OUTRE-MER grandeur Nature _ n°5 juin 2021

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juin 2021 - n°5

Outre-mer

OcéIndia

grandeur Nature L’e-mag ultramarin de l’environnement

Photo de Rangiroa © Tim McKenna

édito | F rançois

Houllier, pdg de l’Ifremer

saint-barthélemy | le suivi des tortues marines wallis-et-futuna| la biosécurité renforcée à alofi

SOMMAIRE

UNE

l’état de santé des récifs coralliens, mangroves et herbiers 3 6 10 11 12

édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Barthélemy Saint-Martin

13 14 17 23 28

Martinique Guadeloupe Guyane Mayotte Île de La Réunion

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TAAF Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna


Photo de couverture : le lagon bleu à Rangiroa. © Tim McKenna

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OUTRE-MER Couverture : Photo de la tortue luth à Saint-Barthélemy © Karl Questel

grandeur Nature

www.tim-mckenna.com www.instagram.com/timmckenna

50 photographes illustrent le patrimoine naturel inestimable et menacé de l’outre-mer français

rendez-vous au congrès mondial de la nature de l’UICN du 3 au 11 septembre 2021 à Marseille (espaces générations nature)

TÉLÉCHARGEZ ICI L’EXPOSITION « ESCALES OUTRE-MER » (LIBRE DE DIFFUSION POUR TOUTE UTILISATION NUMÉRIQUE)


l’E-MAG ultramarin de l’environnement

Des lagons jusqu’à la haute mer, l’océan s’envisage aussi comme une ressource pour l’économie des territoires dans divers secteurs – pêche, aquaculture, tourisme, transports maritimes – avec des spécificités emblématiques remarquables comme la perle de Tahiti. Un rôle qui pourrait se renforcer demain grâce à des opportunités émergentes dans le domaine de la valorisation des molécules issues des microalgues et d’autres organismes marins ou encore dans celui des ressources minérales des grands fonds.

ÉDITO par françois houllier, Président-directeur général de L’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (ifremer) Connaître et comprendre l’océan pour le protéger et en restaurer les écosystèmes, pour en gérer durablement les usages et les ressources vivantes ou physiques, pour générer et partager des données et services avec les entreprises, la société civile et les pouvoirs publics : telles sont les raisons d’être de l’Ifremer. Elles guident l’ensemble des activités – recherche, innovation, expertise et surveillance – que l’Ifremer mène, depuis la côte jusqu’au grand large et depuis la surface de l’océan jusqu’aux abysses, dans l’Hexagone comme dans les territoires ultramarins auxquels la France doit d’avoir le deuxième plus grand domaine maritime mondial. Hauts lieux de la biodiversité marine, ces territoires sont très différents entre eux, aussi bien en termes naturels, culturels et économiques que dans leur rapport à la mer. Formant un véritable archipel planétaire, ils sont directement exposés au dérèglement climatique et, plus généralement, au changement global : élévation du niveau de la mer et risques de submersion du littoral ; blanchiment des coraux et disparition de milieux remarquables ; pollutions venant des terres et effets sur la santé humaine et des écosystèmes.

Outre-mer plus qu’ailleurs, la tension entre la satisfaction des besoins humains, l’usage des ressources marines et la préservation de l’océan, bien commun et élément essentiel de la biosphère, est perceptible. Soulignée par Axel Kahn – qui préside le comité d’éthique commun aux quatre organismes : Cirad, Inrae, Ifremer et IRD – cette tension y est d’autant plus vive que les mers qui baignent ces territoires demeurent une frontière de la connaissance, depuis la caractérisation de leur biodiversité jusqu’à la cartographie de leurs fonds. L’Ifremer est présent dans ces territoires depuis plusieurs décennies : dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française ; dans l’océan Indien, depuis l’île de La Réunion ; aux Antilles, depuis la Martinique ; en Guyane française et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette présence s’appuie sur les liens que l’Institut a noués avec ses partenaires nationaux comme avec les universités, collectivités et entreprises locales, sur les capacités d’exploration de la flotte océanographique française et sur le potentiel des équipes scientifiques et technologiques situées dans l’Hexagone. L’ampleur des enjeux maritimes concentrés dans les territoires ultramarins et l’intérêt des questions scientifiques afférentes ont conduit l’Ifremer à réaliser, en 2020, un état des lieux des activités qu’il y mène. Avec l’objectif d’y renforcer l’ancrage de l’Institut et d’armer, dès cet été 2021, un nouveau plan d’actions dans ce paysage maritime foisonnant. François Houllier

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L’IFREMER EXPLORE LES GRANDS FONDS MARINS Les grands fonds océaniques représentent plus de la moitié de notre planète. La vie y est peut-être née, notre climat futur s’y élabore, les ressources y sont énormes, et pourtant... Et pourtant, l’homme commence juste son exploration. Depuis les années 1950, des centaines d’hommes ont atteint les sommets de plus de 8 000 mètres, 12 ont posé le pied sur la Lune, mais une dizaine seulement a approché les « bas fonds » de notre planète, au-dessous des 8 000 mètres. Il s’agit d’un monde froid, sans lumière, soumis à des pressions extrêmes. Les contraintes y sont telles que chaque fois que l’homme s’y aventure, c’est un exploit technologique et humain. Depuis quelques années, de nouveaux moyens se développent : engins d’observation et d’exploration toujours plus performants, observatoires fond de mer... Équipements (acoustique, sismique, carottage...) et logiciels permettent désormais de faire des cartographies à haute résolution des grands fonds et de repousser les limites de notre connaissance. Nous vous invitons à découvrir le monde mystérieux des abysses, au-delà du plateau continental : il s’agit du dernier espace à peu près vierge de notre planète.

Merci de cliquer ci-dessus ou ICI pour agrandir les visuels. © Régine Gaucher Loaëc | Ifremer

+ d’info ici : Ifremer


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BREST

Centre Bretagne et Direction nationale Centre Manche Mer du Nord DÉLÉGATION

de Saint-Pierre et Miquelon

NANTES

Centre Atlantique

Voguant sur l’ensemble des territoires ultramarins, la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer regroupe l’ensemble des moyens navals français. Elle est ouverte à l’ensemble de la communauté scientifique nationale. Ses navires hauturiers et côtiers parcourent inlassablement les trois océans pour répondre aux missions de recherche en sciences de l’univers et en sciences de l’environnement, ainsi que pour des missions de surveillance, d’expertise ou de service public pour le compte de l’État. Parmi les dernières campagnes marquantes récentes en outre-mer : TOULON

Centre Méditerranée

DÉLÉGATION

des Antilles françaises

DÉLÉGATION

Guyane

- dans l’océan Indien, les campagnes MAYOBS sont réalisées pour suivre l’évolution du phénomène sismique et volcanique qui affecte l’île de Mayotte depuis mai 2018, en partenariat avec l’IPGP, l’IPGS et le BRGM. + d’info ici : MAYOBS 13 DÉLÉGATION

Océan Indien

DÉLÉGATION

de Nouvelle-Calédonie

Centre du Pacifique

- dans l’océan Pacifique, le navire Alis, basé en Nouvelle-Calédonie, opère en permanence de la Polynésie française à la Papouasie-Nouvelle Guinée. L’Atalante y a passé une majeure partie de l’année 2019, avec la mise en oeuvre du robot téléopéré Victor 6000, dont la base de logistique et de maintenance est située au Centre Ifremer Méditerranée de La Seyne... - dans l’océan Atlantique, des campagnes récentes ont permis d’étudier la structure et les caractéristiques de la zone de subduction des Petites Antilles pour connaître son implication dans les risques de séismes...

RÉGINE GAUCHER LOAËC

RÉPARTITION DES FONDS MARINS DANS LE MONDE EN % SELON LA PROFONDEUR

IFREMER PHASE 5 - Plou


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Actu outre-mer

canal du Mozambique, Mayotte abrite l’un des lagons les plus grands et les plus riches du monde et sa mangrove présente un écosystème remarquable d’une grande richesse. Quant aux TAAF, inhabitées de manière permanente, elles constituent un espace exceptionnel de biodiversité pour la recherche scientifique.

© Montage photo : Délégation sénatoriale aux outre-mer

Trois tables rondes ont ainsi réuni une vingtaine d’experts autour de la difficile mais indispensable conciliation entre la préservation d’écosystèmes fragiles et les enjeux du développement de ces territoires. Les intervenants ont présenté leurs actions concrètes portant notamment sur les aires marines, mangroves et habitats spécifiques, la mégafaune du canal du Mozambique, la situation aux îles Éparses ou encore la valorisation des ressources de la pêche et de la forêt indigène. Comme l’a rappelé l’ancien président Michel Magras aux intervenants : « avec vos actions sur le terrain, vous contribuez à faire du patrimoine naturel des outre-mer, un véritable trésor pour la nation ».

Retour sur le colloque webinaire organisé par le sénat : « biodiversités de l’océan indien, au cœur d’un nouveau modèle de développement » Dernière étape d’un cycle de conférences sur les biodiversités ultramarines initié en 2017 par son ancien président Michel Magras, le colloque organisé le 20 mai par la Délégation sénatoriale aux outre-mer était consacré à l’océan Indien, après les deux précédentes éditions axées sur les bassins Pacifique (2018) et Atlantique (2019). Réalisé en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB) et ouvert par le président du Sénat Gérard Larcher, ce colloque a permis de mettre à l’honneur le patrimoine naturel exceptionnel des territoires français de cette région : La Réunion, Mayotte, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Située dans l’archipel des Mascareignes, l’île de La Réunion a fait le pari de l’alliance du tourisme et du patrimoine naturel, faisant ainsi de sa biodiversité un des leviers de son développement. Dans le

Coïncidant avec le début de la présidence française de la Commission de l’océan Indien annoncée par Marcel Escure, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans cette zone, la manifestation a également souligné toute l’importance de la coopération régionale. La coopération franco-malgache relative à l’information et à l’évaluation environnementales pour la préservation de la biodiversité dans le sud-ouest de l’océan Indien peut être citée en exemple. Initiée par une volonté conjointe de l’Office national pour l’environnement (ONE) malgache et de la DEAL Réunion, elle se développe aujourd’hui autour des processus d’autorisation environnementaux, des démarches de mobilisation citoyennes, pour la mise en œuvre concrète de la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » et des mécanismes de financements associés. Le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano, et le directeur général de l’OFB, Pierre Dubreuil, ont rappelé que les outre-mer étaient aux avantpostes des actions et expérimentations qui sont menées actuellement et qui seront un facteur clé dans la réussite du prochain Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) que la France accueillera à Marseille en septembre, en vue d’un nouveau cadre mondial en faveur de la préservation de la biodiversité.

Le témoignage du président Stéphane Artano : « Je tiens à saluer tous les intervenants 1 à ce colloque qui, par leurs exposés précis, documentés et passionnants, nous ont montré la valeur de l’action et de la culture du résultat. Je remercie aussi mes collègues Nassimah Dindar, Viviane


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Artigalas, Vivette Lopez, Thani Mohamed Soilihi et Guillaume Chevrollier qui ont manifesté un soutien indéfectible au projet initié par mon prédécesseur Michel Magras. Le sujet de la protection des biodiversités ultramarines est porté par la Délégation sénatoriale aux outre-mer depuis la COP 21 sur le climat et la Conférence de Paris. La contribution des outre-mer à la biodiversité nationale est telle qu’elle nous oblige à la fois vis-à-vis de nos territoires et des générations futures. Nous avons achevé notre cycle de conférences sur les bassins océaniques mais notre travail va se poursuivre ! Nous allons d’abord publier les actes de ce colloque, car la qualité des contributions présentées en fera des documents de référence. Ils seront ainsi disponibles pour les grands rendez-vous des prochains mois. En particulier, pour le Congrès mondial de la nature de l’UICN qui se tiendra en septembre à Marseille. Ce Congrès rassemblera la communauté mondiale de la conservation de la nature, y compris les meilleurs experts internationaux en sciences, politiques et pratiques dans ce domaine. Nous pensons que ce sommet sera une étape clé pour l’émergence d’un nouveau cadre mondial pour la biodiversité. Notre pays se doit d’être pionnier sur la voie des évolutions nécessaires pour protéger la planète. Les outre-mer seront – soyez-en sûr – aux avant-postes de ce combat. »  La liste des intervenants au colloque du 20 mai au Sénat : - Karine Pothin, directrice de la Réserve naturelle marine de La Réunion ; - Michel Charpentier, président des Naturalistes de Mayotte ; - Vincent Boullet, président du conseil scientifique du Conservatoire botanique national de Mascarin ; - Vincent Ridoux, professeur à l’université de La Rochelle, chercheur à l’observatoire Pelagis ; - Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des TAAF ; - Christophe Fontfreyde, directeur délégué du Parc naturel marin de Mayotte (voir par ailleurs son interview p. 23) ; - Éric Legrigeois, président du directoire du Grand port maritime de La Réunion ; - Florent Ingrassia, ingénieur divisionnaire de l’agriculture et de l’environnement (IDAE), chef du service forêt et milieux naturels de la direction régionale de l’ONF pour La Réunion ; - Pascal Hoarau, directeur de la régie RNNESP, organisme gestionnaire de la Réserve naturelle et du site Ramsar de l’Étang de Saint-Paul ; - Anne-Gaëlle Verdier, directrice de l’environnement par intérim des TAAF ; - Pierre Valade, directeur de projets « Études et recherche » et membre fondateur de OCEA Consult (Réunion) et de Magnirike (Madagascar) ; - Jean-Marc Gancille, responsable communication, sensibilisation, développement de l’association Globice ; - Jean-Philippe Delorme, directeur du Parc national de La Réunion ; - Jean Roger Rakotoarijaona, directeur de l’intégration environnementale et du développement durable, Office national pour l’environnement de Madagascar (ONEM) ; - Jérôme Dulau, chef du service connaissance, évaluation et transition écologique de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion. 1

