paulo - Imprimeur : Artoos Group - IPM Printing - Tirage : 7 000 exemplaires - Adresse : 3, rue Belotte, 1490 Court-Saint-Étienne Contact : 010 62 10 50 ou m.urbanisme@ccbw.be - www.mubw.be - www.ccbw.be Espace-vie est publiée avec le soutien de la Wallonie et du Brabant wallon. La revue est envoyée sur demande et gratuitement aux habitants du Brabant wallon, abonnement de 12 euros/an hors Brabant wallon. Ne peut être vendu. Si vous préférez recevoir Espace-vie en version numérique, n’hésitez pas à nous le signaler. Toute reproduction partielle ou totale nécessite une autorisation préalable de l’éditeur responsable. La clôture de ce numéro s’est déroulée le 23 novembre. © Photo de couverture : Frédérique Hupin Espace-vie est imprimée sur du papier recyclé dans une imprimerie climatiquement neutre. Les émissions de CO2 sont neutralisées à 100 % par le biais de plantations d’arbres. L’emballage qui entoure la revue lors de l’envoi est en maïs.
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Mai Bimestriel
les enjeux La revue qui décode Brabant wallon territoriaux du
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Septembre 2021 Bimestriel
La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon
d'urbanisme Des chargesco rence en quête de hé
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mment évite r de prendre à no uveau l’eau
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3 espacevie.be | décembre 2021
Après plus de 300 numéros, le temps est venu de sonder vos envies de fidèles abonnés. Vous êtes aujourd’hui près de 7 000 à nous lire tous les deux mois. Sans compter ceux qui nous lisent en ligne sur espacevie.be.
en bref
36 Chastre : lifting pour le plateau de la gare La commune de Chastre a reçu un subside d’1,25 million d’euros de la part de la Région wallonne. Et ce pour revitaliser les alentours de la gare. Cela concerne notamment le réaménagement de la place de la gare, la création d’une ruelle et le réaménagement d’autres voiries. Un projet immobilier de 104 logements d’Eckelmans est également prévu à la place des immeubles de l’ancienne sucrerie. © GdML
4
Un parc national en Brabant wallon ? Sept sites wallons sont actuellement en course pour obtenir l’un des deux labels de parc national qui sera délivré par la Région wallonne dans le cadre du plan de relance européen. Parmi eux, un site du Brabant wallon dénommé « Forêts de Brabant ». Défendu par la Province, il comprend plus de 4 300 hectares de bois et vallées situés dans dix communes du Brabant wallon. La Flandre (10 400 hectares) et la Région bruxelloise (1 900 hectares) sont aussi parties prenantes du projet. L’objectif est de reconnecter les forêts de Soignes et de Meerdael, les bois de Hal et de Laurensart de même que les vallées de la Lasne et de la Dyle. Pour déposer sa candidature, il fallait disposer d’un territoire d’au moins 5 000 hectares, dont 75 % sont d’intérêts biologiques confirmés et 40 % bénéficient d’un statut de protection. Quatre candidats seront sélectionnés par le gouvernement en décembre prochain avant de désigner les deux lauréats en décembre 2022.
Le nombre de tonnes qui ont été retirées depuis le 1er janvier dernier des cours d’eau du bassin Dyle-Gette. Et ce suite à des actions de nettoyage coordonnées par le Contrat de rivière Dyle-Gette. Les tonnes de déchets ont été pesées une fois séchées.
Retrouvez tout le contenu d'Espace-vie, des interviews complémentaires, des vidéos et autres infographies sur notre site internet espacevie.be.
Le projet de centrale biomasse va-t-il se consumer ? Les fonctionnaires techniques et délégués de la Région wallonne ont donné leur feu vert à la construction d’une centrale biomasse qui serait située dans la sablière de Mont-Saint-Guibert. Un projet dont l’objectif est de couvrir tous les besoins énergétiques de l’UCLouvain (chauffage et électricité), avec une énergie considérée comme verte et renouvelable. L’intercommunale inBW est partenaire du projet puisque la centrale sera principalement alimentée par du bois issu de recyparcs wallons. On y brulera également des déchets verts et des sous-produits de l’industrie alimentaire, soit 55 000 tonnes par an. Un bémol néanmoins : la commune de Mont-Saint-Guibert a déposé un recours contre l’octroi de ce permis, estimant qu’elle devra gérer les nuisances sans récolter aucun bénéfice.
Le jardin de la clinique Saint-Pierre
Les premières esquisses de la future clinique Saint-Pierre à Wavre ont été dévoilées lors d’une présentation aux riverains. Le bureau d’architecture Assar Architects a dévoilé son concept, d’« hôpital dans un jardin ». Un jardin de 80 000 m² implanté sur un site de 15 ha dont le chantier pourrait débuter en 2023 si toutes les autorisations sont délivrées. La livraison serait prévue en 2028. Le budget s’élève à 424 millions.
Tensions autour de l’éco-quartier du Val de Thines Val de Thines, suite et toujours pas fin. La réhabilitation de l’ancien site d’Arjo Wiggins en un nouveau quartier comprenant près de 1 000 logements n’est pas encore prête à être lancée. La délimitation des voiries fait désormais débat, la Ville de Nivelles souhaitant revoir le plan. Et ce, malgré de nombreuses réunions avec le promoteur Motown Thines. Sollicité via un recours introduit par le promoteur, le ministre Borsus a finalement accordé le permis d’ouverture de voiries. Il précise néanmoins que cela n’engage en rien la décision qui sera donnée sur le projet en lui-même.
Le SOL n’est pas notre seul bouclier contre l’urbanisation. Jordan Godfriaux, bourgmestre de Perwez
Permis pour le stade régional de hockey La Régie communale autonome de Wavre vient d’obtenir son permis pour aménager le stade Justin Peeters en infrastructures de hockey de haut niveau. Un stade régional qui doit permettre d’accueillir les élites du hockey belge. Un subside de près de 3,5 millions est attendu de la Région wallonne et de la Province.
La démolition du viaduc HerrmannDebroux inquiète Le collège provincial du Brabant wallon s’inquiète du réaménagement de la fin de l’autoroute E411 à Bruxelles. Le gouvernement bruxellois a approuvé cet été un Plan d’Aménagement Directeur (PAD) du quartier Delta à Auderghem, qui prévoit la démolition du viaduc HerrmannDebroux. Les habitants de ce quartier d’Auderghem et les autorités communales ont été consultés dans le cadre d’une enquête publique mais pas le collège provincial qui regrette de ne pas avoir été contacté. Et ce alors que l’impact pour la mobilité des Brabançons devrait être important.
5 espacevie.be | décembre 2021
© Assar
La cime d’un tilleul d’Ittre Le tilleul de Virginal (Ittre), planté en 1930 et situé à quelques pas de la maison communale, a été considéré comme le plus bel arbre du Brabant wallon, selon un concours organisé par la Fondation wallonne pour la Conservation des Habitats avec le soutien du fonds Baillet Latour. Il n’a malheureusement pas été retenu comme le plus bel arbre belge de 2021 puisque c’est un séquoia géant planté à Virton qui l’a emporté.