La france s’apprête à accueillir le plus grand événement mondial sur la biodiversité Du 3 au 11 septembre, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) organisera, au Parc Chanot à Marseille, le Congrès mondial de la Nature, une première en France pour ce rendez-vous incontournable en matière de sauvegarde de la biodiversité, qui a lieu tous les quatre ans et avait dû être reporté en raison de la pandémie de Covid-19 1. La cité phocéenne va ainsi accueillir un événement de la plus haute importance dans le domaine environnemental, qui va réunir comme l’annonce le Comité français de l’UICN « des milliers de représentants de gouvernements, d’agences publiques, d’ONG, du monde scientifique, des collectivités locales, des peuples autochtones et des entreprises. Il est également ouvert à toute personne intéressée par les enjeux de conservation de la nature ». L’objectif est de réunir la communauté internationale de la conservation de la nature, afin que les questions prioritaires de conservation et de développement durable puissent être définies collectivement, de même que les actions à mettre en œuvre pour y répondre. Pour préparer le Congrès, l’UICN a adopté en novembre dernier 109 recommandations, issues du vote d’États et d’agences publiques d’une part, et d’ONG de toutes tailles d’autre part. Les recommandations émises par les membres de l’UICN présentent des solutions concrètes pour protéger, valoriser la nature et bâtir un monde plus durable. Elles peuvent influer sur les sociétés du monde entier, étant par exemple à l’origine de la convention du Patrimoine mondial de l’Unesco. Parmi les 14 recommandations préparées par les membres et experts du Comité français de l’UICN pour le Congrès, figurent par exemple la « conservation, restauration et gestion durable des écosystèmes de mangroves » ou « protéger les poissons herbivores pour une communauté corallienne plus prospère », des sujets phares pour la conservation de la nature en outre-mer. + d’info ici : Congrès mondial de la nature de l’UICN  En raison de la situation sanitaire, le Congrès est programmé dans un format hybride, entre participation présentielle et à distance.

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Pour consulter les actes et vidéos : Webinaire Sénat

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Comment se portent nos écosystèmes (récifs coralliens, mangroves et herbiers marins) ? L’IFRECOR publie un nouveau bilan de leur état de santé + d’info ici (lien vers l’étude) : Le bilan 2020 À l’occasion de la journée mondiale des Océans du 8 juin, l’Ifrecor et ses partenaires révèlent les chiffres clés d ’ une étude  1 au long cours s ’ appuyant sur cinq années de suivis des récifs coralliens , herbiers et mangroves dans l ’ outre - mer français . Sécurité alimentaire : dans le monde, la pêche dans les récifs coralliens fait vivre quelque six millions de personnes et représente une valeur de 6,8 milliards de dollars par an. Recherche médicale : la moitié de la recherche sur les médicaments contre le cancer est basée sur les organismes marins. Ils sont également utilisés dans le traitement de maladies comme le paludisme ou la dengue. Extrait d’une éponge des récifs de la Caraïbe, l’AZT est un médicament utilisé contre le VIH. Séquestration et stockage du carbone par les mangroves et les herbiers, qui jouent un rôle important dans la régulation du climat.

Rares et indispensables... Répartis sur moins de 1 % de la surface des océans, les récifs coralliens sont l’un des écosystèmes les plus anciens, les plus beaux et les plus riches de la planète. Avec près de 60 000 kilomètres de récifs coralliens, soit 10 % de la surface mondiale, répartis dans les trois océans, Atlantique, Indien et Pacifique, la France est le 4ème pays corallien au monde. Au-delà du réservoir de biodiversité qu’ils représentent, qui contribue à faire vivre plus du quart des espèces marines, et de l’attrait touristique de leurs paysages, ces écosystèmes rendent d’immenses services à l’homme : chaque année, c’est l’équivalent de 1,3 milliard d’euros apporté aux économies de neuf collectivités d’outre-mer, soit 12 000 sociétés, 50 000 emplois et plus de 175 000 ménages concernés.

Récifs coralliens, mangroves et herbiers marins : pourquoi nous sont-ils si utiles ? Protection côtière : les écosystèmes coralliens absorbent une grande partie (97 %) de l’énergie des vagues, réduisant les dommages sur les aménagements littoraux lors des événements météorologiques extrêmes.

DE PLUS EN PLUS MENACÉS Dans le monde, environ 50 % de la surface de corail vivant a disparu depuis les années 1870 et près d’un tiers des coraux sont actuellement menacés 2. Dans nos outre-mer, plus de 200 stations ont permis de suivre l’état des récifs : la situation la plus préoccupante se situe dans les territoires soumis à une forte pression démographique : dans les Antilles françaises et dans l’océan Indien (Mayotte, La Réunion). La majorité (62 %) des récifs évalués sur ces territoires sont dégradés, contre seulement 30 % dans les territoires moins densément peuplés du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française) et dans les îles Éparses de l’océan Indien.

Pourquoi une telle dégradation ? Le réchauffement climatique et la pollution sont les deux principales causes : de plus en plus vulnérables aux événements climatiques répétés, les récifs perdent leur capacité de résilience, et n’ont plus le temps de se reconstituer après un épisode de dégradation. S’y ajoutent les activités humaines (pollutions, pêche, sédimentation...) qui exercent une pression directe sur les récifs, réduisent leur résilience et amplifient leur destruction.

L’étude s’intitule État de santé des récifs coralliens, herbiers marins et mangroves des outre-mer français, Ifrecor, 2020. | 2 Source : Ipbes 2019.

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Malgré le peu de lumière, certains coraux vivent dans la zone crépusculaire. Ce paysage sous-marin fut photographié au large de Mayotte, à 80 mètres de profondeur. Les récifs coralliens sont l’un des écosystèmes les plus diversifiés, productifs et utiles de notre planète, mais aussi l’un des plus menacés. (Cette image a introduit l’exposition Outre-mer grandeur Nature sur les grilles du Jardins du Luxembourg du 19 septembre 2020 au 17 janvier 2021). © Gabriel Barathieu | www.underwater-landscape.com

Les études internationales mettent en avant que pratiquement tous les récifs coralliens tropicaux vont subir un recul notable de leur superficie : déclin de 70 à 90 % si le réchauffement est de 1,5 °C, et de plus de 99 % s’il est de 2 °C 3. Et au cours du 21ème siècle, 99 % des récifs coralliens du monde devraient connaître un blanchissement important dû au stress thermique 4.

l’acquisition des connaissances et les efforts d’éducation et de sensibilisation de tous les citoyens. En accord avec la communauté scientifique internationale 5, l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens) rappelle que les trois piliers de la survie des récifs coralliens sont l’atténuation du changement climatique, la réduction des pressions anthropiques directes et l’innovation pour renforcer la résilience.

LES PROTéGER EST VITAL La France s’est engagée à protéger 100 % des récifs coralliens dans les outre-mer français d’ici à 2025 ; 67 % le sont aujourd’hui, notamment dans les aires marines protégées. L’étude montre que les zones de protection les plus fortes ont déjà apporté des effets bénéfiques notables sur les populations de poissons et l’état des écosystèmes. La réduction des pressions issues des activités humaines à terre et en mer reste la principale marge de manœuvre pour sauver les récifs et maintenir les services qu’ils procurent : traitement des eaux usées, gestion des aménagements, promotion d’une agriculture respectant l’environnement, pêche durable… Il faudra également pérenniser, renforcer et améliorer la cohérence des différents réseaux de suivi des écosystèmes, poursuivre

Rapport IPCC 2019 - IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate. | 4 Gattuso et al, 2018. | 5 Kleypas et al, 2021. 3

« Ciel immense » en polynésien, Rangiroa est le 2ème plus grand atoll du monde avec un lagon long de plus de 80 kilomètres, mondialement reconnu pour la richesse de sa faune marine. (Une autre image présente dans l’exposition Outre-mer grandeur Nature). © Tim McKenna www.tim-mckenna.com | www.instagram.com/timmckenna


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Saint-Pierreet-Miquelon la fête de la Nature à travers mille et un regards Destinée à tout public, la 15ème édition de la fête de la N ature s’est déroulée du 19 au 23 mai  partout en france. Ce grand événement annuel,

La balade contée à travers la nature, organisée par l’équipe de bénévoles de l’association Croq’paroles.

qui permet à chacun de célébrer la nature et de vivre une expérience à son contact, a connu cette année encore un beau succès dans l’archipel.

François Hoccry, responsable de la Maison de la Nature et de l’Environnement : « Cette édition de la fête de la Nature a eu pour thématique « Mille et un regards ». En métropole comme dans les outre-mer, c’est un événement qui invite la population à participer à des animations gratuites pour reconnecter avec la nature à tout âge. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la Maison de la Nature et de l’Environnement coordonne cette manifestation et comme chaque année depuis huit ans, ce fut un vrai succès ! Une balade contée, une chasse au trésor avec cachettes géolocalisées, un temps d’échange sur les plantes sauvages utilisées chez nous il n’y a pas si longtemps dans des recettes ou comme remède, une animation de nuit, une initiation à la pêche à la mouche, une course d’escargots dans un jardin partagé… Un super programme qui a suscité une belle participation de la population et procuré mille et un sourires. »

L’initiation au tri des déchets proposée par l’Ademe.

Le centre aéré de Miquelon, la Maison des Loisirs, participe à la chasse au trésor préparée par l’OFB, en abordant d’une manière ludique les thèmes suivants : forêt boréale, bord de mer et déchets plastiques, transition énergétique...

L’atelier La Mie des Mots a organisé le 21 mai la soirée « La tête dans les étoiles » : observation du ciel, contes et légendes...

Parmi les autres animations, nous pouvons citer : l’initiation à la pêche à la mouche par la Fédération de Pêche, la course d’escargots ayant réuni des éléves du primaire dans le jardin de FNE, l’animation « Les plantes dans nos recettes et remèdes » à la résidence Pomme de Pré à Miquelon...


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Saint-barthélemy Deux précieux outils de suivi des TORTUES MARINES : le BILAN DE NIDIFICATION 2020 ET la pHOTO-identification Depuis 2001, les bénévoles de l’Agence territoriale de l’environnement (ATE) observent annuellement et à la loupe les allées et venues des tortues marines sur les plages de l’île. Bien que Saint-Barth ne soit pas un site de nidification majeur à l’échelle de la Caraïbe, plusieurs espèces de tortues tentent chaque année d’assurer leur descendance en venant déposer leurs œufs en haut des plages. À Saint-Barthélemy, ce sont principalement deux espèces de tortues marines qui fréquentent régulièrement les plages pour nidifier : la tortue verte et la tortue imbriquée. Le pic de fréquentation est observé sur la période de juillet à novembre. En 2020, 23 activités de ponte ont été observées mais toutes n’ont pas abouti : seules 13 d’entre elles ont été menées à terme, dont trois pontes de tortues vertes et 10 de tortues imbriquées ; les autres correspondent à des remontées avortées ou à des traces de tortues non identifiées. Depuis quelques années, le nombre de pontes recensé augmente, conséquence directe d’un effort de prospection lui aussi croissant grâce à l’implication d’une vingtaine de bénévoles à ce jour. Des suivis sont également réalisés pour connaître le taux de réussite des pontes, c’est-à-dire le nombre de « tortillons » qui parvient à prendre la mer après éclosion. Les tortues produisent plus d’une centaine d’œufs par ponte, elles les protègent en les enterrant dans le sable, à l’abris des prédateurs, mais elles repartent ensuite en mer en abandonnant les futurs tortillons à leur sort. En 2020, sur

les huit pontes observées, 688 bébés tortues ont atteint la mer et 162 n’ont pas survécu, dont 135 à cause de forts épisodes pluvieux. Ces observations annuelles contribuent à l’amélioration des connaissances de ces espèces, et sont indispensables à leur conservation. Comment mieux connaître les tortues de Saint-Barthélemy ? Combien sont-elles, quelles sont leurs habitudes, à quelles pressions anthropiques et naturelles doivent-elles faire face ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, l’ATE a lancé depuis avril 2020 une campagne de photo-identification des tortues vertes. Bénévoles, scientifiques mais aussi grand public sont ainsi invités à photographier les tortues qu’ils rencontrent : une image de chaque profil et une autre de l’individu entier vu de dessus. Ces photos, 4 702 à ce jour, sont intégrées à une base de données locale qui permet de recenser les individus présents autour de Saint-Barthélemy mais aussi, lorsque cela est possible, sont ajoutées à la base de données internationale TORSOOI, de façon à comparer les observations avec celles des îles voisines.

En haut : une petite tortue verte ou « tortillon » venant d’éclore. © ATE Ci-contre : une tortue luth regagnant la mer à Saint-Barthélemy. En effet, des pontes de tortues luth sont également observées, mais de manière beaucoup plus occasionnelle que les pontes de tortues vertes ou imbriquées. Cette année, le 20 mai puis le 30 mai, l’ATE a relevé les traces d’une tortue luth qui semble avoir pondu sur la plage de Saline. Si cela est avéré, la survenue de deux pontes de luth dans la même année est un événement très rare voire exceptionnel, car en général l’ATE observe plutôt chez cette espèce une ponte à Saint-Barthélemy tous les trois ou quatre ans. © Karl Questel

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Saint-martin

la brigade nautique aux côtés de la réserve pour veiller au respect de la réglementation

La Réserve naturelle nationale de Saint-Martin travaille régulièrement avec la brigade nautique de la gendarmerie. Des patrouilles ont ainsi lieu pour veiller à une pratique des activités humaines qui soit compatible avec les objectifs de la Réserve : interdiction de déranger les animaux, de pêcher, chasser, circuler en jet-ski... « Ce travail a vocation à s’inscrire dans le temps, en particulier le week-end, jours pendant lesquels la fréquentation des plaisanciers et des activités commerciales nautiques est plus importante. Il s’agit de « sensibiliser » les usagers à l’utilisation automatique des mouillages qui sont à disposition, afin de peu à peu bannir l’utilisation des ancres dans les sites classés pour notamment protéger les habitats des herbiers marins, sites d’alimentation privilégiés des tortues marines. C’est également en ce moment la saison de reproduction des baleines à bosse qui sont très présentes à proximité des côtes avec leur progéniture. Notre présence quasi permanente sur l’eau pendant cette période permet de limiter le nombre des navires qui s’improvisent « whale watchers » et qui pourraient mettre en danger ces animaux par manque de connaissance des techniques d’observation. Par ailleurs ce travail interservices démontre également que la conservation de l’environnement n’est pas seulement le fait des gestionnaires des espaces protégés mais que l’ensemble des “ polices ” se mobilisent pour sensibiliser et faire respecter la réglementation. » Nicolas Maslach, directeur de la RNN de Saint-Martin

Une journée organisée à Pinel, Tintamarre et au Rocher Créole, auprès des plaisanciers et des responsables d’activités commerciales. À gauche, Nicolas Maslach, directeur de la Réserve.


© Pierre Crouzier

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martinique Les martiniquais viennent en aide au Moqueur gorge blanche, oiseau menacé et emblématique de l’île Sur la presqu’ île de la C aravelle, le Parc naturel régional de la M artinique déploie des actions de protection en faveur du moqueur gorge blanche dans le cadre du projet Life Biodiv’om, coordonné au niveau national par la Ligue pour la protection des oiseaux et financé à 60 % par l’Union européenne. Le moqueur gorge blanche est un passereau des forêts sèches ou mi-sèches classé en danger d’extinction selon l’UICN, en raison de la prédation de ses œufs et ses poussins par le rat noir et la petite mangouste indienne. Les scientifiques ont découvert récemment que cet oiseau endémique de Sainte-Lucie et de la Martinique comptait deux sous-espèces différentes, à savoir une dans chacune de ces îles. Celle présente en Martinique réside uniquement sur la presqu’île de la Caravelle où, dans certaines zones, 100 % des nids sont prédatés, mettant en péril la survie de la sous-espèce. Face à cette menace, le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM) a initié au mois de mai

des actions pour contrôler les populations de prédateurs, notamment à travers l’installation de pièges A24. Après 40 jours de test sur 10 de ces pièges, 80 rats et mangoustes ont déjà été capturés. Composée de bénévoles et de salariés du Parc, la brigade de terrain dite « brigade Moqueur » va prochainement renforcer ce dispositif participatif de gestion des prédateurs, pour le déployer à plus grande échelle et ainsi sécuriser les nids du moqueur gorge blanche. Le PNRM travaille par ailleurs en concertation avec les acteurs locaux à la création d’un corridor écologique afin d’agrandir l’habitat de cet oiseau rare, dont la Martinique n’hébergerait plus aujourd’hui qu’environ 200 adultes reproducteurs.

La presqu’île de la Caravelle, seul habitat du moqueur gorge blanche en Martinique. © Laurent Juhel | PNRM

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© Rotary Club de GrandeTerre pointe des Châteaux

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guadeloupe SOLIDARITé POUR SainT-VINCENT ET QUALITé DE L’AIR EN GUADELOUPE Dans la Caraïbe, les regards sont tournés depuis le 9 avril vers l’île de Saint-Vincent, où le volcan la Soufrière est entré en éruption durant plusieurs semaines. Après 40 ans d’inactivité, les explosions à répétitions ont eu des conséquences catastrophiques pour les habitants de l’île. Des craintes de répercussions sur la qualité de l’air en Guadeloupe ont émergé à la suite de l’annonce mi-avril d’un indice ATMO dans le rouge par l’association Gwad’air, un phénomène lié à une brume de sable mais sans lien avec les éruptions de Saint-Vincent. La Guadeloupe reste mobilisée pour venir en aide aux Vincentais. la Brume de sable aux Antilles

Dans le nord de l’île principale de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les nombreuses explosions de la Soufrière ont entraîné un important dépôt de cendres et menacent gravement le secteur agricole. Sur cette zone « rouge » de proximité directe, soit un bon quart de l’île, la plupart des récoltes ont été détruites et les animaux d’élevage et domestiques sont menacés par la toxicité des résidus, le manque d’eau et de nourriture. Dans la précipitation des évacuations, les éleveurs ont dû dans un premier temps abandonner leurs troupeaux afin de se réfugier plus au sud.

Phénomène survenu en parallèle de ces événements volcaniques à Saint-Vincent mais indépendant, la Guadeloupe a connu mi-avril un épisode de brume de sable entraînant une importante dégradation de la qualité de l’air. Ces brumes arrivent du sud-est de l’archipel (les cendres volcaniques de Saint-Vincent ont, elles, été propulsées vers le nordouest de l’île sinistrée). Les phénomènes de brumes de sable sont fréquents entre mars et octobre et sont liés à l’apport de poussières venues du Sahara. Lorsque le seuil dit d’information et de recommandation est atteint, comme ce fut le cas les 16 et 17 avril derniers, le niveau de pollution dans l’atmosphère présente un risque immédiat pour la santé, même pour une exposition de courte durée. Des recommandations sanitaires sont alors émises ainsi que des mesures pour la réduction des émissions d’origines anthropiques qui amplifient le phénomène.

Les Caraïbéens se mobilisent pour leur venir en aide : convois de denrées alimentaires pour animaux, outils et matériel qui permettront de leur reconstruire des abris... « Aux côtés du réseau CaribVET, de l’AVPLG, de Vétérinaire pour tous, de l’Inrae et du Cirad, les Rotary Clubs de Guadeloupe et de Martinique ont décidé de venir en aide aux filières animales à Saint-Vincent et aux Grenadines. Cette opération orchestrée avec l’association Coreca va ainsi consister à acheminer début juin quatre conteneurs, soit environ 60 tonnes de marchandises. Ceci est rendu possible grâce à GMA, CMA CGM et au transitaire Safir et Melon, que nous remercions de leur précieuse contribution. La cagnotte en ligne continue sur https://dons-rotary-st-vincent. mystrikingly.com », rappelle Pascal L’Étang, vice-président du Rotary Club de Grande-Terre pointe des Châteaux. Le ministre de l’Agriculture de Saint-Vincent-et-les-Grenadines Saboto Caesar, a déclaré : « L’agriculture, la pêche, les infrastructures routières et autres se retrouvent en situation de catastrophe. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés affectent notre sécurité alimentaire et notre souveraineté. Les prix, l’accessibilité, la disponibilité des produits alimentaires sont menacés ». Les Nations Unies ont lancé un appel de fonds de 29,2 millions de dollars pour soutenir le pays.

© Guadeloupe La 1ère

Des Opérations de solidarité

Thierry Jimonet, chef du centre Météo-France de Guadeloupe, présente devant les caméras de Guadeloupe La 1ère la modélisation des deux phénomènes distincts : en bas à gauche, le panache de cendres propulsé depuis Saint-Vincent vers le nord-ouest ; sur la partie droite, les moutons de sables du Sahara arrivant du sud-est vers les Antilles.


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un intéressant retour d’expérience en guadeloupe sur la gestion des sargasses de la plage de la saline Didier Lambert, chargé de mission Aménagement et gestion à l’antenne de Guadeloupe du Conservatoire du littoral, est l’auteur de cet article.

En Guadeloupe, le choix a été fait de ne pas procéder à l’évacuation des sargasses échouées sur la plage de la Saline. Sans nier les conséquences sanitaires, économiques et écologiques des échouages massifs de sargasses aux A ntilles, ni prétendre pouvoir généraliser ce retour d’expérience, ce dernier montre que le non-interventionnisme peut parfois s’avérer pertinent dans certaines situations 1. Localisé à l’est de la commune du Gosier entre Pointe Canot et la Pointe du Petit Havre, le site de la Saline trouve son caractère remarquable par la présence de l’une des plus vastes zones humides de la Grande-Terre. Cette mangrove captive d’une vingtaine d’hectares, renfermée par un cordon sableux, joue un rôle important dans le maintien de la qualité des eaux littorales et dans l’accueil de l’avifaune. Également apprécié par la population pour sa longue plage de sable blanc et les eaux turquoise de son lagon, le site est utilisé pour des activités récréatives et nautiques. Le cordon sableux est coiffé d’une végétation pionnière qui durant des années, a été durement impactée par une fréquentation anarchique : piétinement de la végétation, coupe de bois, feux au sol… Cette réduction du couvert végétal a fragilisé cet espace qui, de par sa morphologie de dépression littorale, constitue déjà une zone fortement exposée à l’érosion et aux surcotes marines en cas d’aléas majeurs, comme les tempêtes et houles cycloniques.

Les premières arrivées massives de sargasses sur le site datent de 2011. Sa position de baie exposée aux courants marins en fait un lieu propice à l’échouage de radeaux dérivant le long de la côte Atlantique. En dépit d’un environnement immédiat peu urbanisé, les autorités ont alors opté pour le ramassage des algues afin de préserver les usagers et les populations riveraines des quelques lotissements avoisinants, de la gêne olfactive provoquée par les émanations d’hydrogène sulfuré (H2S). Compte tenu de l’importance des échouages ne permettant pas une collecte manuelle, les premières interventions ont été réalisées à l’aide d’engins lourds de BTP. Ce matériel s’est avéré inadapté aux enjeux du milieu : prélèvements importants de sable, compactage du substrat, piétinement de la végétation, modification de la topographie du cordon… Le séchage par l’étalement des algues ramassées en arrière-plage tel que recommandé par la DEAL, n’a pu être envisagé du fait du boisement de l’arrière-plage.

À distance suffisante notamment des zones habitées ou des infrastructures touristiques.

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Une partie des algues a ainsi été mise en tas en lisière de mangrove ou encore étalée sur la zone de stationnement et le chemin d’accès, qui ont été réquisitionnés temporairement en zones d’épandage, mais dont les surfaces étaient très insuffisantes. Face aux enjeux écologiques importants en matière de recul du trait de côte, de la configuration du site ne permettant pas une mise en œuvre des recommandations des autorités, et enfin de l’absence de site alternatif d’épandage, le Conservatoire du littoral et la commune du Gosier gestionnaire du site, ont entrepris en 2017 de mettre fin temporairement aux interventions de ramassages des algues. Un arrêté municipal a été pris pour y interdire les activités de baignade et nautiques. En parallèle, les ramassages se sont poursuivis sur les autres sites balnéaires de la commune afin de réorienter les usagers vers ceux-ci.

© Conservatoire du littoral

La même année, à la suite du passage du cyclone Maria, la plage a subi un important recul du trait de côte et une destruction de sa végétation causés par la houle cyclonique. Les premières sargasses viendront s’échouer sur le sable quelques mois plus tard, pour former des tas épais en bordure de plage venant bloquer la remontée d’algues

supplémentaires et limiter le départ du sable en le protégeant des vagues. En effet, au fur et à mesure des échouages, les algues les plus éloignées de l’eau perdent de leur volume et, mélangées au sable, forment peu à peu un tapis épais et spongieux (agglomérat) qui une fois séché, façonne un substrat fixe et enrichi en matière organique qui rentre dans la composition du cordon. Ainsi, durant les trois années qui suivront, la plage préservée de l’érosion marine par les échouages d’algues, se réengraissera pour former en 2020 une accrétion de sédiments de plus d’une dizaine de mètres de large. Aujourd’hui, sur le site, le substrat enrichi par la décomposition des algues favorise une recolonisation ponctuelle de la végétation pionnière, d’une part, par le développement des strates rampantes et herbacées présentes et, d’autre part, par la germination d’une partie du stock de graines contenue dans les radeaux de sargasses. L’expérience du non-interventionnisme sur les échouages de sargasses, complétée par une diminution de la fréquentation du site, a finalement permis au cordon sableux de la Saline de se régénérer et ainsi de renforcer sa fonction de protection de la mangrove captive, dont l’équilibre pourrait être fortement menacé par le recul du trait de côte engendré par les changements climatiques.

La plage de la Saline photographiée en mai 2018 (à gauche) puis en septembre 2020 (ci-dessous). Ces deux images montrent qu’en l’absence d’enlèvement de sargasses au cours de cette période, le site ne s’est pas détérioré, au contraire : on y observe même une progression du trait de côte et une revégétalisation du haut de plage.

Selon Alain Brondeau, délégué Outre-mer au Conservatoire du littoral, « il est possible que les “explosions” récentes de sargasses aux Antilles soient liées au réchauffement climatique, c’est en tout cas une hypothèse scientifique. D’un autre côté, ces échouages peuvent aider à limiter un autre effet du changement climatique, qui est l’érosion du trait de côte, comme une sorte de mécanisme de “ régulation naturelle ”... ».


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Une mine d’or en exploitation dans la forêt équatoriale au Guyana, à quelques centaines de kilomètres du site Montagne d’or.