6
Comment les agriculteurs tentent de résister à la pression foncière Période compliquée pour les agriculteurs brabançons. La pression immobilière pèse sur le prix de leur principal outil de travail qu’est la terre. Sans parler du fait que la densité de population amène critiques et incompréhensions sur la réalité de leur métier. De quoi ajouter une pression psychologique à la pression foncière. Texte : Frédérique Hupin - Photos : Frédérique Hupin et Arnaud Ghys
apprendre
La problématique des structures financières Les investisseurs sont en tout cas aux aguets pour placer leur argent dans une valeur sure. Dès qu’une terre est à vendre en Brabant wallon, il ne faut pas longtemps pour qu’elle soit acquise. « Ce ne sont pas forcément des investisseurs qui chassent les (petits) agriculteurs, mais les fermes qui arrêtent faute de successeur, explique Helmuth Veiders, rédacteur en chef de Der Bauer, le journal du syndicat agricole germanophone. Alors on vend au plus offrant. Et comme les investisseurs ont plus de moyens financiers que le voisin agriculteur, on se dirige vers une agriculture de trust où de grosses structures financières font gérer leurs terres par
Comme les investisseurs ont plus de moyens financiers que l’agriculteur, on se dirige vers une agriculture de trust où de grosses structures financières font gérer leurs terres par des employés ou des structures indépendantes qui se sont équipées en machines. Helmuth Veiders, rédacteur en chef de Der Bauer
des employés ou par des structures indépendantes qui se sont équipées en machines. Quand c’est le travail horaire qui fait la rémunération, la déresponsabilisation sur la qualité du travail arrive vite. On privilégie la rentabilité à court terme, on en fait le plus possible en le moins de temps possible. On rentre sur les terres même si la météo est mauvaise et on salit les routes en sus de tasser le sol. On sort l’épandeur même si les barbecues sont de sortie. Et c’est l’agissement d’un seul qui porte le discrédit sur toute une profession. » Benoît Lempereur est agriculteur à Perwez. L’agriculture est une histoire de famille chez lui. Il peut compter sur un patrimoine familial (son père, ses oncles) pour s’assurer une partie de son outil de production (des terres à cultiver sous bail à ferme) mais il doit mettre la main au portefeuille quand c’est possible. « Côté foncier, ce ne sont pas vraiment les habitants ou les nouveaux habitants qui posent problème, ce sont plutôt les grosses sociétés financières, explique-t-il. J’ai récemment acheté des
Pour bien comprendre Le bail à ferme est un contrat de location d’un ou plusieurs immeubles que les parties ont affecté, soit dès le début du bail soit en cours de bail, principalement à l’exploitation agricole du preneur. La durée d’un bail rural est au minimum et par défaut de 9 ans. Lorsque le propriétaire d'un bien rural loué en vertu d'un bail à ferme souhaite le vendre, il doit respecter le droit de préemption que la loi sur le bail à ferme reconnait au locataire du bien.
7 espacevie.be | décembre 2021
O
n y retrouve désormais des nobles, des patrons, des hommes d’affaires, des financiers voire même des sociétés de gestion. Tous sont attirés par la terre, devenue valeur refuge. De quoi faire exploser les prix et complexifier encore plus l’accès à la terre. Le notaire Renaud Grégoire, interrogé en septembre dernier dans le journal agricole Le Sillon belge, le confirme d’ailleurs : « Au même titre que les autres segments de l’immobilier, la hausse du prix des terres agricoles se poursuit inexorablement. La faiblesse des taux d’intérêt, la rareté des biens mis sur le marché et la forte augmentation du prix des matières premières expliquent principalement cette constante hausse des prix ». Selon le dernier baromètre des terres agricoles de la Fédération du Notariat, sur les six premiers mois de l’année 2021, le prix moyen d’un hectare de terres agricoles en Belgique a fortement augmenté et enregistre une hausse de 10,3 %. Même constat dans le rapport de l’Observatoire du Foncier Agricole édité par la Wallonie : c’est en Brabant wallon que le prix moyen à l’hectare est le plus élevé (51 782 euros ha). Il est 1,7 fois supérieur au prix moyen wallon. Face à cette montée des prix, le portefeuille des agriculteurs ne fait pas le poids. Certes, le bail à ferme les protège et leur permet d’avoir une vision à long terme pour une partie des terres qu’ils cultivent, mais le stress règne le plus souvent pour bien plus de la moitié de leur surface. Résultat : le métier attire moins et les petits agriculteurs sont découragés. Arrivés à l’âge de la retraite, ils arrêtent sans repreneur, ce qui a comme conséquence une diminution du nombre d’exploitations agricoles et une augmentation de la superficie des fermes.
apprendre
terres que je cultivais et qui étaient mises en vente par le propriétaire (NDLR : l’équivalent de 5 % de la superficie qu’il cultive). Entre agriculteurs, ça se passe bien. Quand une terre est à vendre, on laisse d’abord la possibilité à l’agriculteur qui les cultive historiquement de les acheter. Mais on ne discute pas le prix car on sait que les propriétaires trouveront des acheteurs. Ça fait encore monter les prix. Ce que j’ai racheté, ça vaut le prix d’une très belle maison. Et tout ça pour ne rien avoir en plus puisqu’on les cultivait déjà. Mais on veut garder notre outil de travail. Ce qui nous fait peur car on ne pourra jamais acheter toutes les terres qu’on cultive ».
Après la pression foncière, la pression des citoyens
8
D’après les témoignages récoltés, les agriculteurs en ont en tout cas marre d’être la cible de tous les reproches. Quand ce n’est pas le coq qui chante, c’est la moissonneuse qui fait du bruit ou le tracteur qui provoque des embouteillages aux heures de pointe. Les inondations récentes ont apporté aussi leur lot de méprises quand ce n’était pas la chute de biodiversité et les épandages de pesticides. Il en ressort que tout le monde doit évoluer, l’agriculture aussi. Une meilleure communication semble incontournable pour apaiser les relations. En octobre dernier, Benoît Lempereur avait dessiné un cœur et un mouton en crop circles dans son champ, formant un parcours pédagogique qui a attiré plus de 650 personnes. Les agriculteurs voisins étaient de la partie pour guider les citoyens au sein du parcours semé de stands explicatifs sur
toutes les mesures adoptées par les agriculteurs pour améliorer l’environnement. De nombreux organismes de vulgarisation et de conseil agricoles n’avaient pas hésité à mettre la main à la pâte ainsi que l’Agence de Développement Local de la commune pour coordonner l’évènement. « Il faut qu’on se mette ensemble pour redorer notre blason, même si ce n’est pas nous qui l’avons sali, explique Simon Lacroix, un agriculteur de ThorembaisSaint-Trond. On a voulu montrer au grand public ce qu’est vraiment notre métier et tout ce qu’on met en place pour préserver l’environnement ». Au moment de reprendre la ferme familiale, la pression foncière pèse lourd sur les épaules de
LE BRABANT WALLON RESTE UNE TERRE TRÈS AGRICOLE La province du Brabant wallon est une terre particulièrement agricole. Près de 60 % de sa superficie y est dédiée, contre 44 % en moyenne pour la Wallonie. Logique géographique, le Brabant wallon est situé sur les meilleurs sols d’Europe en regard du modèle agricole qui prévaut. Les cartes numériques disponibles sur WalOnMap annoncent des sols sablo-limoneux et limoneux pour quasi l’entièreté de la province du Brabant wallon. Sous le sol, une géologie faite majoritairement de sables, abritant d’ailleurs la nappe phréatique des sables du bruxellien, encore une richesse. Un sous-sol sableux bien drainant qui évite les accumulations d’eau, surmonté d’une couche de limons fertiles. On y ajoute un climat tempéré, voilà un territoire idéal pour la pomme de terre (qui n’aime pas l’humidité) ou pour la betterave qui a besoin d’un
sol profond sans cailloux. En Brabant wallon, c’est le froment qui occupe le plus d’espace avec 19 041 hectares qui lui sont consacrés. Les pommes de terre suivent (7 246 hectares) et les betteraves sucrières arrivent en troisième position avec 6 847 hectares. De quoi presque ressembler au croissant fertile mésopotamien qui a permis l’essor des premières civilisations. La proximité de Bruxelles et des grands axes en font également une destination attractive pour toute une classe moyenne en recherche d’espace, de verdure et de paysages bucoliques. La superficie dédiée au bâti (en ce compris les jardins) représente 25 % de la superficie totale de la province contre 15 % en moyenne en Wallonie. Le Brabant wallon demeure toutefois un territoire de plus en plus difficilement accessible économiquement.