DOSSIER

guyane Du projet de LOI CLIMAT ET RéSILIENCE à L’AVENIR De PROJETs tels que MONTAGNE D’OR

Depuis plusieurs années, la « Montagne d’or » suscite débats, soulèvements militants et rebondissements politiques et juridiques. En mai 2019, le gouvernement français s’était officiellement opposé au projet, ne le considérant « pas compatible avec une ambition écologique et en matière de biodiversité ». Mais à ce jour, l’État n’est toujours pas en mesure d’enterrer définitivement la perspective de cette exploitation minière en Guyane. La loi Climat et résilience pourra-t-elle apporter une clé de sortie à cette impasse ? En pleine forêt amazonienne, les deux concessions du projet d’exploitation aurifère industrielle de la Montagne d’or s’étendent sur 40 km2 à Saint-Laurent du Maroni et Apatou, entre deux réserves biologiques à très forte valeur écologique. Le projet entraînerait le déboisement de plus de 1 500 hectares de forêt, dont environ un tiers de forêt primaire, en vue du traitement par cyanuration en circuit fermé d’un gisement de 85 tonnes d’or pendant 12 ans. Le 9 avril, les députés ont adopté les articles relatifs aux activités minières du projet de loi Climat et résilience, « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ». Ce projet de loi intègre des mesures relatives à la refonte du Code minier, un peu poussiéreux puisque créé en 1956 et réformé pour la dernière fois en profondeur en 1994. Cela fait maintenant 10 ans que les gouvernements successifs abordent la question des réformes du Code minier, considérées comme urgentes et indispensables au regard notamment des exigences du Code de l’environnement, mais en vain, jusqu’ici.

Pourquoi faut-il réformer le Code minier ? Actuellement, le Code minier oblige l’État à délivrer systématiquement une concession, ou titre minier, à une entreprise qui en fait la demande. Cette autorisation est délivrée au regard des capacités techniques et financières de l’exploitant. L’obtention d’un titre minier seul ne donne pas le droit à l’entreprise d’initier les travaux : elle doit pour cela

disposer d’une autorisation préfectorale ou avoir émis une déclaration administrative de travaux validée par le préfet du département. C’est à ce moment-là seulement que l’impact de l’exploitation minière sur l’environnement est pris en considération. À ce jour, l’État ne dispose donc pas des outils législatifs nécessaires pour refuser l’octroi d’une concession minière à une entreprise. Cela explique l’incapacité actuelle du gouvernement à s’opposer en toute légalité au renouvellement des concessions de la compagnie minière Montagne d’or (CMO) 1. Ainsi, le 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Cayenne a enjoint au gouvernement de procéder dans les six mois au prolongement des concessions minières de la CMO et d’en fixer la durée. L’État a déposé un recours à ce sujet en début d’année.

Que prévoit le projet de loi Climat et résilience relativement à l’activité minière ? La loi Climat et résilience, censée traduire dans la législation les propositions de la Convention citoyenne pour le climat 2 – qui a réuni 150 personnes représentatives de la diversité de la société française tirées au sort – propose deux articles relatifs au Code minier : • l’article 20 porte principalement sur « l’après-mine », c’està-dire sur la responsabilité des sociétés minières en termes de réparation des dommages environnementaux causés par leurs activités passées. L’article impose à l’exploitant des réparations sur l’environnement, pour une durée pouvant aller

1  Il s’agit d’une joint-venture entre la société junior canadienne Orea Mining d’exploration et de développement de l’or, et le groupe minier russe Nordgold, chargé de l’extraction. | 2 La Convention citoyenne pour le climat propose des mesures pour répondre à une question : « comment atteindre « une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale » ?

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jusqu’à 30 ans suivant la fin des travaux d’exploitation. • l’article 21 propose de réformer le Code minier en s’appuyant sur des ordonnances gouvernementales qui seront adoptées dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi. Ces ordonnances devront par exemple permettre d’améliorer les procédures de concertation en amont, « en renforçant l’association des communautés d’habitants aux décisions sur les demandes de titres ou d’autorisations miniers en Guyane ». Certaines mesures ont pu tout de même être inscrites « en dur », directement dans le projet de loi, sans attendre les ordonnances : en particulier la soumission de l’octroi des titres miniers à une analyse économique, environnementale et sociale, ainsi que la possibilité de refuser un titre minier sur la base de critères environnementaux.

Des perspectives encourageantes pour les militants et citoyens engagés dans la défense de l’environnement en Guyane ? Le gouvernement se montre en effet enclin à réajuster le cadre législatif pour mieux encadrer les activités minières. Il souhaite prendre en compte, de bout en bout, les incidences sociales et environnementales des exploitations : renforcement de la concertation locale, encadrement plus strict pour l’obtention des titres miniers ou encore étendue des garanties financières pour assurer la restauration des sites « après-mine ». Le projet de loi Climat et résilience propose également de renforcer clairement les sanctions à l’encontre des orpailleurs illégaux en Guyane : cinq ans d’emprisonnement, 100 000 euros d’amende, et une peine complémentaire d’interdiction de territoire pour les orpailleurs étrangers. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé le 9 avril que « Barbara Pompili mobilisera, jusqu’à la fin du quinquennat et sur les crédits du ministère de la Transition écologique, les financements nécessaires pour augmenter de 50 % les interventions par hélicoptère pour intercepter des orpailleurs illégaux dans le cadre de l’opération Harpie ».

soient prises durant le quinquennat actuel – quid des axes politiques du prochain gouvernement ? Par ailleurs, les membres de la Convention citoyenne pour le climat avaient formulé la demande « d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane ». Le projet de loi Climat et résilience ne répond pas à cette demande, le ministère de la Transition écologique et celui des Outre-mer soutenant plutôt le choix d’un développement encadré et durable pour la filière aurifère en Guyane. Enfin, des amendements ont été proposés pour interdire l’usage du cyanure dans l’industrie minière, mais ils n’ont pas été adoptés. L’une des raisons invoquées est que l’arrêt de l’activité de cyanuration viendrait favoriser l’orpaillage faisant usage du mercure, une activité interdite en Guyane depuis 2006. La loi Climat et résilience pourrait permettre à l’État de refuser, de manière légale cette fois, le renouvellement des titres miniers de la CMO. Mais des incertitudes planent encore sur la faisibilité de futurs projets de mines d’or d’ampleur industrielle en Guyane, comme celui nommé « Espérance », en cours d’instruction. La filière aurifère devrait poursuivre son développement dans le territoire guyanais, avec à terme tout de même, un poids plus important donné aux questions environnementales.

+ d’info ici : Le projet de loi

Montagne d’Or

Quant aux membres de l’opposition, et à certains militants et défenseurs des droits sociaux et environnementaux, ils restent assez sceptiques. Ils soulignent tout d’abord que ces mesures relèvent simplement d’un rattrapage du droit minier, qui serait enfin à niveau avec le Code de l’environnement. Ensuite, le format proposé pour adopter ces réformes n’est pas toujours bien compris : le recours à des ordonnances par l’exécutif, donc sans débat parlementaire classique. En théorie, il serait donc tout à fait possible que certaines ordonnances ne voient jamais le jour, d’autant plus qu’il n’y a pas de contraintes à ce que les décisions La localisation du très controversé projet Montagne d’Or, dans les communes de Saint-Laurent du Maroni et Apatou. © carte IGN


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Les dates-clés du projet Montagne d’Or

2020 20 juin

2016 Juillet Création du collectif citoyen « Or de question », opposé aux projets industriels d’exploitation minière en Guyane.

Décembre La compagnie Montagne d’Or (CMO), consortium minier du groupe russe Nordgold et de la société canadienne Colombus Gold, demande la prolongation pour 25 ans de la concession minière non exploitée « Montagne d’Or ».

La Convention citoyenne pour le climat demande l’adoption immédiate d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane : « L’intention des membres est d’interdire la délivrance de nouveaux permis miniers en Guyane ». (Les propositions de la CCC – page 131)

24 décembre Le tribunal administratif de Cayenne enjoint à l’État de prolonger les concessions minières de la compagnie Montagne d’Or dans un délai de six mois. La justice estime que le rejet implicite évoqué par le gouvernement n’est pas suffisant et présente un « défaut de contestation sérieuse . Le juge administratif considère que la CMO « présente suffisamment d’éléments justifiant de ses capacités techniques et financières pour exploiter les concessions ».

2018 Septembre La même demande de prolongation est faite par la CMO pour la concession minière non exploitée « Élysée ».

Du 30 novembre au 14 décembre Une consultation est ouverte suite aux deux demandes de prolongation des concessions minières émises par la CMO – https://urlz.fr/ftGe

2019 21 janvier

2021 25 janvier En réponse à la décision du tribunal administratif, le gouvernement dépose ses premières requêtes auprès de la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

3 février Le gouvernement réaffirme publiquement son opposition : « le projet Montagne d’Or tel qu’il a été présenté n’est pas compatible avec ses ambitions en matière d’environnement ».

10 février

Le ministre des finances Bruno Le Maire rejette implicitement la demande de prolongation déposée par MCO pour la Montagne d’Or, en s’appuyant sur le dépassement du délai réglementaire d’instruction : cette demande devait être instruite sous deux ans.

À l’issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi Climat et résilience est présenté en Conseil des ministres par Barbara Pompili. Il intègre notamment la réforme du Code minier. Le Sénat doit désormais entamer l’examen du projet de loi en séance publique à partir du 14 juin.

6 mai

9 avril

Le président de la République française Emmanuel Macron déclare : « de manière très claire aujourd’hui, l’état de l’art du projet ne le rend pas compatible avec une ambition écologique et en matière de biodiversité ».

23 mai La tenue du premier Conseil de défense écologique est l’occasion pour le gouvernement d’annoncer l’annulation du projet minier Montagne d’Or, « jugé incompatible avec nos exigences environnementales ».

Les deux articles relatifs à l’exploitation minière du projet de loi Climat et résilience sont adoptés par les députés : - l’article 20 relatif à la responsabilité environnementale des exploitants après la fermeture de leur exploitation ; - l’article 21 qui prévoit une refonte du Code minier par voie d’ordonnances de l’exécutif dans un délai de 18 mois.

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l’afd accompagne le déploiement des énergies renouvelables en outre-mer Présent de longue date dans les territoires ultramarins français, le groupe AFD soutient le développement des énergies renouvelables (hydraulique, de biomasse, solaire, éolienne, géothermique) dans ses zones d’intervention, afin de réduire la part d’énergies fossiles utilisée pour la production électrique. Il le fait à travers ses financements, mais aussi en engageant des dialogues de politiques publiques avec les gouvernements des États étrangers, comme avec les collectivités territoriales ultramarines. Focus sur quelques-unes de ses actions en outre-mer côté Atlantique puis dans l’océan Indien, à Mayotte. Dans le cadre de l’Accord de Paris et de l’Agenda 2030, le groupe AFD appuie les grandes transitions 1 dont la transition énergétique. Pour rappel, l’Agenda 2030 a été adopté en septembre 2015 par les 193 États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU). Il dessine une feuille de route s’articulant autour de 17 Objectifs de développement durable (ODD) et de six grandes transitions dont la réussite

permettra de réaliser ces ODD. La transition énergétique ambitionne d’accroître la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial et d’atteindre, à terme, la neutralité carbone. Cet engagement essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique concerne tous les pays du monde et impose une croissance rapide des énergies renouvelables dans les mix énergétiques 2 des territoires.

DANS L’OUTRE-MER FRANÇAIS DU BASSIN ATLANTIQUE ET DANS LES ÉTATS VOISINS  3

Actuellement dans les départements français d’Amérique, la production électrique demeure encore très carbonée, malgré les efforts qui ont été engagés depuis quelques années. En Martinique et en Guadeloupe, 75 % de la production d’électricité est encore issue d’énergies fossiles. Et en Guyane, le mix énergétique est plus décarboné grâce à la part importante de l’hydraulique dans la production (autour de 55 %). Cette croissance des énergies renouvelables dépasse bien entendu nos outre-mer. Plusieurs États étrangers de la région ont mis en place un cadre règlementaire et législatif indispensable pour sécuriser les acteurs, notamment privés, dans leurs projets d’investissements. Les demandes de financements de projets d’énergie verte dans ces territoires sont de plus en plus nombreux. Le groupe AFD, banque publique de développement au service des objectifs de développement durable, joue un rôle de facilitateur pour la transition énergétique aux côtés de ses partenaires publics et privés.

Inauguré en juin 2019, le parc éolien PECASA en République dominicaine, un projet exemplaire pour toute la zone caraïbe.

Deux projets récents illustrent l’essor des énergies vertes dans cette région : une ferme solaire de 51 mégawatts en Jamaïque construite par Neoen et un champ éolien de 52 mégawatts en République dominicaine construit par Akuo. Ces deux projets portés par des groupes français ont fait l’objet d’un accompagnement financier de Proparco, filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé.

À savoir ces transitions : politique et citoyenne ; écologique ; sociale et démographique ; économique ; numérique et enfin énergétique.  La répartition des différentes sources d’énergies primaires. | 3 Le groupe AFD est présent au niveau régional dans les États suivants : Haïti, République dominicaine, Guyana, Suriname, Dominique, Jamaïque, Cuba, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Grenade.

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© Grand Rivière Éolien Stockage Service | Photo page précédente : © Akuo Energy

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Le parc éolien de Grand’Rivière en Martinique.

Le parc éolien PECASA, République dominicaine

La ferme éolienne GRESS, Martinique

Le prêt de Proparco de 15 millions de dollars a permis de financer la construction, par la société de projet Parque Eolicos del Caribe S.A. contrôlée par Akuo Energy, d’un parc éolien d’une capacité de 52 mégawatts à El Copey, à 260 kilomètres au nord-ouest de Saint Domingue, l’une des régions les plus ventées du pays. Il s’agit de la première intervention de Proparco dans le secteur de l’énergie en République dominicaine. Le projet aura des impacts significatifs sur l’amélioration et la diversification du mix énergétique local et permettra de réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles. Le parc éolien permettra d’éviter un important volume d’émissions de gaz à effet de serre, à hauteur de 78 000 tonnes équivalent CO2 chaque année.

Soutenu à hauteur de 9,1 millions d’euros par le groupe AFD, ce projet vise à diversifier les sources d’approvisionnement électrique de la Martinique via la construction et l’exploitation d’une ferme éolienne, d’un dispositif de stockage et d’un système anticyclonique, sur une durée de 15 ans. Le projet se situe sur une plantation cannière de 60 hectares à Grand’Rivière au nord de l’île. La mise en service industrielle du site a débuté en janvier 2019. GRESS devient ainsi la plus grande unité éolienne avec stockage des Antilles françaises raccordée en un point unique du réseau. Les 37 gigawatts-heure d’électricité produites concourent à sécuriser une production électrique et à satisfaire une consommation moyenne de 10 000 foyers martiniquais, soit près de 5 % de la population. L’électricité ainsi générée permet d’économiser 8 500 tonnes de fuel par an, et de réduire de 28 000 tonnes les émissions de CO2 chaque année.

La centrale solaire Savane des Pères, Guyane L’accompagnement du groupe AFD a pour nature le financement à hauteur de cinq millions d’euros de l’exploitation d’une centrale solaire au sol d’une puissance de 3,8 mégawatts. Inaugurée en octobre 2019, cette centrale intègre un dispositif de stockage de l’énergie produite qui permet d’injecter le courant dans le réseau guyanais lorsque la demande est la plus forte, et ainsi de pallier l’intermittence caractéristique de cette énergie. Situé sur une ancienne décharge communale de 4,75 hectares à Sinnamary, le projet permet par ailleurs la réhabilitation d’un site dégradé. Le groupe français Voltalia, associé à la Caisse des dépôts et consignations au sein de la holding actionnaire de ce projet, est développeur et constructeur de la centrale, dont il assure également l’exploitation et la maintenance.

La centrale Savane des Pères, conçue pour satisfaire durablement la demande en électricité dans les communes du littoral.

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DÉVELOPPER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES À MAYOTTE Située à mi-chemin entre le continent africain et Madagascar, Mayotte a franchi une étape déterminante pour son avenir en devenant le 101 ème département français le 31 mars 2011. Le développement économique et social du territoire accuse de lourds retards dans de nombreux domaines, qui sont autant de facteurs de blocage que de sources de croissance. Malgré sa petite taille, l’île figure parmi les « hotspots » de la biodiversité mondiale dont la préservation apparaît particulièrement urgente. Depuis 2009, l’agence AFD de Mamoudzou s’engage pleinement auprès des acteurs locaux pour dessiner et soutenir une trajectoire de développement durable qui profite à tous. Suivant son

témoignage Moustoipha ABOUBACAR chargé de mission E nvironnement et T ransition É cologique à la C ommunauté de communes du sud de M ayotte (CCS ud )

objectif d’encourager les politiques publiques en faveur de l’atténuation des effets du changement climatique et de la protection de l’environnement, elle soutient financièrement les acteurs qui s’appliquent notamment à diversifier le bouquet énergétique du département. Avec une part atteignant un peu plus de 5 % du mix énergétique, les énergies renouvelables demeurent insuffisamment déployées à Mayotte. Le verdissement de ce mix constitue par conséquent l’un des défis majeurs que les acteurs devront relever dans les prochaines années. Pour accompagner cette transition, l’AFD intervient également en appui à la construction de stratégies de développent décarbonées en apportant des subventions pour la réalisation d’études, à l’instar des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) de quatre intercommunalités. Par ces outils, l’AFD contribue à l’essor de projets vertueux pour le territoire via un accompagnement durable de ses partenaires vers la transition énergétique.

(CCSud et ses communes membres), les partenaires techniques et financiers (AFD, etc.), le tissu associatif, mais aussi les acteurs socio-économiques locaux. Au total, une centaine d’actions sera portée à l’échelle intercommunale sur une période de six ans, avec une mobilisation financière nécessaire évaluée à moyen terme à 1,6 million d’euros. L’AFD nous accompagne dans cette transition depuis la création de la CCSud au travers de plusieurs conventions déjà contractualisées. Des projets structurants sont ainsi portés dans le sud de l’île, dont notamment : - la réalisation d’un cadastre solaire indiquant le potentiel solaire de chaque bâtiment dans toute la CCSud ;

Projet photovoltaïque installé dans la CCSud, à la MJC de Bouéni.

- une étude de faisabilité en vue de l’installation d’une unité multi-intrants de méthanisation, permettant de valoriser les déchets agricoles en biogaz, source d’énergie renouvelable ; - le démarrage imminent d’un projet de mobilité électrique : l’utilisation de véhicules électriques alimentés par des bornes de recharge photovoltaïques en autoconsommation, soit 10 bornes à recharge solaire réparties sur cinq sites, dont le siège de la CCsud et les communes membres ;

- « Je suis chargé de la mise en œuvre et du suivi du PCAET dans la CCSud, où une véritable politique de transition énergétique est en place. Cela se traduit concrètement par une planification des actions au travers de notre PCAET, un outil opérationnel de coordination de cette transition énergétique en faveur de la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air, ainsi que de l’adaptation du territoire aux effets attendus du climat.

- la rénovation du bâtiment annexe de la CCSud, à travers une isolation des combles en laine de verre et la pose de luminaires à détection de présence, venant limiter les consommations électriques d’origine fossile ;

Les actions développées sur le territoire intercommunal du sud de Mayotte s’inscrivent dans une concertation institutionnelle mobilisant l’ensemble des collectivités concernées

- la mobilisation des communes du sud dans le déploiement de l’éclairage solaire, sachant que de nombreuses réalisations existent déjà, à Kani-Kéli, à Chirongui… ».


© Nicolas Hienly | CAPAM

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mayotte

Le parc naturel marin en action pour une pêche durable Afin de préserver durablement les richesses naturelles du lagon, qui est l’un des plus grands du monde, l’équipe du Parc œuvre quotidiennement dans le secteur de la pêche, en proposant des actions concrètes. • Quelles principales actions menez-vous en ce moment pour favoriser une pêche respectueuse des ressources ?

INTERVIEW christophe fontfreyde, directeur délégué des parcs naturels marins de Mayotte et des Glorieuses • Quelles sont les spécificités de la pêche mahoraise ? - Une flotte de pêche très artisanale se développe dans le lagon, avec à peu près 200 barques et 600 pirogues qui ramènent chacune entre 40 et 80 kg de poissons par jour. C’est une pêche à l’hameçon, à la palangrotte, une technique plutôt protectrice. Dans le lagon, il est interdit de pêcher au fusil et la pêche au filet demeure heureusement très marginale. Ainsi le lagon, certes sous pression (démographie, pollutions, changement climatique), tient encore le choc. Ici la pêche est surtout vivrière, et les ventes s’avèrent souvent informelles. On peut observer des points de débarquements un peu partout : plages, embouchures des rivières... Les Mahorais ont besoin de cette pêche artisanale que nous suivons de près, d’autant que nous gérons ici le Système d’informations halieutiques (SIH) 1, qui permet d’évaluer la pêche et les ressources, pour mieux les préserver. Mais en termes de professionnalisation des pêcheurs et d’installation de quais de débarquement, tout reste à construire.

Pour soulager la pression de pêche dans le lagon, une initiative importante va avoir lieu cette année : la pose de 15 dispositifs de concentration de poissons (DCP), qui vont être ancrés dans les cinq nautiques à l’extérieur de la barrière de corail, de façon à inciter les pêcheurs à sortir du lagon pour aller pêcher, toujours à l’hameçon, des espèces pélagiques. Ces DCP sont actuellement en fin de construction à La Réunion et devraient nous être livrés en juin ou juillet. Ils vont être posés dans la foulée. Notre idée est en effet de dire : plutôt que d’interdire la pêche dans le lagon, proposons des solutions alternatives pour concilier pêche et biodiversité. C’est bien l’idée qui sous-tend le Parc marin : développer en protégeant et protéger pour développer. En ce qui concerne la pêche à la senne dans la ZEE de Mayotte en dehors du lagon, notre conseil de gestion préconise l’interdiction des DCP dérivants, qui mettent en péril la biodiversité marine. Si cette décision était prise, cela permettrait en termes d’image de montrer l’exemple dans l’océan Indien, région où le thon albacore est en état de surpêche, mais aussi de diminuer dans la ZEE les prises accessoires. En effet les senneurs, en cerclant les bancs de thons, capturent de nombreuses autres espèces que nous aimerions protéger, par exemple des dauphins, des tortues et parfois même des baleines, des animaux par ailleurs emblématiques pour le tourisme nautique durable à Mayotte. Autre exemple d’action : nous allons lancer cette année une grande campagne de suivi des ressources halieutiques par caméras posées au fond de l’eau sur des trépieds, en différents points. Grâce à ce système développé par l’Ifremer, les récifs éloignés vont être explorés : la Zélée à Mayotte et, en partenariat avec le parc limitrophe des Glorieuses, le Geyser et l’île du Lys. Nous aurons ainsi un continuum de suivi par caméras dans des lieux qui, on le sait, sont braconnés. L’impact de ce braconnage sur les espèces pourra être estimé. C’est une première à Mayotte, et la deuxième mission de ce type aux Glorieuses pour voir l’évolution cinq ans après, avant de passer la main à la future Réserve naturelle.

La gestion du SIH est réalisée par l’Ifremer dans tous les autres départements français.

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+ d’info ici : PNM de Mayotte

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© Romy Loublier

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Création de la RéSERVE naturelle nationale des foRêTS DE MAYOTTE et plan de reboisement

Créée par décret le 3 mai, la Réserve naturelle nationale des forêts de Mayotte est l’aboutissement d’un large processus de consultation initié en 2017 : gestionnaires locaux, comités et conseils nationaux, collectivités mahoraises, grand public et ministères. Sa création concourt à l’objectif fixé à l’échelle nationale d’atteindre 10 % de protection forte pour les espaces naturels français dès 2022. Petit territoire de 374 km2, Mayotte n’en abrite pas moins une biodiversité exceptionnelle et présente des taux d’endémismes remarquables. Dans une motion d’alerte publiée le 5 janvier, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et le Conseil scientifique du patrimoine naturel (CSPN) de Mayotte lançaient un cri d’alarme au sujet des « dégradations irréversibles en cours de la biodiversité de Mayotte ». Le document rappelait le bilan de la flore vasculaire locale, dressé en 2020 par le Conservatoire botanique national de Mascarin, qui « fait état d’une richesse de 719 espèces indigènes, dont 59 strictement endémiques de Mayotte, avec un taux d’espèces menacées atteignant 45 % de cette flore indigène ! » La motion faisait également écho à une lettre ouverte du comité français de l’UICN, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme en juin 2020 à propos de la déforestation à Mayotte, « département subissant le taux le plus élevé de perte du couvert forestier en France (...) Le département a subi entre 2011 et 2016, un défrichement de 6,7 %, 1400 hectares de terres boisées ont disparu ». La nouvelle réserve nationale, qui couvre 2 801 hectares sur six massifs forestiers difficiles d’accès, était donc très attendue. Elle se concentre principalement autour des îlots naturels de forêts hygrophiles et mésophiles sur les monts et crêtes de Mayotte, l’objectif étant de préserver ces précieuses reliques de forêts dites « primaires », mais aussi de restaurer la fonctionnalité des forêts secondaires limitrophes qui ont déjà subi d’importantes perturbations d’origine humaine. Le patrimoine forestier de l’île aux parfums connaît en effet de fortes dégradations liées à l’extension non maîtrisée et non encadrée de l’agriculture (brûlis notamment)

dans un climat d’insécurité qui limite fortement les capacités de surveillance et de contrôle des autorités. D’importants moyens sont par conséquent déployés pour faire appliquer la réglementation de la réserve : la future structure gestionnaire sera dotée d’un budget de l’ordre de 450 000 euros par an, qui lui permettra de financer les postes d’agents chargés en particulier de missions de surveillance (11,5 équivalents temps plein) en bénéficiant d’un programme d’équipement et de formation renforcé. Les interdictions concernent les exploitations forestières, minières ou de carrières, l’élevage, la chasse, la pêche, les constructions et aménagements, la circulation et le stationnement de véhicules motorisés, ainsi que le camping et le bivouac. Des exceptions sont prévues pour les interventions de gestion, de secours et les suivis scientifiques ; l’importance des volets sensibilisations, valorisation et connaissance a par ailleurs été identifiée. Avec le soutien de fonds européens Feader, le Conseil départemental de Mayotte et l’Office national des forêts lancent en parallèle un plan de reboisement des bassins versants. Complémentaire à la création de la réserve, ce plan ambitieux offre un moyen supplémentaire de lutter contre la déforestation et les pertes de biodiversité. De plus, il est attendu du reboisement des 150 premiers hectares, prévu d’ici 2023, une économie de près de 700 000 m3 d’eau dans les rivières mahoraises en saison sèche. Préservation de la biodiversité forestière, influence sur le cycle de l’eau, impact positif sur l’érosion des sols, sur la qualité des eaux et des habitats du lagon, la conservation des forêts joue un rôle transversal face aux enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux majeurs pour Mayotte. + d’info ici : Dossier de presse