interview
Le terrain que j’ai racheté vaut le prix d’une très belle maison. Et tout ça pour ne rien avoir en plus puisqu’on les cultivait déjà.
« La pression foncière est un problème pour les agriculteurs » Isabelle Evrard, députée provinciale en charge de l’agriculture Propos recueillis par F. H.
Benoit Lempereur, agriculteur
Quelles sont les difficultés rencontrées par les agriculteurs ?
Benoit Lempereur et son fils, un agriculteur victime de la pression foncière.
Simon Lacroix (37 ans). Il a dû se réinventer et se diversifier. Il s’est lancé dans « l’entreprise agricole » c’est-à-dire qu’il amortit ses machines agricoles en travaillant chez d’autres agriculteurs. Il élève des moutons dont la viande est vendue en colis en circuits courts. Il a continué ce qu’avait commencé son père, en augmentant la proportion de ses cultures dévolues à l’agriculture biologique. Il livre à un maraicher des produits issus de grandes cultures bio dont la production à grande échelle est facilitée par la mécanisation. Le maraicher se charge de la vente en direct et de la production de légumes sur petites surfaces en désherbant à la main. Une association qui a tout à gagner.
Comment la Province se positionne par rapport à cette situation ?
2020
Brabant wallon
Wallonie
Nombre de fermes
1 026 (8 %)
12 710
Superficie totale du territoire
109 056 ha (6,5 %)
1 684 429 ha
Superficie agricole
65 482 ha (8,9 %)
739 361 ha
Terres boisées
9 609 ha (19 %)
494 764 ha
Terrains bâtis
26 990 ha (10 %)
260 546 ha
Superficie dédiée à l’agriculture
60 %
44 %
Superficie dédiée au bois
9%
29 %
Superficie dédiée au bâti
25 %
15 %
Superficie moyenne d’une ferme
64 ha
58 ha
Source : Statbel
Pour les problèmes de cohabitation, notre volonté est de favoriser au maximum la communication et de renforcer la connaissance des impératifs agricoles auprès de la population. Nous avons élaboré une charte de la ruralité propre au Brabant wallon avec différents partenaires.
Quelles sont les perspectives d’actions à venir ?
Nous travaillons actuellement à l’identification du foncier agricole détenu par des administrations publiques sur le territoire. L’objectif à terme est d’élaborer avec les pouvoirs publics locaux des stratégies de gestion de ces espaces publics agricoles permettant de pérenniser les activités des agriculteurs locaux, d’améliorer l’accès au foncier agricole mais aussi de renforcer le maillage écologique (la biodiversité), la lutte contre les coulées boueuses et les inondations. Sans oublier d’également développer les circuits courts.
9 espacevie.be | décembre 2021
Le Brabant wallon est caractérisé par la densité de terres agricoles la plus élevée de Wallonie. En parallèle, le Brabant wallon présente une densité de population importante, également la plus élevée de Wallonie. Cette situation engendre de nombreuses interactions entre les agriculteurs et les citoyens. Ces dernières années, nous avons constaté de nombreuses difficultés de cohabitation. Bon nombre d’agriculteurs souffrent de l’image véhiculée de leur métier et des conflits récurrents au sujet des nuisances sonores, olfactives, de la poussière, des pulvérisations ou encore de la circulation routière. D’autre part, la pression foncière très importante en Brabant wallon engendre une forte croissance de la valeur des terrains agricoles et, dès lors, une difficulté accrue d’accès au foncier pour les porteurs de projets agricoles ou les petites exploitations.
respirer
10
© Mathieu© Nicaise X. A.
Des villes enfants admis Cela se passe à Almere (Pays-Bas). Une ville nouvelle, comme Louvain-la-Neuve, créée dans les années 70 sur des polders. Un toboggan pour descendre plus rapidement une volée d’escaliers. Une idée relativement simple mais qui permet de rendre une ville plus ludique et plus adaptée aux enfants. Des
aménagements comme il en existe trop rarement en Brabant wallon et ailleurs. On le sait, les villes étant conçues par et pour les adultes, l’espace public laissant peu de place à l’enfant. Sans parler de la prédominance historique accordée à la voiture. Ici et là, on voit néanmoins des initiatives dans certaines communes du
Brabant wallon. Comme la piétonisation des abords d’écoles (rues scolaires) ou encore des rues temporairement fermées (le dimanche par exemple, réservées aux jeux). Reste maintenant à passer à la vitesse supérieure et à traduire cela dans des aménagements pérennes de mobilier ou autres.
répondre
Quel avenir commercial pour les centres-villes ? Une question de Florence
Une réponse de Gilles Delacroix
de Chaumont-Gistoux
Juriste, fondateur de D-Sight
X. A.
11 espacevie.be | décembre 2021
La place du commerce dans les centres-villes est un sujet de tension depuis de nombreuses années. La multiplication ces cinquante dernières années des centres commerciaux et autres retail parks (ces espaces commerciaux aménagés en périphérie des villes) ayant été l’un des facteurs qui est considéré par les autorités comme ayant mis à mal la dynamique commerciale de bon nombre de villes du Brabant wallon. Et qui a également entaché le territoire wallon via une dispersion des fonctions au détriment d’un meilleur aménagement du territoire rassemblant logement, bureau, sport, culture et commerce dans un rayon proche. La situation évolue toutefois. Le Gouvernement wallon a décidé en début de législature via sa Déclaration de Politique Régionale (DPR) de ramener le commerce en centre-ville. Ceci avait déjà été inscrit dans le schéma de développement du territoire qui prévoit d’« autoriser les ensembles commerciaux de plus de 2 500 m2 uniquement dans les centres-villes et plus en périphérie, sauf à démontrer qu’une installation périphérique ne porte pas préjudice aux commerces dans les noyaux urbains environnants. » Deux ans plus tard, la dynamique a déjà quelque peu changé. « Le frein a clairement été tiré sur le commerce de périphérie, explique Gilles Delacroix, conseiller juridique chez D-Sight. Les projets se raréfient. On sent qu’une nouvelle dynamique apparait. Les communes et le fonctionnaire des implantations commerciales, les deux seuls décideurs en la matière, suivent également de plus en plus la vision du Schéma de développement du territoire. Reste que le texte n’est aujourd’hui toujours pas applicable, et que cette dynamique ne dépend donc que des autorités qui la décident. » De nombreuses communes du Brabant wallon tentent en tout cas actuellement de redynamiser la fonction commerciale de leur centre-ville. Les derniers chiffres de l’AMCV (Association de management du centre-ville) le démontrent d’ailleurs, elle qui dénombre chaque année les cellules commerciales vides dans les centres urbains : Braine-l’Alleud (de 24,6 % en 2020 à 20,6 % en 2021), Nivelles (de 18,8 % à 14,6 %), Wavre (18,6 % à 18,4 %), Jodoigne (de 14,6 % à 12,2 %), Waterloo (7,8 % à 10,1 %), Louvain-la-Neuve (de 3,1 % à 1,2 %). « Les communes disposent d’outils tels que le schéma communal de développement commercial pour améliorer la situation, fait remarquer Gilles Delacroix. Mais si elles souhaitent régler ce problème, peu ont une stratégie claire sur le sujet. Elles abordent souvent le dossier en fonction de certaines enseignes et non d’une manière globale. D’autant plus que le droit ne peut pas résoudre tous ces enjeux : la politique des implantations commerciales doit être accompagnée d’une réflexion sur l’aménagement de l’espace, la mobilité et le marketing. »
explorer
« Nos paysages sont le fruit de l'époque coloniale » Dans notre numéro de juillet, nous abordions la question de la place de la mémoire coloniale et décoloniale dans les espaces publics du Brabant wallon. Un dossier qui se présentait comme une brèche qui a suscité de nombreuses questions d’acteurs différents. Nous prolongeons ici la question avec l’anthropologue Bambi Ceuppens. Propos recueillis par Karima Haoudy – Photos : Jimmy Kets et Poppr
12
En tant qu’anthropologue, pouvez-vous nous dire comment l’empreinte coloniale marque nos espaces ? BAMBI CEUPPENS. C’est de différentes manières que l’empreinte coloniale s’exerce sur nos espaces, physiques et mentaux. Par différentes expressions, tangibles et intangibles et dans des contextes territoriaux variés. Au-delà des témoignages bâtis, il y a à prendre en compte tout l’ « héritage » culturel qui a fait de la colonisation et de l’impérialisme une « œuvre » collective, inscrite dans le champ du quotidien. Je songe aux initiatives de la Loterie nationale, au contenu de l’enseignement, à la publicité des produits d’usage courant, aux industries culturelles dont celle très prolixe et efficace du cinéma, autant de canaux qui imbibent tous les pores de la société d’un esprit colonial, conscient, voire souvent, inconscient. À cette « colonisation mentale » se greffe une occupation matérielle et diffuse des espaces publics. Si les grandes métropoles sont scandées de grands monuments ou bâtiments emblématiques, les petites villes et villages ne sont pas, pour autant, oubliés. Des noms de rue, des plaques dédiées à des personnages souvent secondaires et surtout, l’entreprise de légitimation populaire consolident ainsi un nationalisme banal lequel est finalement moins façonné par des rituels majeurs ou par la célébration de grands monuments
que par un processus, lent et plus sûr, d’imprégnation de l’esprit colonial, dans le quotidien et la mémoire populaire.
Mais de quoi est faite cette mémoire coloniale ? Avant toute chose, il faut rappeler que c’est une mémoire très partielle, qui ne met l’accent que sur les figures masculines de l’entreprise coloniale. Des hommes militaires, essentiellement, mais aussi quelques missionnaires ou agents coloniaux constituent le creuset de modèles pour les statues et autres monuments commémoratifs. Dans ce registre, les femmes sont aux abonnées absentes. Donc, c’est une mémoire qui ne s’arrête que sur une frange précise de la population belge. Exclusivement belge par ailleurs. Si le récit colonial traditionnel ou la toponymie rappellent le rôle majeur d’un Livingstone ou d’un Stanley, il n’en reste pas moins que la statuaire et l’inscription tangible dans l’espace public sont réservées aux acteurs belges qui sont à la manœuvre de l’occupation de terres congolaises. Quels sont les facteurs qui ont permis une décolonisation de nos espaces publics ? J’en entrevois plusieurs. Tout d’abord, la décolonisation a été facilitée par l’amenuisement du rôle joué par les anciens colons qui - avec le temps - ne pèsent plus comme avant, sur le débat public. Ensuite, le deuxième facteur réside dans la reconnaissance publique des exactions commises au Congo. La publication, en 1998, d’Adam Hochschild Les fantômes de Léopold a rouvert les pages sombres de la colonisation belge. C’est un pas majeur qui a permis d’aboutir dans l’opinion belge à un consensus – presque généralisé à l’exception des anciens colons – de la reconnaissance des atrocités commises sous le règne de Léopold II. Le troisième facteur se situe, à mon sens, dans la convergence des luttes anti décoloniales qui rassemblent des activistes de
générations et d’origines ethniques, différentes. Si les revendications émanaient au départ des afro descendants, aujourd’hui, on observe un ralliement de Blancs à la cause. Cet activisme multiculturel et intergénérationnel gravite autour de deux enjeux : la question de la restitution du patrimoine culturel du Musée royal de l’Afrique centrale et la place des monuments coloniaux dans l’espace public. Enfin, dernier facteur, les évènements internationaux qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Black Lives Matter mais déjà bien avant, en 2015, la question de la décolonisation de l’enseignement universitaire en Afrique du Sud. Dans la foulée, la notion de décolonialité a été introduite et s’est invitée en Belgique avec, par exemple, le changement d’objet des balades, au départ coloniales, qui se sont muées, depuis cinq années, en balades décoloniales. À ces avancées de la société civile, il faut ajouter les regrets du Roi formulés à l’occasion de l’anniversaire de l’Indépendance du Congo, les travaux de la commission parlementaire et, récemment, la position du Secrétaire d’État sur la restitution des biens. Tous ces facteurs convergent vers le constat que l’on ne peut plus éviter la question de la prise en charge de ces symboles coloniaux, contestés.
Comment mettre en lumière dans nos espaces publics les figures africaines oubliées ? Il me semble que l’on devrait d’abord s’interroger sur la pertinence, à l’heure actuelle, de l’occupation dans l’espace public de statues de manière pérenne. Cette question mérite d’être posée à l’aune des nouvelles perspectives qu’ouvre la recherche historique, laquelle ne se cantonne plus aux grandes figures – souvent masculines – mais qui retient plutôt d’autres dimensions comme le développement des structures sociétales. D’autre part, il y a lieu de rétablir un équilibre dans les représentations actuelles qui, en effet, émanent d’une vision belge et militaire. Ce travail de rééquilibrage de la représentation pourrait être plus facilement réalisé au niveau de la toponymie avec une mise en lumière des femmes et/ou des personnes issues de l’immigration. Au niveau de la statuaire, je suis plus perplexe par contre. Est-ce encore un mode de représentation et de commémoration adapté au XXIe siècle ? Ne
Bambi Ceuppens est anthropologue, commissaire scientifique au sein du Musée royal de l’Afrique centrale.
devrait-on pas investiguer d’autres formes d’expressions culturelles et artistiques, comme le graffiti, qui parlent davantage aux jeunes générations ? Doit-on occuper l’espace par des témoignages qui durent 200, 500 ans ? Est-ce que des interactions artistiques éphémères mais régulières ne seraient pas plus appropriées ? Ne faudrait-il pas créer de nouveaux rituels pour commémorer l’histoire des colonisés ? Toutes ces questions méritent d’être posées dans un climat de réévaluation des rôles assignés à nos espaces publics.