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Wenka culture, des chantiers d’insertion professionnelle au service de l’environnement Sous l’impulsion de jeunes dynamiques du quartier prioritaire de Lazérévouni à Kawéni, l’association Wenka Culture, créée en 2008 et membre de la FMAE, intervient dans plusieurs domaines dont celui de la protection de l’environnement. Depuis trois ans, l’insertion professionnelle à travers la collecte et la valorisation des déchets est devenue l’une de ses principales activités. Soutenue par 170 adhérents, Wenka Culture emploie une quarantaine de salariés en insertion de 25 à 60 ans, ainsi que 25 volontaires en service civique (VSC). L’association propose notamment des opportunités de débouchés professionnels à des personnes sans emploi ni diplôme. Une partie des salariés en insertion intervient du lundi au vendredi dans le village de Kawéni, avec pour missions : le nettoyage des rues et des espaces publics y compris dans les zones difficiles d’accès ; l’enlèvement des déchets issus des activités de l’association jusqu’au quai de transfert de Hamaha ; l’entretien et l’embellissement des espaces verts du village, mais également des berges de rivières et des cheminements piétons. En parallèle de ces interventions, les VSC mènent des actions de terrain pour sensibiliser les habitants de Kawéni à l’environnement de manière globale, en mettant l’accent sur les effets de la pollution environnementale sur notre santé, le tri sélectif et l’importance du cadre de vie. Wenka Culture permet ainsi à des jeunes de 16 à 25 ans d’être formés en bénéficiant d’un suivi individualisé, d’acquérir une expérience enrichissante et de mûrir leurs projets. « Ces missions de service civique sont un engagement citoyen reconnu et valorisé, une réelle chance de se rendre utile tout en préparant son avenir », estime Anli Tadjidine, coordinateur socio-professionnel à Wenka Culture. Cette dynamique environnementale suscitée par Wenka Culture a encouragé son équipe à créer des chantiers d’insertion en menuiserie, qui consistent de façon ingénieuse à recycler des palettes en diverses formes de mobilier : chaises, lits, étagères, portes... Les apprentis apprennent ainsi à travailler le bois, en étant accompagnés par un encadrant en insertion profesionnelle. Les productions, réalisées à réception des commandes des particuliers et des entreprises de l’île, sont vendues au profit de Wenka Culture. Un modèle de développement inspirant pour cette association qui a su s’adapter à un contexte social difficile (« Au deuxième trimestre 2020, le taux de chômage à Mayotte s’établit à 28 % de la population active », Insee) et qui, au plus près de la population locale, tente de faire de la maîtrise du circuit des déchets, depuis la production jusqu’à la valorisation, un tremplin d’insertion économique. Contact : Anli Tadjidine | contact@wenka-culture.org

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Le littoral face au recul du trait de côte Nos

populations de métropole et d ’ outre - mer vivent depuis des siècles sur le littoral et se sont

adaptées aux différents aléas et contraintes qui y sont liés.

Pourtant les manifestations des variations

du trait de côte, les submersions marines et autres évolutions naturelles nous rappellent combien l’utilisation du littoral peut être entravée, et combien ce dernier est fragile voire éphémère.

Rappelons que si l’érosion côtière peut être générée par l’activité et l’occupation humaine, elle est principalement causée par des processus naturels tels que les mouvements répétés des vagues, les phénomènes climatiques (tempêtes, cyclones, vents forts, périodes de gel et dégel…), etc., et si nos territoires ultramarins concentrent des difficultés semblables à leurs homologues métropolitains, leur réalité est largement aggravée par le contexte insulaire, l’éloignement, parfois la faible ou à l’inverse l’importante superficie, des fortes densités d’occupation de la population sur le littoral, de solides pressions démographiques et surtout une accumulation de phénomènes climatiques toujours plus imprévisibles, violents, à la récurrence et aux conséquences incertaines. Ainsi, dans nos territoires ultramarins, en raison de caractéristiques physiques, il sera impossible de « reculer indéfiniment » nos espaces côtiers pour assurer les besoins en urbanisation. C’est pourquoi nous devons impérativement nous atteler à mettre en place des outils adaptés (techniques, juridiques et financiers) qui permettront d’éviter, de réduire ou, dans certains cas, de faire obstacle à l’altération de nos littoraux. Parce que l’érosion pourrait avoir des conséquences économiques, environnementales et humaines désastreuses, l’homme ne peut s’accommoder de cet état qu’en s’y adaptant. Il est donc aujourd’hui, plus que jamais, nécessaire d’accorder une attention toute particulière au phénomène d’érosion côtière dans le cadre du développement de nos territoires en réfléchissant à de nouvelles politiques d’aménagement et d’urbanisme sur les façades littorales. Il sera nécessaire d’adapter la réglementation au phénomène mais aussi et surtout aux risques, de revoir nos habitudes d’utilisation et de pressions sur les zones côtières... Depuis de nombreuses années, la communauté scientifique attire notre attention sur les facteurs et conséquences de l’érosion côtière, à l’instar de l’association EUCC-France qui a organisé de nombreux ateliers sur le sujet. En parallèle, les initiatives visant à mieux appréhender le sujet émergent et nous ne pouvons que nous en réjouir. Alors que certains interpellent sur la nécessité d’une vigilance accrue face aux risques littoraux, d’une adaptation des documents d’urbanisme permettant une réorganisation de l’utilisation du littoral, d’autres penchent

Photos de haut en bas : l’érosion de la plage d’Awala-Yalimapo en Guyane ; le littoral réunionnais. © Yvonne Battiau-Queney EUCC-France. http://www.euccfrance.fr/

pour conserver voire renforcer l’attractivité du littoral afin de préserver l’activité touristique et économique. Les travaux et réflexions menés doivent tenir compte de cet équilibre à trouver entre préservation et valorisation économique. Depuis plusieurs années, l’Association nationale des élus du littoral (l’ANEL), fortement engagée auprès des élus de toutes les façades qui font face aux situations d’urgence déclenchées par l’érosion côtière tant sur le littoral métropolitain qu’ultramarin, et Interco’ Outre-mer ont réuni leur force en menant des actions communes, en organisant des conférences et colloques sur le sujet, en alertant les autorités publiques et parlementaires à différentes reprises, en collaborant à la mise en place d’ateliers scientifiques pour une meilleure connaissance du phénomène d’érosion côtière en métropole et en outre-mer. Inévitablement se pose la question des moyens à mettre en place pour limiter au maximum les conséquences de l’érosion côtière qui promettent à long terme d’être désastreuses. Il faut malheureusement compter sur un accroissement et un développement des facteurs d’érosion côtière et particulièrement en outre-mer. Nous devons tirer les leçons du passé, du présent et anticiper celles du futur pour l’aménagement et l’utilisation de nos littoraux.


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Projet de loi Climat et Résilience : Défendre une politique globale et ambitieuse de gestion des risques littoraux Le projet de loi portant lutte contre le changement climatique présenté en Conseil des ministres le 10 février, adopté à l’Assemblée nationale le 4 mai, est actuellement en cours d’examen au Sénat. Initialement, il ne prévoyait qu’un seul article relatif à l’érosion côtière (article 58) dans lequel le gouvernement demandait habilitation de procéder par voie d’ordonnance. L’examen du texte à l’Assemblée nationale puis au Sénat (où les débats sont encore en cours), a déjà permis son enrichissement mais soulève encore des inquiétudes.

témoignage Anne-sophie leclère DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE DE L’ANEL - « Plusieurs associations d’élus, dont l’Association nationale des élus du littoral (ANEL) alertent sur le manque d’ambition du texte au regard des enjeux posés pour les territoires littoraux, et s’inquiètent de l’absence de financements prévus par l’État alors que celui-ci place les collectivités en première ligne en termes de responsabilités face à de « nouveaux » risques.

Les communes particulièrement soumises à l’érosion (liste qui sera définie par décret), devront réaliser la cartographie des zones soumises au recul du trait de côte, à échéance de 30 et 100 ans et l’intégrer dans le PLU(i), permettant de déclencher une série de mesures inscrites au Code de l’urbanisme. Si certaines dispositions font consensus, par exemple l’amélioration de l’information des acquéreurs et locataires, la création d’un bail réel immobilier ou encore la mise en place d’un droit de préemption spécifique, permettant aux collectivités d’acquérir des biens menacés par l’érosion, des questions de fond demeurent : • À terme, quelle vision de l’aménagement du littoral en métropole et outre-mer, induisant des débats sur l’avenir des activités économiques, et services publics situés à proximité du bord de mer, mais aussi la vie des habitants et leur droit de propriété, dans une recomposition spatiale incontournable ? • Quelle prise en compte des autres axes d’intervention pour limiter les conséquences de l’érosion, comprenant les dispositifs de protection, ainsi que l’information des populations, dans le cadre de stratégies locales adaptées aux situations ? • Et enfin, quel financement pour les collectivités concernées ? Le sujet du financement n’est pour l’instant pas arbitré, alors qu’il est indispensable pour faire face aux multiples

conséquences de l’érosion côtière et à ses enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Si l’on ajoute les conséquences de l’effet du changement climatique sur les côtes métropolitaines et ultramarines, il devient évident que les collectivités ne pourront pas, seules, relever le défi et financer les actions à mener sur le court et le long terme. C’est pourquoi l’ANEL estime qu’un fonds national dédié doit être créé pour permettre le financement des acquisitions foncières, les démolitions et la renaturation des espaces, ainsi que les nécessaires travaux d’aménagement préalables à une recomposition spatiale, dans une démarche de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales. S’agissant de l’outre-mer, ce même article 58 dispose que des mesures d’adaptations puissent être prévues par ordonnance, en particulier en ce qui concerne la zone des 50 pas géométriques. Cette formulation ne semble pas suffisante pour garantir la bonne prise en compte des spécificités de ces territoires, particulièrement exposés à l’érosion côtière et aux effets du changement climatique. Il s’agit d’une lacune du texte actuel. Interco’ Outre-mer soutient pleinement les actions et propositions de l’ANEL visant à attirer l’attention des élus ultramarins sur l’insuffisance de la prise en compte de l’outre-mer. L’Association des maires de France (AMF) et le Centre européen de prévention des risques d’inondation (CEPRI) ont rejoint l’ANEL dans ces actions visant à alerter sur les enjeux de l’érosion côtière et plus largement appelant l’État à se saisir de ce projet de loi pour enfin soutenir une politique forte permettant l’adaptation des territoires littoraux à l’érosion et aux impacts du changement climatique. Retrouvez le communiqué de presse des trois associations et toutes les informations complémentaires sur le site internet de l’ANEL : http://anel.asso.fr/ »

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île de la réunion La croissance bleue au centre des réflexions du cluster maritime de la Réunion l’antenne réunionnaise du

CMF 1 promeut les activités maritimes dans le sud - ouest de l’océan I ndien et étudie leurs possibilités de développement. En fédérant autour d’elle les acteurs économiques réunionnais de la mer, elle prend part à des projets structurants, dans des filières où les enjeux de transition écologique et énergétique recèlent des opportunités de croissance et d’innovation. Fondé en 2011 par et pour les professionnels de la mer, le Cluster maritime de La Réunion (CMR) rassemble aujourd’hui 28 entreprises ou groupes issus de secteurs économiques variés : services, pêche, recherche, transport maritime, tourisme bleu, énergies marines renouvelables, infrastructures, industrie, formation, banques, assurances. Son rôle de « caisse de résonance » lui permet de favoriser entre ses membres des synergies propices à l’innovation et au développement de filières stratégiques dans un contexte de transition énergétique et écologique. « Le milieu maritime est un immense terrain de jeu pour développer des projets innovants qui iront dans ce sens : la protection de l’environnement et l’exploitation durable des ressources en mer. Les challenges qui nous attendent demain en matière d’économie bleue sont considérables », estime Sébastien Camus, élu en juillet 2020 à la présidence du CMR. Parmi ses projets en cours, l’association contribue par exemple à accompagner la mise en place d’une filière réunionnaise de construction, maintenance et déconstruction navale. Elle réalise ainsi une étude pour évaluer le potentiel des compétences disponibles localement, mais aussi les besoins en formation. « Pour répondre aux enjeux environnementaux actuels, ce projet de filière devra se construire dans une perspective d’économie circulaire », considère Sébastien Camus. L’objectif est de limiter les impacts sur la nature des futures activités navales, en privilégiant l’éco-conception des navires mais aussi, quand ceux-ci arrivent en fin de vie, un processus de démantèlement encadré : dépollution, gestion des déchets, traitement des matières polluées, valorisation des matériaux recyclables. De plus, le CMR soutient les projets de développement des énergies renouvelables marines sur le territoire, et notamment l’éolien flottant. Sur ce sujet, des groupes de travail seront envisagés d’ici la fin de l’année, de même

que sur les thématiques de la déconstruction de navires, de l’attractivité des métiers du maritime ou encore de la formation, avec l’appui d’un animateur recruté fin 2020. Par ailleurs, le CMR souhaite renforcer ses partenariats avec les acteurs de l’environnement marin, du tourisme et de la plaisance, afin de soutenir les initiatives locales qui feront de la mer le moteur économique d’un tourisme côtier et maritime durable. Enfin, il noue des partenariats permettant de faire découvrir au grand public les métiers du secteur maritime. Le CMR organise notamment la journée de la Mer, comme le précise son secrétaire général Loïc Le Foulgoc : « Cette journée, qui a lieu habituellement dans le cadre du festival de l’Océan, rassemble les acteurs du milieu maritime autour de stands et d’animations, pour faire découvrir au plus grand nombre les possibilités d’activités et d’emplois autour de l’économie bleue. Cette année encore, nous souhaitons organiser l’événement et invitons les Réunionnais à y participer dès qu’une date sera arrêtée. »

Emmanuelle Hoareau, trésorière du CMR et directrice générale de CMA CGM Réunion ; Sébastien Camus, président du CMR et de Réunimer ; Frédéric Royer, secrétaire du CMR et président du Syndicat professionnel de pilotage maritime de La Réunion (SSPMR). | En haut : la journée de la Mer.