Que pensez-vous du déboulonnage des statues ? Je pense que nos espaces publics ne doivent plus contenir des statues ou des traces qui ont un message et/ou une représentation racistes ou encore qui célèbrent des personnes qui ont commis des exactions. Par contre, je ne suis pas favorable à leur déplacement de l’espace public dans le
Pour en savoir plus Retrouvez le dossier complet sur les empreintes coloniales et décoloniales sur espacevie.be
Façade de l’École coloniale supérieure à Anvers qui, lors de l’exposition Congoville, a été partiellement recouverte par l’artiste ghanéen Ibrahim Mahama d’un immense voilepatchwork de sacs de jute.
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parc du Musée de Tervuren, car ces témoignages s’inscrivent pleinement dans un contexte local qui les a vus naitre. S’il y a lieu de déplacer des témoignages pour les raisons évoquées, le mieux est de les conserver dans une institution muséale proche de l’emplacement originel. En outre, notons que ce rassemblement peut constituer un danger dès lors qu’il pourrait être un lieu de pèlerinage et de recueillement pour les nostalgiques de la colonisation. Mais au-delà des statues et des plaques, clairement visibles et lisibles, j’aimerais attirer l’attention sur les traces moins explicites, notamment celles de nos bâtiments privés et équipements publics (musées, écoles, banques, bibliothèques, etc.), qui ont un lien direct et indirect avec la colonisation. Nos paysages sont le fruit de l’époque coloniale. Les gestionnaires de ces équipements ont la responsabilité d’exhumer cette histoire enfouie et de mettre ces liens en lumière, à la portée de tous, à travers des dispositifs documentaires tels que des plaques signalétiques ou encore, à travers, l’organisation de visites, d’expositions et de débats.
Et comment voyez-vous l’intervention des artistes dans ce champ de la décolonisation des espaces publics ? Loin de moi l’idée de ne pas reconnaitre l’apport des artistes dans ce domaine. Toutefois, je crois que si les artistes peuvent contribuer utilement au débat, il ne faudrait pas que les autorités se retranchent derrière eux. Déléguer sa responsabilité sociétale à un artiste n’est pas une solution, il faut que les autorités assument leurs responsabilités et osent défendre leurs valeurs, par une prise en charge claire et explicite de ces témoignages.
Mais au-delà des statues et des plaques, clairement visibles et lisibles, j’aimerais attirer l’attention sur les traces moins explicites, notamment celles de nos bâtiments privés et équipements publics, qui ont un lien direct et indirect avec la colonisation. Nos paysages sont le fruit de l’époque coloniale. Bambi Ceuppens, anthropologue
Quels conseils donneriez-vous à des communes qui souhaiteraient décoloniser leurs espaces publics ? Je travaillerais au cas par cas. En fonction du contexte local, je conseillerais de former un groupe de travail équilibré en termes de représentation de la diversité culturelle, des tranches d’âges, des intérêts (anciens colons, militants anti colonialistes, etc.) avec une attention portée à la présence des personnes d’origine africaine. Ce groupe de travail ouvert et libre serait amené à investir l’histoire de la commune et à approfondir sa connaissance de la genèse du/des témoignages : qui a pris l’initiative de l’érection de ce monument ? Quelle en est la trajectoire historique ? Comment a-t-il été perçu au fil du temps ? Que faire pour décoloniser ? etc. Ces personnes émettraient des recommandations, sur base des débats qu’elles cultiveront, mais aussi sur base de la consultation de spécialistes de la question. À quelle échelle territoriale faudrait-il mener ces initiatives qui concernent tout le territoire belge ? Est-ce que les communes sont outillées pour faire ce travail ? Il me semble que c’est une responsabilité des communautés linguistiques, voire des provinces, de réfléchir et d’émettre des recommandations aux acteurs communaux. Des recommandations ancrées dans leurs spécificités territoriales tout en étant ouvertes à l’altérité et à sa mise à jour dans nos espaces publics. 1. Sur la question de la décolonisation des savoirs, voir l’article de Caroline Dunski paru dans Espace-vie, n°303. 2. Sur cette idée de déplacer les symboles contestés, après consultation citoyenne, vers un espace proche du MRAC, voir l’interview d’Idesbald Goddeeris sur espacevie.be.
cultures
d'un territoire
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© GerSpendel
Quand l’art contemporain enlace le territoire Depuis 2012, l’Est du Brabant wallon s’enrichit de « Sentes ». Ces promenades balisées empruntent sentiers et chemins champêtres le long desquels sont implantées des œuvres d’art ou installations créées spécifiquement pour le lieu. L’appel à projets lancé aux artistes, architectes, urbanistes, ainsi qu’aux étudiants et étudiantes en fin de cursus en art, en architecture ou en urbanisme s’inscrit dans une démarche
de valorisation, de protection et de sensibilisation à la diversité du patrimoine naturel et bâti du territoire. Le mois dernier, à Beauvechain, une septième Sente s’ouvrait aux déambulations des promeneurs et amateurs d’art. Outre l’intérêt artistique et paysager du réseau de promenades, le projet porté par le Centre culturel du Brabant wallon, le Gal Culturalité en Hesbaye brabançonne et la plateforme de coopération de l’Est
permet aussi d’impliquer la population et les associations locales dans le processus créatif et la réalisation du projet grâce à la résidence des artistes in situ. Leurs œuvres sont appelées à offrir, à la population, un regard nouveau sur le territoire, à créer une interaction poétique avec son environnement, à faire réfléchir au cadre de vie, ou encore à se rapprocher du patrimoine. C. Du.
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Comment appréhender le territoire du Brabant wallon ?
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La marche et le regard ont été utilisés de tout temps pour approcher des territoires. Qu’en est-il du Brabant wallon ? Des acteurs différents l’ont arpenté pour mettre en relief ses multiples facettes et contribuer ainsi à irriguer l’aménagement du territoire de visions sensibles. Texte : Caroline Dunski - Photos : Caroline Dunski et Yoan Robin
Appréhender le territoire par la marche pour l’aménager autrement Parcourir, interroger, ressentir… le territoire. C’est ce que proposent des méthodes telles que la « marche exploratoire » ou le « diagnostic en marchant », nées fin des années 80 au Canada, afin de dégager les aspérités et les ressources pour améliorer les pratiques d’aménagement du territoire. Au printemps dernier, le service Égalité des Chances de la Ville de Wavre organisait des « marches exploratoires » avec des associations féministes et le Plan de cohésion sociale, dans le but d’établir un recueil de recommandations pour un aménagement territorial plus inclusif et attentif à la sécurité, à la mobilité, et aux espaces de reconstruction du lien social. Pour un aménagement du territoire faisant place, aussi, à une dimension de genre généralement ignorée.
Des faits au sentiment d'insécurité Concrètement, munies d’un « carnet d’enquête » et d’une carte géographique, par petit groupe de quatre à six personnes, les participantes identifient, pour un site choisi, les composantes de l’aménagement qui peuvent constituer un risque d’agression et causer un sentiment de sécurité ou d’insécurité. Dans le carnet d’enquête, elles décrivent d’abord leurs premières impressions en quelques mots. Sur le trajet des rues et ruelles qu’elles empruntent, elles sont ensuite attentives aux améliorations à apporter à l’environnement immédiat, à l’éclairage, à la présence ou non de toilettes publiques, à la circulation des piétons, des PMR ou encore des poussettes… Viendront ensuite les remarques relatives à la possibilité de voir ou d’être vues, d’entendre et d’être entendues, aux endroits où quelqu’un pourrait se cacher en vue de les agresser, aux possibilités d’appeler à l’aide si cela s’avère nécessaire… Bref,
Les performances, le mouvement des corps dans l’espace, c’est aussi de l’art. J’aurais pu devenir urbaniste, mais j’ai trouvé mon sillon dans l’art contemporain. Jérôme Giller
le « carnet d’enquête » permet de consigner des tas d’éléments factuels et objectifs susceptibles de générer un sentiment de sécurité ou d’insécurité et de proposer des améliorations. Valérie Dirix, collaboratrice du secrétariat général Égalité des chances et Coopération au développement, prévoit de finaliser le recueil de ces suggestions d’ici la fin de l’année. Il devra être soumis aux services concernés, comme l’aménagement du territoire, ainsi qu’au Collège communal, avant d’être présenté lors de « Women Wavre 2022 ». Le « diagnostic en marchant » est également une méthode de connaissance spatiale et sociale développée dès 2017 à l'UCLouvain et utilisée dans le cadre de la recherche-action WADA, « Wallonie Amies Des Ainés », menée avec l’AViQ, Agence pour une Vie de Qualité. L’adaptation de nos espaces intérieurs et extérieurs au vieillissement de la population est un enjeu majeur en Brabant wallon, puisque c’est une des provinces wallonnes où le taux de vieillissement est l’un des plus importants. Braine-l’Alleud est une des six communes pilotes choisies. Le projet, rebaptisé « BL’ADA », a été effectué en aout 2017. En amont, avant d’aller sur le terrain, les ainés participent à des entretiens individuels et au partage d’idées dans une démarche d’intelligence collective. Trois marches se sont déroulées dans trois parties de la commune, afin de sonder des environnements différents : le centre, d’une part, et les extrémités de territoire communal où les ainés ne vont jamais.
Adapter l'environnement à l'humain La table ronde « Place aux ainés », organisée par la Maison de l’urbanisme - Centre culturel du Brabant wallon, était l’occasion pour Robert Grabczan, ingénieur civil architecte, et Myriam Leleu, sociologue et gérontologue, de présenter la méthode de la recherche-action. Myriam Leleu y souligne que deux grands enjeux se posent en matière d’adaptation au vieillissement : soit les ainés s’adaptent aux espaces et lieux qui s’imposent à eux ou, à l'inverse, ce sont les espaces et lieux qui s’adaptent aux besoins d’une population, qui sont façonnés par leurs usages. L’essence même des marches exploratoires et diagnostics en marchant est bien sûr de permettre que l’environnement s’adapte à l’humain plutôt
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u’ils soient artistes, scientifiques, passants ou habitants, ils s’appuient sur les ressources de l’arpentage par la marche et le regard pour livrer du Brabant wallon une cartographie du territoire susceptible d’amorcer un changement. Un changement qui concerne tant la façon dont on le perçoit, loin des clichés, que la manière dont il est vécu, loin de l’urbanisme techniciste. Comment ces récoltes de terrain nourrissent l’aménagement du territoire ?
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sur les représentations sociales que se font une trentaine d’acteurs de ces paysages. Ils soulignent que « les regards posés sur les paysages sont profondément culturels et émanent dès lors des individus et de leur histoire personnelle ». Stéphanie Quériat, chercheuse pour la Conférence permanente du Développement territorial, docteure en Histoire, Art et Archéologie (ULB), mène des recherches sur la perception du paysage par la population et s’est intéressée aux regards que des artistes portent sur les territoires wallons. Elle précise que « pour le Brabant wallon, il est difficile de retrouver une expression artistique de l’entité administrative ». Il semblerait que la province soit rarement un objet littéraire à part entière et que le Brabant wallon serve plus généralement de décor, comme pour le film Le maitre de musique tourné au Château de La Hulpe, ou encore pour Ariane, le roman de Myriam Leroy. Le Brabant wallon n'est pas encore un personnage littéraire…
18 que l’inverse. Au cours de l’évènement, Robert Grabczan, insistait sur les effets sociaux de la marche : « On marche ensemble, il y a donc des valeurs partagées. Le fait d’être en groupe permet de rencontrer la personne et d’établir des échanges humains immédiats avec les gens que l’on rencontre. » Cette expérience collective permet, par ailleurs, de renouveler la fabrique de l’aménagement du territoire par la confrontation de la réalité vécue aux connaissances des « experts ». À la réalité conçue se conjugue la réalité augmentée, engrangée par la marche, qui peut être utile aux « décideurs-concepteurs » de nos espaces publics. Il est important de souligner que la marche est bien considérée ici comme faisant partie de la boite à outil de l’urbanisme. Robert Grabczan de nous rappeler que « le diagnostic en marchant n’est pas la garantie d’un bon projet, mais permet de consolider un diagnostic. »
Appréhender le territoire par le regard pour le représenter autrement Les territoires peuvent aussi s’appréhender par le regard. Que l’on soit artiste, habitant, géographe… le prisme emprunte alors la voie du sensible. Les auteurs de l’Atlas des Paysages de Wallonie. Les Plateaux brabançon et hesbignon se sont penchés
J’avais commencé par en faire un essai, puis j’ai choisi de créer un personnage naïf qui ne connait pas les principes fondateurs de la nouvelle ville. L’histoire sert à mettre certaines choses en évidence. Véronique Rousseaux
Néanmoins, il ne s’agit pas de nier la puissance narrative de territoires moins marqués par un continuum historique ou identitaire fort. Tout récemment, la néolouvaniste Véronique Rousseaux diffusait son tout premier roman-essai, dont le personnage central n’est ni le narrateur Lucas, venu d’un village montagneux français pour retrouver sa tante à la demande de sa mère, ni la mystérieuse tante en question, mais bien Louvainla-Neuve elle-même. De 1991 à 1995, l’auteure de La ville au bord du lac, romaniste de formation, était rédactrice responsable d’Espace-vie. Elle y a acquis une fameuse connaissance des matières liées à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire, qu’elle a développée ensuite en effectuant des missions de rédaction pour la Division de l'aménagement et de l'urbanisme, du logement et du patrimoine (DGATLP) à la Région wallonne, puis en travaillant au Centre de recherches et d'études en actions territoriales (CREAT, UCL). « J’écris des nouvelles depuis toujours. J’aime écrire des histoires, surtout les inventer. C’est le premier roman que je fais imprimer. J’ai mis trois ans à l’écrire, en y consacrant 30 minutes de
temps en temps. J’avais commencé par en faire un essai, puis j’ai choisi de créer un personnage naïf qui ne connait pas les principes fondateurs de la nouvelle ville. L’histoire sert à mettre certaines choses en évidence. » Lucas cite des ouvrages, articles ou visites guidées qui contextualisent Louvain-la-Neuve, son histoire, sa naissance, son organisation sociale si différente des autres villes… et décrit la ville sous divers angles, comme s’il entrainait le lecteur ou la lectrice dans une marche exploratoire : urbanisme, architecture, mobilité, place du minéral et du végétal, présence de l’humain… À la fois roman et essai, le livre de Véronique Rousseaux est un texte engagé né de son exaspération face à la volonté d’étendre le centre commercial l’Esplanade. Pour rappel, 80 % des habitants de Louvain-la-Neuve ayant pris part à la consultation populaire organisée le 11 juin 2017 se sont exprimés contre cette extension. La ville au bord du lac constitue un regard sur la ville, sur ce qu’elle est aujourd’hui en comparaison de ce que ses concepteurs en rêvaient. Véronique Rousseaux effectue une analyse politique et, dans les dernières pages, esquisse une nouvelle utopie pour la ville qu’elle habite depuis 25 ans.