« Le Cluster maritime français a initié la création de Clusters maritimes d’outre-mer pour réunir les acteurs maritimes locaux, porter leurs projets et développer le secteur maritime local. » (www.cluster-maritime.fr). Les clusters suivants ont ainsi été créés : Guadeloupe (2011), Réunion (2011), Guyane (2012), Martinique (2013), Polynésie (2014), Nouvelle-Calédonie (2014), Saint-Pierre-et-Miquelon (2016).


l’E-MAG ultramarin de l’environnement Le port pendant les « Nuits sans lumière ». © GPMDLR | Gilles Ham-Chou-Chong

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la préservation de l’avifaune marine menacée Pour mieux connaître la biologie du pétrel de Barau et du puffin tropical, le Grand port maritime de La Réunion (GPMDLR) – ou Port Réunion – a réalisé en partenariat avec Biotope et la SEOR 1, de 2009 à 2015, un diagnostic et un suivi écologique des oiseaux marins dans le périmètre de la circonscription portuaire. Des actions sont aujourd’hui mises en place pour limiter les échouages d’oiseaux dus à la pollution lumineuse, comme la réduction chaque année des éclairages pendant la période d’envol des jeunes pétrels. Le pétrel de Barau est un oiseau marin endémique de La Réunion, classé en danger d’extinction depuis 2000 par l’IUCN. Cette espèce migratrice vit en mer tout au long de l’année et revient sur l’île pour se reproduire. Les oiseaux rejoignent ainsi dès le mois d’août, à la nuit tombée, leurs colonies établies aux abords du Piton des neiges et du Grand Bénare, entre 2 800 et 3 000 mètres d’altitude. À la fin de la saison de reproduction, en avril ou mai, les juvéniles effectuent leur premier envol vers la mer. Ils quittent la colonie après le coucher du soleil et se dirigent vers l’océan, guidés par les reflets de la lune et des étoiles sur l’eau. Lors de la phase de nouvelle lune, ils peuvent être désorientés par les lumières artificielles qu’ils confondent avec le reflet des astres. Ils s’échouent alors au sol et sont incapables de reprendre seuls leur envol. Livrés à eux-mêmes, ils sont voués à une mort certaine. Afin de lutter contre cette mortalité fortement préjudiciable pour l’espèce, la SEOR met en oeuvre tous les ans depuis sa création en 1997 une campagne de sauvetage des jeunes pétrels de Barau signalés en difficulté, et ce sur l’ensemble de l’île, pour sauver le maximum d’oiseaux.

pour réduire la pollution lumineuse en fonction des mouvements des navires et des activités sur les terre-pleins du Port. En partenariat avec la SEOR, des actions de sensibilisation sur la préservation de l’avifaune sont organisées auprès des salariés de Port Réunion. Une procédure de sauvetage des oiseaux échoués est en place au sein du Port : gestes à adopter en cas d’échouage d’un pétrel ou d’un puffin, rappel de l’existence à Port Est d’un point de relais, où les oiseaux échoués dans le port sont recueillis, en attendant la venue de la SEOR... Ces séances se terminent parfois par un symbolique « lâcher de pétrels », des oiseaux qui rejoignent la mer après avoir été secourus au centre de soins de la SEOR. Cette association, dont la convention de partenariat avec Port Réunion va être reconduite pour trois ans, aide le Grand port maritime dans le choix des éclairages à mettre en place dans les projets inscrits au Projet stratégique 2019-2023. Dans ce cadre, pour protéger au mieux l’avifaune marine, Port Réunion travaille à la mise en place d’un système de télégestion des éclairages afin de faciliter les opérations de réduction de la pollution lumineuse, actions qui seront directement pilotées par le service de la Capitainerie.

Acteur très engagé au service de l’environnement, Port Réunion, dirigé par Éric Legrigeois, est investi dans la protection de cette espèce, ainsi que du puffin tropical notamment. L’étude du suivi de l’avifaune marine, menée avec Biotope et la SEOR de 2009 à 2015, a notamment permis de faire progresser les connaissances sur la biologie de ces espèces, grâce à un véhicule équipé d’un radar, conçu pour évaluer les périodes d’envol, les heures privilégiées, les hauteurs de vol... Ce suivi de l’avifaune marine était demandé dans les arrêtés préfectoraux d’autorisation d’exploiter les silos du GPMDLR. Chaque année, Port Réunion participe par ailleurs aux opérations de réduction de la pollution lumineuse qui ont lieu en période de vigilance d’échouage des jeunes pétrels. Pendant ces « Nuits sans lumière », l’éclairage du Port Ouest et du Port Est est considérablement diminué. Le service d’astreinte du GPMDLR intervient chaque soirée sur chaque mât  Société d’études ornithologiques de La Réunion.

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Le pétrel de Barau, espèce endémique protégée de La Réunion, est classé en danger d’extinction. © GPMDLR | Éric D’Zoao

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publi-communiqué grandeur Nature + d’info ici : www.cirad.fr

Food-Sec Semence ou comment relancer une filière régionale de semences et de plants sains dans le sud-ouest de l’océan Indien Coordonné par le Cirad à La Réunion et à Madagascar, le Centre national de recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) à Madagascar, le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI) à Maurice, la National Biosecurity Agency (NBA) aux Seychelles 1 et l’université des Comores, le projet FoodSec Semence œuvre à la relance d’une filière régionale professionnalisée de semences et plants sains, à des fins alimentaires et nutritionnelles sur quatre territoires : Madagascar, les Comores, les Seychelles, Maurice. Officiellement lancé en mars, le projet Food-Sec Semence s’inscrit dans le cadre du programme régional sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle Food-Sec, cofinancé par l’Union européenne (Fonds européen de développement) et bénéficie d’un partenariat avec la Commission de l’océan Indien (COI).

Améliorer l’accès des paysans à des semences et des plants sains dans un contexte très hétérogène Ce projet de coopération régionale concerne le manioc, la pomme de terre, le maïs et les légumineuses. Son objectif est de proposer aux paysans des semences et des plants sains adaptés aux pratiques agroécologiques locales et dont la qualité nutritionnelle est améliorée. L’enjeu est de pérenniser l’accès des paysans à des semences de qualité et de renforcer la capacité des acteurs à maîtriser et à optimiser les différentes étapes de la multiplication et de la production de semences et de plants sains « certifiés ». Le contexte régional est loin d’être uniforme et les attentes et besoins locaux sont sensiblement différents. À Madagascar et aux Comores, les populations sont majoritairement rurales et vivent d’activités agricoles, leurs conditions de vie sont fragiles et vulnérables face au changement climatique. Maurice et les Seychelles sont très dépendants des importations agricoles alimentaires. Afin de gagner en autonomie alimentaire, ils souhaitent développer durablement ce secteur.

Un projet à des fins opérationnelles pour le développement des territoires Avant toute chose, un état des lieux est nécessaire afin de décrire la diversité des situations agroéconomiques locales et d’analyser les attentes et les besoins des paysans. Une analyse des filières ciblées et une typologie des paysannats seront ainsi réalisées dans chacun des quatre pays membres du projet. Les actions à entreprendre seront basées sur ce diagnostic afin de lever les blocages identifiés. Le matériel végétal de base sera produit et testé chez des paysans relais selon des pratiques agroécologiques adaptées, puis diffusé à plus large échelle. Parallèlement des catalogues de variétés élites prioritaires seront constitués dans chacun des pays participants. Enfin une synthèse critique des actions conduites dans le projet sera réalisée en concertation étroite avec les instituts et les autorités nationales. Des recommandations seront alors partagées et des plans d’actions proposés dans ces domaines : renforcement des activités de recherche pour la production de semences ; définition et mise en œuvre d’un cadre législatif ; appui technique et formation des paysans et des groupes ou coopératives ; renforcement des interactions entre les acteurs semenciers ; création de techniques de financements permettant aux paysans d’acquérir plus aisément des semences améliorées et plus faciles d’accès. La synergie entre les différents projets de la zone, notamment les projets de coopération scientifique régionale Germination et Epibio-OI, permettront des bénéfices réciproques par le partage des techniques et ressources développées. Rendez-vous en 2025 pour les résultats ! Ce projet est cofinancé par l’Union européenne et mis en œuvre en partenariat avec la Commission de l’océan Indien (COI)

+ d’info ici : (merci de cliquer sur les deux logos) Production de plants sains de maïs dans le cadre des travaux du Cirad sur le projet Food-Sec Semence. © Hélène Delatte| Cirad

Maintenant division du ministère de l’Agriculture.

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La valorisation du patrimoine maritime réunionnais par la case marine

À Terre-Sainte, quartier atypique de Saint-Pierre, la Case marine héberge un espace patrimonial unique. À travers son exposition permanente et gratuite «Terre de pêcheurs », elle relate l’histoire de l’ancienne bourgade de marins et du port de Saint-Pierre.

Depuis Saint-Pierre, il suffit de longer le front de mer et de franchir le pont de la rivière d’Abord, à quelques pas du siège des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), pour accéder au 26 rue Amiral Lacaze. Dans la cour de la maison bleue à l’architecture créole, Le Fougueux et son ancre massive donnent le ton de cette adresse résolument dédiée à l’univers maritime. Le canot en bois de tamarins des Hauts a été fabriqué par des jeunes dans le cadre du projet « La mer, levier de découverte, d’insertion et d’intégration sociale » soutenu par l’Afemar, association des femmes de marins pêcheurs de Saint-Pierre. Sa présidente, Yolaine Boutillon, nous ouvre avec fierté les portes de la Case marine : « C’est l’histoire de Terre-Sainte qui est racontée ici. Les habitants du quartier se retrouvent énormément dans cet espace, ils sont émerveillés. Certains d’entre eux accompagnent nos visiteurs en balades guidées. Ils exercent ainsi un devoir de mémoire et de transmission, et ont à cœur de faire connaître l’âme du quartier aux générations futures. » En plus de l’exposition, des animations sont proposées pour tout public sur réservation : activités manuelles, jeux divers, journées et week-ends à thème... Patrimoniale, ludique et éducative, c’est ainsi que l’Afemar définit la vocation de la Case marine, qui a vu le jour grâce à l’accompagnement du pôle valorisation de la ville de SaintPierre et au soutien financier de la mairie de Saint-Pierre, de la Région Réunion, du Crédit Agricole et de la Fondation d’entreprises des Mers australes. Delphine Ciolek, Secrétaire générale de la Fondation, ajoute : « Nous avons été immédiatement séduits par ce projet, pour sa valeur ajoutée en termes de transmission envers un public de tout âge, des

Contact : afemarcasemarine@gmail.com

plus petits aux plus grands. Valoriser le patrimoine maritime de la Réunion fait en effet partie de nos priorités ». Terre-Sainte, ancien village de pêche artisanale côtière, évoque encore côté mer la Réunion lontan, avec son labyrinthe de ruelles sinuant entre les cases en tôle, sa petite plage paisible bordée d’immenses banians où les pêcheurs entreposaient il y a encore quelques années leurs canots traditionnels, et sa longue jetée qui traverse le lagon jusqu’au phare. Néanmoins, au fil du temps, le visage du quartier a changé. « Les habitants d‘ici, qui sont encore pour beaucoup des familles de pêcheurs ou d’anciens pêcheurs, souhaitent que perdure l’esprit originel de Terre-Sainte. Ils regrettent l’ampleur prise par les nouvelles constructions. Ils se souviennent qu’ici on se nourrissait essentiellement de poissons, d’oursins, de coquillages, mais voient bien que la mer n’est plus aussi nourricière qu’avant. Ils aimeraient préserver l’environnement qui faisait l’identité de ce lieu. »

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grandeur Nature © Sophie Beaujard