Pour aller plus loin Marcher avec… Le Brabant wallon, éd. Jérôme Giller avec le soutien du CCBW, 2021. 10 euros (frais de port compris). À commander sur le site www.ccbw.be Véronique Rousseaux, La ville au bord du lac, 2021. 13 euros (+ frais de port) Droits d'auteur au profit de l'asbl Altérez-Vous Initiatives. À commander sur le site www.publier-un-livre.com
MARCHER AVEC… À LA CONFLUENCE DE L’URBANISME ET DE L’ACTION ARTISTIQUE Durant l’été 2020, après des mois de confinement, avec la plateforme PULSART de sensibilisation à l’art contemporain, le Centre culturel du Brabant wallon invitait les habitants d’ici et d’ailleurs à sortir pour « Marcher avec… le Brabant wallon » en compagnie de l’artiste bruxellois Jérôme Giller. Le but de l’expérience artistique : recréer du lien avec les autres et l’espace physique qui nous entoure et se réapproprier collectivement l’espace public et social. Les marcheurs ont sillonné le territoire de Braine-l’Alleud, Rixensart, Beauvechain, Waterloo et Limelette. « La marche me permet de ramener dans le vivant à travers des questions beaucoup plus politiques et
citoyennes, confie Jérôme Giller. Cela me permet aussi de repenser des gestes artistiques à partir du corps. La marche permet de convoquer des gestes plus proches de ceux du sculpteur. Depuis les années 70, se développent des logiques de dématérialisation de l’art. Les performances, le mouvement des corps dans l’espace, c’est aussi de l’art. J’aurais pu devenir urbaniste, mais j’ai trouvé mon sillon dans l’art contemporain. » Un très bel ouvrage constitue la trace de cette expérience collective de marche « avec les sons, les odeurs, le vent, la pluie, le soleil, le temps, l’espace, le bitume, la terre, les champs, les lignes, les points, les arrêts, le silence, les mots, le passé, le futur, le présent, avec soi, et
avec les autres… » Marcher ensemble, c’est plus que se mettre collectivement en mouvement. C’est mettre en branle les pratiques de l’urbanisme. Comme le dit un marcheur, « la pratique de la marche collective peut nous permettre de reprendre en main la fabrique de la ville. Je défends la position qu’en tant qu’habitant, acteur d’une ville, on devrait pouvoir reprendre en main les politiques urbaines. Ce serait intéressant d’emmener avec nous des représentants politiques sur ce genre de chemin et d’avoir ensuite une discussion ensemble sur les espaces écologiques, la destruction des paysages, jusqu’où l’humain habite, comment il cohabite, etc. »
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Louvain-la-Neuve, héroïne utopique
rencontrer
Traverser le Brabant wallon dans les pas de l'artiste et de
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Quand l’artificialisation des sols croise les regards de l’artiste et de l’urbaniste, cela nous amène à voir autrement nos paysages, leur formation et les schémas culturels qui les dessinent. Rencontre ici à mi-chemin entre Jérôme Giller et Hélène Ancion autour de cinq escales visuelles évocatrices de l’artificialisation. Propos recueillis par Caroline Dunski et Karima Haoudy Photos : Yoan Robin – WIP Collective
Que vous évoque cette photo ? Hélène Ancion : de prime abord, de la photo rejaillit immédiatement la dimension irréversible de l’artificialisation qui consiste en une consommation foncière pour de multiples usages dont la construction de routes. L’allure de cette route posée sur son tapis de plastique est aussi une invitation à la découverte. Mais à une découverte paradoxale dès lors que la route semble être impraticable et qu’elle n’aboutit nulle part. Cette image ne seraitelle pas symbolique de l’impasse de l’irréversibilité, inhérente à l’artificialisation des sols ? Jérôme Giller : ma première réaction est la surprise. La surprise de voir cette route provisoire et la facilité de poser du goudron sur un lit de plastique. La photo crée un contraste saisissant entre le paysage environnant et l'empreinte technique et féroce de l'Homme sur la terre. On sent qu'il y a de grosses machines derrière. Cette route pose la question de l’irréversibilité de l’empreinte technique sur les paysages. À contrario la marche laisse peu de traces, peu d’empreintes. Enfin, le profil rectiligne de cette route met en relief l’emprise de la technique et de la vitesse sur les paysages à l’opposé de la marche qui épouse le rythme du corps dans des tracés sinueux.
l'urbaniste
© Jerôme Giller
Pour aller plus loin
Hélène Ancion
Jérôme Giller
Hélène Ancion est chargée de mission en aménagement du territoire et urbanisme chez Inter Environnement Wallonie (IEW). Auteure de l’ouvrage Stop béton. Le territoire au service de l’urgence écologique et sociale qui amène des propositions concrètes pour que l’étalement urbain ne soit plus une fatalité, Hélène Ancion travaille sur l'évolution de la règlementation en aménagement du territoire et urbanisme, anisi que sur la formation des CCATM.
Jérôme Giller est artiste-marcheur. Son travail artistique s’élabore à partir de la marche à pied qu’il utilise comme outil d’expérimentation physique des territoires et méthode de création. Marcher lui permet d’élaborer une pensée sur les relations qui se tissent entre corps, identité et géographie. En 2020, à l’orée du premier déconfinement, il mène le projet « Marcher avec... le Brabant wallon », mis en œuvre par la plateforme PULSART de sensibilisation à l’art contemporain.
L’artificialisation est le processus par lequel des surfaces sont retirées de leur état naturel, forestier ou agricole. Elle induit un changement irréversible dans l’utilisation du sol au profit de fonctions urbaines (habitat et activités corolaires : surfaces commerciales, services publics, commodités, espaces publics, infrastructures de transports, parkings, etc.). Source : Réduisons l’artificialisation des sols en Wallonie, vadémécum, CPDT, 2019
rencontrer
Quel est l’habitat le plus approprié pour vivre sous l’ère du dérèglement climatique ? H. A. Dans cette rue, on aperçoit clairement un exemple inspirant d’utilisation d’un bâti ancien, soit la maison blanche dont la façade est perpendiculaire à la chaussée. Ce réemploi évite la consommation foncière liée à la construction de nouveaux logements. On aperçoit aussi timidement, dans le fond, des maisons quatre façades qui interrogent nos modèles sociétaux. Le rêve de la quatre façades est bâti sur le modèle culturel de la famille nucléaire que la publicité nous a vendu allègrement à partir des années 1950. Aujourd’hui, à l’heure du réchauffement climatique et de l’éclatement de la cellule familiale dite traditionnelle, la permanence de ce modèle de vie et d’habitat m’interpelle. Comment expliquer qu’il continue à s’imposer à de nombreuses personnes, si ce n’est pour servir des intérêts commerciaux et spéculatifs ? Il est temps d’arrêter de construire du neuf et de sortir de ces modèles-carcans, en rénovant le bâti existant, en le recyclant, notamment via des divisions mieux adaptées aux familles monoparentales, aux personnes isolées, etc. Si le bâti ancien se recycle comme cette maison blanche, nos modèles plus récents devraient aussi pouvoir se recycler.
Cette carte illustre les variations de l'artificialisation en Brabant wallon. Quel est le mode de déplacement le plus approprié (voiture, vélo, train, pieds, cheval, etc.) pour sentir ces variations ? H. A. J’opterai pour la marche à pied, avec une traversée en une journée de l’est au centre du Brabant wallon, soit partant de la carte du « vert le plus foncé » jusqu'au « jaune » en passant par le « rouge ». La marche permet très vite de percevoir à échelle humaine la configuration des territoires, des lieux de vie et ce, sans le confort matériel d’autres modes de transport qui nous isolent de la réalité. L’adoption de la marche permet en outre de mesurer les aspérités d’un urbanisme et d’un aménagement du territoire par trop dépendants de la voiture. Comment peut-on envisager d'aller habiter où que ce soit alors qu'il n'est possible d'aller nulle part à pied, pas même pour demander du sucre au voisin ?
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Nombre de bâtiments 11.000
Age du bâti > 100 ans entre 50 et 100 ans < 50 ans
J. G. Difficile de répondre, n’étant pas architecte. La question de l’habitat à l’heure du dérèglement climatique doit composer avec le cout économique des matériaux et du travail et aussi, avec l’éthique. Dès lors, je préconiserais des maisons passives qui idéalement réutilisent des matériaux et du bâti anciens, pour prolonger leur espérance de vie. Mais est-ce possible ? C’est sans doute plus couteux que la construction neuve. D’autre part, j’aperçois sur cette photo des typologies de maisons différentes qui sont susceptibles de générer des modes de vie aussi différents. Et ce, contrairement, aux lotissements de quatre façades qui tendent à uniformiser les modes de vie. Des modes de vie alignés et rythmés par la vitesse, induite par la voiture. Je vois aussi dans cette photo un grand paradoxe de notre société qui prône d’un côté la sédentarité à travers la propriété et de l’autre le nomadisme professionnel, encouragé par le tout à la voiture. Pour ma part, en tant qu’artiste-marcheur, le nomadisme conjugué à de l’habitat qui a une faible empreinte sur le sol (comme le refuge de la tente ou l’habitat léger) correspond plus à ma philosophie.
Taux d'artificialisation 5% - 10% 10% - 15% 15% - 20%
20% - 30% 30% - 55%
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5
10 km
Auteur: MC Vandermeer, PBW, 2020 Sources: IWEPS, 2020 - SPF, 2019
J. G. Sans hésiter : la marche ! C’est le mode le plus lent qui permet de ressentir les différences d’artificialisation entre les territoires, d’une part, et d’éprouver, d’autre part, l’absence ou la raréfaction de transports alternatifs à la voiture. C’est bien la prégnance de la voiture, outil technique de notre civilisation, qui contribue à l’artificialisation et qui engendre la carte que l’on voit ici. Pour l’anecdote, rejoindre Beauvechain-L’Écluse est impossible directement en train. Il faut prendre un bus et puis marcher longtemps, ce qui représente cinq heures de trajet alors que l’on est à moins de 50km de Bruxelles !
H. A. Comme je le souligne dans mes travaux, la marche offre un point de vue imprenable qui laisse se développer la vision macro et la vision micro en même temps, ainsi que toutes les échelles intermédiaires. En marchant, on prend conscience des distances et des configurations, on expérimente au sens propre un lieu. Circuler à pied donne une connaissance intime des enjeux qui se nouent et de la complexité du réel. Comment se fait-il que les décisions d’aménagement du territoire liées aux piétons et aux dessertes de transport en commun soient le pré carré d’experts qui ne se déplacent pratiquement jamais ainsi pour leurs trajets professionnels ?
J. G. Parce qu’elle peut tout simplement remplacer la voiture. Mais pour y arriver, il faut un autre rapport à l’espace, à la géographie et à la vie ! C’est aussi à l’aménagement du territoire de revoir et de redessiner nos lieux de vie en renforçant l’accessibilité à des fonctions essentielles, sans dépendre de la voiture. Sans dépendre de la vitesse et de l’accélération.
H. A. Cette œuvre évoque la dualité entre l'impermanence des lieux et la permanence de ce qui est construit. Permis de bâtir... ou permis de pâtir ? Un simple acte notarié pour la concrétisation du rêve de sa vie, alias une maison, va définitivement abimer le paysage de ceux qui y habitaient avant vous. Un acte « anodin » a des conséquences sur le long terme. Le mesure-t-on suffisamment ? Le paysage qui mue, qui change, c’est ce qui émerge des promenades de décodage que j’organise au sein d’IEW. Elles servent à décoder les milieux urbains ou semi-urbains pour appréhender ce qui fait vivre un quartier, et quelles transformations il a connues. L’artificialisation ne porte pas que sur les paysages, elle s’applique à nos modes de vie qui tendent à une aseptisation et une standardisation. Enfin, j’aime beaucoup le côté mécanique de l’œuvre : l'écrit s’efface dans un mouvement qui parait presque naturel. Comme quand un paysage disparait par le biais des constructions.
J. G. Cette instabilité du paysage me ramène au souvenir de l’arrière d’une façade Art-Déco que j’apercevais depuis chez moi et qui agrippait ma curiosité tant elle était façonnée par des décrochements surprenants, des variations sculpturales subtiles et des extensions biscornues. En un laps de temps très court, cette façade a été abattue et remplacée par une paroi lisse. Cette métamorphose m’a attristé comme de nombreux comblements d’ilots intérieurs qui ne laissent plus de place au vide, à la friche. Ces comblements, remplacements, reconstructions/constructions participent de ces changements permanents que l’œuvre Permis de bâtir illustre. Des transformations amplifiées par la médiocrité des matériaux qui obéissent à l’obsolescence programmée appliquée à l’urbanisme. En tant que marcheur, je suis content de voir que certains projets issus de ce modèle s’écroulent et n’aboutissent qu’à la ruine auquel ils mènent. Un peu à l’image effrayante des villes chaotiques de Mad Max ou de Blade Runner que l’urbanisme d’anticipation nous prédit. Des friches qui nous rappellent que si on veut continuer... il va falloir arrêter.
Permis de bâtir est une œuvre de WIP Collective. Tracé à la craie sur une plaque de métal, l'article 44 de la Loi organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme (1962) se dématérialise sous l'effet des vibrations causées par son énonciation au travers d'un haut-parleur. Une métaphore de l'instabilité des territoires en construction par les plasticiens Jérôme Boulanger et Thibaut Drouillon.
23 espacevie.be | décembre 2021
En quoi la marche peut-elle endiguer l’artificialisation ?
En quoi l'artificialisation peut aussi générer une instabilité des paysages bâtis et naturels, des modes de déplacement, des perceptions et, enfin, des valeurs foncières ?
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