TAAF UN NOUVEAU TIMBRE célèbre LA 43ème RéUNION CONSULTATIVE SUR LE TRAITé SUR L’ANTARCTIQUE

© Nelly Gravier | TAAF

Terres éloignées, inhabitées ou presque, les Terres australes et antarctiques françaises fascinent, inspirent et occupent une place à part dans l’outre-mer. Comme une invitation au voyage vers cet exotisme sauvage, les TAAF possèdent également la particularité, depuis 1955, d’émettre leurs propres timbres. À l’occasion de la 43ÈME réunion consultative sur le traité de l’Antarctique (RCTA) qui se déroulera du 14 au 24 juin à Paris, un bloc timbré « hors programme » a été édité sur la Terre Adélie. Chaque année, les États parties au Traité se réunissent dans le cadre de la RCTA « en vue d’échanger des informations, de se consulter sur des questions d’intérêt commun concernant l’Antarctique, d’étudier, formuler et recommander à leurs gouvernements des mesures destinées à assurer le respect des principes et la poursuite des objectifs du Traité » (article IX). Le Traité sur l’Antarctique, signé à Washington le 1er décembre 1959 par 12 pays, est entré en vigueur le 23 juin 1961 et regroupe aujourd’hui 54 nations. Parmi elles, 29 États, dont la France, peuvent directement prendre part aux prises de décision, avec un droit de vote : ce sont les « parties consultatives ». Le Traité pose quatre principes fondamentaux pour l’ensemble de cette région située au sud du 60ème parallèle sud : - l’autorisation donnée aux seules activités pacifiques ; - la liberté de la recherche scientifique et la coopération internationale à cette fin; - le statu quo sur les revendications territoriales ; - la protection de l’environnement. Depuis le 14 janvier 1998, la protection de l’environnement en Antarctique est renforcée par le Protocole de Madrid, qui complète le Traité de Washington en érigeant

l’Antarctique en « réserve naturelle dédiée à la paix et à la science ». Chaque année, le Comité pour la protection de l’environnement (CPE) institué par le Protocole de Madrid se rassemble en parallèle de la RCTA et lui apporte conseils et expertises scientifiques. L’administration supérieure des TAAF est l’autorité nationale française compétente pour mettre en œuvre les dispositions du Protocole de Madrid encadrant les activités humaines en Antarctique. Cette année, afin de commémorer la troisième RCTA organisée par la France depuis sa création, la commission philatélique des TAAF propose un bloc-feuillet spécifique qui met à l’honneur la biodiversité de la Terre Adélie. L’artiste, Sophie Beaujard, met en scène trois espèces endémiques – le manchot empereur, le phoque de Weddell et la sterne antarctique – dans leur milieu naturel : un paysage polaire et escarpé dans lequel une petite tour Eiffel glacée réussit tout de même à trouver sa place ! La vente de ces collections de timbres représente une part non négligeable du budget des TAAF. Nombreux sont les philatélistes et les marcophilistes dans le monde qui attendent avec impatience et conservent avec minutie ces petits voyageurs de papiers, comme des témoins d’un ailleurs onirique du bout du monde… + d’info ici : https://atcm43paris.fr/


l’E-MAG ultramarin de l’environnement

NOUVELLE-CALÉDONIE UN LIVRET PéDAGOGIQUE dédié aux ZONES HUMIDES du « caillou »

Le Centre d’initiation

à l’environnement de

Nouvelle-Calédonie (CIE.NC)

complète sa collection de

livrets pédagogiques sur les milieux naturels avec la publication cette année d’un ouvrage sur les zones humides.

Soigneusement imagé et accessible à un très large public, en particulier les scolaires, ce nouvel outil de sensibilisation constitue un support idéal pour comprendre, découvrir mais aussi agir pour les zones humides néo-calédoniennes. Le 2 février 2014, à l’occasion de la journée mondiale des Zones humides, les Lacs du grand sud néo-calédonien ont été officiellement reconnus comme zone humide d’importance internationale en recevant le label Ramsar 1. Il s’agit en effet de la plus grande réserve d’eau douce du « caillou », une étendue de près de 44 000 hectares qui abrite une biodiversité extrêmement riche, en particulier pour la faune et la flore endémique : « plus de 1 000 espèces végétales et 2 000 espèces animales endémiques y sont recensées. À ce titre, ce périmètre abrite 75 % des espèces de poissons endémiques calédoniennes », déclare la Province Sud. La Nouvelle-Calédonie possède ainsi une responsabilité forte en termes de conservation de ces espèces uniques au monde et de leurs habitats. Depuis plusieurs années, décideurs, gestionnaires ou encore associations locales montent en puissance pour relever ce défi de conservation des zones humides et œuvrent pour l’appropriation de cette problématique par la population locale. Et avec le CIE.NC, cela commence dès l’école ! C’est dans cette dynamique que l’association publie ce livret didactique et ludique de 36 pages qui explique de manière très synthétique la définition

des zones humides, les bienfaits qu’elles apportent à la vie quotidienne des habitants, les dangers qui menacent ces milieux naturels fragiles, mais aussi les actions déjà existantes localement et celles à mettre en œuvre par les élèves, au sein même de leur classe. L’ouvrage, très coloré et illustré, y compris de nombreux dessins, consacre 18 pages à la flore et la faune des zones humides calédoniennes : fiches d’identité, statuts des espèces, caractéristiques biologiques ou encore particularités notables, de quoi devenir incollable sur les habitants des lacs, mares, dolines, prairies humides ou encore lagunes de Nouvelle-Calédonie.

Pour consulter le livret, merci de cliquer sur le visuel de couverture ci-dessus (© CIE.NC).

+ d’info ici : Le site Ramsar des Lacs du grand sud néo-calédonien Photo : l’imposant et surprenant lac de Yaté. S’étirant sur 4 000 hectares et 22 kilomètres de long, ce lac de barrage laisse encore apparaître les cimes argentées d’une forêt aujourd’hui noyée. © Romy Loublier

Label issue de la convention internationale Ramsar signée en 1971 et ratifiée à ce jour par 170 pays, qui regroupe, au 2 février 2021, 2 416 sites dans le monde : parmis eux, 50 sont situés en France, dont 12 dans les territoires ultramarins.

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grandeur Nature

polynésie française Mata tohora, un réseau associatif engagé pour la protection des cétacés Depuis huit ans, l’association mène des activités à buts scientifique et pédagogique au bénéfice des mammifères marins . S on réseau d ’ observateurs s’élargit toujours un peu plus dans les cinq archipels, avec des échanges riches d’informations.

Améliorer les connaissances et les transmettre, former, informer, sensibiliser et communiquer, telles sont les missions de l’association Mata Tohora 1 basée à Tahiti, référente pour la protection des cétacés et des échouages en Polynésie française. « Face à des menaces de plus en plus nombreuses, protéger les cétacés reste au cœur de nos préoccupations, dans l’ensemble des îles de la Polynésie », déclare l’océanologue Agnès Benet, fondatrice et directrice de l’association, et par ailleurs représentante de l’Ifrecor dans le territoire. Grâce à son équipe composée de chercheurs en biologie marine et de vétérinaires, l’association crée des programmes de recherche pour mieux connaître les cétacés, identifier et mesurer les dangers auxquels ils sont confrontés ou qui les menacent, de façon à proposer au gouvernement de la Polynésie française des mesures de protection adaptées. Dans un esprit pluridisciplinaire, Mata Tohora fédère des passionnés de mammifères marins, professionnels ou amateurs, dans les cinq archipels : les bénévoles qui font partie de son réseau sont formés pour intervenir en cas de problèmes (baleines ou dauphins pris dans des filets ou dans des lignes perlières, échouage de cétacés...) et plusieurs activités et événements sont proposés tout au long de l’année : études, stages, conférences, communication grand public et notamment sur l’eau, sensibilisation dans les écoles... Comme le précise Agnès Benet, « une des actions sur laquelle nous avons près de 10 ans de recul est le programme “  C’est Assez ! ” qui consiste à sensibiliser les usagers de la mer aux observations respectueuses, et à continuer la recherche sur les baleines et les dauphins de Polynésie, notamment les études comportementales ».

Un Haka pour les cétacés !, clip tourné aux Marquises.  Signifie en polynésien « l’œil de la baleine ».

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Malgré la persistance de dérangements volontaires des cétacés liée à la présence de bateaux ou aux mises à l’eau, l’association constate une réelle prise de conscience de la part des usagers. « Nous recevons beaucoup d’appels de personnes à terre ou en mer pour nous informer des dérangements ou tout simplement de la présence des baleines. Cela indique que notre sensibilisation a eu un effet positif sur les mentalités en général et aussi auprès des observateurs en mer, dont certains ont reconnu avoir changé leur façon d’approcher les cétacés pour ne plus les perturber, grâce à nos explications », témoigne la fondatrice de Mata Tohora. Avec près de cinq millions de km2 de surface maritime, la Polynésie française est un des plus grands sanctuaires au monde de mammifères marins. Les animaux y sont protégés notamment de la pêche et de la capture, et les observations réglementées en termes de distances d’approche. Dans le territoire, l’activité de whale watching a débuté en 1992 à Moorea, puis en 1995 à Rurutu, dans les îles Australes. Très rapidement, d’autres opérateurs sont apparus à Tahiti et à Moorea et depuis 2010, le whale watching est en plein essor. Aux professionnels autorisés par la direction de l’Environnement s’ajoutent les plaisanciers, essentiellement à Tahiti et Moorea. « En 2020, on compte près de 50 opérateurs et plus de 60 bateaux autorisés à exercer le whale watching à but commercial » indique Agnès Benet, qui ajoute : « pendant la saison la plus propice à l’observation des baleines à bosse (photo ci-dessus, NDLR), de juillet à octobre, nous avons pu compter 21 bateaux encerclant une baleine avec son baleineau et 48 personnes dans l’eau entourant les animaux. En effet, en Polynésie française, le nombre de bateaux et de nageurs présents sur zone, ainsi que la durée d’observation des animaux ne sont pas limités par le Code de l’environnement. Ainsi, à Moorea, île sœur de Tahiti dotée de 72 kilomètres de littoral, nous pouvons observer un va-et-vient de bateaux touristiques avec 12 passagers à bord en moyenne, de 6h à 18h, ce qui laisse très peu de moments de tranquillité aux baleines. Le Code de l’environnement ne prévoit pas de temps de quiétude à ce jour, contrairement à la Nouvelle-Calédonie par exemple ». Le label Mata Tohora a justement intégré ces manques afin de proposer aux touristes écoresponsables la possibilité d’observer les baleines en exerçant le moins possible de pressions sur elles. Le label valorise les opérateurs labellisés qui acceptent ces conditions, certes plus contraignantes, mais indispensables aujourd’hui à la protection des cétacés. + d’info ici : Mata Tohora | matatohora@gmail.com


l’E-MAG ultramarin de l’environnement

wallis-et-futuna

la biosécurité à Alofi renforcée par la prévention de l’introduction du rat noir

Considéré comme extrêmement nuisible, le rat noir, qui est présent à Wallis et sur ses îlots ainsi qu’à Futuna, est pour l’heure absent d’Alofi. Son introduction aurait des conséquences très néfastes sur la biodiversité de la petite île inhabitée 1, en particulier sur les oiseaux, les crabes de cocotiers et les tortues. Il pourrait également causer d’importants dommages aux cultures. Depuis 2017, le service territorial de l’Environnement met en œuvre un dispositif de biosécurité à Alofi, où cohabitent deux espèces de rongeurs – rat polynésien et surmulot – le but étant de prévenir l’introduction accidentelle du rat noir. En effet, si le nombre de visiteurs d’Alofi n’est pas connu, des résidents du royaume d’Alo se rendent quasi quotidiennement sur l’île pour cultiver leurs champs : tarot, kapé, igname, tabac et kava. De plus, Alofi est prisée par les chasseurs de crabes de cocotiers et le week-end, si la météo le permet, nombreux sont les résidents ou touristes de l’archipel qui viennent profiter de la plage d’Alofitai et du calme de l’île. Sur le sentier littoral d’Alofitai, des pièges appâtés, contrôlés toutes les trois semaines, ont ainsi été placés tous les 50 mètres sur près de trois kilomètres, soit 57 pièges pour sécuriser cette zone la plus fréquentée par les bateaux. Du 6 au 9 juillet 2020, une équipe du service territorial de l’Environnement a procédé à l’installation de 40 nouvelles stations de piégeage appâtées dans ce secteur le plus visité d’Alofi. Sur le site, les pièges sont dorénavant espacés de 25 mètres, de façon à améliorer l’efficacité du dispositif. En parallèle, des piégeages effectués pendant trois nuits sur plusieurs terrains cultivés à l’intérieur des terres sont venus confirmer l’absence de rat noir. 
Dans le cadre du volet « Espèces envahissantes » du projet PROTÈGE, la biosécurité est vouée à être encore renforcée, notamment via un projet de sensibilisation des visiteurs.  Seul un « gardien » réside à Alofi à l’année, sans avoir réellement de mission de surveillance environnementale.

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Ci-dessus : l’installation de pièges à rats à Alofi. | Ci-dessous : l’étude de rats capturés dans les îlots de Wallis.

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grandeur Nature

Fédérer l’outre-mer, favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable

MAI 2021 - n°4

e-mer outr deur Nature gran

L’E-MAG uLTRAMARIN

OcéIndia

de l’environnement

d ’a ngu illa les oise aux du B anc saint-barthélemy | 1 outr e - mer ière arB créé e en Guadeloupe | la prem ora naho e | la fédé rati on t e polynésie français

SOMMAIRE

une

océan austral | 3 4 8 9 11

édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Martin Saint-Barthélemy

l’expédition polar

12 13 14 18 20

pod de jean-louis étie

Guadeloupe Martinique Guyane Île de La Réunion Mayotte

25 29 32 33 1

nne

TAAF Nouvelle-Calédonie Wallis-et-Futuna Polynésie française rsité.

Agence régionale de la biodive

L’e-mag ultramarin de l’environnement 10 parutions par an, dont 2 thématiques Support d’information gratuit adressé aux : décideurs publics acteurs ultramarins de l’environnement académies d’outre-mer internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux (page Facebook

« Outre-mer grandeur Nature »...)

Outre-mer grandeur Nature, un support proposé par OcéIndia aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Pour toute question ou proposition de sujet, merci de contacter : Stéphanie Légeron, directrice de publication et rédactrice | Mail : oceindia@icloud.com Romy Loublier, rédactrice | Mail : romy.consult@gmail.com


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